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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 avril 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1169) M. Dubus procède à l'appel nominal à 3 heures.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre :

« Quelques pharmaciens d'Ypres et des environs présentent des observations sur le projet de loi qui apporte des modifications à la loi sur l'enseignement supérieur. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Baugniet, juge de paix du canton de Perwez, demande que le projet de loi sur la contribution personnelle comprenne dans la catégorie des bestiaux mixtes le cheval unique tenu par le juge de paix dans les communes rurales, pour l'exercice de ses fonctions. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Quelques raffineurs de sucre à Gand se prononcent en faveur de la proposition de loi de M. Cools, relative au droit d'accise sur le sucre. »

M. Cools. - Messieurs, j'appelle l'attention de la chambre sur cette pétition qui lui est adressée par un certain nombre de raffineurs de Gand. Les pétitionnaires, ayant eu connaissance de la série d'amendements qui a été présentée par M. le ministre des finances, demandent que la chambre adopte les propositions de la section centrale, et ils repoussent, par conséquent, celles du gouvernement. C'est ainsi que notre projet, qu'on a voulu faire envisager comme désastreux pour l'industrie, est réclamé par l'industrie elle-même.

Je demande que la pétition soit renvoyée à la section centrale; la section centrale doit encore se réunir pour entendre le rapport; elle verra s'il y a lieu de s'occuper de la pétition dans son travail.

M. Delehaye. - Messieurs, la pétition émane effectivement de plusieurs raffineurs de Gand ; elle est très bien rédigée; elle explique parfaitement l'état des choses. Mais l'honorable rapporteur a commis une grande erreur, lorsqu'il a supposé que les raffineurs avaient eu connaissance des propositions du gouvernement. J'ai reçu une copie de la pétition ; elle porte la date du 17 avril; or, c'est le 17 avril que M. le ministre des finances a déposé sa proposition. Il n'est donc pas possible que les raffineurs de Gand aient eu connaissance de ces amendements lorsqu'ils ont rédigé et envoyé leur pétition.

Je dois relever une autre erreur dans laquelle est tombé l'honorable rapporteur ; il pense que les raffineurs sont favorables à la proposition de la section centrale. Je connais personnellement les pétitionnaires ; je suis allé puiser auprès d'eux les lumières qui me manquent, peut-être l'honorable rapporteur aurait-il bien fait d’en faire autant; eh bien, je puis dire que les raffineurs de Gand ne demandent qu'une chose : c'est que l'on maintienne la loi, telle qu'elle est. Selon eux, l'adoption de la proposition de l'honorable M. Mercier serait la mort immédiate de leur industrie, tandis que celle de l'honorable M. Cools a des ménagements qui la rendent moins mauvaise; mais certainement les raffineurs de Gand n'admettent ni l'une ni l'autre des deux propositions ; ils préfèrent de beaucoup le maintien du statu quo. (Interruption.)

« Je le crois bien! » me dit-on; mais je voudrais bien savoir quelle est l'industrie, dans le pays, qui ne préfère le statu quo, alors qu'on propose un projet de loi tendant à la détruire complètement.

M. Cools. - Messieurs, je ne me suis pas peut-être exprimé d'une manière assez explicite; eh bien, je dirai maintenant que j'ai eu des rapports personnels avec les signataires de la pétition, et je dois déclarer que ces messieurs ont su que la chambre serait saisie de manière ou d'autre d'une proposition identique, au fond, à celle qui a été présentée par M. le ministre des finances.

Ce qui est vrai encore, c'est que ces messieurs préfèrent qu'on se procure pour un million de ressources nouvelles par les mesures que nous indiquons, que de se contenter d'une augmentation de recette de 200,000 fr. par le système du gouvernement.

Il faut que la pétition soit renvoyée à la section centrale qui l'examinera. Vous avez déjà tous dû comprendre combien cette pièce est importante.

M. Manilius. - J'appuie ce renvoi; la section centrale examinera ce que veulent réellement les pétitionnaires; elle viendra nous en rendre compte.


« Les sieurs Lambert proposent des modifications dans le système d'inspection cantonale des écoles primaires et dans la circonscription des ressorts d'inspection. »

- Renvoi à la commission des pétitions,


M. de Luesemans demande un congé.

- Accordé.


M. Dubus donne lecture de la lettre suivante :

« Bruxelles, le 18 avril 1849.

« M. le président,

« Je suis à la disposition de la chambre pour la discussion de la loi sur la réduction du personnel des cours et tribunaux, mais j'ai l'honneur de vous faire observer qu'il ne conviendrait pas de porter cette loi à l'ordre du jour, tant que le sénat n'aura pas voté la loi sur la compétence dont il est saisi en ce moment.

« En effet, si cette loi était rejetée ou amendée, le projet de loi sur la réduction du personnel devrait probablement subir certaines modifications, sur lesquelles le gouvernement aurait à délibérer.

« Je saisis cette occasion de vous offrir, M. le président, les assurances de ma haute considération.

« Le ministre de la justice,

« De Haussy. »


M. le Bailly de Tilleghem (pour une motion d’ordre). - Par une pétition en date du mois de février dernier, plusieurs armateurs à Blankenberghe oui demandé à la chambre une augmentation de droits d'entrée sur le stockfisch, et la construction d'un port de refuge dans cette ville.

Cette pétition a été renvoyée à la commission permanente de l'industrie, par décision du 12 février 1849.

J'ai l'honneur de demander qu'il soit fait le plus tôt possible un rapport sur cette pétition.

- La commission permanente d'industrie sera invitée à faire un prompt rapport sur la pétition indiquée.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur la réforme postale

Discussion générale

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. le ministre des travaux publics est retenu au sénat par la discussion de son budget; il est possible qu’il ait fini bientôt et puisse se rendre au sein de la chambre. S’il ne doit pas y avoir de discussion, il n’est pas nécessaire d’attendre sa présence/

M. Lebeau. - J'aurais désiré adresser une question à M. le ministre des travaux publics, et sa réponse est de nature, je pense, à exercer quelque influence sur le vote que plusieurs d'entre nous émettront. L'application du principe consacré par l'amendement introduit par le sénat, doit avoir une assez grande importance ; je désire savoir comment le gouvernement entend supputer les distances. Comme la section centrale a eu quelques rapports avec M. le ministre des travaux publics, elle pourrait nous dire si les distances seront calculées à vol d'oiseau.

