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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 12 février 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 713) M. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures un quart.

La séance est ouverte.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Des membres de l'administration communale et des habitants de Landelies prient la chambre de reprendre l'examen du projet de loi sur le notariat et de décréter le principe du libre exercice par arrondissement judiciaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs fabricants, commerçants et membres du conseil communal de Roulers, demandent la prohibition à l'entrée, des sacs d'emballage vides. »

M. Rodenbach. - Messieurs, la pétition dont on vient de vous présenter l'analyse émane du conseil communal et d'un grand nombre de fabricants et négociants de la ville de Roulers. Les pétitionnaires demandent la prohibition, à leur rentrée dans le pays, des sacs d'emballage vides, qui, en vertu d'une disposition de la législation actuelle sur cette matière, se réimportent dans le pays en payant 5 centimes par pièce.

Ils assurent qu'au moyen de cette prohibition, la fabrique de toiles d'emballage qui existe à Roulers, éprouverait dans sa fabrication un mieux notable et pourrait quadrupler le nombre de bras qu'elle occupe actuellement. J'attire l'attention spéciale du gouvernement sur cette requête, et j'en demande le renvoi à la commission permanente d'industrie, avec prière d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Burton, échevin à Dorgimont, prie la chambre de décider si les séances du conseil communal doivent être tenues à la maison communale ou si elles peuvent l'être dans une maison particulière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve du sieur de Saint-Genois réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arriérés de sa pension. »

- Même renvoi.


« Plusieurs armateurs à Blankenberghe demandent une augmentation du droit sur le stockvisch et la construction d'un port de refuge dans cette ville. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Message du sénat faisant connaître l'adoption du budget de la justice et d'un crédit supplémentaire au budget des dotations. »

- Pris pour information.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Agriculture

Article 52

La discussion continue sur l'article 52. « Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 157,000 fr. »

M. Rodenbach. - A la fin de la séance de samedi, j'ai demandé la parole pour signaler à M. le ministre un grave abus qui existe dans certains arrondissements du pays, notamment de la Flandre. Voici de quoi il s'agit.

Lorsque l'épizootie s'est déclarée dans une étable, des marchands de bestiaux se rendent à la ferme et achètent à bas prix les bêtes malades qu'ils s'empressent de faire conduire à quelques lieues de là pour les vendre comme bêtes saines aux fermiers; l'on propage ainsi singulièrement la maladie.

Je crois que le gouvernement devrait envoyer des instructions aux gouverneurs, afin de déjouer ce commerce illicite, et punir sévèrement ces spéculateurs avides.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai à l'honorable représentant de Roulers si le fait qu'il signale est récent.

M. Rodenbach. - Il date de 3 ou 4 mois.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le règlement dispose que, pour avoir droit à l'indemnité, le propriétaire du bétail doit l'avoir eu en sa possession pendant dix jours en bonne santé. L'abus que signale l'honorable membre a donc été prévu par le règlement.

(page 714) M. Rodenbach. - Je n'en disconviens pas. Mais je dis qu'on devrait appeler sur ces faits l'attention des gouverneurs, qui devraient faire des circulaires pour que la police fasse exécuter le règlement. C'est lorsque la maladie commence que la police devrait veiller à ce que l'on ne transportât plus le bétail. Par avidité on propage la maladie.

Je prierai M. le ministre d'envoyer des instructions pour que cet abus soit réprimé, pour que la cupidité de ces hommes soit punie selon la sévérité des lois.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je prierai l'honorable M. Rodenbach de me signaler, dans une entrevue particulière, les communes où cet abus a eu lieu.

M. Rodenbach. - Je viens dédire que je le ferais Ce sont des médecins vétérinaires qui m'ont fait connaître cet abus. Ils n'ont pas voulu le signaler, dans la crainte de nuire à leur clientèle.

- L'article 52, avec le chiffre de 157,000 fr., est mis aux voix et adopté.

Article 53

« Art. 53. Service vétérinaire : fr. 75,000 fr. »

M. le président. - Dans la séance de samedi, M. le ministre avait proposé sur ce chiffre une réduction de 5,000 fr., sauf à reporter 3,500 francs sur l’article suivant.

Depuis lors, M. le ministre m'a fait connaître qu'en réunissant les deux articles 53 et 54, qui, l'année dernière, formaient deux litteras d'un même article, il pourrait diminuer le chiffre total d'une somme de 7,000 fr., lesquels 7,000 fr. seraient reportés au littera H nouveau de l'article 56, c'est-à-dire que le chiffre de ce littera H s'élèverait alors à la somme de 50,000 fr.

Ainsi la proposition du gouvernement est de faire des articles 53 et 54 un seul article sous deux litteras : « A. Service vétérinaires; B. Conseil supérieur d'agriculture. » Le chiffre, après déduction des 7,000 fr., serait de 96,500 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer que ce que je propose n'est pas une innovation, que toujours ces deux services ont figuré dans un même article. C'est par une espèce d'erreur de copiste que, cette année, on a fait deux articles de ce qui, autrefois, formait deux litteras.

Du reste, je suis partisan dans une juste mesure des spécialités en fait de dépenses, et peut-être, pour le budget de 1850, pourrai-je connaître d'une manière certaine la dépense nécessaire pour le service vétérinaire et proposer un article spécial. Mais pour cette année, je demande qu'on rétablisse la division de l'année dernière, que l'article soit divisé en deux paragraphes avec la réduction de 7,000 fr. que j'ai proposée, sauf à reporter, ces 7,000 fr. au littera H de l'article 56, qui serait alors de 50,000 fr., comme vient de le dire M. le président.

M. le président. - A l'article 84 : conseil supérieur d'agriculture et commissions provinciales d'agriculture, 28,500 fr., la section centrale propose une réduction de 20,887 fr. 54 c.

M. Prévinaire, rapporteur. - M. le ministre propose de réunir les articles 53 et 54 en un seul, et M. le président vient de faire remarquer qu'il y a une proposition de la section centrale relative à l'article 54; je dois rappeler à la chambre qu'il y a aussi une proposition de la section centrale, qui concerne l’article 56.

M. Faignart. - Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur vous propose la suppression des commissions provinciales d'agriculture, non seulement au point de vue de l'économie, mais au point de vue de leur peu d'utilité et de l'espèce de superfétation qui résulte du maintien de ces collèges en présence du conseil supérieur d'agriculture et des comices.

Mais la section centrale oublie une chose très importante; elle ne fait pas attention que l'installation des comices étant d'une date récente, ils ne peuvent encore être convenablement composés au point de vue des attributions que la section centrale voudrait leur confier.

Vous savez, messieurs, que toutes les innovations, surtout à la campagne, se font lentement, et que dans plusieurs localités où ces comices ont été formés, on a eu de la peine à les composer de personnes ayant les connaissances nécessaires pour répondre à l'attente du gouvernement. Plusieurs parties du pays n'en sont pas encore pourvues, tandis que les commissions d'agriculture ne sont pas une institution nouvelle; elles existaient avant 1818 dans les provinces septentrionales du royaume des Pays-Bas, elles ont été établies dans toutes les provinces en vertu d'un arrêté royal du 28 juin 1818.

D'après cet arrêté, ces commissions doivent être composées de propriétaires fonciers et autres personnes versées dans l'art agricole. Leurs fonctions sont gratuites; il est attaché à chaque commission un secrétaire salarié dont elle a la nomination.

Le président de chaque commission est nommé par elle pour un an.

Les attributions des commissions d'agriculture sont très nombreuses ; elles sont réglées par les articles 7 à 20 de l'arrêté organique du 28 juin précité.

Un arrêté royal du 31 mars 1845 a réorganisé les commissions provinciales d'agriculture, et le conseil supérieur d'agriculture ayant été institué par un arrêté royal du 27 novembre 1834 , cet arrête fixe les devoirs et les attributions de ces deux corps respectivement dans les articles 19 à 23.

L'article 19 surtout contient une longue énumération des attributions dévolues aux commissions provinciales.

La simple lecture des arrêtés du 28 juin 1818 et du 31 mars 1845 fait voir l’étendue de la besogne dont ces commissions ont été et continuent à être chargées.

On voit que ces commissions existent depuis plus de trente ans. Si elles ne s'acquittaient pas des devoirs qui leur sont imposés, si, comme semble l'indiquer le rapport de la section centrale, cette institution n'avait produit que des résultats négatifs, le gouvernement, au lieu d'en demander le maintien comme il l'a fait, en proposant au budget la faible allocation nécessaire pour couvrir la dépense qu'elle occasionne, n'aurait pas manqué d'en proposer lui-même la suppression, tant pour ce motif que par mesures d'économie.

Mais le gouvernement a reconnu l'utilité de cette institution et les services éminents qu'elle rend au pays. Le gouvernement est beaucoup mieux placé que la section centrale pour faire cette appréciation. Les commissions ne livrent pas leurs travaux ni leurs rapports à la publicité, parce qu'elles ne le doivent pas et ne le peuvent pas; les règlements organiques s'y opposent.

Les commissions provinciales d'agriculture sont, messieurs, pour l'agriculture, ce que les chambres de commerce sont pour l'industrie et le commerce.

On se garde bien de demander la suppression de celle-ci.

La France, qui manque de cette institution, ne cesse de réclamer l’établissement de chambres consultatives de l'agriculture, à l'instar de ce qui existe pour l'industrie et le commerce dans cette République et pour l'agriculture dans les royaumes voisins.

Les commissions d'agriculture sont consultées sur une foule d'objets et très souvent d'une matière fort délicate. Des projets de loi ayant trait à l'une ou l'autre des branches de l'agriculture sont soumis à leur examen ; fréquemment elles sont appelées à donner leur avis sur des demandes ou projets concernant les tarifs des droits à l'entrée ou à la sortie des produits agricoles, des bestiaux, sur la législation des céréales, etc., etc.

Elles sont encore consultées sur l'exécution de dispositions des lois sur l'échenillage, la chasse, le défrichement des bruyères, l'abattage des animaux pour cause de maladies contagieuses. Elles forment des rapports trimestriels sur l'état sanitaire du bétail dans la province; elles adressent des propositions pour les récompenses à décerner annuellement aux médecins vétérinaires qui ont rempli leurs fonctions avec le plus de zèle et de capacités, etc., etc.

On considère, dit-on, comme un vice dans l'organisation actuelle que ces collèges se renouvelant en quelque sorte eux-mêmes, ils manqueraient de cette activité, de cette vie que l'élément électif donne aux corps au renouvellement desquels il préside exclusivement.

Il est à remarquer que le renouvellement trop fréquent des membres d'une administration, d'un collège, d'une commission d'agriculture, présente un grand inconvénient; car il faut faire partie de cette administration, de ce collège, de cette commission, pendant quelque temps pour s'initier aux affaires et se mettre à même de rendre des services.

Las membres des commissions provinciales d'agriculture se renouvellent par tiers chaque année; le gouvernement s'est interdit la faculté de renommer tous les membres sortants, il ne le peut que jusqu'à concurrence des deux tiers. Eh bien ! ce terme si court, ce passage, en quelque sorte, aux fonctions de membre de la commission, est considéré comme nuisible au bien du service, à l'intérêt public, puisqu'il faut souvent abandonner les fonctions, alors qu'on s'est mis en situation de pouvoir les remplir avec utilité.

On parle de remplacer les commissions d'agriculture par les comices agricoles. Ce serait désorganiser complètement cette partie du service de l'administration.

Les commissions d'agriculture diffèrent essentiellement des sociétés libres d'agriculture; le cercle des leurs attributions est bien plus étendu. Ces commissions sont les conseillers habituels du gouvernement et de l'administration provinciale pour tout ce qui regarde les intérêts de l'agriculture. D'ailleurs, les comices agricoles institués dans un but tout particulier, celui des expositions publiques des produits de l'agriculture, n'existent pas partout; ils ne sont pas organisés complètement, et le fussent-ils, ils ne pourraient remplacer les commissions ou chambres consultatives d'agriculture telles qu'elles existent. Les comices sont des associations libres, indépendantes, sur lesquelles le gouvernement, malgré ses subsides, n'aura jamais assez d'action ni d'influence. Il ne peut, il ne doit donc pas compter sur les comices pour remplir les fonctions des membres des commissions d'agriculture.

Si les comices étaient complètement établis et organisés partout, le gouvernement, après les avoir vus fonctionner, pourrait examiner s'il y aurait lieu de marier cette institution à celle des commissions provinciales d'agriculture en y faisant entrer des délégués des comices ou suivant toute autre mode à aviser et à déterminer ultérieurement. Dans tous les cas, les commissions d'agriculture doivent être maintenues et conservées. Le service de l'agriculture doit rester centralisé ; il ne peut être divisé entre tous les comices sans une désorganisation complète; et certes, le gouvernement ni les chambres ne peuvent vouloir un pareil résultat.

