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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 février 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, 1851-1852)

(Présidence de >M. Delfosse, vice-président)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 595) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures trois quarts.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces adresséesà la chambre.

« Plusieurs agriculteurs, à Tournay, demandent la révision du tarif des douanes concernant la graine de colza. »

- Sur la proposition de M. Visart, renvoi à la commission d'industrie, qui est déjà saisie d'une pétition ayant le même objet.


« Un grand nombre de négociants d'Anvers prient la chambre de modifier le projet de loi relatif aux douanes, dans le sens des observations qui ont été présentées par la chambre de commerce de cette ville, et d'autoriser l'admission au bénéfice de l'importation directe des cargaisons des navires qui auront fait escale, que ces cargaisons aient ou bon fait l'objet d'une vente sous voile. »

M. Osy. - Messieurs, la chambre de commerce d'Anvers s'est opposée à l'unanimité, à plusieurs dispositions de la loi du 2 février pour la réforme douanière et a fait au gouvernement des contre-propositions. Sa réclamation a été renvoyée à M. le ministre des affaires étrangères.

Depuis, la bourse d'Anvers s'est émue de cet arrêté, et aujourd'hui le commerce vient à son tour vous demander de ne pas sanctionner plusieurs dispositions de cette loi. La section centrale pour la réforme douanière a été assemblée, il y a huit jours. Le président de cette section centrale a fait au gouvernement plusieurs demandes d'explications, auxquelles nous n'avons pas à répondre. Je demanderai au gouvernement de hâter la réponse à faire à la section centrale. Je demande le renvoi de la pétition à cette même section centrale ; car en raison de la situation commerciale et politique nouvelle faite à la ville d'Anvers, il devient plus urgent que jamais de soigner nos affaires commerciales, et d'avoir une solution réclamée par la chambre de commerce et le commerce. Je désire donc que la loi du 2 février soit réformée sans retard dans le sens indiqué par la chambre de commerce. Je demande donc le renvoi de la pétition à la section centrale, et je prie M. le ministre des affaires étrangères de s'entendre avec son collègue des finances, pour que la section centrale ait le plus tôt possible les renseignements qu'elle a demandés.

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

Projet de loi sur le code forestier

Rapport de la section centrale

M. Orts. - Je dépose sur le bureau de la chambre le second rapport supplémentaire sur les amendements renvoyés à la commission du Code forestier. Ce rapport s'applique aux articles réservés, 29 et 30, sur lesquels MM. Moncheur, Lelièvre et Roussel avaient présenté des amendements.

Il est également fait rapport sur l'amendement de M. Moncheur à l'article 168 du projet et sur l'amendement de M. de Perceval, dont la discussion a été renvoyée à l'article 101.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Titre V. Des adjudications de coupes

Section I. Dispositions générales
Article 43

« Art. 43. Tout procès-verbal d'adjudication emporte la voie d'exécution parée contre les adjudicataires, ainsi que contre les associés et les cautions, qui seront tenus solidairement au payement, tant du prix que des frais, dommages-intérêts, restitutions et amendes, auxquels le marché pourrait donner lieu contre l'adjudicataire. »

M. Lelièvre. - Le projet attribue au procès-verbal d'adjudication la force d'exécution parée contre les adjudicataires et leurs cautions ; je désire savoir s'il est nécessaire que le procès-verbal en question soit signé par les adjudicataires et les cautions. Il n'est pas d'usage en certaines provinces que les adjudicataires apposent leur signature ; mais puisqu'on attribue par notre article des effets nouveaux à l'acte d'adjudication, il est essentiel de bien préciser les formalités qui devront être observées dans la loi nouvelle. Il est important aussi de connaître si l’acte d'adjudication pourra être reçu par un agent forestier.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est évident qu'il faut qu'il réunisse les formalités de l'acte authentique. Si l'individu sait signer, il doit signer ; si au contraire il ne le sait pas, il faut que mention en soit faite. Nous n'avons rien entendu innover sous ce rapport,

- L'article 43 est adopté.

Article 44

« Art. 44. Lorsque l'entreprise de l'exploitation d'nne coupe usagère, affouagère ou autre, sera mise en adjudication, on obiervera les formalités prescrites aux articles 36, 37 et 38 ; les contraventions seront punies d'une amende de 50 à 200 francs.

« L'entrepreneur, en cas de connivence, sera puni de pareille amende, et privé en outre du prix des travaux qu'il aurait déjà exécutés. »

- Adopté.

Section II. Dispositions particulières aux bois indivis
Article 45

« Art. 45. Aucune coupe ordinaire ou extraordinaire, exploitation ou vente, ne pourra être faite par les copropriétaires, sous peine d'une amende de 500 à 3,000 francs. Toutes ventes ainsi faites seront nulles, et les bois abattus seront restitués en nature ou en valeur.

M. Jacques. - Je désirerais que le gouvernement ou la commission voulût bien préciser le sens du mot « indivis » qui se trouve dans le libellé de cette section, et nous dire si l'on doit entendre par bois indivis seulement les bois dans lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis avec des particuliers, ou bien si l'on doit comprendre par bois indivis les diverses catégories de bois de cette nature qui sont désignés au n°3 de l'article premier : « Les bois et forêts dans lesquels l'Etat, les communes et les établissements publics ont des droits de propriété indivis avec des particuliers ; » ou bien encore si l'on doit comprendre de plus sous cette rubrique les bois indivis entre plusieurs communes comme il en est fait mention au second paragraphe de l'article 35.

Si cette expression de « bois indivis » ne comprend que les bois dans lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis avec des particuliers, je conçois parfaitement la teneur de l'article 46. Mais si par l'expression « bois indivis », on devait comprendre en même temps les bois indivis entre plusieurs communes, ou les bois indivis entre des communes et des particuliers, je pense que l'article 46 devrait subir une modification.

La même observation s'applique jusqu'à un certain point à l'article 45. Car si l'on comprenait sous l'expression de « bois indivis » les bois indivis entre plusieurs communes seulement, on ne pourrait pas dire que « aucune coupe ordinaire ou extraordinaire, exploitation ou vente ne pourra être faite par les possesseurs copropriétaires, souspeine d'une amende.» Il faut évidemment dans ce cas que les copropriétaires, qui sont les communes, aient le droit d'exploiter, quand ils y sont autorisés dans les formes requises.

Je demande donc que le gouvernement veuille bien nous donner des explications et préciser ce qu'il entend par bois indivis.

M. Lelièvre. - La loi frappe d'une amende tous les copropriétaires. Qu'arrivera-t-il cependant si parmi eux il se trouve des mineurs qui n'agissent que par leur tuteur ? Certes, il serait injuste de les atteindre, et d'un autre côté l'article qui ne parle que des copropriétaires n'atteint pas les tuteurs des mineurs et interdits. Il me semble qu'il y a une lacune, qu'il est essentiel de combler.

D'un autre côté, la loi commine une peine contre les copropriétaires ; mais lorsqu'il s'agit de communes ou d'établissements publics, la pénalité devrait être prononcée non pas contre eux, mais contre les fonctionnaires et administrateurs qui ne se sont pas conformés à la loi.

La disposition de notre article ne peut donc être maintenue telle qu'elle est formulée. Je propose de la rédiger de la manière suivante :

« Aucune coupe ordinaire ou extraordinaire, exploitation ou vente ne pourra être faite par les copropriétaires sous peine d'une amende de 300 à 3,000 fr.

« Cette amende sera encourue parles tuteurs, curateurs, administrateurs et fonctionnaires qui auront concouru aux actes énoncés au paragraphe précédent.

« Toutes ventes ainsi faites seront nulles et les bois abattus seront restitués en nature ou en valeur. »

Dans d'autres dispositions, on a eu soin de comminer la peine de la manière énoncée en mon amendement, ce qui démontre de plus en plus la nécessité de s'exprimer d'une manière formelle dans l'article en discussion ; sans cela on ne manquera pas de dire inclusio unius est exclusio allius.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, je crois que la signification des mots : « bois indivis », dans l'intitulé de la section II, est parfaitement claire alors qu'on les rapproche de l'article premier. L'article premier appelle « bois indivis » les bois et forêts dans lesquels l'Etat, les communes et les établissements publics ont des droits de propriété indivis avec des particuliers. Ainsi, par exemple, l'Etat possède la moitié d'une forêt et un particulier possède l'autre moitié. Voilà un exemple de bois indivis. Une commune possède, dans la même proportion, avec un particulier : encore bois indivis ; un établissement public possède avec un particulier : bois indivis.

