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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 février 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 611) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Le Hon, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours.

- Ce congé est accordé.


« M. le ministre de l'intérieur fait hommage à la chambre de 110 exemplaires d'un recueil de documents officiels concernant l'exposition universelle de Londres et l'exposition générale de Bruxelles. »

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Destriveaux, au nom de la commission des naturalisations, dépose un rapport sur une demande en naturalisation.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur le code forestier

Discussion des articles

Titre VII. Réarpentages et récolements

Article 68

« Art. 68. Il sera procédé, avant ou pendant le récolement, au réarpentage des coupes, par un arpenteur forestier autre que celui qui aura fait le mesurage de l'assiette.

« L'adjudicataire sera averti du jour et de l'heure de cette opération, par acte signifié au domicile élu, au moins dix jours à l'avance. Il pourra appeler un arpenteur de son choix et à ses frais, pour assister aux opérations de réarpentage ; à défaut par lui d'user de ce droit, ou de se trouver sur les lieux, les procès-verbaux de réarpentage seront réputés contradictoires. »

M. David. - Messieurs, je crois que cet article présente une lacune. Il est convenu que toutes les opérations d'arpentage et de récolement seront faites gratuitement, et ici je lis : l'adjudicataire sera averti du jour et de l'heure de cette opération, par acte signifié, etc. Je demande que l'on ajoute les mots sans frais, car aucun article ne prévoit que cette signification sera faite sans frais. Du reste, il y a une grande analogie entre cet article et l'article 72.

Il y aurait donc lieu d'ajouter dans cet article les mots : « par acte signifié sans frais ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas que l'on puisse dire que ce soit sans frais, parce que l'administration forestière ne peut pas exiger qu'un de ses gardes signifie un acte sans être tenu au payement. Mais l'article tel qu'il est ainsi conçu ne me paraît pas décider que ce sera l'adjudicataire qui devra payer ces frais. Je ne pense pas que la commission nommée par la chambre ni la commission nommée par le gouvernement aient eu en vue de faire payer cette signification par l'adjudicataire. Quand il s'agit de faire supporter d'autres frais à l'adjudicataire la loi le dit. Ainsi lorsque l'adjudicataire est autorisé à appeler un arpenteur, l'article déclare qu'il le pourra à ses frais.

Je ne pense donc pas qu'il soit utile d'ajouter à l'article les mots dont parle l'honorable M. David.

Je demanderai à la commission qui a ajouté à l'article l'obligation de prévenir l'adjudicataire de l'heure où l'adjudicalion aura lieu, si elle entend faire dépendre de l'arpentage à heure fixée la validité des opérations elles-mêmes. Ainsi, je suppose que les agents ne soient pas sur les lieux à l'heure déterminée, qu'ils n'arrivent qu'une ou deux heures après, sera-ce une nullité ? Je ne le pense pas. Ce que la commission a voulu, sans doute, c'est qu'on ne commençât pas avant l'heure indiquée ; mais un retard n'entraînerait pas la nullité de l'opération.

C'est d'autant plus important que, quand on procède au réarpentage des coupes, on le fait pour toutes les coupes, les unes après les autres. Les agents pourraient donc être arrêtés par une erreur à rectifier et arriver 2 ou 3 heures après l'époque indiquée.

M. David. - Si vous n'adoptez pas, messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de proposer, il naîtra inévitablement des contestations. Je le prouverai par l'article 72, qui a une grande analogie avec celui-ci, puisqu'il est question là de significations et d'avertissements. Il commence ainsi : « L'adjudicataire sera averti, sans frais et huit jours d'avance, du jour et de l'heure où se fera le récolement, » et plus loin il porte : « il sera procédé à un deuxième récolement, auquel il sera appelé par un acte signifié à ses frais » Ainsi, là, on fait la distinction entre les opérations qui, dans un cas sont gratuites pour l’adjudicataire et, dans l’autre, seront à ses frais.

