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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 janvier 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 377) M. Troye procède à l'appel nominal à 1 heure.

Entre l'appel et le réappel il est procédé au tirage au sort des sections de janvier.

M. Troye lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Loo prie la chambre de rejeter la demande tendant à faire transférer à Dixmude le tribunal de première instance de Furnes. »

« Même demande de plusieurs habitants de Proven et de Nieucappelle. »


M. Clep. - Ces pétitions sont en quelque sorte le contre-pétitionnement contre des réclamations adressées récemment à la chambre, par quelques habitants de la ville et des environs de Dixmude, qui ont demandé le transfert audit Dixmude du chef-lieu de l'arrondissement judiciaire dont depuis des siècles le siège est établi à Furnes.

Comme les premières pétitions réclamant le transfert ont été renvoyées à la commission des pétitions qui n'a pas encore fait rapport, je demande qu'il plaise à la chambre de renvoyer également à la même commission des pétitions les requêtes dont vous venez d'entendre l'analyse et qui, contrairement à celles de Dixmude, réclament le maintien audit Furnes du chef-lieu du tribunal de première instance de ce nom.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Nieuport demande que la ville de Furnes demeure le chef-lieu des arrondissements administratif et judiciaire de ce nom. »

« Même demande des administrations communales de Beveren, Pervyse et Gyverinchove. »


M. Clep. - Messieurs, ces pétitions sont, en quelque sorte, encore le contre-pétitionnement contre des réclamations adressées récemment à la chambre, par quelques habitants de la ville et des environs de Dixmude, demandant le transfert audit Dixmude, du chef-lieu des deux commissariats de district réunis à Furnes.

Mais comme les pétitions dont vous venez d'entendre l'analyse réclament non seulement contre ledit transfert des commissariats de district, mais réclament encore pour le maintien audit Furnes du chef-lieu du tribunal de première instance de ce nom dont les pétitionnaires de Dixmude ont demandé également le transfert, je prie la chambre d'ordonner :

1° De renvoyer d'abord ces pétitions à la section centrale, chargée de l'examen du budget de l'intérieur où les réclamations contraires de Dixmude ont été renvoyées également ;

2° Et que ces mêmes requêtes soient renvoyées par après à la commission des pétitions chargée de faire rapport sur les pétitions contraires, également des habitants de la ville et des enviions de Dixmude.

M. le président. - Je ferai remarquer à M. Clep que la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur a terminé son travail et a nommé M. Prévinaire comme rapporteur.

M. Clep. - En ce cas je demanderai que les pétitions restent déposées sur le bureau pendant la discussion du budget.

- La proposition de M. Clep est adoptée.


» Les commis de troisième classe attachés aux bureaux de la maison de force de Gand prient la chambre d'allouer au budget de la justice la somme nécessaire pour élever leur traitement au maximum de 800 fr. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Quelques habitants de Tournay demandent que la garde civique soit divisée en deux bans, et que le premier ban, composé de jeunes gens et de veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soit seul astreint, en temps de paix, aux obligations imposées par la loi sur la jarde civique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La chambre de commerce et des fabriques d'Anvers présente des observations contre le projet de loi sur la compétence en matière civile et commerciale. »

- Renvoi à la section chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Wuyts, lieutenant des douanes à Thourout, présente des observations sur le projet de loi modifiant la loi sur les pensions. »

M. Dubus. - Messieurs, cette pétition mérite toute l'attention de la chambre. Comme la section centrale, qui a été chargée d'examiner le projet modifiant la loi des pensions, a terminé son travail et que le rapporteur a déposé son rapport, je demanderai que la requête du sieur Wuyts reste déposée sur le bureau pendant la discussion du projet dont il s'agit.

- Cette proposition est adoptée.


MM. Manilius et Julliot informent la chambre qu'une indisposition les empêche de prendre part à ses travaux


- Pris pour information.

M. Cools demande un congé de trois jours, à raison d'une indisposition de son père.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais de justice

Article 17

« Art. 17. Indemnité pour le greffier de la cour de cassation, à charge de délivrer gratis toutes les expéditions ou écritures réclamées par le procureur général et les administrations publiques : fr. 1,000.

- La section centrale propose le rejet de ce chiffre.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je ne puis me rallier à la suppression, proposée par la section centrale, du crédit de 1,000 fr., alloué pour indemnité au greffier de la cour de cassation, à charge de délivrer gratis toutes les expéditions ou écritures réclamées par le procureur général et par les administrations publiques.

Je crois, messieurs, que cette indemnité doit être provisoirement maintenue jusqu'à la révision très prochaine du tarif criminel de 1811. Il ne faut pas perdre de vue que la législation française sur les frais de justice est partie de cette base que le greffier de la cour de cassation doit être payé par abonnement ; en effet, une loi du 27 ventôse an VIII avait alloué au greffier de cette cour un abonnement de 36,000 fr., moyennant lequel il devait pourvoir à tous les frais de son greffe.

Cette loi n'est pas en vigueur chez nous, et le tarif de 1811 est muet en ce qui concerne les expéditions et les écritures délivrées par le greffier de la cour de cassation. Quand les cours d'appel remplissaient les fonctions de cour de cassation, cette lacune n'était nullement sensible, parce qu'alors le tarif était appliqué pour le greffe de la cour de cassation comme pour celui des cours d'appel.

Mais en 1832, lorsque la cour de cassation a été organisée, il a bien fallu pourvoir, à défaut d'abonnement, à l'indemnité qui était due au greffier ; et c'est alors que sur un rapport de M. Plaisant, alors procureur général de la cour de cassation, une indemnité de 1,000 fr. a été allouée au greffier pour ses frais d'expéditions et d'écritures délivrées au procureur général et aux autres autorités publiques qui ont le droit de les requérir.

Il convient, messieurs, que cette indemnité soit maintenue jusqu'au jour de la révision du tarif de 1811. Alors on réglera la taxe de ces écritures comme celle de toutes les autres écritures en matière criminelle. Entre-temps je demande que la chambre veuille maintenir une indemnité qui depuis quinze ou seize ans figure au budget de la justice et qui n'y figurera plus longtemps puisque nous touchons à la veille d'une révision générale des tarifs en matière répressive.

M. Toussaint. - Messieurs, l'honorable rapporteur de la section centrale n'a pas fait partie de la majorité qui a proposé la réduction de mille francs soumise à la chambre ; je crois dès lors devoir vous faire connaître les motifs qui ont guidé la majorité de la section centrale.

La section centrale a pensé que le traitement de 8,000 fr., d'une part, et les émoluments liquidés d'après l'arrêté royal de 1846, à 1,200 fr., ce qui fait ensemble 6,200 fr., sont une rémunération suffisante pour un service peu chargé, peu difficile. Ce chiffre est de 200 fr. plus élevé que le traitement du président du tribunal le plus occupé du pays.

Le décret de juin 1811 oblige tous les greffiers à fournir gratis au gouvernement et aux autorités tous les renseignements qui leur sont demandés. La section centrale a pensé qu'à défaut d'une taxe spéciale dans le tarif de 1811, toutes les écritures délivrées par le greffier de la cour de cassation tombent sous l'empire de cette disposition générale.

Je pense que ces explications suffiront pour que la chambre puisse se prononcer en connaissance de cause.

- Le chiffre de 1,000 francs est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Article 18

« Art. 18. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 32,615. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre à fr. 25,759-30.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, la section centrale propose de réduire le nombre des exécuteurs à un seul exécuteur assisté de deux aides par chaque ressort de cour d'appel. Je crois, messieurs, que cette réforme est possible et qu'elle pourra être réalisée au fur et à mesure des extinctions. Mais la section centrale demande qu'elle ait lieu immédiatement et que les exécuteurs dont les fonctions seraient supprimées par suite de cette réforme reçoivent, à titre de traitement d'attente, la moitié de leur traitement actuel. Je ne puis, messieurs, me rallier à cette proposition de la section centrale. Je crois que ce serait plonger (page 378) dans la misère des fonctionnaires, qui à raison même des fonctions qu'ils ont exercées ne pourraient plus trouver facilement d'autres moyens d'existence. Ainsi tout en reconnaissant que la réforme est nécessaire, possible, et qu'elle pourra s'exécuter dans un délai plus ou moins rapproché, je pense qu'il faut maintenir le crédit intégral et se contenter de la déclaration que fait le gouvernement, qu'il entre tout à fait à cet égard dans les vues de la section centrale, et que le nombre des exécuteurs sera successivement réduit à un seul exécuteur et à deux aides pour chaque ressort de cour d'appel.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, la section centrale est en désaccord avec le gouvernement sur un seul point, la réalisation immédiate de la réforme proposée. La section centrale voudrait que l'on fît tout de suite ce que le gouvernement reconnaît très possible, très praticable au point de vue des intérêts administratifs, mais dans l'avenir.

Y a-t-il maintenant une bonne raison qui puisse vous engager à retarder l'accomplissement d'une économie immédiate de 7,000 fr. et de 16,000 fr. dans l’avenir?

M. le ministre de la justice croit qu'il y a un inconvénient pour les personnes. Si cet inconvénient se présentait pour la première fois à l'appréciation de la chambre, M. le ministre pourrait, avec quelque espoir de succès, le faire ressortir ; mais la chambre n'a pas hésité à sacrifier des fonctionnaires qui avaient au moins autant de droits à la gratitude de la chambre et du pays que les exécuteurs des arrêts criminels. On a renvoyé des fonctionnaires administratifs, des employés des départements ministériels avec des traitements d'attente qui ne sont pas supérieurs à ceux que la section centrale conserve aux exécuteurs des arrêts criminels.

Le traitement normal de ces exécuteurs serait de 2,400 fr. ; aujourd'hui ils ont des traitements qui varient de 2,400 à 3,000 fr. et même 4,000 fr. Il est un exécuteur qui reçoit un traitement à peu près égal à celui d'un président du tribunal de première instance de la même localité. Ces choses ne sont pas convenables. Elles sont un motif de plus pour insister sur une économie qui, du reste, comme la section centrale le dit dans son rapport, et j'insiste sur ce côté de la question, qui, du reste sera un honneur pour le pays, pour la législature qui l'aura réalisée, puisque ce sera un premier jalon dans la voie d'une réforme pénitentiaire que nos mœurs appellent depuis longtemps.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, l'honorable M. Orts vient de dire qu'on avait sacrifié beaucoup d'autres fonctionnaires qui avaient plus de droits à la faveur de la chambre et du gouvernement. Il n'y a, selon moi, aucune analogie entre ces fonctionnaires et ceux dont il s'agit en ce moment. C'est justement parce que les exécuteurs des arrêts criminels sont dans une position anormale, qu'il faut agir vis-à-vis d'eux avec une équité toute particulière. Il est impossible que ces fonctionnaires rentrent dans la vie commune, où ils seront toujours frappés de cette réprobation qui s'attache au souvenir des fonctions terribles qu'ils auront exercées. Je crois donc qu'il serait inhumain de les supprimer sans leur donner un traitement suffisant pour qu'ils puissent subsister eux et leurs familles.

M. Orts, rapporteur. - Le traitement qui resterait aux exécuteurs des arrêts criminels, après l'adoption de la proposition de la section centrale, est parfaitement convenable pour des fonctionnaires qui, du reste, l'auront gagné à ne rien faire depuis 18 ans.

Dans notre système, nous donnons aux uns moitié du traitement actuel, c'est-à-dire 2,000 francs, aux autres 1,500 francs; beaucoup de fonctionnaires, mis à la retraite par mesure d'économie, à une époque où leur âge ne leur permet plus de suppléer à l'insuffisance de leurs ressources par l'exercice d'une profession, s'estimeraient très heureux d'avoir un traitement d'attente de ce chiffre.

M. de Mérode. - Je demande la parole uniquement pour protester contre la comparaison qu'on établit entre les exécuteurs des hautes œuvres et les autres fonctionnaires. Les premiers doivent être rétribués exclusivement en argent; chacun en comprend les motifs; et toute comparaison avec des présidents, juges de tribunaux et autres fonctionnaires me paraît hors des convenances. Certes, ce n'est pas dans l'intention de l'honorable préopinant; mais j'éprouvais le besoin de m'élever contre de pareils raisonnements.

- Le chiffre de 32,615 fr., proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 19

« Art. 19. Constructions, réparations et loyers de locaux.

« Charges ordinaires : fr. 35,000.

« Charges extraordinaires : fr. 10,000.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy) ; - Je proposerai de modifier le libellé de cet article de la manière suivante :

« Constructions, réparations, loyers de locaux et subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir des locaux convenables poulie service des tribunaux et des justices de paix. »

Je propose ce nouveau libellé pour éviter les difficultés que l'emploi de ce crédit pourrait amener avec la cour des comptes. De la manière dont l'article est libellé, le gouvernement ne pourrait employer le crédit que dans l’ordre des obligations légales qui lui sont imposées.

Mais il est de plus destiné à accorder des subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir des locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix lorsque la loi leur impose l'obligation de les fournir. Il est donc nécessaire que la mention soit insérée dans l'article afin d'éviter des difficultés de comptabilité.

- L'article est mis aux voix et adopté avec le nouveau libellé proposé par M. le ministre.

Chapitre VI. Publications officielles

Article 20

« Art. 20. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 96,000. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je demanderai que la chambre ajoute, comme l'année dernière, « pour laquelle il pourra être traité de gré à gré. » Le but de cette modification est de m'autoriser à traiter avec l'imprimeur actuel du Moniteur pour la continuation du service, sans adjudication publique, ce qui devrait avoir lieu en vertu de la loi sur la comptabilité, loi qui permet aussi l'exception, laquelle serait autorisée par la modification que je réclame.

Je crois qu'il serait impossible, en ce moment, au milieu de la session, de procéder à une adjudication. Le service du Moniteur se fait, d'ailleurs, avec régularité et beaucoup plus exactement qu'autrefois. Il y a lieu de le continuer.