Quant aux propriétés indivises entre l'Etat, la commune et un établissement public, ce ne sont pas des bois indivis au point de vue spécial de la loi, car ces propriétés sont soumises dans leur entier au régime (page 596) forestier, quel que soit leur propriétaire. A ce point de vue restreint, il n'y a réellement pas indivision ; il n'y a pas de différence entre le régime des deux propriétés.

Ainsi, chaque fois qu'un particulier est en état d'indivision avec une des personnes morales que je viens d'indiquer, il ne pourra procéder à aucune coupe ordinaire ou extraordinaire, ni à aucune exploitation, sans tomber sous l'application de l'article 45.

L'honorable M. Lelièvre a trouvé des difficultés dans les termes de cet article, et il voudrait y ajouter une phrase qui fît retomber la responsabilité pénale sur le tuteur, le curateur, etc., du propriétaire qui ne serait point capable de poser par lui-même un acte d'administration. Il va de soi que, quand il est posé un fait défendu par la loi pénale et qu'il y a une amende prononcée contre l'infraction, cette amende retombe sur le véritable auteur, sur l'auteur direct, sur le coupable proprement dit. Jamais un tribunal, interprète intelligent des lois, n'ira infliger à un enfant de deux ans, par exemple, une amende de 3,000 francs, parce que son tuteur aurait fait faire une coupe illégale dans un bois indivis.

Je pense que ces explications doivent rassurer l'honorable M. Jacques et démontrer que l'amendement de l'honorable M. Lelièvre est inutile et surabondant.

L'honorable M. Lelièvre a même introduit dans son amendement un mot dangereux ; il parle d'administrateurs des biens appartenant à des établissements publics, or, si vous les placez parmi les propriétaires indivis, vous dénaturez l'esprit de l'article premier, qui ne considère comme propriétaires indivis, que des particuliers en communauté avec l'Etat, les communes ou les établissements publics.

M. Lelièvre. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable M. Orts. En effet, il est de principe que les lois pénales sont de stricte interprétation et qu'il faut une disposition formelle pour atteindre un fait par peine publique. Il n'est pas possible en cette partie de raisonner par induction ou par analogie. Or, qu'on lise l'article et l'on se convaincra qu'il n'atteint que les copropriétaires ; donc eux seuls sont passibles d'une peine, ce qui n'est pas juste lorsqu'il s'agit de mineurs et de personnes incapables d'administrer leurs biens.

Mais il y a plus, les tuteurs et administrateurs maintiendront avec fondement que la pénalité ne leur est pas applicable parce qu'ils ne sont pas copropriétaires, seules personnes que frappe l'article en discussion. En matière pénale, il ne suffit pas d'une explication, une énoncialion formelle de l'intention du législateur est indispensable parce qu'une pénalité ne peut résulter que d'une disposition formelle. Le doute ou le silence de la loi profile au prévenu ; il me paraît donc évident que si vous ne frappez pas formellement les tuteurs et administrateurs, ils échapperont à la condamnation, et cela est d'autant plus indubitable que lorsqu'on a voulu les atteindre dans d'autres dispositions, on a eu soin de l'exprimer en termes exprès. Mon amendement a donc une utilité réelle.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je crois qu’il y a beaucoup moins de danger à maintenir l’article tel qu’il est rédigé, qu’à le modifier de la manière que le propose l’honorable M. Lelièvre. Quand on dit qu’aucune coupe ne pourra être faite par le copropriétaire, il est bien évidemment entendu qu’il s’agit du copropriétaire ou de ses représentants légaus. Il ne peut y avoir aucune difficulté. Si vous donniez à cet article le sens restrictif que lui attriue l’honorable M. Lelièvre, il arriverait que le copropriétaire qui ferait faire, par exemple, une coupe par un mandataire, échapperait à la pénalité comminée par l’article 45. Eh bien, cela ne peut pas avoir lieu. S’il est vrai que les matières pénales sont de stricte application, il y a aussi des principes dont l’application est faite sans contestation aucune.

Eh bien, lorsqu'on dit qu'aucune coupe ne peut être faite par le co-propriétaire, on entend par là ni par le copropriétaire ni par ses représentants. Il y a un délit, lorsque la coupe est faite. Maintenant surgit la question de savoir qui sera responsable de ce délit ; ce ne sera pas le mineur qui n'aura pas pu agir ; ce sera le tuteur qui aura commis le délit. Si ce n'était pas le copropriétaire qui serait puni comme copropriétaire, il y aurait une autre manière d'atteindre le tuteur : il serait atteint comme un délinquant ordinaire.

. Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir l'article 45 tel qu'il est rédigé.

Quant à l'amendement présenté par l'honorable M. Jacques, l'honorable rapporteur de la commission a présenté des observations auxquelles je me rallie complètement.

M. Lelièvre. - Je ne conçois pas quel inconvénient il peut y avoir à énoncer dans la loi une disposition qui atteigne les représentants des copropriétaires de même que les administrateurs qui ont concouru aux actes illégaux. Il ne suffit pas de dire que la chose est ainsi entendue, il s'agit de loi pénale, et par conséquent, tout doit être énoncé en termes clairs et précis.

Pour qu'une personne soit frappée d'une peine, il faut que la loi l'atteigne in terminis. Or, si vous adoptez l'article tel qu'il est conçu, vous vous ne comminez une peine que contre les copropriétaires seuls désignés dans la disposition ; cette qualification ne pouvant s'appliquer aux tuteurs et administrateurs, il en résulte que ceux-ci ne tombent pas sous le coup de la loi ; il y a absence de disposition à leur égard, et par conséquent l'impunité leur est assurée.

Qu'on ajoute donc les expressions, « les copropriétaires ou leurs représentants légaux » ou toute autre énoncialioii renfermant une ssanction claire et précise ; sans cela il y a une lacune qui amènera nécessairement l'acquittement des prévenus. En matière pénale, il est prudent de e rien laisser à l'interprétation, et alors qu'on convient que mon amendement est conforme à l'intention de la loi, je ne conçois pas l'opposition qu'il rencontre.

Il y a plus, la disposition atteint tous les copropriélaires, alors même qu'ils sont mineurs. Or, pareille prescription n'est pas soutenabîe. Mon amendement a encore un autre avantage, c'est celui de prévenir une autre difficulté. Le texte de l'article ne permettra-t-il pas de soutenir que les mineurs et autres personnes placées sous l'autorité d'autrui sont frappées de la pénalité, sauf leur recours contre les tuteurs ? On dira que le fait du tuteur est considéré comme le fait du mineur et, qu'en conséquence, celui-ci est passible de la pénalité énoncée en notre article et qui, dans la matière dont nous nous occupons, a le caractère d'une pénalité civile.

Mon amendement a pour objet de rendre toute diflficulté impossible sur la portée de notre article, et, à mon avis, il doit recevoir votre sanction.

M. Jacques. - Messieurs, j'admets l'explication donnée par l'honorable rapporteur et par M. le ministre de la justice, quant au sens qu'on veut attacher au mot « indivis », c'est-à dire qu'on y appliquera la définition indiquée au n°3 de l'article premier. En me plaçant à ce point de vue, je ne vois pas de modification à introduire dans la rédaction de l'article 45 ; mais n'y aura-t-il pas une modification à faire dans la rédaction de l'article 46 ?

M. le président. - Epuisons d'abord l'article 45 ; vous présenterez votre observation à l'article 46.

M. Jacques. - Bien.

M. le président. - La discussion est close sur l'article 45 et sur l'amendement qui s'y rapporte.

- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix et (erratum, page 603) rejeté.

