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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 février 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 603) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

M. Thiéfry. - Dans la séance d'hier M. Lelièvre a présenté à l'article 45 un amendement qui a été rejeté et par erreur les Annales parlementaires le mentionnent comme adopté : cette erreur sera rectifiée.

Le procès-verbal de la séance est parfaitement exact.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire fait l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Fafchamps, ingénieur civil, présente des observations sur l'article 4 du projet de loi relatif aux brevets d'invention. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs distillateurs demandent que le département des finances fasse les expériences nécessaires pour connaître le véritable rendement sur les eaux-de-vie indigènes. »

M. Mercier. - Il est urgent de mettre un terme à la position défavorable dans laquelle se trouvent les distillateurs des campagnes, relativement à ceux des villes, à cause du drawback trop élevé qui est accordé par ces dernières à la sortie du genièvre consommé extra muros. Je demande donc que la commission fasse un prompt rapport sur la pétition dont l'analyse vient de nous être donnée.

- Cette proposition est adoptée.


M. Prévinaire, retenu chez, lui par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi sur le code forestier

Rapport de la commission spéciale

M. Orts, rapporteur. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rappport supplémentaire de la commission chargée de l'examen du Code forestier sur les amendements présentés aux articles 82 et 83 par l'honorable M. Moncheur. Ces articles avaient déjà été examinés une première fois par la commission ; après un nouvel examen, elle a persisté dans ses résolutions.

- Plusieurs voix. - La lecture !

M. Orts. - Messieurs, l'honorable M. Moncheur, en produisant des amendements aux articles 82 et suivants du projet, a soumis à la discussion publique un système déjà examiné au sein de la commission, et discuté aux pages 33 et suivantes du premier rapport.

Ce système, on s'en souvient, donne matière à de graves difficultés relatives à l'appréciation des droits et des obligations qui incombent aux usagers vis-à-vis des propriétaires du fonds grevé : soit au cas de cantonnement et de rachat, soit durant l'exercice de l'usage.

L'honorable M. Moncheur reprend, par ses amendements, les propositions originaires de la commission gouvernementale, propositions auxquelles le ministère ne s'est point rallié et que la commission parlementaire n'a admises que dans une mesure restreinte.

L'exposé des motifs et notre premier rapport démontrent que la crainte de toucher à des droits acquis a déterminé dans cette conjoncture la conduite du gouvernement et de votre commission.

Devant l'importance du sujet, la commission n'a pas hésité à soumettre ses premières décisions au contrôle d'une seconde discussion. Les amendements de l'honorable M. Moncheur ont été examinés derechef dans son sein et en présence de M. le ministre de la justice.

Après mûre délibération, les propositions actuelles de la commission ont été maintenues pour les raisons exposées dans le premier rapport, auxquelles on croit pouvoir se référer.

L'amendement proposé à l'article 82 est rejeté en conséquence par trois voix contre deux.

L'article 83 nouveau, par deux voix contre deux et une abstention.

L'article 83bis, par trois voix contre deux.

La commission persiste dans ses résolutions antérieures.

Rapport sur une pétition

M. Loos (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans une de nos dernières séances, l'honorable M. de Baillet, rapporteur de la commission des pétitions, a rendu compte d'une pétition datée d'Anvers, 1er novembre, qui figure au bulletin n°2, sous le n°17, dans les termes que voici :

Quelques habitants d'Anvers demandent qu'il soit pris des mesures pour que chaque électeur puisse exercer librement ses droits politiques.

J'ai pris immédiatement connaissance de cette pétition ; elle accusait gravement un fonctionnaire dépendant de l'administration communale d'Anvers d'avoir, dans les dernières élections, violenté par obsession et menace la conscience des électeurs. J'ai cru qu'il m'appartenait de faire des investigations pour connaître la vérité.

Il en résulte que toutes les signatures apposées sur cette pièce sont fausses. Sur 22 personnes dont les signatures figurent sur la pétition, 17 ont été interpellées qui ont déclaré que les signatures apposées n'étaient pas les leurs. La pétition ayant été renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, je demande l'autorisation de déposer sur le bureau là pièce que je tiens en main, et je prie la chambre d'en ordonner le renvoi à M. le ministre pour en faire tel usage que de droit.

M. Coomans. - Il faut renvoyer aussi la pétition à M. le ministre de la justice.

M. Loos. - Je croyais que M. le ministre de l'intérieur aurait renvoyé la pétition à son collègue de la justice ; mais je me joins à l'honorable membre qui m'interrompt pour demander le renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

M. Orts. - Je voulais demander ce qu'on vient de réclamer par voie d'interruption. Je demande à la chambre de décider que la pétition sera renvoyée à M. le ministre de la justice pour être adressée au parquet que la chose concerne. Déjà de tels faits se sont présentés trop fréquemment devant la chambre depuis quelques années. J'avais fait naguère une proposition du même genre au sujet de pétitions relatives à l'enseignement moyen.

La chambre, pressée alors de terminer ses travaux, n'a pas pris de décision sur ma proposition. Ces faits constituent des faux punissables La cour de cassation de France l'a récemment décidé à propos d'une fausse pétition adressée à l'Assemblée nationale de France.

- La chambre, consultée, prononce le renvoi delà pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

Projet de loi sur le code forestier

Discussion des articles

Titre V. Des adjudications de coupes

Section III. Dispositions particuliers aux bois des communes et des établissements publics
Article 49

M. le président. - La chambre a d'abord à statuer sur les amendements proposés par MM. Orban et Ansiau à l'article 49. Hier, au moment de voter sur ces amendements, elle ne s'est pas trouvée en nombre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amendement de l'honorable M. Ansiau se borne à remplacer les mots « la députation permanente entendue » par les mots « la députalion permanente sera préalablement entendue. » Le gouvernement ne voit aucune difficulté à ce que la députation soit entendue. La chambre a donc à choisir entre la rédaction de la commission, modifiée par M. Ansiau à laquelle le gouvernement se rallie, et la rédaction proposée par M. Orban.

M. Delfosse. - La commission propose aussi que la députation permanente soit entendue. Mais la rédaction de la commission n'a pas paru correcte à l'honorable M. Ansiau qui a proposé la modification que vient d'indiquer M. le ministre de la justice. La proposition de l'honorable M. Orban change le sens ; celle de M. Ansiau ne porte que sur la rédaction.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je trouve qu'au fond les deux rédactions présentent exactement le même sens. La question qui divise est probablement une question de style. Dès lors l'amendement de l'honorable M. Orban ne me paraît pas devoir être préféré à celui de l'honorable M. Ansiau.

L'amendement de M. Orban porte :

« Les bois en provenant ne pourront êlre partagés sur pied que là où l'autorisation en aura été accordée, la députation permanente entendue. »

M. Ansiau dit : « Les bois ne pourront être partagés sur pied, sans autorisation du gouvernement ; la députation permanente sera préalablement entendue. »

Je n'aperçois pas la moindre différence dans la portée des deux rédactions.

M. Delfosse. - Dans la pensée de l'honorable M. Orban, il y en a une.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est possible ; mais je ne l'aperçois pas. Je ne m'oppose pas à ce que l'honorable M. Orban précise sa pensée ; mais je soutiens que les deux rédactions ont la même signification, qu'il n'y a, entre elles, qu'une différence de style ; et, comme style, la rédaction de l'honorable M. Orban est fort inférieure a celle de l'honorable M. Ansiau.

M. Orban. - Il est nécessaire d'expliquer la position de la question, puisque la chambre n'était pas en nombre au moment où elle a été appelée hier à voter.

Le but de mon amendement est d'empêcher que l'autorisation royale ne soit requise chaque fois qu'il y aura à faire usage de la faculté d'accorder aux habitants le droit d'exploiter sur pied, et de décider qu'il suffira pour la commune de l'autorisation une fois donnée.

Si M. le ministre des finances déclare que la rédaction du gouvernement peut être entendue dans ce sens, je ne vois aucune nécessité de maintenir mon amendement qui, je le répète, a uniquement pour but (page 604) de ne pas imposer aux communes l'obligation de recourir chaque année à l'autorisation royale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Aucune rédaction ne fait obstacle à cela. La rédaction du gouvernement, pas plus que celle de l'honorable M. Orban, ne fait obstacle à ce qu'une autorisation une fois accordée, on continue à exploiter conformément à cette autorisation.

M. le président. - On est d'accord. Les amendements ne présentent, comme vient de le dire M. le ministre des finances, qu'une différence de style, et M. Orban se rallie à la rédaction de M. Ansiau.

M. Delfosse. - L'amendement de M. Ansiau est la proposition de la commission, sauf un léger changement de rédaction.

M. Moncheur. - Comme je suis l'auteur de l'amendement pour le fond, je demande à m'expliquer sur les changements qui y ont été apportés.