- Un membre. - C'est ainsi !

M. Lebeau. - Il serait bon que cela fût déclaré par le gouvernement.

M. Cans, rapporteur. - Je répondrai à l'honorable préopinant que, dans la discussion qui a eu lieu au sénat, la même question a été soulevée; M. le ministre a répondu que les distances seraient calculées par la loi nouvelle comme elles le sont par la loi de 1835, c'est-à-dire à vol d'oiseau, de bureau à bureau, dans chaque circonscription de 30 kilomètres, de sorte que 7 à 8 bureaux seront compris dans le nombre de ceux dont la taxe est réduite à 10 c, ceux qui se trouveront en dehors seront soumis à la taxe de 20 c.

M. le président. - Si personne n'insiste pour qu'on attende la présence de M. le ministre des travaux publics, nous passerons à la discussion du projet de loi.

Discussion des articles

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.

Articles 1 à 10

« Art. 1er. La taxe des lettres affranchies expédiées d'un bureau de poste pour un autre bureau de poste, soit de perception, soit de distribution, est fixée :

« 1° A dix centimes par lettre simple, lorsque la distance entre le bureau d'origine et celui de destination n'excède pas 30 kilomètres ;

« 2° A vingt centimes par lettre simple, pour toute distance plus grande à parcourir dans le royaume ;

« La taxe des lettres affranchies de et pour la même commune ainsi que celle des lettres affranchies dont le lieu d'origine et celui de destination sont desservis par le même bureau de poste, reste fixée à dix centimes par lettre simple.

« Sont considérées comme lettres simples, celles dont le poids n'excède pas dix grammes. Les lettres de dix à vingt grammes inclusivement payeront deux fois le port; celles de vingt à soixante grammes (page 1170) inclusivement, quatre fois le port ; celles de soixante à cent grammes, six fois le port, et ainsi de suite, en ajoutant deux fois le port simple de quarante en quarante grammes. «

- Adopté.


« Art. 2. Il sera perçu, en sus des taxes progressives établies par l'article premier :

« 1° Pour les lettres non affranchies, une taxe fixe de dix centimes.

« Lorsque la valeur représentative des timbres que l'envoyeur aura appliqués sur une lettre, en exécution de l'article 4 de la loi du 24 septembre 1847, sera inférieure au prix d'affranchissement déterminé par l'article 1er ci-dessus, le complément du port progressif, majoré de la taxe fixe, sera perçu du destinataire.

« 2° Pour les lettres recommandées ou chargées, une taxe fixe de vingt centimes.

« Le port des lettres recommandées ou chargées continuera à être payé d'avance. »

- Adopté.


« Art. 3. La taxe pour voie de mer, à laquelle sont assujetties les lettres de et pour les pays d'outre-mer, transportées par d'autres voies que celles indiquées dans les conventions postales, est réduite à 2 décimes par lettre simple, non compris le port interne.

« Cette taxe augmentera en raison du poids des lettres suivant l'échelle de progression déterminée par l'article premier, sauf la restriction admise en faveur de paquets autres que les lettres missives, par l'article 8 de la loi du 29 décembre 1835. »

- Adopté.


« Art. 4. Les échantillons de marchandises sont soumis à la taxe des lettres. »

- Adopté.


« Art. 5. Les billets de banque ou autres objets de valeur trouvés dans les lettres tombées en rebut, et qui ne pourront être remis au destinataire ou à l'envoyeur, seront acquis au trésor, s'ils n'ont été réclamés dans un délai de cinq ans, à partir du jour de leur dépôt à la poste. »

- Adopté.


« Art. 6. Le gouvernement est autorisé à régler la taxe des lettres originaires ou à destination de l'étranger, selon les circonstances et selon la nature des conventions. »

- Adopté.


« Art. 7. Le droit à percevoir pour les envois d'articles d'argent confiés à la poste, sera calculé d'après le tarif suivant :

« Pour toute somme jusqu'à 10 francs inclusivement 10 centimes,

« id. de 10 à 20 francs inclusivement, 20 centimes,

« id. de 20 à 30 francs inclusivement, 30 centimes,

« et ainsi de suite en ajoutant 10 centimes de dix en dix francs. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Indépendamment des timbres à 10 et à 20 centimes créés par l'article 4 de la loi du 24 décembre 1847, le gouvernement pourra introduire d'autres timbres pour l'affranchissement des lettres pesantes, de celles à destination de l'étranger et de tous autres objets dont le transport est confié à la poste. »

M. Rodenbach. - Messieurs, nous avions demandé un système libéral, une véritable réforme postale. Cependant j'entends que par cette loi on double en quelque sorte le décime rural. Vous savez que le plus souvent on n'affranchit pas les lettres. Eh bien, lorsque dans une ville ou dans un bureau de perception quelconque on mettra à la poste, sans l'affranchir, une lettre qui ne doit pas sortir du ressort de ce bureau de perception, on payera 20 centimes au lieu de 10. Loin donc d'améliorer la loi, on l'aggrave ; au lieu de la rendre plus libérale, on la rend illibérale. Aussi je déclare que je voterai contre.

M. Cans, rapporteur. - Messieurs, la disposition dont vient de parler l'honorable M. Rodenbach se trouvait dans le premier projet adopté par la chambre. A la vérité les lettres qui ne sortiront pas de la ville et qui payent aujourd'hui 10 c. en payeront 20, quand elles ne seront pas affranchies, et sous ce rapport il y aura aggravation de taxe. Mais il faut considérer que les personnes qui écrivent des lettres en écrivent non pas seulement pour la ville, mais pour les différentes parties du pays. S'il y a aggravation pour les unes, il y aura une forte réduction pour les autres, et par conséquent il y aura compensation à l'avantage de ceux qui écrivent et reçoivent des lettres.

- L'article est adopté.

