Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 février 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 687) M. de Perceval procède à l'appel nominal à une heure.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Perceval présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Quelques instituteurs primaires dans les cantons de Jodoigne et de Perwez proposent des mesures qui ont pour objet d'améliorer leur position. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« La dame Putri, veuve du sieur Dasbeck, ouvrier poêlier à Bruxelles, prie la chambre de lui accorder un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Debast demande un secours en attendant que le gouvernement lui accorde la traversée gratuite aux Etats-Unis. »

- Même renvoi.


« Plusieurs membres du conseil communal de Warneton déclarent que la pétition qu'ils ont adressée à la chambre au mois de janvier dernier, et que des membres de l'administration centrale ont supposé n'être pas signée par eux, a été réellement revêtue de leur signature. »

M. Peers. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Ploegsteert, afin qu'elle puisse examiner cette pièce et nous proposer les modifications qu'elle jugerait nécessaires au rapport qu'elle a déposé dans la séance du 6 février.

M. A. Vandenpeereboom. - Je ne vois pas grand inconvénient au renvoi demandé par l'honorable M. Peers. Cependant je dois faire remarquer que la commission a terminé ses travaux, que son rapport est même distribué et que si la pétition restait déposée sur le bureau pendant la discussion de ce rapport, le but de l'honorable membre serait entièrement rempli. Les membres qui voudraient en prendre connaissance pourraient tirer parti des arguments qu'elle contient.

Je ferai observer en outre que cette pétition est signée par des personnes qui en ont déjà adressé plusieurs autres à la chambre.

Par ces motifs, je crois que le dépôt de la pétition sur le bureau suffirait et permettrait d'accélérer l'examen de la question.

M. de Haerne. - Je crois que dans tous les cas la pétition doit être déposée sur le bureau pendant la discussion du projet et je me rallie volontiers à cet égard à la proposition de l'honorable M. Alp. Vandenpeereboom.

Cependant je crois qu'on ferait bien aussi de renvoyer la pétition à la commission, qui ferait chose très utile en l'examinant, afin de voir si elle ne renferme pas des faits assez importants, et c'est ce qu'on m'a assuré, pour porter la commission à modifier ses conclusions.

Voici le motif pour lequel j'appuie le renvoi à la commission :

Vous savez que, pour des affaires semblables qui se rapportent à des intérêts locaux, la chambre ne fait guère attention à ce qui se passe dans la discussion. Ce sont des questions de localité, qui souvent se rattachent à des chiffres, à des observations de détail et compliquées, que la chambre peut difficilement apprécier. Il faut que ce soit la commission qui prenne connaissance et qui tienne compte de ces circonstances.

Je crois que rien ne s'opposerait à ce que la commission procédât dans peu de jours à un examen attentif de la question, et nous rendît compte du résultat de cet examen, afin que nous pussions en juger en connaissance de cause.

Quant à ce que l'honorable M. Vandenpeereboom a dit, que les signataires de la pétition sont les mêmes que ceux qui avaient déjà signé une pétition antérieure, et qu'ils appartiendraient à la partie qui doit être séparée de la commune actuelle, cela est possible. Mais je ferai remarquer que les pétitionnaires forment la majorité du conseil communal, et ; le fond de la pétition tend à renverser complètement les arguments sur lesquels s'est fondée la commission dans son rapport. Je ne dis pas, dès aujourd'hui, que les pétitionnaires ont raison ; c'est là la question à examiner, et que je ne veux pas préjuger; mais le sens de la pétition est celui-ci : que la délimitation a été bien faite, que le conseil communal a agi en parfaite connaissance de cause au sujet de cette délimitation, que c'était, dans le principe, Warneton qui la voulait plutôt que Ploegsteert et que l'erreur relative au nombre d'hectares contenus dans la partie à céder est purement matérielle, puisque la question des limites avait été longtemps débattue de part et d'autre. Tel est le sens, je crois, exprimé dans la requête par la majorité du conseil communal, et je dis que cette déclaration est assez grave pour qu'elle soit examinée en commission. Car, je le répète, cet examen échapperait à la chambre; celle-ci ne pourrait en juger, préoccupée qu'elle est des intérêts généraux du pays.

J'appuie donc de toutes mes forces le renvoi à la commission, renvoi qui me semble devoir rencontrer d'autant moins de difficulté que l'honorable rapporteur a déclaré qu'il ne s'y oppose pas.

M. Alp Vandenpeereboom. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire, je vois peu d'inconvénients au renvoi à la commission. Je dois cependant faire remarquer à la chambre que lorsqu'une commission ou une section centrale a terminé son travail, si chaque pétition qui arrive devait lui être renvoyée, on pourrait rarement terminer avec promptitude une affaire. Rien n'empêcherait, lorsque la pétition actuelle aurait été examinée, qu'une pétition nouvelle fût envoyée à la chambre. Il est même probable qu'il en sera ainsi ; cette pétition nouvelle devra-t-elle encore être examinée par la commission ?

Le dépôt de la pétition sur le bureau me paraît le moyen le plus expéditif d'amener l'examen de la question.

M. Toussaint. - Je ferai remarquer, messieurs, que l'honorable M. Vandenpeereboom parle contre ses propres conclusions. Il ne s'oppose pas, dit-il, au renvoi à la commission, et il parle contre ce renvoi. (Interruption.)

J'appuie le renvoi à la commission.

- Le renvoi à la commission est mis aux voix; il n'est pas adopté. Le dépôt sur le bureau est ensuite adopté.


M. le président fait connaître une lettre de M. de Breyne, qui se trouve empêché d'assister à la séance par suite d'une indisposition.

- Pris pour information.

Projet de loi révisant les tarifs en matière criminelle

Rapport de la section centrale

M. Moreau dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi modifiant le tarif en matière criminelle.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet, et le met à l'ordre du jour, à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VI. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 39

La discussion continue sur le chapitre VI, relatif aux commissaires d'arrondissement.

M. Moncheur. - La chambre doit désirer que cette discussion ne se prolonge pas beaucoup davantage. Je ne serai donc pas long.

Vous savez, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur avait d'abord déclaré hier que le tableau qu'il a annexé au projet de budget n'était pas arrêté d'une manière tellement fixe, qu'il ne pût être modifié ultérieurement. Cette déclaration a engagé M. Dedecker à ne pas insister sur les observations qu'il voulait présenter relativement à ce tableau, observations qui, dans sa pensée et d'après la déclaration de M. le ministre, pourraient, sans doute, être présentées à celui-ci particulièrement ; mais M. le ministre ayant dit ensuite qu'il n'avait surgi de la discussion aucune observation de nature à lui faire penser qu'il y ait la moindre chose à changer à ce tableau, et ayant pourtant fait une sorte d'appel aux membres de cette chambre sur le point de savoir s'il y avait, selon eux, d'autres bases à adopter que celles qui lui ont servi à établir le rang d'importance des commissaires d'arrondissement, chaque membre étant ainsi, en quelque sorte, mis en demeure d'émettre ses idées à cet égard, je crois devoir vous présenter quelques réflexions sur des faits qui, selon moi, doivent singulièrement influer sur la formation du tableau dont il s'agit.

Je pense, messieurs, si les trois bases adoptées par le département de l'intérieur sont admissibles, si deux surtout peuvent être maintenues à plus juste titre que la troisième, qui est l'étendue du territoire et qui, selon moi, est la moins sûre, il est une quatrième base, qui est plus importante que les autres, et dont on n'a tenu aucun compte dans le travail de classification qui a été fait.

Cette quatrième base, c'est le total des recettes ordinaires des communes et établissements publics compris dans l'arrondissement. Le plus ou le moins de revenus communaux est ce qui influe le plus sur le plus ou le moins de besogne des commissaires d'arrondissement.

Messieurs, on a fait un tableau indiquant le rang d'importance des arrondissements administratifs. Certainement à cette idée d'importance des arrondissements administratifs se joint dans votre esprit une autre idée corrélative, et qui est le plus ou le moins de besogne des commissaires d'arrondissement, car puisqu'il s'agit de leur donner un traitement et des émoluments plus ou moins considérables, c'est leur travail que vous voulez rétribuer, ce sont les frais de bureau et de commis que vous voulez leur rendre. Or, quelle est la source la plus féconde de besogne pour les commissaires d'arrondissement? C'est l'existence de biens (page 688) plus ou moins considérables, appartenant aux communes qui font partie de leurs arrondissements.

En effet, plus les recettes du budget sont élevées dans une commune, et plus aussi il y a des dépenses et plus il surgit de questions, de difficultés relatives à ces dépenses.

Les revenus communaux sont en général la représentation de l'importance des biens communaux, de la fortune communale. Ces biens consistent en bois, en terres, en prés, en routes. Or, il en est de l'administration de la fortune communale, comme de celle de la fortune d'un particulier. Une fortune considérable donne lieu à beaucoup plus de besogne qu'une fortune médiocre ou que l'absence même de toute fortune. Il y a beaucoup de communes qui ne voient au chapitre de recettes de leur budget que le produit des centimes additionnels ou de la répartition personnelle; ces communes n'ont, par conséquent, au chapitre des dépenses pour satisfaire que ce qui est strictement nécessaire aux dépends obligatoires.

Or, il est évident qu'un ménage si simple ne donne pas beaucoup de besogne. Mais lorsqu'une commune a beaucoup de biens communaux, il surgit, comme je l'ai dit, une foule de questions qui donnent lieu à une besogne considérable. Par exemple, cette commune a des procès, soit au pétitoire, sou au possessoire. Eh bien! messieurs, le commissaire d'arrondissement doit donner, en pleine connaissance de cause, son avis sur ces questions. On a dit que les commissaires d'arrondissement n'administrent pas, qu'ils sont plutôt des surveillants, des inspecteurs; mais il est en général plus facile de poser un acte d'autorité que de donner un avis, parce que cet avis, on doit le motiver et le rédiger de manière à prouver à l'autorité supérieure que l'on connaît parfaitement la question. Ces avis donnent donc en général plus de travail au commissaire d'arrondissement qu'il n'en aurait, s'il pouvait lui-même résoudre la question et poser l'acte d'autorité.

Remarquez, messieurs, que les biens communaux donnent lieu aux partages d'affouages. Vous ne croiriez pas à combien de difficultés et d'interventions du commissaire d'arrondissement ces partages donnent lieu. Ainsi il faut, pour avoir droit à l'affouage, être domicilié depuis un an dans la commune et y avoir feu séparé. Vous croyez peut-être que ceci est un point très facile à établir ? C'est, au contraire, souvent une question très difficile à résoudre; elle donne lieu parfois à de grandes animosités chez les copartageants, dont les uns prétendent que le domicile ou le feu séparé n'est que fictif, tandis que les autres prétendent le contraire.

Une enquête doit avoir lieu et c'est le commissaire d'arrondissement qui doit ordinairement la faire, en ayant soin d'arriver à l'improviste pour constater l'état réel des choses. Là où il y a beaucoup de terrains communaux, on doit faire la vente des fruits, de la futaie, des taillis, des écorces, vient ensuite la question d'essartage. Tout cela donne lieu à des avis du commissaire d'arrondissement.

La matière des essartages est souvent difficile; les particuliers demandent toujours l'essartage, c'est-à-dire la faculté de brûler le gazon et de semer une ou deux récoltes de grains. Or, quelquefois l'essartage peut se faire, mais quelquefois il n'est pas possible ou serait dangereux pour le sort du bois. Qui est-ce qui est appelé à donner son avis sur cette question, après les agents de l'administration forestière? C'est encore le commissaire du gouvernement.

Il est évident que dans les arrondissements où les communes n'ont pas de biens-fonds, le commissaire n'a jamais à intervenir dans des questions de ce genre. Quant aux rentes, si on en rembourse, et qu'il y ait lieu d'en faire remploi sur tel individu qui offre des biens en garantie, le commissaire d'arrondissement doit s'assurer que les biens offerts sont suffisants. Il est inutile d'insister sur la source féconde de besogne qu'offre l'existence de biens communaux dans un arrondissement. J'en dirai autant des biens des bureaux de bienfaisance ou des hospices.

L'emploi des recettes donne également lieu à une infinité d'affaires. Là où il n'y a pas de gâteau (pour me servir de l'expression qu'employait un honorable membre, il y a quelques jours) il n'y a pas lieu non plus à y mordre. Mais là où il y a des sommes considérables à dépenser, chacun cherche à en attirer vers lui la plus forte part possible.

S'agit-il, par exemple, de réparer les chemins? Chacun voudra que les réparations se fassent de préférence au chemin qui mène à sa demeure. Des réclamations surgiront et le commissaire d'arrondissement sera appelé à donner son avis.

S'agit-il de faire des édifices, des maisons d'école, des églises, des presbytères? Il y aura une correspondance très étendue sur les plans, les oppositions, les idées émises, qu'il faudra admettre ou combattre.

Je voudrais donc qu'on fît un total des recettes des établissements communaux existant dans chaque arrondissement et que ce total formât une des bases de la classification des commissaires d'arrondissement. Cette idée me paraît très pratique. Il est facile de connaître les revenus ordinaires de chaque commune et de ses bureaux de bienfaisance; c'est un renseignement statistique qui se trouve même, je pense, au département de l'intérieur.

Il doit d'ailleurs s'y trouver pour qu'on puisse déterminer les subsides à donner ou à ne pas donner aux communes pour l'instruction primaire. On n'a tenu, messieurs, aucun compte de cette base, pour la classification des commissariats. Je crois cependant qu'elle est infiniment plus forte et plus importante que les autres, notamment par l'étendue du territoire.

La base de la population est une base qu'il faut certainement admettre. Cependant je ne sais pourquoi on a admis d’une manière absolue la population des chefs-lieux de provinces dans cette base. Il est certain que les chefs-lieux de province ne sont pas soumis à la surveillance du commissaire d'arrondissement.

Il n'y a que la milice et les listes électorales qui soient de la compétence des commissaires. Mais il est certain que ce ne sont pas là les éléments d'un travail considérable. Il ne peut être regardé comme un travail considérable que là où il n'y a presque pas autre chose à faire. C'est une importance relative. Mais dans les arrondissements où l'administration devient compliquée par les circonstances que j'ai indiquées tout à l'heure, les opérations électorales et de milice ne sont pas comptées pour grand-chose, eu égard au reste. Cela ne dure au reste que 2 ou 3 mois de l'année. Vers le mois de mars, toutes les opérations sont terminées, quant à la milice.

L'admission pure et simple de la totalité de la population du chef-lieu comme base de la classification des commissaires d'arrondissement, fausse donc cette classification, parce que le chef-lieu n'est pas soumis à l'administration du commissaire d'arrondissement.