M. le président. - La discussion est close. Vous ne pouvez avoir la parole que sur la position de la question.

M. Moncheur. - C'est sur la position de la question que j'ai demandé la parole, et pour faire connaître, comme auteur de l'amendement, si je me rallie aux sous-amendements.

Je déclare donc qu'en présence de la déclaration faite par le gouvernement, je trouve que les sous-amendements de la commission, de l'honorable M. Ansiau et de l'honorable M. Orban, ont absolument la même signification ; je n'ai donc point de préférence réelle, mais je préférerais celui de la commission.

- L'amendement de M. Ansiau est mis aux voix et adopté.

M. le président. - La commission propose de rédiger ainsi la dernière partie de l'article :

« L'arrêté royal d'autorisation réglera la responsabilité des exploitants, pour les délits et les contraventions qui pourraient être commis pendant l'exploitation.

« En l'absence d'autorisation, l'exploitation sera faite... (Le reste comme au projet de la commission. ) »

M. Coomans. - Je vois dans le premier paragraphe le mot « préalablement », qui est complètement inutile.

Je demanderai qu'il soit élagué, à moins que M. le rapporteur ou le ministre de la justice n'y tienne.

M. Orts, rapporteur. - Je ne vois pas d'inconvénient à la rectification proposée par l'honorable M. Coomans.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la proposition de M. Coomans.

- L'amendement de M. Coomans est adopté.

L'article est ensuite adopté tel qu'il a été amendé par la commission et sous-amendé par M. Coomans.

Titre III. Délimitations et abornements

M. le président. - Je crois que nous ferions bien de revenir maintenant aux articles 28, 29 et 30, qui avaient été renvoyés à la commission, et sur lesquels il a été fait rapport.

- Cette proposition est adoptée.

Article 28

M. le président. - A l'article 28, M. Lelièvre a proposé la rédaction suivante qui a été adoptée par la commission :

« Ce délai expiré, les agents forestiers ou les communes et établissements propriétaires, à l'intervention de ces agents, procéderont au bornage, en présence des parties intéressées, ou elles dûment appelées.

« Le procès-verbal de délimitation, approuvé conformément à l'article précédent, servira de titre pour la prescription de 10 et 20 ans. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 29

« Art. 29. En cas de contestations élevées soit pendant les opérations, soit par suite d'oppositions formées par les riverains, dans le délai fixé par l'article 27, elles seront portées par les parties intéressées devant les tribunaux compétents, et il sera sursis à l'abornement jusqu'après leur décision.

« En cas de contestations postérieures au bornage, le propriétaire riverain qui le fera annuler par justice sera tenu de supporter les frais du bornage annulé. »

M. Delfosse. - Au lieu de : « sera tenu de supporter les frais du bornage annulé », on pourrait dire : « sera tenu d'en supporter les frais. »

- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 30

M. le président. - La commission propose la suppression de l'article 30.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demanderai que la chambre ne statue pas aujourd'hui sur l'article 30. Je n'ai reçu que ce matin le rapport de M. Orts, et il m'a été impossible de l'examiner ; je demande que la question soit tenue en suspens jusqu'à demain ou après-demain.

- Cette proposition est adoptée.

Titre VI. Des exploitations

Section I. Dispositions générales
Article 50

M. le président. - Nous arrivons à l'article 50. Il est ainsi conçu :

« Art. 50. Les adjudicataires ne pourront, à peine d'être poursuivis comme délinquants, commencer l'exploitation de leurs coupes, sans un permis d'exploiter, qui sera délivré par l'agent forestier délégué à cet effet. »

M. Thibaut. - Messieurs, j'ai une simple question à faire ; elle se rapporte à tous les articles de la section I ; je désire savoir si ces articles seront appliqués aussi bien dans le cas d'aljudication en détail comme dans celui où il y aurait adjudication d'une coupe en masse.

Ainsi je suppose qu'à une vente de futaie, il y ait de 25 à 30 adjudicataires dans une coupe même peu considérable, je demande si tous devront se conformer aux dispositions de la section I.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, dans la pensée de h commission, les dispositions du Code s'appliquent à l'adjudicataire d'une coupe de bois. Du reste, il est fait droit par plusieurs articles de ce titre à l'observation de l'honorable M. Thibîut.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si j'ai bien compris l'honorable M. Thibaut, il demande si, lorsqu'il y aura différents adjudicataires pour une coupe, tous devront se pourvoir de l'autorisation prescrite par l'article 50.

Dans la pratique, cela ne peut donner lieu à aucune difficulté ; on donne un permis général d'exploiter la coupe, et chaque adjudicataire peut aller abattre la part dont il s'est rendu acquéreur.

M. Thibaut. - Messieurs, on n'a pas précisément répondu à la question que j'ai faite ; j'ai demandé si tous les articles de la section 1 doivent être appliqués aux adjudicataires de détail ; ainsi chaque adjudicataire de détail tombera-t-il, par exemple, sous l'application de l'article 52, aux termes duquel tout adjudicataire d'arbres de futaie est tenu, sous peine de 50 fr. d'amende, de déposer chez l'agent forestier local et au greffe du tribunal de l'arrondissement, l'empreinte du marteau destiné à marquer les arbres de service de sa vente ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non ; c'est l'adjudicataire d'une coupe.

M. Moncheur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour présenter un amendement à l'article 50. On s'est demandé ce qui arriverait, si l'agent forestier refusait sans motifs légitimes de délivrer en temps opportun aux adjudicataires le permis d'exploiter ; on a répondu que les adjudicataires auraient leur recours devant les tribunaux.

Comme ordinairement il y a urgence à faire l'exploitation d'une coupe, je demande que pour ce cas la loi dispose que lorsque les adjudicataires prendront leur recours contre l'agent forestier, les tribunaux prononceront comme en matière sommaire et urgente. C'est le but de mon amendement.

M. Roussel. - L'honorable rapporteur a fait remarquer tout à l'heure qu'il a répondu à l'observation à la page 26 de son rapport. Ainsi la disposition additionnelle que l'honorable M. Moncheur propose serait d'une complète surabondance. En effet, comme M. le ministre de.la justice le faisait remarquer, toute la théorie de la faute et de la responsabilité implique le recours possible devant les tribunaux contre l'agent qui aurait refusé le permis d'exploiter dont il s'agit à l'article 50, Je ne vois pas pourquoi l'on devrait changer la règle de la procédure en déterminant que ces affaires seraient traitées sommairement. On les examinera d'après le Code de procédure ; elles seront traitées sommairement ; je ne vois pas de raison de faire dans le Code forestier une chose autre que celle qui est proposée.

M. Moncheur. - Il pourrait y avoir contestation sur l'urgence ou la non-urgence de ces demandes intentées par l'adjudicataire contre l'agent forestier qui refuserait, sans motifs légitimes, de délivrer le permis d'exploiter. C'est pour trancher la question, c'est pour que l'adjudicataire soit, dans tous les cas, certain d'avoir prompte justice, que je demande que cette matière soit déclarée sommaire et urgente par la loi. Il y a, d'ailleurs, dans la loi même que nous discutons, des articles analogues à celui que je propose.

Je crois qu'il est nécessaire de rassurer l'adjudicataire sur ce point.

M. Orts. - L'honorable M.1 Moncheur attache une trop haute importance à la déclaration dans la loi qu'une affaire portée devani les tribunaux sera traitée comme matière urgente. Si M. Moncheur voyait les choses d'un peu plus près dans la pratique, il serait intimement convaincu que ces recommandations inscrites dans les lois sont surabondantes.

M. Moncheur. - Il faut alors ne pas les mettre dans la loi.

M. Orts. - On ferait très bien de ne jamais les mettre dans la loi.

Si les affaires sont réellement urgentes, elles passent avant toutes, les autres devant les tribunaux pour autaut que cela convienne aux parties, car les parties ne sont pas toujours d'accord pour réclamer le bénéfice de l'urgence reconnue par la loi ; il faut même laisser l'intérêt privé juge de ces questions-là. Il en est, en définitive, le juge le plus compétent.

La seule difficulté qui pouvait s'élever était de savoir si le pouvoir judiciaire serait compétent pour connaître d'un recours pareil. Voilà la question que nous avons voulu mettre hors de doute en Belgique, quoique dans la pensée de la commission, en présence des principes constitutionnels de notre pays, le projet ne pouvait soulever aucun doute. La question a été tranchée ainsi, même en France, où le doute était permis devant la chambre des pairs, lors de la discussion du Code de 1827, sur une interpellation du duc de Praslin.