L'article 45 est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 46

« Art. 46. Les coupes indivises seront vendues à l'instar de celles du domaine, et les prix versés à la même caisse. Chacun des copropriétaires recevra sa part du produit des ventes, ainsi que des restitutions et dommages-intérêts, déduction faite des frais d'arpentage, d'adjudication, de régie et de garde. »

M. Jacques. - Je ne viens pas proposer d'amendement, mais, je, pense que la rédaction de l'article ne peut pas rester telle qu'elle est en, présence de la signification que l'on a donnée au mot « indivis » ; il me semble, messieurs, qu'il ne serait pas convenable de faire verser dans les caisses du domaine le prix des coupes de bois appartenant à des communes ou à des établissements publics par indivis avec des particuliers. Si l'on agi sait ainsi, il faudrait que les communes s'adressassent à l'Etat pour obtenir la remise de fonds qui auraient dû être versés directement dans les caisses communales.

Il semble donc que pour les bois indivis entre une commune ou un établissement public et des particuliers, le prix de vente doit être versé dans la caisse de la commune ou de l'établissement public ; que la commune doit, pour les bois qu'elle possède par indivis avec des particuliers, être placée sur la même ligne que l'on place le domaine pour les bois indivis dans lesquels l'Etat a des droits.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cette disposition a été introduite dans l’intérêt des copropriétaires indivis. Dans le système de l’honorable M. Jacques, il faudrait faire verser le prix des coupes indivises dans la caisse de la commune.

Je ne pense pas que le propriétaire d'une coupe indivise ait la même garantie lorsque le prix des coupes est versé dans la caisse de la commune que lorsqu'il l'est dans les caisses du domaine. Il n'y a dans ce dernier cas aucune difficulté pour le propriétaire indivis à retirer son argent. Il y a là une garantie plus forte que celle qui se trouverait dans le versement dans la caisse de la commune. Lorsque les parties seront d'accord sur la part revenant à chacune d'elles, le domaine remettra à chacune la part qui lui reviendra. Au contraire, aucune garantie ne sera accordée par la commue, et une des parties pourra recevoir une part supérieure à celle qui doit lui être attribuée.

M. Orban. - Je crois que la difficulté d'interprétation provient de ce que l'explication donnée par le rapporteur de la section centrale en ce qui concerne la signification à donner aux mots « bois indivis » n'est pas la véritable signification telle que l'a eue en vue le rédacteur du projet. Je crois que l'on doit entendre par « bois indivis » tous les bois dans lesquels, soit des particuliers, soit des communes, soit des établissements publics ont des droits communs avec le gouvernement ; mais il faut toujours que le gouvernement soit l'un des propriétaires indivis.

Je conçois, en effet, que lorsque de semblables coupes sont faites on verse le produit dans les caisses de l'Etat, qui est le copropriétaire offrant le plus de garantie ; mais je ne comprends nullement que l'on aille recourir à l'intervention de l'Etat, aux caisses du gouvernement, lorsqu’il s’agit simplement de la vente d'un bois auquel le gouvernement est complétement étranger, lorsqu'il s'agit, de la vente d'un bois indivis entre des particuliers et une commune.

Je crois que l'interprétation que je viens de donner aux mots « bois indivis » est la seule admissible.

M. Orts. - Je crois que la signification que j’ai donnée tout à l’heure aux mots « bois indivis » est réellement la bonne signification, celle que les projets de la commission primitive et de la commission parlementaire ont voulu attacher à ces mots. L’interprétation proposée par (page 597) l'honorable M. Orban esl d'autant moins admissible que dans l'article premier, on a substitué le mot « ou » au mot « et », précisément pour rendre plus claire la pensée que je prétends être celle de la loi.

Maintenant j'estime qu'il faut conserver cette signification au mot « indivis » dans l'article en discussion, parce que, comme l'a dit M. le ministre de la justice, l'Etat, alors même qu'il n'est pas copropriétaire indivis, a toujours un intérêt d'argent engagé au moment de la coupe pour les frais d'arpentage, de régie et de garde, par cela seul que le bois est soumis au régime forestier. Ce n'est donc pas à raison de ce que l'Etat est copropriétaire que l'article dispose comme il le fait. C'est parce que le propriétaire avec lequel le particulier se trouve dans l'indivision, étant une commune, un hospice ou un bureau de bienfaisance, la propriété indivise est soumise au régime forestier, et qu'il faut que le gouvernement ait les moyens de rentrer, au moment du payement des coupes adjugées, dans les dépenses qu'il a faites pour l'arpentage, la régie et le payement de gardes.

Le but est fiscal : on veut que le gouvernement puisse se payer de ces frais par compensation, par retenue et pour y parvenir on exige que le prix de la coupe soit versé dans la caisse du domaine.

- L'article 46 est mis aux voix et adopté.

Section III. Dispositions particuliers aux bois des communes et des établissements publics
Article 47

« Art. 47. Les conseils communaux et les administrations des établissements publics décident si les coupes doivent être délivrées en nature, pour l'affouage des habitants et le service des établissements, ou si elles doivent être vendues, soit en partie, soit en totalité. Leur délibération sera soumise à l'approbation de la dépulalion du conseil provincial. »

- Adopté.

Article 48

« Art. 48. Les ventes seront faites, à la diligence des bourgmestres ou des administrateurs des établissements publics, en présence d'un agent forestier ou d'un garde délégué, et en conformité du cahier des charges, arrêté par la députalion du conseil provincial. Elles ne seront définitives qu'après avoir été approuvées par ce collège. »

M. Moncheur. - Cet article dit que le cahier des charges pour la vente des bois communaux sera arrêté par la députation du conseil provincial. Un autre article, l'article 40, relatif aux cautionnements à fournir par les adjudicataires, porte que chaque adjudicataire sera tenu de fournir, au moment de la vente, les cautions exigées par le cahier des charges. Je suppose qu'il est dans l'intention des rédacteurs du projet de laisser à la députation du conseil provincial et au conseil communal le soin de juger s'il est nécessaire ou non de demander des cautions aux adjudicataires des coupes des bois communaux. S'il en est ainsi, je crois que l'article 48bis que propose la commission, qui permet de dispenser, dans certains cas, de la caution, serait inutile, parce que la députation et le conseil communal trouveront déjà dans l'article 48 la faculté d'insérer ou de ne pas insérer cette clause dans le cahier des charges, selon qu'ils le jugeront convenable.

Souvent les cautions sont inutiles pour les ventes en détail des bois communaux, d'abord parce qu'elles ne sont pas d'une grande valeur, et ensuite parce que le receveur communal ou le notaire qui fait la vente garantissant le payement du prix, la caisse communale est à l'abri de toute perte.

Il doit donc être bien entendu, selon moi, que par l'article 48 il est laissé à l'arbitrage de la députation et du conseil communal de décider s'il faut ou non exiger caution dans le cahier des charges relativement aux bois communaux, mais je provoque, sur ce point des explications.

M. David. - J'adresserai une question à l'honorable M. Moncheur, et je lui demanderai si le cahier des charges peut déroger à une loi positive.

L'article 40 dit qu'en tout cas on exigera des cautions des acheteurs.

Le cahier des charges ne peut déroger à une clause aussi précise. Pour pouvoir y déroger il faut que nous adoptions l'article 48bis. Sans quoi ni les conseils communaux, ni la députation permanente ne peuvent établir dans les cahiers de charges des clauses contraires à la loi.

M. Moncheur. - La rédaction de l'article 40 répond à l'observation de l'honorable M. David. Les deux premiers paragraphes de cet article sont ainsi conçus :

« Chaque adjudicaire sera tenu de fournir, au moment de la vente, et séance tenante, les cautions exigées par le cahier des charges.

« L'adjudicataire en retard de fournir caution, sera déchu : il sera procédé immédiatement à une nouvelle adjudication. »

Evidemment, si le cahier des charges exige des cautions, l'adjudicataire devra, en vertu de cet article, les fournir immédiatement. Mais si le cahier descharges n'exige pas de caution, il n'y aura pas lieu à en fournir. C'est ainsi que l'article 48 concorde avec l'article 40. Il n'y a pas de dérogation, puisque le conseil communal et la députation permanente peuvent en dispenser. En général, on n'exige pas de caution dans la vente des bois communaux, parce que cette caution éloignerait beaucoup d'acheteurs.