Mais puisqu'on avait admis les trois bases, de la population, du nombre des communes et de l'étendue du territoire, on aurait dû y être fidèle. Je conviens qu'il y a des circonstances accessoires à ces trois bases qui peuvent influer sur la classification. Mais il faudrait que ces circonstances fussent tellement évidentes que le rang que le commissaire d'arrondissement obtient par suite du calcul mathématique ne puisse absolument être conservé.

Je remarque, par exemple, que Dinant, qui obtient le quatrième rang, est placé au onzième.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il fallait dire cela tout de suite.

M. Moncheur. - M. le ministre de l'intérieur me fait l'honneur de me répondre qu'il fallait dire cela tout de suite. Messieurs, l'observation que je fais quant à Dinant n'est, pour moi, qu'accessoire. Je n'appartiens en rien à l'arrondissement de Dinant. Le commissaire d'arrondissement de Dinant ne m'a ni directement ni indirectement manifesté le moindre désir que je prisse la défense de son arrondissement dans cette chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il a très bien fait.

M. Moncheur. - Par conséquent, si je fais cette observation, c'est qu'elle est chez moi le résultat d'une conviction sincère.

Je dis de plus que si l'on admettait, comme je crois qu'on devrait l'admettre, la base que je viens d'indiquer, elle influerait singulièrement encore sur la place que devrait occuper l'arrondissement de Dinant dans la classification des arrondissements. En effet, il n'y a peut-être pas d'arrondissement dans la province où les biens communaux soient aussi nombreux, aussi considérables que dans celui-là, et j'ai l'expérience, une expérience longue, puisqu'elle est de douze ans, qu'il n'y a pas non plus d'arrondissement où les affaires soient aussi encombrées, malgré toute l'activité qu'y met le commissaire d'arrondissement et malgré le nombre d'employés qu'il occupe. C'est au point qu'il est difficile, qu'il est peut-être même impossible d'y mettre absolument à jour l'expédition des affaires, tant elles sont nombreuses.

Malgré cela, vous faites subir au commissariat de Dinant une diminution de 350 fr. sur ce qu'il a maintenant. Vous le faites descendre du quatrième rang qu'il obtient par la classification faite sur vos propres hases, et vous le mettez au onzième rang.

Vous direz, peut-être, qu'avant Dinant, il n'y a que des villes plus importantes. Ces villes sont : Hasselt, Louvain, Namur, Bruges, Ostende, Tournay et Mons. Mais je ne sache pas que la vie soit plus chère, qu'elle soit même aussi chère à Louvain, par exemple, ou à Hasselt qu'à Dinant. J'ai même de bonnes raisons de croire le contraire. Car je ne pense pas qu'il y ait en Belgique une ville où la vie soit à aussi bon marché et en même temps aussi confortable que dans la ville de Louvain.

Je me résume, messieurs, et je dis que puisque M. le ministre de l’intérieur a fait hier une espèce d'appel aux membres de la chambre, en leur demandant s'ils connaissaient une base meilleure que celles qui ont été admises, où s'ils connaissaient une quatrième base à ajouter à celles-là, je crois devoir lui indiquer comme cette quatrième hase, laquelle est à mes yeux la plus importante et la plus sûre, celle du total des recettes des communes ou des établissements publics qui existent dans chaque arrondissement.

M. de Renesse. - Messieurs, la discussion du budget de l'intérieur ayant déjà été assez longue, je crois devoir renoncer à la parole, d'autant plus qu'à la séance d'hier, mon honorable collègue et ami M. le vicomte Vilain XIIII a présente la plupart des considérations qui militent en faveur du maintien du commissariat d'arrondissement à Maeseyck.

Je dois, cependant, témoigner mes regrets, que le gouvernement n'ait pas pris en considération la position tout exceptionnelle des provinces de Luxembourg et de Limbourg, si cruellement frappées par le fatal traité de 1839 ; alors, on avait accordé à ces provinces certains avantages, que l'on veut, en partie, leur retirer actuellement; sous ce rapport, la suppression du commissariat de district à Maeseyck portera un assez grand désavantage à la plupart des communes de cet arrondissement, dont 29 sur 36, sont plus rapprochées de leur chef-lieu administratif actuel, que de celui auquel elles doivent être réunies, d'après la proposition du gouvernement.

Il me semble que les provinces de Luxembourg et de Limbourg ont des titres incontestables à la bienveillance du gouvernement et des chambres (page 689), il ne fallait pas leur porter un nouveau préjudice en leur retirant les avantages accordés en 1839.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il me semble, messieurs, qu'on exagère singulièrement la portée de la disposition qui va être prise. On croirait qu'il s'agit de semer la perturbation, presque la mort, dans les localités pour lesquelles on propose, non pas la suppression de l'arrondissement, mais la disparition d'un seul individu, d'un seul fonctionnaire.

Je répète, messieurs, que les districts sont maintenus. Les réunions électorales, celles qui attirent le plus de personnes au chef dieu, continueront à se faire aux chefs-lieux des anciens arrondissements. Les conseils de milice, dont les opérations attirent aussi un certain nombre de personnes, sont maintenus aux chefs-lieux anciens.

Tout ce qui résultera de la disposition qui vous est proposée, c'est qu'un fonctionnaire ne sera plus continuellement présent au chef-lieu. Mais, comme je l'ai dit, il s'y rendra fréquemment; au besoin, il y établira un employé.

Il ne faut donc pas s'exagérer la portée de la mesure proposée. Il ne faudrait pas croire surtout que le gouvernement ait agi par intérêt ou pour se donner une satisfaction personnelle. Au point de vue ministériel, il nous eût été plus agréable de conserver des agents dans tous les districts du royaume. Mais le besoin d'économie a dû l'emporter.

Quant aux observations qui ont été faites, relativement au classement, j'en ai tenu note. S'il en résultait que des erreurs eussent été commises, j'ai dit que le tableau était sujet à révision, qu'il ne faisait pas partie de la loi.

Je dois ajouter que la classification à laquelle je propose de substituer une classification nouvelle avait, donné lieu à beaucoup de réclamations dans cette enceinte. Je tiens la classification nouvelle pour bonne, pour plus équitablement établie que la classification ancienne.

- La clôture est demandée.

M. Lebeau (sur la clôture). - Si la classification nouvelle devait être définitive et n'admettait, dans la pensée du ministère, aucune modification, alors même que des motifs valables seraient exposés en dehors de cette chambre, par voie administrative ou autrement, j'insisterais pour avoir la parole.

Mais nous sommes, je crois, assez près de la discussion du budget de 1850; il sera temps alors de revenir sur ce point. L'occasion sera certainement plus opportune qu'aujourd'hui. Je me réserve de présenter alors quelques observations.

Je renonce à la parole.

M. Vanden Branden de Reeth. - Je me permettrai de demander à M. le ministre de l'intérieur s'il est bien entendu que la classification actuelle n'est pas définitive, qu'il pourra y apporter des modifications, s'il lui est démontré qu'il y a pour cela des raisons plausibles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comme toutes les mesures administratives, messieurs, ce tableau, je le répète, peut être soumis à une révision, à des rectifications. Il ne fait point partie de la loi, et on peut corriger administrativement ce qu'on a établi administrativement.

- La discussion est close.

« Art. 39. Traitements des commissaires d'arrondissement : fr. 166,350. »

La section centrale a proposé une augmentation de 450 fr., ce qui porte le chiffre à 166,800 fr.

Le chiffre de 166,800 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 40 à 42

« Art. 40. Emoluments des commissaires d'arrondissement pour frais de bureaux : fr. 80,650. »

La section centrale propose une augmentation de 350 fr., de sorte que le crédit serait de 81,200 francs.

Ce chiffre est adopté.


« Art. 41. Frais de route et de tournées : fr. 22,500. »

- Adopté.


« Art. 42. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »

Chapitre VII. Voirie vicinale

Article 43

M. David. - Messieurs, je ne suis pas de ceux qui font consister la protection à accorder à l'agriculture, dans les droits d'entrée sur les céréales. Lors de la discussion de la loi sur les denrées alimentaires, je m'en suis expliqué, et je crois avoir prouvé qu'un semblable moyen est réellement nuisible aux cultivateurs et fatal à l'agriculture.

J'admets comme bonnes et j'approuve les mesures adoptées par le gouvernement en vue de l'amélioration de nos diverses cultures, les comices et sociétés agricoles, les fermes-écoles et modèles, les concours locaux, provinciaux et généraux, l'enseignement agricole mis à la portée de l'intelligence et des besoins de nos populations rurales; certainement ce sont là de bonnes mesures, mais je ne les considère encore que comme destinées et propres à préparer nos populations rurales à l'amélioration de leur système de culture.

Pour arriver définitivement et promptement à de véritables perfectionnements, il faut doter les campagnes de bons chemins vicinaux; car cela est évident, les cultivateurs ne feront pas d'améliorations qui ne paraîtraient pas devoir leur rapporter un bénéfice pécuniaire ; ils ne se lanceront pas dans des essais coûteux, des améliorations pour la gloire ou pour le plaisir de produire un froment plus beau que celui de son voisin, froment qui ne lui vaudra pas une plus forte somme d'argent, faute de moyen facile de l'offrir au marché.

Or, sans une bonne voirie vicinale, il est impossible que le cultivateur obtienne une rémunération convenable de ses efforts, et il restera stationnaire, moralement même.

Messieurs, nous sommes tous d'accord sur l’importance qu'en général tous les pays attachent à l'agriculture ; vous conviendrez donc avec moi que pour la Belgique, dont les frontières sont hérissées de douanes pour ainsi dire infranchissables à nos produits manufacturés vers l'étranger, le perfectionnement de l'économie rurale aura une portée bien plus directe, bien plus indispensable encore sur la prospérité de toutes nos industries, qui faute de débouchés suffisants doivent, pour leur production totale, à peu près se replier sur la consommation intérieure. Si donc nous voulons améliorer sérieusement la position de nos industries manufacturières, nous devons rendre l'agriculture aussi prospère que possible.

Jusqu'à présent, messieurs, des chemins de fer, des canaux, des grandes routes ont été construites en faveur des centres industriels; certes, je suis loin de m'en plaindre, et je suis heureux, au contraire, qu'il ait été donné un aussi grand développement à ces travaux ; mais il me semble, commandé maintenant par l'intérêt bien entendu du pays entier, de l'industrie manufacturière comme de l'industrie agricole, de penser sérieusement à la voirie vicinale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On y pense beaucoup.

M. David. - Tantôt j'expliquerai de quelle manière on y pense. Malgré les efforts faits par les communes, malgré les subsides qui leur ont été accordés, les trois quarts d'entre elles n'ont, pour ainsi dire, rien pu faire pour l'amélioration de la voirie vicinale ; leurs rôles pour les chemins vicinaux ont à peine suffi à l'entretien en bon état de l'intérieur des villages et hameaux. Nous avons beaucoup de localités dans la province de Liège, qui certainement n'est pas une des plus pauvres de la Belgique, nous y avons une masse de localités dont on ne peut sortir avec des charrois d'aucune espèce pendant six mois de l'année et qui, par conséquent, ne peuvent ni conduire leurs produits aux marchés ni aller s'y approvisionner de chaux, houille et fumier. Sont-ce là des chemins vicinaux ?

Il est clair, messieurs, que l'intérêt général réclame impérieusement l'amélioration de la voirie vicinale. Lorsque les cultivateurs ne peuvent pas amener leurs produits sur les marchés, les denrées haussent, l'industrie, toute la population, en un mot, souffre. L'intérêt même du trésor est en jeu dans cette question, car les chemins vicinaux une fois en bon état j vers telle ou telle commune, les constructions s'y font avec plus de luxe, y deviennent plus nombreuses, plus spacieuses et donnent des impôts plus forts; quelque commerce s'y introduit; on peut même alors s'y servir de chevaux de luxe; le fisc ne s'appauvrira certainement pas à ces changements.

Par ces quelques considérations, messieurs, je proposerai d'augmenter de 200,000 fr. le chiffre demandé; mais je me hâte de le dire, par là je ne veux nullement augmenter le budget général des dépenses de l'Etat, car je demanderai en même temps que la chambre, je ne dirai pas, prenne l'engagement, mais manifeste l'intention de réduire d'une somme égale à l'augmentation que je propose, le chiffre porté au budget des travaux publics pour les routes à construire.

En réclamant, messieurs, une augmentation de 200,000 francs pour les chemins vicinaux, j'insisterai en même temps sur une répartition plus équitable du crédit. Il est à remarquer que, plus une commune est pauvre, moins elle peut allouer à son budget pour la réparation de ses chemins, moins aussi le gouvernement lui donne et, par une conséquence malheureuse, moins lui destine la province. Cette commune se trouve ainsi condamnée à rester à jamais pauvre. C'est ainsi qu'il existe des communes dont les chemins sont de véritables bourbiers plus navigables que propres au charriage à certaines époques de l'année, tandis qu'à d'autres époques ou pourrait beaucoup mieux les parcourir en traîneaux ou à patins qu'avec des charrettes.

La raison pour laquelle je demande, messieurs, que ces 200,000 fr. soient pris sur le crédit des routes est celle-ci. Chaque jour on invente du nouveau, on va vite en fait d'invention dans le siècle où nous vivons ; qui nous dira donc si d'ici à quelques années, on ne pourra pas, avec bien peu de dépenses, construire et desservir les chemins de fer dans toutes les directions? Or, que deviendraient dans ce cas les routes que l'on construit aujourd'hui? Combien de sociétés concessionnaires n'ont pas été ruinées, combien de routes ne sont pas rendues à peu près inutiles par les chemins de fer ! Les routes dont on projette aujourd'hui la construction sont peut-être destinées au même sort.

Voilà une considération, messieurs, qui doit nous porter peut-être à ralentir le développement sur une grande échelle des grandes routes et à concentrer la plus grande partie de nos ressources sur l'amélioration de la voirie vicinale qui est la condition principale, essentielle et indispensable de toute espèce de progrès en agriculture.

Je demande donc une augmentation de 200,000 fr., et je prierai en même temps M. le ministre de l'intérieur de vouloir accorder les subsides pour les chemins vicinaux, non pas en proportion des fonds votes par telle ou telle commune, mais en tenant compte de la pauvreté et des besoins de la, commune, et enfin de l'état et de l'étendue de ses chemins vicinaux.

- L'amendement de M. David est appuyé.

M. Faignart. - Messieurs, pendant la discussion du budget de l'intérieur pour 1848, un honorable membre qui a défendu chaudement les intérêts de l'agriculture dans cette enceinte, vous avait proposé, comme vient de le faire l'honorable M. David, de porter à 500 mille fr. le crédit pour la voirie vicinale.