Je crois donc que ce qui a été fait suffit et que nous rassurerons l'honorable M. Moncheur sur la difficulté qu'il prétend résoudre par son amendement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Moncheur me semble confondre les attributions en voulant ici autoriser le recours aux (page 605) tribunaux. Le tribunal ne pourra jamais ordonner la délivrance de la coupe. C'est là une affaire toute d'administration, et pour laquelle il ne peut y avoir recours qu'auprès de l'autorité administrative supérieure. Mais dans quel cas pourrait-on s'adresser aux tribunaux ? Lorsqu'un garde, par mauvaise foi ou par mauvaise volonté, aurait refusé la delivrance de la coupe. Ce sera une question de dommages-intérêts que l'adjudicataire aura à débattre en justice. Mais on ne pourra jamais recourir aux tribunaux et leur demander de décider l'urgence de la coupe comme M. Moncheur semble vouloir le décider.

M. Moncheur. - Je retire mon amendement.

- L'article 50 est mis aux voix et adopté.

Article 51

« Art. 51. Chaque adjudicataire pourra nommer un facteur ou garde-vente, qui sera agréé par l'agent forestier local et assermenté devant le juge de paix. Ce garde-vente sera autorisé à dresser des procès-verbaux, tant dans la vente qu'à l'ouïe de la cognée. Ces procès-verbaux seront soumis aux mêmes formalités que ceux des gardes forestiers, et poursuivis de la même manière. Ils feront foi jusqu'à preuve contraire.

« Le garde-vente ne peut être parent ni allié du garde du triage ni des agents de la localité au degré requis dans l'article 15.,

« L'espace appelé ouïe de la cognée, est fixé à la distance de deux cent cinquante mètres pour la futaie et de cent vingt-cinq mètres pour le taillis, à partir des limites de la coupe.

« Dans les coupes jardinatoires, où les limites ne seraient pas indiquées, ou si les arbres abandonnés à l'exploitation sont des chablis, l'ouïe de là cognée se détermine pour chaque arbre marqué en délivrance par un cercle de 250 mètres de rayon, ayant pour centre, le pied de chaque arbre abattu ou destiné à l'être. »

Le gouvernement se rallie aux amendements proposés par la commission.

M. Jacques. - Je pense que le doute que la commission veut lever par l'introduction du dernier paragraphe serait remplacé par une mesure qui, dans certains cas, serait trop préjudiciable à l'adjudicataire si on adoptait le paragraphe tel qu'il est rédigé. Tout à l'heure on disait que les adjudicataires de détail ne tombaient pas sous l'application des articles de la section première du titre 6. Mais le texte de l'art. 51 se prête difficilement à cette interprétation ; le commencement de cet article porte : « Chaque adjudicataire pourra, etc. » ; et on trouve dans le paragraphe additionnel proposé par la commission : « L'ouïe de la cognée se détermine pour chaque arbre marqué en délivrance par un cercle de 250 mètres de rayon, ayant pour centre le pied de chaque arbre abattu ou destiné à l'être ». Ne résulte-t-il pas du rapprochement de ces deux textes que l'article 51, tel qu'il est rédigé par la commission, serait applicable à l'adjudicataire de détail, à l'adjudicataire d'un seul arbre, d'un simple chablis, comme à l'adjudicataire d'une coupe vendue en totalité ?

Or, si on se rend compte de ce que c'est qu'un cercle de 250 mètres de rayon, on verra que l'adjudicataire d'un seul arbre chablis serait responsable de tous les délits commis sur une surface de 20 hectares, à partir de la date du permis jusqu'à l'expiration des deux mois qui suivent l'époque fixée pour la vidange.

C'est une responsabilité beaucoup trop grande. Le remède est pire que le mal, il vaut mieux laisser les choses en l'état où elles sont et supprimer le paragraphe additionnel proposé par la commission. La suppression de ce paragraphe ne présente pas d'inconvénient sérieux, la commission elle-même dit que les tribunaux français ont appliqué par analogie aux coupes par éclaircies, la responsabilité de l'ouïe de la cognée. L'on pourra en agir de même en Belgique.

Lorsqu'une coupe par éclaircies sera adjugée en masse, qu'il y aura nécessité d'appliquer la responsabilité de l'ouïe de la cognée, les tribunaux appliqueront la disposition du projet du gouvernement d'après les limites qui ont été fixées par les agents forestiers, quand ils ont réglé la coupe par éclaircie. il serait trop rigoureux lorsque la coupe est adjugée en détail, lorsqu'il ne s'agit, par exemple, que d'un seul arbre chablis, d'imposer la responsabilité résultant du dernier paragraphe de l'article 51. Je demande la suppression de ce paragraphe.

M. Orts, rapporteur. - La commission s'est trouvée, en discutant l'article 51, en présence d'une difficulté non résolue par le projet. Il y a pour l'adjudicataire de la coupe responsabilité de tous les délits dans l'intérieur de la coupe et en dehors de ses limites à la distance appelée par les anciens règlements l'ouïe de la cognée, distance que le projet a déterminée.

Cette responsabilité doit être maintenue ; personne n'a jamais demandé que cette responsabilité de l'adjudicataire fût limitée à l'intérieur de la coupe exclusivement.

Mais toutes les coupes ne se font pas à l'aide de la délimitation superficielle.

Il y a la coupe par éclaircie qui se fait en enlevant les arbres marqués en délivrance, qui est le contraire de ce qui se fait dans les coupes superficiaires où l'on enlève tout sauf les arbres marqués en réserve par l’administration.

Pour les coupes que les règlements et les forestiers appellent « jardinatoire »s, dans un français dont je leur restitue la paternité, il fallait bien par une règle quelconque établir d'où partirait la responsabilité de l'adjudicataire de la coupe de cette espèce, et où elle s'arrêterait.

Les adjudicataires de ces coupes sont placés dans la même situation que les adjudicataires de coupes abornées par limite superficielle.

Nous avons recherché dans le sein de la commission comment, en France, on avait levé cettedifficulté, et nous avons trouvé que la cour de cassation, par des arrêts des 17 août 1821 et 17 juin 1844, avait défini pour ce cas l’ouïe de la cognée comme nous le faisons. Le système que nous avons suivi dans l’amendement par lequel nous avons déterminé la responsabilité de l’adjudiciataire de la coupe jardinatoire est emprunté à la jurisprudence française. Nous avons pensé que laisser à la jurisprudence belge le soin de combler cette lacune, c’était reculer devant une difficulté, au lieu de la résoudre.

Quand le législateur rencontre sur son chemin, durant la confection de la loi, une lacune, il doit la combler. Nous avons donc cru faire chose utile en donnant une solution à la difficulté. La solution de la jurisprudence française dépassait d'ailleurs le pouvoir d'interprétation par analogie attribué aux tribunaux répressifs. Nous avons considéré une disposition législative comme nécessaire pour rester dans la stricte légalité, et nous en avons fait l'objet d'un amendement à la loi nouvelle.

L'honorable M. Jacques croît notre système trop rigoureux, il serait dans le vrai si la disposition devait avoir dans l'application la portée qu'il lui assigne.

Ce serait, en effet, une responsabilité trop rigoureuse, quand il s'agit d'un arbre unique. Mais il est entendu que nous parlons d'adjudicataire d'une coupe et non de l'adjudicataire d'un arbre isolé ; je ne puis trop le répéter, car l'objection, malgré nos explications, se reproduit sans cesse ; dans tout le titre il s'agit de l'adjudication de coupes entières, non de l'acquéreur en détail d'un malheureux arbre cassé par accident que l'administration jugera à propos de faire enlever ou de vendre sur pied.

Je pense que ces observations rassureront la chambre et qu'elle n'hésitera pas à combler la lacune de la loi française sur laquelle le projet a été calqué. Tous les commentateurs du Code français sont d'accord pour considérer comme bonne la solution de la jurisprudence que nous proposons d'insérer dans le projet,

M. Jacques. - S'il est bien entendu que la responsabilité prévue par le paragraphe additionnel que la commission propose, ne s'applique pas aux adjudications de 3 ou 4 arbres comme il s'en fait souvent dans les bois des communes, je n'ai plus d'observations à faire. Mais il m'avait paru, d'après la rédaction de ce paragraphe, qu'il aurait pu s'appliquer également à ces petites adjudications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est impossible, puisqu'il y a plusieurs adjudications sur la même ouïe de cognée.

- L'article 51 est adopté.

Article 52

« Art. 52. Tout adjudicataire d'arbres de futaie sera tenu, sous peine de 50 francs d'amende, de déposer chez l'agent forestier local et au greffe du tribunal de l'arrondissement, l'empreinte du marteau destiné à marquer les arbres de service de sa vente.

« L'adjudicataire et ses associés ne pourront avoir plus d'un marteau pour la même vente, ni en marquer d'autres bois que ceux qui en proviendront, sous peine de 200 francs d'amende. »

- La commission propose à cet article un deuxième paragraphe additionnel ainsi conçu : « Toutefois, dans les ventes peu importantes, le cahier des charges pourra dispenser les adjudicataires de cette obligation. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne fais pas, pour le moment, d'objection à cet amendement. Je verrai d'ici au second vote.