Il me semble donc que, dans l'article 68, on devrait procéder de la même manière.

M. Orts, rapporteur. - La commission, comme l'a très bien dit M. le ministre de la justice tout à l'heure, n'a pas entendu le moins du monde préjuger la question de savoir qui pajera les frais dont il est question à l'article 68, ni surtout la préjuger contre l'adjudicataire.

Dans la pratique, je ne sais comment l'administration belge règle ces sortes d'affaires ; je n'ai pas trouvé d'indication à cet égard.

Mais, en France, des circulaires et des instructions ministérielles portent que cette opération devra être faite par les gardes, sans qu'ils aient droit à aucun émolument pour cet acte, qui est considéré comme un acte de surveillance plutôt que comme un acte de procédure. Quoi qo'il en soit, cela ne concerne que l'intérêt des agents et de l'administration, et ce n'est pas à ce point de vue que l'honorable M. David s'est placé.

Il est certain que l'adjudicataire ne doit pas payer ; il ne devrait payer que si la loi lui en faisait l'obligation.

M. le ministre de la justice a demandé une explication sur le sens de l'amendement de la commission, qui consiste à exiger la mention de l'heure. Il est évident que l'indication de l'heure n'a qu'un but, celui d'empêcher qu'on ne procède aux opérations de l'arpentage, avant le moment ou l'adjudicataire a pu croire que l'opération se ferait. Si l'admitiistraiion est en retard, il est clair que l'adjudicalaire doit attendre que l'opération se fasse. Il en est de lui comme de l'individu assigné devant un tribunal. S'il est assigue pour 9 heures, et qu'on ne plaide qu'à midi, il est de son devoir de déférer à la citation et d'attendre que la justice s'occupe de son procès.

Je creis que cette observation satisfait à la demande que m'a adressée M. le ministre de la justice.

M. David. - Puisqu'il est entendu que l'adjulicalaire n'aura pas à supporter ces frais, je relire mon amendement.

M. Moncheur. - Le premier paragraphe de cet article porte qu'il sera procède avant ou pendant le récolement au réarpentage des coupes, par un arpenteur forestier autre que celui qui aura fait le mesurage de l'assiette. D'après cet article, ce réarpentage doit toujours avoir lieu, il y aura donc d'abord un arpentage pour établir l'assiette de la coupe, et ensuite un réarpentage avant ou pendant le récolement. Or, je ne pense pas que le réarpentage soit toujours nécessaire. Je pense, au contraire, que ce sont la des frais qu'on pourrait souvent éviter.

Pour les bois communaux, l'arrêté du 27 mai 1819 a rendu le réarpenlage facultatif. Il ne doit avoir lieu que lorsqu'il y a incertitude sur la contenance des coupes ; lorsque cette contenace n'est pas parfaitement connue. Ainsi, si les coupes étaient bien divisées et démarquées par des bornes placées lors des révolutions antérieures, comme font parfois les particuliers pour éviter les frais d'arpentage et de réarpentage. Il est évident que la formalité prescrite par l'article 68 serait inutile et ferait tomber à charge du trésor des fais sans objet. Je pense qu'il fau tétablir pour les forets de l'Etat un régime analogue à celui qui existe pour les bois communaux et dire : « Il sera procédé, s'il y a lieu, avant ou pendant le récolement, au rearpentage. »

M. Roussel. - Comment pourra-t-on régler ce qui concerne le deuxième paragraphe de l'article, c'est-à-dire les frais ? L'article 68 a été fait dans l'hypothèse d'un réarpenlage obligatoire quand il s'agit des forêts de l'Etat. L'article 70 l'établit pour les bois des communes et établissements publics, l'article 70 règle ce qui concerne les frais de réarpentage, pour les bois des communes et établissements publics, l'amendement de M. Moncheur laisserait la question indécise quand il s'agit des forêts de l'Etat.