Cette proposition a été longuement développée et appuyée de motifs (page 690) suffisants pour convaincre la chambre de son utilité et des bienfaits qui devaient en résulter pour l'agriculture et l'industrie, tout en procurant du travail aux ouvriers inoccupés.

Je crois pouvoir dire que si alors, la chambre n'a pas accueilli favorablement l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne, ce n'est pas parce qu'elle méconnaissait les avantages que cette proposition avait pour but de procurer au pays, mais seulement à cause du déficit qui existait dans les caisses du trésor.

Aujourd'hui l'honorable M. David vous propose de couvrir cette nouvelle dépense au moyen d'un transfert ; vous voyez donc qu'il n'y a pas d'augmentation de dépenses.

Ce moyen, messieurs, me paraît de nature à décider la chambre à adopter l'amendement qui lui est proposé. Ces 200,000 fr. de plus, dépensés avec le concours des communes, produiront du travail pour une valeur de 600,000 francs au moins.

Vous procurerez par ce moyen des débouchés utiles aux communes qui sont dépourvues de routes, de canaux et de chemins de fer, vous les mettrez dans la position de pouvoir s'y raccorder par des chemins praticables, et vous n'aurez pas rendu presque inutiles pour elles des communications construites à grands frais pour lesquelles elles sont intervenues comme les localités qui en profitent directement.

M. de Luesemans. - Messieurs, les quelques paroles, prononcées par l'honorable M. David au sujet des progrès futurs dans les voies de communication, m'ont engagé à demander la parole, non pas précisément parce que j'ai une foi bien robuste dans l'invention signalée par l'honorable M. Lebeau qui veut nous faire voyager en ballon, mais parce que je pense que je pourrai peut-être fournir à M. le ministre de l'intérieur un moyen de venir au secours des communes pour l'amélioration de la voirie vicinale, sans rien coûter au trésor public et sans réduire de 200,000 fr. le crédit qui est demandé pour les routes dans le budget du département des travaux publics.

Messieurs, je me demande si, eu égard au chemin de fer existant, on ne pourrait pas vendre une certaine partie des accotements de quelques routes dites royales, parallèles au chemin de fer, qui évidemment sont aujourd'hui trop larges. On rendrait ainsi à la culture la partie de ces accotements dont l'utilité est devenue au moins problématique. Mais là ne devrait pas se borner la mesure à prendre ; on pourrait encore diminuer la largeur des chaussées ; et les pavés pourraient être distribués aux communes, soit à des prix réduits, soit à titre de subsides.

Si j'en parle ainsi, c'est parce que je ne voudrais pas voir augmenter les dépenses de l'Etat ; et parce que cependant il est des communes auxquelles le gouvernement ne peut pas venir en aide, qui sont voisines des routes à amoindrir, et dont quelques-unes au moins sont devenues assez inutile. Oui, messieurs, il en est quelques-unes qui ressemblent bien plus aujourd'hui à des prairies qu'à des chaussées.

Eh bien, je pense qu'on pourrait, à des conditions heureuses pour le trésor et surtout pour les communes qui en profiteraient, qu'on pourrait distribuer aux communes voisines les pavés qui proviendraient du rétrécissement des routes, à l'effet de les engager, ces communes, à paver principalement l'intérieur de leur territoire.

Je connais certaines communes où en plein été il n'y a pas même moyen de passer à cheval. Eh bien, si le gouvernement se trouve, d'une part, dans l'impossibilité d'accorder des subsides directs, et si, d'autre part, il a dans la main des matériaux qui sont en quelque sorte inutiles, il pourrait au moins aider les communes dans une certaine mesure, car je n'entends pas généraliser l'emploi de ce moyen.

Je signale ce mode qui n'est pas nouveau, car si mes renseignements sont exacts, il a été mis en pratique dans le Limbourg ; je le signale, parce qu'il offre au gouvernement la possibilité de faire en partie ce que l'honorable M. David lui conseille, et ce que je crois très utile.

M. Christiaens. - Messieurs, à part son appréciation de la loi sur l'entrée des céréales étrangères, je partage entièrement l'avis de M. David sur la nécessité d'augmenter le chiffre de 300 mille francs pour venir au secours de la voirie vicinale. Je crois qu'il y a plus d'un motif pour adopter l'amendement de l'honorable membre.

D'abord, l'application de ce crédit profile à toutes les parties du pays; il n'y a pas de crédit dont toutes les parties du pays profitent plus généralement; mais il y a un autre motif bien plus important. Comme on vient de le faire observer, les sommes que vous avez déjà consacrées à la confection de la grande communication vicinale, restent pour ainsi dire stériles. L'honorable M. David ne demande que 200 mille francs; si la somme d'un million même était appliquée à l'amélioration de ces routes, nous rendrions fructueuses les sommes que vous avez déjà dépensées pour cet objet.

Il existe aujourd'hui, dans les communes, de petits bouts de routes pavées avec solution de continuité à chaque instant. Vous voyez donc que plus promptement vous ferez disparaître ces lacunes, plus vile vous retirerez des fruits des sacrifices que vous vous êtes déjà imposés.

Il est encore un autre motif pour augmenter le crédit d'une somme de 200,000 francs.

Il y a des communes, au territoire fort étendu et qui proportionnellement sont si pauvres que pour vos routes vicinales, vous aurez des solutions de continuité d'ici à longtemps, pour ne pas dire toujours. En augmentant le crédit, la chambre fournira au gouvernement le moyen d'accorder un plus fort subside à ces communes pauvres.

Maintenant j'aborde les moyens de faire face à ces dépenses sans grever le trésor; l'honorable M. de Luesemans vient d'en indiquer un. Il y en a encore un autre. Puisqu'on a parlé des grandes routes, permettez-moi, messieurs, d'énoncer une opinion relativement à la diminution qu'on peut opérer sur les frais d'entretien des grandes routes.

Je crois qu'il est reconnu que les pavés des grandes routes sont renouvelés intégralement au bout de 80 ans; s'il en est ainsi, je dis qu'il y a aujourd'hui prodigalité dans cette dépense. Nos routes sont aujourd'hui dans un étal d'entretien luxueux, et surtout les routes qui sont parallèles au chemin de fer.

Eh bien, s'il est vrai qu'on a pris pour base le renouvellement des pierres en 80 ans avant l'établissement des chemins de fer, je dis que le renouvellement ne devrait maintenant avoir lieu que tous les 160 ans. Or de ce chef le gouvernement pourrait, ce me semble, réaliser une très grande économie. Il est à ma connaissance que des entrepreneurs ne savaient que faire des pierres neuves qu'on leur amenait pour réparer les routes tant elles étaient abondantes ; souvent on fait des renouvellements inutiles, il est telles pierres qu'on relève qui seraient encore bonnes pour 10 ans si on les laissait en repos.

On fait des casses en relevant des pierres sans utilité : on a plus soin des intérêts des fournisseurs de pierres que des intérêts du trésor. C'est une question à examiner que celle de savoir s'il faut conserver pour le renouvellement la base de 80 ans, ou une durée double au moins pour les routes qui sont parallèles au chemin de fer et par conséquent n'ont plus autant d'usure qu'autrefois. Voilà les motifs qui me font appuyer l'amendement de l'honorable M. David.

(Erratum, page 713)M. H. de Brouckere. - J'avais demandé la parole au moment où l'honorable M. de Luesemans engageait le gouvernement à prendre une mesure qui, à mes yeux, ne produirait aucun résultat avantageux et, qui pour un grand nombre de localités serait impraticable. Vous avez entendu que cet honorable membre voudrait qu'on diminuât la largeur non seulement des accotements, mais du pavé des grandes routes. Quand nous examinerons, et ce ne sera pas pour la première fois, quand nous examinerons cette proposition au fond, il ne sera pas difficile de démontrer que les travaux qu'entraîneraient ces changements occasionneraient des frais presque égaux au produit de la vente qu'on pourrait faire de quelques parcelles de terre; et au bout du compte nous n'aurions plus que des routes étriquées au lieu d'avoir de grandes et belles routes.

Mais je me permettrai de faire remarquer à l'honorable membre que ce n'est pas accidentellement et à propos du budget de l'intérieur, qu'on doit discuter cette question ; elle se rattache au budget des travaux publics. Déjà à propos de ce budget nous avons discuté des motions conçues dans le même sens, et je crois pouvoir dire que prochainement la chambre sera à même d'examiner de nouveau cette question.

M. Delfosse. - Comme vient de le dire l'honorable M. de Brouckere, on a anticipé sur la discussion du budget des travaux publics. C'est lorsqu'on discutera ce budget qu'il y aura lieu d'examiner s'il convient de rétrécir quelques-unes de nos routes pour en utiliser les pavés à la construction de chemins vicinaux et pour tirer parti de quelques parcelles de terrain qui ne pourraient être acquises que par les riverains et dont on n'obtiendrait par conséquent que des prix peu élevés. Cette question a été soumise par diverses sections à l'examen de la section centrale. La section centrale émettra probablement une opinion motivée dans le rapport qu'elle vous présentera.

On a encore anticipé sur la discussion du budget des travaux publics, en demandant que les 200 mille francs sollicités pour les chemins vicinaux soient mis sur le crédit porté au budget des travaux publics pour les routes de l'Etat.

L'honorable M. David, en général grand partisan des économies, s'est dit avec raison qu'une demande d'augmentation de crédit n'aurait pas grande chance d'être admise si elle n'était compensée par une réduction équivalente.

Il sera facile de démontrer, lorsque l'on discutera le budget des travaux publics, que l'on ne peut réduire de 200 mille francs le crédit porté à ce budget pour les routes de l'Etat. Ce crédit est peu élevé, il ne va pas à un million et il y a déjà des engagements pris pour 500 mille francs ; il ne reste disponible que 500 mille francs ; c'est bien peu de chose pour le pays tout entier.

L'honorable M. David ne veut plus qu'on construise de grandes routes, parce qu'il est probable, selon lui, qu'on trouvera des moyens de communication plus perfectionnés que ceux qui existent, plus perfectionnés même que les chemins de fer. C'est ce qui a suggéré à M. Lebeau l'idée de parler de ballons. En admettant, la raison donnée par l'honorable M. David, on ne ferait rien du tout, pas même des chemins vicinaux ; car qui nous répond qu'on ne trouvera pas aussi le moyen de perfectionner les chemins vicinaux?

Je laisse à la chambre le soin de décider si l'on peut convenablement augmenter un seul article d'une somme de 200,000 fr., et de faire ainsi disparaître d'un seul coup le peu d'économies que M. le ministre de l'intérieur est parvenu à introduire dans son budget.

M. de Luesemans. - Je ne pense pas avoir anticipé sur le budget des travaux publics puisque j'ai entretenu la chambre de chemins vicinaux. Je sais bien que s'il s'agissait d'examiner la proposition ou plutôt l'idée que j'ai émise au point de vue de l'aliénation d'une partie des chaussées de l'Etat, ce serait là une question qui se rattacherait au budget des travaux publics.

Je dirai même que, dans la section dont je faisais partie , il en a été parlé. En examinant le budget des travaux publics la question sera examinée par la section centrale qui en proposera l'adoption ou le rejet. Je sais que présentée de cette manière, c'est du budget des travaux publics que spécialement la question dépend; mais elle se rattache aussi au budget de (page 691) l'intérieur puisque ce serait un moyen de faire face aux dépenses occasionnées par l'amélioration des chemins vicinaux.

Quant à l'observation que les frais absorberaient le produit de l'opération, je dirai que je ne suis pas ingénieur. Mais j'ai vu un compte par francs et centimes de la dépense à faire pour décoffrer une route et la réduire à trois mètres, et si les calculs se vérifiaient il y aurait un bénéfice très considérable. On peut se tromper, j'appelle le contrôle de la chambre, mais je le répète, d'après les calculs que j'ai vus il y aurait un bénéfice considérable; je n'en suis pas l'auteur, je n'en assume pas la responsabilité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. David demande une augmentation de 200,000 francs pour la voirie vicinale. Je donnerai d'abord quelques renseignements sur les bons effets obtenus par la répartition du crédit actuel. La chambre jugera ensuite s'il y a lieu de porter à 500,000 francs le crédit qui, lorsqu'il a été admis pour la première fois en 1841, n'était que de 100,000 francs, et a été successivement porté à 500,000 fr.

Ce crédit n'a pas été seul consacré à l'amélioration de la voirie vicinale.

Divers crédits spéciaux ont été ouverts dans ces dernières années, sur lesquels des imputations ont eu lieu en faveur de la voirie vicinale. Ainsi, sur les 2 millions de crédits extraordinaires ouverts en 1846, 426,000 fr. ont été consacrés à la voirie vicinale. Sur le crédit extraordinaire de 1,500,000 fr., voté l'année suivante, une somme de 239,000 fr. a reçu la même destination.

Enfin sur le crédit de 500,000 francs que j'ai eu l'honneur de demander à la chambre l'année dernière, 92,000 francs ont été consacrés à la voirie vicinale.

Ainsi, sur les trois crédits extraordinaires, indépendamment du crédit annuel de 300,000 francs, il a été dépensé par l'Etat 737,000 francs.

Cette somme a produit les meilleurs résultats. On peut calculer que les subsides de l'Etat interviennent pour un tiers ou pour un quart dans la dépense totale. Indépendamment des subsides accordés par le gouvernement, il y a les subsides des provinces, des communes, quelquefois des propriétaires, et les prestations personnelles.

Je prends au hasard cent communes auxquelles il a été accordé par l'Etat sur le crédit de 2 millions des subsides s'élevant ensemble à 91,000 fr. Ces subsides ont donné lieu à une dépense de 351,000 fr., répartie comme suit :

Fonds communaux : fr. 181,000

Souscriptions volontaires : fr. 14,000

Prestations en nature : fr. 36,000

Subsides provinciaux : fr. 29,000

Subsides de l'État : fr. 91,000

Le crédit de 300,000 fr. a donné lieu à une dépense :

En 1846, de 1,694,000 fr.

En 1847, de 1,484,000 fr.

En 1848, de 1,189,000 fr.

Il est intéressant de suivre les progrès de la voirie vicinale depuis que l'on a porté au budget cette allocation qui remonte à 1841.

Dans les dix premières années, 1830 à 1840, nous avons exécuté des chemins pavés ou empierrés sur une longueur de 307 lieues, tandis que de 1841 à 1845, à l'aide de ces subsides, qui ont stimulé les efforts des communes, des provinces, des particuliers, nous avons atteint une longueur de 499 lieues. Voilà quel accroissement considérable a reçu la voirie vicinale : depuis la révolution, le pays s'est enrichi de 806 lieues de chemins vicinaux, dont 499 dans la période seule de 1841 à 1845.