Il faut remarquer que la plupart des mesures que le gouvernement a prises en faveur de l'agriculture ont été préalablement provoquées et sollicitées par les commissions d'agriculture. On ne peut donc, sans injustice, venir déclarer aujourd'hui que cette institution n'a donné que des résultats négatifs. La supériorité de notre agriculture sur celle d'autres contrées est incontestable; mais il en est de cette branche d'industrie comme des sciences et des arts; chaque jour peut être marqué par de nouvelles découvertes, par de nouveaux progrès. Le gouvernement doit persister dans la voie qui a été (page 715) suivie par ses devanciers, et le projet de suppression des commissions d'agriculture, au sujet duquel les autorités provinciales n'ont pas même été conseillées doit être repoussé tant par les motifs qui précèdent que par beaucoup d'autres que l'on pourrait y ajouter. D'ailleurs, quelle économie pourrait-on attendre de cette suppression? Aucune. En effet, on a vu qu'il s'agit d’une modique somme de vingt mille francs environ pour tout le royaume, somme dont il faudrait nécessairement déduire celle qui serait employée en traitement d'attente, pension ou indemnité à accorder aux secrétaires salariés des neuf commissions dont les emplois seraient supprimés. Car on ne suppose pas qu'on puisse renvoyer, sans juste compensation, des fonctionnaires qui ont bien rempli leurs fonctions, qui ont de nombreuses années de service et qui ont subi des retenues sur leur traitement pour la caisse des pensions. Nous ne parlons pas des nouveaux subsides qu'il faudrait accorder aux comices agricoles et qui augmenteraient les dépenses dans une bien plus forte proportion. Ne croyez donc pas, messieurs, que la suppression des commissions provinciales d'agriculture vous procurerait une économie; ce serait une grave erreur; vous aboutiriez nécessairement à un résultat contraire.

En résumé, je suis d'avis qu'il y a lieu de ne pas admettre la proposition de la section centrale et de voter l'allocation portée à l'article 54 du projet de budget du département de l'intérieur pour l'année 1849.

M. de Denterghem. - Je désirerais que l'honorable rapporteur voulût bien nous donner quelques explications sur le point de savoir comment la section centrale entend opérer les économies qu'elle a en vue. Je trouve, au contraire, que les propositions de la section centrale entraîneraient une augmentation de dépense.

M. Prévinaire, rapporteur. - Je désirerais que l'honorable M. de Denterghem voulût bien présenter les critiques dont il croit le système de la section centrale susceptible; je pourrais ensuite lui répondre.

M. de Denterghem. - Je suis prêt à parler; mais il se peut que je n'aie pas bien compris le rapport de la section centrale ; mes observations ne porteraient que sur des hypothèses. C'est pour abréger la discussion que je demande quelques éclaircissements. Celui qui veut innover doit déterminer de quelle manière il entend l'innovation ; nous ne pouvons pas apprécier des innovations lorsqu'elles ne sont pas clairement expliquées.

M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, il me semble, que le rapport de la section centrale est assez explicite sur les raisons qui ont déterminé cette section à vous proposer une économie de 20,887 fr., au moyen de la suppression des commissions provinciales d'agriculture.

Ces commissions doivent leur origine à un tout autre ordre d'idées que celui qui prévaut aujourd'hui. Ainsi qu'on l'a fait remarquer tantôt, elles doivent leur origine au même ordre d'idées qui a amené la création des chambres de commerce.

Je suis loin de m'associer à l'éloge que l'honorable M. Faignart a fait des chambres de commerce. Ces institutions doivent être modifiées aujourd'hui. Elles ne représentent plus les véritables intérêts auxquels elles ont mission de veiller. Aujourd'hui aussi, vous n'avez plus dans l'organisation des commissions d'agriculture, le principe qui doit donner à ces corps toute la vigueur et toute l'autorité convenable vis-à-vis des hommes qu'ils doivent représenter.

La section centrale s'est donc dit qu'au point de vue de notre nouvelle organisation politique, comme au point de vue du besoin, généralement senti, de faciliter à tous les intéressés quelconques, la traduction de sa volonté et de ses désirs, il fallait introduire l'élément électif dans la composition de tous les corps consultatifs délibérants. Si aujourd’hui il n'y avait en jeu que l'organisation des commissions provinciales, la section centrale vous aurait demandé, ainsi qu'elle s'est réservée de le demander pour les chambres de commerce, une organisation nouvelle, qui permît à ces corps de puiser dans le système électif une vie nouvelle.

Tout en maintenant le système actuel, M. le ministre de l'intérieur a reconnu que c'était là une innovation qu'il conviendrait d'introduire. Mais ce que M. le ministre de l'intérieur n'a pas reconnu avec la section centrale, c'est, à côte des corps destinés à représenter les intérêts provinciaux, la superfétation de l'existence d'un conseil supérieur; qu'indépendamment de cette superfétation, il en existait une autre dans l'organisation des corps nouveaux appelés comices; que le conseil supérieur, ainsi que les comices, venaient enlever aux commissions provinciales leurs attributions.

C'est ainsi que les grandes questions d'intérêt agricole sont le partage et du conseil supérieur et des commissions provinciales d'agriculture, en ce qui concerne leur ressort respectif. Les intérêts de notre agriculture ne sont pas tellement distincts, qu'il soit nécessaire de donner à chacun d'eux une représentation provinciale agricole; c'est la une source d'erreurs graves, et il peut en résulter une foule d’embarras.

Ce que nous voulons, c'est un conseil supérieur consultatif qui permette à tous les intérêts agricoles de s'y faire représenter. C’est ce que nous avons en vue, en demandant un conseil supérieur entouré de toutes les garanties désirable d'indépendance, c'est-à-dire sans immixtion de la part du gouvernement dans sa composition. Nous voulons, de plus, que la commission soit chargée de nommer son secrétaire. C'est là un corollaire nécessaire de l'indépendance de ce corps.

Messieurs, si vous avez parcouru avec attention le rapport de la section centrale, vous aurez remarqué le point de vue auquel la section centrale s'est placée, en ce qui concerne les intérêts agricoles. La section centrale applaudit aux moyens qu'on a employés pour relever la considération dont le travail agricole doit être entouré et elle demande qu'on persiste dans ces moyens. A ses yeux, c'est là une des mesures les plus importantes qu'on puisse prendre.

Aujourd'hui, l'expérience de plusieurs années doit avoir démontré à tout le monde que ce qui manque à l'agriculture, ce sont les capitaux. Ce que la section centrale considère comme le plus grand bienfait pour l'agriculture, c'est de voir revenir à l'agriculture des hommes qui, depuis longtemps, y sont restés étrangers; en un mot, c'est que les propriétaires-fonciers veulent se faire les directeurs de leurs exploitations agricoles.

Pour trancher le mot, voici le vœu de la section centrale.

Nous avons vu l'industrie manufacturière obtenir facilement des capitaux, parce que des hommes d'intelligence, d'instruction, des hommes à ressource se sont voués à cette industrie. L'industrie des champs n'est pas moins noble. Il n'y a pas de raison pour que les propriétaires fonciers ne s'intéressent pas davantage à leurs propriétés ; pour qu'ils ne se livrent pas, plus que malheureusement ils ne l'ont fait jusqu'ici, d'une manière intéressée à la culture. C'est ce qu'a voulu dire la section centrale par ces mots : « Elle appelle de ses vœux le moment où les capitaux confiés à des mains de plus en plus expérimentées, afflueront vers cette industrie pour lui imprimer une impulsion nouvelle et hâter ses progrès. » Elle a par ces derniers mots fait allusion aux mesures qui concernent le crédit agricole. Ce serait une erreur de croire que le crédit agricole prisse être efficace sans une grande impulsion de la part des propriétaires. Plus qu'aucune des mesures que peut prendre le gouvernement, le retour vers l'industrie agricole de la part des propriétaires sera favorable aux progrès de l'agriculture. C'est le point principal. Sous ce rapport, on a bien fait d'accorder des distinctions.

L'enseignement agricole estime conséquence du système. C’est le moyen de mettre des contremaîtres instruits à la disposition des propriétaires qui n'ont pas toutes les connaissances nécessaires. Quand nous avons demandé l'organisation du conseil supérieur d'après le système que nous avons indiqué, c'était précisément pour offrir une garantie de plus dans cette institution rattachée à l'agriculture.

Nous avons dit que l'organisation nouvelle des comices permettrait de se passer plus facilement des commissions d'agriculture, qui deviendraient dès lors une superfétation. Du moment que le conseil supérieur d'agriculture sera convenablement organisé, vous n'aurez plus besoin de commission provinciale.

Si cette institution est considérée comme pouvant être de quelque utilité, c'est à la province, ce n'est pas à l'Etat à en faire les frais. Ce que l'Etat, doit salarier, ce sont des institutions d'un intérêt général. Je suis prêt à entrer dans d'autres détails pour justifier l'opinion de la section centrale. Si cette opinion était attaquée par des arguments nouveaux, je demanderais de nouveau la parole pour y répondre.

M. de Denterghem. - Je suis tout à fait d'accord sur ce point avec l'honorable rapporteur. Je crois, comme lui, qu'il serait extrêmement désirable que les propriétaires entrassent quelque peu dans cette voie. C'est ainsi que j'ai été amené à devenir homme pratique, de simple spectateur que j'étais autrefois.

J'ai vu en effet qu'en Angleterre, c'est par les propriétaires que les grandes améliorations ont été réalisées. Eux seuls sont à même de faire des sacrifices et de réaliser par suite des bénéfices. Les simples cultivateurs, qui doivent payer le loyer des terres qu'ils cultivent, ne peuvent faire aucun sacrifice, qui produise des résultats durables.

Pour eux les résultats doivent être immédiats; pour le propriétaire, ils peuvent se réaliser dans l'avenir. Or, c'est ce qui existe le plus souvent en fait d'améliorations agricoles.

Mais là n'est pas la question.

La véritable question est de savoir s'il faut radicalement bouleverser l'organisation existante et entrer dans un système nouveau, ou s'il faut se contenter de ce qui existe, tenir compte des leçons de l'expérience, et modifier simplement d'après les besoins qui se manifestent.

Quant à moi, c'est celle dernière position que je désire voir prendre.

Nous avons déjà perdu beaucoup de temps; nous avons déjà reçu de rudes leçons ; il faut que cette expérience nous serve. Je désire, pour ma part, éviter au pays de recevoir de nouvelles leçons.

La section centrale, a dit l'honorable rapporteur, applaudit aux mesures prises par le gouvernement. De deux choses l'une, ou le gouvernement a bien fait; et il mérite d'être applaudi, alors il faut se garder de bouleverser ce qu'il a fait; ou s'il a mal fait, on a raison d'opposer au système qu'il suit un système entièrement nouveau; car, ne vous y trompez pas, ces commissions provinciales dont on propose la suppression, sont la base de notre organisation actuelle.

De qui ces commissions sont-elles composées ? D'un délégué de chaque district agricole. Si, à l'heure qu'il est, elles ne sont pas entièrement composées dans cet esprit, c'est au moins le but vers lequel on tendait, et le manque d'hommes spéciaux et capables de remplir ces postes est la seule cause du retard dans l'accomplissement du projet.

C'est depuis l'année dernière seulement que les comices agricoles sont institués; on ne peut organiser du jour au lendemain une institution de ce genre, il faut laisser au gouvernement le temps de chercher les éléments nécessaires qui peuvent être à sa disposition.

Le système proposé par la section centrale est donc inappliquable pour le moment, parce que la base sur laquelle il est établi manque; l'organisation des comices agricoles est incomplète.

Si vous supprimez les commissions provinciales, vous allez immédiatement désorganiser une foule d'autres institutions qui s'y rattachent. (page 716) En effet, c'est dans les commissions provinciales qu'on va prendre les éléments nécessaires pour composer les commissions d'expertise, et toutes ces commissions sont d'une utilité incontestable ; elles ont produit les plus heureux effets tant pour l'amélioration des races chevaline que bovine. L'une de ces commissions, celle destinée pour l'expertise des étalons, est chargée de l'exécution du règlement adopté par le gouvernement et la province.

Elles se composent de deux délégués de la commission provinciale, de deux délégués du gouvernement et d'un vétérinaire.

D'après la marche actuellement suivie, aucun étalon ne peut servir à la monte, sans avoir été approuvé par la commission. D'après la qualité des chevaux, elle accorde des primes au propriétaire des meilleurs chevaux.

Ces primes se composent :

1° D'une médaille en vermeil et 200 fr. en argent.

2° D'une médaille en argent et 100 fr. en argent.

3° D'une médaille en bronze et 50 francs en argent.

Ces primes sont de trois catégories :

1° Une médaille en vermeil et 200 fr. en numéraire ;

2° Une médaille en argent et 100 fr. en numéraire ;

3° Une médaille en bronze et 50 fr. en numéraire.

