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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 8 mars 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 835) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est appprouvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

M. le ministre des travaux publics adresse à la chambre 125*3 exemplaires du troisième cahier du tome IX des Annales des travaux publics. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.

Projet de loi fixant le prix de transport des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat

Discussion générale

M. Mercier. - Messieurs, le point de départ de cette discussion est maintenant bien déterminé. Le gouvernement et la majorité de la section centrale sont d'accord sur ce principe : chercher à établir le tarif qui donne le produit net le plus élevé et le mouvement le plus considérable qui puisse se concilier avec ce produit. En cela, messieurs, nous restons dans l'esprit de la loi de 1834. Le législateur a pu se tromper en déclarant que le chemin de fer devait couvrir l'intérêt des capitaux employés à sa construction et l'amortissement de ces capitaux ; il a pu se tromper sur la possibilité d'atteindre ce double résultat.

M. Lebeau. - Le législateur n'a jamais pensé à cela.

M. Mercier. - C'est dans la loi.

M. Lebeau. - C'est une erreur.

M. Mercier. - C'est une erreur de l'avoir inséré dans la loi, mais cela y est bien positivement. (Interruption.)

M. le président. - Veuillez ne pas interrompre.

M. Lebeau. - Je défends une loi que j'ai concouru à voter, on lui prête une absurdité dont je ne veux pas assumer la responsabilité.

M. le président. - Vous aurez la parole.

M. Mercier. - Je disais, messieurs, que le législateur a pu se tromper sur la possibilité d'atteindre le double résultat dont je viens de parler ; mais sa pensée a été sage : il a signalé l’écueil que l'exploitation du chemin de fer devait rencontrer en Belgique. Il a prévu, d'une part, que l'intérêt privé toujours vivace et, d'autre part, le désir de popularité auquel on se soustrait difficilement, pourraient entraîner l'administration à des concessions nuisibles à nos finances. C'est, messieurs, pour conjurer ce danger que le législateur a marqué lui-même le but financier qu'il fallait atteindre, c'est-à-dire le plus grand produit possible.

Maintenant, messieurs, le tarif actuel fait-il obtenir ce résultat ? Je ne puis pas le supposer en présence de la situation financière qui est exposée dans le travail de la cour des comptes et dans le rapport de la section centrale.

Le tarif modifié de M. le ministre des travaux publics nous présentera-t-il un résultat financier plus avantageux ? Non, puisqu'il ne fait qu'établir l'uniformité des prix actuels, dont il se borne à prendre la moyenne.

Je ne crois pas d'ailleurs, messieurs, que le tarif uniforme nous fasse faire une expérience décisive. Après l'application de ce tarif, les doutes qui existent aujourd'hui, continueront à subsister, les mêmes questions seront débattues avec autant d'incertitude.

La section centrale a prouvé que pour les relations les plus importantes, celles qui donnent les produits les plus élevés, la différence de prix était peu considérable. M. le ministre a cité, à la vérité, quelques relations pour lesquelles ces différences sont plus notables ; ces sections, la section centrale les avait déjà indiquées elle-même pour la plupart ; elles sont peu nombreuses ou donnent de faibles produits. Je suis convaincu qu'après l'expérience d'une année, les mêmes débats se renouvelleront, et ce sera du temps perdu. Il faut donc, messieurs, aviser à d'autres expériences.

Depuis quinze ans nous faisons l'application de tarifs bas : le moment est venu d'essayer un tarif modérément plus élevé.

On a cité des exemples puisés à l'étranger, de tarifs bas, de tarifs élevés, qui donnaient de bons produits ; mais il y a un fait qu'on ne peut pas se dissimuler, c'est qu'en général, et sauf certaines exceptions, les tarifs étrangers sont de 30, 40 et 50 p. c. plus élevés que les nôtres, bien que l'intérêt privé soit le seul guide des sociétés qui ont construit et qui exploitent les chemins de fer auxquels ils s'appliquent.

Mais, messieurs, laissons de côté les tarifs étrangers. J'admets, avec M. le ministre des travaux publics, qu'il est très difficile, si pas impossible, que nous nous rendions un comple exact de toutes les circonstances qui peuvent motiver à l'étranger le choix de tel tarif plutôt que de tel autre. Mais d'un autre côté je regretterais que M. le ministre des travaux publics tirât des conclusions trop absolues des rapports qui lui ont été présentés sur les expériences faites en Belgique.

Les conclusions qui sont déduites dans ces rapports me paraissent loin d'être incontestables ; il me serait impossible d'approfondir et d'analyser tous les exemples cités, mais je crois pouvoir soumettre à la chambre quelques observations qui prouvent combien on peut s'égarer, lorsqu'il s'agit d’appréciation de faits qui se sont passés à une époque déjà assez éloignée de nous.

Pour prouver l'influence fâcheuse d'une augmentation de tarif, on s’est beaucoup étayé des résultats de la comparaison faite entre la circulation du mois de mars 1838, époque à laquelle les tarifs étaient moins élevés, et celle du mois de mars 1839 sous l'empire de tarifs plus élevés ; les résultats obtenus en 1839 sont des plus défavorables. Mais, messieurs, ce qu'on n'aurait pas dû perdre de vue, c'est qu'au mois de mars 1839, la Belgique se trouvait dans une crise extraordinaire, crise politique et commerciale ; les affaires étaient généralement paralysées ; nous étions sous l'impression de la crainte d'une guerre générale. C'est précisément pendant le mois de mars 1839 que se discutait dans les chambres belges le traité de paix avec les Pays-Bas ; il ne s'agissait de rien moins pour nous que d'une question d'existence nationale. On ne peut donc tirer raisonnablement aucune induction du mouvement du chemin de fer pendant le mois de mars 1859. (Interruption.)

Je dis qu'on ne peut raisonnablement fonder une expérience sur les résultats du mois de mars 1839, pas plus qu'on ne serait fondé à juger un tarif par les effets qu'il aurait produits en 1848, après la révolution de février, puisque le même tarif a donné une recette de 881,000 fr. de moins que l'année précédente.

On a fait aussi la comparaison entre les résultats obtenus pour les relations réciproques de six villes pendant les années 1838 et 1840. Ces villes sont : Bruxelles, Malines, Vilvorde, Anvers, Termonde et Louvain.

Cette comparaison est aussi très défectueuse, d'abord parce que, pour les relations entre les deux principales de ces villes, on a été obligé d'opérer partiellement sur des données incertaines ; en second lieu, par la raison qu'on n'a pas tenu compte de l'attrait de la nouveauté qui, en 1838, attirait encore une foule de voyageurs sur le chemin de fer ; et, enfin, parce qu'on n'a pas eu égard aux circonstance politiques qui, en 1840, ont menacé l'Europe d'une conflagration générale.

On constate simplement que pour les relations entre ces six villes l'année 1838, au moyen d'un tarif moins élevé, a donné en plus environ 300,000 voyageurs et une recette supérieure de 53,000 fr., et qu'ainsi le mouvement et les recettes avaient été plus considérables qu'en 1840.

Examinons d'abord si l'attrait de la nouveauté n'a pas exercé une influence nécessaire sur le mouvement et les recettes de l'année 1838.

Cet exercice s'est ouvert avec une longueur exploitée de 143 kilomètres

En avril, cette longueur a été portée à 189 kilomètres, en août elle était de 223 kilomètres et en septembre elle atteignait 257 kilomètres.

Ainsi 114 kilomètres ont été livrés à l'exploitation dans le cours de l'année 1838.

Peut-on croire que cette extension n'a pas porté les habitants des localités nouvellement dotées de cette voie, à faire des voyages sur le chemin de fer et à visiter quelques-unes des six villes dont je viens de parler ?

Assurément l'attrait de la nouveauté a déterminé beaucoup de voyages de cette nature ; beaucoup de personnes ont voulu visiter Anvers, Bruxelles et Malines.

Rien de semblable n'a eu lieu en 1840 ; aucune nouvelle section n'a été ouverte pendant cette année.

Quant aux événements politiques et à la crise qu'ils ont provoquée, il s'offrait un moyen facile de constater leur influence.

C'est au mois de juillet 1840 qu'a éclaté la crise née des affaires d'Orient.

On pouvait donc s'assurer si les différences défavorables qu'on a signalées se rapportaient principalement au premier ou au second semestre de cet exercice : on aurait trouvé que les deux tiers environ de la diminution du nombre des voyageurs concernent le deuxième semestre, celui qui a été influencé par les événements, et que le premier semestre, loin de présenter un déficit en recette, offre, au contraire, par rapport au premier semestre 1838, un excédant de 4,000 fr.

Cet excédant dépasse les 6,000 fr., si l'on tient compte du prix des places des berlines qui existaient en 1838 et étaient supprimées en 1840.

Si le premier semestre de 1840 s'était trouvé par rapport aux sections nouvellement ou depuis peu de temps ouvertes dans les mêmes conditions que le premier semestre de 1838, la diminution du nombre des voyageurs eût été beaucoup moindre et l'augmentation de recette eût été, au contraire plus élevée ; et comme les frais variables d'exploitation eussent été nécessairement réduits, il s'ensuit qu'on eût obtenu pendant le premier semestre 1840, sous l'application d'un tarif plus élevé, un produit net beaucoup plus considérable qu'en 1838.

On voit, par les deux exemples que je viens de citer, combien on peut s'égarer en adoptant purement et simplement les résultats de comparaisons qui, au premier abord, paraissent justes, et qui, examinés de plus près, donnent lieu à des conclusions diamétralement opposées à celles qu'on avait cru d'abord pouvoir en tirer.

J'ai dit quels étaient les motifs qui m'empêchent d'adopter le projet du gouvernement.

C'est d'abord parce que les résultats financiers qu'il promet me paraissent insuffisants ; c'est ensuite par la raison qu'il ne résulterait pas de son application une expérience décisive.

Quant au projet de la section centrale, l'honorable M. Bruneau me paraît avoir démontré de la manière la plus claire que son exécution ne rencontrerait pas les difficultés qu'on lui a opposées. Je ne pourrais, à cet egard, que reproduire ses arguments, et ce serait inutilement fatiguer l'attention de la chambre.

(page 836) Une partie des avantages que la section centrale attend de son système est fondée sur le transport des voyageurs internationaux qui payent 100 p. c. de plus qu'en Belgique à là frontière d'Allemagne et de 30 à 52 p. c. de plus du côté du midi.

M. le ministre des travaux publics suppose tout à fait gratuitement que par voyageurs internationaux la section centrale entend des voyageurs étrangers. Voici comment il s'exprime :

Il est à remarquer en second lieu, que les voyageurs internationaux, que les voyageurs passant par Herbesthal, Quiévrain et Mouscron, ne sont pas tous des voyageurs étrangers, des voyageurs qui transitent par le pays et se rendent à l'étranger. La preuve en est dans les faits suivants :

« La station d'IIerbesthal a fourni en 1847, à titre de mouvement international, 23,100 voyageurs de troisième classe. Où sont allés, que sont devenus ces 23,100 voyageurs ? « Ils se sont répartis comme suit :

« Sur Dolbain 1,100 voyageurs, sur Verviers 5,700, sur Pepinster 400, sur Chaudfontaine 200, sur Chênée 100, sur Liège 7,600. Total : 15,100.

« Pour toutes les autres destinations, il reste donc environ 8,000 voyageurs.

« Quels sont ces 15,100 voyageurs ? Ce sont des voyageurs de l'intérieur, de habitants de Dolhain, de Verviers, de Pepinster, de Chaudfontaine, de Chênée et de Liège, qui ont des relations d'affaires avec la ville d'Aix, qui parcourent une partie de la ligne rhénane, mais qu'on ne peut pas considérer comme des voyageurs internationaux pour lesquels le plus ou moins de prix est sans influence.