Je ferai connaître ultérieurement à la chambre les travaux exécutés de 1845 à 1848.

Ces résultats sont extrêmement saillants. Ils prouvent que le gouvernement a fait beaucoup pour l'amélioration de la voirie vicinale.

L'honorable député de Verviers a paru croire qu'on n'avait pas encore fait assez. Il voudrait qu'on fît plus, surtout en faveur des communes pauvres. En général, le gouvernement se montre plus facile, quand il s'agit de communes pauvres; et spécialement pour les communes pauvres des Flandres, nous avons pris pour règle de nous montrer plus larges dans les répartitions des subsides.

Y a-t-il ailleurs des communes qui se trouvent dans des conditions semblables? Je l'ai déjà dit, dans la discussion de l'année dernière, le gouvernement viendra, autant que possible, en aide à ceux qui n'ont pas de ressources, aux faibles, aux pauvres, pour les communes comme pour les individus.

On nous a signalé comme une amélioration désirable le rétrécissement des chaussées de l'Etat et le transfert de leurs pavés aux chemins vicinaux. Certains chemins vicinaux pourraient eux-mêmes être rétrécis; je crois que cette seconde amélioration vaut au moins autant que la première. Le gouvernement ne pouvait rester inattentif à cette amélioration. En décembre 1847, j'ai adressé aux gouverneurs une circulaire ayant pour but d'appeler l'attention des autorités provinciales et locales sur la convenance, dans l'intérêt de l'agriculture, de rétrécir les chemins vicinaux partout où leur largeur dépasserait les limites voulues par les règlements, et de rendre à l'agriculture une partie des terrains qui lui sont ainsi enlevés inutilement.

Quant à la question de savoir de quelle utilité il serait de rétrécir les routes de l'Etat et d'affecter à la voirie vicinale une partie des pavés de ces routes, elle a été traitée l'année dernière, dans la discussion du budget des travaux publics. Si l'on veut renouveler cette discussion, il faut attendre que la chambre s'occupe de ce dernier budget. La question a été soumise à une enquête assez étendue. Je ne pense pas que le résultat ait été favorable à la proposition de l'honorable député de Louvain.

Quant à prendre sur le budget des travaux publics les 200,000 fr. dont l'honorable M. David propose d'augmenter l'article en discussion, il me serait impossible, surtout en l'absence de mon honorable collègue de m’emparer de cette partie de son budget. Je crois qu'il aurait d'excellentes raisons pour maintenir intacte l'allocation qu'il demande en vue des routes de première et de deuxième classe.

Je dois dire d'ailleurs qu'une augmentation de crédit n'est pas pour le moment indispensable.

J’ai fait voir qu'avec le crédit de 300,000 fr. et les imputations sur les crédits extraordinaires, nous avons obtenu d'importants résultats.

J'ajouterai que, pour 1849, j'espère trouver moyen d'imputer sur le crédit extraordinaire de 2 millions qui m'a été alloué, des subsides pour la voirie vicinale, jusqu'à concurrence d'une somme de 100,000 fr. Nous aurions ainsi 400,000 fr. à consacrer aux travaux pour l'amélioration de la voirie vicinale; et, avec le concours des provinces, des communes, des particuliers, des propriétaires, nous arriverons à des résultats très satisfaisants.

M. le président. - La parole est à M. Mascart.

M. Mascart. - Après les explications que vient de donner M. le ministre de l'intérieur, je crois devoir renoncer à la parole.

M. David. - Messieurs, l'honorable M. Delfosse a jusqu'à un certain point tronqué les paroles que je viens de prononcer.

Il a dit qu'en général j'étais partisan des économies, mais qu'ici je demandais une augmentation de dépense de 200,000 fr. Bien loin de là, messieurs, c'est que même avant de développer mon amendement, je me suis hâté de déclarer que pour ne pis occasionner d'aggravation dans les dépenses, je proposais de prendre ces 200,000 fr. sur l'article : Routes du budget des travaux publics.

M. le ministre de l'intérieur m'a répondu: Je ne puis prendre ces deux cent mille francs à mon collègue M. le ministre des travaux publics. Je le sais fort bien. Mais si cependant la chambre se montrait disposée à accepter les développements que j'ai donnés à mon amendement, la section centrale, qui n'a pas encore terminé l'examen du budget des travaux publics, pourrait avoir égard à la décision qui aurait été prise par la chambre quant à la majoration du chiffre en discussion et réduire d'autant la somme destinée à des routes nouvelles.

L'honorable M. Delfosse m'a dit encore que si l'on voulait attendre toutes les inventions possibles en fait d'amélioration des moyens de transport, on n'entreprendrait absolument plus rien. Je ferai encore observer que je n'ai parlé que d'améliorations dans l'art de construire les chemins de fer. Dans le principe, messieurs, on croyait ne pas pouvoir gravir les plans inclinés avec des locomotives. Aujourd'hui cela se fait très facilement. N'avons-nous pas maintenant des chemins de fer atmosphériques, inconnus naguère encore? D'ici à quelques années ne trouvera-t-on pas, en fait de chemins de fer un système de construction, moins coûteux que celui pratiqué aujourd'hui et exécutable sur tout terrain? Or, les routes qu'on veut construire seront probablement dirigées vers des localités assez importantes pour mériter d'avoir plus tard un chemin de fer, et qui le demanderont; ces routes seront alors inutiles, et les grandes dépenses qu'elles auront occasionnées seront perdues pour le pays.

Ce qui milite encore en faveur de mon amendement, c'est que l'amélioration de la voirie vicinale profite à toutes les localités du pays, aux petites comme aux plus modestes et aux plus reculées, tandis que les grandes routes ne doivent réunir que des localités importantes qui, généralement, en sont déjà assez largement pourvues.

Je persiste dans mon amendement.

M. Delfosse. - L'honorable M. David croit que j'ai tronqué sa pensée Je ne l'ai pas tronquée le moins du monde. L'honorable M. David n'a probablement pas entendu ce que j'ai dit. J'ai dit que l'honorable membre, grand partisan des économies, avait bien senti qu'une augmentation de 200,000 fr. ne serait pas facilement admise par la chambre, et qu'il fallait, pour la rendre acceptable, la compenser par une réduction équivalente sur le budget des travaux publics. J'ai rendu justice aux intentions de l'honorable membre qui tient beaucoup à ne pas augmenter les dépenses et qui a raison.

- L'amendement de M. David est mis aux voix; il n'est pas adopté.

Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.

Chapitre VIII. Milice

Article 44

« Art. 44. Indemnité des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. - Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. - Vacation des officiers de santé en matière de milice. - Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 63,000. »

(page 692) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je lis dans le rapport de la section centrale qu'elle croyait convenable de retrancher au libellé la mention : « primes pour arrestations des réfractaires. »

Si l'on proposait ce retranchement, je devrais m'y opposer.

M. Moncheur. - Messieurs, j'ai uniquement demandé la parole sur ce chapitre, pour faire au gouvernement une interpellation qui, je crois, est renouvelée chaque année.

Chaque année, si je ne me trompe, on demande au ministre de l'intérieur si les lois sur la milice, lois nombreuses, lois qui ont donné lieu à une infinité d'instructions ministérielles et d'arrêtés royaux, seront bientôt refondues en un seul code, présentant d'une manière claire et précise les dispositions sur cette matière importante.

Une commission a été formée, je pense, l'année dernière, pour procéder à cette révision. La chambre apprendra, je pense, avec intérêt si cette commission existe encore, si elle travaille encore, et si l'on peut espérer qu'un projet complet sortira bientôt de ses délibérations.

Quant à moi, messieurs, je désire qu'on ne fasse pas, en cette matière, ce qu'on fait presque toujours quand on procède à l'amélioration ou à la révision des lois existantes, c'est-à-dire qu'on ne se borne pas à quelques dispositions nouvelles en s'en référant aux anciennes. Les dispositions sur la milice sont tellement nombreuses, elles constituent un dédale tel que si l'on s'en réfère encore à toutes ces dispositions, sans les abroger et sans les refondre en un seul code, nous y aurons peu gagné.

Je désire donc que toutes ces lois disparaissent et que les dispositions qui sont bonnes dans ces lois soient reprises, coordonnées, refondues en un seul code, avec les nouvelles qui seront jugées utiles.

Messieurs, nos travaux sont déjà tellement nombreux pour cette session, qu'il est impossible que la chambre discute un pareil projet cette année. Mais je pense que cette loi est tellement importante, qu'il serait utile que le projet vît le jour le plus tôt possible, afin que chacun pût en prendre connaissance et faire les observations que l'intérêt bien entendu des administrés pourra suggérer.

Il y a, messieurs, un motif d'urgence, c'est la nécessité de saisir la cour régulatrice des pourvois en cassation sur cette matière. La chambre a dernièrement institué une cour militaire nouvelle, en grande partie afin de faire rentrer l'interprétation des lois militaires sous l'action de la cour régulatrice. Eh bien, toutes les lois sur la milice échappent encore à cette action de la cour de cassation. Autant il y a de députations permanentes, autant il peut y avoir de jurisprudences sur des questions très graves.

J'espère donc, messieurs, que bientôt nous verrons un projet de réforme des lois sur la milice, émané du département de l’intérieur.

M. Orts. - Messieurs, je ne viens pas vous entretenir du chiffre en discussion, mais j'ai à défendre une proposition de la section centrale qui avait été adoptée à l'unanimité dans sou sein, et que je ne vois, en définitive, soutenue par personne. Je dois, à cet égard, expliquer à la chambre et au ministre la pensée de la section centrale.

La section centrale a demandé la suppression des mots : « primes pour l'arrestation de réfractaires. » Son intention était d'abord de proposer la réduction du chiffre parce qu'elle condamnait et, je le répète, à l'unanimité, les primes accordées à des agents de la force publique pour des arrestations opérées, en quelque matière que ce soit. Ce sont là des choses qui ne doivent pas figurer dans la législation d'un peuple moral et jaloux de sa dignité, comme l'est à juste titre le peuple belge.

Nous ne voulions plus de cette prime offerte à la délation. Si nous n'avons pas porté devant la chambre cette demande de réduction du crédit c'est parce que M. le ministre nous a fait connaître qu'il n'a été payé de ce chef que 40 francs en 1847 et 16 francs eu 1848. Nous pensions dès lors qu'il fallait se borner à supprimer les mots : « primes pour l'arrestation de réfractaires. » Il me semble que le gouvernement doit adhérer à cette suppression, car en présence de pareils chiffres, il fera évidemment de la dignité nationale à bon marché.

Je ne pense pas, messieurs, qu'un intérêt public soit attaché au maintien de cette prime. Je connais un peu la police judiciaire qui doit opérer des arrestations bien plus nombreuses et plus importantes que celles dont il s'agit en ce moment. Eh bien, la police judiciaire n'a jamais payé de prime de cette espèce et cela ne l'empêche pas de remplir parfaitement sa mission.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne sais, messieurs si je me trompe, mais il me semble que la dignité nationale n'est aucunement en jeu dans cette question. Il existe, en vertu de la loi de 1817, un arrêté royal, du 16 octobre 1831, qui institue une prime en faveur des agents de la force publique pour l'arrestation des réfractaires; jamais je n'ai ouï dire que les primes de cette espèce, aient excité chez qui que ce fût la moindre susceptibilité, la moindre répugnance.

Il ne paraît pas, d'un autre côté, qu'il ait été fait abus de ces primes, puisque ce sont des sommes tout à fait insignifiantes qui ont été dépensées. Ensuite, messieurs, quand vous aurez supprimé du libellé les mots: « Primes pour l'arrestation de réfractaires, » vous n'aurez pas encore supprimé l'arrêté royal qui institue ces primes. L'arrête royal continuerait à exister, et en vertu de cet arrête les primes pourraient s'accorder.

Il ne s'agit pas d'encourager la délation, il s'agit de récompenser des agents de la force publique, des gardes champêtres, par exemple, qui ont fait preuve de zèle et de courage pour opérer l'arrestation d'un réfractaire. Je ne sens pas que la dignité nationale ou la moralité soit le moins du monde blessée par ces primes. Si elles n’existaient pas, je ne dis pas qu'il faudrait les inventer, mais elles existent, elles ont constamment figuré au budget ; les supprimer aujourd'hui, ne serait-ce pas jusqu'à un certain point supposer que des abus ont été commis de la part des agents du gouvernement ? Ne serait-ce pas encourager aussi jusqu'à un certain point les miliciens de mauvaise volonté dans les efforts qu'ils font pour se soustraire à leurs obligations? Cette prime figure là plutôt comme une menace que comme un moyen dont on fasse réellement usage. Laissons-la, messieurs, subsister; voilà quinze ans que le budget est voté chaque année avec cette mention,, et je crois qu'on peut la conserver sans le moindre inconvénient.

M. Prévinaire, rapporteur. - J'avais demandé la parole, messieurs, avant que l'honorable M. Orts n'eût parlé, et je voulais présenter à peu près les mêmes observations qu'il a fait valoir. La prime est inutile et le rapport le prouve suffisamment puisqu'il vous apprend qu'elle n'a donné lieu qu'à une dépense de 40 fr. en 1847 et de 16 fr. en 1848. Le moment nous semblait donc opportun pour solliciter un vote qui prouve combien la législature attache de prix à la moralité, et qui fasse justice de ce système de primes accordées aux agents de la force publique pour les porter à remplir des devoirs qu'ils doivent remplir sans qu'ils y soient stimulés par un semblable moyen. Ce système, messieurs, nous le condamnons aussi bien pour l'arrestation des réfractaires que pour l'exécution des lois fiscales.

Nous pensons que le gouvernement doit avoir l'énergie nécessaire pour forcer ses agents à remplir leur devoir; ces agents ne doivent pas être des entrepreneurs d'arrestations.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je regrette beaucoup, messieurs, de ne pas pouvoir envisager la question sous le même point de vue que la section centrale; mais je dois dire que je suis en plein désaccord avec elle, car il m'est impossible de désapprouver les récompenses accordées à des agents qui ont bien rempli leur devoir, et c'est là que conduirait le système de la section centrale. Dans ce système il faut que chaque individu trouve un stimulant et une récompense dans la satisfaction que donne un devoir rempli; eh bien, alors il faut supprimer, à l'instant même, toute espèce de récompense pour des services publics. (Interruption.)