Les chevaux primés dans les chefs-lieux de districts concourent ensuite dans le chef-lieu de la province pour l'obtention de deux autres primes : l'une de quatre cents francs, l'autre de deux cents francs ; mais je dois ajouter que ces deux dernières primes ne s'accordent que quand le nombre de chevaux remarquables par leurs qualités a atteint un certain chiffre.

D'où il résulte que non seulement on est obligé d'amener de bons chevaux, mais on est intéressé à amener des chevaux choisis, puisque les meilleurs obtiennent des avantages considérables.

Supprimer les commissions provinciales d'agriculture, ce serait dans notre organisation agricole, à peu près comme si, dans l'ordre administratif, on supprimait les gouverneurs de provinces.

Comment voulez-vous que ce soient des députés des différents comices du royaume qui se rendent à Bruxelles pour discuter les questions d'utilité générale? Aujourd'hui dans les provinces cela se fait assez facilement, parce que les personnes qui composent les commissions provinciales se connaissent plus ou moins, et connaissent les localités dont il s'agit. On détruit facilement les objections qui surgissent, parce que les commissions sont peu nombreuses et composées d'hommes de la même catégorie.

Mais comment des agriculteurs des provinces de Luxembourg, du Hainaut ou de Liège pourraient-ils résoudre des questions agricoles intéressant la Flandre orientale ou la Flandre occidentale ?

Un agriculteur a-t-il le loisir d'étudier toutes les questions se rapportant à des besoins si différents et s'exprime-t-il avec la même facilité au milieu d'une assemblée nombreuse?

Si au contraire on voulait suivre l'organisation actuelle, ce qui serait plus simple et plus facile, les commissions provinciales se composeraient d'un délégué de chaque comice; puis, quand ces messieurs auraient débattu entre eux toutes les questions qui leur seraient propres, ils nommeraient en quelque sorte un rapporteur qui irait représenter dans la capitale non pas les intérêts d'une localité, mais les intérêts de la province.

Voilà, messieurs, quel serait le moyen le plus simple et le plus utile. Vous n'auriez plus alors la représentation d'une foule de localités, mais vous auriez l'ensemble des besoins de toutes les localités qui déjà ainsi résumées, auraient plus de chance d'être appréciées par des hommes mieux choisis.

Je ferai valoir une autre considération. On veut donner des fonds spéciaux pour l'organisation de l'instruction professionnelle. Par là vous reconnaissez que la théorie agit sur l'agriculture ; vous en reconnaissez la nécessité, et je ne pense pas qu'il faille démontrer cette nécessité, elle est évidente aux yeux de tout le monde. Or, en suivant le système de la section centrale, vous rendriez la manifestation de la théorie impossible. Ce ne sont pas évidemment des professeurs d'agriculture et des hommes de théorie qui composent les comices agricoles; il est certain que ce sont des hommes essentiellement pratiques. Si vous composiez uniquement votre conseil supérieur des hommes des comices, la pratique y serait seule représentée; la théorie n'y serait représentée qu'exceptionnellement, ce qui, selon moi, serait un grand désavantage. Car je crois qu'il est essentiel de mettre en rapport la pratique et la théorie.

Messieurs, le gouvernement a-t-il si mal fait que nous devions tout-à-coup repousser complètement son action? Evidemment non. Le gouvernement a bien fait jusqu'ici; il fera encore bien pour l'avenir; au moins nous avons toute raison de l'espérer. Eh bien, laissons les choses à peu près comme elles sont aujourd'hui. Elaguons ce que l'expérience désapprouve; mais améliorons ce qui existe, et contentons-nous de cela.

Vous savez, messieurs, de quelle manière se compose le conseil supérieur d'agriculture; il se compose de neuf membres des commissions provinciales, c'est-à-dire d'un délégué de chacune des commissions provinciales, pour faire valoir les intérêts de la province. Il y a ensuite neuf membres désignés par le gouvernement, qui peuvent être des hommes .plus spécialement théoriciens.

Que résultera-t-il de cette composition? C'est que toujours la discussion s'établira entre ce que la théorie a de plus distingué, et ce que la pratique a de plus distingué. Vous mettez les théoriciens en présence des praticiens qui entendront développer devant eux ce que la théorie peut avoir de nouveau à leur communiquer; ils iront ensuite faire leur rapport aux commissions provinciales, ils leur feront connaître les lumières qui ont jailli du contact des deux éléments.

Messieurs, je ne veux pas abuser des moments de la chambre.

J'ajouterai une dernière considération en ce qui concerne la dépense.

Messieurs, les membres des commissions provinciales ne touchent pas un centime d'appointements. On leur donne uniquement des frais de déplacement. Mais, à l'heure qu'il est, ces frais sont excessivement minimes par une raison fort simple : c'est que toutes les localités sont très rapprochées. On se rend très facilement de toutes les localités d'une province au chef-lieu de la province, même sans se déranger beaucoup, et on n'y est que pendant une journée, parce que la besogne est simple.

Un seul membre de ces commissions est salarié, c'est le secrétaire.

Il y a, messieurs, à la fin des annexes du rapport fait par l'honorable M. Prévinaire, un tableau qui vous indique le chiffre des dépenses qui sont faites pour chacune de ces commissions provinciales, et on y a ajouté une note qui vous fait connaître quelles sont les dépenses autres que celles de frais de déplacement. Quoique ces frais soient très faibles, la somme a une certaine importance. Cela vous prouve la vérité de l'allégation que je faisais tout à l'heure, à savoir qu'il y a une foule d'autres institutions qui se rapportent à vos commissions provinciales et dont elles sont la base.

Messieurs, je bornerai là pour le moment mes observations. Je ne veux pas prolonger cette discussion qui a déjà été fort longue. Si cependant d'autres arguments venaient à surgir, je prierais M. le président de m'accorder de nouveau la parole.

M. Peers. - La section centrale vous propose la suppression pure et simple des commissions provinciales d'agriculture, par le motif, prétend-elle, que cette institution ne puisant dans son organisation aucun élément de vie et d'influence, ses résultats sont par conséquent négatifs; et par suite de cette suppression, elle veut que les intérêts spéciaux qui se rattachent à l'agriculture passent en partie dans les attributions des comices et en partie dans celles du conseil supérieur, élu lui-même par les comices.

Qu'il me soit permis, messieurs, de réfuter, le plus brièvement possible, l'étrange anomalie dans laquelle est venue se jeter à pleine tête, la section centrale. Elle se méprend étrangement sur le peu de vie et d'influence que les commissions d'agriculture exercent respectivement dans leurs provinces, chargées de s'occuper de tout ce qui a rapport aux progrès de l'économie rurale dans leur circonscriptions; les avis, les renseignements, les expériences, les recherches, la propagation, l'amélioration et l'introduction d'animaux domestiques, les mesures à prendre contre les épizooties, celles mêmes qui regardent l'alimentation des populations , entrent dans les attributions de chaque membre appartenant à ces commissions.

Répartis par districts agricoles, il est incontestable que chaque membre qui appartient à ces localités, produit sur les populations rurales une influence morale telle, que toutes les propositions, tous les avis et tous les renseignements arrivent par son intermédiaire à une solution quelconque. Le cultivateur ne connaît que le membre de la commission d'agriculture, qui représente son district, pour lui faire part de ses besoins comme de ses ressources, de ses craintes comme de ses espérances.

Une surveillance en quelque sorte permanente et une responsabilité morale pèsent sur chaque membre de ces commissions; tuteur de tous les intérêts agricoles, il doit signaler les abus et contribuer à les faire disparaître; c'est à lui à provoquer les améliorations et les règlements qui peuvent tendre à sauvegarder les intérêts qu'il représente.

Je conçois, messieurs, que les attributions de ces corps, dans certaines provinces de la Belgique soient en quelque sorte purement et simplement consultatives, des intérêts d'une nature autre que les intérêts agricoles préoccupant davantage les habitants, la besogne qui leur incombe de ce chef est de soi peu importante.

Mais aujourd'hui que des règlements pour l'amélioration des races chevaline et bovine, que des assurances contre la mortalité des bestiaux et contre les risques de grêle fonctionnent dans plus de la moitié du pays, ce serait compromettre bien gravement ces institutions qui contribuent puissamment au bien-être matériel et intellectuel des localités où elles exercent leur bienfaisante influence.

Si les commissions provinciales d'agriculture rendent de véritables services, sous le point de vue de l'influence morale qu'elles exercent dans les campagnes, elles ne sont pas moins utiles sous le point de vue administratif. Conseillères du pouvoir dans tout ce qui est intérêts agricoles elles sont constituées par lui, comme le sont les chambres de commerce pour tout ce qui concerne l'industrie, le commerce et les manufactures. Si l'on supprime les commissions d'agriculture, qu'on me dise le motif déterminant du maintien des chambres de commerce?

Quant aux frais que ces corps occasionnent, ils sont très minimes; car ces corps ne se réunissent qu'une fois par an en assemblée générale, pour discuter le rapport annuel; toutes les autres affaires sont traitées par correspondance. Les comités permanents, assistés du vétérinaire, s'assemblent périodiquement, sans qu'il en coûte une aboie au trésor.

Si à l'annexe D du rapport de a section centrale sur le budget du ministère de l'intérieur, vous voyez figurer des sommes plus élevées que celles qui sont allouées aux commissions d'agriculture pour frais de déplacement, c'est que dans cette même annexe sont compris les frais de route et de séjour payes aux commissions d'expertise des étalons, frais qui absorbent un chiffre assez élevé, par suite du déplacement de plusieurs jours, de toute la commission composée de six membres, le secrétaire de la commission d'agriculture compris.

(page 717) Maintenant, messieurs, pour soustraire le trésor aux dépenses occasionnées pour faire fonctionner les commissions provinciales d'agriculture, la section centrale, en votant leur suppression, a manifesté le désir de voir ces collèges remplacés, dans une partie de leurs attributions, par les comices agricoles. Sachez donc, messieurs, que pour atteindre un pareil résultat, les dépenses devront infailliblement être sextuplées au moins. Sans m'arrêter sur les difficultés inextricables de trouver un personnel nombreux et capable, les rouages d'une pareille administration ne fonctionneraient jamais qu'à moitié.

Partisan des comices, j'ai moi-même, je crois pouvoir le dire, pris une large part à la création d'une pareille institution dans ma localité, j'attends beaucoup de bien des comices; elles ont toutes mes sympathies; mais, enfin, donnons cours à la raison, ces comices sont de création trop récente ; c'est une institution née d'hier, et qui peut même se ressentir d'un peu trop de précipitation qu'il a fallu mettre à l'établir. L'expérience est-elle suffisante à leur égard? est-elle complète? Il ne m'est nullement démontré que les comices puissent, dès à présent, remplacer les commissions d'agriculture, il s'en faut de beaucoup. Je puiserai la preuve de mes assertions dans une infinité de localités où l'on n'est pas encore parvenu à organiser des comices.

Remplacer l'un de ces corps par l'autre, ce serait porter un notable préjudice à l'agriculture.

Je pense que vouloir organiser l'industrie agricole de cette manière serait, d'après moi, prendre la voie la plus directe pour arriver à sa désorganisation complète.

Du reste, je ne veux pas soutenir qu'il ne puisse y avoir quelque chose à faire pour améliorer l'organisation des commissions d'agriculture; mais qu'on ne sacrifie pas une institution bonne, excellente en elle-même, à cause de quelques défauts de détail faciles à écarter; en un mot, qu'on organise les commissions, qu'on les mette au niveau des besoins et en rapport avec les idées utiles qui se sont fait jour, mais qu'on ne les supprime pas.

Leur réorganisation consisterait à adopter le mode électif, à les faire élire par les comices ; les commissions provinciales d'agriculture auraient le droit d'élire les membres du conseil supérieur. Ce système présenterait cette garantie que ces corps seraient soumis à une responsabilité, que leur mandat serait renouvelle périodiquement.

Je finis par une considération plus générale et plus élevée. Il me semble que nous nous laissons trop aisément entraîner à mettre la main à presque toutes les institutions du pays. Pour ma part, je me demande quelquefois s'il est prudent, s'il est sage, s'il est d'une bonne politique de se montrer facile à introduire ainsi, sans nécessite bien constatée, des changements continuels. Sans doute il ne faut pas rester stationnaire; mais toute modification n'est pas progrès, et la stabilité assure le respect et l'amour des populations pour les institutions d'un pays.

Je voterai contre la suppression des commissions provinciales.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la section centrale propose la suppression des commissions provinciales d'agriculture, il m'est de toute impossibilité de me rallier à cette proposition.

La section centrale s'appuie sur deux motifs pour demander cette suppression.

Le premier, c'est que le travail des commissions d'agriculture n'est qu'un travail purement négatif sans aucun résultat. Je reconnais que ce premier motif, s'il existait, serait suffisant à lui seul.

Un second motif qui corrobore le premier, c'est un motif d'économie. Je crois que sous l'un et l'autre rapport, l'opinion de la section centrale n'est pas fondée.