J'espère, d'ailleurs, obtenir une réduction sur le prix actuel, par la nouvelle convention que je ferai avec l'imprimeur du Moniteur.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, le gouvernement vous demande, comme l'année dernière, de pouvoir traiter de gré à gré avec l'imprimeur du Moniteur et des Annales parlementaires.

La chambre ne s'est pas refusée à cette demande, lors de la discussion du budget de 1848, et pourquoi? C'est qu'elle pensait que cette latitude, accordée au ministre de la justice, le mettrait à même d'imprimer de notables améliorations à ce service. Ces améliorations étaient réclamées par plusieurs sections ; le rapport de la section centrale pour l'exercice 1848 en fait foi ; voici ce qui s'y trouve :

« La deuxième et la troisième sections désirent que, pour les Annales parlementaires, on fasse usage d'un papier meilleur, et qu'on emploie pour leur impression des caractères plus lisibles. »

M. le ministre prit alors l'engagement de satisfaire au désir exprimé par les sections.

Or, je vous le demande, messieurs, vous êtes tous à même d'en juger, le gouvernement a-t-il tenu ses promesses? Le papier s'est-il amélioré depuis l'année dernière ? Les caractères sont-ils plus lisibles ? Vous direz tous avec moi que le Moniteur et les Annales n'ont subi aucune amélioration.

Il y a plus : la composition en est toujours, comme par le passé, des plus défectueuses.

Nos Annales parlementaires fourmillent d'incorrections, d'erreurs; on s'en est plaint maintes fois dans cette enceinte; il importe en effet que la composition et l'impression de nos Annales et du Moniteur se fassent avec soin; car ces recueils, destinés à rassembler nos débats et les lois qui en sont la conséquence, seront dans l'avenir l'une des bases de l'histoire du pays.

D’après l'article 40 du cahier des charges, l'entrepreneur pourra être maintenu de gré à gré, s'il remplit d'une manière satisfaisante toutes ses obligations.

Je demanderai à M. le ministre de la justice de stipuler en notre faveur des conditions meilleures, et de tenir à leur exécution.

Si M. le ministre prend cet engagement, s'il s'engage à réaliser enfin les améliorations qu'il nous a promises l'année dernière, je consentirai pour ma part volontiers à renouveler l'autorisation, qui tend à permettre au gouvernement de se dispenser de mettre en adjudication l'entreprise de l'impression du Moniteur et des Annales.

Je profilerai de la circonstance pour prier le gouvernement de faire en sorte que les tables se publient avec plus de promptitude. Le Moniteur et les Annales parlementaires ont un directeur et un commis, préposés spécialement à la bonne tenue de ces publications. Si au fur et à mesure qu'elles paraissent, ils tenaient note des matières qu'elles contiennent, le travail serait peu considérable, et les tables pourraient être publiées peu de temps après l'expiration de chaque semestre.

Ceux de nos collègues qui ont tenu à faire relier leurs collections, afin de pouvoir les consulter, ont encore été obligés cette année de renoncer à y joindre les tables, si nécessaires pour se livrer à des recherches. Ces retards ont fait l'objet de plaintes fréquentes, j'espère qu'on les prendra enfin en considération.

Maintenant j'ajouterai un mot d'une proposition qui émane du gouvernement et qui se trouve consigné au rapport de la section centrale.

Les documents parlementaires font l'objet d'une double composition typographique.

Ils sont composés une première fois pour être distribués aux membres de la législature, et une deuxième, au moins partiellement, pour être annexés aux Annales parlementaires, qui rendent compte de nos discussions.

Un surcroît de dépense en est la conséquence.

Aussi M. le ministre de la justice a-t-il fait connaître à la section centrale qu'il serait possible de réaliser une économie à ce sujet.

Il s'agirait de ne faire qu'une composition pour les documents parlementaires, et d'en faire un double tirage.

(page 379) L'un de ces tirages serait destiné aux membres de la législature, sous une forme nouvelle, et l'autre serait annexé aux Annales parlementaires.

Il résulterait de ce système, que la forme de nos documents parlementaires subirait un changement notable. Le format actuel serait remplacé par un format, qui aurait quelque analogie, je suppose, avec celui qui est en usage en France. Ce format est un in-octavo avec une large marge destinée aux annotations.

Ce changement me semble offrir quelques avantages ; au reste, je n'ai pas sous les yeux le modèle, qui devait être déposé sur le bureau d'après ce qu'indique le rapport, pour pouvoir me prononcer.

Mais si ce changement devait avoir pour résultat d'imprimer au recueil des documents de la chambre la physionomie des documents annexés aux Annales, je ne pourrais y donner mon assentiment, car les Annales sont imprimées avec si peu de soin, le papier, dont on fait usage, est si médiocre, qu'on n'en parcourt le texte qu'en se fatiguant la vue.

Messieurs, encore une observation concernant nos publications officielles. Vous aurez sans doute remarqué que les Annales ne publient pas tous les documents de la chambre. D'après le rapport de la section centrale, elles n'en publient que le tiers environ. Le choix des documents à publier est abandonné à la direction du Moniteur, et ce choix n'est pas toujours heureux; c'est souvent aux documents les moins intéressants que la préférence est accordée. Je suppose que ce qui motive ce choix, c'est le plus ou le moins d'étendue des rapports, exposés des motifs, etc. Ce que l'on cherche, c'est de l'impression destinée à remplir des parties restées en blanc.

Je pense que les Annales doivent publier tous les documents parlementaires; j'en excepte cependant les annexes, on n'en publie aucune.

Cette manière de ne publier qu'une partie des documents parlementaires a un autre inconvénient, que voici : l'on se livre fréquemment à des recherches infructueuses.

Si le système proposé par le gouvernement était adopté, si la même composition typographique était destinée à reproduire les documents parlementaires et pour la législature et pour le public, tous nos documents seraient publiés par les Annales, et nous réaliserions une économie de quelques mille fr.

Cette économie serait de 13,7000 fr., sans la publication des tableaux annexes, et de 4,482 seulement, si l'on tenait à reproduire toutes les pièces portées à la suite des rapports des sections centrales. Sans doute une économie de 13,700 fr. n'est pas à dédaigner; mais si l'on ne pouvait se l'assurer qu'en faisant descendre l'impression de nos documents parlementaires au niveau des Annales, je ne pourrais me rallier à une proposition de cette nature, je n'hésiterais pas à la repousser.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je reconnais avec l'honorable M. de Man que le papier du Moniteur et des Annales laisse beaucoup à désirer. Jusqu'ici ce papier a été fourni en vertu d'adjudications et de marchés faits pour le compte du gouvernement. Mais je suis à la veille de traiter avec l'imprimeur actuel du Moniteur qui fournira, à des conditions qui ne seront pas plus onéreuses, un papier qui sera de meilleure qualité ; et cet entrepreneur sera par conséquent lui-même responsable de la qualité de ses fournitures.

J'espère donc que sous ce rapport les plaintes que vient de faire l'honorable M. de Man ne pourront plus se reproduire.

L'honorable M. de Man s'est plaint aussi du retard de la publication des tables du Moniteur. J'ai déjà donné des instructions au directeur du Moniteur pour qu'il accélère la publication de ces tables. Déjà la table alphabétique et chronologique du premier semestre de 1848 a été publiée. Celle du dernier semestre sera publiée incessamment et la table chronologique suivra, je pense, soit dans le courant de ce mois, soit au commencement de février.

Je conviens que ce retard n'était guère excusable, puisqu'il est possible de tenir constamment les tables au courant, de manière qu'elles puissent être imprimées et publiées peu temps après l'expiration du semestre. J'ai donc pris des mesures pour que cet abus ne se renouvelle plus.

Quant aux documents parlementaires, la chambre a pu lire dans le rapport de la section centrale les explications qui ont été données par le gouvernement sur les moyens qu'il y aurait à employer pour réaliser certaines économies. Je pense qu'il y a réellement double emploi dans la publication des documents parlementaires et des Annales qui reproduisent les documents de la chambre. La même composition pourrait servir pour les uns et pour les autres. Quant au papier, la composition destinée aux documents parlementaires serait imprimée sur papier collé, de manière à ce que les membres de la chambre pussent tenir en marge les notes nécessaires. Ce ne serait pas le papier ordinaire du Moniteur qui servirait pour l'impression de ces documents.

Il y aurait, messieurs, comme vous l'avez vu par les détails qui sont consignés au rapport de la section centrale, une économie qui varierait suivant le nombre de documents que l'on reproduirait dans les Annales parlementaires ; car il y a certains documents, certains tableaux qu'il serait, je crois, impossible de reproduire à cause de leur étendue. Mais en supposant même que tous les documents fussent reproduits dans les Annales parlementaires, l'économie serait encore de 4,432 fr. ; économie très minime à la vérité, mais qui aurait un résultat avantageux, celui de donner aux documents parlementaires une publicité qu'ils n'ont pas aujourd'hui.

Messieurs, j'ai soumis à cet égard des observations à MM. les présidents et questeurs des deux chambres. C'est ici une affaire en quelque sorte de ménage. Le gouvernement s'empressera de se prêter à tout ce que pourront décider les bureaux des deux chambres pour améliorer le service du Moniteur, en même temps que pour réaliser quelques économies, si c'est possible. Mais je dois faire une observation à la chambre, c'est que ce ne serait qu'après la clôture de la session qu'il serait possible d'opérer cette réforme. La session est déjà trop avancée pour qu'on puisse changer l'usage établi et le format des documents parlementaires; il faudrait donc attendre la fin de la session actuelle et prendre dès lors toutes les mesures nécessaires, pour l'ouverture de la prochaine session.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, comme le fait observer M. le ministre de la justice, la discussion sur ce point ne peut aboutir qu'à des observations dont le gouvernement prendra note. La section centrale l'a ainsi entendu, et c'est pour cela qu'elle ne s'est pas prononcée sur le mérite du changement qui a été proposé.

Mais je dois dire tout d'abord à M. le ministre de la justice, que tout en désirant des économies sur cette branche du service, la section centrale désire aussi, et je pense qu'elle est l'expression exacte du vœu de la chambre sous ce rapport, que la nouvelle combinaison permette de faire à l'avenir ce qui se fait dans le présent ; c'est-à-dire qu'elle permette de lire les documents parlementaires qui nous sont distribués. Or, je déclare que, dans l'opinion de la section centrale, le spécimen qui a été produit comme représentant à l'état d'exécution la combinaison projetée et dont il est donné le détail dans le rapport, est illisible et réellement affreux.

Je suis persuadé que si l’on fait passer ce spécimen sous les jeux de la chambre, cette opinion deviendra unanime. Il n'est pas possible de voir quelque chose de plus défectueux que le spécimen qui nous a été présenté.

Ainsi, la section centraient entendu en rien préjuger la modification qui est proposée. La section centrale a eu en vue de remettre l’examen de cette question à la discussion du prochain budget de la chambre. Les deux choses doivent marcher de front, et pour cette année il serait impossible de rien faire, puisque le budget de la chambre, qui est voté, a décidé la continuation de la publication des documents parlementaires dans la forme et le caractère qu'ils ont actuellement.

Il y aurait d'autres observations à faire sur ce projet dont les détails se trouvent dans le rapport de la section centrale. Il y aurait, par exemple, à faire remarquer qu'il y a, selon moi, des erreurs notables dans les bases d'évaluation qui ont été données. Je pense qu'il y a erreur dans le nombre de feuilles auquel on a évalué les documents parlementaires d’une part et les Annales de l'autre. Si nous devions décider aujourd'hui la question, j'entrerais dans des considérations de métier et d'imprimerie peu familières peut-être aux membres qui ne se sont jamais occupés d'impression.

Pour le moment, ce que nous avons de mieux à faire, c'est de ne considérer ni comme une approbation, ni comme une désapprobation du projet qui nous a été exposé, le vote actuel. Mais il ne faut pas non plus qu'on prenne acte du silence de la chambre comme une adhésion au spécimen déposé sur le bureau.

M. de Theux. - Messieurs, je me joins à l'observation faite par l'honorable préopinant. il est indispensable que les documents de la chambre soient imprimés en caractères très lisibles ; la chambre siège surtout dans la saison d'hiver, pendant laquelle il y a beaucoup de jours nébuleux : la chambre reçoit peu de clarté. Or, je n'hésite pas à dire que si l’on adoptait le spécimen qui nous a été distribué, la majeure partie des membres de la chambre serait dans l'impossibilité de prendre lecture des documents parlementaires. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de ta justice et du bureau de la chambre.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, j'ai considéré le spécimen dont il s'agit comme ayant été fait dans le seul but d'indiquer à la chambre comment les documents seraient imprimés à mi-marge et sur papier collé; mais je n'ai pas pensé que le caractère dont on s'est servi dût être définitivement employé à l'impression des documents parlementaires. Je reconnais que ce caractère est trop petit et qu'il est d'ailleurs défectueux; il devrait nécessairement être changé. Je dirai, du reste à la chambre que, d'après la nouvelle convention projetée avec l'imprimeur du Monteur, il devra, dans le courant de l'année et le plus tôt possible, fournir de nouveaux caractères.

- L'article est adopté avec l'addition proposée par M. le ministre de la justice.

Articles 21 et 22

« Art. 21. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 22. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice depuis la réunion de la Belgique à la France en 1795 ; impression d’avant-projets de loi à envoyer à l'avis des cours et tribunaux et des facultés de droit des universités du royaume : fr. 9,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Pensions et secours

Articles 23 à 25

(page 380) « Art. 23. Pensions civiles : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants mineurs de magistrats, qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés dépendants du ministère de la justice, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Article 26

« Art. 26. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, bourses et demi-bourses affectées à ces établissements : fr. 383,970 55. »

M. le président. - La section centrale propose sur cet article différentes réductions qui se rapportent aux divers littera. Il sera donc utile, pour simplifier la discussion, de procéder par littera. (Adhésion.)