Articles 9 à 11

« Art. 9. Les personnes qui renfermeront des lettres dans les colis expédiés par les chemins de fer ou dans les paquets de journaux et d'imprimés affranchis à la poste, seront poursuivies et punies conformément aux dispositions de l'arrêté du 27 prairial an IX. »

- Adopté.


« Art. 10. Le gouvernement est autorisé à appliquer aux lettres transportées à une distance excédant 30 kilomètres, la taxe de 10 centimes par lettre simple, dès que le produit net de la poste aura atteint la somme de deux millions de francs par année.»

- Adopté.


« Art. 11. Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, qui deviendra obligatoire le 1er juillet 1849.»

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. En voici le résultat :

68 membres sont présents.

1 (M. Jacques) s'abstient.

67 prennent part au vote.

41 votent pour l'adoption.

26 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Man d'Attenrode, de Pitteurs, De Pouhon, de T'Serclaes, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Moncheur , Moxhon, Osy, Pirmez, Rousselle, Thiéfry , Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alp.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, Brouckere (Henri), de Haerne, Delehaye, Deliége et Delfosse.

Ont voté contre : MM. de Perceval, de Renesse, Destriveaux, de Theux, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Loos, Manilius, Mercier, Peers, Prévinaire, Rodenbach, Schumacher, Sinave, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Vilain XIIII, Boedt, Coomans, David, de Brouckere (Charles), de Denterghem et Delescluse.

M. Jacques motive son abstention sur ce que la réforme modifiée par le sénat ne lui paraît pas assez large et sur ce que d'un autre côté la réforme lui semble cependant préférable à la législation existante.

Rapports sur des pétitions

M. David, rapporteur. - « Sept fabricants de poterie de Bouffioulx et Châtelet demandent l'exemption de l'accise sur le sel employé à la salaison de leur produit. »

Votre commission a l'honneur, messieurs, de vous proposer le renvoi de la pétition des fabricants de poterie de Bouffioulx et de Châtelet à M. le ministre des finances, pour que l'exemption du droit d'accise sur le sel brut ou raffiné soit accordée à l'industrie de la poterie en Belgique. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne puis pas accepter le renvoi dans les termes dans lesquels il est formulé, parce qu'il emporte l'obligation pour le gouvernement de présenter un projet de loi ; mais je ne me refuse pas au renvoi, si c'est un renvoi pur et simple.

M. David, rapporteur. - Messieurs, on réclame de tous côtés des débouchés pour les différentes industries. On subsidie la navigation, des primes sont accordées à la construction des navires, il est question de l'établissement d'une société d'exportation, afin de faciliter l'écoulement au loin de nos produits. Mais avant de penser à de pareils moyens, il a paru à votre commission d'industrie que le meilleur mode de mettre nos industries à même de chasser d'abord la concurrence étrangère du marché intérieur et d'exporter ensuite leurs divers produits au-delà de nos frontières, c'était de les placer dans des conditions de production aussi favorables que possible. Ce moyen, dans le cas actuel, est d'accorder l'exemption de l'accise sur le sel, matière première qui entre pour 10 p. c. au moins dans la fabrication des terres cuites ; la commission d'industrie n'a donc pas hésité à demander cette exemption pour le sel employé à la vernissure des poteries.

Le chiffre de la réduction de recette qu'éprouvera le trésor peut être évalué, d'après les renseignements fournis par l'administration des finances elle-même, de 18,000 à 20,000 fr.; mais cette perte sera compensée en partie par l'augmentation des rôles de patente et autres produits qui indirectement entreront dans les caisses du trésor. Lorsqu'il est question de favoriser une industrie d'une assez grande importance, au prix d'une perte aussi minime, je pense que la chambre doit autoriser M. le ministre des finances à prendre toutes les mesures nécessaires à la réalisation du changement de législation demandé.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, la commission d'industrie n'a pu qu'exprimer un vœu ; chaque membre de la chambre peut individuellement s'associer à ce vœu; mais quant à la chambre, elle ne peut prononcer que le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances, sans accompagner ce renvoi ni d'un vœu, ni d'une injonction; cela serait contraire à toutes les règles auxquelles les chambres se sont astreintes jusqu'à présent.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la chambre sait à quels abus graves avaient donné lieu les exemptions du droit d'accise sur le sel, consacrées par la législation de 1822. En 1844 ces abus avaient acquis un tel degré de gravité que le gouvernement fut dans la nécessité de proposer une loi pour supprimer toutes ces exemptions. Les chambres n’en ont maintenu que trois ; l'une, en faveur des fabriques de sulfate de soude, l'autre pour la salaison du poisson en pleine mer, et la troisième pour les besoins agricoles.

Si l'on accorde de nouveau l'exemption à la fabrique des poteries, on serait bientôt entraîné à l'accorder à toutes les autres qui, en 1844, se sont vues privées de cet avantage; les mêmes raisons militeraient pour celles-ci comme pour l'autre. Il résulterait de la une perte pour le trésor. non pas de 20,000 fr., comme le dit l'honorable M. David, mais peut être de 200,000 fr. „

Je répète que s'il ne s'agit que d'un renvoi pur et simple, afin d’examen, je l'accueille bien volontiers.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, la chambre ne prend pas en masse l’initiative d'un projet de loi. Ce serait prendre cette initiative en masse que d'enjoindre à M. le ministre des finances de proposer un projet de loi. Si des membres de la commission d'industrie trouvent bien de déposer un projet de loi, ils le déposeront. Mais chaque fois qu’une pétition est renvoyée à un ministre, ce renvoi n'a d'autre signification (page 1171) que celle-ci : Le ministre examinera la pétition pour prendre ensuite telle résolution qu'il jugera convenir.

M. Manilius. - Je suis d'accord avec l'honorable préopinant. C'est dans ce sens que doit être entendu le rapport de la commission d'industrie. La chambre a chargé la commission d'examiner la pétition ; qu'a voulu la chambre, en lui confiant ce mandat? Connaître l'avis de la commission sur l'objet de la pétition; eh bien, la commission a émis le vœu que l'exemption sollicitée fût accordée, et, dans ce but, elle propose le renvoi à M. le ministre des finances.