Les commissions provinciales d'agriculture n'ont pas un rôle aussi actif que les députations permanentes qui s'occupent de toute l'administration de la province, mais elles ont cependant un rôle utile ; elles ont des attributions. Ces attributions assez étendues, sont réglées d'une manière précise. Par un arrêté de 1845, les commissions provinciales d'agriculture ont été réorganisées, et aujourd'hui on peut dire qu'il y a amélioration dans ce service. On propose de supprimer les commissions d'agriculture et de les remplacer par une institution toute nouvelle, les comices agricoles. Messieurs, nous pouvons attendre de très bons fruits de la création des comices agricoles, mais avant de leur déléguer les fonctions des commissions d'agriculture, il faudrait d'abord que les comices fussent partout établis, et en mesure de fonctionner convenablement. Ces comices sont d'institution toute récente, pour ainsi dire, à l'état d'essai ; on ne peut donc pas songer à leur donner les attributions des commissions d'agriculture.

Lorsque les comices seront partout organisés, faudra-t-il substituer leur action à celle des commissions d'agriculture? Je ne le pense pas. Je crois que les comices devront exister concurremment avec les commissions provinciales ; ce sont deux institutions qui, chacune dans leur sphère, ont des services à rendre.

Faut-il maintenant que les commissions d'agriculture reçoivent des éléments nouveaux de vitalité au moyen de l'élection confiée aux comices agricoles? Ceci est une autre question. Je crois que les comices agricoles pourraient concourir sans inconvénient à la formation des commissions d'agriculture; mais auparavant, je le répète, il faut que les comices agricoles soient organisés partout et fonctionnent partout convenablement.

Au point de vue de l'économie, je ne crois pas, messieurs, que la proposition de la section puisse atteindre le but qu'elle se propose. En effet, il faudrait bien que le fonctionnaire qui, dans le comice agricole, serait chargé de la correspondance avec le gouverneur ou avec le gouvernement, reçût de ce chef une indemnité quelconque, de manière que les frais qu'occasionnent aujourd'hui les commissions d'agriculture, au nombre de 9, devraient être reportés sur 89 ou 100 comices ; et dès lors ce ne serait certes pas à une économie qu'on arriverait. Je crois que dans l'avenir, les comices agricoles rendront, en effet, de grands services; mats il faut laisser aux comices agricoles leurs attributions locales.

On a dit, messieurs, que si les commissions d'agriculture doivent être maintenues, ce sont les provinces qui doivent en supporter les frais, parce que c'est une institution d'intérêt provincial. En admettant ce raisonnement, il en serait de même et à plus forte raison des députations permanentes. Mais je n'admets pas que les commissions d'agriculture soient une institution d'intérêt purement provincial; ces commissions concourent à des actes d'intérêt général ; elles sont consultées souvent dans un intérêt général et l'on peut dire que leurs attributions sont mixtes. D'ailleurs, il n'y aurait pas d'économie à transférer les frais de ces commissions du budget de l'Etat au budget provincial, qui se compose en partie des mêmes éléments que le budget de l'Etat. Ce serait un déplacement de dépense, mais ce ne serait pas une économie pour les contribuables.

En même temps qu'on veut supprimer les commissions d'agriculture pour y substituer les comices agricoles, on veut charger les comices d'une attribution nouvelle très importante, la formation du conseil supérieur d'agriculture.

Eh bien, je ne pense pas, messieurs, que les comices agricoles soient compétents pour former le conseil supérieur d'agriculture. Les comices agricoles sont avant tout composés d'hommes pratiques, d'agriculteurs pratiques ; le conseil supérieur d'agriculture doit être surtout composé d'hommes de science, d'hommes de théorie, si l'on veut, auxquels se joignent des hommes pratiques. Vouloir que le conseil supérieur d'agriculture ne soit qu'une émanation des comices agricoles, ce serait à mon avis dénaturer le caractère et rétrécir les attributions du conseil supérieur d'agriculture. Le conseil supérieur d'agriculture, les commissions provinciales, les comices agricoles, chacun dans leur sphère, sont appelés à rendre des services. Maintenons les trois institutions et surtout ne supprimons pas les commissions provinciales pour les remplacer par une institution dont j'attends de bons fruits, je le répète, mais qui n'est pas encore organisée.

M. Toussaint. - Je crois, messieurs, que les commissions provinciales se justifient comme organisme et comme institution agricole, mais la question qui nous occupe n'a pas été suffisamment éclaircie. Mon intention n'est pas cependant de la traiter. Je n'ai qu'une observation de détail à faire. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il n'y aurait pas moyen d'obtenir une économie en chargeant des fonctions de secrétaire de la commission d'agriculture le chef de bureau du gouvernement provincial qui a l'agriculture dans ses attributions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans certaines provinces le chef du bureau de l'agriculture est chargé des fonctions de secrétaire de la commission d'agriculture, mais ces fonctions sont en dehors de ses travaux journaliers et elles lui donnent droit à une indemnité, parce que ce sont des fonctions distinctes. Seulement il résulte de ce cumul une économie, parce que si l'on devait prendre un employé spécial, on serait obligé de lui allouer un traitement plus élevé.

M. Prévinaire, rapporteur. - J'aurai l'honneur de rappeler à la chambre que la section centrale s'est surtout placée au point de vue d'une meilleure organisation des corps consultatifs que celle qui existe aujourd'hui.

Vous avez aujourd'hui trois corps consultatifs : le conseil supérieur d'agriculture, la commission provinciale, le comice agricole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les comices agricoles ne sont pas encore complètement organisés.

M. Prévinaire. - Ils existent presque partout, et s'ils n'existent pas aujourd'hui, je crains fort qu'ils n'existent jamais. C'est précisément parce que l'organisation est incomplète, que la section centrale en a proposé une plus complète.

La chambre ne serait pas disposée, sans doute, à me suivre dans tous les détails de celle organisation, mais j'en dirai quelques mots.

Les attributions des commissions provinciales d'agriculture doivent en très grande partie se renfermer dans le rayon du district agricole.

Le règlement organique dit que les membres de la commission provinciale sont recrutés, autant que possible, dans les divers districts agricoles, que chaque district sera représenté. Dans le fait, cela n'existe pas. Qu'une circonstance se produise, qui exige l'intervention immédiate, pour un intérêt sanitaire, du membre de la commission provinciale d'agriculture. Eh bien, n'arrivera-t-il pas fréquemment que par suite de l'étendue du ressort, par suite d'une absence fortuite, les mesures à prendre ne seront prises que tardivement?

(page 718) C’est précisément à ce point de vue de l'intérêt sanitaire, c'est-à-dire du plus grave de tous les intérêts agricoles peut-être, que la section centrale a pensé qu'il serait préférable de déférer à une organisation nouvelle des comices agricoles, (l'organisation peut être différente de celle qu'on a voulu leur donner); de déférer à cette organisation nouvelle toutes les attributions sanitaires, confiées aux commissions provinciales d'agriculture. De cette manière, nous aurions un plus grand nombre de représentants qui pourraient remplir les attributions actuelles des membres de la commission provinciale d'agriculture, chargés des intérêts unitaires.

Nous, avons été aussi guidés par cette considération, que nous croyons qu'une institution comme celle-là doit se prêter avantageusement au système électif.

Aujourd'hui, qu'arrive-t-il? A l'expiration du mandat d'un membre d'une commission d'agriculture, le membre sortant se trouve de droit porté comme premier candidat sur la liste. Il est très difficile que le gouvernement ne confie un nouveau mandat au membre sortant. Il y a donc quelque chose qui n'offre pas aux intérêts qu'on veut faire représenter toutes les garanties désirables.

On a dit que le conseil supérieur doit être composé d'hommes de sciences. C’est en adoptant cette manière de considérer les choses qu'on fera beaucoup d'essais infructueux. Les hommes de théorie doivent sans doute être admis dans les conseils consultatifs ; ils peuvent donner une impulsion utile ; mais ce serait se tromper étrangement que de croire que nous n'avons pas dans nos campagnes des hommes de pratique et de science à la fois, à l'affût des théories nouvelles, et dont, à notre avis, la présence dans le conseil provincial, n'en ferait marcher que mieux les travaux de ce corps.

Ainsi donc, la section centrale, en demandant cette réorganisation du système représentatif des intérêts agricoles, a voulu que ce fussent réellement les intéressés qui fussent à même de faire entendre leur voix ; la section centrale veut une organisation meilleure, un contact plus immédiat avec les individus qui ont une certaine autorité à exercer ; mais la section centrale reconnaît en même temps que cette organisation nouvelle ne pourra pas se faire sans une certaine dépense.

M. Bruneau. - Messieurs, le système présenté par la section centrale peut contenir des idées très pratiques ; mais je crois que la chambre ne jugera pas à propos de désorganiser quant à présent un ensemble qui existe depuis longtemps, lorsqu'on n'a pas sous la main les éléments nouveaux pour le remplacer. Bientôt, M. le ministre de l'intérieur devra présenter son budget pour 1850 ; d'ici là, M. le ministre de l'intérieur pourra examiner s'il n'y a pas moyen de réorganiser les commissions provinciales, le conseil permanent et les comices agricoles, de manière à en faire un tout uniforme.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, mon silence ne peut pas être considéré comme une approbation des critiques qui peuvent être dirigées contre l'organisation actuelle des corps consultatifs. Cette organisation, sauf amélioration, je la considère comme utilement et logiquement constituée. Il faut maintenir les trois degrés ; c'est ce que je démontrerai plus tard, si la discussion doit se renouveler à l'occasion du budget de 1850.

- La discussion est close.

L'article 53, avec le chiffre de 96,300 fr., est mis aux et adopté.

Article 54

« Art. 55 (devenu art. 54) : Traitement et indemnités du personnel du haras : fr. 40,000. »

M. Moxhon. - Messieurs, à mon avis une des plus importantes carrières qui puissent s'offrir à l'ambition d'un homme d'Etat, serait de créer de maintenir pour toute la Belgique une administration unique et spéciale d'agriculture, qui lui imprimerait, par un système pratique et théorique tout à la fois, une marche sûre et régulière.

Messieurs, notre pays placé entre le Nord qui produit à bas prix un nombreux bétail, et le Midi dont le sol est sous l'influence d'un climat, où la mauvaise répartition des pluies oppose des grands obstacles à la production des fourrages et par conséquent à l'élève du bétail; notre pays, dis-je, placé dans des conditions semblables, doit avant tout veiller à la conservation et au développement de son commerce de transit. Plusieurs de nos provinces néanmoins tout éminemment propres à l'élève du bétail; il importe donc qu'une main expérimentée imprime un vif et judicieux mouvement à cette branche importante de la richesse agricole.

J'arrive au haras de l'Etat qui fait partie du chapitre en discussion. C'est en récapitulant les sommes considérables qu'il a coulé au pays, et en présence des résultats qu'il a donnés, que je viens vous demander s'il convient de le conserver plus longtemps avec son organisation actuelle. Je vais essayer de vous démontrer, messieurs, que le haras de l'Etat est loin de répondre à ce que l'on en avait espéré. Et j'ai hâte de le dire, je m'adresse plus particulièrement aux hommes spéciaux et compétents qui se trouvent dans cette chambre. J'espère les amener à partager ma manière de voir et à déterminer la conviction de ceux d'entre vous à qui les détails dans lesquels je vais entrer, paraîtraient fastidieux.

Chaque pays a ses races propres, seules convenables au sol qui les a vus naître. Chacune de nos races a ses défauts et ses qualités. L'homme ne peut que modifier une race, jamais il ne parvient à la changer.

Ce principe posé, j'ajoute qu'il faut, pendant un certain nombre d'années, conserver cette race, même avec les défauts qui lui sont particuliers, puis commencer à les amoindrir autant que possible. Ce n'est, messieurs, que par une science expérimentale, que par des soins longs et continus, que l'on peut parvenir à ce résultat. On y arrive par deux moyens, dont l’un doit nécessairement précéder l'autre d'un certain nombre d'années.

On doit faire un choix judicieux de types reproducteurs de la race même que l'on travaille à améliorer, et après que l'on est parvenu à faire produire à ces types reproducteurs des élèves présentant un premier degré d'amélioration, seulement alors doit commencer le croisement avec une race étrangère.

Lorsque le congrès agricole s'est occupé de cette importante question, il a admis le principe du métissage, tout en reconnaissant que la race du pays doit d'abord s'améliorer par la race; et la commission nommée par le gouvernement en 1843, émet le même avis dans son rapport.

Améliorer d'abord la race par la race, est donc une chose indispensable pour le succès du croisement ; le métissage ne doit commencer que lorsque les vices les plus saillants de la race primitive ont disparu en grande partie.

Je vous prie, messieurs, de me permettre de vous dire quelques mots sur les deux races principales que possède la Belgique.

La race dite ardennaise prospère particulièrement sur les montagnes élevées et agrestes du Luxembourg. Le cheval ardennais est courageux, sobre et solide; dans la campagne de 1813, les chevaux qui résistèrent à la fatigue et aux privations, furent principalement des chevaux ardennais; suivant l'avis d'hommes compétents, le cheval ardennais pourrait devenir le premier cheval du monde, pour l'usage de la cavalerie légère et comme cheval de luxe.