Comme il s'agit de portions très faibles, par exemple, de quarts d'hectare, on ne doit pas toujours exiger des adjudicataires des cautions. Si on en exigeait, les amateurs, au lieu de venir à une vente de bois communal, iraient s'approvisionner à la vente des bois des particuliers. Ainsi, vous nuiriez à la vente des bois communaux au profit des particuliers. Ainsi que je l'ai dit, la commune est parfois sans intérêt pour, exiger des cautions ; c'est lorsque le notaire chargé de la vente ou le receveur se porte garant du prix de vente.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que, dans tous les cas, il faut une caution. Je ne pense pas que la députation puisse, par une clause générale, dispenser de fournir caution.

M. Moncheur. - Il s'agit, non pas de clause générale, mais de clause particulière.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est certain que la question du cautionnement se rattache aux conditions de solvabilité. Vous ne pouvez donc pas décider à l'avance si les adjudicataires devront ou non fournir caution. De sorte que la règle générale doit être que la caution sera fournie.

La commission a pensé qu'il pouvait y avoir des difficultés et même du danger pour la vente, si, dans tous les cas, il fallait exiger des cautions de la part des adjudicataires. C'est pour cela qu'on a inséré l'article 48bis, qui permet dé dispenser les acheteurs de l'obligation de fournir caution, lorsque le fonctionnaire, chargé de la vente ou de la recette, garantit la solvabilité des acheteurs.

Ainsi, l'on évitera qu'un individu soit blessé de ce qu'on ne croie pas à sa solvabilité et qu'il ne se présente pas.

M. Moncheur. - Il résulte des observations de M. le ministre de la justice qu'il approuve l'article 48 bis, tel qu'il est proposé par la commission.

S'il en est ainsi, je puis me déclarer satisfait, concernant l'objet de ma demande d'explications ; car il sera bien établi qu'il ne sera pas exigé, dans tous les cas, des cautions pour la vente des bois communaux, mais qu'on pourra en dispenser les adjudicataires, non d'une manière générale, mais dans tel ou tel cas spécial, dont le conseil communal sera juge, sous l'approbation de la députation permanente.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous voulons que la commune soit garantie, qu'elle ait la certitude de recevoir le prix de la vente, lorsqu'il y a adjudication. C'est pour cela qu'on exige des cautions. Cependant, comme cela présenterait des difficultés dans certains cas, on dit que le cautionnement pourra être fourni, par le notaire qui fait la vente, ou par le receveur chargé de l'encaissement.

M. Deliége. - Je crois que l'incident de l'article 48bis est terminé. Je propose maintenant, par amendement, de changer légèrement la première phrase de l'article 48. Cet article porte :« Les ventes seront faites à la diligence des bourgmestres. » Aujourd'hui ces ventes seront à la requête du collège des bourgmestre et échevins. D'après l’article 90, n°2° de la loi communale, c'est au collège des bourgmestre et échevins à exécuter les résolutions du conseil communal, et à procéder à la vente des bois communaux.

Je propose donc de rédiger ainsi le commencement de l'article 48 :

« Les ventes seront faites à la diligence des bourgmestre et échevins, ou...»

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à oet amendement.

- L'article 48 est adopté avec l'amendement proposé par M. Déliége, consistant à substituer les mots : « collèges des bourgmestre et échevins » aux mots « bourgmestres. »

Article 48bis

« Art. 48 bis. Si le fonctionnaire chargé de la vente ou de la recette garantit la solvabilité des acheteurs, le conseil communal ou l’établissement vendeur pourra dispenser ces derniers de l'obligation de fournir caution. »

M. Lelièvre. - Je pense qu'on ne peut admettre la disposition telle qu'elle est proposée par la commission. Lorsque le fonctionnaire chargé de la vente ou de la recette est responsable des deniers, c'est dans son intérêt que la caution est exigée. C'est donc lui qui, doit être consulté sur la qnestion de savoir si les adjudicataires doivent ou non fournir caution.

Il ne peut dépendre du conseil communal ou* de l'établissement vendeur de dispenser les adjudicataires d'une obligation qui intéressé le fonctionnaire responsable des deniers.

La disposition proposée par la commission donne lieu à une autre observation. Lorsque le fonctionnaire chargé de la vente ou de la recette est responsable des deniers au moyen d'un tantième qu'il perçoit, il me paraît évident qu'en ce cas le procès-verbal d'adjudication n'emporte plus la voie d'exécution parée, le fonctionnaire devenant intéressé personnellement, perd la qualité d’officier public et le procès-verbal d’adjudication ne vaut plus que comme acte sous seing privé.

La stipulation d'un droit de recette en faveur du fonctionnaire qui procède à la vente, le rend intéressé dans l'adjudication, ce qui est incompatible avec sa qualité d'homme public.

Je pense donc que l'article en discussion, s'il est maintenu dans la loi tel qu'il est formulé peut présenter des inconvénients. Et pour mon compte je ne puis l'admettre.

M. Orban. - Il faudra d'abord savoir quel est le sens véritable que la commission a voulu donner à cet article. A-t-elle entendu que lorsque le fonctionnaire, chargé de la vente, garantit la solvabilité d'un acquéreur, cette garantie sert de caution à la commune ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est évident.

M. Orban. - Très bien ! De sorte que, en définitive, la commune a (page 598) toujours un cautionnement ! Seulement, lorsqu'un fonctionnaire aura garanti la solvabilité de l'acquéreur, cette caution sera le fonctionnaire lui-même.

Entendu dans ce sens, je vois sans doute moins d'inconvénients à l'adoption de l'article, que si l'on avait purement et simplement supprimé la caution. Car il ne s'agit pas ici d'intérêts minimes, de ventes nécessairement peu importantes, comme l'a énoncé la commission.

La commune pourra décider, d'après l'article 47, que les coupes seront délivrées en nature ou qu'elles seront vendues soit en partie soit en totalité. Il pourra donc s'agir de la vente de la totalité de la coupe communale ; et c'est dans ce cas que le fonctionnaire chargé de présider à la vente pourrait dispenser de fournir caution. Or, je le répète, il ne s'agit pas ici d'un objet de petite importance.

Il semblerait, d'après les explications que j'ai provoquées, que le fonctionnaire public chargé de procéder à la vente sera lui-même constitué caution en place de l'acquéreur. Je vois un grave inconvénient à prendre ainsi pour caution l'autorité communale elle-même. Car s'il est vrai que l'autorité communale s'identifie en quelque sorte avec son représentant, ce sera la commune qui se fournira caution à elle-même ; et dans le cas ou il s'agira de discuter la responsabilité de l'adjudicataire, il est certain que le fonctionnaire qui s'est porté caution pourra se trouver dans une position extrêmement délicate.

Remarquez en effet qu'il ne s'agit pas seulement d'assurer le payement des ventes, il s'agit également de la responsabilité qui peut lui incomber du chef de délits commis dans la coupe, des outre-passes qui peuvent avoir eu lieu, de tous les délits qui sont constatés au moment du recolement. Il est certain que dans ce cas, l'action du fonctionnaire communal peut être plus ou moins influente, puisqu'en engageant la responsabilité de l'adjudicataire, il engage également la sienne.

M. Orts, rapporteur. - Mesieurs, deux mots d'abord à l'honorable M. Lelièvre, qui voudrait que la dispense de caution dont parle l'article 48 pût être donnée par le fonctionnaire qui se porte lui-même garant de la solvabilité des acheteurs. Ce système n'est pas admisible.

L'honorable M. Orban a déjà fait ressortir tout à l'heure jusqu'où s'étend la responsabilité de l'adjudicataire, et par conséquent de celui qui se substitue à lui. C'est une première raison que je signale à l'honorable M. Lelièvre.

Mais il y en a une autre.