M. le président. - C'est à cet article que se rapporte la pétition du conseil communal de Sivry, sur laquelle rapport a été fait par M. Jacques.

M. Jacques. - Je crois que l'amendement de la commission satisfait, du moins dans une certaine mesure, à la demande du conseil communal de Sivry. Il me semble cependant que le second paragraphe de l'article contient une disposition inutile. Voici comment ce paragraphe ; est rédigé :

« L'adjudicataire et ses associés ne pourront avoir plus d'un marteau pour la même vente, ni en marquer d'autres bois que ceux qui en proviendront, sous peine de 200 fr. d'amende. »

Je pense que les mots « ni en marquer d'autres bois que ceux qui en proviendront », sont à supprimer.

Car si on maintient ces mots, l'adjudicataire ne pourra pas employer le marteau dont il se sert dans une vente, pour marquer les arbres qu'il aura achetés à une autre vente dans une commune voisine, et il faudra, s'il est adjudicataire dans neuf ou dix communes, qu'il ait un marteau différent pour chaque commune, et même qu'il renouvelle ses marteaux chaque année. Je crois qu'on pourrait supprimer les mots que je viens d'indiquer sans aucun inconvénient. Il est pourvu par l'article 62 à ce qu'on ne puisse déposer dans les ventes d'autres bois que ceux qui en proviennent. Il ne doit donc pas y avoir d'inconvénient à ce que le marteau dont l'adjudicataire s'est servi dans une commune, lui serve pour les achats qu'il fait subséquemment soit dans les coupes d'autres communes rapprochées, soit pendant les années suivantes.

M. Orts, rapporteur. - Le but de la disposition est précisément de permettre à l'administration forestière de vérifier s'il a été contrevenu à la défense faite par l'article 52. Je crois que, sans ce moyen de police, la constatation de ce délit deviendrait excessivement difficile.

La disposition de l'article 52 est empruntée au Code français, qui n'a pas la portée qu'y assigne l'honorable M. Jacques ; car pour faire ce que l'honorable M. Jacques croit prescrit par l'article 52, et ce qu'il veut empêcher, c'est-à-dire pour aller au-delà de ce que nous demandons, (page 606) l'administration forestière française a cru devoir porter des règlements ultérieurs.

Si la législation était restée ce qu'elle sera en Belgique, l'administration forestière n'aurait pu l'appliquer, comme elle l'applique aujourd'hui et cela de son aveu. Il ne peut donc s'élever de difficultés dans la pratique, comme le suppose a tort l'honorable député de Marche.

Qnant à supprimer la disposition dans son entier, cela présenterait, je crois, un très grand danger, car cela rendrait la police forestière impuissante.

- L'article 52 est adopté.

Article 53

« Art. 53. L'adjudicataire sera tenu de respecter tous les arbres marqués ou désignés pour demeurer en réserve, quelle que soit leur qualification, lors même que le nombre en excéderait celui qui est porté au procès-verbal de balivage et martelage, et sans que l'on puisse admettre, en compensation d'arbres coupés en délit, d'autres arbres non réservés que l'adjudicataire aurait laissés sur pied.

« Néanmoins, si des arbres réservés étaient cassés ou renversés par le vent ou par d'autres accidents, l'adjudicataire les laissera sur place et avertira sur-le-champ l'agent forestier local, pour qu'il en soit marqué d'autres en réserve, et dressé procès-verbal.

« Les arbres abattus ou cassés ne pourront être donnés à l'adjudicataire en compensation de ceux qui auront été marqués en remplacement, à moins qu'il ne prouve que l'accident n'a pas été causé par sa faute. Dans le cas où cette preuve ne serait pas faite, ils seront considérés comme chablis et vendus dans la forme ordinaire. »

M. David. - Il me semble que la chambre ferait bien de renvoyer tout cet article, avec les amendements, à la commission. C'est un article extrêmement important, et qui, s'il était adopté, comme il est présenté, constituerait une véritable injustice pour l'adjudicataire.

Les coups de vent peuvent renverser des bois entiers. L'adjudicataire en serait privé sans compensation.

L'amendement présenté hier par M. le ministre de la justice n'a pas d'ailleurs été examiné par la commission.

M. Delfosse. - L'honorable préopinant se plaint d'une disposition que la commission a modifiée. Le ministre reproduit, dans son amendement, le fond de l'amendement de la commission. La commission avait dit : « à moins qu'il ne prouve que l'accident n'a pas été causé par sa faute, » le ministre propose de dire : « à moins qu'il ne prouve qu'il a pris toutes les précautions pour éviter les accidents. »

Il est donc fait droit à l'observation de M. David.

La commission s'est occupée de ce point. Je crois le renvoi proposé inutile. On pourrait discuter, et si la discussion n'éclairait pas suffisamment la chambre, le renvoi à la commission pourrait être prononcé.

M. David. - L'amendement présenté par M. le ministre de la justice dit bien autre chose que ce que vient de dire l'honorable M. Delfosse. Il commence ainsi :

« L'adjudicataire fera en sorte que les arbres de réserve ne soient point endommagés par la chute des arbres à abattre, à peine de dommages-intérêts. »

Il suffira de casser une branche à un arbre de réserve pour être tenu à des dommages-intérêts.

Si vous adoptez l'amendement de M. le ministre de la justice, vous rendrez toute vente impossible dans une sapinière ; car on a dix mille sapins par hectare, et la première éclaircie est une coupe de trois mille.

Il est impossible d'abattre ces arbres sans casser quelques branches aux autres.

Vous voyez donc que cet article doit être renvoyé à la commission.

M. Delfosse. - L'honorable M. David avait raison de se plaindre lorsqu'on rendait l'adjudicataire responsable, dans tous les cas, alors même qu'il n'y avait pas de sa faute. Mais cela est changé. M. le ministre de la justice se rallie au changement proposé par la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. David donne au premier paragraphe de l'amendement que j'ai présenté une portée qu'il n'a pas. Je propose de dire : « L'adjudicataire fera en sorte que les arbres de réserve ne soient point endommagés par la chute des arbres à abattre, à peine de dommages-intérêts. » Mais je n'entends dire autre chose par les termes que j'emploie que ce qui se trouve dans le dernier paragraphe ; c'est-à-dire que l'adjudicataire prendra toutes les précautions possibles pour que les arbres de réserve ne soient pas endommagés. Voilà la portée des termes que j'emploie, et je ne leur en donne point d'autre.

J'ai fait un léger changement à l'amendement proposé par la commission parce que j'ai pensé qu'il fallait faire incomber à l'adjudicataire la preuve qu'il avait réellement pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas endommager les arbres de réserve, qu'il ne lui suffisait pas de dire : Ce n'est pas ma faute ; mais qu'il devait prouver qu'il avait dirigé l'abattage des arbres de manière à ne pas les faire tomber sur les arbres de réserve.

M. Orts, rapporteur. - Si les observations de l'honorable M. David ont pour objet de renvoyer de nouveau l'article 53 à la commission, ce renvoi est inutile.

Le système proposé à la chambre a été discuté contradictoirement par l'honorable M. David, qui a fait dans le sein de la commission les observations qu'il reproduit aujourd'hui ; observations sur le mérite desquelles la chambre aura à se prononcer, mais qui n'ont pas ébranlé la manière de voir de la majorité de la commission.

La majorité de la commission a cru que l'on ne pouvait pas toujours permettre à l'adjudicataire de s'emparer des arbres abattus ou cassés par accident en remplacement d'autres arbres de sa vente. Elle a pensé, au contraire, qu'il fallait une certaine surveillance, une appréciation des circonstances ; et partant de là, de cette idée, qui était le point de départ également du projet primitif ainsi que de la première commission ; témoin la page 58 de son rapport, nous avons cherché à rendre cette appréciation des circonstances aussi douce, aussi favorable que faire se peut, du moment où toute idée de fraude était écartée.

Nous estimons, sous ce rapport, avoir fait, dans la mesure du possible, droit aux observations et aux vœux de l'honorable M. David.

M. David. - Je reviendrai tantôt sur les observations que j'ai déjà eu l'honneur de faire. Mais je ferai d'abord remarquer que l'article et les amendements mêmes sont incomplets. Ainsi vous ne parlez pas des compensations. Cependant parmi les arbres abattus par le vent ou par un accident indépendant de la volonté de l'adjudicataire, il peut y en avoir qui valent moins que ceux qu'on prendra dans la coupe de l'adjudicataire, comme d'un autre côté les arbres abattus peuvent valoir davantage que ceux qu'on désignera dans la coupe et qu'on réservera parmi les arbres appartenant à l'adjudicataire.