« Il en est de même pour Mouscron et Quiévrain. Ainsi, les voyageurs de troisième classe partant de Mouscron sont au nombre de 16*0,100. Ils se répartissent de la manière suivante :

« Sur Courtray 8,100 voyageurs, sur Gand, 4,800 et sur Tournay 3,200.

« C'est-à-dire que tous les voyageurs de troisième classe indistinctement, passant par Mouscron, se sont arrêtés à Gand, à Tournay et à Courtray, et n'ont pas été au-delà. »

La section centrale n'a jamais pu penser que tous les voyageurs internationaux fussent étrangers.

M. le ministre est dans l'erreur lorsqu'il prétend que ces 15*8,100 voyageurs sont des habitants de Dolhain, Yerviers, Pepinster, Chaudfontaine, Chênée et Liège ; il est probable que les Allemands visitent la Belgique comme nous visitons l'Allemagne et qu'il y a environ la moitié des uns et des autres.

D'ailleurs, quels que soient ces voyageurs belges ou allemands, puisqu'ils consentent à payer 100 p. c. de plus en Allemagne, ils ne reculeront pas devant une augmentation du tiers seulement en Belgique.

Les mêmes observations s'appliquent aux voyageurs internationaux venant de France.

Quant au degré de rapidité de la marche des convois, je rappellerai à M. le ministre des travaux publics que la section centrale, dans son second rapport, a témoigné l'intention d'abandonner au département des travaux publics le soin de le régler, la section ayant compris qu'il ne pouvait y avoir rien d'absolu à cet égard.

Maintenant, messieurs, j'ajouterai, pour ce qui me concerne personnellement, qu'en présence de la déclaration formelle faite par M. le ministre des travaux publics, qu'eu égard à l'état du matériel et de la voie et à d'autres circonstances, les convois de vitesse ne pourront faire que huit lieues à l'heure sur une de nos lignes, et six lieues et demie sur d'autres : je ne puis m'empêcher d'exprimer l'opinion que la valeur du système qui crée deux espèces de convois à prix différentiel, se trouve atténuée à mes yeux.

Quoi qu'il en soit, si ce système peut prévaloir, j'adopterai pour le prix des places des convois ordinaires le tarif indiqué dans une de nos dernières séances par l'honorable M. Osy ; il sera plus efficace comme expérience nouvelle, il s'éloigne moins de celui qui est proposé pour les convois de vitesse, et me fait espérer des produits plus considérables.

Dans le cas contraire, je donnerai mon adhésion à l'amendement de l'honorable M. Vermeire, auquel je proposerai un sous-amendement pour écarter les seules objections sérieuses dont il a été l'objet de la part de M. le ministre des travaux publics. Cet amendement me paraît très opportun après une longue expérience de bas tarifs ; il se distingue par un caractère de modération qui ne peut effrayer personne sur ses conséquences ; cependant les effets qu'on peut en espérer amélioreraient d'une manière notable les produits du chemin de fer ; il n'altère pas sensiblement les différences qui existent actuellement entre les prix des places, condition essentielle, selon moi, de toute modification au tarif du chemin de fer, si l'on ne veut pas s'exposer à de graves mécomptes.

Une objection de nature à faire naître quelque hésitation a été faite par M. le ministre des travaux publics ; il a fait observer que certaines sections, par l'effet de la régularisation du tarif, seront déjà augmentées de plus de 30 p. c. et que la surtaxe proposée par l'amendement de l'honorable M. Vermeire viendrait encore aggraver cette situation ; l'honorable minisire a cité la section de Bruxelles à Vilvorde qui, par ce double effet, aurait ses prix majorés de 50 p. c.

Il y a un moyen bien simple de remédier à cet inconvénient. Pendant 15 ans nous avons eu un tarif présentant sur tous les points de notre raihway des différences plus ou moins fortes ; laissons subsister comme mesure de transition, et exceptionnellement pour quelques sections très peu nombreuses, une différence de prix qui jamais n'excédera 10 p. c. et disons que pendant une année à partir de l'exécution de la nouvelle loi, l'augmentation résultant du tarif proposé, par rapport à la moyenne des prix actuels, ne pourra concourir à porter les prix de chaque classe de voitures au-delà de 25 p. c en sus des prix actuels. Par suite de cette restriction, le tarif de l'honorable M. Vermeire sera appliqué, dès la première année, d'abord à toutes les sections dont les prix seraient diminués par application de la moyenne des prix actuels, et en outre, à toutes celles dont les prix ne changeraient pas ou ne seraient pas augmentés de plus de 15 p. c ; ces deux catégories embrassent bien certainement les quatre cinquièmes et peut-être les sept huitièmes des sections, du moins en les considérant au point de vue de leur importance financière. La loi, en ajournant l'augmentation pour le cinquième ou le huitième restant, ferait ce qu'elle a déjà fait lors de la péréquation cadastrale, lorsqu'elle n'a majoré pendant trois années successives le contingent des deux Flandres que du tiers de l'augmentation générale qu'il devait subir, en vertu des résultats du cadastre.

J'ai été interrompu lorsque j'ai parlé de la loi de 1834. On me place en ce moment sous les yeux le texte de cette loi ; elle porte à son article 5 que « les produits de la route, provenant des péages, serviront à couvrir les intérêts et l'amortissement de l'emprunt, etc. » Je pense que le mot « couvrir » a une signification. Du reste, je n'insiste pas sur cette observation ; je sais très bien que la loi ne pouvait pas décréter des produits ; le législateur n'a pu vouloir qu'une chose, c'est qu'on cherchât à obtenir le produit le plus élevé qu'il serait possible d'atteindre.

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai pas répondu immédiatement aux paroles qui m'ont été adressées par un honorable député de Malines, sous une forme assez dure et assez peu parlementaire, parce que je désirais confier à des chiffres le soin de ma défense, et ces chiffres exigeaient quelques recherches. Je le ferai donc aujourd'hui en profitant de mon tour de parole.

Messieurs, l'exploitation par l'Etat est moins productive que par l'intermédiaire de l'industrie privée pour bien des causes, que vous connaissez.

L'une de ces causes, et c'est peut-être la plus notable, c'est que l'Etat paye plus, c'est que l'Etat dépense davantage, parce que tout ce qu'il fait, il l'exécute chèrement. A l'effet d'atténuer ce désavantage, la loi exige que le gouvernement livre ses travaux à l'industrie privée par adjudication.

Les travaux exécutés en régie par des ouvriers soldés par l'administration ne sont tolérés qu'exceptionnellement.

Dans une séance précédente, j'ai appelé votre attention sur les ateliers de Malines.

J'ai dit que les travaux qui s'exécutent en régie dans ces ateliers sont trop considérables, qu'on ne se borne pas à y faire des réparations, qu'on y fait des constructions neuves, contrairement à l'article 21 de la loi sur la comptabilité publique.

Depuis lors, un honorable représentant a pris vivement fait et cause pour ces ateliers, que nous soldons avec les deniers des contribuables. Cela ne m'étonne pas ; il a été inspiré par un sentiment de reconnaissance !

Je n'ai donc pris la parole que pour relever quelques assertions qui pourraient vous induire en erreur. On a cherché à vous persuader :

Que le personnel est peu considérable ;

Que la dépense est peu élevée ;

Que les travaux neufs sont exclus de ces ateliers ;

Qu'on ne peut faire à meilleur marché.

Je tiens à relever ces assertions, surtout parce qu'elles ont été faites par le rapporteur de la section centrale du budget des travaux publics de l'exercice 1851, et cette origine leur donne une certaine gravité.

On m'a dit : Vous exagérez le personnel ; il n'y a que 832 ouvriers soldés aux frais de l'Etat dans les ateliers de Malines.

Vous conviendrez, messieurs, que ce nombre ainsi fixé est déjà pas mal considérable. Mais je tiens à faire remarquer que ce renseignement ne prouve pas contre l'exactitude du mien, à savoir qu'il y en aurait eu davantage en juin dernier.

En effet, j'ai parcouru, il y a deux ans et demi, les états de quinzaine des ouvriers de l'arsenal, à l'occasion d'un rapport que j'ai fait sur un crédit supplémentaire de 8,577,590 fr. 97 c, et sur lequel on demandait 615,009 fr. 32 c. pour les salaires des ateliers de Malines en sus du crédit ordinaire.

Eh bien, cet examen m'a prouvé que le nombre des ouvriers de ces ateliers est plus considérable l'été que pendant l'hiver.

Le personnel dirigeant est peu considérable, a dit l'honorable membre : il ne se compose que de cinq fonctionnaires ; voilà le personnel qui absorbe les fonds de l'Etat ! a-t-il ajouté avec vivacité.

Nous allons voir. Ouvrons les développements du budget des travaux publics.

Eh bien, je trouve que les traitements du personnel dirigeant coûtent à l'Etat rien que 60,000 fr.

Aussi je m'empresse de faire remarquer que cette somme ne se répartit pas entre cinq personnes, mais entre 32.

(page 837) Maintenant, puisque nous en sommes à examiner la dépense, voyons ce que coûtent les salaires des ouvriers.

Les mêmes développements indiquent une somme de 270,00 fr.

Mais ce n'est pas tout, il y a encore à Malines deux ateliers de petites réparations qui absorbent encore au moins 30,000 fr. Et de plus il y a dans seize autres stations des ateliers de réparation, qui absorbent en salaires plus de 300,000 fr.

On nous a dit : « les travaux neufs sont exclus ». S'il fallait en croire cette assertion, nous dépenserions donc plus de 630,000 fr. en salaires pour réparer le matériel.

Cela serait exorbitant, aussi cela n'est-il pas exact. Car les ateliers de Malines s'occupent à construire ; ils s'occupent à faire du neuf.

Ils font le neuf avec du matériel qui n'est bon qu'à être démoli et à être mis en vente.

Ils font le neuf pour étendre le matériel en construisant les trucks ou trains des voitures et tous les détails qu'exige l’assemblement des pièces.

Enfin, les ateliers font la garniture et la peinture, et je ne comprends pas en quoi ces travaux intéressent la sécurité publique. Les dépenses vont vous démontrer l'importance de ces travaux. C'est ainsi que les développements du budget annuel indiquent, rien que pour achat de couleurs et pinceaux 60,000 fr., pour draps, passementeries et glaces 54.000 fr., pour bois 80,000 fr., pour métaux 100,000 fr., pour vis, clous, fils de fer, etc. 10,000 fr.

Nous allons voir combien de peintres et de charpentiers travaillent au compte direct des contribuables, et vous savez comment on travaille pour ces bons contribuables.

J'extrais ces chiffres des états de quinzaine publiés dans un rapport d'une section centrale : Menuisiers et ajusteurs 182, peintres et broyeurs 100, forgerons 59.

Je passe sur les autres métiers.

Je ne parlerai qu'en passant des dépenses considérables auxquelles nous entraine la conservation des approvisionnements.

Je ne puis en parler que par induction, la chambre l'ignore ; on ne lui communique pas les comptes-matières, et cela est fort irrégulier sous un gouvernement de publicité.

Ce qui est certain, c'est que les valeurs accumulées sous forme de matières dans le magasin central de Malines sont fort considérables.

Loin de rendre des intérêts, j'ai lieu de craindre que ces valeurs ne se détériorent quelquefois par manque de soins.

J'ai lieu de craindre que la rouille et les vers ne rongent notre capital-matière.

Les bâtiments coûtent aussi des sommes considérables en entretien et en intérêts.

En 1848 l'on nous demandait parmi les crédits supplémentaires 6,000 fr. par an pour payer les intérêts du prix du bâliment du magasin central, qui n'était pas soldé à cette époque.

J'ignore si cette dette est acquittée aujourd'hui,

A la même époque nous apprenions, que l'on avait donné à notre insu une extension aux constructions des ateliers pour 100,000 francs.

Une bonne partie de ces dépenses pourraient être réduites et augmenter les recettes, si le gouvernement voulait suivre l'exemple des compagnies, se borner à faire les réparations, pratiquer ce qu'il a essayé avec succès en 1848, abandonner la construction des voitures et locomotives à l'industrie privée.