« Litt. A. Traitement du cardinal-archevêque : fr. 30,000. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre à 21,000 fr.

M. le ministre se rallie-t-il à cette proposition?

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Oui, M. le président.

M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, il y a dix ans dans cette chambre, et à l'occasion du budget de la justice, la demande du crédit dont nous nous occupons a formé l'objet d'une discussion approfondie.

Mais alors, messieurs, la position était toute différente. Un prélat belge venait d'être promu à la dignité de cardinal, et il s'agissait d'examiner quelles étaient les dispositions qui étaient applicables pour la fixation du traitement de ce nouveau dignitaire.

Messieurs, il n'entre nullement dans mes intentions de rouvrir un débat sur une question qui, d'ailleurs, a été traitée à fond dans la discussion de 1838; mais ce que je désire rappeler à la chambre c'est la décision qui est intervenue, décision qui forme pour elle un précédent important, parce que c'est le premier acte émané de la législature belge qui concerne les relations du gouvernement avec le cardinalat.

Que l'on me dise que les dispositions françaises (je parle des dispositions prises pendant l'époque de la réunion de la Belgique à la France, et notamment de l'arrête du 7 ventôse an XI) sont ou ne sont pas applicables en Belgique, je crois inutile, comme je l'ai dit, d'examiner cette face de la question; mais au moins vous reconnaîtrez avec moi que nous sommes liés, jusqu'à présent, par une décision de la chambre, d'autant plus importante qu'elle devait former le point de départ et, en quelque sorte, législation sur la matière en Belgique.

En présence de ce fait accompli, en présence des votes de dix années successives qui sont venus le confirmer, n'est-il pas permis d'exprimer quelque étonnement en voyant les propositions de la section centrale ne tenir aucun compte de ces précédents?

En effet, messieurs, de quoi s'agit-il dans le rapport de la section centrale?

Du traitement d'un archevêque fixé à 21,000 fr., qui est le chiffre de l'arrêté du régent du 30 avril 1831.

Mais si vous invoquez l'arrêté du 30 avril 1831, qui fixe le traitement d'un archevêque, pourquoi ne tenez-vous pas compte de celui du 30 août 1838, qui fixe également celui d'un cardinal?

Chaque année les chambres, avant comme après 1838. n'ont-elles pas reconnu la légalité de l'un comme de l'autre de ces arrêtés, en votant les crédits demandés d'abord pour l'archevêque, en vertu du premier, ensuite pour le cardinal, en vertu du second?

Je le répète donc, messieurs, le rapport de la section centrale présente une lacune, et si vous adoptiez sa proposition vous effaceriez d'un trait de plume le cardinalat en Belgique.

Je sais, messieurs, que je touche à une question extrêmement délicate, mais je ne sortirai pas des bornes de la plus stricte convenance et de la plus grande modération; d'ailleurs, messieurs, il 'y a des questions qui gagnent infiniment à être traitées avec calme, et en mettant de côté toute préoccupation étrangère.

J'ai dit, messieurs, que la proposition de la section centrale supprime le cardinalat; l'on me répondra, peut-être, que le traitement seul est supprimé, que les fonctions subsistent, que le titre est maintenu et, qu'après tout, le cardinalat n'est pas une affaire d'argent. Messieurs, je ne regarde pas cette objection comme sérieuse; au point de vue où je dois me placer, au point de vue gouvernemental, je dirai que toute dignité ou toute fonction supérieure exigent un traitement plus élevé que celui alloué à des fonctions inférieures, dans l'ordre hiérarchique ; cela n'a pas besoin d'être démontré.

Quelle en est la conséquence pour le cas qui nous occupe? C'est que si vous n'allouez qu'un traitement d'archevêque, vous ne reconnaissez plus et vous supprimez par le fait, autant qu'il est en votre pouvoir de le faire, la dignité du cardinalat.

Non certes, messieurs, le cardinalat n'est pas une affaire d'argent, mais toutes les questions ont leur côté matériel qu'il faut bien aussi savoir traiter quelquefois, et je ferai remarquer à cette occasion que le haut dignitaire ecclésiastique dont nous nous occupons doit faire face, dans maintes circonstances, à des dépenses considérables auxquelles il ne peut suffire s'il ne jouit pas d'un traitement plus élevé qu'un archevêque.

L'on semble, messieurs, contester l'utilité du cardinalat et l'on vous dit que ce titre supérieur ne donnant aucune extension de fonctions en Belgique, il n'y a pas de motif d'allouer un traitement au fonctionnaire qui en est revêtu.

D'abord, messieurs, il ne s'agit point ici, comme je l'ai déjà fait observer, d'une position nouvelle ; je concevrais l'argument dans un cas donné, aujourd'hui j'ai peine à me l'expliquer.

Ne perdons pas de vue, messieurs, et cette observation me semble essentielle, que nous nous occupons, dans tout le chapitre des cultes, d'un ordre de fonctionnaires dont l'importance ne peut être appréciée qu'en se plaçant au point de vue religieux. Que sont, en effet, en les dépouillant de ce caractère, un curé, qu'un grand, vicaire ou un évêque?

N'est-ce pas à la nature des fonctions qu'ils remplissent, fonctions toutes religieuses, que se rapporte uniquement la position que vous leur reconnaissez?

Eh bien, messieurs, si celle importance et, j'ajouterai, cette utilité, des membres du clergé, trouvent leur origine dans le caractère sacré dont ils sont revêtus, pouvez-vous nier qu'à ce même point de vue religieux le cardinalat n'ait une haute importance et une haute utilité?

Je m'arrête, messieurs, à cette seule considération; je crois qu'il importe de ne pas pénétrer trop avant dans le domaine religieux. La prudence, l'esprit de modération et de conciliation dont la Belgique a donné tant de preuves, et, j'ajouterai, l'esprit de nos institutions, nous tracent ici des limites qu'il serait sage de ne pas dépasser.

Messieurs, je ne dirai qu'un mot sur l'importance et l'utilité du cardinalat, envisagées sous un point de vue général. D'ailleurs, une discussion récente qui a eu lieu à l'assemblée nationale de France me dispense de m'étendre longuement à cet égard.

L'on me dira, messieurs, que c'est exagérer les choses que de vouloir faire application à la Belgique de ce qui a été exposé à la tribune française. Oui, ce serait de l'exagération; mais cependant, messieurs, quoique nous ne soyons qu'une nation de 4,000,000 d'habitants n'avons-nous pas aussi des intérêts à faire valoir?

N'avons-nous pas aussi une dignité nationale dont nous devons être jaloux, et qui grandit chaque fois qu'un acte de déférence est posé à notre égard par un souverain étranger?

Messieurs, j'ai peut-être, jusqu'à présent, passé sous silence le motif qui a guidé les sections et la section centrale dans la proposition que nous discutons. Ce motif, messieurs, ne serait-il pas le besoin d'économies?

Messieurs, je suis aussi partisan d'économies qu'aucun membre de cette honorable assemblée ; si des divergences peuvent exister entre nous, c'est sur leur application : d'accord sur le but, nous différons quant aux moyens; c'est une simple question d'appréciation.

Toutefois les économies faites sur le traitement des membres du clergé ne me semblent pas heureuses, appliquées surtout dans de si larges proportions. Permettez-moi, messieurs, de vous rappeler à cette occasion ce qui s'est passé en France.

L'assemblée nationale, dans sa séance du 16 novembre 1848, a maintenu le traitement de l'archevêque de Paris à 40,000 fr., contrairement à la proposition d'une commission qui proposait de réduire ce traitement à 25,000 fr.

M. Freslon, ministre de l'instruction publique, disait, à propos de cette proposition : « Le prélat est le distributeur-né de beaucoup d'aumônes à des misères que la main du prêtre seul peut découvrir et guérir. »

Un autre membre ajoutait, en combattant cette même réduction, et permettez-moi, messieurs, de faire miennes ces paroles parties d'un cœur généreux : « Ce n'est pas ici la personne du prélat que je viens défendre, mais c'est le bien des pauvres. »

Je terminerai, messieurs, par un simple rapprochement qui a fait sur mon esprit, je dois le dire, une profonde impression. Lorsque, en 1838, le souverain pontife éleva au cardinalat un prélat belge, la position de la Belgique vis-à-vis des puissances étrangères laissait encore beaucoup à désirer dans ses relations extérieures; la cour de Rome, au contraire, avait alors une puissance morale très grande ; elle s'empressa de donner à la Belgique un témoignage de déférence auquel le gouvernement et le pays ne furent pas insensibles, car, dans ces circonstances, ce témoignage avait une haute signification. Eh bien, aujourd'hui les rôles sont changés : la Belgique a grandi en importance et en influence morale ; elle a acquis un renom de sagesse et de modération, si je puis m'exprimer ainsi, qui lui ont fait une belle place en Europe. Vous savez tous, messieurs, ce qui se passe à Rome; vous connaissez tous le sort du pontife vénérable que naguère encore le monde saluait de ses acclamations ! Eh bien, messieurs, ; supprimer aujourd'hui en Belgique la dignité du cardinalat que vous avez accueillie dans des jours meilleurs comme un acte de haute portée à votre égard, ne serait-ce pas manquer à un sentiment de générosité et joindre une affliction nouvelle à tant d'autres imméritées que subit dans ce moment le saint-père?

Cette dernière considération que je trouve très puissante n'existait pas lors de l'examen du budget en sections, et je pense qu'elle peut être de nature à modifier bien des opinions.

(page 381) Je voterai pour le chiffre primitivement demandé par le gouvernement.

M. le président ; - Voici un amendement proposé par M. Lelièvre :

« Je propose par amendement à l'article 26 du budget (page 42), de réduire :

« 1° Le traitement du cardinal-archevêque à la somme de 18,000 fr. ;

« 2° Celui des évêques au chiffre de 12,000 fr. »

La parole est à M. Lelièvre pour développer son amendement.

M. Lelièvre. - Messieurs, un honorable membre qui siège encore parmi nous s'écriait, au sein du congrès national, qu'il n'avait aucune sympathie pour le catholicisme. Ce langage, que repoussent mes convictions, ne sera pas celui que je tiendrai devant vous en soutenant mon amendement. Non, messieurs, ce n'est pas une voix hostile au culte catholique qui se fait en ce moment entendre pour réclamer, au nom de la justice et de l'équité, la réduction des traitements de l'archevêque et des évêques du pays, maintenus, selon moi, à un taux exorbitant par la section centrale. Je dirai même qu'en la provoquant, je crois servir les véritables intérêts de la religion.

Et, à cet égard, je pense les apprécier quelque peu mieux que ceux qui n'envisagent le culte que comme instrument de la politique du gouvernement, et ses ministres, comme de précieux agents de police dont il faut se concilier l'appui par des salaires élevés.

Messieurs, ce que l'Etat doit aux ministres des cultes sous l'empire de notre Constitution, c'est un traitement convenable, suffisant pour leur procurer une existence honorable, et rien de plus. Tout faste, tout luxe ne doivent compter pour rien dans le salaire qui leur est attribué. Or, il me semble qu'en allouant à l'archevêque un traitement de dix-huit mille francs, de beaucoup supérieur à celui du premier président de la cour de cassation, supérieur à celui d'un gouverneur civil, l'Etat remplit largement ses obligations, surtout lorsque indépendamment de ce salaire, le prélat jouit encore gratuitement d'un palais meublé et qu'il perçoit en outre une indemnité pour ses frais de tournée.

Les évêques jouissent également de ces avantages, et si vous y ajoutez douze mille francs, rémunération supérieure au chiffre des traitements accordés à des fonctionnaires éminents, il est hors de doute que cette allocation suffit pour maintenir les évêques dans la position honorable et de noble simplicité que leur imposent leurs augustes fonctions.

On a assimilé l'archevêque aux ministres et les évêques aux gouverneurs civils. Messieurs, cette assimilation ne me paraît pas heureuse. Des prélats dont la vie est toute de sacrifice, toute de dévouement et d'abnégation pour refléter celle de leur divin maître, des prélats dont les obligations épiscopales sont un devoir de l'apostolat qui leur permet d'espérer pour rémunération autre chose qu'un vil métal, ne peuvent être mis sur la même ligne que les ministres du Roi, astreints à des frais importants de représentation, sacrifiant quelquefois une position et leur fortune personnelle dans l'intérêt du pays et supportant d'ailleurs une responsabilité immense; ils ne peuvent être comparés aux gouverneurs contraints à des dépenses qui absorbent une partie notable de leur traitement et dont les fonctions exigent d'autres sacrifices que celles de ministre des autels.

Et puis, messieurs, lorsque le pays réclame à grands cris des économies, lorsque faisant violence à nos sentiments et cédant à l'urgente nécessité, nous réduisons impitoyablement les traitements de pères le famille, est-il convenable que les ministres de la religion qui ne sont pas appelés à vivre dans l'opulence, perçoivent sur le budget des salaires formant contraste aux réductions dont sont frappés des fonctionnaires obligés à restreindre leurs besoins pour élever dignement leurs enfants?

Il s'agit de réaliser des économies dans l'intérêt même de l'existence de notre état politique; eh bien, le clergé belge, j'en ai la ferme assurance, ne désavouera pas la voix qui réclame pour lui l'honneur d'y contribuer et la gloire de prendre part à l'œuvre qui doit maintenir notre constitution, sauvegarde admirable des libertés religieuses. Je suis convaincu que le vénérable archevêque et ses collègues seront les premiers à applaudir à une mesure qui certainement est l'expression de leurs sentiments, comme commandée par notre situation financière.