Maintenant, M. le ministre reste complètement libre de déposer ou de ne pas déposer un projet de loi; de répondre aux pétitionnaires que l'exemption ne leur sera pas accordée. Il n'y a donc pas d'injonction dans les conclusions de la commission.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on semble croire que le gouvernement pourrait accorder cette exemption ; c'est une erreur. Il faudrait une loi, c'est pour cela que j'ai cru devoir combattre les conclusions du rapport, en ce sens que l'on provoque le gouvernement à déposer une loi ; eh bien, je ne puis pas accepter le renvoi dans ces termes. Si la commission se croit compétente pour faire une proposition, qu'elle use de son droit d'initiative ; si la commission ne se croit pas compétente, que les honorables membres déposent eux-mêmes un projet de loi. Mais il est irrégulier de renvoyer une pétition à un ministre pour l'inviter à présenter un projet de loi. Du moment où les chambres ont le droit d'initiative, ce serait en quelque sorte l'abdiquer que de renvoyer à un ministre une pétition dans de tels termes.

M. H. de Brouckere. - Je propose le renvoi pur et simple.

M. Pirmez. - Messieurs, j'entends demander un renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre. La chambre ne peut pas sans doute inviter M. le ministre à présenter un projet de loi. Mais l'adoption des conclusions de la commission d'industrie par la chambre me paraît comporter l'invitation d'examiner les motifs donnés par cette commission pour qu'une loi d'exemption de droit sur le sel en faveur des poteries soit présentée.

M. David, rapporteur. - A deux reprises, pendant cette session, la commission d'industrie vous a présenté des projets de loi ; la chambre lui en a contesté le droit ; il ne lui restait plus d'autre marche à suivre que de formuler, dans ses conclusions, le vœu que M. le ministre présente lui-même un projet de loi.

M. le ministre a parlé de fraudes commises sur l'accise du sel ; mais l'industrie de la poterie n'a jamais donné lieu à des plaintes de cette espèce, l'exemption de l'accise sur le sel lui a été retirée par la loi générale du 13 octobre 1844. Au reste, il y aurait moyen de la rendre impossible, ce serait de ne plus accorder aux fabricants la faculté de s'approvisionner de sel en franchise de droits que pour leurs besoins de 8 ou 15 jours à la fois, au lieu de 6 mois, comme cela se faisait autrefois.

M. H. de Brouckere. - Adopter les conclusions de la commission d'industrie telles qu'elles sont formulées, ce serait enjoindre au gouvernement d'user de son droit d'initiative. La chambre ne peut pas faire une pareille injonction au gouvernement. Je demande le renvoi pur et simple de la pétition.

M. Ch. de Brouckere. - Avec le rapport.

M. Lebeau. - Le renvoi tel qu'il est formulé est prescrit par la Constitution. Il n'y a que deux manières de renvoyer une pétition au gouvernement : le renvoi pur et simple, et le renvoi avec demande d'explication. La Constitution s'est occupée de cet objet, comme si on pressentait l'abus qu'on pouvait faire du droit de pétition. Adresser une prière an gouvernement, ce serait de la part de la chambre abdiquer son droit, s'humilier; lui donner un ordre, la chambre n'a pas le droit de le faire, l'initiative du gouvernement est aussi libre que celle de la chambre.

- Le renvoi pur et simple de la pétition est ordonné.


« Rapport de la commission d'industrie sur la pétition des distillateurs des cantons de Virton et de Florenville demandant des modifications à la loi du 27 juin 1842. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Moxhon. - Messieurs, deux erreurs ont été commise, dans l'impression du rapport. Au lieu de 60 et 73 p. c, c'est 6 et 7 3/4 pour cent qu'il faut lire, pour la différence du produit entre les grandes et les petites distilleries.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un renvoi pur et simple que la commission propose.

M. Moxhon. - Avec prière de modifier la loi.

- Plusieurs voix. - On ne fait pas de prière. Le renvoi pur et simple.

- Le renvoi pur et simple est ordonné.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée d'Alveringhem, le 6 janvier 1849, plusieurs habitants d'Alveringhem présentent des observations contre la demande qui a pour objet de faire transférer à Dixmude le chef-lieu des arrondissements administratif et judiciaire de Furnes. »

« Mêmes observations de plusieurs habitants de Stavele, Furnes et des conseils communaux de Moeres, Houthem, Alveringhem, Pollinchove, Adinkerke, Wuivennghem, Bulscamp, Vinchem, Hoogstaede, Oostdunkerke, Isenberghe, Oeren, Steenkerke, Zoetenaey, Coxyde, Boitshoucke, Avecappellc, Wulpen, Eggewaertscappelle et Saint-Ricquiers. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Clep. - Messieurs, les pétitions dont vous venez d'entendre l'analyse sont le contre-pétitionnement de vingt conseils communaux et d'un grand nombre d'habitants d'autres communes, contre les réclamations de plusieurs habitants de la ville et des environs de Dixmude.

Les pétitionnaires de Dixmude se sont adressés à la chambre pour deux réclamations de nature différente.

Par l'une, ils ont demandé que le chef-lieu des deux commissariats des districts de Furnes et de Dixmude réunis à Furnes, fût transféré à Dixmude.

Je crois, messieurs, que je puis me dispenser de suivre, contre cette réclamation, les pétitionnaires de Furnes, par la raison que le district de Dixmude, se trouvant composé de communes prises dans trois arrondissements judiciaires différents dont les trois quarts sont des communes de celui de Furnes; que les conseils provinciaux sont appelés à aviser sur l'uniformité des arrondissements administratifs et judiciaires, et que leur avis, sera soumis à l'appréciation de la chambre durant la session prochaine, en sorte que la réclamation de ce chef devra revenir infailliblement devant la chambre.

Par leur deuxième chef de réclamation, les mêmes pétitionnaires de Dixmude ont demandé, que le tribunal de première instance, établi aussi à Furnes, fût également transféré à Dixmude.

Pour appuyer cette deuxième réclamation, ils ont allégué ;

1° Que la ville de Furnes est située à l'extrémité de l'arrondissement et sur la mer.

2° Que la ville de Dixmude, au contraire, se trouve située au centre de l'arrondissement.