Dans tous les cas le système que je défends est celui qui est suivi en France. Je le trouve dans l'ouvrage de M. Méaume, avocat, juge suppléant au tribunal civil de Nancy, professeur de législation et de jurisprudence à l'école royale forestière.

Voici comment il explique l'exécution des clauses du cahier des charges, d'après le recueil méthodique de M. Beik :

« Le nombre des réserves opérées dans une coupe étant le résultat d'un calcul basé sur les besoins du repeuplement et sur ceux de la consommation, il y a souvent nécessité et presque toujours avantage à remplacer celles abattues par accidents. L'adjudicataire est tenu d'abandonner les arbres que les agents désignent comme propres à cette substitution, sauf indemnité à son profit, si l'accident est indépendant de son fait,, ou payement de dommages au profit du trésor si l'abattage de la réserve provient au contraire du fait de l'exploitation, etc. »

Vous voyez que dans certains cas il y a lieu à compensation, et dans d'autres cas, lieu à des dommages-intérêts. Il faudrait prévoir ces cas ; on ne peut pas, lorsque par un accident des arbres déjà payés seraient, renversés, priver l'adjudicataire de sa propriété ; et pour prévenir toutes ces éventualités, j'ai l'honneur de déposer un amendement tendant à remplacer les deux derniers paragraphes de l'article par la disposition suivante, qui est conforme à l'opinion de MM. Méaume et Deik que je viens de vous citer :

« Néanmoins, si des arbres réservés étaient cassés ou renversés, par le vent ou par d'autres accidents indépendants de la volonté et sans la faute ou la négligence de l'adjudicataire, celui-ci les laissera sur place et avertira sur-le-champ l'agent forestier local, pour qu'il en soit marqué d'autres en réserve et dressé procès-verbal. L'adjudicataire est tenu d'abandonner les arbres que les agents désignent comme propres à cette substitution, sauf indemnité à son profit et, le cas échéant, la bonification de la plus-value au profit du trésor.

« Les arbres réservés qui auront été cassés ou renversés par la volonté, la faute ou la négligence de l'adjudicataire seront considérés comme coupés en délit et vendus comme chablis dans la forme ordinaire. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amendement de Thonorable M. David entraînerait des difficultés et des discussions judiciaires qu'il est d'autant plus indispensable d'éviter, qu'elles porteront toujours sur des valeurs tout à fait insignifiantes.

Si je ne me trompe, l'honorable M. David voudrait faire décider que lorsque, par exemple, un arbre aura été abattu sans qu'il y ait de la faute de l'adjudicataire, lorsqu'il aura été renversé ou endommagé et que l'adjudicataire prouvera qu'il a pris toutes les précautions pour éviter l'accident, il y aura lieu d'établir des compensations, il y aura lieu de discuter la valeur de chaque arbre, de l'arbre abattu et de l'arbre qu'on donne en remplacement.

Je répète que cela donnerait lieu à des difficultés et à des discussions judiciaires qui seraient hors de proportion avec l'importance de l'affaire.

Ou bien il y aura faute de la part de l'adjudicataire, ou il n'y aura pas faute. S'il y a de sa faute, s'il ne prouve pas qu'il a pris toutes les précautions voulues, il est juste qu'il soit puni, et il est puni de la perte de l'arbre qu'on marquera en remplacement de celui qui est abattu.

Si, au contraire, l'adjudicataire prouve qu'il a pris toutes les précautions, on lui donne l'arbre renversé en compensation de l'arbre qu'on marque en remplacement de celui qui est renversé.

Cette compensation sera-telle rigoureusement exacte ? On ne peut permettre qu'il y ait des procès de ce chef. Mais, en général, la valeur de l'arbre abattu sera en rapport avec la valeur de l'arbre marqué.

Si c'est, par exemple, un ancien, on marquera dans la coupe de l'adjudicataire, un arbre de la même nature, c'est-à-dire un ancien. Si c'est un moderne, on marquera un moderne. Si c'est ce qu'on appelle un baliveau de l'âge ; on en marquera un de même nature. Voilà comment la valeur de l'arbre abattu ou endommagé, sans qu'il y ait faute de l'adjudicataire, sera en rapport avec la valeur de l'arbre marqué en lieu et place.

(page 607) L'honorable M. David semble croire que lorsqu'un simple baliveau étranger à l'adjudication aura été renversé, on pourra marqué un ancien qui est vendu. Ce n'est pas là l'interprétation qu'il faut donner à la loi.

L'arbre abattu sera remplacé par un arbre de même nature, et toujours à une faible somme près, la valeur des deux arbres sera en parfait rapport.

Il n'y a donc pas lieu d'admettre que pour faire décider de cette valeur, on doit nommer des experts, et aller devant les tribunaux.

M. David. - Dans la réponse que l'honorable ministre de la justice vient de me faire, il n'a nullement touché le cas d'un grand accident, d'une trombe, d'un coup de vent. Ce sont des accidents qui se renouvellent assez souvent et qui peuvent causer la ruine de l'acquéreur si c'est lui qui doit en supporter les conséquences.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est un accident de force majeure.

M. David. - Mais vous ne prévoyez pas le cas. On voit des forêts presque tout entières détruites par des coups de vent. (Interruption.) Vous ne le croyez pas ? En voici une preuve : j'ai traversé l'Allemagne en 1834 et j'ai été souvent très embarrassé dans l'Annalt-Coethen, l'An-halt-Dessau, la Saxe et la Sibérie de circuler sur certaines routes ; il y avait des forêts tout entières renversées par des coups de vent.

Nous avons en Belgique des localités où le sol végétal n'a pas une grande profondeur et repose sur un sous-sol tout à fait imperméable ; cela empêche les arbres de pousser des racines pivotantes ; et ils sont fortes de ne pousser que des racines traînantes, et il suffit d'un léger coup de vent pour les renverser, surtout quand les taillis sont coupés et qu'ils ne sont plus abrités par d'autres qui viennent d'être coupés.

L'adjudicataire pourrait être ainsi fortement lésé et cela sans compensation, et à peu près ruiné dans certains cas, car l'article n'en parle pas.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. David se fait un monstre d'une chose qui se pratique aujourd'hui sous la loi en vigueur. Cette loi, l'ordonnance de 1669, article 46, est beaucoup plus sévère que ce que nous proposons. L'article 46 défend complètement toute espèce de compensation dans le cas où des arbres qui n'appartiennent pas à l'adjudicataire sont cassés ou abattus par accident ; dans ce cas la perte retombe tout entière sur l'adjudicataire qui doit laisser reprendre d'autres arbres par l'administration.

Nous sommes beaucoup plus bienveillants : nous admettons un certain partage des mauvaises chances, du cas fortuit entre le propriétaire du bois et l'adjudicataire chaque fois que la chose est possible sans donner ouverture à la fraude. Le Code français, dont parle l'honorable M. David, a été plus loin, cela est vrai : il dit qu'en toute circonstance une compensation de cette espèce doit avoir lieu ; mais la commission instituée par le gouvernement pour préparer le Code que nous discutons, commission composée surtout d'hommes pratiques, a constaté qu'en fait cette disposition donne lieu à de très nombreux abus ; elle les énumère à la page 38 de son rapport que je citais à l'instant.

Elle dit, par exemple, que lorsque l'adjudicataire est certain d'obtenir les arbres marqués en réserve, au cas d'accident, contre échange d'arbres vendus, il n'est que trop souvent disposé, si les premiers sont les meilleurs, à faire en sorte que l'accident se réalise le plus tôt possible. Elle ajoute qu'il est très difficile de constater ce délit. Nous avons voulu intéresser l'adjudicataire tout le premier à la conservation des arbres en réserve et lui montrer que son intérêt lui commande d'être honnête dans son exploitation.

Pour ce motif nous avons pris un juste milieu entre le système français trop indulgent, trop désarmé contre la fraude et l'ordonnance de 1669 de son côté trop rigoureuse.

D'ailleurs l'administration forestière, depuis 1827, a compris les choses comme nous les comprenons et elle a eu soin de mettre dans les cahiers des charges pour parer au danger signalé par l'expérience, ce qui n'est pas dans l'article 53 du Code forestier.

Je ferai observer en terminant, M. le président, puisque nous en sommes au chapitre des accidents, que par suite d'une erreur d'impression deux amendements destinés à compléter les articles 52 et 53 ne sont pas dans le texte du projet quoique mentionnés dans le rapport.

M. le président. - Ces amendements se trouvent à la page 27 du rapport.

M. David. - J'entends dire autour de moi et par l'honorable ministre de la justice lui-même, que l'amendement qu'il a proposé hier est l'équivalent de celui de la commission ; je pourrais me rallier à l'amendement consigné dans le projet de la commission, mais je ne puis admettre celui de M. le ministre. Puisque tout le monde convient que c'est la même chose, pourquoi ne pas adopter l'amendement de la commission qui est beaucoup plus précis et plus clair ?