Pour atteindre ce résultat, il faudrait, de longue main, faire disparaître ses défauts essentiels. Le cheval ardennais a la bouche dure, le cou court et la tête pesante, ce qui empêche de le manier avec facilité ; l'exiguïté de sa taille est principalement due à la manière parcimonieuse avec laquelle on le nourrit dans sa jeunesse. Pour atténuer ces défauts, il faut chercher des types modificatifs d'une race des pays froids, montagneux, qui présentent certaine analogie avec le climat du Luxembourg; il faut que cette race possède à un haut degré les qualités opposées aux vices capitaux que je viens de signaler. Or, l'expérience a déjà démontré que l'étalon russe dit des montagnes, est appelé à donner à la race ardennaise les qualités qui lui manquent. En effet, le cheval russe a la tête fine, la bouche sensible, le cou fin et allongé; il acquiert de la taille par une nourriture abondante.

La race des Flandres est le type des chevaux de gros trait ; c'est elle qui donne des produits recherchés pour l'usage du roulage dans les grandes villes et pour la remonte des bateaux sur les fleuves, tels que le Rhône, qui ont un lit profond et tout à la fois un cours rapide.

Cette race donne depuis longtemps des profits certains aux éleveurs qui ont eu le bon esprit d'éviter des croisements peu judicieux. Les chevaux des Flandres ne peuvent se développer que dans nos plaines plantureuses; aussi contractent-ils des maladies inhérentes au sol et au climat, en un mot, les maladies qui résultent d'un système lymphatique trop prononcé. Pour combattre cette influence morbide, les éleveurs instruits ont pratiqué avec succès le métissage avec des étalons percherons ou du Boulonnais.

L'idée de fait produire au pays des chevaux propres à la cavalerie et aux besoins du luxe, mérite notre approbation, et si nos cultivateurs ont éprouvé de nombreux mécomptes, cherchons où a été le mal. Le mal, messieurs, c'est que les efforts du gouvernement n'ont pas été secondés comme ils auraient dû l'être, c'est que les hommes ont manqué à la chose, les principes à l'exécution, et notamment l'expérience et l'intelligence nécessaires pour présider aux appareillements.

En effet, tous ceux qui ont eu des rapports avec les éleveurs, savent combien a été unanime la répulsion que le croisement éprouvait de leur part. Cela se conçoit, lorsque l'on se rappelle que dans chaque ferme de notre pays, on rencontrait, il y a quelques années, des jeunes chevaux difformes, dont les fermiers ne pouvaient se défaire à aucun prix.

S'il en a été ainsi, messieurs, on doit l’attribuer à ce que l'étalon anglais a été trop indistinctement réparti sur tous les points du pays et livre à la saillie sans règle ni principe de la part des préposés envoyés dans les stations d'étalons. C'est ainsi que l'on a marché longtemps en hésitant, parce que l'on reconnaissait que l'on n'était pas dans la bonne voie, etl qu'il a fallu que des particuliers éclairés fissent enfin naître la conviction de l'efficacité des croisements bien entendus; le haras, stimulé, a compris qu'il devait sortir de l'ornière, et voilà pourquoi les produits des dernières expositions de Tervueren témoignent des progrès produits par une saine application des principes et des règles qui doivent présider aux croisements.

Quant à moi, messieurs, je suis de ceux qui pensent que l'agriculture aura encore longtemps besoin de la protection efficace du gouvernement; cette protection, elle la trouvera dans le défrichement des terres incultes reconnues propres à être cultivées, dans la création d'un institut ou d'une université agricole, et dans l'établissement de fermes-modèles purement pratiques, propres à une localité déterminée, où les véritables notions pour l'élève du bétail feraient partie de l'enseignement qui y serait donné.

Quant au haras de l’Etat, je me prononce sans réserve pour sa suppression; il coûte trop cher pour les résultats qu'il produit. Je préfère le système de primes comme encouragement, si tant est qu'on croit devoir encore recourir à ce moyen d'émulation.

Que M. le ministre de l'intérieur continue à décerner des récompenses honorifiques et quelquefois des récompenses pécuniaires, pour couvrir certains éleveurs des frais auxquels ils sont astreints, lorsqu'ils veulent se présenter an contours avec distinction.

Je ne crois cependant, messieurs, qu'à un seul moyen efficace d'encourager l'agriculture et toutes les branches qui s'y rattachent : c'est de (page 719) soustraire la charrue àl 'usure, suivant l'expression de M. de Gasparin, que je considère comme une autorité en tout ce qui concerne les perfectionnements agricoles; de mettre, sous le rapport des capitaux, la condition du travail de la terre sur le même pied que celle des autres industries, de stimuler le crédit agricole, de créer une banque qui donnera le goût aux cultivateurs du placement de ses économies. C'est vers ce but à mon avis que doivent tendre désormais tous les efforts du gouvernement dans la mesure de ses ressources.

Je vous prie, messieurs, de ne pas perdre de vue que le cultivateur qui se livre à l'élève du bétail, peut souvent avoir besoin de crédit pour ne pas se trouver forcé de vendre son bétail trop jeune, il faut aussi que l'argent qu'il emprunte soit à bas intérêt, puisque ce n'est qu'au bout de trois à six ans qu'il trouve avec avantage le placement de ses produits.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, la section centrale, en accordant le chiffre demandé pour le traitement du personnel du haras, s'est prononcée pour qu'il fût donné à la direction de cet établissement un caractère mieux approprié aux intérêts de l'agriculture.

C'est sur les moyens d'arriver à ce résultat que je voudrais émettre quelques idées que je demande à la chambre de vouloir bien entendre avec bienveillance.

Je lis dans l'annexe E du rapport, annexe qui n'est autre chose que la réponse de l'administration des haras aux vœux exprimés par la section centrale, je lis, dis-je, les paroles suivantes : « En créant un dépôt d'étalons au haras de l'Etat, le gouvernement n'a nullement eu l'intention de chercher à faire modifier les races des chevaux indigènes, destinés aux travaux agricoles, et dont l'élève et le commerce sont dans un état prospère ; mais il a eu pour but de rendre la Belgique indépendante de l'étranger pour les chevaux destinés au luxe et à la remonte de la cavalerie. Les essais qui ont été fait ont parfaitement réussi... »

« Ce n'est pas à dire, ajoute la note, que beaucoup d'éleveurs n'aient éprouvé des mécomptes, qu'ils n'aient élevé des chevaux dont ils n'ont pu se défaire qu'avec perte. Ces circonstances ne tiennent nullement aux étalons que le haras a mis à leur disposition, mais bien aux types qu'ils ont employés pour opérer tes croissements, aux mauvais accouplements qu'ils ont opérés, à leur inexpérience enfin. »

Il faut convenir, messieurs, que cette note est incroyable. C'est l'aveu le plus formel que l'on pourrait imprimer au haras de l'Etat une meilleure direction, comme l'a compris la section centrale. Eh quoi, le gouvernement connaît le mal, le signale, et ne fait rien pour le prévenir. On a beaucoup parlé depuis quelques temps des bons effets de l'intervention du gouvernement en toutes choses. J'approuve cette intervention, mais je reconnais qu'elle a été plus intelligente dans les autres questions que dans celle du haras.

Que signifie donc cette intervention, si elle n'a pas pour but de guider l'inexpérience des cultivateurs, et d'empêcher que le précieux sang des étalons de l'Etat soit dépensé en pure perte pour de mauvais croisements?

Le mal est là ; le haras de l'Etat ne produit pas le bien qu'il devrait produire, parce que les ressources précieuses qu'il met à la disposition de l'agriculture ne sont pas aussi bien employées quelles devraient l'être, parce que l’on semble croire que tout est dit, lorsqu'on a de bons étalons.

Nous trouvons dans le rapport de la section centrale, dans le rapport publié, il y a deux jours, par le Moniteur, des tableaux détaillés indiquant le nombre d'étalons envoyés dans les diverses stations, le nombre des saillies par province et par cheval. Tout cela ne nous apprend rien. Ce n'est pas du nombre des saillies que je me préoccupe, c'est de la manière dont elles ont été faites. Je voudrais savoir si l'administration s'est préoccupée d'envoyer, dans telle province, tel étalon dont la nature se rapproche de la nature du cheval du sol, et ayant cependant les qualités qui manquent à celui-ci ; car c'est là le seul moyen d'opérer de bons croisements et d'arriver à de bans résultats.

Mais tous les rapports, toutes les notes gardent le silence à cet égard. Ces rapports sont évidemment incomplets. Je prierai M. le ministre de demander de ses agents des rapports sur les considérations qui ont déterminé l’administration du haras à envoyer tel ou tel étalon dans telle province plutôt que dans tel autre; sur la qualité, sur la conformation, le tempérament des étalons envoyés en station, comparés aux qualités, à la conformation, au tempérament des races des provinces où ils sont envoyés; enfin sur les résultats obtenus, sur les qualités des produits, sur les progrès de l'amélioration de la race. Un rapport fait dans ce sens-là pourra seul indiquer à la chambre ce qu'il lui importe de savoir.

On reconnaît que le mauvais choix des poulinières présentées aux étalons du haras est un grand obstacle à l'amélioration de nos races chevalines. Pourquoi donc ne pas intervenir dans ce choix? Mais c'était la première condition de succès pour le haras. Il y aurait un moyen bien simple de surveiller les choix, il y a dans presque toutes les localités des vétérinaires diplômés par l’Etat, pourquoi ne pas confier à ces vétérinaires les étalons envoyés en station, et cela moyennant une faible rétribution. Des vétérinaires, avant de permettre une saillie, devraient constater non seulement que la jument présentée est saine, seule condition exigée aujourd'hui; mais encore que cette jument n'a aucun vice de conformation, de tempérament, de nature à influencer sur son produit; qu'elle est, en un mot, dans des conditions telles, que l'accouplement pourra produire un bon résultat. Cette mesure aurait un autre avantage, c'est que les étalons de l'Etat, étalons qui coûtent si cher, seraient confiés à des hommes éclairés et capables de veiller à leur conservation.

J'aime mieux examiner la question d'un point de vue plus général. La Belgique est très riche en bonne race de chevaux très estimés en France et en Angleterre. Mais ces races doivent être entretenues et améliorées de telle sorte qu'elles ne perdront rien des qualités qui les rendent précieuses. Que faut-il faire pour cela? Agrandir la taille des petites races, alléger celle des races lourdes, ramener en un mot autant que possible notre population chevaline, à ce cheval moyen, bien membré, bien corsé, qui est d'un usage général et par conséquent d'un bon rapport pour le cultivateur, toujours assuré de s'en défaire avantageusement.

Mais pour cela il faut des croissements intelligents des étalons choisis pour telle ou telle localité , la plus grande attention apportée à l'examen des poulinières.

N'argumentez pas de l'inexpérience des cultivateurs; les enseignements et les encouragements doivent descendre d'en haut et se répandre sur le pays.

Un cultivateur qui possède une jument difforme, mais forte et courageuse croit que cette jument est bonne pour la reproduction, et l'envoie à l'étalon. Mais l'administration du haras doit-elle l'accepter? Ne sait-elle pas que la jument mal faite, mal constituée, donnera un mauvais produit, tandis qu'une jument d'agriculture douée de quelques qualités extérieures, qui joindra à une certaine distinction relative, une forte charpente, de la proportion dans ses différentes parties, avec un peu de liberté dans les épaules, vaudra mieux que tout autre, et que l'on sera assuré d'en tirer, dès la première génération, un produit distingué, propre à remonter nos escadrons? La poulinière transmet la force, la structure, l'étoffe ; l'étalon , le fond, la vigueur, l'égalité, le sang en un mot.

Permettez-moi, messieurs , de vous dire un mot sur l'utilité des courses.

Plusieurs membres de la société d'encouragement, et entre autres le président de cette société, pourront vous donner des renseignements sur les résultats produits par les courses de Bruxelles. Pour moi, je ne veux examiner cette question qu'au point de vue général.

Je suis même tout disposé à reconnaître que l'organisation de nos courses est très défectueuse, que cette institution, à cause de ce vice, n'a pas produit tout le bien qu’elle pouvait produire, que jusqu'à ce jour son utilité est très contestable.

Il faut être riche pour pouvoir prendre part aux luttes de nos hippodromes. Le simple fermier, le véritable producteur du cheval, ne saurait jamais entrer en lice. Trop souvent les prix qui s'y disputent ne servent que de prétexte à des paris, ils ne sont point le but que se disputent les concurrents ; s'ils désirent la victoire, c'est parce qu'ils tiennent à gagner une partie ou un prix. En Angleterre les courses ont une autre portée; dans ce pays, que l'on ne pourrait trop citer comme modèle, les courses où se disputent des prix importants, constituent en quelque sorte une loterie publique à laquelle tout le monde peut prendre part. Les courses n'y sont donc pas un intérêt circonscrit dans le cercle de la fashion. Aussi non seulement la population chevaline y est noble et belle, mais encore elle est assez nombreuse pour permettre l'exportation.