M. Orts. - Je pense qu'il y a des avantages à maintenir le réarpentage pour les bois et les forêts de l'Etat, et qu'il y a en définitive très peu de préjudice ou d'inconvénient pour l'adjudicataire, à ce que cette opération soit, faite.

Le réarpentage est évidemment une mesure utile au point de vue de l'intérêt de l'Etat, vendeur de bois. L'Etat fait procéder à cette vérification par ses agents. Nous avons dispensé des frais de procès-verbaux d'expertise et d'enregistrement ; nous avons dit que les procès-verbaux ne seraient pas à charge de l'adjudicataire lorsque sa présence serait nécessaire sur les lieux.

En résumé, que demandons-nous à l'adjudicataire ? Nous lui demandons de comparaître à une opération que l'Etat fait seul et dans son intérêt. Je crois que la chose présente assez d'avantages pour qu'il soit prudent de la maintenir.

M. Lelièvre. - Je pense qu'il vaut mieux maintenir l'article tel qu'il est rédige ; en effet les mots s'il y a lieu sont absolument trop vagues et feront nécessairement naître une difficulté relativement à la question de savoir dans quel cas l'arpentage devra être effectué.

Dans le système de l'article, le réarpentage n'est provoqué par l'Etat, que si celui-ci le juge convenable. Si l'Etat ne requiert pas l'opération, alors si l'adjudicataire trouve bon de la réclamer, il agit a ses risques et périls et doit supporter les frais s'il vient à succomber dans la mesure. Je pense donc qu il faut maintenir l'article tel qu'il est rédigé, l'addition proposée pouvant donuer lieu à des difficultés.

M. Moncheur. - Messieurs, mon but est d'éviter des frais inutiles à l'Etat. Il est évident que pour l'Etat comme pour les communes, (page 612) quand les coupes sont parfaitement connues, quand leur contenance est parfaitement établie, il est inutile de réarpenter. Je ne vois pas pourquoi l'Etat doit toujours réarpenter, alors qu'on a reconnu que les communes ne devaient pas toujours le faire.

On dit qu'il sera facultatif, d'après le projet, à l'administration forestière d'ordonner le réarpentage ou de ne pas l'ordonner.

Mais c'est une erreur, messieurs, car d'après l'article 68, la réarpentage sera toujours requis. Il ne sera donc pas libre à l'administration elle-même de ne pas faire procéder à cette opération.

On dit encore que les mots « s'il y a lieu » sont vagues.

Mais, voulez-vous employer une autre expression qui rende la même idée ? Je ne m'y oppose pas. Ainsi on pourrait dire : « il sera procédé, s'il est nécessaire » ; ou bien ; « il pourra être procédé, etc., etc. »

M. Roussel. - Il faudrait dire quand ce sera nécessaire.

M. Moncheur. - Pour répondre à cette nouvelle objection, je proposerai de rendre applicable à l'Etat l'article 20 de l'arrêté du 27 mai 1819 qui porte ce qui suit :

« L'arpentage n'aura pas lieu pour les bois ou parties de bois dont les coupes, déjà réglées lors des révolutions antérieures, ont une contenance suffisamment connue par les arpentages précédents. »

Il est évident qu'il est inutile d'arpenter lorsque les limites sont constatées depuis trois ou quatre révolutions. Comme l'arpentage a lieu aux frais de l'Etat, pourquoi donc lui imposer des dépenses inutiles ?

M. Orban. - Messieurs, il me paraît évident que l'amendement de l'honorable M. Moncheur ne peut être admis. Qu'est-ce en définitive que le réarpentage ? C'est une opération qui consiste à vérifier si les limites et la mesure de la coupe n'ont pas été excédées dans l'exploitation. Or, c'est là un point que l'on ne peut constater que par le réarpentage lui-même.