Il existe une dernière considération. Nous savons tous que les traitements exagérés accordés au clergé supérieur, n'ont pas peu contribué à provoquer la levée de boucliers dont il a été l'objet. L'opinion publique s'est fortement prononcée contre cet abus. Eh bien, il faut à tout prix faire disparaître toute cause d'irritation contre les ministres du culte, il le faut pour maintenir le respect dû à leur caractère et assurer le succès de leur mission.

Messieurs, éloignons avec soin tout motif de haine et de prévention contre le clergé, c'est lui rendre un service vrai et important, c'est prouver qu'on tient à cœur sa dignité et sa considération, c'est démontrer par des actes qu'on comprend mieux ses légitimes intérêts que ceux qui voudraient le pousser dans une voie dont l'issue est un abime.

M. de Mérode. - Messieurs, une discussion sur le même sujet que celui dont il s'agit, vient d'avoir lieu à l'assemblée nationale de France. On voulait modifier la position des cardinaux, mais sur les explications données par MM. Ch. Dupin et de Falloux, une majorité de 434 voix contre 181, a décidé en faveur du cardinalat le maintien du statu quo.

En Belgique, j'ai entendu souvent faire l'objection que le cardinal qui représente la catholicité belge dans le collège charge d'élire le chef de l'Eglise, avait un traitement supérieur à celui d'un ministre ; mais d'abord certains frais de chauffage, d'éclairage, de service intérieur des hôtels ministériels, ne sont pas attribués aux palais épiscopaux, et chacun sait que ces frais sont considérables dans une grande maison. Or, qu'importe la manière dont on reçoit des allocations. Il est indifférent qu'elles soient soldées entièrement en argent, ou principalement en argent et partiellement en nature.

Si l'on paye une dépense pour moi, on agit à mon égard comme si l'on m'accordait les moyens d'y pourvoir moi-même.

Je ne fais ici cette observation que très subsidiairement toutefois; car, au fond, messieurs, là n'est point la question. Plusieurs missions à l'extérieur sont plus rétribuées que les fonctions de ministre, bien que les titulaires qui remplissent ces missions à l'étranger soient placés sous la direction du ministre, dont ils reçoivent le contreseing de leur nomination et leurs instructions. Un cardinal est, au point de vue extérieur, tout à fait distinct d'un archevêque ou d'un évêque. Sa haute mission s'étend au-delà des limites du pays. Il pourrait être appelé à Rome ou ailleurs et pour l'élection d'un pape, et pour d'autres causes graves qui intéressent non-seulement la Belgique, mais le monde chrétien tout entier qui s'étend sur les deux hémisphères.

Messieurs, la dignité de cardinal entraîne des obligations fort onéreuses, telles que voyages ou souscriptions qui n'incombent point à l'archevêque ou à l'évêque.

Le prélat belge au caractère simple et modeste, qui en est revêtu, est bien loin de l'avoir ambitionnée, et s'il l'a acceptée, c'est avec un sentiment patriotique à une époque où il nous importait d'être reconnus comme nation sous toutes les formes possibles. Notre archevêque était nommé au siège qu'il occupe conformément aux nouveaux principes établis par notre constitution, et le pape en le portant au cardinalat donnait à la Belgique une marque spéciale de sympathie et l'appui de la force morale qui lui appartient. Les conditions de cette promotion ont été acceptées par les pouvoirs compétents d'alors, il serait donc injuste d'y porter atteinte aujourd'hui, tant à l'égard du saint-siège apostolique qu'à l'égard de notre éminent concitoyen membre, du sacré collège, qui consentit à se charger du haut office extérieur qu'on lui conférait en comptant sur les moyens de le remplir avec honneur et comme l'exige cette haute position dont le caractère est universel.

Nous n'aurons jamais autant de cardinaux que la France; nous n'en avons même pas toujours, car la plupart des archevêques de Malines n'ont pas été et ne seront pas cardinaux. Mais, lorsque de temps à autre, un citoyen belge devient cardinal avec l'approbation des organes légaux du pays, il ne doit pas être dans une situation inférieure à celle d'un cardinal d'une autre nation, ses fonctions étant absolument de la même nature et de la même importance.

Un ministre de France, au-dedans ou à l'étranger, représente, comparativement à un ministre belge, une nation huit à neuf fois plus nombreuse. Mais un cardinal français ne représente absolument, dans le centre du monde catholique, que ce qu'y représente un Belge revêtu du même mandat, au nom de tous les peuples que ce mandat intéresse. Cependant, lorsque la Belgique se trouvera trop pauvre pour qu'un de ses enfants soit mis à même de le remplir, conformément aux usages généralement admis, elle le déclinera pour lui. Elle dira au monde : « Je ne suis pas en état de faire les frais de position d'un cardinal, né dans les rangs du peuple. Si quelque Belge, que la fortune aurait largement favorisé, sait sacrifier les douceurs de la vie commune pour se vouer aux observances exceptionnelles de la vie ecclésiastique et devient enfin chef d'un diocèse, que le chef de l'Eglise l'appelle quand il voudra à la dignité de cardinal; quant à moi, je ne l'accepte point pour celui que je devrais doter. » Voilà, messieurs, le langage franc et sincère qu'il faudrait adopter à l'avenir, car pour le passé on a pris des engagements réels, bien que je ne les prétende pas absolus. En effet, lorsque notre gouvernement demandait le chapeau pour l'archevêque de Malines, la cour de Rome s'informa s'il serait pourvu aux nécessités matérielles de cette position si particulièrement liée au pontificat suprême. La réponse fut affirmative et les chambres y donnèrent leur sanction.

Dans la séance de mardi 2 janvier dernier, M. Ch. Dupin disait à la tribune de l'assemblée nationale : « En 1834, après quatre années d'interruption de la subvention à laquelle avaient droit les cardinaux français, le gouvernement ne crut pas pouvoir rester plus longtemps dans cette position critique de notre pays. Il avait différé jusque-là de conserver sa juste part dans la représentation religieuse des peuples auprès du saint-siège, pour y veiller aux intérêts universels et particuliers, à nos intérêts nationaux. Enfin, à cette époque le gouvernement se hasarda de porter cette question à la tribune de la chambre des députés, etc. » Le nom mis en avant était celui de Mgr de Cheverus, archevêque de Bordeaux ; la chambre tout entière accueillit la proposition du gouvernement, et dès lors la position du cardinalat fut rétablie en France, comme elle fut admise en Belgique, quatre ans plus tard, en 1838.

Et, comme le dit si justement M. Ch. Dupin, ce n'est point une sinécure, un abus, mais la plus éminente dignité de l'Eglise, celle qui représente les droits du pays auprès du saint-siège.

Messieurs, j'ose le dire, personne plus que moi ne désire l'économie dans la gestion des affaires publiques. Quand j'étais au ministère des affaires étrangères, je n'eusse pas brûlé dans mon cabinet une bûche , inutilement parce que le gaspillage m'est odieux. J'ai rempli gratuitement (page 582) divers fonctions temporaires, attendu qu'après tout les fonctions ne me coûtaient que l'emploi d'un temps dont je pouvais disposer. Mais les dépenses nécessaires, les dépenses de convenance qui sont très utiles aussi quand elles sont motivées, je les considère comme faisant partie des véritables besoins de l'ordre social.

Les frais de la royauté, même constitutionnelle, sont assez considérables comparés à d'autres qui paraissent peut être plus directement employés au profit de l'humanité, tels que les revenus des hôpitaux; cependant, comme dit Shakespeare, quand le trône disparaît, et il ne peut exister sans un certain éclat, là où était sa place se présente un abîme, et le peuple y voit engloutir une immense part de ses ressources.

Je ne cesserai donc de m'élever contre toutes les espèces d'économies que j'appelle ruineuses, parce qu'elles amoindrissent une nation sans avoir le mérite de lui apporter dans l'ensemble de ses dépenses un sérieux soulagement. Je ne désire point pour la Belgique deux cardinaux. Je pense qu'elle n'aura pas toujours un cardinal. Mais je suis convaincu qu'elle doit avoir une part dans la composition du sacré collège et je n'admets pas que la position d'un cardinal belge qui remplit une fonction d'ordre extérieur et universel puisse être inférieure à celle d'un cardinal de toute autre nation.

Voter la réduction proposée, ce serait voter la suppression du cardinalat en Belgique, et tel n'est point certainement de vœu du pays, tel n'est point le désir de la section centrale elle-même, j'en suis persuadé. Je prie donc ses honorables membres comme vous tous, messieurs, d'avoir égard aux considérations que je viens de vous présenter. Veuillez avoir égard à la dernière observation .par laquelle l'honorable préopinant M. Van den Branden de Reeth a terminé son discours lorsqu'il vous a rappelé les circonstances encore critiques où se trouvait notre Etat naissant quand le cardinalat fut accepté dans la Belgique affranchie, et celle où se trouve aujourd'hui le chef de l'Eglise.

M. de Haerne. - Messieurs, vous venez d'entendre un honorable préopinant qui vous a dit que n'est pas une voix hostile au catholicisme qu'il a fait retentir dans cette enceinte en vous faisant des propositions de réduction plus étendues encore que celles qui vous sont soumises par la section centrale. J'admets, messieurs, la sincérité de ce langage; je suis convaincu qu’aucun sentiment d'hostilité envers le clergé n'anime aucun membre de cette chambre, et c'est pour ce motif, messieurs, que j'ai foi dans votre justice et que je pense que vous n'appliquerez pas au clergé, une règle que vous n'avez pas cru devoir suivre envers d'autres fonctionnaires.

Ce même membre, messieurs, auquel j'ai l'honneur de répondre, vous a dit que le clergé aussi, dans le moment de détresse où nous nous trouvons, doit venir faire des sacrifices sur l'autel de la patrie.

Eh bien, oui, moi aussi j'admets ce principe, et je suis persuadé que le patriotisme du clergé ne me donnera pas un démenti à cet égard. C'est, messieurs, parce que j'ai cette conviction, c'est parce que je l'avais précédemment, que je suis venu voter en faveur d'une proposition de l'honorable M. Delfosse, proposition par laquelle il demandait une réduction de 5 p. c. sur tous les traitements des fonctionnaires belges, à commencer par les traitements de 2,000 fr.

Cette proposition, messieurs, était dictée par un sentiment d'équité, par un sentiment de justice distributive; elle s'appliquait dans une mesure égale à tous les fonctionnaires; elle n'établissait pas de catégories. C'est pourquoi je l'ai admise dans toute sa latitude.

Voulez-vous savoir, messieurs, quel serait le sacrifice qui incomberait au clergé, si cette proposition avait été admise? D'après les termes de la proposition de l'honorable M. Delfosse, tous les membres du clergé supérieur étaient appelés à concourir au sacrifice demandé dans l'état actuel de nos finances. Le cardinal, les évêques, les vicaires généraux, les chanoines, les ecclésiastiques faisant partie du personnel des séminaires, les curés primaires, les inspecteurs diocésains, tous ces membres du clergé devaient supporter, en proportion de leurs traitements respectifs, les économies qui étaient réclamées à juste titre, selon moi, des fonctionnaires publics.

Eh bien, si je fais le calcul de l'économie qui serait résultée des réductions opérées sur les traitements des membres du clergé que je viens d'énumérer, j'arrive à une somme supérieure à celle qui est proposée comme réduction par la section centrale, c'est-à-dire, 26,230 francs.

Je suis donc autorisé à vous dire que je voulais aussi que le clergé contribuât aux économies qui sont réclamées de tous les fonctionnaires publics; mais je veux que ce soit dans une mesure égale, non pas en établissant des catégories qui sont toujours odieuses, non pas dans les intentions de la chambre, mais dans la traduction qui se fait de ses intentions a- dehors. Ces catégories font naître ou alimentent un esprit d'hostilité à l'égard du clergé et dont les conséquences s'étendent souvent à une des institutions les plus respectables aux yeux de tout homme sensé, à ce qu'il y a de plus sacré au monde, à la conscience, à la religion.

Messieurs, peut-on abonder dans le sens de la section centrale, à l'égard de Son Eminence le cardinal ?

Le sacrifie» qui serait résulté, pour ce haut dignitaire ecclésiastique, de l'adoption de la proposition de l'honorable M. Delfosse aurai été de 1,500 francs; j'admets ce sacrifice, et je ne dis pas que je n'irais pas plus loin; mais je ne puis admettre la proposition de la section centrale, ni surtout le raisonnement sur lequel elle se fonde.

La section centrale fait une comparaison entre le traitement du cardinal considéré comme tel et le traitement de l'archevêque. Ce dernier traitement est de 21,000 fr. ; la section centrale l'adopte ; elle n'adopte pas le traitement de cardinal, parce que, selon elle, ce serait méconnaître une extension de fonctions qui ne s'exercent pas en Belgique.

M. Orts, rapporteur. - Il y a aussi une question de convenance.

M. de Haerne. - Nous traiterons cette question à part.

Messieurs, comme l'a dit le premier orateur, la proposition de la section centrale tend à annuler le cardinalat. Il y a ici une position acquise. Ne pas reconnaître que le cardinal, comme tel, exerce des fonctions en Belgique, c'est annuler le cardinalat, en principe. Or est-ce là ce qu'a voulu le pays lorsque les conditions de cette dignité ont été acceptées de commun accord?

Les cardinaux, d'après leur institution, sont appelés à rendre des services à l'Eglise catholique, services qui rejaillissent sur l'Etat auquel ils appartiennent. On vous a cité le concours qu'ils prêtent à la nomination du chef suprême de l'Eglise. Certes, ce concours est d'une grande importance, d'abord dans l'intérêt général de l'Eglise à laquelle appartient, après tout, la presqu'unanimité de la nation belge, ensuite sous le rapport politique pour la nation tout entière.