Je voudrais donc que la chambre ne supprimât pas l'allocation destinée aux courses, et qu'elle se contentât seulement de la réduire, afin de laisser au gouvernement le moyen de tenter une organisation nouvelle, et d'instituer des courses où tous soient admis, une sorte de Derby, comme celles d'Epsom, d'Ascot, et de Niewmarket.

En France, on a tenté avec succès cette importation anglaise. Des esprits nobles et généreux, par le seul amour du public, ont organisé un Derby au milieu de la Brenne (Indre) ; les résultats de cet essai ont été excellents.

Un motif que la chambre ne doit pas perdre de vue, c'est que plusieurs cultivateurs ont, à cause des courses, fait des dépenses de croisement, qu'ils ont des poulains d'un ou de deux ans, qui ne pourraient courir que dans deux ou trois ans, et que ces cultivateurs vont se trouver ainsi condamnés à une perte certaine par suite de la suppression des courses ; car ils ne trouveront plus à placer leurs élèves. Il serait donc juste, si la chambre persiste à supprimer les courses, qu'elle les supprimât en principe, mais qu'elle maintînt encore pendant deux ou trois ans l'allocation.

Certes, si les courses devaient n'avoir toujours pour effet que d’offrir une sorte de jeu public autorisé, elles seraient un spectacle frivole et sans intérêt pour le pays.

Mais je crois que les courses doivent avoir pour effet de multiplier les étalonniers de pur-sang dans le pays ; ce qui est nécessaire, car le haras de l'Etat est insuffisant pour toute la reproduction chevaline.

Les courses, lorsque tous y pourront être admis, exciteront une grande émulation, émulation éveillée déjà, je le reconnais, par les primes accordées par le gouvernement. Les courses répandent dans le pays les connaissances spéciales, indispensables à l'élève du cheval et que les entraîneurs apportent, et avec elle des germes féconds en améliorations.

Je me résume.

La question chevaline aujourd'hui doit se poser chez l'éleveur. Elle n'est pas toute dans le haras, c'est chez l'éleveur qu'il faut la suivre et la résoudre. Ayez à prix d'or les reproducteurs les plus parfaits, à quoi bon, si vous les accouplez mal ? et plus tard, si l'accouplement a été bon, si vous avez obtenu un produit distingué, ce n'est encore là que la moitié du problème. Il faut élever maintenant, et amener le produit à l'état de cheval parfait pour le genre de service auquel sa race et ses moyens le rendent propre.

Que l'intervention du gouvernement dans la question chevaline se fasse mieux sentir et que l'on ne vienne plus nous parler de l'inexpérience de» cultivateurs; cette inexpérience, vous êtes là pour la guider.

M. de Denterghem. - Je demande à répondre quelques mots à l'honorable préopinant.

L'élève du cheval est mal appréciée. On croit qu'il s'agit simplement d'avoir des chevaux un peu plus ou moins. Pas du tout : il s'agit (page 720) d'une branche de commerce importante. Si l'on ne faisait rien, le gouvernement et le pays mériteraient le reproche que l'on a fait aux Flandres, au sujet de l'industrie du lin. Vous êtes restés stationnaires et vous n'avez rien su prévoir, disait-on aux tisserands des Flandres.

Voici quelle était la position de la Belgique : autrefois la Belgique fournissait un grand nombre de chevaux de trait; aujourd'hui, par suite de l'organisation des chemins de fer et des bateaux à vapeur, sur différentes rivières de la France, ces débouchés manquant à la Belgique, on s'est dit : Nous tirons d'Allemagne et d'Angleterre un très grand nombre de chevaux de luxe. Puisque nous ne trouvons plus de débouché à l'étranger d'une part, tâchons de nous passer de l'étranger de l'autre part.

On a fait des essais, et à l'heure qu'il est, ces essais sont concluants. Ce qui était un problème est aujourd'hui une réalité. En effet, à quoi servaient les chevaux que nous tirions d'Allemagne ? A la remonte de la cavalerie. Mais nous avons de bonnes races. Notre cheval, quand il est de race améliorée, est dans des conditions convenables pour la cavalerie. Il ne lui manque qu'un peu d'énergie, et c'est ce qu'on obtient par un croisement bien combiné.

Si l'on s'adresse à M. le ministre delà guerre, on saura que maintenant on a des chevaux élevés en Belgique qui servent avec avantage pour la grosse cavalerie ; et ce type est le plus difficile à obtenir. Ajoutez que les éleveurs les plus distingués se servent de ces chevaux pour traîner leurs carrosses; et l'élégance de ces attelages a fait naître le désir de remplacer les chevaux allemands par ces chevaux métis. Ceux mêmes qui se servaient de chevaux anglais, commencent à y renoncer, et tout nous fait espérer que bientôt nous pourrons satisfaire aux principaux besoins du pays.

L'honorable M. Moxhon disait tout à l'heure qu'il faut commencer par améliorer les races par elles-mêmes. Personne ne le conteste. C'est le résultat qu'on veut obtenir à l'aide des primes, et on l'obtient. Le nombre des étalons a été constamment en croissant, et on est devenu de plus en plus difficile sur le choix de ces animaux.

Je conviens que tous les élèves qu'on a faits n'ont pas réussi ; mais cela ne dépend pas toujours de l'étalon. Il faut que les qualités des poulinières répondent à celles de l'étalon ; et très souvent les éleveurs n'ont pas assez apprécié cette nécessité.

L'honorable M. Moxhon, qui demande la suppression du haras de l'Etat, en a prouvé la nécessité. En effet, il a dit que la race spécialement connue sous le nom de race ardennaise, avait besoin d'être croisée avec des chevaux russes, avec des chevaux qui ont des qualités spéciales. N'est-ce pas reconnaître la nécessité du haras ?

Les propriétaires ne peuvent faire des frais considérables pour se procurer des étalons. Si vous voulez que le croisement donne de bons résultats, il faut choisir parmi les meilleurs chevaux. Sans cela, ce n'est pas la peine de tirer des chevaux de l'étranger.

Mais dans les pays où vous allez chercher des chevaux, il est certain qu'on ne vous donnera les meilleurs chevaux qu'à condition de payer leur valeur. Voilà des sacrifices que le gouvernement peut faire, que les particuliers ne peuvent pas faire. L'établissement de Tervueren, bien qu'on l'appelle un haras, n'est pas un haras. C'est un dépôt d'étalons.

M. de Baillet-Latour. - On y a fait des élèves qui ne valent rien.

M. de Denterghem. - Je ne conteste pas cela. Mais peut-on s'en prendre à l'étalon? Il n'est pas sorcier.

Ces poulains n'appartenaient pas au haras, mais à des particuliers habitant dans le voisinage de l'établissement.

Mais, encore une fois, dites ce qu'était les juments qui ont porté ces poulains. Si les mères ne valaient rien, l'étalon ne peut pas être responsable.

La conséquence de ceci est que vous pouvez attribuer au même étalon de bons et de mauvais produits ; et d'où vient cette différence, si ce n'est de la différence des poulinières?

M. Prévinaire, rapporteur. - La position de la section centrale est un peu complexe. D'un côté, elle approuve le haras, d'un autre côté, elle approuve le vœu qu'il lui soit donné une meilleure direction. Ce n'est pas à la légère qu'elle a émis cette opinion. Vous avez tons sous les yeux l'annexe au rapport, présentant le tableau des saillies des étalons de pur-sang du haras de l'État pendant les cinq dernières années ; il en résulte qu'il y a eu une diminution de 24 p. c. sur le nombre des saillies.

Or, quelle est la destination du haras ? C'est, si je ne me trompe, la reproduction chevaline. Plus vous aurez produit de chevaux, plus la dépense consentie au budget se subdivisera, et plus le haras aura profité au pays.

Cette diminution sensible dans les services rendus par le haras, ne prouve que trop quelles sont les tendances de l'agriculture, et suffit pour justifier la critique qu'a faite la section centrale de la direction imprimée au haras. D'autres éléments existent encore pour fonder cette critique. C'est ainsi que si l'on recherche quelle a été la part d'utilité des différents étalons qui se trouvent au haras, on trouve que la moyenne des saillies a été, pendant les cinq dernières années, comme suit: étalons de pur-sang 24, étalons de 3/4 sang 30, étalons de 1/2 sang 36 ½.

Vous voyez par ce rapprochement commun à tous les étalons, que plus on s’écarte du pur-sang, plus les saillies augmentent, c'est-à-dire que plus l'utilité est grande.

Considérez maintenant le pays comme un seul industriel, et vous conviendrez que quand il fait produire à un capital donné une somme de 24, il obtient moins que lorsqu'il fait produire 36 1/2.

Il y avait au haras un seul étalonne gros trait. Quelle a été son utilité? Il a produit 91 saillies. Ainsi, vous le voyez, plus vous vous éloignez de la race pur-sang, et plus vous trouvez, de la part du cultivateur, de propension à se servir de vos étalons.

Ces observations, messieurs, justifient les critiques de la section centrale, qui s'est placée, je le répète, exclusivement au point de vue agricole. La section centrale vous dit : Voyez le tableau des saillies qui ont été opérées; vous verrez que les cultivateurs ont offert 24 p. c. de juments de moins à la saillie que précédemment. Vous verrez que plus on se rapproche du pur-sang, plus le nombre des saillies diminue; plus on se rapproche du gros trait, plus les saillies augmentent.

Ce sont là des chiffres qui, aux yeux de la section centrale, contenaient un enseignement positif, et indiquaient la marche qu'il convenait de suivre. Il est incontestable que l'agriculture préfère à tout le cheval de gros trait, et qu'en fait de cheval fin, elle préfère celui qui s'écarte le moins du cheval de gros trait.

La section centrale a dit que le gouvernement devait favoriser les essais, que c'était son devoir de mettre l'agriculture en position de tenter des essais. D'un autre côté elle a observé que le gouvernement devait s'abstenir d'une direction. Or, de la manière dont le haras a été gouverné jusqu'à présent, il y a eu direction formelle, c'est-à-dire que vous n'avez conservé au haras que les étalons d'une certaine catégorie, que les étalons dont l'agriculteur voulait le moins. Sous ce rapport donc, aux yeux de la section centrale, la direction n'a pas été ce qu'elle devait être.

La section centrale dit qu'elle ne veut le haras que comme institution à la portée de tous, et surtout à la portée du petit cultivateur ; sous ce rapport, le haras est une institution démocratique; mais il faut qu'il remplisse les conditions nécessaires pour cela. Il ne faut pas que le petit cultivateur, qui donne la préférence au cheval de gros trait, ne puisse se le procurer au haras.

Cependant la section centrale ne s'est pas positivement expliquée sur la direction nouvelle à imprimer au haras, et si je m'explique d'une manière un peu plus détaillée, ce n'est pas dans l'intention d'exprimer d'une manière formelle un vœu de la section centrale. Elle a voulu que la question chevaline fut différée et renvoyée à l'examen du conseil supérieur d'agriculture, réorganisé d'après les bases qu'elle vous indique; c'est-à-dire qu'elle a pensé que c'étaient les hommes pratiques, les hommes qui devaient se servir des instruments mis à leur disposition, qui avaient à apprécier de quelle nature devaient être ces instruments. J'ajouterai, pour donner plus d'extension à cette idée , que nous avons pensé que le conseil supérieur devait pouvoir se rendre lui-même dans les pays étrangers et voir quelles sont les races de chevaux qu'on pourrait utilement marier avec les nôtres.

Voilà les doubles considérations qui ont fait maintenir par la section centrale le chiffre pour le haras, mais qui lui ont fait dire également que celle institution n'avait pas la direction convenable au point de vue des intérêts de l'agriculture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer à la chambre que la section centrale alloue le chiffre demandé par le gouvernement; seulement elle accompagne l'allocation de ce qu'elle appelle certaines restrictions morales.

Messieurs, nous pensons qu'encore ici il y aurait lieu d'introduire des améliorations. Nous ne donnons pas l'état actuel comme parfait. Mais nous pensons que ce qui existe est relativement bon, est acceptable et que la chambre peut, en toute sûreté de conscience, voter l'allocation demandée.

Les uns, messieurs, veulent élargir l'intervention du gouvernement; les autres au contraire voudraient restreindre beaucoup trop son cercle d'action.

Que doit être le dépôt d'étalons de Tervueren? D'après un honorable députe de Namur, il ne devrait rien être du tout ; le gouvernement devra il supprimer ce dépôt. D'après l'opinion que vient d'exprimer l'honorable rapporteur, le dépôt de Tervueren devrait être un dépôt général d'étalons, un dépôt pour tous les besoins, pour les besoins du luxe comme pour les besoins de l'agriculture.