L'amendement voudrait rendre le réarpentage facultatif et introduire à cet effet dans l'article les expressions, « s'il y a lieu ». Or, comment reconnaître s'il y a lieu, si ce n'est en constatant qu'il y a inexactitude, et comment constater l'inexactitude si ce n'est pas le réarpentage lui-même ? C'est, en d'autres termes, comme si l'on disait que la nécessité du réarpentage sera subordonnée à la connaissance d'un fait qui ne peut être connu que par le réarpentage lui-même.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Moncheur est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 68 est adopté.

Article 69

« Art. 69. S'il résulte des procès-verbaux de réarpentage un excédant de mesure, l'adjudicataire en payera le montant en proportion du prix de la vente.

« S'il y a au contraire un déficit, il en sera remboursé dans la même proportion, après qu'il aura obtenu sa décharge.

« Les arpenteurs seront passibles de tous dommages-intérêts, par suite des erreurs qu'ils auront commises, lorsqu'il en résultera une différence d'un vingtième au moins de l'étendue de la coupe. »

M. Lelièvre. - Messieurs, l'article en discussion est emprunté au Code français. Or, une disposition analogue à celle dont nous nous occupons a soulevé en France une difficulté. La cour de cassation, par arrêt du 31 août 1841 (Sirey, 1842, p. I, pag. 53), a décidé que cet article n'était applicable qu'aux rapports qui existent entre l'arpenteur et l'administration et non à ceux qui existent entre l'arpenteur et l'adjudicataire.

Je désire qu'il soit énoncé clairement si c'est dans le même sens que notre article est rédigé, afin qu'il ne puisse s'élever aucun doute sur la portée de la disposition. M. le ministre m'indiquant qu'il partage cet avis, je me borne à cette observation.

M. Delfosse. - La rédaction du premier paragraphe laisse à désirer : le montant d'un excédant ! Il serait préférable de dire : « L'adjudicataire en payera la valeur. »

- L'article est adopté avec cette modification.

Article 70

« Art. 70. Dans les bois des communes ou des établissements publics, le réarpentage est facultatif. S'il est requis indûment par l'une des parties, elle en supportera seule les frais.

« Dans le cas contraire, les frais seront à charge des deux parties. »

M. Orban. - Messieurs, je ne trouve pas qu'il soit convenable de faire supporter les frais du réarpentage exclusivement par la partie qui l'a provoqué, comme le propose l'article en discussion. Le réarpentage est une mesure de bonne administration ; il consiste à vérifier, après l'exploitation, si celle-ci a été faite dans les limites de l'arpentage primitif. Celle mesure était autrefois obligatoire pour les communes comme pour l'Etat lui-même, et aujourd'hui elle reste encore obligatoire pour l'Etat dans toutes les circonstances. On en a dispensé les communes dans une pensée d'économie ; on a pensé que dans certains cas elles pourraient s'en dispenser ; mais il me semble que lorsqu'elle y recourront elles feront chose utile : c'est une mesure de bonne administration qu'il faut encourager et dont il ne faut pas, dès lors, la punir en faisant supporter les frais par la partie qui l'a provoquée.

On a pensé que ces frais devaient être à la charge de l'une des parties, par analogie avec ce qui se fait devant les tribunaux ; devant les tribunaux, c'est la partie succombante qui supporte les frais, et rien n'est plus juste ; mais y a-t-il quelque analogie entre ce cas et la demande du réarpentage faite par une commune ? En aucune façon ; le réarpentage n'est pas une mesure provoqués contre l'exploitant par un sentiment de défiance ; ce n'est pas même une contestation.

C'est simplement un moyen pour l'administration communale de s'assurer qu'elle n'a pas été lésée, que l'exploitant n'est pas sorti des bornes où il aurait dû se renfermer. Or, si c'est là le but du réarpentage, il me semble qu'on ne peut jamais punir la commune qui l'a provoqué.