Quelle que soit la garantie que présente le fonctionnaire qui accepte de répondre de la solvabilité des acquéreurs, la commune a toujours un intérêt, un intérêt capital à voir s'il y a lieu ou non de dispenser les acquéreurs de la caution. Ce n'est pas l'affaire exclusive du fonctionnaire, parce que, par le fait de ce fonctionnaire, la commune n'est pas désintéressée.

Je suppose, par exemple, qu'il s'agisse de mettre en vente une coupe de bois dont le produit sera éventuellement d'une cinquantaine mille francs. Le receveur communal a un cautionnement de 3 à 4,000 fr., qu'eu égard à sa recette ordinaire, on trouve suffisant. Si ce receveur garantit la solvabilité des acquéreurs, il est clair que la commune n'a d'autre caution vis-à-vis de lui que sa moralité personnelle qui est la caution de tout le monde ; plus, en garantie réelle, les 4,000 fr. de cautionnement. La commune est par conséquent à découvert, si elle n'exige d'autre caution que la garantie de son agent, de toute la différence entre les 4,000 fr. de cautionnement et les 30,000 fr. qui seront le produit de la vente.

La commune a donc un intérêt à se mêler encore de la question, à examiner s'il suffit que le fonctionnaire chargé de la vente se soit porté garant de la rentrée du prix. Il faut dès lors que dans tous les cas le conseil communal ou l'établissement vendeur apprécie si l'on peut dispenser les acquéreurs de l'obligation de fournir caution ou non.

Cette dispense, messieurs, dans la pensée de la commission, doit être rare, doit être une exception et ne se produire que lorsqu'il s'agit de très minces intérêts. Un conseil communal qui en agirait autrement, qui dispenserait de la caution pour une coupe de grande importance, ferait un acte de mauvaise administration que l'on n'entend en aucune façon conseiller. Nous ne pensons pas même qu'une autorité communale quelconque oublie ses devoirs au point de méconnaître ce que nous attendons ici de sa prudence.

L'honorable M. Orban demande quel est le sens véritable de l'article 48 bis, ce que l'on entend par l'offre de supporter la garantie de la solvabilité des acheteurs. M. le ministre de la justice a déjà, par une interruption, fixé le sens de l'article 48 à ce point de vue, et l'honorable M. Orban s'est déclaré satisfait. Je n'ai donc pas à y revenir.

L'honorable M. Orban craint que les communes ne se trouvent placéce dans une position assez critique au point de vue de leurs intérêts matériels, si l'on permet aux fonctionnaires chargés de la vente ou de la recette de garantir la solvabilité des acheteurs. Il peut se faire, dit-il, que le fonctionnaire chargé de diriger la vente soit en même temps un administrateur communal et qu'en définitive la commune soit ainsi sa propre caution à elle-même.

Je crois qu'interpréter l'article en ce sens serait un abus. S'il s'agit d'un receveur communal, la difficulté soulevée par l'honorable M. Orban n'existe pas. Le receveur communal est le préposé de la commune, il n'est pas la commune elle-même. C'est un homme avec lequel la commune a coutume de discuter des intérêts d'argent ; ses devoirs, ses obligations sont parfaitement définis.

Je ne pense pas que l'on puisse considérer comme entrant dans l'esprit de l'article, de permettre à un bourgmestre ou à un échevin de se porter garant de l'acquéreur d'une coupe communale.

Lorsque l'article parle de fonctionnaires, il parle de l'officier public que l'on emploie pour passer l'acte de vente, de l'huissier, du notaire, par exemple, quand on fera procéder à la vente, par l'intervention d'un de ces officiers ministériels. Dans ce cas, je dirai même qu'il ne s'agit plus en fait de garantie que de l'application du droit commun, car les officiers ministériels qui font des ventes mobilières sont, en vertu de la loi du 22 pluviôse an VII, et de l'article 623 du Code de procédure civile, responsables de la solvabilité des acquéreurs vis-à-vis du vendeur.

Je ne pense donc pas que l'objection soulevée par l'honorable M. Orban puisse empêcher la chambre de voter l'article 48bis.

M. Orban. - En présence de la déclaration qui vient d'être faite, que l'on n'entend pas accorder à un bourgmestre ou à un autre fonctionnaire communal la faculté de dispenser de fournir caution, que l'on n'entend par le fonctionnaire chargé de la vente que le notaire chargé de cette besogne, mes objections viennent à disparaître. Mais je me félicite d'avoir provoqué ces explications qui déterminent beaucoup plus clairement le sens de l'article.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 49

« Art. 49. Les coupes de bois communaux, destinées à être partagées en nature pour l'affouage des habitants, n'auront lieu qu'après que la délivrance en aura été préalablement faite par les agents forestiers. Les bois en provenant ne pourront être partagés sur pied, et l'exploitation en sera faite, soit par un entrepreneur spécial, soit sous la garantie de trois habitants solvables, choisis par la commune et agréés par l'administration forestière. Ces habitants seront soumis aux mêmes obligations que les entrepreneurs. »

M. Moncheur a proposé de rédiger comme suit la seconde partie de l'article :

« Les bois en provenant ne pourront être partagés sur pied qu'avec l'autorisation de la députation permanente. En ce cas, les habitants co-partageants seront responsables des délits commis dans leurs portions. »

La commission propose de substituer à l'amendement et à l'article 49 lui-même, la rédaction suivante :

« § 1er. Comme au projet.

« § 2. Les bois en provenant ne pourront être partagés sur pied sans autorisation du gouvernement et la députation entendue.

« L'arrêté royal d'autorisation réglera la responsabilité des exploitants, pour les délits et les contraventions qui pourraient être commis pendant l'exploitation.

« En l'absence d'autorisation l'exploitation sera faite... (Le reste comme au projet de la commission). »

M. Moncheur. - Messieurs, l'article 47 que nous avons adopté, statue que :

« Les conseils communaux et les administrations des établissements publics décident si les coupes doivent être délivrées en nature, pour l'affouage des habitants et le service des établissements, ou si elles doivent être vendues soit en partie, soit en totalité. »

Mais, d'un autre côté, l'article 49 du projet porte que les bois provenant de ces affouages ne pourront être partagés sur pied, et que l'exploitation en sera faite soit par un entrepreneur spécial, soit sous la garantie de trois habitants solvables. N'approuvant pas cette dernière disposition, j'ai proposé, par un amendement qui a été renvoyé à la commission de ne pas écrire dans la loi cette défense absolue de partager sur pied les bois destinés à l'affouage des habitants, et j'ai dit, dans les développements de mon amendement, que ce serait là blesser l'intérêt des habitants et froisser de très anciens usages, attendu que dans une très grande partie de la province de Namur, les bois d'affouage se partagent, en général, sur pied, et qu'une part étant donnée à chaque chef de ménage ou à deux chefs de ménage tout au plus, ces derniers trouvent un avantage réel à couper eux-mêmes le bois qui leur est attribué, qu'ils font cela à temps perdu, lorsque tout autre ouvrage leur manque, de sorte qu'ils gagnent ainsi la main-d'œuvre de la coupe.

La commission a adopté le fond même de mon amendement. Cependant elle a exigé une formalité de plus que celles que j'avais déjà proposée surabondamment et que j'avais cru tout au moins suffisantes : elle a exigé l'autorisation du gouvernement outre l'approbation de la députation permanente.

Dans le sein de la commission j'ai cru devoir, pour ne pas compromettre le sort de mon amendement sur le fond, j'ai cru devoir, dis-je, me rallier à ce sous-amendement ; toutefois, je dois déclarer que si mon amendement était repris, je le préférerais encore, car je ne sais vraiment pas pourquoi le gouvernement doit intervenir dans une affaire de ce (page 599) genre, qui se règle déjà et sans aucun inconvénient sous le seul contrôle de la députation.

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la nouvelle rédaction proposée par la commission ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président.