Telle est la conséquence du système de la section centrale. Elle va même jusqu'à dire qu'accorder des récompenses spéciales au zèle de certains agents, c'est en quelque sorte excuser l'apathie des autres. Mais non, messieurs, c'est faire un acte de bonne administration, c'est ajouter à la satisfaction que donne un devoir rempli, la satisfaction que donne le zèle bien apprécié. Dans toutes les administrations, on excite les employés, par de légères primes, à l'accomplissement de leurs devoirs, il faudrait donc abolir cesser tout système de récompenses même pour des actes de dévouement. Cela n'est pas possible, messieurs. Nous ne voulons pas du tout encourager la délation, sous ce rapport nous n'allons pas aussi loin que l'on va dans d'autres pays.

Je me rappelle que, me trouvant en Angleterre, il y a quelques années, dans un port de commerce, j'ai trouvé écrit en grandes lettres : 100 livres sterling de récompense à celui qui découvrira le vol qui a eu lieu dans tel commerce. A chaque instant vous voyez de pareilles promesses, faites au nom de l'autorité même aux délateurs. On a dit qu'on ne promet pas de primes aux délations pour crimes; mais l’honorable M. Orts perd de vue qu'à l'occasion d'un grand crime qui a fait beaucoup de bruit dans le pays, une prime a été accordée aux agents de police qui ont fait découvrir les assassins.

M. Orts. - La mesure n'émane pas de l'autorité judiciaire : le parquet de Bruxelles a, je crois, désapprouvé cette mesure.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quoi qu'il en soit, une prime a été accordée pour ce fait, et je ne suppose pas que les particuliers qui ont accordé la prime ont cru commettre une action immorale.

Je crois donc devoir maintenir la mention : primes pour l'arrestation de réfractaires.

L'honorable M. Moncheur, nous a entretenus de la nécessité de réviser les deux grandes lois sur la milice. En 1847 une loi déjà assez importante de révision a été votée, loi dont les effets se feront successivement sentir. Une amélioration notable a été introduite, quant au mode de remplacement.

Lorsque le budget de la guerre a été discuté, mon collègue qui a pris une plus large part que moi dans cette mesure , fera sans doute connaître les bons effets de l'arrêté que nous avons signe de concert avec M. le ministre des finances, arrêté qui a pour but de faciliter les remplacements pour les miliciens et qui établit aussi une caisse spéciale de retraite pour les miliciens remplaçants.

Je n'ai pas nommé une commission chargée de la révision de la loi sur la milice.

M. Moncheur. - La commission existe au dépôt de la guerre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est possible qu'au département de la guerre on examine ces lois qui sont loin d'être parfaites... (Interruption.)

Le pourvoi en cassation est une question de compétence qui est tout à fait en dehors du code général de milice. Les chambres sont saisies d'un projet de loi sur la compétence ; je ne sais pas si la question y a été introduite, mais je sais que le cabinet s'est occupé de cette question dans ses rapports avec la cour de cassation.

Au surplus, je ne pense pas qu'il soit possible d'aborder, dans cette session, la révision de notre code de milice.

M. Lebeau. - Messieurs, je voulais insister auprès du bureau, pour (page 693) qu'il rappelât à une commission qui a été nommée, il y a fort longtemps, l'objet de sa mission qui est de préparer un projet de loi ou de délibérer sur les projets qui ont été présentés, à l'effet de combler une lacune très regrettable dans la loi sur la milice : c'est le pourvoi en cassation.

Il est évident que tant que vous n'aurez pas régularisé un pourvoi, soit devant la cour de cassation, soit devant le gouvernement, vous aurez une singulière anomalie dans l'application de la loi sur la milice, c'est-à-dire que vous êtes exposés à avoir autant de jurisprudences que de provinces. Je sais par expérience que sur plusieurs questions importantes, une divergence existe.

Il y a divers moyens de la faire cesser. Il y a déjà quelques années, j'avais cru qu'un des meilleurs moyens était un pourvoi devant la cour de cassation, de même qu'on a sanctionné ce mode de procéder pour la garde civique. Je voudrais savoir ce que la commission a fait de ce projet.

M. le président. - La chambre n'est plus saisie du projet depuis la dissolution.

M. Lebeau. - C'est juste; ce sera une raison pour ceux qui ont mis en avant quelqu'un de ces projets, de voir s'ils ne doivent pas de nouveau appeler l'attention de la chambre sur ce point.

M. Lelièvre. - Je ne demanderai pas, comme l'honorable M. Moncheur, la révision des lois sur la milice. C'est là un travail que l'importance de la matière pourrait encore faire différer. Mais il est un point auquel il est possible de faire droit immédiatement, c'est celui concernant le pourvoi en cassation, qui peut faire l'objet d'un projet à présenter immédiatement aux chambres. Dans l'état actuel de la législation, les décisions des députations permanentes des conseils provinciaux sont souveraines. Il me semble conforme aux principes et à nos institutions d'étendre l'action de la cour régulatrice aux ordonnances de ce collège et de suivre la voie adoptée par la loi sur les patentes.

Je me joindrai donc à l'honorable M. Lebeau pour réclamer la présentation d'un projet qui, sur cette matière encore, doit amener l'unité de la jurisprudence et soumettre à l'autorité de la cour suprême des décisions qui portent souvent sur des intérêts privés très importants.

- Le chiffre de l'article 44 est mis aux voix et adopté.

Le libellé de la section centrale au même article est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le libellé du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 45

« Art. 45. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription : fr. 1,600. »

- Adopté.

Chapitre IX. Garde civique

Article 46

« Art. 46. Inspecteur général et commandants supérieurs de la garde civique. Frais de tournées : fr. 6,885. »

M. Delfosse. - Messieurs, aux termes de l'article 24 de la loi sur la garde civique, les gardes, en état de s'habiller, sont seuls tenus de se pourvoir de l'uniforme. En cas de réclamation, quelle est l'autorité chargée de statuer ? Le gouvernement a décidé que ce serait le conseil communal; cette décision est conforme aux explications que M. le ministre de l'intérieur a données au sénat lors de la discussion ; mais aucune disposition de la loi n'a attribué la connaissance de ces réclamations à l'administration communale. Il y a, au contraire, une disposition qui les défère aux conseils de recensement : c'est l'article 17. Cet article porte :

« Le conseil se réunit au mois de janvier pour procédera l'examen des réclamations, aux inscriptions et radiations, soit d'office, soit d'après les renseignements fournis par l'administration communale. »

Messieurs, je présidais la section centrale qui a examiné la loi sur la garde civique. Ces mots : « soit d'après les renseignements fournis par le conseil communal » ont été introduits dans l'article 17, parce qu'on a fait observer que le conseil de recensement n'aurait pas les éléments d'appréciation nécessaires pour décider si un garde serait ou ne serait pas en état de se pourvoir de l'uniforme.

C'est parce qu'on croyait que l'article 17 conférait au conseil de recensement le droit de statuer, et qu'il fallait lui en donner les moyens, que ces mots ont été introduits.

Dans l'article 17 aucune disposition de la loi ne saisit le conseil communal, tandis que l'article 17 saisit le conseil de recensement de toutes les réclamations, sans distinction entre les réclamations relatives à l'obligation de se pourvoir de l'uniforme et les réclamations d'une autre nature. Il importe, messieurs, que le conseil de recensement soit appelé, de préférence au conseil communal, à se prononcer sur les réclamations relatives à l'uniforme, car on a contre la décision du conseil de recensement la faculté de se pourvoir auprès de la députation permanente, tandis que le conseil communal prononce en dernier ressort, aucune disposition ne donnant aux intéresses la faculté de se pourvoir, en ce cas, contre les décisions du conseil.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de l'intérieur; l'administration communale ne doit pas être saisie de la connaissance des faits qui ne lui soul pas déférés par la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre en ce qui concerne les attributions du conseil de recensement ; il est chargé d'apprécier les titres à l'exemption de service ; mais quant à l'appréciation de la fortune des gardes, cette appréciation revient au conseil communal plutôt qu'au conseil de recensement, il y aurait moins de garantie pour les citoyens à être jugés par le conseil de recensement que par le conseil communal, qui est une émanation de la commune. Je sais que la loi n'a pas prévu le recours contre les décisions du conseil communal, mais il y a un recours naturel du conseil mal informé au conseil mieux informé, dans le cas où il aurait imposé l'obligation de s'habiller à un citoyen qui n'en aurait pas les moyens.

Les réclamations dont le conseil de recensement est saisi ne peuvent concerner que les questions de taille, d'âge, de santé et autres conditions déterminées par la loi pour être garde. Voilà tous cas qui doivent être soumis au conseil de recensement. Mais un individu prétend qu'il n'a pas les moyens de s'habiller, c'est là une question qui ne concerne pas le conseil de recensement, c'est une question d'appréciation que le conseil communal seul est apte à résoudre. Je n'ai pas appris que des abus soient résultés de l'interprétation que j'ai donnée à la loi ; cette interprétation avait été donnée dans la discussion et n'avait pas été contredite; si plus tard il résultait des abus du silence de la loi en ce qui concerne les décisions du conseil communal, une disposition pourra être introduite qui accorde le recours devant la députation comme dans les matières d'impositions locales.

Mais nous attendrons que des abus soient signalés pour proposer une modification à la loi. En attendant je n'admets pas qu'il soit convenable que l'administration communale soit justiciable du conseil de recensement.

M. Delfosse. - Il ne s'agit pas de savoir s'il y a des abus. On peut certes avoir confiance dans les conseils communaux, comme dans les conseils de recensement. Ces deux corps, créés par la loi, sont l'un et l'autre dignes de confiance.

Il s'agit de savoir ce que la loi veut. M. le ministre prétend que le conseil de recensement n'a été établi que pour prononcer sur les cas d'exemption, mais il ne fonde cette allégation sur aucune disposition de la loi; je me fonde, moi, sur l'article 179, qui dit formellement que les conseils de recensement sont établis pour prononcer sur les réclamations et en outre sur les inscriptions ou radiations. L'opinion de M. le ministre de l'intérieur ne laisse subsister qu'une partie de l'article 17.

Mais, dit M. le ministre, les conseils de recensement ne sont pas en état d'apprécier la position de fortune des gardes, les conseils communaux possèdent seuls les moyens d'appréciation. Cela est vrai, messieurs; mais c'est justement pour cela que la section centrale a ajouté au projet primitif ces mots : « Soit d’après les renseignements fournis par l'administration communale. » Pour les cas d'exemptions du chef d'infirmités, le conseil de recensement n'a pas besoin de renseignements; il se fait assister de médecins et statue d'office ; pour d'autres réclamations et notamment pour celles qui nécessitent la connaissance de l'état de fortune, le conseil de recensement ne peut pas statuer d'office; c'est le motif pour lequel on a ajouté : qu'il prendrait dans ce cas des renseignements auprès du conseil communal.

Il ne serait pas convenable, dit M. le ministre, de rendre les conseils communaux justiciables des conseils de recensement. Les conseils communaux ne seront pas justiciables des conseils de recensement; ils fourniront des renseignements aux conseils de recensement et ceux-ci décideront d'après les renseignements fournis. Il n'y a rien là qui rende le conseil communal justiciable du conseil de recensement; c'est le conseil de recensement qui sera justiciable de la députation, puisqu'on pourra dans les dix jours se pourvoir devant elle. Il y aurait alors un grand inconvénient à ce qu'un garde ne put pas se pourvoir contre une décision qui lui imposerait l'obligation de s'habiller à ses frais, et cependant les décisions des conseils communaux seraient en dernier ressort.

Je persiste à croire que M. le ministre, dont je ne suspecte pas du reste les intentions, que je crois excellentes, a substitué sa volonté, la volonté du gouvernement a celle de la loi.

M. Rousselle. - Je crois que l'honorable M. Delfosse se trompe sur l'application de la loi sur la garde civique. Il cite l'article 17. Or l'article qui me paraît devoir être invoqué dans cette question est l'article 24. Cet article est ainsi conçu:

« Il est établi deux contrôles des hommes destinés à composer les compagnies sédentaires, l'un de service ordinaire et l'autre de réserve.

« Les hommes portés sur ce dernier contrôle ne sont appelés à faire partie de la garde civique que dans des circonstances extraordinaires.

« Les gardes qui peuvent s'habiller à leurs frais sont seuls tenus de concourir au service ordinaire et constituent les compagnies.

« Néanmoins dans les communes en le nombre des gardes qui peuvent s'habiller à leurs frais n'atteindrait pas celui de 60 hommes par compagnie sédentaire, la commune est tenu de parfaire ce nombre en appelant au service ordinaire ceux des gardes qui peuvent le plus facilement contribuer à leur habillement et qui font partie du contrôle de réserve ; dans ce cas, elle doit contribuer pour le surplus. »

L'article 17 porte, il est vrai, que le conseil de recensement procède à l'examen des réclamations, aux inscriptions et radiations, d'après les renseignements fournis par l'administration communale. Mais il s'agit de réclamations qui peuvent toucher un point d'exemption déterminé par la loi. Ainsi un individu se présentera devant le conseil de recensement, en invoquant une infirmité dont il ne porte pas les traces; évidemment il faudra une enquête communale pour constater le fait et pour que le conseil de recensement puisse déclarer que cet individu sera exempté du service de la garde civique pour infirmité.

(page 694) Mais comment voudriez-vous quo ce fût le conseil de recensement qui décidât que des individus s'habilleront à leurs frais ou que leur habillement sera à la charge de la commune ? La Constitution, dans son article 110, défend positivement de mettre dos dépenses à la charge des communes, sans l'assentiment du conseil communal,

M. Delfosse. - C'est la loi qui met cette dépense à la charge des communes.

M. Rousselle. - Oui, mais avec le consentement du conseil communal pour l'application aux individus. S'il n'y avait pas assez de gardes habillés à leurs propres frais pour parfaire le nombre de 60, on devrait porter sur le contrôle des hommes que la commune devrait habiller. Je demande si le gouvernement n'a bien fait en disant que, dans ce cas, ce sera le conseil communal qui décidera quels sont les hommes qu'elle habillera à ses frais. C'est plus raisonnable et plus conforme à l'esprit de la loi que de confier cette désignation au conseil de recensement.

M. Delfosse. - Je ne puis admettre ce que l'honorable membre vient de dire. L'article 24 indique quels sont ceux qui prendront l'uniforme ; d’autres articles déterminent les cas d'exemption; mais l'article 17 établit la juridiction ; il s'applique indistinctement à toutes les réclamations, comme tous les cas d'exemption.