Mais ce n'est pas le seul acte auquel concoure le cardinal ; dans l'esprit de l'Eglise, les cardinaux sont considérés comme les premiers dignitaires après le souverain pontife; ils sont considérés comme les premiers conseillers du pape ; d'après le concile de Trente, ils ont non seulement le pouvoir, mais le droit et le devoir de conseiller le souverain-pontife dans tous les actes qui se rapportent à l'administration de l'Eglise. Vous comprenez dès lors quelle peut être l'importance d'une telle dignité conférée à un sujet belge. Les évêques peuvent aussi adresser des réclamations au pape, mais ils n'ont pas le droit spécial, inhérent au cardinalat, droit en vertu duquel le cardinal peut et doit éclairer le chef de l'Eglise, et pour la nomination des évêques, et pour ce qui regarde l'établissement et les prérogatives des ordres religieux dans le pays, et pour les faveurs spirituelles à accorder aux églises particulières, et pour d'autres cas encore. Voilà quelles sont les attributions du cardinal; il peut donc exercer une influence directe et indirecte très notables.

Qu'on ne dise donc pas que le cardinal n'exerce pas, comme tel, des fonctions dans le pays. Autant vaudrait dire que les chanoines, qui sont les conseillers de l'évêque, n'exercent pas de fonctions dans leurs diocèses respectifs.

Messieurs, je viens de tous faire connaître l'importance du cardinalat. J'ajouterai une observation : c'est que dans les premiers temps de l'institution, ces dignitaires étaient choisis dans la ville de Rome et dans les environs. D'autres usages prévalurent plus tard, et par les sollicitations des souverains de toutes les nations catholiques, le titre de cardinal fut accordé à des sujets appartenant à ces diverses nations.

Ce titre a toujours été considéré comme très honorable. Dans le concile de Trente, qui représentait au point de vue religieux les intérêts des diverses nations catholiques, on a insisté pour qu'on nommât, autant que la bonne administration de l'Eglise le permettrait, des cardinaux étrangers. Je sais bien qu'au point de vue de notre Constitution et en présence des opinions divergentes, l'Etat ne pout pas reconnaître le cardinalat d'une manière directe; mais on ne peut pas nier que la nation presque entière étant catholique, cet honneur rejaillit indirectement sur elle ; on ne peut pas nier surtout qu'aux yeux des nations étrangères, la question a toujours été et sera toujours envisagée comme telle. On dira toujours : La Belgique catholique s'est placée au rang des autres nations catholiques, en complétant sa hiérarchie ecclésiastique par l’institution du cardinalat.

On vient de vous dire avec raison qu'il y aurait ici un manque d'égards envers le saint-siège. Evidemment si, à aucune époque, il n'est pas dans les convenances d'agir de cette manière envers le souverain pontife, à moins qu'il n'y ait de fortes raisons de le faire, je crois que les convenances s'y opposent d'une manière tout à fait particulière dans le moment actuel.

Ce n’est pas dans un moment où le chef vénérable de l'Eglise est en exil, exil qu'il peut être dans les vues de la Providence de prolonger pour prouver que l'Eglise ne dépend ni des temps ni des lieux, ce n’est pas dans un moment où tous les peuples se disputent l'honneur d'accueillir .Pie IX et de lui offrir l'hospitalité, qu'il pourrait bien accepter de la part de la nation qui lui offrirait le plus de garanties ; ce n'est pas dans ce moment qu'on peut se permettre un manque d'égards envers le saint-siège, en le frappant dans un de ses premiers représentants, le cardinal archevêque. Par ces motifs je proteste contre le raisonnement de la section centrale et de son rapporteur; par conséquent je ne puis me rallier à la proposition qui vous est faite.

Cependant j'admets des sacrifices à faire par le clergé, mais d'une manière équitable ; si même il s'agissait d'une progression dans les sacrifices à faire par les fonctionnaires publics en général, je ne la repousserais pas, mais il faudrait qu'elle fût admise d'une manière générale, appliquée à tous les fonctionnaires de l'Etat.

J'accepterais une progression qui ne serait pas trop forte. Elle n'a pas été proposée parce qu'on a pensé qu'elle serait rejetée ; on n'a pas proposé de réduction progressive comme on l'a fait quand il s'est agi de l'emprunt forcé, parce que depuis lors certaines idées ont surgi qui ont fait craindre qu'on ne vît dans une proposition semblable une tendance vers des idées socialistes.

Mais je crois que c'est là une exagération, quand la progression n’est pas trop forte. J'admettais donc une progression qui frapperait surtout le haut dignitaire dont il est question dans le chapitre dont il s'agit.

(page 383) L'honorable rapporteur vient de me dire que le raisonnement que je combats n'était pas le seul sur lequel la section centrale et le rapporteur s’étaient fondés ; il a allégué des motifs de convenance. Je crois qu'on veut faire entendre qu'il ne convient pas qu'il y ait un dignitaire ecclésiastique touchant un traitement supérieur à celui de ministre. Je crois que c'est à cette considération que l'honorable rapporteur a fait allusion.

Qu'on remarque bien qu'il ne faut pas comparer le traitement de cardinal avec celui de ministre; mais comme ce dignitaire a des relations particulières à l'extérieur, comme il a de temps en temps des voyages à faire à Rome, il est plus juste de comparer son traitement avec celui d'un ambassadeur. Si les frais de route n'étaient votés que pour chaque voyage, il n'y aurait rien d'assuré, puisqu'il peut arriver que le voyage doive être entrepris avant que les fonds aient pu être votés. D'un autre côté, je trouve que l'on exagère quand on dit que le traitement de cardinal étant à 21,000 francs, il serait égal à celui des ministres, car indépendamment du traitement, des sommes considérables sont allouées aux ministres pour certaines dépenses pour lesquelles le cardinal ne touche rien; d'abord pour le concierge et les gens de service, etc., 13,000 fr. sont alloués.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Ce n'est pas pour le service du ministre, mais pour le service du ministère.

M. de Haerne. - Soit, mais il y a des gens de service à deux usages. Ensuite vient le chauffage et l'éclairage, et certaines dépenses qui se rattachent à l'entretien de l'hôtel du ministre et dont il n'est pas tenu compte pour ce qui regarde le cardinal-archevêque. Je mets en fait qu'il y a une différence de plus de 4,000 francs en faveur des ministres.

Je dis donc que le traitement de 21,000 francs pour le cardinal ne serait pas égal à celui des ministres, parce qu'il est certaines dépenses dont il est tenu compte pour le ministre, et non pour le cardinal.

Je le répète, j'admettrai un sacrifice notable à faire par le clergé supérieur, mais je ne puis admettre une proposition qui abolit en principe le cardinalat.

C'est là le fond de ma pensée, c'est pourquoi j'ai cru devoir prendre la parole.

M. Orts, rapporteur. - Il est une pensée émise par les orateurs, qui viennent de prendre la parole, contre laquelle nous devons protester. C'est particulièrement pour exprimer ce sentiment de la chambre que j'ai réclamé mon tour de parole. Il ne peut être possible à qui que ce soit, de considérer la proposition qui vous est faite comme un manque d'égards envers d'augustes infortunes. La Belgique a eu l'occasion d'exprimer récemment ses véritables sentiments sur cette face de la question. Elle avait alors à s'occuper de son représentant légal, de son seul représentant officiel auprès du saint-siège; et par une considération particulière, précisément en vue des circonstances actuelles, la chambre a renoncé à l'économie qu'elle voulait faire sur le traitement de cet agent. Elle a conservé les rapports actuels, les seuls rapports vrais de l'Etat avec le saint-siège sur le même pied qu'auparavant et par conséquent elle a fait le sacrifiée d'une économie pour les considérations qu'on veut aujourd'hui révoquer en doute.

Il y a dans la réduction proposée par la section centrale, à la suite de l'initiative de cinq sections de cette chambre, une double pensée. Non, ce n'est pas une question d'économie, une misérable question d'argent qui seule a dicté la proposition de la section centrale. Elle a fait, en 1848, ce que ses membres eussent fait en 1838, lorsqu'on a voté le premier budget où a été porté le traitement du cardinal archevêque à un taux supérieur à celui du représentant suprême de l'autorité civile dans l'Etat.

Sans doute l'autorité religieuse a besoin de considération, de force et de respect ; mais l'autorité civile en a un besoin égal. Le respect de l'autorité civile nécessite qu'elle soit au moins sur le pied d'égalité dans le pays, vis-à-vis de quelque autre autorité que ce puisse être.

La section centrale a-t-elle maintenant, par la réduction qu'elle propose, supprimé le cardinalat ? Elle a diminué le traitement du cardinal, mais elle n'a pas touché à des dignités qu'elle n'a pas le pouvoir de conférer, qu'elle ne peut donc pas supprimer.

Si en 1838 il avait plu à la chambre de porter le traitement de l'archevêque, à raison de l'élévation de ce dignitaire à la position de cardinal, à une somme inférieure à 30,000 fr., je suppose à 22,000 fr., il est évident que le cardinalat n'était pas supprimé pour cela.

La seule conséquence que l'on puisse tirer de l'argument que nous avons entendu produire, c'est que si un autre évêque était nommé à la dignité d'archevêque, on ne pourrait lui donner 21,000 francs. Sous ce rapport, je suis d'accord avec ceux qui font l'objection. Dès que vous ne mettez pas le traitement du cardinal sur pied d'égalité avec celui d'un dignitaire ecclésiastique qui lui soit inférieur, vous ne supprimez pas le cardinalat.

Vous ne l'auriez supprimé que si vous aviez réduit le traitement du cardinal-archevêque au niveau du traitement d'un évêque, ou d'un autre archevêque. Il est toujours doté, en sa qualité de dignitaire supérieur à tout autre prélat, d'un traitement également supérieur. Il est maintenu le premier en traitement, comme il est le premier en rang; la suppression du cardinalat n'est donc pas la conséquence de la réduction.

M. de Mérode. - L'allocation d'un traitement a été la condition de la nomination du cardinal.

M. Orts, rapporteur. - Où cette condition a-t-elle été stipulée ? Je n'en trouve de traces ni dans les budgets, ni dans aucun arrêté royal. Je ne reconnais, en fait de conditions liant la législature, que les conditions écrites aux notes officiels, réglant les rapports de l'autorité civile avec l'autorité religieuse, de la Belgique avec les puissances étrangères. Ce qui est en dehors, je ne le reconnais pas. Le cardinalat n'est donc pas supprimé.

Y a-t-il des raisons particulières qui doivent faire ménager le traitement de 30 mille fr., pour maintenir au cardinal-archevêque un traitement supérieur au plus haut traitement civil payé à l'intérieur du pays? On vous a dit : « Il y a droit acquis. Depuis dix ans ce traitement a été voté sans observation. » L'argument, après ce qu'a fait la chambre dans la session actuelle, me touche très peu. J'ai beaucoup de respect pour les fonctions qu'exerce l'archevêque de Malines. C'est un respect que tout bon citoyen a comme moi. Mais je respecte aussi d'autres positions. Les considérations qu'on fait valoir en faveur de ce dignitaire ecclésiastique, on pouvait à plus forte raison les faire valoir contre d'autres réductions de traitement. Cette considération pourtant n'a pas arrêté la chambre;

Nous avons les représentants de la Belgique, les représentants officiels, les vrais représentants du gouvernement près des gouvernements étrangers, qui jouissaient de leurs traitements, non pas depuis dix ans, mais quelques-uns depuis 18 ans.

Je citerai notre ambassadeur à Londres. Et l'on n'a pas hésité à réduire son traitement dans de justes proportions, eu égard à la situation du pays. Personne n'a songé alors à présenter l'argument en sa faveur ; il n'arrêtera donc pas la chambre aujourd'hui.

« Le cardinal a, dit-on, des dépenses considérables à faire comme cardinal. Il est de la dignité, de l'honneur de la Belgique, jusqu'à un certain point, de le maintenir en position de faire ces dépenses. » Le cardinal-archevêque de Malines, parce qu'il est cardinal, a-t-il des dépenses spéciales à faire dans un intérêt belge ? Oui, nous le savons, et nous le savons d'autant mieux que, lorsque ces dépenses spéciales ont été faites dans l'intérêt de la Belgique, la Belgique en a supporté les frais. Je vous citerai l'exemple des frais d'installation, des 45,000 fr. qui ont été votés en cette circonstance. Lorsque le cardinal a été appelé à Rome pour y recevoir le chapeau, le gouvernement a pensé qu'il était dans son intérêt de pouvoir civil de faire cette dépense extraordinaire. Mais vous ne me direz pas que l'archevêque, parce qu'il est cardinal, a plus de dépenses à faire dans son diocèse qu'il n'en aurait s'il était dépouillé de ce titre.

On m'objectera peut-être que, dans des circonstances récentes, le cardinal-archevêque a cru qu'il devait aller à Rome, au point de vue de l'intérêt religieux belge, et que l'intérêt politique était même quelque peu engagé dans la question. C'est lorsqu'il s'agissait de l'élection du pape actuel. Je sais qu'à cette époque le cardinal n'a pas obtenu ni même demandé une indemnité dans le genre de celle qui lui avait été accordée à titre de frais d'installation. Mais je sais aussi, et je crois le savoir de très bonne source, que si le gouvernement, dans cette circonstance, a pensé qu'il n'y avait pas lieu d'user d'initiative pour allouer une indemnité au cardinal-archevêque, c'a été par la considération que le traitement de 30 mille fr. était suffisant. Cette considération a paru déterminante pour le gouvernement d'alors, qui avait soulevé et examiné la question.

Aujourd'hui que le traitement est réduit à 21 mille francs, si une circonstance de ce genre venait à se représenter, si l'intérêt politique ou même religieux de la Belgique pouvait exiger une dépense extraordinaire, ce serait le cas d'examiner si cette dépense extraordinaire, en la supposant reconnue, par le gouvernement, être dans l'intérêt de la Belgique, ne devrait pas être supportée par la Belgique. La raison qui a fait suivre une marche différente au ministère précédent venant à cesser, la question resterait entière. Je ne la considère par pour ma part comme préjugée.