M. Orban. - Je crois, messieurs, que les restrictions apportées à la faculté qu'ont les administrations communales, de faire le partage sur pied, que ces restrictions sont non seulement inutiles mais encore peu en harmonie avec les autres dispositions du Code forestier. Je crois qu'elles seraient peu en harmonie avec ce principe qu'il ne faut faire intervenir l'autorité royale que dans les cas de majeure importance. Non seulement il s'agit ici d'une affaire qui, en matière d'exploitation de bois, a peu d'importance, mais il s'agit d'une de ces affaires que la commission a entendu rétablir plus complètement encore que le projet primitif, dans les attributions de l'autorité communale.

L’intervention du Roi n'est exigée que pour les coupes extraordinaires et on l'exigerait ici pour une simple affaire de ménage ! Il y aurait défaut d'harmonie entre ces deux dispositions et je pense que quand la commission y aura réfléchi elle reconnaitra qu'il est inutile de maintenir cette formalité et que l'intervention de la députalion permanente est plus que suffisante, si elle croit même devoir l'exiger pour une affaire d'affouage.

Je reprends l'amendement de M. Moncheur.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, la disposition de l'article 49 n'a rien de commun avec la faculté, étendue dans le chef des conseils communaux quant à la distribution des parts d'affouage entre les habitants qui possèdent un pareil droit. En effet, nous avons étendu le droit des conseils communaux lorsqu'il s'agit de répartir l'affouage, de déterminer quels sont les habitants qui ont droit à l'affouage et dans quelle proportion chacun y prendra part. Voilà où les droits des conseils communaux ont été étendus par le projet. Mais jamais on n'a prétendu que les conseils communaux iraient s'immiscer dans des opérations qui tiennent au régime forestier, à la conservation des propriétés boisées, à la police des forêts, à la facilite de réprimer comme de commettre les délits.

Nous voulons qu'une fois le droit d'affouage reconnu, une fois l'emplacement où ce droit sera exercé, déterminé par l'autorité communale, il ne soit pas permis aux habitants d'aller opérer sur pied le partage du bois destiné à l'affouage, l'abattre eux-mêmes, sans garantie sérieuse, envahir la forêt de manière à rendre complètement illusoire la surveillance de l'administration et à compromettre la conservation de la forêt. Que l'on abatte régulièrement et avec les garanties nécessaires le bois destiné à l'affouage, et qn'après cela les habitants de la commune se le partagent comme bon leur semble, la loi n'y met aucun obstacle.

Lorsque nous avons discuté ce système, nous nous sommes trouvés en présence d'habitudes contraires, extrêmement regrettables au point de vue de la conservation de la propriété boisée, habitudes qualifiées non seulement de regrettables, mais de détestables, par ceux qui ont à s'en occuper en théorie., A ce propos, l'honorable M. Moncheur nous dit : Il peut se faire, et par exception, dans certains lieux, pour certains bois,, que cette habitude n'offre pas d'inconvénient grave, si la manière de jouir des habitants est bien dirigée. Or, nous avons pensé que dans une circonstance aussi exceptionnelle, en supposant qu'elle puisse jamais se présenter, on pourrait, à la rigueur, autoriser le partage sur pied. Mais nous avons reconnu au même instant que si l'on voulait prévenir les abus, il fallait quelque chose de plus qu'une simple décision de l'autorité communale.

La nécessité de s'adresser à une autorité administrative supérieure pour obtenir cet avis sur la possibilité de faire ce que désire voir autoriser l'honorable M. Moncheur était donc reconnue.

Nous avons également pensé qu'il fallait, et l'honorable M. Moncheur reconnaissait que cela était nécessaire, entendre l'autre partie intéressée dans le débat, 'c'est-à-dire l'administration forestière. Du moment où cette double appréciation est nécessaire, l'éventualité d'un conflit entre la manière de voir de l'administration forestière d'une part et de la députalion permanente d'autre part s'est révélée, il fallait bien faire trancher le conflit par quelqu'un. L'un voulait accorder la prépondérance à la dépuiation, les autres à là décision de l'administration forestière. Ce dernier avis était à peu prés la pensée de tout le monde. Mais pour donner dans ce système une garantie de plus contre l'administration forestière, on a dit : « L'administration proprement dite ne sera pas juge et partie ; ce sera le pouvoir central dans son expression la plus élevée, ce sera le pouvoir royal qui videra le débat. »

Si donc nous avons recouru au Roi, c'était pour donner à l'honorable M. Moncheur et aux intérêts dont il plaidait la cause, ueo garantie de plus que les intérêts seront appréciés avec toute la bienveillance, compatible, du reste, avec la bonne police et la conservation des forêts qui est le but principal de la loi. Veut-on que le but principal de la loi soit manqué dans une disposition essentielle ? Eh bien, qu'on laisse l'entrée libre de la forêt aux habitants pour le partage sur pied du bois d'affouage ; qu'on leur permette de l'abattre, sans garanties sérieuses, avec la responsabilité illusoire qu'offrent des insolvables, et bientôt on aura démoli d'une main ce qu'on édifie avec tant de peine de l'autre.

M. Orban. - Messieurs, j'insiste sur l'inopportunité qu'il y aurait à exiger l'intervention de l'autorité royale pour permettre aux communes de partager leurs bois de cette manière, Remarquez que lorsque l'autorité royale intervient dans les affaires de cette espèce, ce n'est que pour des coupes extraordinaires, coupes que des communes ne demandent que très rarement ; ce sont donc des affaires qui ne peuvent que surcharger inutilement le pouvoir central.

Mais il s'agit ici d'un fait qui se reproduira chaque année ; tons les ans les communes devront recourir à cette demande d'autorisation royale ; or, faut-il admettre un principe qui nécessite l'intervention du Roi, chaque année, dans le mode d'exploitation et de partage d'un émolument communal ? Ce serait méconnaître complètement l'importance et la gravité de ses attributions.

M. Moncheur. - Messieurs, ainsi que je viens de le dire, si je me suis rallié au sous-amendement fait par la commission à mon amendement, ce fut pour ne pas compromettre le sort du principe même de ma proposition ; mais je répète aussi que, dans le fond, je pense que l'intervention du gouvernement n'est nullement nécessaire pour un objet de cette espèce et que l'autorisation que j'avais exigée de la députa-ion permanente devrait suffire.

Lorsque, après avoir entendu l'administration forestière, la députalton accordera l'autorisation de partager sur pied le bois d'affouage entre les habitants d'une commune, elle le fera en connaissance de cause, et alors seulement qu'elle se sera pleinement convaincue que ce mode de partage n'offre aucun inconvénient.

L'honorable rapporteur a dit très fidèlement à la chambre une partie de ce qui s'était passé dans le sein de la commission ; mais je dois compléter son rapport à cet égard.

Il est vrai que l'opinion y a été émise, que l'habitude de partager sur pied était une très mauvaise habitude ; mais il est vrai aussi que j'y ai fortement combattu cette opinion. J'ai soutenu que cet usage très ancien, et constamment suivi, n'avait donné lien jusqu'à présent à aucun inconvénient ; mais qu'au contraire il en résultait beaucoup d'avantages. (Interruption.) Oui, je déclare que de la manière dont les choses se pratiquent dans les diverses contrées de la province de Namur, ce mode de partage ne donne lieu à aucun abus ! On ne voit pas, comme le craint M. le ministre de la justice, les forêts envahies par une foule d'habitants qui vont tout abattre, tout saccager, même les arbres réservés par le balivage ; non, mais on a affaire à des chefs de ménage connus, domiciliés dans la commune, et qui sont responsables des délits commis dans leurs portions. Comme chaque chef de ménage possède une portion d'affouage, il ne s'élève point de rixe entre eux pour s'attribuer la plus grande part possible de bois.

Je persiste donc à croire que l'on pourrait revenir à l'amendement tel que je l'avais proposé ; mais, en tout cas, je suis persuadé que le gouvernement sera amené par la force même des choses et par l'évidence des faits à accorder, d'une manière générale, l'autorisation de faire ce qui se fait aujourd'hui, c'est-à-dire de continuer le partage sur pied moyennant les garanties que l'on jugera nécessaires.