Messieurs, je termine, car je ne compte pas répondre à l'assertion, qui consiste à dire : qu'on ne peut faire à meilleur marché que dans les ateliers soldés par l'Etat. Le bon sens public en fera justice.

Le gouvernement se refuse à élever les péages pour augmenter les recettes.

Nous verrons si au moins il se mettra en mesure d'atteindre ce but en réduisant la dépense ; ce moyen, j'en suis sûr, recevra l'assentiment de la chambre entière.

M. de Mérode. - Messieurs, s'il est un fait incompréhensible en administration publique, c'est qu'un gouvernement qui reconnait, avoue et proclame un déficit dans ses finances assez considérable pour exiger la création de six à huit millions d'impôts nouveaux, regarde comme des adversaires les représentants zélés qui se livrent à de laborieux calculs, afin d'obtenir, d'une entreprise très onéreuse pour l'Etat, des résultats plus favorables et par conséquent de nature à réduire autant que possible les charges nouvelles annoncées.

MM. Dumortier, de Man, Vermeire ont cherché à remplir cette tâche ardue et bien ardue certainement, puisque au lieu d'être secondés par le gouvernement, celui-ci met au contraire en jeu tous les moyens de rendre leurs efforts impuissants.

Si quelque raison plus susceptible de controverse que d'autres arguments, est présentée par les défenseurs d'une amélioration des recettes du chemin de fer, elle est au plus tôt saisie par les organes du ministère. Ils emploient à la détruire toute leur habileté, ils se concentrent en quelque sorte pour accabler ces raisons moins convaincantes ; mais les arguments les plus décisifs sont passés sous silence ou légèrement effleurés, et c'est ainsi qu'au lieu d'éclairer le débat on l'embrouille à plaisir et on triomphe alors au milieu de l'obscurité qu'on a produite, comme si la plus belle victoire était venue couronner le combat.

L'honorable M. de Man a rappelé tous les précédents législatifs concernant le chemin de fer ; il a démontré l'intention formelle des chambres qui ont voté cette création, de ne pas engager le pays dans une dépense qui entraînerait des surcharges d'impôts. Il a rappelé les assurances ministérielles qui non seulement promettaient d'équilibrer les frais par les recettes, mais encore annonçaient un bénéfice important pour le trésor.

Ainsi, dans la séance du 17 mars 1834, M. Rogier affirmait que les produits payeraient largement les intérêts du capital et les frais appliqués à l'entreprise ; et maintenant le même ministre soutient que l'on doit être peu soucieux des brèches qu'elle fait au trésor et qui déjà lui ont enlevé une valeur de 52 millions.

Lorsqu'il fut question de la seconde série des chemins de fer dont plusieurs personnes demandaient la mise en concession privée, les champions de la directe intervention de l'Etat soutinrent encore que ce serait lui ravir un bénéfice et ôter aux contribuables une juste espérance de suppression d'une partie des impôts, tant on pouvait compter sur des recettes en bénéfice, loin d'avoir à craindre des pertes.

Maintenant, messieurs, toutes les paroles passent comme non-avenues et le gouvernement les traite comme des phrases dont les dupes seuls peuvent se souvenir et qui ne méritent plus la moindre attention.

Le chemin de fer, c'est la félicité par excellence, c'est la gloire, c'est l'honneur de la Belgique ; on ne doit plus s'inquiéter de ce qu'il coûte.

Honte aux rétrogrades qui ne comprennent pas que la locomotive et le waggon, copiés sur la locomotive et le waggon inventés dans l'empire britannique, rendent la Belgique impérissable dans l'histoire ! Quant à moi, je l'avoue, messieurs, je n'étais pas si fier quand le général Négrier, d'honorable mémoire, assurait, il y a deux ans, que si on lui ordonnait de marcher de Lille sur Bruxelles avec dix mille hommes, il y serait en trois jours. Faites à l'exagération de ces paroles la part que vous voudrez, toujours est-il que si nous menons les voyageurs et les marchandises noblement, c'est-à-dire à perte, nous sommes loin de traiter aussi généreusement nos moyens de défense. Ceci, du reste est inévitable, car un gouvernement, cocher à ses dépens et voiturier en déficit, ne sera jamais guerrier.

Le gouvernement prussien s'était donné le monopole des diligences, mais avec profit, bien entendu, et loin de se charger de dettes accablantes au moment d'une menace de guerre, il avait dans son trésor une réserve pour la crise éventuelle, et les chemins de fer de la monarchie prussienne ne coûtent rien ou comparativement très peu à l'Etat.

Qu'on attaque la Prusse, elle saura mettre ses troupes sur pied. Qu'on attaque la Belgique, non plus avec une bande lancée au hasard, mais sérieusement avec de vrais soldats, avant de réunir les siens, elle aura à subir, non seulement le déficit actuel de ses chemins de fer, mais un déficit double et triple ; car les transports cesseront, se réduisant du moins, au plus strict nécessaire ; et le contribuable, fût-il écrasé d'emprunts forcés, ne pourra, dans un moment de détresse, suffire à la fois à combler le déficit, à rembourser les bons du trésor et à soutenir l'entretien d'une respectable armée.

Aussi, messieurs, j'ose le dire hardiment, s'il est un pays au monde qui ne devrait pas être propriétaire et exploitant d'un vaste réseau de chemin de fer, c'est l'Etat belge, le plus exposé de tous à une invasion prompte, le plus intéressé à posséder des finances en bon ordre, parce qu'il doit être toujours en position de mettre immédiatement son armée sur pied de guerre, et que le premier moyen de se défendre par les armes, est la possession de l'argent disponible sans délai.

L'indépendance de la Belgique, sans cette condition, est un vain mot et toute la fantasmagorie de prétendue gloire pour la Belgique, résultant de la possession et de l'exploitation ruineuse d'un chemin de fer par un ministre des travaux publics, qu'il s'appelle Dechamps ou Van Hoorebeke, n'importe, disparaîtra avec la rapidité d'un waggon, au premier choc sérieux que subira le pays. Ce sera là un fait et un fait brutal sans doute que les plus fines subtilités de la chicane n'arrêteront pas, comme elles parviennent à écarter la comparaison des tarifs des chemins de fer français, mis en regard des nôtres.

Hier, l'honorable M. Dumortier vous a démontré à quel point ces tarifs étaient différents, puisque les prix de diligence, c'est-à-dire de première classe en Belgique, sont parfois au prix des waggons en France, et toujours au moins intermédiaire entre les prix des waggons et des chars à bancs, et que le taux des waggons en France est double ou presque double du prix des waggons en Belgique.

Cependant le Français voyageur n'est pas plus riche que le Belge riverain des chemins de fer, et j'ajoute que le Belge qui n'est pas riverain des chemins de fer de l'Etat et qui n'a pour circuler dans son rayon habituel que des voitures ordinaires, dont l'Etat ne prend nul souci, n'est pas plus riche que son compatriote qui possède à sa porte la voie ferrée.

J'ajoute encore que le Français, voyageur riverain d'un chemin de fer tarifé par les compagnies, s'estime heureux d'être transporté lestement aux prix qu'elles ont fixés et qu'il est loin de se plaindre. Pourquoi donc le Belge, favorisé du même avantage, se plaindrait-il de ce qu'on lui ferait payer la juste rémunération du même service rendu ?

Je voudrais qu'on m'expliquât comment le Belge, éloigné des chemins de fer, peut être capricieusement soumis à de nouveaux impôts, parce qu'il plaît au gouvernement belge de ne pas imiter le régime des compagnies, dont aucune n'imite la munificence de nos ministres à l'égard des riverains de chemins de fer. Je voudrais qu'on m'expliquât, d'autre part, ce qui empêche les compagnies (page 838) de croire que plus les tarifs sont bas, plus l’exploitation est profitable. C’est là un problème que M. Van Hoorebeke et consorts n’abordent jamais, et lorsqu’on le pose devant eux, ils se rejettent sur ce que les compagnies n’ont point d’entrailles paternelles pour les voyageurs comme l’Etat qui, en vertu de cette même paternité, crèe de nouveaux impôts peu partenels pour ceux qui restent cher eux ou n’ont à leur portée que les voitures exploitées par l’industrie privée.

Le régime paternel, selon moi, est celui qui ne prend pas allusivement et sans nécessité aux uns pour donner aux autres, surtout pour donner aux mieux dotés ; car il est évident que même les tarifs français de chemins de fer fournissent une locomotion infiniment préférable et plus économique que celles que procurent les meilleurs véhicules traînés par des chevaux ; et la preuve de ce fait, c'est que partout en France on désire la préférence pour obtenir les lignes ferrées.

De ces observations je conclus, messieurs, au moins en faveur du tarif de M. Vermeire, en attendant que d'autres mesures d'une politique plus prévoyante soient adoptées.

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai demandé la parole ; mais je suis prêt à y renoncer si la section centrale renonce à sa proposition.

M. Mercier, rapporteur. - Je ne suis nullement autorisé à déclarer que la section centrale renonce à sa proposition. C'est en mon nom personnel que j'ai émis l'opinion que les avantages de ce système sont atténués par suite des conditions dans lesquelles il devrait être appliqué sur notre railway d'après les explications de M. le ministre des travaux publics.

M. Delfosse. - La section centrale ne peut renoncer, en ce moment, à sa proposition. Elle ne pourrait y renoncer qu'après une délibération à laquelle tous ses membres auraient été convoqués. Il y a eu dans la section centrale une majorité et une minorité, et la majorité n'a été que d'une voix ; je tiens à faire connaître à la chambre que j'étais de la minorité.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je demanderai dès lors la permission d'exposer aussi brièvement que possible l'impossibilité matérielle de mettre cette proposition à exécution.

Dans une séance précédente, j'ai dit que la proposition de la section centrale était irréfléchie. Ce reproche s'appliquait aussi bien à la possibilité matérielle d'exécution qu'aux dépenses auxquelles cette exécution, dans le cas où elle fût possible, entraînerait l'Etat.

Dans d'autres pays, dit-on, on a adopté des convois de vitesse et des convois ordinaires. Je demanderai à la section centrale quel est le tarif des convois de vitesse dans les pays où ces convois ont été adoptés ? Généralement on paye pour les convois de vitesse un tiers en plus que pour les convois ordinaires, et il est généralement reconnu que les sociétés ne font pas de bénéfices ; si l'on maintient les convois de vitesse, c'est à cause de la concurrence entre les diverses sociétés et pour le transport des malles ; et pour le transport des malles, les sociétés reçoivent un subside.

En France, dit-on, il y a des convois de vitesse, pourquoi n'en aurions-nous pas ? Oui, il y en a un, convoi express de Paris à Calais ; il n'y a pas de prix différentiel, mais le gouvernement français accorde un subside considérable à la compagnie du chemin de fer du Nord pour le transport des malles. Ce convoi de vitesse n'existe qu'entre Paris et Calais. A partir d'Amiens jusqu'à Blanc-Misseron on ne marche qu'avec une vitesse de 35 kilomètres à l'heure, et non de 50 kilomètres au minimum, comme le propose la section centrale, et comme cela a été dit dans la discussion.

Je dis donc : oui, il y a un convoi de vitesse sur le chemin de fer du Nord, et dans certaines limites j'admets les convois de vitesse en Belgique ; mais, messieurs, il y a, disais-je tout à l'heure, impossibilité absolue de mettre la proposition de la section centrale à exécution. Il y a en premier lieu un obstacle absolu dans notre voie. Notre voie, sur un quart de son développement total, est composée de rails de 17 à 22 kilogrammes.

Or dans les pays où l'on a des convois de vitesse, on a porté les rails à 37, 40 et même 42 kilogrammes par mètre courant.

En France, on a été obligé de multiplier les traverses, et il est reconnu que les convois de vitesse occasionnent, sur la route de Calais à Paris, un dégât considérable.