M. le ministre de la justice s'élevait tantôt contre l'expertise ; eh bien, il autorise l'expertise contradictoire ; ainsi la difficulté qu'il reproche à mon système se retrouve dans le sien. Abandonnons par conséquent son système et le mien, et adoptons celui de la commission qui sous tous les rapports est préférable à celui du ministre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas que la commission fasse difficulté à se rallier à l'amendement que j'ai proposé. Je l'ai proposé parce que, dans mon opinion, le projet primitif comme l'article rédigé par la commission, présentait une lacune en ce qui concerne les arbres encroués.

Maintenant, je me sers d'autres expressions que la commission : La commission disait que l'adjudicataire devait démontrer que ce n'était point de sa faute ; je demande quelque chose de plus, c'est qu'il démontre qu'il a pris toutes les précautions pour que l'accident n'arrivât point.

Il est certain que la manière dont on coupe un arbre peut déterminer le sens dans lequel il doit tomber ; ainsi en y attachant une corde et en le tirant d'un côté, on donne à sa chute la direction que l'on préfère.

La rédaction de la commission pouvait faire croire que l'acquéreur ne devait pas prendre de précautions sous ce rapport.

M. Thibaut. - Messieurs, dans le premier paragraphe on décide que l'adjudicataire doit respecter tous les arbres marqués alors même que le nombre en excéderait celui qui est indiqué dans le procès-verbal de balivage. Or dans les coupes considérables, il peut arriver que cette différence ait une véritable importance, et alors l'adjudicataire pourrait éprouver un dommage notable. Il me semble qu'il serait juste qu'après le récolement fait, l'adjudicataire pût se faire délivrer le nombre d'arbres marqués en trop.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Thibaut ne se rend pas un compte exact de la manière dont les opérations se font. La coupe est balivée et martelée avant que l'adjudication soit faite...

M. Thibaut - Je le sais.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'adjudicataire va visiter la coupe ; il voit les arbres marqués ; il fait son prix, ses calculs sur la valeur de la coupe, telle qu'elle est marquée et balivée, il n'y aurait donc aucune justice à lui abandonner des arbres en surplus.

M. Thibaut. - Je connais les opérations qui précèdent la vente ; mais il est à remarquer que souvent on donne à l'adjudicataire connaissance du procès-verbal de balivage ; que par conséquent il sait quel est le nombre des baliveaux qui est marqué par l'administration forestière, et il se règle souvent là-dessus pour faire ses calculs ; il y aurait donc une certaine justice à lui accorder la délivrance des arbres qui sont marqués en trop.

- La discussion est close.

Le premier paragraphe de l'article 53 est mis aux voix et adopté.

Le deuxième paragraphe du même article est ensuite mis aux voix et adopté.

M. le président. - Vient maintenant l'amendement de M. David.

M. David. - Je le retire.

M. le président. - Vient maintenant l'amendement présenté par M. le ministre de la justice, amendement auquel la commission s'est ralliée et qui remplacerait le troisième paragraphe proposé par la commission .

- L'amendement présenté par M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mets aux voix les deux paragraphes par lesquels la commission propose de terminer l'article 53. Ces paragraphes sont ainsi conçus :

« Il en sera de même au cas d'abatage d'arbres non marqués, s'il s'agit de coupes jardinatoires ou de chablis vendus.

« La représentation de l'empreinte du marteau royal sur la souche est le seul moyen de preuve dont l'adjudicataire pourra se servir pour établir la délivrance de l'arbre abattu. »

- Ces deux paragraphes sont adoptés.

L'ensemble de l'article 53, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 54

« Art. 54. L'adjudicataire ne pourra effectuer aucun travail de coupe ni d'enlèvement de bois, avant le lever ni après le coucher du soleil, à peine de 50 francs d'amende. »

M. David. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour obtenir une explication de M. le ministre de la justice sur le mot « enlèvement ». Toutes nos forêts ne sont pas des boqueteaux ; on ne peut pas, son chariot une fois chargé, être sorti au moment même de la forêt ; nous avons des forêts de deux ou trois lieues de diamètre. Or, une coupe peut se trouver précisément du côté de la forêt opposé à l'habitation de l'adjudicataire de la coupe. L'adjudicataire charge sa charrette avant le coucher du soleil ; mais il lui faut une ou deux heures avant d'atteindre son habitation. Il se trouve dans un chemin désigné pour la vidange du bois. Commettra-t-il par là un délit ? Pourra-t-il être attrait devant les tribunaux, pour avoir circulé dans la forêt sur uue route après le coucher du soleil ?

Si l'explication que voudra bien me donner M. le ministre de la justice n'était pas satisfaisanle, je proposerais de substituer le mot « chargement » à celui « d'enlèvement ».

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, le but de la loi est d'empêcher le travail de nuit dans les forêts, car le travail de nuit permet d'une part que, sous prétexte de travail, on commette des délits, alors que de l'autre la surveillance est plus difficile. Nous défendons tout travail de nuit à l'adjudicataire, et dans sa coupe, c'est-à-dire toutes les opérations préparatoires et complémentaires qui peuvent se rattacher au travail de l'abatage et au travail de l'enlèvement du bois abattu.

Je dis « toutes les opérations préparatoires et complémentaires », et nous devons le vouloir ainsi, pour être conséquents, car sans cela, sous prétexte du travail préparatoire et complémentaire, on s'introduirait la nuit dans la forêt, on se livrerait à un travail de nuit, et le but de l'article 54 serait complètement manqué. Mais hors de là, on ne défend plus rien.

(page 608) Quant à la circulation dans les forêts, c'est là un objet qui est réglé par un autre article du Code, article a l'occasion duquel nous pourrons examiner la question que vient de soulever l'honorable M. David. En effet, dans une disposition plus générale, on statue dans quelles circonstances cette circulation sera autorisée ou interdite, selon qu'elle s'opérera à l'aide de voitures, d'animaux propres à porter ou traîner des fardeaux, ou par l'homme lui-même.

M. David. - Il me semble que la réponse de l'honorable rapporteur, à l'interpellation que j'ai faite, n'est pas précise. J'ai demandé si le fait de transporter le bois par les routes désignées, après le coucher du soleil, constituait un délit. Dans presque tous les cas, il sera impossible à l'adjudicataire de charger sa charrette vers le soir. Si vous ne lui permettez pas de circuler dans la forêt après le coucher du soleil, il sera obligé de charger sa charrette vers midi, ou une heure ou deux heures de l'après-midi, selon l'étendue qu'il aura à parcourir dans la forêt. Ce sont des circonstances tellement gênantes, qu'en définitive, vous trouverez fort peu d'amateurs pour venir hausser les coupes au sujet desquelles vous aurez rédigé des cahiers des charges conformes aux prescriptions de la loi.

Il me semble que le fait de transporter son bois par les chemins désignés après le coucher du soleil ne peut pas constituer un délit ; car si, en route, l'adjudicataire voulait emporter quelque chose qui ne lui appartient pas, il devrait commencer par le couper dans un bois qui n'est pas en exploitation, fait que les gardes pourraient toujours facilement constater.

Je demanderai dmc qu'on substitue le mot « chargement » au mot « enlèvement », par cette substitution, l'opération serait mieux définie. L'honorable M. Orts lui-même en commission n'a pas trouvé d'inconvénient à ce changement de rédaction.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. Orts a déjà fait remarquer que cette disposition n'a rien de nouveau et qu'elle n'a pas donné lieu à l'inconvénient dont parle l'honorable préopinant.

Cette disposition se trouve dans la loi. Elle se trouve dans tous les cahiers des charges et jusqu'à présent, personne ne s'est plaint, des difficultés n'ont jamais surgi.

Y a-t-il lieu de modifier le mode d'enlèvement ? Je ne le pense pas, par la raison très simple qu'il est défendu d'enlever le bois à dos d'homme ; cet enlèvement est compris dans la catégorie d'enlèvement frauduleux. Ainsi si à tous les bûcherons qui se trouvent dans le bois, vous permettiez d'enlever, après le coucher du soleil, une charge d'homme, les coupes seraient bien vite dépouillées. C'est cet enlèvement qui doit être prévu et défendu.

(erratum, page 617) - L'article 54 est mis aux voix et adopté.

Article 55

« Il est interdit à l’adjudicataire, à moins que le procès-verbal d’adjudication n’en contienne l’autorisation expresse, de peler ou décarcer sur pied aucun des bois de sa vente, sous peine d’une amende de 25 à 300 fr. »

- Adopté.

Article 56

« Art. 56. Toute contravention aux clauses et conditions du cahier des charges relativement au mode d'abattage et d'exploitation des bois et au nettoiement des coupes, sera punie d'une amende de 25 à 300 francs. »

M. David. - L'opération du nettoiement comprend plusieurs opérations, et je dois vous en citer de tellement minimes que vous trouverez l'amende de 25 à 300 francs par trop exorbitante.