Je ferai observer, du reste, que la disposition qu'on propose est une disposition nouvelle introduite par la commission ; elle n'existait pas dans l'arrêté de 1819 ; d'après cet arrêté, les communes étaient dispensées de provoquer le réarpentage, lorsqu'elles ne le jugeraient pas convenable, mais aucune disposition de cet arrêté ne stipulait que les frais seraient supportés par la partie qui l'aurait provoquée.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, comme l'a très bien dit l'honorable M. Orban, c'est par mesure d'économie, pour diminuer, autant que possible, les frais d'administration des bois communaux, qu'en 1819 on a dispensé les communes de l'obligation de requérir le réarpentage ; on a fait dégénérer cette obligation en simple faculté. La commission première qui a rédigé l'article a cru que pour éviter les demandes de réarpentage, sans motifs légitimes, il convenait d'imposer une pénalité à celui qui y recourt indûment, que ce fût la commune ou l'adjudicataire. Je ne vois rien de bien exorbitant dans cette disposition ; je la trouve même juste à un certain point de vue ; car il est incontestable que celui qui recourt à une mesure quelconque, fût-ce même une simple mesure conservatoire, sans but, sans intérêt légitime, doit au moins supporter les frais de la mesure qu'il a requise, pour le bon plaisir de poser un acte sans portée.

D'ailleurs les communes et les établissements publics sont, vis-à-vis de leurs bois, dans une situation qui leur permet mieux qu'à l'administration générale de savoir exactement d'avance quelle est la contenance de la coupe et du bois lui-même, et cela pour une excellente raison, c'est que la propriété boisée des communes ou des établissements publics est, au point de vue de chaque commune ou de chaque établissement public, beaucoup moins importante et moins étendue, et par suite plus facile à connaître que la propriété boisée de l'Etat.

Je crois que le système de l'honorable M. Orban serait en définitive l'introduction d'un principe onéreux pour les communes et cela sans justification.

M. Lelièvre. - Messieurs, je partage entièrement l'avis de M. le rapporteur. En principe, celui qui réclame une mesure dans laquelle il succombe, doit en supporter les frais. En conséquence il est naturel que la partie qui a requis indûment l'arpentage supporte les frais d'une opération réclamée sans motif. Il n'y a nulle raison de s'écarter dans l'espèce d'un principe du droit commun.

Remarquez que dans l'espèce le réarpentage est facultatif ; dès lors celui qui a exercé mal à propos la faculté, doit évidemment en supporter les frais. Mais s'il en est ainsi dans les ventes ordinaires, pourquoi n'en serait-il pas de même dans l'espèce qui nous occupe ?

Mais celui qui sans fondement requiert un réarpentage élève en réalité une contestation et par conséquent si celle-ci est reconnue mal fondée, n'est-il pas juste que les conséquences tombent à sa charge ? Est-il équitable que l'autre partie doive supporter les suites d'une mesure témérairement formée et pouvons-nous encourager les demandes de réarpentage même évidemment mal formées ? Cela n'est pas possible d'après les principes d'une bonne législation, quand la mesure a été réclamée avec fondement, alors c'est avec raison que chacune des parties supporte les frais de la mesure qui en ce cas a été réclamée dans un intérêt commun, mais lorsqu'elle a été indûment requise, tout doit nous engager à maintenir une disposition qui produira de bons fruits, parce qu'elle empêchera de provoquer des réarpentages sans un espoir fondé de succès.

M. Orban. - Messieurs, c'est une erreur de supposer que le réarpentage soit le résultat d'une contestation entre la commune et l'adjudicataire. C'est une mesure qui met la commune et l'adjudicataire à même d'apprécier les réclamations réciproques qui peuvent s'élever entre l'un et l'autre.

Ce n'est pas une mesure de défiance ; c'est une mesure nécessaire dans l'intérêt de la commune et de l'adjudicataire ; elle met l'adjudicataire aussi bien que la commune à l'abri des contestations qui pourraient surgir plus tard.

Maintenant on a voulu éviter des frais pour la commune. Je trouve au contraire que la disposition tourne tout à fait au détriment des communes et vous allez le comprendre.