3° Que Furnes est située dans une contrée où la population est clairsemée, et que Dixmude, au contraire, se trouve au milieu d'une population compacte.

4° Que le transfert à Dixmude du tribunal de Furnes amènerait pour les justiciables moins des frais de déplacement, et pour l'Etat moins de frais de justice.

Ce sont là, messieurs, d'après le Moniteur du 26 janvier dernier, les propres expressions des pétitionnaires de Dixmude, et les quatre bases sur lesquelles ils ont appuyé ce deuxième chef de réclamation,

Eh bien, messieurs, je dois le déclarer devant la chambre, ces allégations, ces bases sur lesquelles ils ont bâti tout l'échafaudage de leur réclamation, sont absolument des illusions, des chimères qui disparaissent devant la réalité des faits. Il faut que les pétitionnaires de Dixmude aient été bien aveuglés ou qu'ils sachent bien peu l'étendue territoriale du ressort de notre arrondissement judiciaire, car je n'hésite pas à reconnaître, avec les pétitions des vingt conseils communaux et celles d'un grand nombre d'habitants d'autres communes dont il s'agit ici, que toutes ces bases reposent sur des faits et des allégations complétement erronés.

Non, messieurs, la ville de Furnes n'est pas située sur la mer ni à l'extrême frontière, puisque les communes de Moere, Adinkerke, Coxyde et d'Oostduynkerke se trouvent situées entre la ville de Furnes, la mer et les limites de la France. Il semble vraiment que les pétitionnaires de Dixmude ignorent l'existence et la situation de ces quatre communes et de plusieurs autres encore de notre arrondissement.

Egalement non, messieurs, la ville de Dixmude n'est pas située au centre de l'arrondissement judiciaire, attendu qu'il est de vérité, qu'aucune des deux villes de Dixmude et de Furnes, ne se trouve ni au centre ni à l'extrémité de l'arrondissement, et que Dixmude est située à deux lieues des limites de l'arrondissement, vers Ypres et Courtray, tout comme la ville de Furnes se trouve à la même distance de la mer et de la frontière française.

Je défie qui que ce soit, qui connaît l'étendue de notre arrondissement judiciaire, de me contester la véracité de ces faits.

Après avoir démontré l'inexactitude des faits qui constituent les deux bases principales sur lesquelles les pétitionnaires de Dixmude ont appuyé leur réclamation, qu'il me soit permis, messieurs, d'aller un peu plus loin et de vous exposer maintenant quelques autres faits et considérations générales sur les titres et les droits des deux villes de Furnes et de Dixmude à la possession du chef-lieu du tribunal, considérations qui établiront jusqu'à l'évidence, qu'il y a lieu de maintenir en la ville de Furnes le chef-lieu, tout autant pour la bonne et meilleure administration de la justice que dans l'intérêt du plus grand nombre des justiciables de l'arrondissement.

Je commencerai par vous dire, messieurs, qu'avant notre réunion à la France eu 1795, la ville de Dixmude n'avait jamais eu aucune juridiction qui s’étendit hors de son enceinte. C'est seulement depuis la première circonscription cantonale sous la république française, que la ville de Dixmude a été érigée en chef-lieu de justice de paix, justice de paix d'une grande étendue, et qui s'étend sur plusieurs communes.

L'importance relative de Dixmude devait même paraître assez minime, puisqu'en 1818 les états provinciaux ne la placèrent pas au nombre des douze villes qu'on se proposait de doter d'une administration de district. Ce ne fut qu'en 1823 que le gouvernement précédent éleva la ville de Dixmude au rang de chef-lieu de district.

Mais comme ce nouveau district fut composé de communes prises dans les arrondissements judiciaires de Bruges, d'Ypres, et pour les trois quarts des communes de l'arrondissement judiciaire et administratif de Furnes, ce chef-lieu a disparu à la première amélioration introduite dans les commissariats, et le nouveau district a été adjoint de nouveau au chef-lieu du district de Furnes, c'est-à-dire à celui au préjudice duquel il avait été en majeure partie composé momentanément.

(page 1172) Ainsi, au total, la ville de Dixmude a gagné, depuis les événements de 1795, le chef-lieu de justice d'une administration cantonale, avantage qu'elle conserve encore.

Il n'en est pas de même de la ville de Fumes. L'importance en population et en étendue territoriale de ses administrations judiciaire et administrative, est restée toujours à peu près la même Si la ville de Dixmude et quelques communes seulement ont été adjointes à l'arrondissement judiciaire de Fumes, d'autres communes d'une importance égale en ont été distraites. Mais il est à remarquer que les titres et les droits de Furnes, au maintien du tribunal de première instance, reposent sur une possession de plusieurs siècles. Cette ville est, depuis une époque qui se perd dans la nuit des temps, le siège d'une juridiction judiciaire et administrative.

Cette ancienne juridiction, connue sous le nom de châtellenie de Furnes, s'étendait sur 60 communes environ: elle exerçait la haute et basse justice en toute matière et dans toute l'étendue de son ressort. La population de l'arrondissement judiciaire, tel qu'il est actuellement circonscrit, s'élève à plus de 70,000 habitants. Quatre villes, à savoir : celles de Furnes, de Dixmude, deNieuport et de Loo, ressortissent à cet arrondissement. Plusieurs chaussées en grès et gravier, plusieurs routes ensablées et quatre canaux navigables, qui tous aboutissent à la ville de Furnes, en rendent l'accès extrêmement facile.

Le marché de grains de Furnes est peut-être le plus considérable de la province. Les habitants se rendent en foule à ce marché, et mettent ce voyage à profit, pour traiter en même temps leurs affaires judiciaires, civiles, administratives, et celles relatives à la conservation des hypothèques.

Ce n'est pas que la ville de Dixmude, de son côté, n'ait également un marché hebdomadaire et un marché dans son genre très important, c'est celui du bon beurre dit de Dixmude. Mais ce commerce se traite par les femmes, et nous savons tous, messieurs, que les fermières n'ont jusqu'à présent encore, que peu de rapport avec les affaires judiciaires.