Il y a un autre obstacle, c'est que nous avons des locomotives dont le diamètre des roues n'excède pas 5 pieds 6 pouces. Or, avec de telles roues, il est impossible de marcher avec une vitesse de 70 ou 75 kilomètres (et c'est là la vitesse que l'on devra atteindre) à moins d'exposer les machines à une destruction certaine.

La compagnie du Nord a des locomotives qu'elle a fait construire pour ses convois de vitesse, et les roues de ces locomotives ont une dimension de 7 pieds, c'est-à-dire un pied et demi de plus que nos machines dont les roues sont les plus grandes.

La section centrale propose un minimum de vitesse de 50 kilomètres : c'est-à-dire que la distance de 50 kilomètres devrait être parcourue en une heure au moins. Pour qu'il en soit ainsi, il faut une vitesse, non de 50 kilomètres à l'heure, mais une vitesse qui s'élèverait jusqu'à 70 kilomètres, puisqu'il faut tenir compte des haltes.

Je vous demande, messieurs, si notre matériel et notre voie comportent une telle vitesse.

Remarquez que, pour marcher avec cette vitesse, les roues doivent faire 3 3/4 révolutions par seconde, c'est-à-dire que le piston devrait par-courir 7 1/2 fois le cylindre en une seconde. Or, tous ceux qui ont quelque connaissance en mécanique savent que plus le sorganes d’une machine se meuvent avec vitesse, plus l’usure est grande, parce que, avec une plus grande vitesse, il y a plus de vibration, et par conséquent une destruction plus rapide.

On dira : On pourrait faire comme en France ; qu'on remplace une partie de notre matériel ! Déjà, messieurs, je suis venu au-devant de cette objection, en vous disant que notre voie ne le permet pas. Notre voie est telle que des locomotives semblables à celles que l'on emploie sur la ligne du Nord dépasseraient de beaucoup par leur poids la puissance de résistance des rails.

Cette puissance de résistance ne serait pas même en proportion avec nos locomotives actuelles ; mais le fût-elle, les dépenses causées par les dégâts inséparables du passage sur la voie de convois marchant avec cette vitesse effrayante qu'il faudrait leur imprimer, auraient à elles seules, si la section centrale y eût réfléchi, dû l'empêcher de faire la proposition que je combats.

Et ceci m'amène à parler du côté financier de la proposition.

Je suppose que la proposition faite par la section centrale fût exécutée, quel en serait le résultat financier ?

D'abord, je viens de vous le dire, les dépenses de réparation aux locomotives seraient doublées ; il en serait de même des réparations aux voitures. Il y aurait une augmentation considérable dans les dépenses du combustible, puisque la force de vaporisation doit se trouver en rapport avec la vitesse. Quant à la voie permanente, il faudrait commencer par remplacer une grande partie des rails ; peut-être faudrait-il abandonner entièrement notre système actuel de rails pour adopter le système américain ; car de l'avis de savants ingénieurs, ce système, qui est bon pour les vitesses modérées, ne convient pas pour les convois rapides. Cette transformation faite, viendrait l'accroissement dans les dépenses d'entretien.

Voilà où nous conduirait le système des financiers de la section centrale. Maintenant voyons ce que ce système nous produirait.

On transporte actuellement par convois ordinaires, 65 24/100 voyageurs par convoi-lieue.

La proportion des voyageurs est de 8.98 p. c. pour la première classe et 20.32 p. c. pour la deuxième classe. Sur 100 voyageurs il y en a près de 71 dans les voitures de troisième classe.

Je ne pense pas que l'on prétende comprendre dans les convois de vitesse des voitures de troisième classe. Vous ne devez donc compter que sur les voyageurs de première et de deuxième classe.

Eh bien, messieurs, vous auriez, en maintenant les proportions que vous avez actuellement dans vos convois ordinaires, vous auriez 6 voyageurs de première classe et 13 voyageurs de deuxième classe.

Mais je veux bien admettre que quelques voyageurs, qui actuellement prennent la troisième classe, prendront place, dans le cas où vous organiseriez des convois de vitesse, dans les voitures de deuxième classe. Je veux même en tripler le nombre. Dans ce cas vous aurez 45 voyageurs par convoi-lieue. 45 voyageurs par convoi-lieu, dont 6 voyageurs de première classe et 39 voyageurs de deuxième classe, vous donneront, au prix proposé par la section centrale, un produit de 16 fr. 35 c, c'est-à-dire un produit beaucoup au-dessous de celui que vous obtenez aujourd'hui sous le tarif que l'on critique.

Où est donc l'avantage qu'a cherché la section centrale ?

La section centrale n'a pas étudié la question, je dois le dire. Elle a complètement perdu de vue la possibilité d'exécution de sa proposition ; elle a perdu de vue la dépense qui devait en résulter, et s'est méprise d'une manière incroyable sur les résultats financiers de son système.

Je ne sais, messieurs, si j'ai besoin de combattre le projet de la section centrale en ce qui concerne le transport des voyageurs par les convois de marchandises, et la suppression, qui en serait la suite, des convois de voyageurs tels qu'ils existent actuellement.

Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu de défenseurs d'un pareil mode de transport dans cette chambre. Cependant je veux en dire un mot.

Les convois de marchandises transporteront les voyageurs qui ne prendront pas les trains de vitesse ; ces convois marcheront à raison de 5 ou de 4 lieues à l'heure, Je ne pense pas qu'on veuille descendre au-dessous de 4 lieues, car dans ce cas, il vaudrait mieux revenir aux anciennes diligences.

Eh bien ! transporter les voyageurs à raison de quatre lieues à l'heure par des convois de marchandises, est-ce chose possible ? Je dis non ; c'est formellement impossible.

M. Bruneau. - C'est ce qui se fait aujourd'hui.

M. de Brouwer de Hogendorp. - C'est ce qui ne se fait pas aujourd'hui. Je dis que c'est impossible.

Je vais prendre un exemple.

De Bruxelles à Tubise il y a 4 lieues ; par conséquent ces quatre lieues devront être parcourues par un convoi de marchandises en une heure.

Mais il y a cinq arrêts. Que faut-il compter pour chaque arrêt pour un convoi de marchandises ? Il est à ma connaissance qu'un convoi de marchandise, s'arrête 25 minutes, 30 minutes. Là où il n'y a pas de voies d'évitement, les waggons chargés de marchandises doivent être déchargés sur la voie. Eh bien, s'il y a cinq arrêts à raison de 10 minutes par arrêt, je n'exagère pas, vous le voyez, 10 minutes par arrêt, cela fait 50 minutes. Or, il m'est donné 60 minutes pour le trajet et les arrêts. Resterait 10 minutes pour faire le parcours. Cela est-il possible ?

(page 839) De Braine-le-Comte à Charleroy, il y a 38 kilomètres, les arrêts sont au nombre de huit. Le voyage devra se faire en une heures 54 minutes. Je déduis 80 minutes pour arrêts ; il me restera 34 minutes pour me rendre de Braine-le-Comte à Charleroy, c’est-à-dire que mon convoi, traîné par une locomotive pesant, avec son tender, 32,0000 ou 33,000 kilog., devra marcher à raison de 67 kilom. A l’heure.

L'honorable M. Bruneau disait tout à l'heure : Cela se fait actuellement. Oui, messieurs, il y a un convoi que je prends très souvent pour me rendre à Malines ; c'est le convoi qui part de Bruxelles à 6 heures et se rend à Gand. C'est un convoi de marchandises auquel on attache quelques voitures de voyageurs. Je demanderai à mes collègues de Gand à quelle heure arrive ordinairement ce convoi ? A 10 heures et demie du soir.

- Plusieurs membres. - A onze heures.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, la chose est extrêmement simple ; je ne sais pas comment on pourrait aller autrement à moins de tout briser.

Il y a de Bruxelles à Gand 76 kilomètres !

Il y a 12 arrêts à raison de 10 minutes.

Or, je le disais tout à l'heure, il m'est arrivé très souvent, il m'est arrivé encore avant-hier d'être retenu à la station de Vilvorde pendant 15 minutes ; eh bien, 12 arrêts à raison de 10 minutes, c'est une perte de temps de deux heures. Pour que le parcours se fasse à raison de quatre lieues à l'heure, le voyageur ne devrait rester en route que trois heures 48 minutes, mais deux heures sont perdues aux haltes ; il ne resterait donc pour faire le trajet qu'une heure 48 minutes. Il faudra qu'avec un convoi pesant plusieurs centaines de tonneaux, traîné par une locomotive dont le poids peut être de 35,000 kilog. y compris le tender, qu'avec ce convoi la ligne de Bruxelles à Gand soit parcourue avec une vitesse de 42 kilomètres à l'heure.

Non, cela est impossible. Les voyageurs qui devront prendre ces convois seront condamnés à rester cinq heures en route pour aller de Bruxelles à Gand. Et vous voulez, par de pareils moyens, augmenter vos recettes. La chose est vraiment incroyable. Comment est-il possible qu'il soit venu dans la tête d'un membre de cette chambre de proposer un pareil moyen de transport en Belgique ! Je le répète, messieurs, si une pareille chose doit être adoptée, je regretterais que nous ayons jamais connu des chemins de fer.

M. de Perceval. - Messieurs, je dois un mot de réponse à l'honorable M. de Man d'Atltnrode. Je serai très court.

D'abord l'honorable membre, en commençant de son discours, vous a dit que je l'avais attaqué en termes vifs et d'une manière fort peu parlementaire. En termes un peu vifs, soit, je l'accorde ; mais d'une manière fort peu parlementaire, non. Je repousse cette allégation par le motif que je n'ai pas été rappelé à l'ordre pendant que je relevais les erreurs et les exagérations de M. de Man.

Il est évident pour nous tous que si j'avais parlé en termes fort peu convenables, notre honorable président m'eût rappelé à mes devoirs. C'est ce qui n'a pas eu lieu, et j'en conclus que les expressions dont je me suis servi pour répondre à l'honorable député de Louvain étaient très parlementaires.

Messieurs, j'ai cru devoir justifier l'administration de l'arsenal et des ateliers de Malines ; j'y ai été amené par les renseignements erronés que l'honorable M. de Man avait apportés à ce sujet.

J'ai dit et je maintiens que le nombre des ouvriers est de 832 et non de 1,200, comme l'avançait M. de Man. Il m'a paru qu'il ne contestait plus ce nombre, et nous voilà donc d'accord sur ce point. Mais il se récrie encore contre l'élévation de ce chiffre ; il déclare que le nombre des ouvriers qui travaillent dans les ateliers doit subir une notable réduction.

Eh bien, messieurs, je dois encore répondre à l'honorable M. de Man qu'une réduction quelconque n'est pas possible.

Connaissez-vous le nombre des locomotives et des voitures qui, par année et en moyenne, sont réparées à l'arsenal et dans les ateliers de Malines ? Je vais vous le donner. Le nombre des locomotives et des tenders qui sont annuellement réparés à l'atelier de Malines s'élève à 170, et celui des voitures de toutes espèces s'élève à 4,750.

Je vous demande, messieurs, si pour réparer par an 170 locomotives et tenders, et 4,750 voitures de toute espèce, le nombre de 832 ouvriers est trop élevé ? Je ne le pense pas, et je suis en droit de déclarer que les attaques de l'honorable membre contre les ateliers de Malines n'ont pas le moindre fondement. Je crois que si l'industrie privée devait faire tous les travaux qui s'exécutent à l'arsenal, celle-ci augmenterait considérablement le nombre d'ouvriers.

J'ai déclaré, dans la séance du 6, que le personnel dirigeant de l'arsenal de Malines ne se compose que de 5 fonctionnaires. Je le maintiens quoique dise ou fasse l'honorable député de Louvain. Il nous a bien cité un chiffre de 30 ou 40 ; mais il est encore une fois dans l'erreur. Le personnel dirigeant de l'arsenal et des ateliers ne réunit que cinq fonctionnaires, qui sont nommés par le gouvernement. Il n'est pas possible de considérer comme fonctionnaires les vingt-quatre employés subalternes qui s'occupent des détails de l'administration. Ainsi je ne puis mettre dans la catégorie des fonctionnaires publics les surveillants, les commis, les dessinateurs, les magasiniers, les aides et les contre-maîtres, etc. Evidemment, messieurs, ce ne sont pas là des administrateurs que l'on peut mettre sur la même ligne que les ingénieurs.