On entend, entre autres, par nettoiement, le nivellement des taupinières, des fourmilières. Cela est écrit dans tous les cahiers des charges. On classe dans cette opération la destruction des ronces, et de quelques plantes parasites. Je vous demande si lorsque quelqu'un aura oublié de niveler une taupinière, ou si une taupe venait à pousser une taupinière après un premier nivellement, mais avant le récolement, un individu pourra être condamné à 25 francs d'amende. Réellement ce minimum est exorbitant.

M. Orts. - Il est dans l'esprit de tous les cahiers des charges de punir d'une peine pécuniaire, d'une amende conventionnelle, les contraventions quelles qu'elles soient aux clauses d'adjudication d'un service public.

Maintenant, il est dans le système général de la loi forestière de faire du cahier des charges non plus un simple contrat, mais une loi. De là, la nécessité dans l'article 58 de substituer aux peines contractuelles ordinaires les amendes à prononcer par les tribunaux répressifs ; elles s'élèvent de 25 à 300 fr. Si nous entrions dans toutes les questions de détail, dans toutes les minuties que pourraient soulever les clauses d'adjudication des coupes forestières, nous trouverions sans doute que, dans certaines circonstances, 25 fr. c'est un peu cher ; mais en voulant éviter cet écueil, nous nous noierions dans les hypothèses et nous n'en finirions pas ; je défie la chambre, je défie quelque législature que ce soit, de prévoir, dans une matière aussi remplie d'accidents et de complications, toutes les espèces qui peuvent se présenter.

Il y a dans ces matières une série de difficultés sans importance, mais impossibles à prévoir. Il faut laisser quelque chose à l'application, Sans doute, si une taupe, comme le disait l'honorable M. David, intervient pour quelque chose dans l'infraction aux clauses des cahiers des charges, une administration qui se respecte, un tribunal intelligent n'exigera pas de l'adjudicataire une amende de 25 francs par malheureuse taupinière ; l'adjudication, la taupe et l'équité, que l'honorable M. David se rassure, seront parfaitement respectés.

M. David. - L'honorable M. Orts prétendait que nous ne pouvions pas entrer dans toutes ces considérations de détails ; c'est vrai, mais nous devons fixer les amendes assez bas pour laisser à l'appréciation des tribunaux assez de marge pour qu'il leur soit permis de condamner suivant le plus eu moins de gravité du fait.

Il y a de ces faits qui ne pourront pas être considérés comme délits et qui devront être frappés de 25 francs d'amende. Le garde forestier qui dresserait le procès-verbal ne pourrait les évaluer que conformément à ce qui est indiqué positivement dans la loi. Il me semble donc qu'il y aurait lieu à fixer de 1 à 300 francs au lieu de 25 à 300 francs.

- L'article 56 est mis aux voix et adopté.

Article 57

« Art. 57. Il ne pourra être établi aucune fosse ou fourneau pour le charbon, aucun atelier ni loge, si ce n'est aux endroits qui seront indiqués par procès-verbaux des agents forestiers ou des gardes par eux délégués, sous peine, contre l'adjudicataire, d'une amende de 50 francs pour chaque fosse ou fourneau, loge ou atelier, établi en contravention à cette disposition. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission a ajouté quelques mots qui donneraient aux agents forestiers le droit de déléguer des gardes pour indiquer les endroits où devront être établis les fosses ou fourneaux pour le charbon ; je pense qu'il est préférable de ne pas laisser cette latitude aux agents forestiers. Ce sont des choses assez importantes pour que ce soient les agents forestiers eux-mêmes qui fassent les indications dont il s'agit. Le gouvernement, sans doute, pourrait défendre la délégation, mais il pourrait se faire qu'on transgressât cette défense.

M. Moncheur. - Voici pourquoi ces mots ont été ajoutés par la commission : c'est que le nombre de gardes généraux n'est pas considérable et que leur résidence est quelquefois très éloignée des endroits où l'exploitation des bois se fait.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'insiste pas.

M. Roussel. - Ne pourrait-on pas dire : « sous peine de suppression et d'une amende ? » Sans cette addition l'article 57 pourrait laisser quelque doute sur la suppression des fourneaux, loges, etc.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'insiste pas sur l'observation que j'ai faite.

Quant à l'observation de M. Roussel, ce qu'il propose, est de droit. Tout établissement de loges, fourneaux, etc., étant considéré comme un délit, doit par cela seul cesser immédiatement. L'administration forestière aurait le droit de les faire détruire.

M. Roussel. - J'avais proposé cette addition parce qu'on l'avait insérée pour les bâtisses.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est autre chose.

M. Jacques. - Lorsqu'il y a lieu à désigner des fosses pour charbonner les produits d'une coupe, les agents forestiers doivent, d'après l'article qui est en discussion, dresser un procès-verbal. Je voudrais savoir si l'on comprend ce procès-verbal parmi les procès-verbaux relatifs aux coupes, qui sont dispensés des droits de timbre et d'enregistrement, aux termes d'un article adopté dans une précédente séance.

Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de doute, car un procès-verbal d'indication, des places où l'on peut charbonner une coupe qui a cette destination est évidemment un procès-verbal relatif à la coupe.

Ce qui peut faire naître quelque doute, c'est que la commission a cru devoir proposer un article additionnel pour exempter des droits de timbre et d'enregistrement les procès-verbaux d'arpentage et de récolement, procès-verbaux qui sont évidemment aussi relatifs à la coupe, et qui, par suite, doivent être exempts également des droits de timbre et d'enregistrement, sans avoir besoin de le stipuler dans un article spécial.

Je ne pense donc pas,qu'il y ait aucun doute sérieux ; d'ailleurs, si la question venait à être controversée, l'on peut, sans inconvénient, laisser à l'administration le soin de décider plus tard.

- L'article 57 est mis aux voix et adopté.

Article 58

« Art. 58. La traite des bois se fera par les chemins ordinaires des ventes, sans que les adjudicataires puissent en pratiquer de nouveaux. En cas de nécessité, les agents forestiers pourront en désigner d'autres. Les contraventions à cette disposition seront punies de 25 à 300 francs d'amende. »

- Adopté.

Article 59

« Art. 59. La coupe des bois et la vidange des ventes seront faites dans les délais fixés par le cahier des charges, à moins que les adjudicataires n'aient obtenu de l'administration forestière une prorogation de délai, à peine d'une amende de 25 à 300 francs. »

M. David. - D'après cet article la prorogation doit être accordée par l'administration centrale ; cela entraînera d'immenses retards. Les adjudicataires ne demandant de prorogation qu'à la dernière extrémité, il y a urgence ; il serait utile que les agents locaux qui sont plus aptes que l'administration centrale, à juger de la justesse de la demande, pussent l'accorder.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce sont les administrations centrales qui détermineront ce qui entrera dans les attributions de l'administration forestière proprement dite.

Je ne pense pas qu'il entre dans les intentions de l'administration centrale de se réserver des questions de détail.

M. Orban. - Souvent il y a des cas de farce majeure qui empêchent de terminer la coupe dans le délai fixé, par exemple, quand les neiges viennent faire obstacle au travail des bûcherons.

(page 609) Je proposerai de dire : « La coupe des bois et la vidange des ventes, à moins de force majeure, seront, etc. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cela va de soi.

M. Orban. - Le fait dont j'ai parlé se présente souvent et donne lieu à des difficultés.

M. Orts, rapporteur. - Quand il y a force majeure, on est en dehors des prescriptions de la loi en matière forestière comme en toute autre. Cela est reconnu. C'est ainsi que pour la défense de circuler par les bois hors voie, il est entendu qu'en cas de force majeure, la défense de la loi n'existe plus. C'est dans la nature des choses.

- L'article 59 est adopté.

Article 60

« Art. 60. A défaut, par les adjudicataires, d'exécuter dans les délais fixés les travaux que le cahier des charges leur impose, ces travaux seront exécutés à leurs frais, à la diligence des agents forestiers, sur l'autorisation du ministre, pour les bois du domaine, et sur celle de la députation du conseil provincial, pour les bois des communes et des établissements publics. Le ministre ou la députation arrêtera ensuite et rendra exécutoires, contre les adjudicataires, les mémoires des frais. Le payement en sera poursuivi par les mêmes voies que le recouvrement du prix de ventes. »

- Adopté.