Quant aux grains, je sais bien que l'on a essayé d'en vendre également au marché de Dixmude et que même dans ce but la ville a fait de temps en temps, ainsi qu'elle le fait encore de nouveau depuis quelques mois, des sacrifices très importants ; mais ces sacrifices cessant, la vente de grains y est si peu importante et si minime qu'elle ne vaut pas la peine d'en parler, et que le marché, sous ce rapport, n'est véritablement que nominal.

D'ailleurs, la situation de la ville de Dixmude n'est pas avantageuse au commerce des grains, car des différents côtés peu éloignés de la ville se trouvent plusieurs communes où la plus grande partie du sol consiste en prés à foin, forêts et labours ingrats et de mauvaise qualité, tandis que des autres cotés cette ville est trop éloignée de communes fertiles et assez nombreuses pour alimenter un marché.

Ainsi donc le marché hebdomadaire de la ville de Dixmude ne peut soutenir aucune comparaison avec celui de Furnes, pour la facilité des justiciables.

J'ai déjà eu l'honneur de le dire, la ville de Furnes jouit des avantages d'un tribunal de première instance comme du chef-lieu de l'administration administrative, depuis les temps les plus reculés, alors que les communications entre les diverses parties de l'arrondissement étaient souvent presque impraticables. De quel droit la priverait-on de ces avantages, aujourd'hui que, par la construction de plusieurs routes nouvelles, une foule de communes ont été mises en rapport direct et facile avec le chef-lieu de l'arrondissement et les divers chefs-lieux de canton? Or, ces routes sont dues, en grande partie, aux sacrifices considérables que la ville de Furnes s'est imposés.

Depuis quelques années cette ville a contribué pour plus de 50,000 fr. dans la construction de plusieurs routes qui ne prennent commencement qu'à 2 lieues et à 1 lieue de Furnes, et entre autres pour 32,000 fr. dans celle d'Hoogstaede à Haringhc qui relie le canton de ce nom avec le chef-lieu de l'arrondissement. La ville de Furnes a contracté, dans ce but, des emprunts très considérables qui ne seront amortis que dans un grand nombre d'années.

Furnes possède d'ailleurs, parmi ses monuments, un hôtel de ville et un palais de justice, édifices gothiques qui font l'admiration des étrangers, qui répondent parfaitement à toutes les exigences du service, et qui aussi ont coûté des sommes considérables à la ville.

A Furnes se trouve également une vaste prison, appropriée aux personnes des deux sexes, tandis qu'à Dixmude il n'y a absolument aucun des bâtiments nécessaires à l'administration de la justice, soit civile soit répressive.

Tous ces sacrifices en monuments et en nouvelles routes, la ville de Furnes ne les a pas faits et pris à sa charge, pour conserver son marché de grains, marché dû à sa situation avantageuse au milieu de plus de 50,000 hectares de terres les plus fertiles, nommées communément le grenier des Flandres, et qu'aucune ville ne pourra lui disputer. Mais ces grands sacrifices, elle les a véritablement tous faits dans l'espoir fondé de conserver toutes les administrations judiciaires et administratives. Les lui ravir actuellement ne serait-ce pas une criante injustice?

Je ne me dissimule pas que le maintien du siège du chef-lieu du tribunal à Furnes doit avoir de légers inconvénients pour quelques communes les plus éloignées du chef-lieu et plus rapprochées de Dixmude. Mais le même inconvénient existe pour tous les autres arrondissements d'une grande étendue dont le chef-lieu ne se trouve pas au centre du territoire, et ici pour le ressort dont je parle, l'inconvénient serait bien autrement réel, bien autrement grave pour les grandes communes de Walou, Proven, Haringhe, Stavele, Crombeke, Weslvleteren, Leysele, Houthem et plusieurs autres encore si le tribunal de Furnes était transféré à Dixmude, une pareille mesure serait inqualifiable et je me plais à croire que le gouvernement ne la proposera jamais.

Les pétitionnaires de Dixmude ont reproché à Furnes que cette ville ne se trouve pas au centre de l'arrondissement judiciaire; mais j'ai déjà eu l'honneur de le démontrer, la ville de Dixmude ne se trouve pas davantage au centre; et ici j'ajouterai, messieurs, que les chefs-lieux d'arrondissement judiciaire qui se trouvent au milieu du territoire de leurs ressorts, ne sont pas nombreux en Belgique. Il en est plusieurs qui ne sont pas mieux situés, et même pas encore autant au centre, que celui de Furnes. Je me contenterai de nommer les suivants :

Ypres est à deux lieues de la frontière française, comme Furnes. Gand est près des confins de l’arrondissement de Termonde. Termonde est près du Brabant. Audenarde est peu éloigné de la Flandre occidentale. Malines est sur l'extrémité du Brabant. Bruxelles n'est qu'à un pas de l'arrondissement de Louvain. Arlon est aussi sur les confins de la province et du royaume, et Anvers est situé sur l'Escaut, qui sert de limite à l'arrondissement.

Furnes n'est donc pas le seul chef-lieu d'arrondissement judiciaire, même dans la province, qui ne se trouve point au centre de l'arrondissement, mais l'essentiel est qu'elle se trouve comme beaucoup d'autres, pas trop éloignée du plus grand nombre des justiciables, et aussi près que possible du centre des populations les plus aisées et les plus commerçantes.

Messieurs, sous tous ces rapports encore, l'avantage de Furnes sur Dixmude demeure toujours de plus en plus remarquable, et en effet, les chiffres suivants le démontrent à outrance.

1° La population de Furnes surpasse d'un tiers environs, celle de la ville de Dixmude.

2° La contribution foncière pour 1847 de la ville de Furnes s'élève à fr. 29,924, celle de la ville de Dixmude, seulement à fr. 11,816.

3° La contribution personnelle pour 1847 de la ville de Furnes est de fr. 22,660. Celle de la ville de Dixmude, de fr. 18,098

4° Le droit de patente, toujours pour 1847, de la ville de Furnes se monte à fr. 7,312. Le même droit pour Dixmude, à fr. 5,743.

5° La recette de la poste aux lettres de la ville cl du district administratif de Furnes, aussi pour 1847, est de fr. 12,495, et celle de la ville et du district de Dixmude, seulement de fr. 6,414.