Le personnel de l'arsenal de Malines, ainsi que le nombre des ouvriers qui se trouvent dans les ateliers s s’y font avec ordre et sévérité, et défient toutes les critiques. Et un mot, l’administration de l’arsenal de Malines est économique, elle ne laisse rien à désirer et rend des services réels à l’Etat.

M. Bruneau. - Messieurs, je n'avais plus l'intention de prendre la parole dans la discussion ; je n'ai pas l'habitude d'abuser des moments de la chambre ; elle voudra donc bien me permettre de répondre par quelques mots aux accusations dont le projet de la section centrale a été l'objet de la part de l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp.

L'honorable membre a prêté à la section centrale des propositions qui ne sont pas les siennes, afin de pouvoir la combattre avec plus de facilité.

S'il s'était donné la peine de lire le rapport de la section centrale, il aurait vu d'abord que la section centrale ne propose pas des convois de grande vitesse faisant dix lieues à l'heure au minimum, ainsi qu'il le dit, mais qu'elle ne détermine aucune vitesse d'une manière absolue ; elle se borne à indiquer comme possible une vitesse moyenne de neuf à dix lieues à l'heure.

Voici ce qu'elle dit, à la page 10 de son deuxième rapport :

« Cet article institue les convois de grande vitesse à prix plus élevés. La section croit devoir faire observer ici qu'en fixant le degré de vitesse des deux espèces de convoi, elle n'a eu d'autre but que d'indiquer qu'il doit y avoir une différence bien marquée de rapidité entre ces convois et les convois ordinaires pour que la mesure ne reste pas sans effet sur le produit ; elle reconnaît qu'une proportion rigoureuse ne peut être constamment suivie ni appliquée à toutes les sections du chemin de fer ; elle est donc disposée à considérer cette fixation comme une mesure d'exécution et à l'abandonner à l'appréciation du département des travaux publics. Elle déclare en outre que, selon ses intentions, les convois de grande vitesse ne doivent en général être composés que de voitures de première et deuxième classes. »

Si vous voulez même tracer du texte de l'article 5 la disposition relative au degré de vitesse, je crois pouvoir déclarer au nom de la section centrale qu'elle n'y ferait pas d'obstacle, parce que ce n'est là qu'une mesure d'exécution.

Vous voyez aussi, messieurs, que, dans l'intention de la section centrale, ces convois ne seraient composés que de voitures de première et de deuxième classe.

J'admets maintenant que la section centrale maintienne, comme indication, la fixation de la vitesse de 9 à 10 lieues à l'heure ; est-ce que cela est impossible ? L'honorable préopinant a cité comme obstacle les rails et les machines que nous avons sur nos lignes, et qui ne nous permettent pas d'avoir une pareille vitesse.

Encore une fois, la section centrale n'a pas voulu autre chose que ce qui se fait aujourd'hui ; les convois de vitesse qu'elle a indiqués ne sont pas autres que les convois établis aujourd'hui, par exemple, entre Bruxelles et Ostende, et faisant neuf lieues à l'heure ; c'est tout ce que la section demande, et cependant il n'y a qu'une seule voie sur une partie de cette section de notre chemin de fer.

Pourquoi ce qui se fait aujourd'hui, dans certaines directions, ne pourrait-il pas être fait dans d'autres directions ? Et en supposant même que la section centrale ait émis le désir de voir augmenter un peu la vitesse, où serait le grand mal ?

Etes-vous parvenus à l'apogée de la perfection, quant aux chemins de fer ? Direz-vous qu'il n'y a plus de progrès à réaliser, sous le rapport de la vitesse ? Sans doute non ; eh bien, voilà toute la portée de la disposition proposée par la section centrale. Elle a manifesté le désir qu'on accélérât, autant que possible les convois de grande vitesse que nous avons aujourd'hui.

Quant aux convois de petite vitesse, l'honorable préopinant dit que le système de la section centrale nous renvoie aux anciennes pataches ou diligences.

Encore une fois, l'honorable membre ne s'est rendu compte, ni des intentions de la section centrale, ni de ce qui se fait aujourd'hui ; elle n'a voulu autre chose que ce qui se pratique actuellement pour tous les convois.

Presque tous les convois, excepté les convois de grande vitesse, prennent aujourd'hui des marchandises. (Interruption.)

Vous avez aujourd'hui des marchandises transportées à grande vitesse ; vous avez un tarif spécial pour cela ; ces marchandises sont transportées par les convois ordinaires ; vos convois ordinaires sur la ligne même qu'a citée l'honorable M. de Brouwer ne font pas plus de cinq lieues à l'heure ; et comme, dans l'intention de la section centrale, le nombre d'arrêts aurait été plus nombreux, il était nécessaire de conclure que la vitesse serait encore moindre. La section centrale n'a rien voulu d'absurde, d'impossible, de rétrograde : elle a voulu appliquer ce qui se fait aujourd'hui pour les convois de grande vitesse, comme pour les convois ordinaires.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis laisser clôturer cette discussion, sans répondre quelques mots à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre a commencé par me répondre, suivant la formule adoptée par tous ses prédécesseurs ; il a déclaré que j'avais commis des erreurs incroyables...

(page 840) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Vous mettez ma bonne foi en doute ; c'est au Moniteur.

M. Dumortier. - Je n'ai pas changé un mot à mon discours dans le Moniteur ; au reste, si vous désirez une explication sur ce point, je vais vous la donner tout de suite, N'avez-vous pas dit que l'expérience de 1841 est incomplète, parce que le tarif n'a fonctionné qu'un mois, tandis que vous aviez en main le rapport qui donne le résultat de l'expérience des trois mois ordonnés par l'arrêté de M. Rogier lui même ? et vous venez faire une telle déclaration à la chambre ! Est-ce là de bonne foi ?

Je disais, messieurs, que c'était le procédé des ministres des travaux publics d'autrefois ; lorsque je venais établir que le chemin de fer était en déficit, qu'il avait occasionné des pertes considérables, qu'il avait coûté 200 millions de francs, on parlait aussi des erreurs incroyables, des erreurs monstrueuses que j'avais faites dans mes calculs. Eh bien, la cour des comptes a été juge du litige ; et qu'a-t-elle décidé ?

Elle m'a donné gain de cause sur tous les points, avec cette seule différence qu'elle a prouvé, par ses calculs, que la construction du chemin de fer avait coûté à l'Etat, non pas 200 millions, comme je le disais, mais bien 231 millions, et qu'au 31 décembre 1848, les recettes du chemin de fer, comparées aux dépenses ordinaires, présentaient en déficit le chiffre énorme de 45 millions !

Je fais donc bon marché de pareilles accusations ; ces accusations ne peuvent pas m'atteindre. Si des erreurs incroyables ont été commises, elles l'ont été par M. le ministre des travaux publics. Ainsi, je dis que c'est une chose incroyable de sa part que de venir, par exemple, dire à la chambre qu'il avait pris exprès les chiffres d'Anvers pour répondre à l'honorable M. Osy, et les chiffres de Termonde pour répondre à l'honorable M. Vermeire, à cause qu'ils étaient députés de ces deux villes...

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai pas dit cela.

M. Dumortier. - Vous l'avez donné clairement à entendre.

Eh bien, ce ne sont pas des choses qui doivent se dire dans un parlement. Nous sommes les députés, non d'une localité, mais du pays ; le gouvernement ne doit pas nous mettre aux prises avec l'intérêt particulier des localités qui nous envoient ici ; ce n'est pas au gouvernement à se conduire de la sorte dans le parlement.

Mais, messieurs, il y a autre chose à considérer. Dans les quatre discours que M. Van Hoorebeke a prononcés, discours que nous avons lus plusieurs années auparavant, dans le rapport de M. Desart, M. Van Hoorebeke a toujours adressé à la commission et à la section centrale un reproche que je ne puis pas laisser passer sous silence ; c'est celui d'inintelligence. Nous sommes inintelligents. M. Van Hoorebeke a seul de l'intelligence. (Interruption.) Libre à l'honorable ministre des travaux publics de se donner le monopole de l'intelligence, si cela lui fait plaisir ; mais il ne me paraît pas très gracieux de venir qualifier la commission et la section centrale d'inintelligence. (Interruption.) Vous avez dit et répété que le travail de la commission de 1840 était inintelligent.

Quant à moi, je déclare qu'il est singulier d'entendre cette qualification lorsque l'on vient ici répéter ce qui a été imprimé depuis plusieurs années, dans un livre répudié par tous les ingénieurs de la Belgique, car tout ce qu'a dit M. le ministre des travaux publics n'est rien autre chose que ce que nous avons lu dans le rapport de M. l'ingénieur Desart, rapport, dis-je, qui a été réfuté par tout le corps de l'exploitation du chemin de fer ; et lorsqu'on tient ces discours, il me semble qu'on ne devrait pas nous accuser de manquer d'intelligence.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Où trouve-t-on ces discours ?

M. Dumortier. - Au Moniteur. Vous répétez depuis dix années les mêmes erreurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous ne tenez compte d'aucune rectification.

M. Dumortier. -Vous n'avez rien rectifié.

La cour des comptes m'a donné gain de cause ; elle a été beaucoup plus loin que moi, elle a déclaré que le chemin de fer avait occasionné à la Belgique un déficit de 45,000,000, et vous ne répondrez aucunement à ces arguments de la cour des comptes. (Interruption.) Ce que nous voulons, nous, c'est de faire cesser un affreux déficit qui, comme l'a fort bien dit tout à l'heure l'honorable comte de Mérode, nuit à la défense du pays pour faire circuler à meilleur marché ceux qui ont des chemins de fer ; nous ne voulons pas, nous, voir créer six à huit millions d'impôts dont M. le ministre des finances a dernièrement menacé le pays, et quand le chemin de fer est là qui perd chaque année quatre millions et demi. Certes, messieurs, il est de notre devoir de faire rapporter au chemin de fer avant d'avoir de nouveaux impôts à payer. Voilà tout notre système.

Quel est le système du gouvernement en pareille matière ? Je regrette de devoir le dire, mais en persistant avec une obstination telle à s'opposer à ce que le chemin de fer couvre ses dépenses, en persistant, par conséquent, à prétendre que certaines localités aient des avantages, des privilèges financiers aux dépens de la généralité, il est certain que vous ne faites rienautre chose que d'adopter le système de l'homme malheureusement célèbre, qui disait : La propriété c'est le vol, cemme on l'a dit dernièrement ; car entre les mains du gouvernement, avec son système d'exploitation, la propriété du chemin de fer, c'est le vol légal des contribuables. C'est de ce système que je ne veux pas. Celui qui use du chemin de fer doit payer ; qui n'en use pas ne doit pas payer pour que ceux qui en usent voyagent à meilleur marché.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et les routes ?

M. Dumortier. - Vous n'avez pas contracté d'emprunt pour construire les routes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez donc volé pour les construire ?

M. Dumortier. - M. le ministre devrait consulter le budget de la dette publique, il y verrait ce qui constitue la dette publique de la Belgique ; deux choses, les 24 articles dont nous ne voulions pas et que vous avez votés, puis la création des chemins de fer. Au surplus, quand on a fait la loi sur les chemins de fer, avait-on en vue un déficit pareil ? Non évidemment.

L'honorable M. Mercier vient de citer le texte de la loi de 1834, il est explicite et très clair ; la discussion de plus est là pour vous dire que, quand on nous a proposé la construction du chemin de fer par l'Etat, il entrait dans les vues du gouvernement que le chemin de fer comblât ses dépenses.