La Constitution ne peut être invoquée ici; elle permet d'établir des charges communales par la loi, sans le concours du conseil communal. Il y a des dépenses obligatoires que la loi détermine et auxquelles les conseils communaux ne peuvent se soustraire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je persiste à croire que mon interprétation vaut mieux que celle de l'honorable M. Delfosse, qu'elle est conforme à l'article 24 de la loi, aux termes duquel « la commune est tenue d'appeler au service ordinaire ceux des gardes qui peuvent le plus facilement contribuer à leur habillement, et qui font partie du contrôle de réserve. » L'administration communale désignera donc les gardes qui peuvent le plus facilement contribuer à leur habillement.

L'honorable M. Delfosse entend-il que les gardes en appellent au conseil de recensement de la décision du conseil communal? Non, sans doute. Dès lors, il doit comprendre le paragraphe de l'article 24 comme je le comprends. Il est parfaitement clair. C'est au conseil communal à désigner ceux des gardes qui doivent s'habiller à leurs frais.

M. Delfosse. - L'article 24 ne crée aucune juridiction. Il impose une obligation à la commune.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, c'est cela!

- L'article 46 est mis aux voix et adopté.

Article 47

« Art. 47. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement : fr. 13,115. »

M. de Baillet-Latour. - Je voudrais adresser à M. le ministre de l'intérieur une question relative à l'équipement des gardes. Aux termes de la loi, cet équipement est à la charge de l'Etat; or l'arrêté royal qui règle l'habillement et l'équipement des gardes comprend dans l'équipement la plaque du ceinturon. Il me semble donc que cette dépense devrait être supportée, non par le garde, mais par le gouvernement.

Je voudrais que M. le ministre de l'intérieur donnât une explication à ce sujet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous comptons environ 113,000 gardes civiques appelés au service actif. La plaque coûte de 1 fr. 25 c. à 1 fr. 50 c. Pour ce seul objet d'équipement, qui est une espèce d'ornement, bien qu'il soit utile, il y aurait une dépense de 150 à 160 mille francs à supporter par le trésor. J'ai cru pouvoir décider que l'Etat n'était pas tenu de fournir la plaque du ceinturon au garde. La très grande majorité des gardes a accepté cette décision. Si la chambre n'admet pas cette interprétation, il en résultera, je le répète, une dépense pour l'Etat de 150 à 160 mille francs.

Quoique l'Etat soit tenu de fournir les objets d'équipement, lors de la formation de chaque corps spécial, j'ai cru devoir imposer à chacun des gardes l'obligation de s'équiper à ses frais. J'espère que cette décision qui n'a pas rencontré d'opposition, obtiendra également l'assentiment de la chambre.

Nous aurons des dépenses assez considérables pour l'armement et l'équipement de la garde civique, il faut y mettre autant d'économie que possible.

M. de Baillet-Latour. - C'est un impôt sur les gardes. Déjà ils ont dû s'habiller à leurs frais. Dans diverses localités, l'Etat ne leur a pas fourni de ceinturons.

Si vous livrez des ceinturons sans plaques, et que le garde récalcitrant, invoquant le texte de la loi et de l'arrêté royal relatif à l'équipement, attache son ceinturon avec des ficelles, que pourra lui dire le chef de la garde? Si la chambre ne modifie pas la loi, je crains, en vérité, qu'il n'en résulte des conflits.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pour éviter ces difficultés, lorsque je demanderai un crédit pour l'armement et pour l'équipement de la garde civique, rien ne sera plus simple que d'insérer dans la loi un article formel portant que la plaque est à la charge des gardes. Déjà l'épinglette est à la charge des gardes qui n'ont pas réclamé. Une dépense d'un franc 25 c. est peu de chose pour chaque garde isolé, tandis que, répétée cent mille fois, elle représente une somme de 125,000 fr.

M. de Baillet-Latour. - Je crois que M. le ministre de l'intérieur a reçu des pétitions à ce sujet. J'ai cru devoir profiter du moment où nous nous occupions du budget de la garde civique, pour lui demander une explication.

Je sais qu'il s'agit d'une économie pour le gouvernement. Mais il s'agit aussi d'un impôt que vous levez sur le peuple qui compose l'armée citoyenne.

Je crois, messieurs, qu'il n'y a pas d'économie à faire, lorsqu'il s'agit de la garde civique que vous chargez de défendre l'ordre dans vos villes et qui, il faut le reconnaître, a montré beaucoup de zèle.

Je demanderai aussi qu'on mette plus d'ordre dans la distribution des objets d'équipement. On a distribué des ceinturons à des gardes, on n'en a pas distribué aux autres. Il en est aussi qui n'ont pas reçu de gibernes. Je voudrais que M. le ministre de l'intérieur donnât des ordres pour que les distributions d'objets d'équipement se fissent avec régularité, pour qu'on puisse savoir ce que les gardes possèdent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, on aura pu remarquer que la garde civique de la capitale est parfaitement armée, parfaitement équipée.

Je ne pense pas avoir reçu de réclamation de la garde civique de Bruxelles relativement à la plaque. Chacun s'est procuré cette plaque.

On dit que c'est une charge qui pèse sur le peuple qui forme la garde civique. Mais je ferai observer que la plupart des gardes civiques sont censés avoir les moyens de s'équiper à leurs frais. Je ne pense pas qu'il y ait à Bruxelles un seul garde habillé aux frais de la commune.

Quant aux gibernes d'un nouveau modèle, je ne puis pas en distribuer, attendu que je n'en ai pas à ma disposition et que je manque de fonds pour cet objet. Des gibernes de l'ancien modèle ont été distribuées. Quant aux gibernes du nouveau modèle, il faudra une allocation spéciale pour en faire confectionner.

Du reste, les gibernes ne sont pas un objet de première nécessité; on peut parfaitement attendre.

Quant aux ceinturons, toujours dans des vues d'économie, j'en ai fait confectionner un grand nombre avec les anciens ceinturons qui étaient à la disposition du département de l'intérieur, et avec d'autres qui ont été fournis par le département de la guerre.

Nous avons mis, pour armer et équiper la garde civique, le plus d'empressement possible. Mais nous avons aussi tenu compte de la situation financière et nous n'avons pas voulu entraîner le trésor dans de grandes dépenses immédiates.

J'ai déjà annoncé que nous présenterions ultérieurement la demande d'un crédit spécial pour pourvoir à ce qui reste à faire pour l'armement et l'équipement de la garde civique.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Chapitre X. Fêtes nationales

Article 48

« Art. 48. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 30,000. »

M. Delehaye. - Messieurs, une section avait proposé la suppression du chiffre demandé par le gouvernement pour la célébration des fêtes de septembre. D'autres sections, et notamment celle à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, ont demandé que la somme pétitionnée par le gouvernement fût consacrée à des fêtes d'une utilité généralement reconnue, telles que des expositions.

Je pense en effet que, dans la situation amicale où nous nous trouvons vis-à-vis de la Hollande, il importe d'enlever à ces fêtes le caractère qu'elles ont eu jusqu'à présent. Nous sommes vis-à-vis de nos anciens frères dans les termes d'une amitié parfaite ; des relations favorables existent entre les deux nations, et il serait prudent, il serait politique d'effacer de nos fêtes nationales tout ce qu'elles peuvent avoir d'irritant pour cette puissance.

Je ne pense pas, messieurs, que le gouvernement néerlandais s'affecte grandement à la vue des réjouissances qui perpétuent pour lui un pénible souvenir. Mais il serait d'une politique adroite de les rattacher à quelque mesure d'un intérêt général. Jusqu'ici les sommes qui ont été demandées ont été consacrées aux fêtes de la capitale, à l'exclusion de toute autre localité. Je ne viens point critiquer cet emploi, mais il serait bon que d'autres localités du pays profitassent à leur tour du crédit mis à la disposition du gouvernement, surtout si elles ont l'occasion de convier à une solennité nationale le pays tout entier.

Nous sommes à la veille, à Gand, de fêter les journées de septembre d'une manière digne de cette grande cité. Le gouvernement ferait sagement de s'associer à cet élan patriotique, en lui consacrant une partie notable de la somme de 30,000 fr. il doit encourager de préférence les fêtes qui présentent un caractère d'utilité pour le peuple, par exemple celles qui sont destinées à célébrer tout ce qui se rattache au travail national, à tout ce qui tend à relever l'éclat de l'agriculture, de l'industrie, du commerce, celles qui tendent à faire connaître au pays quelle a été l'origine du commerce, de l'agriculture, quel est l'historique de ces branches de notre fortune publique.

Je voudrais donc, messieurs, que le gouvernement nous dît s'il adopte les vues de la section centrale et s'il pense que des localités du pays, à tour de rôle, pourront venir réclamer son concours pécuniaire.

On me fait une objection à laquelle je m'empresse de répondre. On me dit que si cette somme était distribuée entre toutes les villes du pays, elle n'aurait plus aucune importance. Cela est vrai; mais d'abord, je pense, messieurs, qu'il est peu de localités du pays qui demanderont une part de ce subside. Pour célébrer des fêles, il faut pouvoir faire une dépense (page 695) considérable. J'appartiens à une localité qui a déjà fait de grands sacrifices et qui se propose d'en faire encore pour les fêes qu'elle prépare.

Pour ces fêles, qui auront surtout un caractère d'utilité générale, nous avons consenti à une souscription volontaire qui déjà, si je ne me trompe, monte à une somme considérable, et peu de localités consentiront à une souscription volontaire pour avoir une part de ce gâteau. En second lieu, il ne faut pas que toutes obtiennent le subside la même année ; il vaut mieux n'admettre les villes que séparément l'une avant l'autre après.

D'un autre côté, il ne faut pas se dissimuler que Bruxelles aura de la peine à renouveler cette année des fêtes coûteuses, qui ont donné de la Belgique une opinion très favorable. Attirons les étrangers sur un autre point du pays, afin qu'on sache bien que tout ne se borne pas à la capitale.

Je crois donc avoir répondu à l'objection qui m'était faite. Il est certain que toutes les localités ne demanderont pas une part du subside, parce qu'il ne suffit pas de demander, il faut aussi s'imposer de grands sacrifices, et que l'on comprendra que, pour qu'il y ait avantage, il ne faut pas qu'il y ait des fêtes dans plusieurs localités à la fois.

J'ajouterai en terminant que si, de temps à autre, on engageait les villes importantes à faire des expositions, comme celle qui se prépare à Gand, on rendrait de grands services au pays. Je suis, messieurs, de ceux qui ont pu apprécier tout l'avantage que nous retirons de ces expositions.

Je vous assure que, malgré toutes les critiques, malgré toutes les plaisanteries dont elles ont été l'objet, il en est résulté un véritable bienfait pour le pays. J'engage tous mes honorables collègues à se rendre à l'exposition agricole de Gand. (Interruption.) Si je vous fais cette invitation, c'est que je suis convaincu que vous appréciez les avantages de ces solennités. Remarquez, messieurs, qu'il ne s'agira pas là d'une exposition locale, que ce sera l'exposition des deux Flandres, qui constituent le tiers du pays. Je suis certain que la chambre voudra connaître les progrès que nous avons faits tant sous le rapport industriel que sous le rapport agricole.

Vous verrez, messieurs, que la seconde ville du royaume est digne du rang qu'elle occupe, et que l'on gagne à connaître les monuments et les usines qui constituent la célébrité de cette belle cité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable représentant de Gand a bien voulu me conseiller d'abord d'adhérer aux observations présentées par la section centrale. Je n'éprouve pas la moindre difficulté à me rallier à ces observations. Voici comment s'exprime le rapport :

« La section centrale considère ces fêtes, auxquelles le gouvernement convie la nation entière, comme destinées à exercer la plus favorable influence. Au milieu des plaisirs un grand travail politique s'opère; nous lui devrons le développement de l'esprit public, de ce sentiment qui fait placer la patrie au premier rang dans les affections et ne poursuit qu'un grand intérêt, l'intérêt national. »

J'adhère en tous points aux observations de la section centrale.

Les fêtes nationales, messieurs, sont de date ancienne. C'est un décret du congrès, rendu, je puis le rappeler, sur ma proposition qui a institué les fêtes nationales commémoratives des journées de septembre. Voilà dix-huit ans qu'on les célèbre chaque année, et ce qu'elles pouvaient avoir de désobligeant pour une nation voisine, en 1831 ou 1832, est venu à disparaître entièrement ; il n'en reste plus la moindre trace. Beaucoup de nos anciens compatriotes, beaucoup de Hollandais viennent chaque année, et sont venus cette année encore assister à nos fêtes qui n'offrent pas la moindre apparence d'irritation ou de provocation pour une nation avec laquelle nous entretenons et avec laquelle, j'espère, nous continuerons à entretenir de très bons rapports.

On vient maintenant conseiller de répartir le fonds des fêtes nationales entre toutes les communes du royaume (Interruption), ou de le partager entre Bruxelles et Gand. Je ferai observer que des villes comme Anvers et Liège, Liège surtout qui a joué un grand rôle dans la révolution, que ces villes pourraient, à juste titre, se, mettre en avant pour obtenir une part dans la distribution que l'on ferait du fonds des fêtes nationales. (Interruption.)

Alors, messieurs, ce n'est pas un subside de 50 mille francs qu'il faudrait, c'est un subside de 100 mille francs; car je le dirai en passant, en 1848, le crédit de 30 mille francs n'a pas suffi, et j'aurai à présenter un crédit supplémentaire pour couvrir le déficit. Ce déficit, on l'a évalué à S00 mille francs; je pense qu'il n'ira pas tout à fait jusque-là; je pense que 8 ou 10 mille francs suffiront.

En ce qui concerne les fêtes locales, le gouvernement est loin d'y être défavorable. L'honorable préopinant vient d'inviter ses collègues à visiter Gand et les Gantois au mois d'août prochain ; j'espère que tous les collègues de l'honorable M. Delehaye se rendront à son invitation. Mais je rappellerai à l'honorable M. Delehaye que le projet d'instituer à Gand une exposition des produits de l'industrie est émané du gouvernement. Ainsi, messieurs, loin d'être défavorable à ces fêtes, le gouvernement y pousse, autant cependant qu'il y voit un côté utile, et nous avons cru qu'il serait très utile pour l'industrie des Flandres, ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler récemment, de venir étaler ses produits perfectionnés et ses produits nouveaux dans une grande exposition à laquelle la nation entière viendra assister.

Je suis bien persuadé que Gand, avec le bon goût et le sentiment du grandiose qui caractérise cette belle cité, saura donner à celle fête un grand relief. D'ailleurs un subside a été promis à l'administration communale de Gand, pour venir en aide aux efforts qu'elle doit faire à cette occasion.