Ces comparaisons sont toutes extraites du Mémorial administratif de la province pour 1848, et sont plus que suffisantes, je pense, pour administrer la preuve que je m'étais imposée.

Messieurs, je viens d'avoir démontré jusqu'à l'évidence que les deux bases principales sur lesquelles reposait la réclamation des pétitionnaires de Dixmude étaient erronées en fait. Cette démonstration et les considérations générales qui l'ont suivie s'appliquent également à la réfutation complète de la troisième base, c'est-à-dire à celle par laquelle ces messieurs de Dixmude ont allégué que le transfert en leur ville du tribunal de première instance de Furnes, amènerait pour les justiciables moins de frais de déplacement, et pour l'Etat moins de frais de justice.

Je le répète, les développements déjà donnés ont établi que cette allégation est sans valeur; cependant dans la supposition gratuite du transfert du tribunal, je dirai surabondamment encore que si les frais étaient moindre pour les habitants de quelques communes plus rapprochées de Dixmude, il n'est pas moins vrai qu'ils seraient au total plus considérables pour les habitants d'un plus grand nombre de communes plus rapprochées de Furnes et qui, à raison de leur plus grande aisance, ont plus souvent des affaires au tribunal.

J'arrive maintenant à la quatrième et dernière base sur laquelle les pétitionnaires de Dixmude ont également appuyé leur réclamation, je veux dire l'assertion par laquelle ils se sont permis d'avancer « que Furnes est située dans une contrée où la population est clairsemée, tandis au contraire que Dixmude se trouve au milieu d'une population compacte, »

Messieurs, cette allégation encore contient autant d'erreurs que de mots. Et d'abord je dirai que la comparaison n’est pas du tout exacte, par la raison qu'il ne s'agit pas d'examiner ici les intérêts isolés et égoïstes de la petite ville de Dixmude, de deux à trois communes aboutissant à cette ville, ni même de deux à trois autres communes rapprochées de Dixmude et les plus éloignées de Furnes mais bien d'examiner aussi ou également, pour l'établissement du chef-lieu du tribunal, les intérêts et les commodités dans leur ensemble des quatre villes et du plus grand nombre des soixante communes environ dont se trouve composé notre arrondissement, et très certainement c'est sur la plus grande masse des intérêts et des commodités de cet ensemble, qui s'est toujours concentré et qui se concentre véritablement encore dans la ville de Fumes, qu'il y a lieu de maintenir le chef-lieu du tribunal dont l’établissement est cimenté à Furnes par une possession non interrompue de plusieurs siècles.

Les pétitionnaires de Dixmude ont encore avancé une erreur lorsqu'ils ont dit, je le répète, que la ville de Furnes se trouve située dans une contrée où la population est clairsemée.

Non, messieurs, la ville de Furnes n'est pas située dans une contrée où la population est clairsemée, car cette ville se trouve entourée totalement d'un grand nombre de communes populeuses et les plus fertiles, (page 1173) dites le pays de Furnes-Ambacht, où la plupart des habitants sont propriétaires et des fermiers aisés.

Si clairsemée il y a, ce sont les fermes au midi de la rivière l’Yser sur les mauvaises terres dans plusieurs communes voisines de Dixmude, tandis que toutes les communes qui entourent la ville de Furnes sont couvertes de fermes aussi belles que nombreuses.

Encore une fois, non, messieurs, la ville de Dixmude ne se trouve pas au milieu d'une population compacte, puisque sur deux à trois communes qui touchent du nord à cette ville, communes fertiles, il est vrai, la population de chacune de ces communes est moins nombreuse que celle des communes aboutissent à la ville de Furnes. Ce sera donc, non dans la ville de Dixmude où la population est également moindre qu'à Furnes, mais bien dans les autres communes situées au midi de l'Yser que devra se trouver cette population dite compacte; or, dans quelques-unes de ces communes où une partie considérable du sol consiste en forêts et terres à labour de mauvaise qualité, la population y est, à la vérité, plus nombreuse que dans quelques communes rapprochées de Furnes, mais aussi il faut bien le dire, le plus grand nombre des habitants de ces communes du midi de l'Yser, sont des faiseurs de balais, des indigents, des mendiants, très braves gens, du reste, mais qui, à ma connaissance, n'ont jamais eu un seul différend d'intérêt devant le tribunal de première instance de Furnes. Leurs contestations, s'ils en ont, sont, soyez-en sûrs, messieurs, de la compétence du dernier ressort de la justice de paix de Dixmude dont ils sont peu éloignés.

De sorte qu'il doit être parfaitement indifférent pour cette population dite compacte, que le chef-lieu du tribunal de première instance soit transféré à Dixmude ou qu'il soit maintenu en la ville de Furnes, ville, au reste, qui n'est pas trop éloignée de tous les justiciables indistinctement, et où aujourd'hui l'accès est extrêmement facile.

Cette quatrième et dernière base sur laquelle reposait également la prétention de ces messieurs de Dixmude, est donc aussi dénuée de tout fondement.

Messieurs, je pense avoir réfuté de la manière la plus claire et la plus complète, aux yeux de tous ceux qui connaissent nos localités, tous les faits et considérations sur lesquels les pétitionnaires de Dixmude avaient appuyé leur réclamation. J'ajouterai finalement que si le tribunal de Furnes devait être jamais transfère à Dixmude, une pareille mesure léserait, briserait aujourd'hui violemment un grand nombre de droits acquis par une possession non interrompue de plusieurs siècles, elle jetterait des perturbations profondes dans un grand nombre de familles, elle serait contraire à tous les principes d'une bonne et sage administration de la justice; une semblable mesure, il faut bien le dire, abstraction faite de tout intérêt de clocher, serait la spoliation la plus violente tant contre la ville de Furnes que contre le plus grand nombre des communes et des justiciables de l'Arrondissement.