L'article 5 est formel à cet égard ; quoi qu'en ait dit un honorable membre, la chambre a toujours entendu que le chemin de fer suffirait à ses dépenses.

L'article 5 porte :

« Les produits de la route, provenant des péages qui devront être réglés annuellement par la loi, serviront à couvrir les intérêts et l'amortissement de l'emprunt. »

A couvrir, remarquez bien, l'intérêt et l'amortissement ; c'est-à-dire que le trésor public devait être indemne. Couvrir, ce n'est pas payer la moitié des iniérêts et de l'amortissement, c'est combler le découvert du trésor. (Interruption.)

Vous prétendez donc que quand la loi dit que les produits serviront à couvrir h s dépenses, ils ne devront pas les couvrir J Singulière logique !

Prenez le Moniteur ; vous verrez que, dans une des séances où la loi fut discutée, le ministre qui la proposait prétendait que le chemin de fer rapporterait 9 p. c. du capital engagé.

C'est dans la séance du 22 ou 23 mars 1834 que M. le ministre déclarait que le chemin de fer rapporterait chaque année 9 p. c. du capital employé à la construction.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. Dumortier. - Si on conteste, je lirai le Moniteur.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne s'agissait que de la section d'Anvers à Bruxelles.

M. Dumortier. - Il ne s’agissait pas seulement de la ligne d’Anvers à la frontière d’Allemagne, mais aussi de celle de Malines à Ostende.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'était pas question des lignes onéreuses qui ont été faites depuis.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et que M. Dumortier a réclamées.

M. Dumortier. - Les lignes onéreuses ne sont pas celles qui ont été faites les dernières. (Interruption.) Ce n'est pas la ligne de Jurbise qui est onéreuse ; vous avez dit vous-même qu'il y avait eu l'année dernière 27 p. c. d'augmentation dans les produits. Je n'en ai pas sollicité d'autre.

Celle-là n'a pas coûté un centime à l'Etat ; vous avez les bénéfices sans avoir les charges. Si toutes les lignes avaient été construites de la même manière, vous n'auriez pas votre dette publique surchargée de 200 millions occasionnés par le chemin de fer.

Celle-là, je l'ai sollicitée quatre ans, je le reconnais, je m'en félicite. Cette ligne a été faite par concession, sauf l'exploitation qui a lieu par l'Etat. C'est la plus belle de toutes nos opérations en matière de chemin de fer, et vous-même vous avez déclaré qu'il avait produit, en 1850, 27 pour cent de plus que l'année précédente.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Avec le même tarif, et ce tarif, c'est le tarif actuel de l'Etat.

M. Dumortier. - Avec le tarif le plus élevé du pays, car vous savez que le tarif de l'Etat n'est pas un ; quand je vais de Bruxelles à Tournay, je paye un franc de plus que pour aller d'Anvers à Bruxelles avec retour, et la distance est la même.

Malgré ce prix plus élevé, la recette s'est augmentée de 27 p. c. en 1850.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais le tarif était le même qu'en 1849.

M. Dumortier. - Je le sais ; mais je dis que le tarif de cette ligne est plus élevé que celui des autres lignes, que c'est le plus élevé de la Belgique sans que cela nuise aux recettes, et que, par conséquent, une augmentation modérée sur les autres lignes n'empêcherait pas la circulation ; car, malgré son tarif élevé, l'augmentation de circulation constatée sur la ligne de Jurbise (puisqu'il y a eu augmentation de recettes, il y a eu augmentation de circulation) prouve que la tarification modérée n'est pas un obstacle à la circulation.

Au surplus, il reste une vérité qui est toujours debout.

On nous vante les convois à vil prix. Je demanderai pourquoi, s'il est logique, M. le ministre ne nous présente pas un tarif au rabais, le tarif du 10 avril 1841. Si M. le ministre était logique, c'est là qu'il devrait arriver ; mais ce tarif, il ne le présentera pas, parce qu'il sait qu'il y aurait réduction dans les recettes.

(page 841) Le tarif que vous voulez maintenir, c'est en somme le tarif de la commission, que sans cesse vous attaquez : cependant si elle a eu tort, pourquoi voulez-vous maintenir son tarif ? Et si elle a eu raison, pourquoi l'attaquez-vous ?

L'expérienc des tarifs est faite depuis longtemps. Il suffit d'examiner ce qui se passe sur les lignes qui sont la continuation de notre chemin de fer. Prenez la ligne de Lille à Paris.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Proposez-en le tarif.

M. Dumortier. - Je ne le proposerai pas, parce que ce serait trop d'élever en une seule fois notre tarif à ce taux. Mais entre ce tarif et celui de la section centrale et de M. Vermeire, il y a encore une différence ; on payerait dans les diligences du chemin belge le même prix que dans les chars à bancs du chemin français.

Il en résulterait une augmentation dans les recettes. Le chemin de fer du Nord a rapporté l'an dernier 25 millions de fr. ; cette année le produit ira probablement à 30 millions, et nous, nous avons toutes les peines du monde à arriver à 15 millions.

Mais, dites-vous, retranchez Paris, et le chemin de fer du Nord n'est pas plus prospère. Dans votre logique, vous retranchez Paris d’un côté et Bruxelles de l’autre. Vous retranchez Paris qui a un million d’habitants et Bruxelles qui en a cent mille ; voilà comme on fait des calculs, comme on arrange les faits ; on retranche Paris dont la population équivaut au quart de la Belgique, et ensuite on compare ! est-ce là une manière loyale de discuter ?

Il n'est pas étonnant que de tous les systèmes que vous présentez aucun ne tienne debout. Ce sont, comme je le disais hier, tous arguments « propter causam ».

Avec une manière aussi loyale, on fait dire aux chiffres tout ce qu'on veut. Ce sont les bases seules qui peuvent être discutées. La seule base discutable ici, c'est l'ensemble de l'opération.

L'expérience que propose le gouvernement ne prouvera rien ; on en tirera des arguments de droite, des arguments de gauche et vous tomberez dans la tour de Babylone.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De Babel ?

M. Dumortier. - De Babel ; la tour de Babel était à Babylone, je suis surpris que les ministres ne connaissent pas mieux leur géographie ancienne. Mais cela ne devrait pas m'étonner quand je vois qu'ils ne connaissent pas mieux les faits actuels.

Vous voulez faire une expérience dont chacun pourra tirer ce qu'il voudra, et si vous voulez maintenir ce tarif d'expérimentation et d'interminable discussion, vous réalisez ces deux vers de Molière.

… C'est vraiment ici la tour de Babylone ;

Car chacun y babille et le long de l'aune.

Voilà, M. le ministre, ce que c'est que votre tour de Babel.

Encore une fois, le système que vous proposez comme expérience est inutile. Toutes les personnes qui ont étudié les questions d'expérience savent très bien le fin de l'opération. Consultez les hommes pratiques des lignes du Nord, de l'Allemagne, de la Belgique ; tous seront unanimes sur ce point que vous n'obtiendrez d'augmentation sur votre chemin de fer que par l'unique moyen d'une augmentation modérée de tarifs. Mais vous vous croyez plus savant qu'eux tous, et c'est ce qui cause ces interminables discussions.

Mais, dit-on, les convois marchent toujours à moitié vides ; pourquoi ne les feraît-on par marcher, en remplissant toutes les voitures ? Par une raison bien simple, c'est qu'il ne dépend pas de nous de remplir les voitures.

Les voitures des chemins de fer ne sont pas des caisses vides qu'un négociant a en magasin et qu'il remplit à son gré. Il faut prendre les voyageurs qui se présentent. Quand il ne s'en présente pas assez pour remplir les voitures, il faul bien qu'elles marchent à moitié pleines.

Avez-vous d'ailleurs avantage à remplir les voitures ? Non ; car, quand les convois sont remplis, c'est aux dépens de la vitesse, parce qu'il y a encombrement à chaque station, et qu'ainsi il y a des temps d'arrêt inévitables pour rattacher ou détacher des waggons. Alors vous n'avez plus de vitesse. Les convois qui circulent les jours de marchés manquent de vitesse, précisément à cause du grand nombre des paysans qui montent et descendent pour aller au marché, et le but du chemin de fer est ainsi manqué. Espérer que vous allez remplir les convois à votre gré, c'est une chimère, comme toutes celles qu'on nous débite pour embrouiller une question si claire.

Ce qu'il faudrait faire, ce serait organiser spécialement des convois de vitesse. Vous pourriez le faire à bon marché, et vous ne nuiriez pas à la vitesse des convois ordinaires. La vitesse est le premier élément de l'opération.

M. le ministre a dit que notre chemin de fer marche avec une vitesse égale à celle du chemin de fer du Nord. Me trouvant avant-hier à la station de Jurbise, j'ai voulu me rendre compte de l'argument de M. le ministre des travaiux publics ; j'ai donc examiné la marche des convois français affichée dans le bureau.

Voici ce que j'y ai vu : Convoi express ; de Paris à Douai, 241 kilomètres (48 lieues de 5 kilomètres). Départ de Paris à 8 heures ; arrivée à Douai à 12 heures environ. Vous avez donc fait la route en 4 heures, ce qui fait 12 lieues kilométriques à l'heure. Voilà comment on voyage en France, tandis qu'en Belgique, comme l'a dit l'honorable M. Bruneau, sauf un convoi qui fait 9 lieues par heure, celui d'Ostende, nos convois ne font que 6, 5 et même parfois 1 lieues à l'heure. Les convois de vitesse n'existent pas en Belgique. Il n'y a qu'une seule exception : c'est le convoi de poste vers Ostende. Il est certain, comme l’a dit avec beaucoup de raison l’honorable M. Bruneau, que nous pourrions faire, dans toute la Belgique, ce qui se fait dans les conditions le plus défavorables, sur la ligne de Bruxelles à Ostende.

Là, il n'y a qu'une seule voie ; il y a tous les embarras imaginables. Cependant on circule avec une vitesse de 9 lieues à l'heure. Et vous venez dire que c'est impossible ! Vraiment, c'est inouï. Pourquoi n'en est-il pas ainsi partout ? Parce que, faute de convois spéciaux pour les marchés, vous vous arrêtez à toutes les haltes. Aussi vos convois sont toujours en retard. Organisez des convois spéciaux pour les marchés, alors vous n'aurez plus besoin de vous arrêter à toutes ces petites haltes où vous perdez tant de temps. Alors vous aurez des convois de vitesse, et vous pourrez réaliser le système de la section centrale.

Au reste, je ne me fais pas illusion sur le système de la section centrale ; ce système est excellent à une condition : c'est qu'il soit accepté par le gouvernement ; car, dans ce système, tout dépend de l'organisation. S'il n'est pas accepté par le gouvernement, voici le résultat qui pourra avoir lieu : c'est que plus tard on nous reprochera ce qui sera le résultat de l'exécution par le gouvernement lui-même.

Pour mon compte, je ne pourrais accepter un pareil reproche, une responsabilité qui serait le fait de ceux qui nous combattent.

Si un amendement, comme celui de l'honorable M. Vermeire, était proposé, je serais loin de m'y opposer, parce que, avant tout, je veux l'augmentation des recettes du chemin de fer.

Je regarde le système de la section centrale comme le meilleur, s'il est convenablement exécuté. Mais je ne repousse aucun système qui aurait pour résultat d'augmenter les recettes du chemin de fer.

Maintenant on objecte que l'amendement de l'honorable M. Vermeire aggrave singulièrement le tarif. Mais, comme l'a fait remarquer l'honorable M. de Mérode, ces augmentations de 25 ou de 50 pour cent dont on parle toujours se résolvent souvent en un accroissement de 10 centimes et même moins. Est-ce bien la peine de jeter les hauts cris contre cet amendement ? Evidemment, ce ne sont pas les tant pour cent qu'il faut prendre, mais les sommes qui en sont le résultat, et ces sommes sont si minimes qu'elles ne peuvent nuire à l'entreprise dont elles augmenteront les bénéfices, au surplus.