M. Thibaut. - Messieurs, je voudrais savoir jusqu'où va la défense proposée par l'article 49. Exige-t on seulement que le bois soit coupé et étendu sur le sol ? Et laisse-t-on alors à l’administration communale le soin de le partager comme bon lui semble

M. le ministre de la justice me fait un signe affirmatif ; dès lors je vois poindre tous les inconvénients, dont parlait tout à l’heure l'honorabIe rapporteur de la commission, et cela, vous prouve, messieurs, qu'il ne faut pas attacher une trop grande importance aux inconvénients qu'on a signalés.

En effet, le bois étant abattu, le partage étant fait entre les habitants de la commune, vous allez voir apparaître cette invasion, non pas de barbares, mais d'hommes insolvables dont vous parlait tout à l'heure l'honorable M. Orts. (Interruption.)

Elle ne se fera plus à main armée, mè dit-on ; mais pense-t-on que chaque habitant va emporter sur le dos chacun des arbres abattus avec ses branches et dans toute sa longueur ? Le plus souvent ce sera du bois de chauffage ; il faudra le diviser. Vous voyez que ce grand inconvénient que l'on signale d'une population armée de serpes, qui se répand dans une coupe de bois, devra nécessairement se reproduire ; mais en réalité, ce n'en est pas un.

La conservation des bois ne tient pas du tout à la manière de faire le partage de l'affouage. Si la plupart des bois communaux sont dans un si triste état, cela tient à d'autres causes ; j'en indiquerai quelques-unes.

Cet état de choses tient d'abord à ce que trop souvent on permet l'enlèvement de tout ce qui sert à l'engrais du bois, non seulement dans les années où le bois pourrait à la rigueur s'en passer, mais encore dans la première année de la recroissance et jusqu'à l'année de l'exploitation.

Cela tient encore à ce que pour couper les herbages, on se sert presque toujours de faucilles, d'instruments tranchants, taudis qu'on ne devrait autoriser cet enlèvement qu'au moyen des mains.

Cela tient encore à ce que les gardes forestiers tolèrent trop souvent la séparation du bois mort au moyen de serpes et couperets.

Voilà quelques-unes des causes qui expliquent l'état déplorable où se trouvent la plupart des bois communaux.

Mais quant au mode d'exploitation, tel qu'il est suivi, surtout dans la province de Namur, je crois qu'on peut le conserver, sans crainte qu'il amène la détérioration des bois communaux.

Comme l'honorable M. Moncheur l'a dit, voici ce qui se pratique (page 600) habituellement : un ou deux experts sont désignés par l'administration, communale pour estimer la valeur de la coupe et la partager en autant de fractions qu'il y a d'habitants ; on tire ces fractions au sort ; chaque individu obtient un lot et ne peut l'exploiter que lorsqu'il est muni d'un bulletin délivré par l'administration communale, bulletin qu'il doit représenter à toutes les réquisitions du garde forestier. Et non seulement le garde surveille l'exploitation, mais chaque bûcheron est surveillé par tous les autres. Vous voyez donc que les choses se pratiquent de manière à ce qu'on ne puisse craindre de détérioration du bois. Quant à moi, je désirerais vivenenl qu'on laissât les communes libres d'agir comme elles l'ont fait jusqu'à présent dans leurs bois d'affouage, et je désirerais que tout le paragraphe de l'article 49 disparût de la loi forestière.

M. David. - Prétendre que le mode de délivrance sur pied des coupes affouagères peut devenir nuisible à la bonne conservation des forêts, c'est condamner implicitement toutes les ventes publiques qu'ont faites les communes et qu'elles feront à l'avenir.

Les communes ne vendent pas leur bois par immenses parties, comme cela se pratique dans les forêts de l'Etat, elles vendent par petits lots. Qu'est-ce qui arrive lors de ces ventes et à partir du jour où est délivré le permis d'exploitation ? A partir de ce jour, les habitants de la commune dont les bois doivent être exploités, se rendent comment et quand ils l'entendent, chacun dans sa portion, coupent, exploitent, etc., pendant tout l'hiver et même jusqu'en juin et juillet, lorsque ce sont des bois à écorces. S'il y a inconvénient d'un côté, il existe également de l'autre ; vous condamnez les deux modes de vente en même temps.

Peur rester fidèles à votre principe, vous devriez ordonner aux communes de ne plus vendre que par grandes portions. Pour donner toute espèce de facilité à nos gardes, il faudrait que les lots fussent de quatre ou cinq hectares : ainsi ces employés n'auraient qu'un seul individu à surveiller au lieu de 10, 15 ou 20.

Les distributions de coupes affouagères sont faites par petites portions, tout à fait à l'instar des coupes vendues par petites portions, elles sont séparées par des laies.

Que tous les gardes forestiers fassent leur devoir, et il n'y aura aucun inconvénient à soumettre à la députation permanente seule l'approbation des délibérations des conseils communaux sur cet objet.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Moncheur, qui a proposé l'amendement en discussion, a déclaré se rallier à la modification proposée par la commission. Il vous a dit aujourd'hui seulement qu'il regarde cette modification comme inutile. Comme la commission et le gouvernement y attachent une certaine importance, il ne doit pas lui être très difficile de se rallier à notre manière de voir. Je crois que c'est à bon droit que la commission a modifié cet amendement, qu'elle s'est rapprochée du système du gouvernement. Il suffit de savoir en quoi consiste le mode d'exploitation que l'on propose pour le condamner. Il tend à donner aux communes le droit de faire sur pied le partage des bois qui doivent être délivrés aux affouagers et à ne fixer, pour ainsi dire, aucun délai pour déterminer le commencement et la fin de l'exploitation.

Vous remarquerez que, dans ce système, il n'y a pas de surveillance possible. L'honorable M. David nous disait : « Que les gardes forestiers fassent leur devoir. » Il deviendrait impossible aux gardes forestiers de faire leur devoir, à moins qu'on ne les multiplie à l'infini. Lorsqu'il n'y a pas de délai fixé pour les affouagers, lorsqu'ils peuvent se rendre dans les bois l'un à la fin d'octobre, de novembre ou de décembre, l'autre en janvier, lorsqu'il suffit d'aller au bois en temps perdu, il est évident que les gardes ne peuvent se multiplier et exercer leur surveillance convenablement.

D'un autre côté, la vente va dégénérer en rixes entre les habitants mêmes ; car lorsque vous assignez à chacun une certaine quantité, il est évident qu'il y aura pour chacun une certaine tendance à prendre la plus grande part possible. Dans les bois il y a continuellement empiètement. (Interruption.) Eh ! mon Dieu ! je sais bien ce qui se passe.

J'ai vu assez d'exploitations de bois pour pouvoir en raisonner aussi pertinemment que M. Thibaut. Ce système est tellement vicieux que toutes les communes qui, à ma connaissance, l'appliquaient, l'ont abandonné.

Les communes exploitent leur bois et quand il est coupé il est divisé en portions et distribué. Les portions sont tirées au sort. L'intérêt de chacun à abattre le plus de bois possible diminue, parce qu'il ne peut pas savoir la portion qui lui écherra ultérieurement.

L'honorable M. Thibaut disait qu'il était inutile de faire intervenir l'autorité royale pour une affaire d'aussi minime importance, et qu'on s'exposerait à devoir la faire intervenir tous les ans.

D'abord, je ne trouve pas qu'il s'agisse d'un objet d'une aussi minime importance ; c'est, au contraire, l'une des choses les plus importantes, dont nous ayons à nous occuper au point de vue de la bonne exploitation des forêts. Si les coupes sont mal faites, si on ne laisse pas une réserve suffisante, si les affouagers détruisent ce qui doit être réservé, les bois finiront par être complètement détruits.

Il ne faudra pas que l'autorité royale intervienne tous les ans, car toute l'exploitation ne présente pas les mêmes inconvénients. Ainsi quand il s'agit de baies a écorcer ou de coupes où rien ne doit rester, où tout est enlevé, la surveillance n'est pas la même ; on peut abandonner aux habitants le soin d'exploiter ; il n'y a pas de limites à assigner pour la réserve, on n'a pas à veiller à ce qu'ils ne la dépassent pas ; tandis que dans les autres coupes, il faut une surveillance très active, il faut un délai assigné.