Messieurs, comme l'article n'est pas contesté, je n'en dirai pas davantage.

M. Delehaye. - M. le ministre s'est trompé lorsqu'il a cru que je voulais attribuer à d'autres qu'au gouvernement l'initiative de l'exposition industrielle qui aura lieu cet été à Gand. Je suis heureux de le dire, c'est le gouvernement qui a donné l'impulsion; aussi il n'y a à Gand qu'un seul sentiment sous ce rapport, c'est un sentiment de vive reconnaissance pour le gouvernement.

Quant à la ville de Liège dont on a parlé, je comprends parfaitement qu'elle a droit à participer aux subsides que l'Etat consacre aux fêtes nationales, et si Liège faisait une pareille demande, je serais le premier à y adhérer; mais ne vaut-il pas mieux donner ces fêtes à des époques différentes, que de les donner en même temps dans plusieurs villes du royaume?

En donnant ces fêtes dans une seule localité chaque année on peut y consacrer toute la somme dont on a la disposition et les habitants du pays ainsi que les étrangers peuvent s'y rendre en grand nombre. Cela est tellement vrai que Bruges, qui voulait donner une fête en même temps que Gand, a remis l'exécution de son projet à une autre époque, parce qu'elle a parfaitement compris que si les deux fêtes étaient données en même temps elles ne pourraient que se nuire mutuellement.

Du reste, messieurs, je pense que le gouvernement, qui nous a manifesté de la bienveillance, continuera à nous encourager , et viendra au secours de la population de Gand , qui veut imprimer à ses fêtes un caractère de grandeur digne de la ville et du gouvernement.

Nous sommes en quelque sorte le Manchester de la Belgique sous le rapport industriel et nous ne le cédons à aucune ville en ce qui concerna l'horticulture; il faut donc qu'après les sacrifices que nous nous sommes imposés et que nous nous imposerons encore, nous soyons mis à même de célébrer ces fêtes de minière à faire honneur au pays. Je remercie la chambre de l'assentiment qu'elle veut bien donner à cette opinion. J'espère que le gouvernement se montrera également bienveillant.

- Le chiffre de 30,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Chapitre XI. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article 9

« Art. 49. Médailles et récompenses pour actes de dévouement et de courage : fr. 7,000. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'aurai à demander un transfert. Le crédit de 7,000 francs était l'année dernière de 8,200 francs. Un artiste qui touchait une pension sur ce crédit, est venu à mourir et il y a de ce chef une réduction de 1,200 francs. Le crédit suivant, qui est de 90,000 francs, est destiné à des légionnaires et décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune; ce crédit se trouve insuffisant: une cinquantaine de décorés de la croix de Fer qui se trouvent dans une position peu aisée et digne d'intérêt, sont en réclamation pour obtenir la pension de 100 francs. Au moyen d'une somme de 5,000 francs, ou pourrait satisfaire à toutes ces demandes. Cette somme de 5,000 fr. se trouverait presque tout entière au moyen de deux économies sur l'article en discussion et sur l'article suivant.

Je demanderai à la chambre de reporter à l'article 50 les 1,200 francs de l'article 49, dont j'ai parlé tout à l'heure, et 3,000 francs d'économie sur l'article 51, en y ajoutant environ 800 fr. L'économie sur l'article 51, résulte du décès d'un fonctionnaire qui était préposé à l'administration du fonds spécial et qui n'est pas remplacé.

Une économie pourrait être faite de ce chef au profit du trésor, mais nous ne croyons pas que les économies doivent porter sur de pareils chiffres. Avec une somme de 5,000 francs nous pouvons venir en aide à 50 citoyens qui ont mérité du pays, qui portent la décoration de la croix de Fer, et qui recevront la pension de 100 francs attribuée à beaucoup d'entre eux.

- Le chiffre de 7,000 francs, porté à l'article 49, est mis aux voix et adopté.

Chapitre XII. Légion d’honneur et croix de Fer

Article 50

« Art. 50. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires, et pension de 100 fr. par personne aux décorés de la croix de fer, peu favorisés de la fortune; subsides à leurs veuves ou orphelins : fr. 90,000. »

M. le ministre de l'intérieur a proposé de fixer le chiffre à 95,000 fr.

M. Delescluse. - Messieurs, je crois devoir soumettre à la chambre la position qui est faite aux légionnaires de l'empire.

Depuis 1832 est peut-être auparavant, ces décorés se sont adressés à la chambre pour obtenir la pension qui leur était assurée par la loi d'institution de la Légion d'honneur.

En 1835, un rapport a été présenté à la chambre; ce rapport n'a jamais été discuté. A la majorité d'une seule voix, il conclut à déclarer que les légionnaires étaient sans droit ni titre à l'obtention de la somme de 250 fr. qu'ils réclamaient; ce long retard apporté à la discussion du rapport présenté ressemble assez à une sorte de déni de justice.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Delescluse. - En 1845, M. de Brouckere a proposé d'augmenter l'allocation du budget d'une somme de 32,000 fr. je pense. Au moyen (page 696) de cette somme, on aurait pu, à partir de la même époque, payer tous les légionnaires encore existant, à condition qu'ils auraient renoncé à toute espèce de réclamation pour le passé. Car si on a refusé de leur rendre justice; c'était, je crois, dans la crainte de voir surgir des réclamations, dont le chiffre aurait pu aller de 2 à 3 millions.

La proposition de M. de Brouckere a été écartée par un ajournement. Cet ajournement dure encore.

En 1846, quelques légionnaires ont assigné le gouvernement devant les tribunaux; le procès doit avoir été jugé en leur laveur.

- Des membres. - Ils ont été condamnés en appel.

M. Lelièvre. - Les légionnaires dont parle l'honorable M. Delescluse ont porté l'affaire devant les tribunaux, et la cour de Liège, réformant un jugement de première instance, vient de condamner leurs prétentions.

M. Delescluse. - Je l'ignorais. Il est alors inutile que j'aille plus loin. .

M. Dumortier. - Messieurs, je pourrais renoncer à la parole, puisque l'honorable membre se rassied et ne fait pas de proposition. Il est assez inutile d'entretenir la chambre de la question des légionnaires; elle a été discutée pendant de longues années; on a démontré à satiété que les légionnaires n'ont aucune espèce de droit ou de titre, pour obtenir des pensions en Belgique.

Il est vrai que le décret de l'empire qui avait créé la Légion d'honneur, lui avait accordé une dotation ; mais déjà même sous l'empire la dotation avait été supprimée. Si plus tard les biens qui avaient appartenu à la Légion d'honneur ont été rendus aux Pays-Bas, ils lui ont été rendus, non comme biens de la Légion d'honneur, mais comme biens du domaine public; et ils ont été vendus au syndicat. Ces légionnaires n'avaient donc aucune espèce de droit. Cette question a été discutée à diverses reprises dans cette enceinte, et chaque fois la chambre l'a tranchée contre les légionnaires.

Néanmoins la chambre a accordé par an 250 francs aux légionnaires peu favorisés de la fortune; mais elle a été même plus large que l'empire : elle a donné des pensions à leurs veuves.

Or, dans le décret institutif de la Légion d'honneur, on ne donnait rien aux veuves des légionnaires. Comme l'individu décoré emportait dans la tombe la croix qu'il avait gagnée sur le champ de bataille, sa veuve n'avait droit à rien. Nous sommes donc plus généreux que l'Empire.

D'un autre côté, j'approuve l'amendement qui a été présenté par M. le ministre de l'intérieur en faveur des décorés de la croix de Fer non blessés. Je remercie beaucoup M. le ministre de cette nouvelle marque de sympathie pour les décorés qui n'ont pas de pension ; mais je pense que nous devons nous borner à ce chiffre et qu'il n'y a pas lieu d'augmenter la dotation relative à la Légion d'honneur.

M. Delfosse. - Messieurs, on me conseille de renoncer à la parole. Cependant je dois dire que, puisqu'il reste un degré de juridiction, j'ai l'espoir que la cour de cassation annulera l'arrêt de la cour d'appel, comme cette dernière cour a annulé le jugement du tribunal de première instance, jugement qui, à mes yeux, a véritablement décidé la question.

On a fait remarquer que les décorés de la croix de Fer ont bien mérité de la patrie, c'est-à-dire de la Belgique ; mais il est juste de ne pas perdre de vue que les Belges, décorés de la Légion d'honneur, ont versé leur sang pour leur pays : la Belgique était alors réunie à la France, et ceux de ses enfants qui se battaient dans les armées françaises et qui ont mérité la décoration de la Légion d'honneur sur les champs de bataille, ont versé leur sang pour leur pays aussi bien, je dirai mieux, ont fait plus ou du moins autant pour leur pays que les blessés de septembre. (Interruption.)

M. Rodenbach. - Messieurs, je suis étonné d'entendre un pareil langage dans une chambre belge. Il me semble que dans une chambre belge on devrait se rappeler que c'est grâce à la révolution de 1830 que nous siégeons dans cette enceinte, que nous sommes indépendants, que nous jouissons des institutions les plus libérales de l'Europe.

Sans doute, les légionnaires ont bien mérité de la patrie, mais ils ne peuvent pas être mis en parallèle avec les combattants de septembre ; les premiers n'ont pas conquis pour nous la véritable indépendance et la véritable nationalité que nous possédons depuis 18 ans.

D'ailleurs les légionnaires ont-ils à se plaindre ? Ceux qui ne sont pas dans l'aisance reçoivent 250 francs par an, de plus on donne une pension à leurs veuves qui n'avaient aucun droit sous l'empire; tandis qu'il y a nombre de Belges décorés pour avoir combattu pour l'indépendance du pays qui se trouvaient dans le besoin et ne recevaient rien. C'est grâce à la proposition de M. le ministre, proposition pour laquelle je lui exprime toute ma gratitude, que cinquante d'entre eux vont pouvoir obtenir une pension de 100 francs.

L'honorable préopinant a parlé de déni de justice. S'il y a déni de justice, c'est au préjudice des décorés de la croix de Fer, à qui on ne donne que 100 fr., après mainte démarche et sollicitation, tandis qu'on en donne 250 aux légionnaires.

Je termine donc parce que je suis convaincu que la chambre aura désapprouvé des expressions prononcées par l'honorable préopinant.

M. Delescluse. - Allons donc !

- Le chiffre de 95,000 fr., proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 51

« Art. 51. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et de leurs familles : fr. 22,000. »

- Adopté.

Chapitre XIII. Agriculture

Discussion générale

M. le président. - Je crois que plusieurs membres ont pensé qu'il y aurait discussion générale sur ce chapitre ; il y a 14 orateurs inscrits.

M. de Denterghem. - Après une discussion générale aussi longue que celle qui a eu lieu sur le budget de l'intérieur, il me semble qu'il vaudrait mieux mettre en discussion chacun des articles qui composent le chapitre, et chacun des orateurs qui ont des observations à présenter les ferait au fur et à mesure qu'on arriverait aux articles qu'elles concernent.

M. Delfosse. - Ce serait très bien, si parmi les orateurs inscrits il ne s'en trouvait pas qui eussent à présenter des considérations se rattachant à plusieurs articles du chapitre.

M. Christiaens. - Les observations que j'ai à présenter se rapportent à l'agriculture en général.

M. le président. - Les orateurs pourraient parler, sur l'article, ou de l'agriculture en général.

A l'article 52, la section centrale propose une réduction de 43 mille fr. qui a été reportée à l'article 56 sous un littera spécial : « organisation de l'enseignement professionnel de l'agriculture. »

Le gouvernement se rallie à cette proposition de la section centrale.

La parole est à M. de Baillet-Latour.

M. de Baillet-Latour. - Mes observations concernent l'agriculture en général, mais elles s'appliquent plus particulièrement aux haras et aux courses.

M. H. de Brouckere. - Il est libre à la chambre d'ouvrir une discussion générale sur le chapitre du budget relatif à l'agriculture, mais il faut que les orateurs se fassent inscrire pour la discussion générale. Celui qui veut entretenir la chambre de haras et de courses, ferait bien d'attendre que nous en soyons à l'article 55, car si nous entendons un discours sur les haras elles courses, puis un autre sur les bestiaux abattus, un troisième sur l'art vétérinaire, nous aurons sur divers sujets une suite de discours qui ne feront pas une discussion générale. Si des orateurs veulent engager une discussion générale, je demande qu'ils soient entendus; mais je demande, d'un autre côté, que ceux qui ne comptent parler que sur un des articles, réservent leur discours pour le moment où nous serons arrivés à cet article.

M. Trémouroux. - Mon inexpérience m'avait fait croire que la question des crédits se traiterait à propos du chapitre relatif à l'agriculture; mais elle a été traitée longuement lors de la discussion générale. Il est vrai que j'aurais pu alors demander la parole, je n'ai pas eu le courage d'allonger une discussion déjà longue ; je n'y reviendrai pas maintenant, je renoncerai à la parole.

M. Jullien. - Je tiens compte au gouvernement des mesures qu'il a prises dans l'intérêt de l'agriculture, si longtemps négligée.

Sans contester l'utilité des expositions et des récompenses qui s'y rattachent, je ne crois pas qu'il faille s'en exagérer la portée.

L'industrie agricole a besoin d'encouragements plus réels et d'une application plus directe au sol.

Je rangerai volontiers, parmi les mesures qui revêtent ce caractère, les dépôts de chaux, où les cultivateurs du Luxembourg pourront s'approvisionner à un prix réduit de ces amendements si précieux pour le défrichement des terres incultes.

Mais la mesure, toute bonne qu'elle est, n'est pas complète; les dépôts de chaux devraient être destinés, non seulement à des livraisons de chaux fusée, mais encore à des fournitures de chaux vive, qui, de l'aveu des agronomes compétents, convient bien plus que la chaux fusée pour former des composts, et être appliquée à des terrains humides et argileux.

En employant de la chaux vive le cultivateur trouverait d'ailleurs une grande économie dans les frais de transport, car, vous le savez, la chaux en se fusant double en quelque sorte de poids et de volume.

On objectera que le gouvernement ne peut imposer, aux entrepreneurs de la fourniture des dépôts de chaux, l'obligation de pourvoir constamment ces dépôts de chaux vive. Sans doute cette mesure ne serait pas praticable, mais ce qui serait praticable, ce serait d'exiger qu'a des jours déterminés, les entrepreneurs des dépôts de chaux dussent livrer la chaux vive aux cultivateurs qui en avaient fait préalablement la demande selon la marche tracée pour les demandes de livraison de chaux fusée.