Eh bien ! je crois que l'un et l'autre de ces orateurs vont trop loin. Le dépôt de Tervueren doit rester ce qu'il est, c'est-à-dire un dépôt d'étalons destinés à la reproduction des chevaux de selle et de voiture. Quelques étalons de gros trait avaient été installés à Tervueren. Ils en ont été successivement renvoyés. Aujourd'hui il en reste encore quelques-uns dans les provinces.

Nous croyons que l'amélioration des espèces chevalines de gros trait doit appartenir aux provinces et aux comices ; que le gouvernement doit rester chargé d'encourager la reproduction des chevaux de selle ou de luxe proprement dit; et, sous ce rapport, il serait injuste de dire que rétablissement de Tervueren n'a pas produit de bons résultats. Il est de notoriété publique que les chevaux de selle, les chevaux de voilures indigènes, se sont singulièrement améliorés depuis quelques années. Dans la sphère gouvernementale, nous en avons une preuve frappante, M. le ministre de la guerre pourra vous confirmer ce fait qu'en 1848, il a été acheté dans le pays, pour la remonte, jusqu’à 1,404 chevaux. En 1845 il en avait été acheté 117; en 1846, 114 ; en 1847, 124, et en 1848, il en a été choisi 1,400, dont (page 721) 454 pour la cavalerie et 950 pour l'artillerie ; et, en général, mon honorable collègue M. le ministre de la guerre pourra le confirmer, on a lieu d'être très satisfait, dans les régiments, de ces acquisitions.

On se plaint du peu de services que semblent avoir rendus les étalons actuellement établis à Tervueren. Mais il faut avoir égard non pas aux services présents, mais aux services passés rendus par ces utiles animaux. Plusieurs sont vieux. Nous avons été obligés et nous serons encore obligés d'en vendre, et le désir d'introduire des économies dans cette partie du service a fait qu'on n'a pas acheté autant d'étalons l'armée dernière que dans les années antérieures.

Je dirai, en passant, que sur l'allocation du service du haras, nous avons introduit des économies notables; nous en avons introduit tant sur le personnel que dans le matériel.

Nous demandons pour l'année 1849 une somme de 60,000 fr., destinée à l'achat d'étalons, non pas d'étalons de gros trait, mais d'étalons destinés à la reproduction des chevaux de luxe proprement dits. On nous dit que nos dépôts doivent être surtout établis dans l'intérêt de l'agriculture ; mais qu'entend-on par là ? Entend-on que nos étalons ne doivent reproduire que des chevaux destinés à l'agriculture ? Non pas sans doute : car un cheval de luxe est tout aussi bien un produit de l'agriculture qu'un cheval de gros trait. Il faut engager les éleveurs à produire non seulement des chevaux de gros traits, mais aussi des chevaux destinés aux villes, des chevaux de luxe, d'autant plus que ceux-ci se paient le plus cher.

Ce serait peut-être ici le moment de parler des courses, mais je présume que plusieurs orateurs sont inscrits, et je ne veux pas leur enlever leur tour de parole. Du reste, la section centrale propose l'adoption de l'article et dès lors on peut procéder au vote.

M. Moxhon. - Messieurs, j'ai été mal compris ; j'ai dit que les particuliers étaient au moins aussi éclairés sur leurs intérêts que les préposés au haras ; j'ajoutais que puisque le gouvernement allait créer et un institut agricole et des fermes-modèles, je voudrais que l'action du gouvernement se bornât à faire enseigner l'élève du bétail. Nécessairement ce ne serait pas une suppression totale du haras, mais bien plutôt une réorganisation dans le but spécial d'instruire les cultivateurs éleveurs.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - M. le ministre de l'intérieur a parlé tout à l'heure de l'acquisition faite dans le pays, de chevaux pour la cavalerie. Je puis dire à la chambre que tous les chevaux achetés dans le pays sont des chevaux très améliorés, supérieurs à ceux qui ont été achetés il y a quelques années et qui offrent surtout cet avantage inappréciable que très peu de jours après leur arrivée au régiment, on peut les monter et les employer à tous les usages de la guerre. Ils sont immédiatement acclimatés, tandis que les chevaux que nous achetons à l'étranger sont loin d'être aussi bons, aussi durs à la fatigue et demandent un temps très long pour être dressés et acclimatés. J'ajouterai même qu'on en perd souvent beaucoup.

Cette année-ci, nous avons eu le bonheur de faire une rencontre extrêmement avantageuse; tous les chevaux tournent très bien ; tous les colonels de cavalerie s'accordent à dire que ces chevaux sont très supérieurs à ceux qu'on a eus jusqu'à présent.

Nous avons donné des instructions pour faire autant que possible les remontes dans le pays. J'espère que cette année-ci elles pourront s'y faire en totalité.

- La clôture est demandée et prononcée.

Le chiffre de 49,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 55

« Art. 56 (qui devient l'art. 55) : Matériel et achat d'étalons. - Inspection agricole et encouragements à l'agriculture : fr. 240,300. »

- Plusieurs membres. - La division.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pour la discussion.

M. Delfosse. - Et pour le vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la section centrale propose de transformer les divers littera, qui ne sont que des indications, en une sorte de littera-articles, de littera impératifs. Elle voudrait qu'on indiquât en marge du budget, que chacun de ces littera équivaut à un article. Je ne puis pas, messieurs, me rallier à cette proposition. Si elle était adoptée, il faudrait remplacer purement et simplement les littera par de articles. Conserver les littera et dire qu'ils équivaudront à des articles, c'est je pense, une innovation peu régulière que nous ne pouvons pas introduire dans les budgets.

M. Delfosse. - Messieurs, j'ai demandé la division; lorsque la division est demandée, elle est de droit. J'ai demandé la division, non seulement pour la discussion, mais aussi pour le vote; et la raison en est toute simple : c'est qu'il y a des littera pour lesquels je veux voter et d'autres que je ne puis admettre. Ma proposition n'est pas la même que celle de la section centrale; la section centrale va plus loin que moi, elle demande que chaque littera devienne un articl, séparé. Je demande simplement que chaque littera soit discuté et voté, à part et qu'on fixe ensuite le chiffre total de l'article d après les votes qui auront été émis sur les divers littera.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Du moment que la proposition est entendue ainsi, je n'ai plus d'objection à faire.

M. Orts. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il est bien entendu que dans le cas où la chambre rejetterait un littera, celui de la garance, par exemple, le gouvernement ne pourrait plus dépenser un centime pour la garance, et ainsi des autres littera. Si la chose est entendue ainsi, je ne m'oppose pas à ce que l'article reste global; mais je devrais m'y opposer, si le gouvernement pouvait se croire autorisé à disposer d'une partie du crédit général pour un objet compris dans un littera qui aurait été rejeté par la chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les littera disparaissent dans les articles de la loi ; la cour des comptes et les ministres ne connaissent que les chiffres portés aux articles ; mais il va de soi que si la chambre retranchait par un vote spécial, une allocation indiquée dans un littera, ce serait un engagement moral pour le gouvernement de ne pas imputer des dépenses sur ce littera supprimé. L'honorable membre a cité la garance pour exemple; eh bien, si la chambre refusait les 5,000 fr. demandés pour cet objet, il est clair que le gouvernement serait moralement engagé à ne plus rien accorder pour la garance. De cette manière le gouvernement serait lié.

Nous nous réservons, au surplus, de soutenir que le crédit pour la garance doit être accordé.

M. le président. - Si donc on est d'accord, je mets en délibération chacun des littera de l'article 56.


Litteras A et B

« Litt. A. 1° Matériel du haras de l'État : fr. 62,000 ; 2° Achats d'étalons : fr. 60,000. Ensemble : fr. 122,000. »

- Adopté.


« Litt. B. Exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race chevaline : fr. 20,000. »

-Adopté.


Littera C

« Litt. C. Subsides et encouragements aux sociétés d'agriculture; comices agricoles : fr. 43,300. »

M. David. - Messieurs, je voterai avec plaisir le chiffre de 43,300 fr. pour les sociétés d'agriculture et les comices agricoles. Mais en même temps, je prierai M. le ministre de l'intérieur de prémunir ces sociétés et ces comices agricoles contre les théories de défrichement dont nous a entretenus l'honorable M. de Luesemans dans la séance de samedi. Si ces théories de défrichement étaient consignées dans une brochure, j'en laisserais la responsabilité à l'honorable membre; mais, faisant partie d'une discussion de la chambre, insérées au Moniteur, elles prennent un cachet tellement officiel, que les personnes peu expérimentées pourraient les prendre pour article d'évangile.

Vous trouverez avec moi, messieurs, qu'il y a beaucoup d'exagération dans ce mode de défrichement, en tant surtout qu'il s'applique aux Ardennes.

D'après l'honorable membre, on achète 100 hectares de bruyères pour 20,000 fr.; on y sème immédiatement du seigle. Mais on a oublié de défricher, car on ne porte pas un sou pour l'opération du défrichement; l'honorable membre oublie donc 20 à 30 mille francs pour le défrichement; première erreur grave qui absorbe tout le bénéfice que l'honorable membre comptait réaliser au but de trois années de culture. Il était de 25,000 fr.

Après cela, l'honorable membre n'emploie pour le défrichement, la culture et le travail de ces 100 hectares, que 4 ouvriers, qui décidément doivent être des hercules; il n'a que 12 bœufs pour ces mêmes travaux: ces animaux doivent être d'une espèce inconnue en Belgique, où il n'en existe pas d'assez ingambes, d'assez nerveux pour cela. Il n'achète pas non plus un atome d'engrais pour ces 100 hectares, car la chaux n'est qu'un amendement. Cependant il récolte 15 hectolitres de seigle par hectare sur 20 hectares et 27 hectolitres d'avoine par hectare sur 10 hectares pour 500 fr. de pommes de terre par hectare, etc., etc. Je n'irai pas plus loin. Ce système ne peut pas être suivi. Les personnes qui s'aviseraient de défricher d'après ce système, iraient tout droit à leur ruine.

- Le chiffre du littera C. est adopté.


Littera D

« Litt. D. Amélioration de l'espèce bovine. - Achat d'animaux de race perfectionnée ; exécution des règlements provinciaux sur la matière : fr. 30,000. »

M. Faignart. - Messieurs, je me joints à toutes les sections et à la section centrale, qui adoptent le chiffre de 30 mille francs porté au littera D de l'article 56 du budget; mais ici se présente pour moi l'occasion de faire quelques observations à M. le miuistre.de l'intérieur, sur l'achat des taureaux en Angleterre pour compte de l'Etat.

En 1848, j'ai été délégué par la commission provinciale d'agriculture du Hainaut pour choisir les taureaux destinés à cette province. Je vous avoue que j'ai été étonné du peu de qualités comme reproducteurs de certains d'entre eux; il y avait, je crois, 28 taureaux pour tout le pays. J'ai remarqué qu'il s'en trouvait plusieurs qui ne valaient pas les frais de transport, soit que les personnes chargées de ces achats aient reçu du gouvernement une somme insuffisante pour acheter ce nombre de taureaux, ou qu'avec l'argent dont elles pouvaient disposer elles aient voulu en acheter plus que le nombre demandé, soit pour d'autres motifs que je ne puis supposer; dans l'un comme dans l'autre cas, elles ont fait chose peu profitable au pays, en y introduisant des reproducteurs impropres à l'amélioration de notre espèce bovine.

Je désire donc que M. le ministre de l'intérieur veuille fixer sur cet objet l'attention des personnes chargées de faire ces achats, et de leur enjoindre de n'acheter que des taureaux réunissait les qualités voulues pour perfectionner notre race, dût-ou en obtenir un nombre plus restreint pour la même dépense.

- Le chiffre du littera D est adopté.


Littera E

« Litt. E. Culture de la garance ; primes : fr. 5,000

La section centrale propose le rejet.

M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, il résulte d'un rapport (page 722) officiel qui a été publié par le gouvernement a la suite d'une enquête approfondie, qu'en Belgique la culture de la garance jouit d'une prime de 40 p. c., tant du chef des droits qui frappent l'importation de la garance étrangère que du chef de la prime accordée par le gouvernement ; que, malgré cet avantage, la culture de la garance, loin de s'étendre, diminue de jour en jour ; que 120 hectares seulement étaient employés à cette culture, à l'époque à laquelle se rapporte le document ministériel.

Ces chiffres, extraits d'un document officiel, renversent tous les arguments qu'on voudrait faire valoir en faveur du maintien du crédit.

Il y a plus : la culture de la garance est tout à fait insignifiante en Belgique, en comparaison de ce qu'elle est dans la Zélande. J'ai eu sous les yeux les rapports de la commission d'agriculture de la Zélande et j'y trouve consignée l'opinion de tous les hommes compétents sur la nécessité d'abandonner la culture de la garance dans la Zélande, où elle est très étendue et donne lieu à un commerce de 3,000 à 4,000 barriques. On demande qu'on remplace cette culture par celle de racines, destinées à alimenter le bétail. On remarque que la culture de la garance exerce une influence très défavorable sur le bétail, sur les engrais.