On a parlé de la facilité que pourraient procurer au cardinal ses fonctions de cardinal pour intervenir dans les affaires de la cour de Rome avec plus de prépondérance que s'il était simple évêque ou simple archevêque.

Je ne puis me rendre un compte exact de la valeur de ce raisonnement. Je crois le raisonnement puissant en France; mais je ne le comprends pas en Belgique et par une raison qui m'a frappé.

Je conçois l'avantage de cette prépondérance pour le pouvoir civil, lorsque le pouvoir civil, croyant de son intérêt d'intervenir directement ou indirectement à Rome, peut diriger l'action de cette prépondérance; lorsqu'il exerce, comme en France, un droit de contrôle sur la correspondance des évêques avec la cour de Rome. Mais la Belgique a donné au clergé autre chose que de l'or et mieux que de l'or. Elle lui a donné une entière indépendance. L'absence de tout contrôle gouvernemental sur les rapports directs et les correspondances du clergé avec la cour de Rome, vaut bien, au point de vue religieux, la majoration de traitement qu'on réclame en sa faveur.

En revanche, cette indépendance rend nulle l'utilité politique de l'influence que peut exercer à Rome sur les affaires religieuses un cardinal-archevêque belge. Je n'admets donc pas de prépondérance utilement exercée au point de vue dont il s'agit exclusivement dans la discussion du budget, c'est-à-dire au point de vue des services que la Belgique doit rémunérer chez les fonctionnaires ecclésiastiques, comme elle rémunère les services qui sont rendus par d'autres fonctionnaires. Je comprends cette prépondérance réellement utile en France par la différence des institutions.

(page 364) On s'est plaint enfin, messieurs, de l'injustice qu'il y aurait à appliquer un système d'économie à un seul fonctionnaire d'un ordre déterminé. On s'est plaint qu'on n'eût pas suivi une marche proportionnelle pour atteindre tous les traitements ecclésiastiques ; et l'honorable membre qui a fait cette objection au système de la section centrale, a dit que, pour lui, il avait, dans ce but, appuyé une proposition qui nous a été soumise dans une de nos dernières séances.

Mais, messieurs, dans les questions d'économie, la chambre s'est toujours préoccupée de deux idées bien distinctes; l'idée de faire supporter les sacrifices proportionnels à toutes les catégories de fonctionnaires, et puis l'idée non moins intéressante de réduire à un taux juste et équitable, indépendamment des sacrifices généraux qu'on pourrait exiger, les traitements qui lui paraissaient exagérés ; les traitements établis sur des bases que, en l'absence même de toute circonstance spéciale, motivant des économies, elle aurait réduites dans un but de bon ordre, de bonne comptabilité et pour ne pas se lancer dans la voie des prodigalités.

Or, le traitement du cardinal-archevêque de Malines a paru à la section centrale, pour les raisons que la chambre connaît maintenant, un de ces traitements qui devaient être ramenés à un taux normal. Si l'on n'a pas voulu faire une économie générale sur les traitements du clergé, c'est par le motif qu'il a semblé à la section centrale que le clergé n'était pas en général trop rétribué, sauf une exception unique, et cette considération explique l'opposition de la section centrale à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre. Peu importe que, sous ce rapport, l'économie autrement pratiquée aurait été plus ou moins large. La section centrale ne veut pas d'économies portant sur des fonctionnaires qu'elle croit équitablement rétribués avec les traitements qui leur sont alloués. Telle est la position de tous les membres du clergé, dans la pensée de la section centrale, sauf ce qui concerne le traitement du cardinal-archevêque.

Une dernière observation vous a été présentée. On vous a cité l'exemple de la France. On vous a dit : « Dans une circonstance récente, l'assemblée nationale de France a eu à s'occuper d'une question identique. Il s'agissait du traitement du cardinal-archevêque de Bourges, et à une majorité imposante, l'assemblée nationale, aussi avide de réformes et d'économies que peut l'être la chambre belge, a maintenu le traitement contesté du cardinal-archevêque. »

Messieurs, l'exemple de ce qui se fait en France, en matière de réformes et d'économies, n'est pas aussi concluant que pourraient bien l'être d'autres arguments empruntés aux pays voisins. Si l'assemblée nationale ne sanctionne pas certaines économies, nous avons à mettre en parallèle avec cette conduite un déficit de 600,000,000 sur le budget de cette année, d'après les prévisions les plus exactes, d'après les prévisions que confirme l'administrateur légal des finances de la République française.

Cette considération seule cependant ne me déterminerait pas encore à répudier entièrement l'exemple cité. Mais en France, la raison dominante pour l'assemblée nationale n'a pas été du tout en principe le maintien du traitement exceptionnel accordé au prélat français promu à la dignité du cardinalat. Je prends la petite brochure que l'on a distribuée, paraît-il, sur tous les bancs de cette chambre, et qui est arrivée à tout le monde sauf au rapporteur de la section centrale, à qui l'on n'a pas jugé à propos de la montrer, et j'y lis que la question a été placée devant l'assemblée nationale de France sur un tout autre terrain que celui d'une question de principe. On est venu dire, c'était le ministre de l'instruction publique et des cultes, c'était M. de Falloux qui tenait ce langage ; on est venu dire : « Mais vous ne jugez pas même la question de principe, en supprimant les 10,000 francs d'indemnité extraordinaire demandés pour l'archevêque de Bourges, à l'occasion de sa promotion au cardinalat. » Effectivement, dans le budget des cultes, voté quelque temps avant la promotion de l'archevêque de Bourges, on avait alloué l’indemnité spéciale de 10,000 fr., à raison de leur qualité de cardinaux, à trois autres prêtais français. Le ministre disait à l'assemblée nationale, et avec raison : « Si vous admettez le rejet de la proposition, vous allez faire une injustice; vous allez traiter moins bien le cardinal-archevêque de Bourges que les trois autres prélats en exercice. Vous faites une injustice exceptionnelle et individuelle; vous faites, disait M. le ministre, une injure personnelle au prélat récemment promu. »

.Voilà pourquoi l'assemblée nationale, à une si immense mérité, a tranché la question en faveur de l'allocation demandée. Mais le ministre a eu soin de dire : « Vous ne préjugez pas la question de principe; vous ne pouvez même pas la juger. » Je vais citer textuellement : « Quant à la question du cardinalat en elle-même, disait M. de Falloux, c'est très incidemment et inopportunément qu'elle a été introduite ici. » Et plus haut: « En supprimant vous auriez fait un acte personnel contre un cardinal en particulier, mais vous n'auriez lien fait contre le cardinalat en général. »

Vous voyez donc que ce vote de l'assemblée nationale n'a été qu'un vote conséquent avec un précédent qu'elle avait elle-même posé et qu'elle avait posé sans s'occuper de l'examen du principe.

Je pense, messieurs, que ces observations suffisent pour amener le maintien de la proposition de la section centrale. (La clôture! la clôture ! )

M. le président. - Un nouvel amendement vient d'être déposé par M. Dedecker ; il est ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer pour le traitement du cardinal-archevêque de Matines, le chiffre de 25,000 fr. »

M. Dedecker. - Messieurs, je ne cherche pas à prolonger une discussion que la chambre semble désirer voir se terminer le plus tôt possible. Je ne veux donc pas entrer dans de longs développements pour motiver ma proposition.

Quelque puissants qui puissent être les motifs qu'on allègue en faveur du maintien du chiffre actuel du traitement du cardinal-archevêque de Malines, je vous déclare qu'eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles se trouve la Belgique, je ne puis voter le chiffre de 30,0t)0 fr. Il est juste, il est bon que le chef de l'autorité ecclésiastique ait sa part dans les sacrifices que la nation entière doit s'imposer en ce moment.

D'un autre côté, le chiffre de 21,000 fr., proposé par la section centrale, ne peut non plus obtenir mon suffrage, parce qu'il n'établit aucune espèce de différence entre le traitement du cardinal et celui d'un archevêque.

D'après l'opinion de la section centrale et d'après l'opinion de la plupart des membres qui voteront pour cette réduction, le chiffre de 21,000 fr. représente le traitement d'un archevêque. En ne votant que ce chiffre, on détruit donc le cardinalat dans ses conditions matérielles; on ne tient aucun compte d'une distinction hiérarchique qui a cependant ses motifs et son but. C'est pourquoi je désire de voir conserver un traitement différentiel entre la dignité de cardinal et celle d'archevêque.

C'est guidé par cette double considération que je propose le chiffre de 25,000 fr.

Messieurs, je suis convaincu qu'aucun des membres de cette chambre, aussi bien ceux qui appuient la proposition de réduction faite par la section centrale que ceux qui la combattent, n'est mu par des considérations étrangères au sujet. Tous, nous sommes animés, d'un côté, par le désir sincère de respecter un haut dignitaire de l'Eglise, de l'autre, par le désir sincère d'opérer, de réaliser des économies que le pays réclame.

J'espère donc de la justice et de la modération de la chambre, qu'elle voudra admettre la proposition conciliante que j'ai l'honneur de lui faire.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. de Theux. - Puisque la clôture est demandée, je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion. Je ne reproduirai pas les arguments déjà présentés par plusieurs membres de cette assemblée. Je me bornerai à répondre, en peu de mots, à quelques observations spéciales présentées par l'honorable rapporteur de la section centrale.

Quoi qu'on en ait dit, il est certain que, par le vote de la proposition de la section centrale, on abolirait le cardinalat pour la Belgique. En effet le traitement d'un simple archevêque a été fixé à 21 mille francs par arrêté de M. le régent. Se borner à ce chiffre pour l'archevêque devenu cardinal, serait supprimer le traitement du cardinal.

Dira-t-on que le traitement de 21 mille francs fixé par le régent pour l'archevêque est trop élevé ?

M. Dumortier. - Oui!

(Erratum, page 439 : C'est par erreur qu'on a attribué cette interruption à M. Dumortier).

M. de Theux. - Je dis non. Le régent a réduit le traitement de l'archevêque de 16,500 fl. à 10,000 fl. On sait d'ailleurs que le régent n'était pas suspect de favoritisme pour le clergé, et que l'arrêté du régent a été porté à une époque où les circonstances étaient très difficiles. C'était en mars 1831, alors que la Belgique était à peine constituée.

Tous les traitements fixés par le régent l'ont été, chacun doit en être convaincu, à des taux très-modérés. Cela est tellement vrai que plus tard les chambres sont revenues sur la fixation de plusieurs traitements opérée par le régent. Voilà la vérité.

En France, dans des circonstances bien autrement difficiles que celles par lesquelles nous passons, on a maintenu, quoi qu'on en ait dit, l'indemnité spéciale de dix mille francs aux quatre cardinaux.

On dit qu'on accordera des frais de déplacement au cardinal quand il devra se rendre à Rome; mais cette mesure n'est ni digne, ni certaine; en effet, il faudra qu'à chaque déplacement le cardinal présente le compte des dépenses qu'il doit faire pour remplir ses fonctions. Cela n'est pas convenable. Il vaudrait beaucoup mieux fixer un traitement un peu plus élevé en raison de la dignité de cardinal, et ne pas faire entrer en ligne de compte chaque dépense particulière.

Je me bornerai à ces simples observations sur les objections spéciales qu'a présentées l'honorable rapporteur.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Vanden Branden déclare retirer son amendement et se rallier à celui présenté par M. Dedecker.

M. Dechamps. - Je ne m'oppose pas à la clôture, dans l'intention de réclamer un tour de parole. Je conçois l'intention de la chambre. Elle doit avoir hâte d'étouffer une discussion qui pourrait rallumer des passions politiques qu'elle doit désirer éteindre. (Interruption.) Je m'oppose à la clôture pour demander au moins que M. le ministre de la justice, qui n'a pas trouvé un mot pour justifier les propositions qu'il avait faites, nous dise pourquoi il ne maintient pas une allocation qu'il avait crue nécessaire, pourquoi il a cédé sans résistance à l'opinion de la section centrale. Je crois que la chambre a le droit de connaître pourquoi le ministre a changé d'avis.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le ministre de la justice avait demandé la parole avant M. Dechamps.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, le gouvernement n'a pas cru devoir prendre l'initiative de la réduction proposée. Mais en présence (page 385) de l'opinion unanime de la section centrale, et de presque toutes les sections de la chambre, le gouvernement a pensé qu'il devait se rallier à l'opinion et à la proposition de la section centrale.

Il ne nous paraît pas qu'il y ait des motifs suffisants pour maintenir en faveur d'un seul haut fonctionnaire ecclésiastique un traitement plus élevé que celui des plus hauts fonctionnaires de l'ordre civil. Je parle des fonctionnaires de l'intérieur, puisqu'il n'y a que les fonctionnaires diplomatiques qui aient des traitements plus élevés.

En France, d'après l'article 64 de la loi du 18 germinal an X, le traitement des évêques est fixé à 10,000 fr. (en Belgique, il est de 14,700 fr.) ; le traitement des archevêques est de 15,000 fr. Celui de l'archevêque avait été fixé, je léereconnais, par un arrêté du régent dont on a parlé, à 21,000 fr.

Il est bien vrai qu'en France, le traitement des cardinaux avait été fixé, par un arrêté consulaire, à 30,000 fr. Mais depuis longtemps, cet arrêté est tombé en désuétude. Aujourd'hui le traitement est de 10,000 francs, et se cumule avec le traitement d'archevêque, de sorte qu'un cardinal-archevêque a, en France, un traitement de 25,000 fr. Or il nous a paru que, comparaison faite du traitement des hauts fonctionnaires dans les deux pays, si un traitement de 25,000 fr. suffisait à un cardinal-archevêque en France, un traitement de 21,000 fr. devait suffire au cardinal-archevêque belge.