En attendant que le gouvernement ait pris, pour 1850, les dispositions propres à satisfaire, sous ce rapport, aux besoins des cultivateurs, je voudrais que pour l'année courante les cultivateurs qui ont dû faire des demandes de chaux fusée, puisqu'on ne leur offrait point de chaux vive, fussent autorisés à traiter de gré à gré avec les cultivateurs pour remplacer les quantités de chaux fusée qu'ils ont demandées par des livraisons de chaux vive.

Le gouvernement ne doit pas se borner à mettre le cultivateur à même d'obtenir de la chaux à un prix réduit, mais il devrait encore lui accorder certaines facilités pour le transport, en l'autorisant à l'opérer à l'aide de voitures à jantes étroites et à plusieurs colliers.

Le gouvernement ferait chose utile aussi, en encourageant la création de fours à chaux, par l'exemption du droit de barrières pour le transport du combustible nécessaire à la fabrication.

Les dépôts de chaux auront de bons résultats, j'en ai la certitude ; mais (page 697) ces résultats n'auraient qu'une importance secondaire, si d'autres grandes mesures ne venaient s'y joindre pour transformer les landes du Luxembourg.

De grands travaux d'irrigation ont été faits dans la Campine; de semblables travaux pourraient être entrepris dans le Luxembourg, où de nombreux cours d'eau pourraient être utilisés.

On arriverait, au moyen de ces travaux, ù multiplier les prairies, à augmenter l'élève du bétail par l'accroissement des fourrages, et à développer considérablement l'agriculture par l'accroissement des engrais.

Messieurs, le petit cultivateur est généralement laborieux ; mais jusqu'ici il a manqué de capitaux pour donner à sa culture l'extension dont elle est susceptible; jusqu'ici il a manqué de direction pour l'application des bonnes méthodes de culture et de reboisement.)

Les efforts de gouvernement devraient dès lors tendre à favoriser l'établissement de banques agricoles, non pas de ces banques, qui comme certains comptoirs d'avances de fonds pour l'industrie, seraient absorbés par quelques privilégies, mais de ces banques qui permettraient aux petits cultivateurs d'emprunter de petits capitaux à un intérêt modique et remboursable, par annuités, échelonnées sur une période assez longue pour que l'emprunteur puisse éteindre sa dette au moyen des produits agricoles qu'il se serait procurés pour l'emploi même du capital prêté.

L'enseignement professionnel de l'agriculture est destiné aussi à venir puissamment en aide au défrichement.

Je regarde comme une institution désirable la création de fermes-écoles où les fils de nos cultivateurs pourront étudier et voir fonctionner les différents systèmes de culture, d'assolement et de reboisement qui peuvent être appropriés à chaque sol, selon sa situation, sa nature et sa qualité.

Le Luxembourg, où tant de choses manquent, où tant de choses sont à créer, ne se verra point, je l'espère, privé des bienfaits de semblables fermes, et il accueillera avec reconnaissance les assurances qui pourront lui être données à cet égard par M. le ministre de l'intérieur.

M. Christiaens. - J'ai demandé la parole pour jeter quelques idées dans le débat relatif à l'agriculture du pays. Certes, les courtes observations que j'aurai l'honneur d'exposer ne renfermeront aucune critique envers le gouvernement pour ce qu'il a fait à l'égard de l'agriculture. Tout le premier je reconnais que le ministère actuel a fait plus pour l'agriculture que tous les ministères qui l'ont précédé depuis 1830. Ne pas le reconnaître, ce serait être non seulement injuste ; ce serait même être ingrat.

Le défrichement de nos bruyères paraît être aujourd'hui le seul moyen de nous sauver de l'état de malaise où nous nous trouvons. Le défrichement de nos bruyères, aux yeux de beaucoup de personnes qui se préoccupent de nos approvisionnements en céréales, paraît devoir combler le déficit de nos céréales pour les besoins de notre consommation.

C'est par cette raison que l'on pousse aux défrichements le gouvernement qui déjà y a, ce me semble, trop de propension.

Quelques honorables membres de cette chambre, MM. Delehaye, de Mérode et de Brouwer de Hogendorp ont déjà fait entrevoir l'inconvénient sous le rapport du défrichement de nos bruyères.

Pour moi, je n'y vois pas seulement un inconvénient, j'y vois une idée malheureuse, dangereuse à le faire sur une grande échelle.

Quand, dans un pays de culture, pousse-t-on au défrichement des landes, des bruyères? C'est que le produit de vos terres ne suffit pas; c'est que vous avez abondance de capitaux affectés à l'agriculture, abondance de bétail, abondance d'engrais. Or, de ces trois objets, vous n'en possédez aucun en quantité suffisante pour vos terres actuellement en culture.

La Belgique cultive, d'après la statistique agricole de 1840, 1,717,351 hectares de terre cultivée. Je dis, messieurs, que pour cultiver telle étendue de terre, il vous manque des capitaux, il vous manque du bétail, il vous manque de l'engrais. Je tiens à le prouver par des chiffres.

Je ne vous parlerai pas de mon expérience personnelle, quant au défrichement des bruyères, quoique je sache parfaitement ce qui en est et quel est le résultat; mais en semblable matière l'expérience individuelle est peu de chose.

Savez-vous, messieurs, quel est, d'après une évaluation que je crois à peu près réelle, le capital que vous employez à la culture de vos 1,717,351 hectares? Il n'est guère que d'un demi-milliard, c'est-à-dire 250 fr. par hectare. Or, je pose en fait que pour quiconque a l'expérience des capitaux que nécessite l'agriculture, pour que la culture des terres soit réellement fructueuse, il faut que ces capitaux aillent à 500 fr., aussi bien pour les petites que pour les grandes cultures. Je sais bien qu'il y a des fermes qui demanderaient un capital de 1,000 fr. par hectare. Mais pour être modéré je prends une moyenne de 500 fr. Il faudrait, sur ce pied, que l'on appliquât à la culture de vos 1,717,351 hectares un capital d'un milliard, et on n'y applique aujourd'hui qu'un capital d'un demi-milliard.

Qu'est-ce qu'il faut à l'agriculture, messieurs? Trois choses : de l'argent, de l'argent et de l'argent !... comme à la guerre, ainsi que me le fait observer un membre.

Quel est, messieurs, le chiffre de votre bétail?

Vous avez en Belgique, 1,099,280 têtes de bétail. Dans ces 1,099,280 têtes, vous avez 778,908 bêtes d'au-delà de deux ans, que j'appelle gros bétail.

Savez-vous, messieurs, ce qu'il faut, aux yeux du cultivateur expérimenté, de têtes de bétail pour fumer convenablement un hectare de terre? Il faut une tête de gros bétail constamment à l'étable pour fumure de 40 ares de terre. D'après cette base, si je prends tout le bétail que possède la Belgique comme gros bétail, et si je le suppose, faites attention à cette circonstance, à l'étable, il vous produira de quoi fumer 412,234 hectares de terre, à raison d'une tête de gros bétail par 40 ares; Ainsi, messieurs, il vous reste constamment 1,305,121 hectares privés d'engrais.

Je n'ai pas tenu compte de l'engrais produit par les chevaux. Mais c'est aller au-delà, de la réalité que de le supposer suffisant à la fumure de 100,000 hectares.

En admettant ce chiffre, vous arrivez à l'engrais nécessaire pour 512,230 hectares.

.le n'ai pas non plus tenu compte de l'engrais produit par la race ovine. Mais vous savez tous que cette race a considérablement diminué en Belgique, surtout depuis1816 jusqu'à nos jours.

Nous avons en Belgique 662,157 moutons. Je, suppose encore que ces moutons produisent de l'engrais, pour 100,000 hectares. Vous aurez donc de l'engrais provenant de votre bétail, de vos chevaux et de vos moutons pour 612,000 hectares.

Je vous le demande, messieurs, si lorsqu'il manque à l'agriculture un capital d'un demi-milliard, lorsqu'il lui manque le bétail nécessaire pour fournir l'engrais d'un million d'hectares de terre, le moment est bien choisi pour éparpiller vos capitaux dans le défrichement des bruyères, pour disséminer votre bétail, qui n'est déjà pas trop concentré, sur de nouvelles terres.

Messieurs, je crois qu'il y a un moyen de parvenir au défrichement, et surtout au défrichement des bruyères dans la Campine.

Il me semble que, pour opérer ce défrichement, il ne faudrait jamais l'entreprendre sur une vaste échelle, et que, pour la Campine, il faudrait précisément finir par où l'on commence.

Messieurs, vous avez dans la Campine de grandes étendues de marécage qui sont connues dans nos villes comme favorables pour la chasse de la bécassine. Ces marécages se trouvent dans les vallées de l'Aa, des Deux-Nèthes, de la Dendre.

Si le gouvernement voulait rectifier, améliorer le cours des ruisseaux qui se trouvent dans ces vallées, il pourrait arriver au dessèchement de celles-ci et en préparer ainsi le défrichement; car on y ferait venir les fourrages, et les fourrages amèneraient nécessairement le bétail.

Lorsque vous auriez desséché ces marais, lorsque vous y auriez produit une abondance de bétail, le défrichement des plateaux de la Campine se ferait de lui-même. Mais commencer par défricher les plat aux sans défricher les marais, c'est faire les choses à rebours.

J'engage le gouvernement à examiner si, au lieu de défricher les plateaux, il ne serait pas plus rationnel, il ne serait pas plus convenable, dans l'intérêt même du défrichement de la Campine, de commencer par l'assèchement des marais qui se trouvent dans cette partie du pays, au moyen de la rectification du cours des ruisseaux.

Messieurs, on a poussé même le gouvernement à accorder des primes pour encourager les défrichements. Je prie le gouvernement, avant de se laisser aller à une pareille mesure, de bien étudier la question de savoir si dans la Campine il ne vaudrait pas mieux, je le répète, commencer par dessécher les marais.

Il est, messieurs, un autre moyen, non seulement de favoriser les défrichements, mais d'améliorer les terres déjà mises en culture; c'est un moyen qui, à d'autres époques, n'a pas été négligé.

Qu'on se reporte à des temps antérieurs, qu'on se reporte, par exemple, au temps de l'empire français, et on verra l'agriculture se développer à cause de la prospérité des distilleries agricoles, prospérité qui était augmentée par les guerres de cette époque. Alors beaucoup de bruyères, dans certaines localités de la Belgique, ont été converties en terres arables. Eh bien, messieurs, ici se présente la question de savoir si jamais le gouvernement (je ne parle pas du ministère actuel, je parle de ceux qui l'ont précédé), si jamais le gouvernement a étudié les causes de la décadence des distilleries agricoles. Eh bien, c'est principalement de cette décadence que résultent les souffrances de l'agriculture dans certaines localités. Autrefois, messieurs, nous avions de nombreuses distilleries éparpillées sur toute la surface de la Belgique, et savez-vous ce qu'étaient ces distilleries ? C'était ce qu'on appelle en Angleterre des fabriques de céréales et de viande.

Eh bien, messieurs, ces distilleries agricoles ont disparu à tel point qu'il n'en reste plus guère que 800, tandis qu'autrefois il y en avait 8 à 10 mille. Aujourd'hui la fabrication du genièvre est concentrée dans quelques grandes distilleries qui se trouvent sur un petit nombre de points, tandis que cette fabrication répandait autrefois la fécondité sur tout le territoire en produisant, comme on l'a dit avec beaucoup de vérité, l'engrais à pied d'œuvre.

Je n'entrerai pas, messieurs, dans de longs détails, mais je demanderai au gouvernement s'il ne pense pas qu'il serait utile d'étudier à fond les causes de la décadence des distilleries agricoles et de rechercher les moyens de leur rendre leur ancienne prospérité.

Je sais que l'entreprise n'est pas facile, qu'il faudra renverser bien des préjugés établis en matière d'économie politique, qu’il faudra peut-être surmonter des obstacles crées par l'intérêt individuel, mais, messieurs, quand on se trouve devant un grand intérêt national comme l'agriculture, on peut voir s'il n'y a pas lieu de vaincre quelques préjugés, de renverser quelques obstacles.

Nous avons entendu souvent dans cette enceinte et ailleurs dire qu'il faut chercher à faire refluer vers les campagnes le trop plein de la population des villes ; a-t-on fait quelque chose en grand pour opérer ce mouvement? Eh bien, le moyen d'y parvenir, ce serait de répandre partout les petites distilleries agricoles.

(page 698) On me dira : Mais comment rétablirez-vous les petites distilleries en présence du perfectionnement de l'industrie en général, perfectionnement auquel la distillation a participé ?

Eli bien, messieurs, quand il est reconnu par tout le monde que l'agriculture doit être encouragée, quand il est reconnu par tout le monde que la concentration de la population dans les villes devient un véritable danger pour le pays, alors il me semble qu'il ne faut pas reculer devant une grande mesure. D'ailleurs ce qu'on a fait il n'y a pas bien longtemps relativement à l'importation des céréales, n'est-ce pas aussi une grande mesure? N'est-ce pas l'application de nouvelles doctrines ? Dans notre pays où l'agriculture a besoin d'être protégée, où les céréales sont à vil prix, n'est-ce pas une grande mesure que de laisser entrer les céréales en franchise de tout droit?

Eh bien, ce serait aussi une grande mesure que de rétablir les distilleries agricoles telles qu'elles existaient au temps de Marie-Thérèse, et au temps de Napoléon. Mais quel serait le moyen d'obtenir ce résultat? Le moyen, messieurs, ne serait pas difficile; ce serait, au contraire, un moyen d'égalité. On a demandé une protection pour les petites distilleries ; eh bien, moi je n'accorderais aucune protection, je mettrais tout le monde sur le même pied; je décréterais : « A partir de 1850, il n'y aura plus en Belgique que des distilleries de la capacité de 10 hectolitres par jour. »

Ce serait là une grande mesure et ce serait la seule au moyen de laquelle on peut venir efficacement en aide à l'agriculture. Je n'ai pas voté la loi sur les céréales, mais je la voterai bien volontiers quand on aura pris des mesures propres à faire prospérer l'agriculture. Eh bien, celle que je viens d'indiquer aurait éminemment ce caractère.

M. le ministre de l'intérieur a dit dans la séance d'hier qu'il faut prendre toutes les mesures possibles pour venir au secours du peuple. Eh bien, à mes yeux ce serait là une grande mesure pour venir au secours du peuple, une grande mesure pour combattre le paupérisme, une grande mesure pour faire refluer l'excès de la population des villes vers les campagnes, une grande mesure pour rendre les campagnes fertiles et agréables, telles enfin qu'elles offriraient de l'attrait aux populations.

Voilà, messieurs, ce que je voulais dire, voilà les idées que je voulais jeter dans la discussion relative à l'agriculture.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.