Il y a ensuite l'amendement de l'honorable M. Mercier, d'après lequel il y aura, pour le passage d'un tarif à l'autre, une période transitoire. J'appuie cet amendement de toutes mes forces, et j'y donnerai mon vote ainsi qu'aux propositions qui tendent à faire produire le chemin de fer et à éviter les 6 à 8 millions d'impôts dont le pays est menacé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si je prenais, pour répondre à l'honorable M. Dumorlier, le ton qu'il a mis à m'attaquer personnellement, je craindrais réellement d'introduire dans cette chambre des habitudes de discussion qui, dans l'intérêt même de la dignité de nos débats, ne doivent pas y trouver place.

L'honorable membre a incriminé hier la bonne foi du gouvernement. Quand je m'étais efforcé pendant plusieurs jours, en réunissant des faits qui défient toute contradiction, d'établir que l'intérêt financier, l'intérêt mercantile du chemin de fer était compatible avec une tarification modérée, l'honorable membre, ramassant quelques faits qu'il n'a pas compris, qu'il n'a pas su comprendre, s'est élevé contre cette expression que j'avais employée : « les incroyables erreurs » commises par l'honorable membre.

Laissant de côté les impertinences de langage de l'honorable M. Dumortier, allant au fond du débat, je vais justifier qu'en parlant des « incroyables erreurs » de l'honorable M. Dumortier, je n'ai rien dit qui ne fût parfaitement exact. Je me bornerai à citer des faits : je ferai appelait bon sens de la chambre ; je prierai la chambre d'être juge entre l'honorable M. Dumortier et moi.

L'honorable membre m'a reproché de ne pas avoir cité les résultats généraux : il oublie (car c'est son habitude, quand ses adversaires parlent, de ne pas écouter) que j'ai cité les résultats généraux ; il oublie que, quand j'ai comparé le tarif de M. Nothomb avec le tarif aujourd'hui en vigueur, avec le tarif de l'honorable M. Desmaisières, j'ai produit les résultats généraux.

M. Dumortier. - Vous n'avez pas pris les mêmes réseaux.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Pour les 4 premiers mois de 1841, antérieurs au tarif de M. Rogier, et pour les 4 premiers mois de 1842, les réseaux que j'ai pris pour termes de comparaison étaient restés les mêmes.

Je réponds donc encore à une erreur que vient de commettre l'honorable membre.

Les résultats généraux avaient constaté ce fait si important que le tarif de M. Desmaisières, qui réduisait le prix des diligences, avait donné en mouvement et en recette plus que le tarif de M. Nothomb ; que le tarif de M. Desmaisières, qui réduisait le prix des waggons, avait donné en mouvement et en recettes plus que le tarif de M. Nothomb, et que le tarif de M. Desmaisières qui avait augmenté le prix des chars à bancs avait donné en mouvement et en recettes sur toutes les relations moins que le tarif de M. Nothomb.

J'avais dit qu'il y avait une seule exception, que c'était la relation entre Vilvorde et Bruxelles ; que là exceptionnellement, par une anomalie unique, le prix des chars à bancs, sous l'application du tarif de M. Desmaisières, était moindre que sous l'application du tarif de M. Nothomb.

(page 842) Voila bien des résultats généraux dont l'exception confirme la règle et sur lesquels l'honorable membre devrait avoir tous ses apaisements,.

L’honorable M. Dumortier faisait partie de la commission royale de 1841, et il a jugé lui-même, dans le troisième rapport de cette commission, que le tarif qui nous régit devait être et était beaucoup plus favorable que le tarif de l'honorable M. Nothomb. Dans le troisième rapport, daté du 31 janvier 1842 (page 105), la commission compare entre eux les résultats obtenus, pendant la période du 22 août au 31 décembre, sous l’empire du tarif de M. Nothomb et sous l’empire du tarif de M. Desmaisières.

Que dit la commission ? Elle déclare que ce dernier tarif a donné une augmentation moyenne par jour de 1,226 voyageurs et de 1,268 francs, ce qui revient bien à dire que le tarif de M. Desmaisières, qui présentait une réduction de 7 p. c. sur le tarif de M. Nothomb, avait fourni, terme moyen, des augmentations de 20 p. c. en mouvements et de 12 1/2 p. c. en recettes.

L'honorable M. Dumortier me dit : Vous n'avez pris pour exemple que de petites stations. Mais l'exemple sur lequel je viens de m'appuyer n'est pas basé sur de petites stations isolées.

J'ai pris, pour juger des résultats des tarifs de M. Nothomb et de M. Desmaisières, toutes les stations principales, sans exception. L'honorable membre commettait donc une erreur, et cette erreur, je puis la qualifier d'incroyable, en raison de la qualité que l'honorable membre occupait dans la commission.

M. Dumortier. - Les lignes étaient augmentées.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai pris le même réseau.

L'expérience a été faite avec grand soin, nous dit l'honorable membre. J'ai répondu que l'expérience faite en 1841 n'avait pas été faite avec grand soin ; qu'elle n'avait porté que sur un seul mois d'application.

M. Dumortier. - Trois mois.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai compté que le premier mois, et je suis en droit de ne pas compter l'expérience faite pendant les mois de juin et de juillet.

M. Dumortier. - Il vous convient de ne pas la compter ; mais il faut dire la vérité à la chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis d'autant plus en droit de considérer l'expérience faite en 1841 comme incomplète, que la commission de tarifs elle-même, dans son rapport que je tiens à la main, rapport en date du 5 août 1841, reconnaît (je lis) que : « malgré le mauvais temps qui a régné constamment depuis le 1er juin jusqu'à la fin de juillet, le nombre de voyageurs a été beaucoup plus considérable qu'en 1840. »

Voilà ce que la commission reconnaît elle-même. Que devait-elle donc faire ? Si la commission avait voulu être juste, impartiale, voici ce qu'elle aurait dû comprendre.

Le premier mois d'expérience, le mois de mai avait donné en mouvement et en recettes des résultats plus favorables. Je vais encore le prouver par le rapport de la commission.

M. Dumortier. - L'expérience était faite pour trois mois.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le mois de mai 1841 avait donné en recette (puisque c'est à ce point de vue qu'on se place toujours pour juger des tarifs et qu'on fait assez bon marché de la circulation), le premier mois de l'expérience de 1841 avait donné une recette de 344,145 fr. 90 c, ce sont les chiffres que je prends dans le rapport de la commission.

Le mois de mai 1840 avait donné 358,560 fr. 55 c. Il y avait une différence entre le mois de mai 1840 et le même mois de 1841 de 14,414 fr. 45 c.

Or, messieurs, sur les diligences il y avait une différence de 24,000 fr., c'est-à-dire que les diligences, au mois de mai 1841, avaient donné 24.000 fr. de moins qu'en mai 1840.

La commission elle-même reconnaît, constate les causes auxquelles est due cette diminution de recettes. Ainsi, elle dit :

« Il y a eu une diminution extrême dans le nombre des voyageurs en diligence ; ce nombre a été, en 1840, de 69,159 et se trouve réduit pour 1841, à 53,825. Différence en moins, 15,334 ; et, par une suite nécessaire de cette réduction dans le nombre des voyageurs, le montant des recettes a été moindre de 63,475 fr. 05 cent.

« Mais cette réduction dans le nombre des voyageurs en diligence ne doit cependant pas être attribuée à l'élévation du nouveau tarif sur quelques destinations, attendu qu'il a été constaté qu'une réduction à peu près égale a pareillement eu lieu dans les quatre premiers mois de l'année, sous l'empire de l'ancien tarif du 3 février 1839. »

La réduction que l'on a constatée, quant aux diligences, n'est donc pas due au tarif de 1841 ; la commission le reconnaît elle-même.

En effet, janvier 1841 comparé à janvier 1810, donne 5,824 voyageurs en moins.

Février 1841 comparé à février 1840, donne 6,707 voyageurs en moins.

Mars 1841 comparé à mars 1840, donne 4,621 voyageurs en moins.

Avril 1841 comparé à avril 1840 donne 3,298 voyageurs en moins.

Ainsi, vous reconnaissez que la perte de 24 mille francs que l'on a subie sur les diligences en 1841 n'est pas due au tarif de M. Rogier. Vous constatez que cette perte s'est fait remarquer sur les diligences pendant tous les mois qui ont précédé l'expérience.

Ajoutez donc à la recette de 1841 la somme de 24,000 fr. et vous trouverez un excédant net d'environ 10,000 fr.

Est arrivé le mauvais temps. Que devait faire la commission pour être rationnelle dans son appréciation ? Entendant sa mission sérieusement, la commission aurait dû dire : Le premier mois de l'expérience a donné des résultats favorables en mouvement et en recettes. Il est reconnu d'ailleurs qu'un tarif réduit ne peut pas produire, dans le premier mois de son application, toute son efficacité.

Puisque le mauvais temps a contrarié l'expérimentation pendant les deux mois suivants, faisons-en une nouvelle.

M. Dumortier. - La commission a exécuté l'arrêté de M. Rogier.

M. le président. - Je prie les honorables membres de l'un et de l'autre côté de la chambre de cessser leurs interruptions.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai interrompu hier l'honorable M. Dumortier pour lui dire que le tarif proposé par la commission de 1841 n'avait pas été appliqué.

L'honorable membre, qui faisait partie de la commission, m'a dit que c'était une erreur ; ce n'en était pas une et j'ai le droit, encore une fois, de qualifier d'incroyable une semblable erreur, quand elle est commise par M. Dumortier.

J'ai en mains le compte rendu du chemin de fer de l'exercice 1842, et si l'honorable membre veut s'inscrire en faux contre ce document, alors il est libre de qualifier d'erreurs les faits que je signale.

Voici ce que je lis dans le compte rendu :

« La commission instituée par l'arrêté royal du 14 juin 1841, à l'effet de faire un rapport sur les résultats du tarif du 10 avril a pensé, avec moi, qu'il faudrait en venir à percevoir :

« 40 centimes par lieue pour les voitures de première classe.

« 30 centimes par lieue pour les voitures de deuxième classe.

« 20 centimes par lieue pour les voitures de troisième classe. »

Eh bien, messieurs, ce tarif n'est pas celui quia été appliqué. Le tarif qui nous régit est le tarif de M. Desmaisières qui fixe les prix à 37 centimes pour les voitures de première classe, 30 cent. pour celles de deuxième classe, et 18 centimes pour celles de troisième classe.

La commission avait donc proposé un tarif qui, si l'on en excepte les chars à bancs, était un tout semblable à celui de M. Nothomb ; la commission avait proposé au tarif qui était tout à fait celui que l'honorable M. Osy propose aujourd'hui : M. Osy propose, en effet, 40 centimes pour les diligences ; 30 cent. Pour les chars à bancs, et 20 cent. pour les waggons.

Messieurs, je ne puis pas revenir sur tous les développements que comporte cette question, mais je pense que, dans l'intérêt de la discussion, il convient que le caractère véritable du débat soit bien, soit nettement défini. La chambre se trouve en présence de plusieurs propositions, et ce que j'avais prévu au commencement de ce débat s'est pleinement, réalisé c'est-à-dire que les adversaires du projet du gouvernement formulent des propositions si diverses que réellement il est fort douteux que si l'on devait réunir un certain nombre d'opinions pour l'une ou l'autre de ces propositions, il est fort douteux qu'on pût parvenir à former une majorité.

La proposition du gouvernement a cet avantage incontestable de ménager une transition. Elle régularise les prix actuellement existants ; elle permet, en même temps, de juger des effets d'un relèvement de tarif et des effets d'un abaissement de tarif.

Pour certaines relations, les prix seront augmentés dans la proportion de 20, 25 et 30 p. c ; pour certaines autres relations, les prix ne varieront pas, enfin pour d'autres encore, il y aura diminution de 20, 25 et 30 p. c. Le mode d'exploitation étant le même, les circonstances générales restant égales pour toutes les relations, à la fois on pourra apprécier convenablement et avec une grande précision l'influence de l'abaissement et du relèvement de tarifs.