En nous ralliant à la proposition de la section centrale, nous n'avons pas besoin de protester que nous ne l'avons fait par aucun sentiment d'hostilité contre le haut clergé, ni pour l'honorable prélat que la réduction doit atteindre. Nous l'avons fait par les motifs qui ont guidé les sections et la section centrale ; nous avons été dirigés par une pensée d'économie et un sentiment de convenance qui sera compris, je pense, dans le pays, et qui aura la sanction de l'opinion publique.

M. de Theux. - Je demande la parole pour la rectification d'un fait.

M. le président. - Il y a d'autres orateurs inscrits. Je ne puis vous donner la parole que pour un fait personnel.

M. de Theux. - Il n'y a pas de fait personnel.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Vilain XIIII. - On ne clôt jamais après un ministre.

M. le président. - La parole est à M. de Haerne.

M. de Haerne. — Messieurs, vu l'impatience de la chambre, je ne tiens pas à user de mon tour de parole. Je pense néanmoins que le débat a assez d'importance pour qu'on entende encore quelques orateurs. M. le ministre de la justice a cité des faits que l'on conteste d'autre part. En ce moment, je ne suis pas à même de vérifier l'exactitude des traitements qui sont alloués aux cardinaux, aux archevêques et aux évêques en France; mais je crois que les chiffres, cités par M. le ministre de la justice, ne sont pas exacts, parce qu'en France, il est attaché à ces dignités des émoluments qui augmentent considérablement le traitement, surtout de la part des conseils départementaux. D'après ce que j'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure, la chambre peut comprendre que, voulant faire une réduction assez notable sur le traitement du cardinal, je dois me rallier à la proposition de l'honorable M. Dedecker, proposition que j'avais pour ainsi dire prévue d'avance. Cet amendement maintient en principe le cardinalat; et le chiffre de25,000fr. n'a rien d'exorbitant, vu les voyages à faire et les dépenses particulières à supporter par le cardinal, et auxquelles il est pourvu par une allocation spéciale quant aux ministres. Est-ce, d’ailleurs, pour une différence de 4,000 fr. que vous vous exposerez à supprimer le cardinalat, et à blesser de hautes convenances et de justes susceptibilités diplomatiques et religieuses.

M. Dumortier. - Messieurs, je regrette vivement la discussion qui s'ouvre en ce moment. En présence des nécessités du pays, d'une part, et en présence de ce qui s'est passé dans cette chambre, depuis quelques années, j'aurais voulu qu'un système tout à fait différent fut adopté; j'aurais voulu que l'on comprît qu'il était nécessaire de faire des sacrifices, et que l'on fît valoir même ces sacrifices pour montrer la modération, le dévouement, le désintéressement qu'on apportait dans les questions de ce genre.

Messieurs, je voterai pour le chiffre de la section centrale; je le voterai parce que j'ai toujours soutenu dans cette chambre qu'aucun fonctionnaire, dans le pays, ne devait avoir un traitement supérieur à celui d'un ministre.

Les ministres sont les premiers fonctionnaires de l'Etat, ils représentent le peuple et la couronne, personne dans le pays ne peut être placé dans une position supérieure. Si demain le traitement des ministres était porté à 30,000 fr., je n'hésiterais pas un instant à voter le même chiffre pour le cardinal ; mais aussi longtemps que le traitement des ministres ne sera que de 21,000 fr., je ne pense pas qu'il soit possible qu'aucun traitement dans le pays leur soit supérieur.

S'il s'agissait d'un voyage du cardinal dans l'exercice de ses fonctions, je déclare que je voterais immédiatement pour les frais de ce voyage, car la Belgique a un intérêt majeur à être représentée dans les conclaves. Or, quand la Belgique envoie son cardinal dans les conclaves, pour y concourir à l'élection du souverain pontife, par exemple, c'est une chose qui intéresse tout le pays, et dès lors nous devrions pourvoir aux frais nécessaires pour remplir un devoir entièrement dans l'intérêt du pays.

Mais autre chose sont les frais de voyage, et autre chose est le traitement permanent. Encore une fois, je ne puis pas admettre qu'il y ait en Belgique un traitement de fonctionnaires publics supérieur à celui d'un ministre.

On dira peut-être que des traitements des membres du corps diplomatique sont supérieurs au traitement des ministres. Mais le corps diplomatique représente la Belgique et la couronne à l'étranger; il est obligé à des frais considérables de représentation et de logement dont un traitement plus élevé ne fait que l'indemniser. Il n'y a donc pas de similitude à établir entre un fonctionnaire de cette catégorie et un fonctionnaire résidant dans le pays même.

Ainsi, lorsqu'on accorde au cardinal le traitement de ministre, on fait tout ce qu'il est possible de faire dans l'intérêt de l'Eglise. Il est d'ailleurs pénible de voir des questions de ce genre se résumer en une question de chiffre.

C'est rapetisser étrangement les questions religieuses, questions avant tout de dévouement et de désintéressement, que de les réduire aux mesquines proportions d'une question d'argent ; en agir de la sorte, c'est compromettre les intérêts religieux en les présentant au peuple sous un jour défavorable. Ce n'est pas ainsi que j'ai jamais entendu et que j'entendrai jamais les questions qui intéressent l'Eglise, et je demeure profondément convaincu que le prélat éminent qui occupe les fonctions de cardinal est trop dévoué à la chose publique, qu'il a trop de générosité et de désintéressement pour ne pas les comprendre de la sorte. Il me semble que nous devons nous abstenir de pareilles questions dans les circonstances actuelles.

Rappelez-vous, messieurs, combien l'élévation du traitement du cardinal au-dessus de celui des ministres a été mal accueillie dans le pays qui a cru y voir la pensée de vouloir mettre l'Eglise au-dessus de l'Etat, et qui, dans sa juste susceptibilité, a fait payer bien cher quelques votes de ce genre. Pour tout homme qui professe des opinions religieuses, c'est là un résultat infiniment déplorable, et je dis que lorsqu'un pareil sentiment se manifeste dans le pays, il faut éviter soigneusement de l'y maintenir.

Par ces motifs, je voterai pour le chiffre de la section centrale. Mais aussi je dois repousser, les réductions qui vont au-delà, celles qui sont présentées pour les évêques, et pour les frais des évêchés. Les premiers, assimilés par la loi aux gouverneurs, touchent les mêmes traitements que ces derniers; et quant aux frais de tournée et de bureau, ils sont tellement modiques, que loin de vouloir les réduire on devrait les donner pour modèles a bien des administrations.

M. Delfosse. - Le cardinal-archevêque est le premier dignitaire dans l'ordre ecclésiastique, comme les ministres du Roi soit les premiers dignitaires dans l'ordre civil. Il ne faut le placer ni au-dessus ni au-dessous des ministres. Ne voulant pas le placer au-dessus, je voterai contre l'amendement de l'honorable M. Dedecker; ne voulant pas le placer au-dessous, je voterai contre l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

L'exemple tiré de la France n'a rien de concluant. M. le ministre de la justice vient de le prouver. J'ajouterai à ce qu'il vous a dit, qu'en France les ministres du roi n'ont pas un traitement inférieur à celui des cardinaux.

Il y a quelques années, lorsque je suis entré dans cette chambre, j'ai fait la proposition qui vous est soumise par la section centrale. Quelques collègues seulement se sont alors levés pour cette proposition, et je ne me souviens nullement que l'honorable M. Dumortier fût du nombre; je ne l'en félicite pas moins de ce qu'il est aujourd'hui des nôtres. Eh bien, cette proposition, qui rencontrait à peine quelques adhérents, réunira tantôt une immense majorité; c'est une preuve qu'il vient toujours un moment où les bonnes causes triomphent, et qu'il ne faut pas trop s'effrayer d'être isolé dans une discussion ou dans un vote.

M. Dumortier (pour un fait personnel). - Messieurs, je suis quelque peu surpris que l'honorable M. Delfosse, nouveau venu dans cette enceinte, ait cru devoir se permettre de me donner un leçon à propos du traitement du cardinal. Grâce à Dieu, je n'ai pas attendu son arrivée dans cette chambre pour savoir comment je devais m'y conduire. Libre à lui de se présenter comme le redresseur de tous les torts, comme un député modèle ; mais si l'honorable membre eut fait partie de cette chambre en 1834, quand la question du traitement a été présentée pour la première fois, il saurait quel a été mon vote, et loin de chercher à me donner une leçon que je lui renvoie, il verrait que si l'un de nous deux a suivi l'autre, c'est l'honorable M. Delfosse, qui m'a imité.

M. Delfosse. - Il n'en est pas moins vrai que vous ne vous êtes pas levé pour ma proposition.

M. de Theux. - Messieurs, certainement ce n'est pas au point de vue de l'argent que l'on doit traiter les questions de dignité ecclésiastique. La papauté n'a jamais été déserte, les sièges épiscopaux n'ont jamais été inoccupés, alors qu'aucun traitement n'était attaché à ces hautes positions, alors même qu'elles avaient pour conséquence de mener au martyre. Je suis persuadé que quelque difficiles que puissent être les circonstances où l'église catholique soit placée, elle trouvera dans son sein assez de dévouement, pour que toutes les dignités soient remplies même sans traitement.

D'autre part, l'histoire fait foi aussi que chez toutes les nations les ministres des cultes ont reçu une position convenable à leurs fonctions; nulle part, on n'a fait d'exception pour les fonctions ecclésiastiques; l'exemple de toute l'Europe civilisée est là pour attester mon assertion.

Me renfermant dans le cas spécial, je répondrai deux mots à M. le ministre de la justice : il vous a dit qu'en France aucun archevêque n'avait (page 386) plus de 15,000 francs, et qu'il en avait 25,000 lorsqu'il était cardinal. Je ferai d'abord observer que le primat de France, l'archevêque de Paris n'a pas2£5,000 fr. qu'il cumulerait comme cardinal ; mais que, comme simple archevêque, il a un traitement bien supérieur à celui que le primat de Belgique cumule comme cardinal et comme archevêque de Malines.

Ensuite il est inexact de dire que les archevêques et les évêques n'ont en France que 15,000 et 10,000 fr., attendu que les conseils départementaux sont invités à voter et votent très souvent des suppléments de traitement pour leurs chefs diocésains.

Maintenant, messieurs, j'appelle votre attention sérieuse sur la position fâcheuse qu'on veut créer au cardinal, en exigeant que chaque fois qu'il s'agira d'un déplacement, il vienne solliciter du gouvernement des frais de voyage, lesquels devraient être soumis à une discussion publique ; je crois qu'il serait plus convenable d'adopter l'amendement de M. Dedecker qui fixe une somme convenable au moyen de laquelle il pourrait pourvoir à toutes les dépenses auxquelles il peut être soumis. Ce serait plus convenable et pour la chambre et pour le prélat que la chose concerne.

Il importe d'éviter autant que possible les discussions de détail en ce qui concerne les dépenses pour les affaires ecclésiastiques.

- La discussion est close.

M. le président. - Trois propositions sont en présence : celle de M. Dedecker, 25,000 fr., celle de la section centrale, 21,000, celle de M. Lelièvre, 18,000.

Je mets aux voix d'abord la proposition de M. Dedecker.

- L'appel nominal étant demandé, il est procédé à cette opération.

83 membres répondent à l'appel.

58 membres disent non;

24 membres disent oui;

1 membre s'abstient.

En conséquence le chiffre de 25,000 fr. n'est pas adopté.

M. De Pouhon. - Je reconnais l'anomalie qu'il y a à ce qu'un dignitaire ecclésiastique ait un traitement supérieur à celui des ministres civils, quoique ce dignitaire ait deux qualités distinctes qui puissent motiver cette différence. Mais, d'un autre côté, ne voulant pas toucher aux positions acquises, je n'ai pas pu voter la réduction de traitement proposée.

Ont répondu oui : MM. Osy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Coomans, de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Theux, de T'Serclaes, Dubus, Faignart, le Bailly de Tilleghem et Mercier.

Ont répondu non : MM. Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin, Thiéfry, T Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Brouckere (Henri), Debroux, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumortier, Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mascart, Moxhon, Orts et Verhaegen.

- Le chiffre de 21,000 francs proposé par la section centrale est ensuite adopté.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1849

Rapport de la section centrale

Projet de loi portant le budget des non-valeurs et remboursements de l’exercice 1849

Rapport de la section centrale

M. T'Kint de Naeyer. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale chargée d'examiner le budget des finances, un rapport sur des pétitions renvoyées à cette section centrale, et un rapport sur le budget des remboursements et non valeurs.

M. le président. - Ces rapports seront imprimés, distribués et placés à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Cultes

Article 26

« Littera. B. « Traitement des évêques : fr. 75,500. »

La section centrale adopte.

M. Lelièvre propose de réduire le traitement des évêques à 12,000 francs.

Personne ne demande la parole.

Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

« Litt. C. « Abonnements pour frais de tournées et de secrétariat de l'archevêché : fr. 4,600. »

La section centrale propose de réduire cette allocation à 2,300 fr.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, le gouvernement ne peut se rallier à la proposition de la section centrale. Les frais d'abonnement et de secrétariat ont été fixés par arrêté royal du 29 mars 1834 à 4,600 francs pour l'archevêché de Malines et à 4,200 francs pour les 5 évêchés du royaume. Le gouvernement ne pense pas que ces frais soient trop élevés, et il demande qu'ils soient maintenus ; les évêques doivent avoir non seulement un secrétaire particulier, mais des bureaux et des commis qui sont assez occupés.

Indépendamment de la correspondance avec tous les curés du diocèse pour les affaires spirituelles, ils ont en outre la surveillance de toutes les affaires concernant le temporel du culte; ils sont charges de l'administration des fabriques d'églises, en ce sens qu'ils doivent approuver les budgets, viser et arrêter les comptes des trésoriers; ils ont encore la gestion des biens des séminaires et des cathédrales. Tout cela exige un travail assez considérable.

il faut ajouter à ces dépenses les frais des tournées qu'ils sont tenus de faire à des époques déterminées, puisque d'après la loi de germinal an X, ils doivent visiter chaque commune du diocèse au moins une fois tous les cinq ans.