Si, dans les développements et les considérations que j'ai eu l'honneur de présenter devant la chambre pour justifier le contre-pétitionnement de Furnes, j'ai été amené, messieurs, à dire des vérités peut-être un peu dures contre les réclamations des pétitionnaires de Dixmude, je le regrette sincèrement ; mais lorsque l'attaque s'est permis des prétentions si mal fondées, si erronées et si exorbitantes, il doit être permis à la défense de dire toute la vérité pour les repousser.

En terminant, je ferai remarquer à la chambre que tous les faits, considérations et comparaisons que j'ai été amené à exposer pour justifier le maintien à Furnes du chef-lieu du tribunal de première instance, peuvent s'appliquer également pour le maintien audit Furnes du chef-lieu du commissariat du district, chefs-lieux d'ailleurs, je le répète, qui sont cimentés en la ville de Furnes par une succession non interrompue d'un grand nombre de siècles.

Je finis, messieurs, et je demande qu'il plaise à la chambre de bien vouloir ordonner le renvoi de toutes les pétitions de ce contre-pétitionnement à M. le ministre de la justice, comme s'agissant pour le moment d'une réclamation qui concerne principalement son département. Libre à M. le ministre de l'intérieur de les consulter également, s'il le juge convenable.

- Le renvoi au ministre de l'intérieur, proposé par la commission, est adopté.

La chambre adopte également le renvoi au ministre de la justice proposé par M. Clep.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Charleroy, le 18 février 1849, plusieurs propriétaires et industriels dans l'arrondissement de Charleroy demandent la révision de la loi sur l'enseignement primaire et une loi sur l'enseignement moyen. »

La commission propose le renvoi au ministre de l'intérieur, qui a déjà été ordonné pour plusieurs autres pétitions de même nature.

- Ce renvoi est ordonné.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Je proposerai à la chambre de fixer dès à présent son ordre du jour pour demain.

Nous devions avoir le droit d'accise sur le sucre, mais la section centrale n'a pas pu encore faire son rapport; nous avions ensuite les valeurs mises à la disposition du gouvernement, il a été convenu qu'on ne s'occuperait de cet objet qu'après le projet de loi sur les sucres ; nous avons en troisième lieu, le projet de loi relatif à la réduction du personnel des cours et tribunaux. M. le ministre de la justice a demandé qu'on ne le discutât qu'après l'adoption par le sénat du projet de loi relatif à la compétence. Il nous reste la discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Sinave. M. Sinave est présent et déclare être prêt pour demain, ainsi nous pouvons mettre cet objet à l'ordre du jour de demain; et ensuite la continuation du feuilleton de pétitions. La séance n'étant pas chargée, je propose d'en fixer l'ouverture à 3 heures ; nous pourrons travailler en sections à l'examen du projet de loi relatif à la contribution personnelle et des budgets.

- Ces propositions sont adoptées.

Rapports sur des pétitions

M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Tongres, le 7 mars 1849, le sieur Offergelt, ancien receveur des contributions, propose à la chambre de faire, au budget de 1850, une retenue proportionnelle sur les traitements et sur les revenus qui s'élèvent à 1,500 francs et au-dessus, ou bien de l'indemniser de la perte qu'il a essuyée dans les remises de son bureau. »

Déjà la chambre a été saisie de la réclamation du pétitionnaire et elle a passé à l'ordre du jour. Il revient à la charge; il ne demande plus uniquement d'être indemnisé de la perte qu'il a essuyée'; mais à raison des difficultés financières devant lesquelles le pays s'est trouvé, il propose de faire subir à tous les fonctionnaires et propriétaires ayant un traitement ou un revenu équivalent à 1,500 fr. une retenue qui dans l'espace de 10 ans atteindrait le chiffre de 4,677 fr. égal à la perte qu'il a essuyée il y a quelques années.

La commission après avoir examiné les motifs sur lesquels se fonde le pétitionnaire, a cru devoir vous proposer encore de passer à l'ordre du jour.

M. Julliot. - Je faisais partie de la commission, j'ai concouru aux conclusions qu'elle vient de présenter, mais depuis j'ai examiné cette affaire en détail, et j'ai reconnu que le gouvernement s'était trompé dans la liquidation de la pension du pétitionnaire ou repoussait une demande que je trouve assez juste.

Le pétitionnaire avait fait deux demandes : l'une en temps utile, l'autre en temps inopportun; et le gouvernement, pour liquider sa pension, s'est basé sur la dernière pétition. Il a négligé la première, ou n'en a pas eu connaissance.

Je demande donc l'ajournement, pour que je sois en mesure de donner de nouveaux renseignements à la commission.

Ou bien je propose, si vous voulez, le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications.

M. Thibaut, rapporteur. - Il faut bien remarquer que le renvoi à M. le ministre des finances semblerait indiquer (ce que l'honorable M. Julliot a du reste prétendu) que le gouvernement s'est trompé dans la liquidation de la pension. Déjà cependant le pétitionnaire s'est adressé à la chambre, qui a passé à l'ordre du jour sur sa réclamation. Cette question me semble avoir été décidée alors. Je crois qu'il n'y a pas lieu de la changer. Je persiste dans la demande d'ordre du jour proposé par la commission des pétitions.

M. Julliot. - J'ai la conviction que la chambre n'avait pas connaissance de la pièce principale que j'ai entre les mains aujourd’hui.

Le pétitionnaire avait une recette de 1,666 fr. Il se trouve réduit à une recette de 800 fr. Il s'adresse au gouvernement pour obtenir une amélioration à son sort. Deux fois l'administration des contributions le présente pour une amélioration de position.

Il n'est pas donné suite à cette présentation.

Le pétitionnaire demande quel moyen il y a à prendre pour sauvegarder ses droits à une pension de 600 fr. C'était bien dire : Faut-il continuer la retenue sur le pied de mon ancien ou de mon nouveau traitement? On ne lui répond pas. Six mois après il fait une réclamation identique. Quatre ans plus tard on lui dit: Votre réclamation de novembre était tardive. Or il avait fait en temps utile, en février, une réclamation dont la chambre n'a pas eu connaissance.

L'objet est assez important pour qu'on ne passe pas à l'ordre du jour, alors que je déclare que le gouvernement s'est trompé dans la décision, qu'il a prise au sujet de cette affaire.

- La chambre n'étant plus en nombre, h discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.