La proposition de l'honorable M. Osy fixe les prix à 40 centimes pour les diligences, à 30 centimes pour les chars à bancs et à 20 centimes pour les waggons ; il résulterait de ce tarif, d'abord une augmentation de plus de 11 p. c. sur le prix des waggons ; cette augmentation il faudrait la combiner avec celle, plus considérable, qui résulterait de la régularisation des prix, pour certaines localités, de telle sorte que l'on aurait évidemment une aggravation sensible de prix et une diminution de circulation, je dirai même une diminution de recettes. Pour d'autres relations encore, cette augmentation de 11 p. c. n'équivaudrait qu'à une diminution très faible, à une diminution de 2, 3 ou 4 p. c. Du reste, comme je le disais tantôt, l'expérience de ce tarif a été faite et les résultats comparatifs attestent qu'il a donné des recettes inférieures à celles qu'à données le tarif de M. Desmaisières.

Quant au projet de la section centrale, je ne pense pas qu'il en soit encore sérieusement question. Il est démontré à la dernière évidence que ce projet n'est pas exécutable, qu'il bouleverserait toutes les relations établies, qu'il serait nuisible au trésor comme au public. Il me serait facile de détruire les arguments qui ont été produits en dernier lieu en faveur de ce système ; mais, pour ne pas prolonger inutilement ce débat, je ne reviendrai pas sur ce système qui me paraît, du reste, je le répète, à peu près abandonné.

(page 843) La proposition de l'honorable M. Vermeire est de la même famille que la proposition de l'honorable M. Osy. Si la chambre entend relever les prix dans le but d'accroître les revenus du chemin de fer, encore une fois, la conviction du gouvernement est que ce but ne sera pas atteint ; mais je comprends sans peine que cette conviction ne soit point partagée par tout le monde ; je comprends sans peine que beaucoup d'honorables membres, dans cette chambre, attendent d'un relèvement peu considérable des tarifs un résultat favorable au trésor ; mais si l'on entend par un relèvement peu considérable des tarifs, préjuger la question, alors je prie la chambre de se rendre attentive aux résultats d'une semblable mesure, aux conséquences d'une mesure qui donnerait en quelque sorte, sans autre forme de procès, gain de cause aux adversaires des tarifs modérés, parce que dans l'application de la proposition de M. Osy comme dans l'application de la proposition de M. Vermeire il serait possible seulement de juger les effets d'un relèvement des tarifs, mais nullement des effets d'un abaissement de tarifs.

Je suppose des relations à inégale distance qui payent aujourd'hui deux francs, je suppose qu'à la suite de l'application de la proposition de l'honorable M. Osy ou de celle de l'honorable M. Vermeire, quelques-unes de ces relations payent 2 fr. 50, c'est-à-dire 25 p. c. de plus ; il est clair qu'à la fin de l'exercice, le gouvernement sera en mesure d'apprécier les résultats dus à cette augmentation de 25 p. c ; mais, sous l'empire de ce système, il ne serait pas possible de juger les effets d'un abaissement de 25 p. c. Or, c'est là précisément la question ; et c'est ce qui me faisait dire, il y a quelques jours, que si l'on voulait tenter cette expérimentation, elle devait se faire sous la double condition que voici :

Il fallait d'abord que le mode d'exploitation fût conservé pour que la question des tarifs fût seule en jeu ; il faudrait, en second lieu, qu'on élevât et qu'on abaissât les tarifs dans une proportion telle que l'action de toutes les circonstances particulières qui, en dehors des tarifs, seraient de nature à modifier la circulation ordinaire des voyageurs, que l'action de ces circonstances fût dominée par celle des tarifs eux-mêmes. Alors l'expérimentation serait concluante.

Eh bien, le projet de loi ménage une transition ; dans toutes les conditions acceptables, l'expérimentation peut se faire. Le projet est un acte de justice ; il met toutes les localités sur la même ligne, il les traite toutes sur le même pied, devant le même tarif. Lorsque cette régularisation aura été faite, lorsqu'on aura été en mesure d'apprécier l'influence qu'auront eue, pour certaines relations, les relèvements et les abaissements, alors la chambre pourra mieux prononcer en connaissance de cause.

Mais décider dès à présent un prélèvement, si peu considérable qu'il soit, c'est préjuger la question, c'est en quelque sorte la confisquer au profit de ceux qui soutiennent que les faits acquis par l'expérience ne comptent pour rien ; ce serait escompter cette question au profit de ceux qui, en l'absence de tout élément propre à former la conviction, soutiennent que nos tarifs sont très bas ; toute leur argumentation se réduirait à dire : « Nos tarifs sont trop bas, parce que partout ailleurs les tarifs sont plus élevés. » Mais on ne prouve pas qu'avec des tarifs plus bas, les compagnies étrangères n'auraient pas fait de meilleures affaires.

Eh bien, je trouve, en comparant les résultats fournis par les compagnies étrangères, que financièrement leur position n'est pas meilleure que la nôtre. Je le prouve par des exemples qu'on n'aborde pas. Je dis que sur dix-neuf compagnies concessionnaires en France, il y en a dix qui obtiennent un produit moindre que le nôtre.

Hier, on citait le chemin de fer d'Anvers à Gand par St-Nicolas ; ce chemin donne 26,000 fr. par lieue exploitée du chef des voyageurs ; notre chemin de fer donne en minimum 60,000 fr. ; je viens de dire, que sur 19 chemins de fer français concédés, 10 donnent beaucoup moins que notre chemin de fer ; il en est 9 qui produisent plus ; et ceux qui produisent le moins ont des tarifs plus élevés eu moyenne que ceux qui produisent plus ; ces derniers ont à peu près le même tarif ; le chemin de fer d'Orléans produit néanmoins pour voyageurs et marchandises 85,000 fr. par kilomètre, et le chemin de fer du Nord ne produit que 40,000 fr. par kilomètre.

Il est donc évident qu'on ne peut pas attribuer au tarif les résultats fournis par les compagnies. J'ai dit pourquoi je ne pouvais pas accepter cette comparaison ; je suis entré dans la discussion de ce qui se faisait ailleurs ; j'ai prouvé que les rapprochements qu'on faisait n'étaient rien moins que sérieux. Dans cet état de choses, c'est à la chambre qu'il appartient de décider entre le système du gouvernement, qui est le plus équitable, et les systèmes divers proposés par quelques membres.

Le système du gouvernement est le plus équitable, parce qu'il ménage la transition ; il est le plus libéral, le plus modéré, parce qu'il ne frappe pas de la surtaxe la plus forte la classe la plus nombreuse de la société. Le tarif qu'a proposé l'honorable M. Osy a précisément pour effet d'atteindre la classe la moins aisée, la plus nombreuse, dans la proportion de 11 p. c, tandis que l'augmentation pour les premières classes n'est que de 3 et de 5 p. c.

Je dois constater un fait qui n'aura pas échappé à 1 a chambre, et qui est de nature à l'édifier sur la diversité des opinions qui se sont fait jour dans ce débat ; plusieurs propositions se sont produites ; l'honorable M. Vermeire propose 8 1/2 centimes, 6 1/2 centimes, 6, et 4 1/4 cent. ; l'honorable M. Osy propose 8, 6 et 4 centimes par kilomètre ; l'honorable M. Mercier comprend que dans la réponse que j'ai faite à l'honorable M. Vermeire, il se trouve des objections très sérieuses ; l'honorable membre ne veut de la proposition de l'honorable M. Vermeire qu'à la condition que les effets de cette proposition ne comportent pas d'augmentation plus forte, par rapport au prix actuel, que de 25 p. c. Que résulte-t-il de ces divergences d'opinion ? Que, dans l'esprit des honorables membres qui attaquent le projet du gouvernement, il y a incertitude complète. (Interruption.)

Que veut-on ? On veut relever les tarifs ; mais dans quelle proportion ? Pourquoi relève-t-on les tarifs dans la proportion qu'indique l'honorable M. Vermeire ? Pourquoi l'honorable M. Mercier vient-il amender la proposition de l'honorable M. Vermeire, et pourquoi ne veut-il pas que l'augmentation dépasse 25 p. c.

Le projet du gouvernement laisse la question intacte. Il sauvegarde toutes les opinions, il n'exclut pas les tarifications ultérieures, et ce projet consacre une expérimentation faite tout à la fois sur des abaissements et des relèvements de prix, ce qui ne se rencontre pas dans les propositions que je viens de combattre.

M. Mercier. - Messieurs, je ferai d'abord une première observation, c'est que nos discussions doivent surtout servir à nous éclairer. Je ne repousse pas les objections justes que M. le ministre des travaux publics peut faire ; mon amendement en est la preuve. Mais de ce que je présente un amendement pour restreindre celui de l'honorable M. Vermeire, il n'en résulte pas que toutes les propositions qui sont faites dans cette chambre ne sont pas le résultat d'une conviction. Je crois que l'honorable M. Vermeire a la persuasion que son amendement est utile.

On peut d'ailleurs éprouver quelques hésitations, et j'avoue que je craindrais d'affirmer que tel système produira inévitablement de bons effets ; ce que je demande avec insistance, c'est que l'on fasse des expériences ; l'honorable ministre des travaux publics pense que l'application des tarifs régularisés fournira une expérience meilleure et plus complète que tout autre essai ; j'ai déjà expliqué pourquoi je ne partage pas cet avis.

J'ajoute maintenant que, d'après les paroles mêmes de M. le ministre des travaux publics, les tarifs de certaines relations sont aujourd'hui de 25 ou 30 p. c. plus bas que la moyenne ; or, quel que soit l'abaissement du tarif que l'on puisse avoir en vue pour l'avenir, je ne pense pas qu'on veuille aller au-dessous de ces proportions ; comme les tarifs de ces relations ont été appliqués pendant dix ou douze ans, on trouvera dans leurs résultats des points de comparaison à mettre en parallèle avec ceux que présenterait un relèvement général de tarif, dans le sens des propositions des honorables MM. Vermeire et Osy ; l'application pendant uns an de l'un ou de l'autre de ces amendements, déciderait probablement la question du tarif des voyageurs, tandis que l'expérience du tarif simplement régularisé laisserait tout dans le doute, et ne serait qu'une perte de temps.

Je ferai observer, en terminant, que mon sous-amendement s'applique à l'un et à l'autre des deux amendements dont je viens de parler.

- La discussion générale est close.

M. le président. - Voici les amendements qui ont été déposés sur le bureau il y a un instant :

Le premier, proposé par M. Osy, est conçu comme suit :

« Art. 5. Les prix de ces trois classes seront établis dans la proportion des nombres 4, 3 et 2 respectivement.

« Pour l'exercice 1851, le prix du transport par waggon est fixé, pour les voyageurs ordinaires, à quatre centimes par kilomètre, prix qui sera appliqué aux distances, conformément à ce qui est stipulé aux articles 2 et 3 et sous les réserves mentionnées aux articles 6, 7 et 8. »

Le sous-amendement de M. Mercier est conçu en ces termes :

« Le tarif qui précède ne sera pas appliqué aux relations du chemin de fer dont les prix actuels, par le seul effet de l'uniformité du tarif, seraient élevés de 25 p. c. ou plus, et ne le sera que jusqu'à concurrence de 25 p. c. aux autres relations.

« L'uniformité du tarif est établie sur les bases suivantes :

« Fr. 0.0750 par kilomètre pour les diligences ;

« Fr. 0.0562 par kilomètres pour les chars à bancs ;

« Fr. 0.0573 par kilomètre pour les waggons. »

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces amendements.

M. Delfosse. - On ferait bien d'imprimar ces amendements, et de les distribuer.

- L'impression et la distribution sont ordonnées.

La séance est levée à 4 heures.