Article 61

« Art. 61. Il est défendu à tous les adjudicataires, leurs ouvriers et facteurs d'allumer du feu, ailleurs que dans leurs loges ou ateliers, à peine d'une amende de 10 à 100 francs. »

M. Moncheur. - Il y a des localités où le seul moyen de tirer parti des ramilles est de les brûler sur place, afin d'en retirer les cendres qui servent à faire de la lessive et un sel propre au commerce. Je suppose que cet usage pourra être maintenu, en vertu de l'article 57, que nous venons d'adopter, quoiqu'il ne rentre pas précisément dans les termes de cet article, lequel ne parle que de l'établissement de fosses et de fourneaux pour le charbon. Mais si on n'en fait pas la déclaration formelle dans la discussion, il pourra y avoir doute ; en effet, en présence des termes absolus de l'article 61, et si on les prenait au pied de la lettre, il serait impossible de maintenir l'usage que j'ai signalé, puisque cet article défend d'allumer du feu ailleurs que dans les loges ou les ateliers.

Je demanderai donc une explication de la part de M. le ministre de la justice ou de M. le rapporteur, pour qu'on soit fixé sur ce point.

M. Orts, rapporteur. - Je crois que ces opérations dont parle l'honorable préopinant, sont comprises dans les règles générales, en vertu d'une interprétation, par analogie, de l'article 57, en ce sens que, quand l'administration forestière aura désigné les lieux où elles peuvent se faire, ces opérations pourront être continuées dans le présent et dans l'avenir, comme elles étaient tolérées dans le passé.

La défense que contient l'article 61 n'est évidemment pas relative à des feux qui seraient allumés en vue de ces opérations ; elles constituent l'un des bénéfices de la coupe, son exploitation sur le pied des prévisions du cahier des charges et d'après les habitudes de la localité.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est un mode d'exploitation ; cela ne tombe pas sous l'application de l'article 57. L'article 61 défend d'allumer des feux, alors que ce n'est pas un mode d'exploitation.

M. Moncheur. - Je suis satisfait de ces explications, mais l'article n'était pas clair.

- L'article 61 est adopté.

Articles 62 à 65

« Art. 62. Les adjudicataires ne pourront déposer dans leurs ventes d'autres bois que ceux qui en proviendront, sous peine d'une amende de 50 à 500 francs. »

- Adopté.


« Art. 63. Si dans le cours de l'exploitation ou de la vidange, il était dressé des procès-verbaux de délits ou de vices d'exploitation, l'administration pourra y donner suite, avant l'époque du récolement.

« En cas d'insuffisance d'un premier procès-verbal, sur lequel il ne serait p :s intervenu de jugement, les agents forestiers pourront, lors du récolement, constater par un nouveau procès-verbal les délits et contraventions. »

- Adopté.


« Art. 64. Les adjudicataires et leurs cautions, à dater du permis d'exploiter, et jusqu'à ce qu'ils aient obtenu leur décharge, seront responsables de tout délit forestier commis dans leurs ventes et à l'ouïe de la cognée, si leurs facteurs ou gardes-ventes n'en font leurs rapports, lesquels doivent être remis à l'agent forestier, dans le délai de huit jours, à dater du délit.

« Ces rapports ne serviront de décharge aux adjudicataires qu'autant qu'ils seront valables, et qu'ils indiqueront les délinquants, ou qu'à défaut de cette indication ils fourniront la preuve de diligences suffisantes faites pour les découvrir. »

- Adopté.


« Art. 65. Les adjudicataires et leurs cautions sont responsbles des amendes et restitutions encourues pour délits et contraventions commis, soit dans la vente, soit à l'ouïe de la cognée, par les facteurs, gardes-ventes, ouvriers, bûcherons, voituriers et toutes autres personnes employées par les adjudicataires. »

- Adopté.

Article 66

« Art. 66. Les entrepreneurs de l'exploitation, soit des coupes à délivrer en nature, soit des coupes que les propriétaires voudraient vendre abattues, se conformeront à tout ce qui est prescrit aux adjudicataires, en ce qui concerne l'exploitation, les travaux et la vidange des coupes ; ils seront soumis à la même responsabilité et passibles des mêmes peines, en cas de délits ou contraventions.

M. David. - Comme, dans certains cas, ce sera l'affouager qui exploitera lui-même les coupes affouagères, d'après l'amendement introduit à l'article 49, je demande s'il ne faudrait pas ajouter au commencement de l'article les mots : « les atffouagers, etc. »

M. Orts, rapporteur. - Il est pourvu à ce que demande l'honorable M. David, dans l'amendement qui â été adopté tout à l'heure.

Pour chaque cas spécial, un arrêté royal déterminera les conditions de responsabilité imposées aux affouagers quand, en vertu de la faculté que nous avons permis d'accorder, ils seront admis à partager des bois sur pied.

M. David. - Puisqu'il en est ainsi, je n'insiste pas.

- L'article 66 est adopté.

Section II. Dispositions applicables aux bois des commmunes seulement
Article 67

« Art. 67. Le partage et la distribution des bois d'affouage, de construction et d'agriculture entre les habitants, sont réglés par le conseil communal, d'après le nombre des feux, c'est-à-dire des chefs de famille tenant ménage à part et domiciliés depuis un an au moins dans la commune ou section de commune propriétaire.

« En cas de réclamation, il sera statué conformément à l'article 77 de la loi du 30 mars 1836. »

M. David. - Je demanderai si un étranger, non domicilié en Belgique conformément à l'article 13 du Code civil, sera considéré comme ayant droit à une part d'affouage, ou un partage dans les bois de la commune, dont il est question dans cet article.

M. Orts, rapporteur. - La commission a formellement entendu que le Code forestier ne changeât rien aux conditions requises pour prendre part aux affouages d'après las règlements en vigueur, ou les lois existantes. La qualité d'indigène ou d'étranger, par exemple, chez, les prétendants droit, est appréciée d'après des dispositions spéciales.

Il y a d'ailleurs, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, des règles d'après lesquelles se vident les conflits qui peuvent s'élever. Nous nous sommes occupés de deux conditions, la possession d'un feu et l'habitation durant un an au moins. Hors de là, le Code forestier a la prétention de ne rien exclure comme de ne rien exiger.

M. Thibaut. - Puisqu'on fixe dans la loi même certaines règles qui doivent guider les conseils communaux dans le partage des bois d'affouage, je demanderai qu'elles soient fixées de manière à ne laisser aucun doute.

On dit que les chefs de famille devront être domiciliés depuis un an. Comment comptera-t-on l'année ?

Je sais, par expérience, que l'absence de règles précises a donné lieu, à des difficultés dans les communes. Je demanderai si, pour les lever, on ne pourrait pas accorder l'affouage, l'année suivante, au chef de famille qui a quitté la commune.

M. Orts, rapporteur. - J'ai répondu d'avance à l'observation de l'honorable M. Thibaut. Tous ces objets, toutes ces difficultés de détails sont réglés par des dispositions spéciales en dehors du Code forestier. Ces dispositions restent en vigueur.

Le Code forestier ne veut qu'une chose ; c'est que, pour prendre part à l'affouage, vous ayez habité dans la commune pendant une année au moins, ce qui est très facile à déterminer. Un an, cela signifie douze mois, et au-delà des douze mois, les conseils communaux, les autorités supérieures chargées de réglementer ces objets, feront ce qu'ils trouveront convenable. Ils ne seront pas, en cela, entravés par le Code forestier. Si d'autres lois leur défendent ce qu'ils croient pouvoir faire, ils se trouveront en présence de cette défense. Le Code forestier n'a rien à y voir.

M. Moncheur. - D'après les règlements existants, l'année commence du jour de la déclaration faite au bourgmestre, de l'intention qu'on a de fixer son domicile dans la commune. Il est tenu un registre pour ces sortes de déclarations, et l'année court du jour où la déclaration est consignée sur ce registre. D'après ces mêmes règlements comme celui qui quitte une commune, ne jouit qu'après une année de domicile des avantages communaux, dans le lieu où il va se fixer, il perçoit, pendant cette année encore, les affouages dans la commune qu'il a abandonnée.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les principes dont vient de parler l'honorable M. Moucheur, existent à peu près partout et sont conformes à la justice.

L'affouage est un avantage fait en compensation des charges que l'on (page 610) supporte dans la commune. Quand vous avez supporté ces charges pendant un an, vous êtes admis aussi à jouir des bénéfices que cette commune peut vous présenter. Et c'est la réponse à la question qu'a faite tantôt l'honorable M. David, du moins la réponse théorique. Car, ainsi que le disait l'honorable M. Orts, ces difficultés sont appréciées par des règlements particuliers. L'étranger, quoiqu'il ne soit pas autorisé à établir son domicile en Belgique, doit néanmoins supporter toutes les charges de la commune dans laquelle il se trouve. Il est donc juste aussi qu'il jouisse des avantages que cette commune peut offrir.

Quant aux autres difficultés signalées par l'honorable M. Thibaut, la solution en reste aux corps chargés d'appliquer les règlements qui sont faits sur la question des affouages.

- L'article est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.