Déjà la chambre, à diverses reprises, s'est prononcée sur la nécessité de renoncer à ce système de primes. Si néanmoins on a respecté les primes pour la culture de la garance, c'était en vue des intérêts qui étaient engagés dans cette culture; mais la chambre ne doit plus être arrêtée aujourd'hui par cette considération ; les chiffres que j'ai cités tout à l'heure prouvent qu'on peut renoncer maintenant sans inconvénient aux primes pour la culture de la garance, puisque ces primes ne produisent aucun résultat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je m'engage à examiner la question pour le budget de 1850. Mais pour le budget de 1849, il est impossible de supprimer la prime. Cette prime est une promesse que le gouvernement a faite aux cultivateurs. Un arrêté royal de 3 juin 1839 a institué une prime de 100 francs par hectare cultivé en garance. En vue de cette prime, des cultivateurs ont planté, et la supprimer aujourd'hui, ce serai manquer aux engagements du gouvernement. Pour l'année 1850, nous ne serons plus liés.

Je dirai cependant, pour la justification de l'administration, qu'une enquête approfondie a eu lieu dans les différentes provinces, et que le conseil supérieur d'agriculture a donné un avis tout favorable au maintien de la prime pour la culture de la garance.

Maintenons-la pour 1849; nous reprendrons la question au budget de 1850.

M. Delfosse. - Tous les ans on demande la suppression de la prime accordée pour la culture de la garance. Tous les ans on produit l'objection qui vient d'être faite par M. le ministre de l'intérieur. Le gouvernement nous dit toujours : ne supprimez pas cette prime immédiatement; il y a des engagements pris, attendez l'année prochaine, et cette année prochaine ne vient jamais.

L'opinion qui s'est manifestée plusieurs fois dans la chambre contre l'utilité de la prime, aurait dû engager le gouvernement à prévenir ceux qui cultivent la garance qu'ils ne devraient plus à l'avenir compter sur cette prime.

J'engage la chambre à rejeter une bonne fois une allocation qui n'a aucune espèce d'utilité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'année dernière, il n'y a pas eu de discussion ; il n'y a pas eu d'engagement pris par le gouvernement. Si le gouvernement avait pris des engagements, il les aurait tenus.

Le gouvernement, en présence d'opinions individuelles qui se sont produites ici, mais dont aucune ne s'est traduite en acte, a demandé à des hommes spéciaux, au conseil supérieur d'agriculture, un rapport qui, de la part de tous, a été favorable au maintien de la prime.

S'il s'agissait de sommes considérables, je comprendrais que la chambre hésitât. Mais quand il s'agit d'une culture restreinte et de primes promises s'élevant an maximum à 5,000 francs , je pense qu'on peut attendre jusqu'au budget prochain pour savoir s'il y a lieu de supprimer cette prime.

D'ici à deux mois, vous saurez à quoi vous en tenir.

M. de T'Serclaes. - Ainsi que l'a fait remarquer M. le ministre de l'intérieur, la chambre ne s'est pas prononcée encore au sujet de la suppression des primes à la culture de la garance. La question a été agitée en sections lors de la discussion du budget de l'année dernière, mais le crédit a été voté sans observations.

C'est en suite de la volonté manifestée par les chambres législatives en 1839, que le gouvernement s'est décidé à instituer une prime de 100 fr. par hectare en faveur des cultivateurs de la garance. La mesure n'émane point du gouvernement, mais du vœu du pays.

Le ministère a fait, en1848, une enquête où toutes les questions ont été examinées scrupuleusement et avec impartialité; le compte rendu de cette enquête présente les faits et les chiffres les plus concluants en faveur de l'allocation. Ce document, cité dans les annexes au rapport de la section centrale, et inséré au Moniteur du 20 février 1848, n°52. Il est impossible d'avoir aujourd'hui des informations plus complètes. Je ne me permettrai point de les faire passer de nouveau sous les yeux de la chambre : mais je dois croire que nos collègues, qui attaquent ce crédit, en ont pris connaissant, et j'aurais désiré qu'ils eussent contesté les données positives et les inductions irréfragables, qui résultent de cette pièce. Je ne sais jusqu'à quel point l'honorable rapporteur de la-section centrale est fondé à dire que la culture de la garance décline en Belgique, ni sur quels renseignements il s'appuie pour soutenir que cette industrie jouit d'une protection de 40 p. c.

La consommation de la garance est considérable dans divers genres d'industries; la production indigène y entre déjà pour une part notable son prix est élevé et, avec l'aide de la prime, suffisamment rémunérateur pour l'agriculture.

C'est un principe, en agriculture, basé sur l'observation exacte des faits, que dans les contrées où le sol est très divisé et la population nombreuse, il faut encourager la culture des plantes qui, avec un grand produit, donne la plus grande somme de travail possible. Dans nos Flandres, il faut pousser à la production du lin, des plantes potagères et légumes, du tabac, du houblon, de la betterave; toutes ces cultures donnent une main-d'œuvre importante à la classe ouvrière : plusieurs d'entre elles n'ont pu être propagées en Belgique qu'à l'aide d'encouragements spéciaux. La culture du tabac a été acclimatée par l'action du gouvernement sous la domination française; elle a survécu à celle-ci, elle est prospère aujourd'hui. La garance se place sur la même ligne, et encore avec cet avantage qu'elle procure précisément le plus de travail dans la saison où les ouvriers sont le moins occupés.

Il est constaté par le rapport cité tout à l'heure, que chaque hectare cultivé en garance répand une somme considérable parmi la classe des pauvres journaliers.

Ne serait-ce pas une faute que d'entraver, par le refus d'un léger subside, une culture qui occupe tant de bras dont aujourd'hui nous ne savons que faire?

Les conditions de la production, en Zélande, ne sont pas tout à fait les mêmes qu'en Belgique, et si la vente de la garance a souffert des perturbations politiques et commerciales du moment,, est-ce une raison pour anéantir une industrie qui a un avenir certain, si elle n'est pas découragée ?

Je n'ai rien à dire des engagements pris pour l'avenir, par M. le ministre de l'intérieur, au nom du gouvernement. La chambre les appréciera. Je me borne à répéter que l'avis du conseil supérieur d'agriculture, dont l'autorité ne sera contestée par personne, est que le maintien du subside est une nécessité pour cette culture, tout au moins jusqu'en 1850.

Quant au système des primes en général, ce n'est pas sans doute à propos d'une allocation aussi modique que celle qui nous occupe, allocation d'où résulte une somme de travail notable pour les pauvres, que la chambre voudra résoudre cette question.

J'engage la chambre à continuer ce qui s'est fait les années précédentes, sauf à prendre une résolution définitive au budget de 1850.

M. Delfosse. - Je croyais qu'on avait demandé l'année dernière la suppression de la prime portée au budget pour la culture de la garance; si on ne l'a pas fait, c'est probablement parce que le ministère, étant nouveau, a voulu ajourner au budget suivant la plupart des questions qui pouvaient donner lieu à un débat. L'honorable M. Rogier a demandé lui-même que cette marché fût suivie.

Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a deux ans une opposition très vive s'est manifestée dans la chambre contre cette prime ; c'est que le ministère n'est parvenu à la faire voter qu'en invoquant les engagements pris. Cette manifestation de la chambre imposait, je le répète, au gouvernement, le devoir de ne plus prendre d'engagement et d'avertir les cultivateurs que probablement la prime ne serait plus accordée à l'avenir.

M. de Theux. - C'est, messieurs, une question de bonne foi, de justice.

M. le ministre de l'intérieur a fait observer avec beaucoup de raison qu'en strict droit, il y avait engagement pris envers les cultivateurs. Mais, dit-on, ces primes se perpétueront indéfiniment. C'est une erreur. Dans le cours de cette session, vous voterez le budget de 1850. Si alors la chambre rejette l'allocation, en 1850 il ne sera pas accordé de primes.

Mais nous discutons, en 1849, le budget de 1849; la culture a eu lieu sur la foi des promesses qui avaient été faites. Il faut que ces promesses soient exécutées. Remarquez que ces primes n'ont été accordées que sur un rapport fait d'après l'initiative qu'avaient prise quelques membres.

Je dis donc qu'il y a engagement pris envers les cultivateurs. Il est de la dignité de la chambre et du gouvernement de n'y pas manquer.

M. Ch. de Brouckere. - Je ne m'oppose pas, pour cette année, à l'allocation sur laquelle M. le ministre insiste. Mais je proteste contre cet engagement moral qu'on fait valoir. La culture de la garance est biennale (l'honorable M. de Theux le sait bien), et ainsi nous serions liés pour le budget de 1850. L’arrêté royal qui établit une prime, ne fait pas de promesse pour l'avenir; il en est ici comme de toutes les lois de douanes; tant qu'elles existent. Ses fabricants jouissent d'un privilège; mais ils auraient mauvaise grâce d'alléguer un engagement moral pour s'opposer à une modification. Tant que l'arrêté existera, les cultivateurs jouiront de la prime; mais rien ne nous empêche de supprimer la prime dès aujourd'hui, en supprimant le crédit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne suis pas l'auteur des primes pour la culture de la garance. J'ai trouvé ces primes instituées par un arrêté royal.

Les agriculteurs ont dû compter sur la prime pour 1849. Mais ils n'y ont pas droit pour 1850. Il faudrait supposer qu'ils ont planté depuis le 1er janvier; ce n'est pas le cas.

(page 723) Ils sont avertis qu'à partir de 1850, ces primes seront probablement supprimées. La prime est destinée aux plans de 1847, de 1848 et de 1849. Mais à partir de 1850, je le dis à la chambre et on peut en prendre note, le gouvernement se considère comme entièrement libre. J'ajouterai qu'il est probable que pour 1849 la prime de 5,000 fr. ne sera pas entièrement absorbée.

Il s'agit, messieurs, de savoir si vous voulez manquer à une sorte d'engagement . Je ne mets aucune espèce d'amour-propre à défendre cette allocation ; ce n'est pas moi qui l'ai introduite dans le budget. Mais je dois être l'exécuteur des engagements de l'Etat.

Cependant, je consens à ce qu'on diminue la somme demandée de 2,000 fr.; je crois que le chiffre de 3,000 fr. suffira. Mais supprimer entièrement la prime, vous ne le pouvez pas.

M. Delfosse. - M. le ministre vient de dire qu'il consent à réduire le crédit de 2,000 fr. M. le ministre prend-il l'engagement de ne plus reproduire ce crédit au prochain budget?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis prendre cet engagement. Il me semble en avoir dit assez; je n'ajouterai pas un mot à ce que j'ai dit.

- Le chiffre de 3,000 francs, demandé par le gouvernement, est mis aux voix par appel nominal.

63 membres prennent part au vote.

34 votent l'adoption.

29 votent le rejet.

En conséquence, le crédit de 3,000 francs est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dautrebande, H. de Baillet, de Baillet-Latour, Ch. de Brouckere, Dechamps, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Mérode, de Pitteurs, de Pouhon, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Lebeau, Loos, Mascart, Osy, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Thibaut, Toussaint, Van Cleemputte, A. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Veydt, Allard, Anspach et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Cumont, David. H. de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Delfosse, Deliége, Destriveaux, Dubus, Jouret, Jullien, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vermeire, Ansiau, Boedt, Bruneau et Christiaens.


Litteras F et G

« Litt. F. Industrie séricicole : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Litt. G. Bibliothèques rurales. - Achat et distribution de graines, d'instruments aratoires nouveaux : fr. 15,000. »

- Adopté.


Littera H

M. le président. - Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose un littera nouveau ainsi conçu :

« Litt. H. Frais de l'organisation de l'enseignement professionnel de l'agriculture. »

Le chiffre à porter à ce littera est de 80,000 fr. ; 43,000 fr. qui ont été distraits de l'article 82 et 7,000 fr. de l'article 53.

M. Delfosse. - Cet article est très important ; je demande la continuation de la discussion à demain.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer que le transfert proposé a été accueilli par la section centrale. Nous avons détaché du chiffre des indemnités pour les animaux abattus, 43,000 fr. que nous avons reportés à l'article 57, pour en faire un littera nouveau destiné à l'enseignement agricole. Nous détachons aujourd'hui du service vétérinaire une somme de 7,000 fr, que nous réunissons également à ce littera, ce qui fait 50,000 fr.

L'honorable M. Delfosse dit que cet article doit donner lieu à des débats. Je l'ignore. Mais je fais observer que la section centrale est entièrement d'accord avec le gouvernement.

M. Delfosse. - La section centrale peut être d'accord avec le gouvernement. Mais j'ai des observations à présenter, et je demande que la discussion soit remise à demain.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Une proposition a été déposée sur le bureau. Les sections seront convoquées demain, pour examiner si elles en autorisent la lecture.

- La séance est levée à 5 heures.