Rien n'empêche de dire que pour les haies à écorces il y aura une exception.

Si dans certaines contrées le partage sur pied n'a donné lieu à aucun abus, si les exploitations sont bien faites par les habitants, rien n'empêche qu'une disposition générale soit prise. Comme je regarde le partage sur pied comme très nuisible à la bonne conservation des forêts, je demande le maintien de l'autorisation royale.

M. Orban. - Je propose une modification qui sera, je pense, acceptée par M. le ministre de la justice, et d'après laquelle il suffirait d'une autorisation une fois donnée pour les coupes à faire dans les communes auxquelles on l'accorderait.

Je proposerai de rédiger comme suit le paragraphe 2 :

« Les bois en provenant ne pourront être partagés sur pied que là où l'autorisation en aura été accordée par le gouvernement, la députation permanente entendue. »

J'évite par là la nécessité de renouveler peut-être chaque année la demande d'autorisation royale, pour des exploitations qui ne peuvent être faites que dans certains moments ; ainsi, pour les haies à écorce, l'exploitation doit se faire au moment de la séve. Je demande s'il n'y aurait pas danger à devoir attendre chaque année que l'autorisation d'exploiter vienne du gouvernement. Vous l'évitez, en soumettant cette exploitation à une autorisation préalable, une fois donnée pour chaque commune et pour un temps déterminé. C'est ce qui m'a déterminé à proposer une modification au paragraphe 2.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas en quoi la rédaction proposée par l'honorable M. Orban modifie la disposition. Le gouvernement a le droit de prendre une mesure générale, une fois pour toutes, jusqu'à révocation, d'après laquelle les haies à écorces pourront être exploitées sur pied. Par suite de l'amendement proposé, rien ne serait modifié, quant au principe. Je ne vois donc aucune utilité à l'adopter.

M. Thibaut. - Je crains que la proposition du gouvernement et de la commission ne soit adoptée par la chambre. C'est pourquoi je demanderai à quelles obligations peuvent être soumis les entrepreneurs de l'exploitation de la coupe. Est-ce que toutes les obligations imposées aux adjudicataires par le titre suivant leur sont applicables ? S'il en est ainsi, voici l'inconvénient que je signalerai à la chambre : on ne trouvera pas trois habitants solvables de la commune pour se charger de l'exploitation, et on devra s'adresser à un entrepreneur auquel la commune devra payer une somme assez forte. C'est une nouvelle charge imposée aux communes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Thibaut raisonne comme si cette mesure n'avait jamais été appliquée. Or, il y a des entrepreneurs ou deux ou trois habitants qui répondent de tous les délits qui ne seraient pas constatés, et ce n'est pas une très grande charge pour les communes. Ce système est suivi là où il y a le plus de bois et où les bois sont le mieux exploités. C'est celui qu'on a trouvé le plus favorable à la bonne exploitation.

M. Moncheur. - Messieurs, ce qui se passe ici prouve l'inconvénient qu'il y a à vouloir réglementer toutes les parties du pays par les mêmes dispositions légales, alors que, suivant les différentes localités, il y a différents usages, différentes habitudes qui sont passées dans les mœurs des habitants. En effet, ce qui peut être un abus dans une localité, n'en est pas un dans une autre.

Ainsi, le mode du partage, des affouages sur pied pourrait peut-être avoir des inconvénients graves dans des contrées autres que celles que j'ai citées et que je connais le plus particulièrement, tandis qu'il n'en présente aucun dans celles-ci, où il est pratiqué depuis des siècles. On objecte qu'il y a impossibilité d'établir des limites suffisantes entre les parts des affouagers, de sorte que les uns font invasion dans la portion des autres, d'où il résulterait des rixes, etc.

Mais, messieurs, tout cela n'existe pas en fait, et on se crée des chimères pour les combattre. Tout se passe, au contraire, avec ordre et très pacifiquement. Chaque portion est séparée de la portion voisine, par ce qu'on appelle une laie, et chaque copartageant reste dans sa portion. Jamais l'un ne va couper le bois de l'autre ; s'il le faisait, il serait un voleur de bois, et il ne vole pas plus le bois de son voisin dans la portion de celui-ci, qu'il ne va voler le bois d'un voisin dans sa cour. C'est absolument la même chose. Ainsi, les inconvénients signalés par M. le ministre de la justice, dans les usages locaux, que je désire voir maintenir, n'existent réellement point.

Ces usages peuvent ne pas convenir aux pays que M. le ministre connaît le mieux, mais ils conviennent à d'autres contrées dont il n'a pas, comme moi, une parfaite connaissance. Or, ces usages doivent se perpétuer dans la province de Namur.

M. Orts, rapporteur. - A entendre les honorables préopinants, nous proposerions encore une fois ici quelque nouveauté inouïe, nous changerions une pratique excellente, universellement admise. C'est, au contraire, une mauvaise pratique que l’on veut extirper, une pratique universellement reconnue comme telle dans toute l'Europe forestière, proscrite par tous les Codes forestiers, condamnée en tous lieux, sinon, paraît-il, dans la province de Namur.

- Un membre. - Elle existe dans le Luxembourg.

(page 601) M. Orts. - M. le ministre vient de dire le contraire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Elle n'y existe pas, sauf pour les haied à écorces.

M. Orts, rapporteur. - Ce qui est une tout autre question.

Ce que nous voulons introduire existe, je le répète, dans tous les Codes forestiers, cela a existé comme loi chez nous depuis le régime français, depuis l'ordonnance de 1669, confirmée par la loi du 15-20 septembre 1791. Si le contraire s'est produit dans la province de Namur, c'est une violation constante de la loi, et voici comment.

Les députations permanentes de cette province, sous le roi Guillaume, se sont crues assez puissantes pour déroger à la législation forestière, et l'administration forestière n'a pas toujours eu assez de fermeté ou de pouvoir, pour ramener à l'exécution stricte de la loi, comme l'a exigé et obtenu précisément pour l'objet en discussion l'administration française. Le Code forestier de 1827, rédigé par des gens qui s'y entendaient passablement, en présence des mêmes habitudes vicieuses, a été beaucoup plus rigoureux que la proposition primitive du gouvernement, et plus rigoureux surtout que ce que nous proposons à titre de transaction au profit des usages en faveur desquels l'honorable M. Moncheur a réclamé.

Le Code forestier français n'admet la disposition de l'article 49 qu'à la condition exclusive de trouver un adjudicataire responsable de ce qui se fait pendant l'exploitation de la coupe. La faculté de le remplacer par trois habitants solvables n'est pas admise en France. Vous le voyez, messieurs, nous sommes plus tolérants que le Code forestier français.

M. Moncheur. - Je demande la permission de dire quelques mots encore pour répondre à l'honorable rapporteur.

Selon lui, ce qui se pratique dans la province de Namur, ne se ferait qu'en violation de toutes les règles appliquées dans l'Europe entière et prescrites par tous les Codes forestiers connus, et la députation permanente n'aurait pu le tolérer qu'en négligeant de faire exécuter les lois existantes.

Je réponds à cela que les cahiers des charges proposés ou approuvés par l'administration forestière ont toujours respecté les usages dont il s'agit dans cette discussion ; une seule fois, il est vrai, c'était en 1826, l'administration forestière avait voulu introduire dans les cahiers des charges pour le partage des bois d'affouage, la défense du partage sur pied, parce qu'elle l'avait vue, sans doute, dans l'ordonnance de 1669, ou dans quelque autre Code forestier ; mais les états provinciaux de Namur, attentifs aux intérêts de leurs administrés, ont adressé, à cet égard, des réclamations, ou, comme on disait alors, des doléances à S. M. le roi Guillaume, et ce souverain n'a pas hésité à faire supprimer cette innovation.

C'est donc à tort, et très injustement que l'on accuse l'autorité provinciale d'avoir méconnu les lois forestières. Elle a agi légalement et conformément aux graves intérêts qu'elle était appelée à défendre.

- La discussion est close.

Le vote sur le sous-amendement de M. Orban constate que la chambre n'est plus en nombre.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.