Je puis assurer à la chambre que ces frais ne sont pas exagérés, et même les chefs diocésains se plaignent presque tous les ans de l'insuffisance de l'allocation.

Je demande donc le maintien du chiffre proposé par le gouvernement.

M. Orts, rapporteur. - Quant au chiffre actuellement en discussion, je me trouve dans une situation personnelle assez difficile à concilier avec ma position de rapporteur. J'en avais fait l'observation à la section centrale lorsqu'on m'a chargé du rapport. J'ai fait partie de la minorité qui a repoussé la réduction , et je dois dire, pour mon compte personnel, que les observations du gouvernement justifient mon vote.

Je désirerais donc que si un membre de la section centrale a une réponse à faire aux raisons que vient de donner M. le ministre, il prenne le rôle qui appartient au rapporteur. C'est chose convenue à l'avance entre nous pour le cas où, dans la discussion, il s'agirait d'articles au sujet desquels j'aurais fait partie de la minorité.

J'ajouterai pourtant à ce qu'a dit M. le ministre de la justice, que le travail des bureaux des évêques s'est compliqué d'une manière assez notable, en raison des attributions qui leur ont été conférées par la loi d'instruction primaire. Cette loi oblige les chefs diocésains à adresser au ministre de l'intérieur un rapport sur l'inspection ecclésiastique. C'est encore un travail qui exige des dépenses de matériel et de frais de bureau.

- Le litt. C est adopté avec le chiffre de 4,600 fr. proposé par le gouvernement.

« Litt. D. Abonnement pour frais de tournée et de secrétariat des évêchés (4,200 fr. par évêché) : fr. 21,000. »

- La section centrale propose 10,500 fr.

Le littera est adopté avec le chiffre de 21,000 fr.

« Litt. E. Traitement d'un secrétaire spécial du diocèse de Namur : fr. 1,260. »

La section centrale propose le rejet de ce littera.

- Cette proposition, à laquelle M. le ministre de la justice se rallie, est adoptée.

« Litt. F. Traitement des vicaires généraux de l'archevêché : fr. 10.800. »

- Adopté.

« Litt. G. Traitement des vicaires généraux des évêchés : fr. 32,000. »

- Adopté. .

« Litt. H. Traitement des vicaires généraux des chanoines de l'archevêché, : fr. 28,800. »

M. Orts, rapporteur. - Je demande à faire une simple observation, mais une observation sur laquelle je désire un mot d'explication de la part du gouvernement.

La section centrale a voté le maintien de cet article, par respect pour des positions acquises. Mais elle a exprimé un vœu que je désire ne pas voir passer sous silence. Elle a exprimé le vœu qu’à l'avenir et par extinction, le nombre de chanoines fût réduit. Je désirerais savoir si ce vœu rencontre quelque objection de la part du gouvernement; car il ne faut pas que la question reste indécise.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Le gouvernement n'y voit aucun obstacle, pou: vu cependant que la réduction s'opère à mesure des extinctions. Mais il doit consulter à cet égard les chefs diocésains, afin de savoir s'ils n'auraient pas d'objections à faire. Et comme il ne s'agit pas de réduire immédiatement le chiffre de ce crédit, et que la question se présentera dans la discussion du budget de l'année prochaine, le gouvernement communiquera alors à la chambre les résultats de l'enquête qu'elle va faire et les renseignements qu'il a recueillis.

M. Orts, rapporteur. - La section est satisfaite.

- Le litt. H est adopté.

« Litt. I. Traitement des chanoines des autres diocèses : fr. 80,000. »

- Adopté.

« Litt. J. Personnel des grands séminaires de Malines, Bruges et Gand (subside de 8,000 fr. par diocèse) à l'exception du personnel du séminaire de Liège : fr. 40,000. »

- Adopté.

« Litt. K. Bourses de séminaire, à l'exception des bourses du séminaire de Liège : fr. 62,010 55. »

- Adopté.

L'ensemble de l'article 26 est adopté avec le libellé ci-après :

« Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, bourses et demi-bourses affectées à ces établissements, à l'exception du personnel et des bourses du séminaire de Liège. »

Article 27

« Art. 27. Clergé inférieur ou culte catholique, déduction faite de 8,068 fr., pour revenus de cures : fr. 3,308,275 31. »

M. de Perceval. - Messieurs, chaque année dans la discussion du budget de la justice, l'honorable M. de Bonne, que je regrette de ne plus voir siéger dans cette enceinte, se levait et prenait la défense du clergé inférieur, à l'occasion du crédit qui est en discussion en ce moment. Il adressait tous les ans à M. le ministre de la justice une (page 387) interpellation qui a provoqué de la part du gouvernement diverses réponses, plusieurs engagements que je vais communiquer à la chambre, rappeler à l'honorable M. de Haussy, pour continuer ainsi la tâche entreprise naguère par M. de Bonne. Je m'explique.

L'honorable député de Bruxelles demandait à cette époque au cabinet s'il entendait bientôt régler le mode de nomination et de révocation des desservants par un concordat, par une convention quelconque avec le saint-siège. M. de Haussy, répondant à cette interpellation, disait que le gouvernement ferait ses efforts pour fixer d'une manière nette et positive les rapports de l'autorité civile avec l'autorité spirituelle, pour combler la lacune et pourvoir enfin à l'insuffisance de notre législation, et l'honorable ministre de l'intérieur ajoutait que le gouvernement devait tâcher d'obtenir de la cour de Rome des déclarations favorables aux prétentions raisonnables du clergé inférieur.

Par suite de ces engagements positifs pris dans cette circonstance par le ministère, je viens lui demander ce qu'il a fait, depuis la session dernière, pour le clergé inférieur, s'il s'est occupé de la question, et dans la négative, quand il se propose d'ouvrir des négociations à cet effet avec le souverain pontife?

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, le gouvernement, depuis la discussion à laquelle l'honorable préopinant a fait allusion, n'a pu faire avancer la question agitée à cette époque et qu'il vient de rappeler. Les circonstances politiques qui ont eu lieu ont rendu toute négociation à peu près impossible. La chambre se rappellera le fâcheux incident qui a momentanément altéré nos relations avec la cour de Rome.

Cet incident n'était pas plus tôt terminé, que d'autres événements politiques sont survenus, qui n'auraient pas permis davantage de s'occuper d'une question de cette nature.

Quant au concordat dont a parlé l'honorable M. de Perceval, je pense que lorsque des négociations pourront être ouvertes avec la cour de Rome, on pourra demander au saint-siège une déclaration favorable au clergé inférieur, déclaration qui conférerait aux desservants le privilège de l'inamovibilité dont il jouit dans tous les pays catholiques, à l'exception peut-être de la France et de la Belgique.

Mais la chambre sait que le pouvoir spirituel est tout à fait indépendant du pouvoir civil. C'est donc spontanément que le saint-siège devrait faire une déclaration de cette espèce, et qu'il devrait pourvoir au sort du clergé inférieur en réglant d'après les lois canoniques les droits dont il serait appelé à jouir. Si le saint-siège faisait une semblable déclaration, dans ce cas le gouvernement devrait examiner ce qu'il doit faire, comme pouvoir civil, pour y attacher la sanction de la loi, et il aurait à proposer alors à la législature telles mesures qu'il croirait nécessaires pour assurer au clergé inférieur, dans l'ordre civil et sous le rapport matériel, la jouissance des avantages qui en résulteraient.

Le gouvernement n'a pas perdu de vue cet important objet. Mais dans les circonstances actuelles, la chambre comprendra qu'il était et qu'il est encore impossible que l'on s'en occupe sérieusement et avec soin.

M. Lelièvre. - Messieurs, je dois faire quelques observations en réponse à ce que vient de dire l'honorable M. de Perceval. Aux termes de la Constitution, l'Etat n'intervient pas dans les nominations et l'installation des ministres des cultes. Sous ce rapport, je ne conçois pas l'intervention du gouvernement relativement à l'objet dont a parlé l'honorable M. de Perceval. Autant je suis partisan de l'indépendance entière du pouvoir civil, autant j'ai à cœur l'indépendance du clergé dans les limites de ses attributions spirituelles. Je crois devoir protester contre toutes démarches du gouvernement qui auraient pour résultat une immixtion dans des négociations étrangères à sa mission.

M. de Haerne. - Je tiens à donner une explication à la chambre sur le débat qui vient d'être soulevé par l'honorable M. de Perceval. Ce débat a été déjà, comme vous le savez, produit deux fois dans cette enceinte à l'occasion du budget de la justice, et j'y ai pris une assez grande part.

L'honorable M. de Bonne, dont l'honorable M. de Perceval vient de parler, n'avait pas posé la question sur le même terrain. J'avais tâché de la ramener sur le terrain sur lequel l'honorable M. de Perceval vient de la placer.

M. le ministre de la justice avait pris un certain engagement à cet égard, engagement qui, selon moi, n'avait rien de contraire à la Constitution, et par lequel il voulait bien promettre de s'interposer officieusement dans cette question.

L'honorable M. Lelièvre aurait tout à fait raison dans l'observation qu'il vient de faire, si le gouvernement prétendait agir d'autorité et exercer une action officielle.

Je crois qu'alors le gouvernement serait tout à fait en dehors de son droit. Mais s'il s'agit seulement d'une action officieuse, il me semble dès lors que la Constitution ne s'oppose en aucune manière à une intervention semblable dans le domaine religieux, car c'est la voie que l'on suit dans tous les rapports qui s'établissent entre le gouvernement et le clergé. Le clergé a une double position : une position spirituelle d'un côté, une position matérielle de l'autre. Il faut bien qu'il y ait un trait d'union entre ces deux positions et que le gouvernement intervienne pour cela d'une manière officieuse.

Si donc l'action du gouvernement est purement officieuse, je ne m'y oppose pas, et je déclare qu'à cet égard, j'ai tous mes apaisements pour les communications qui pourraient être faites, d'abord de la part du gouvernement qui sera équitable, j'en suis persuadé, dans cette question, et aussi de la part des chefs de l'Eglise qui pèseront tous les intérêts qui se présentent ici, d'après les changements qui ont eu lieu, depuis l'adoption de la Constitution belge, dans la position du clergé.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 28

« Art. 28. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'églises pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo.

« Charges ordinaires : fr. 394,000.

« Charges extraordinaires : fr. 50,000. »

M. de Luesemans. - Messieurs, tout à l'heure, au commencement de la séance, je m'étais adressé à M. le ministre de la justice afin d'avoir quelques explications. L'occasion de les donner ne s'étant pas présentée dans le débat, je viens renouveler ma demande.

Je vois que les subsides ordinaires demandés, pour 1849, s'élèvent à fr. 185,000.

Les subsides extraordinaires à fr. 247,965.

Total : fr. 433,065.

Je demanderai à M. le ministre de la justice si dans le subside, tel qu'il est libellé, et même justifié par des désignations positives, il pourra trouver une somme à allouer soit à la fabrique de l'église de St-Pierre de Louvain, soit à l'administration communale de cette ville, pour réparations à cette église.

Vous savez probablement tous, car il n'est pas un Belge qui n'ait visité les monuments de Louvain, que l'église de Saint-Pierre est une des basiliques du moyen âge les plus remarquables du pays.

Depuis longtemps, le gouvernement, parfaitement renseigné par des documents fournis par la commission des monuments, a sollicité de l'administration communale de Louvain qu'elle s'occupât des réparations à faire à cette église. Un débat s'est élevé entre la fabrique et l'administration communale ; il a duré fort longtemps : il roulait surtout sur la justification d'insuffisance des moyens de la fabrique.

Depuis deux jours, le débat a cessé : la justification est complète de la part de la fabrique à l'administration communale, qui est disposée à allouer une somme convenable et proportionnée à ses propres ressources. Le chiffre de la dépense immédiate doit s'élever à 20 mille francs, si l'on ne veut pas que l'église tombe en ruine. Le chiffre total, qui pourra être réparti entre des exercices successifs, s'élèvera à environ 200 mille francs. Je demanderai à M. le ministre si, dans sa justice distributive, et considérant cette dépense comme d'un intérêt urgent, il pourra trouver au moins 10 mille francs sur le crédit de 444 mille francs qu'il demande.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Si l'honorable M. de Luesemans avait bien voulu me faire part de cette interpellation à la séance d'hier, je me serais empressé de recueillir des renseignements. Mais il me serait impossible de dire en ce moment si le chiffre du crédit qui va être alloué, et qui est engagé en grande partie, sera suffisant pour comprendre un subside en faveur de l'église, de Saint-Pierre de Louvain. Je ne sais même si la demande de ce subside a été faite soit par le conseil de fabrique, soit par l'administration communale. Mais si cette demande a été adressée au département de la justice, l'affaire aura été instruite, et il ne me paraît pas douteux que l'église de Saint-Pierre, qui est un des beaux monuments du pays, n'obtienne un subside convenable et qui sera fixé suivant les limites du crédit dont nous pouvons disposer.

M. de Luesemans. - Je ferai remarquer que c'est par suite de demandes réitérées du gouvernement lui-même que l'administration communale de Louvain s'est occupée de cette affaire, qu'il y a donc longtemps qu'elle est instruite et qu'il y a trop longtemps que l'urgence de ces réparations est réelle.

- L'article est adopté avec le chiffre de 444,000 fr.

Articles 29 à 33

« Art. 29. Culte protestant et anglican (personnel) : fr. 47,871. »

- Adopté.


« Art. 30. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 10,029. »

- Adopté.


« Art. 31. Culte israélite (personnel) : fr. 8,600. »

- Adopté.


« Art. 32. Frais de bureaux du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 900. »

- Adopté.


« Art. 33. Pensions et secours pour les ministres des cultes, secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 139,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures 3/4.