On met à la charge de celui qui requiert le réarpentage les frais occasionnés lorsqu'il a été requis indûment ; remarquez, messieurs, que ce sera presque toujours la commune qui requerra ce réarpentage. Je ne vois pas, en effet, quel est l'intérêt que l'adjudicataire peut avoir à le requérir. Car cette opération aura presque toujours pour but de constater les inexactitudes ou les excès commis par lui ; mais l'adjudicataire lui-même n'a évidemment pas intérêt à provoquer une vérification de cette espèce, et ne s'exposera jamais par conséquent à en supporter les frais, qui presque toujours tomberont à charge de la commune.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Orban nous dit que ce sera toujours la commune qui provoquera le réarpentage. Je crois que cela n'est pas exact, Il n'v a pas plus de raison pour la (page 613) commune de le provoquer, qu'il n'y en a pour que ce soit toujours l’adjudicalatre qui le demande. L'un et l'autre se trouvent tout à fait dans la même position.

Lorsque l'on a adjugé une coupe, les limites en sont déterminées. Dans quel cas provoquera-t-on le réarpentage ? Lorsqu'on supposera que l'arpenteur qui a fait le premier arpentage s'est trompé.

Or, il peut se tromper au préjudice de la commune comme à celui de l'adjudicataire.

La commune provoquera le réarpentage quand, une fois l'arpentage fait, elle verra, par l'étendue de la coupe, que réellement l'arpenteur s'est trompé à son préjudice, comme l'adjudicataire provoquera l'arpentage, si, à la vue de la coupe, il trouve que le premier arpenteur a commis une erreur.

L'arpentage ne sera jamais provoqué par l'adjudicataire qui aura outre-passé les limites parce que le premier arpenteur se sera trompé ; je ferai remarquer que l'arpentage d'une coupe est très difficile, et que le réarpentage, au contraire, en est très facile parce que le terrain est débarrassé.

En vertu de l'article 68, l'Etat peut toujours réarpenter à ses frais.

Maintenant nous améliorons la position des communes en ce sens que nous décidons que le réarpentage ne se fera que pour autant qu'elles constatent que le premier arpenteur s'est trompé.

Je crois qu'il est très juste de maintenir la mesure qui est proposée.

Si vous admettez que les deux parties doivent contribuer au réarpentage, on doit, au lieu de provoquer ce réarpentage, améliorer en dehors de la loi. C'est ce qui se fait encore aujourd'hui. Lorsqu'un adjudicataire provoque le réarpentage, il a toujours soin de faire un réarpentage auquel il ne convie pas l'autre partie. Si vous ne maintenez pas cette mesure, il y aura toujours un réarpentage vicieux : c'est ce qu'il faut éviter.

M. Orban. - Comme vous venez de l'entendre, la mesure proposée aurait pour résultat d'éloigner les parties de la demande de réarpentage.

Or, que vient de vous dire M. le ministre de la justice ? Il vient de vous dire que le réarpentage était plus généralement exact que l'arpentage lui-même, parce que la coupe exploitée, l'on voit clair devant soi et qu'on peut opérer avec plus de certitude. Eh bien ! devez-vous éloigner les parties de prendre une mesure qui est de nature à les éclairer plus complètement sur leurs intérêts.

La mesure est bonne, la preuve qu'elle est bonne c'est qu'on l'impose à l'Etat dans tous les cas possibles, qu'il ne peut pas s'en dispenser. On a repoussé l'amendement de M. Moncheur qui dispensait l'Etat, quand il le jugerait convenable, de procéder au réarpentage. Si on la trouve bonne, si elle a ce caractère d'utilité constatée pour les intérêts de l'Etat, je ne vois pas pourquoi on élève un obstacle à ce qu'elle soit appliquée, dans tous les cas possibles, par les communes.

M. Toussel. - Le dernier argument présenté par l'honorable M. Orban revient à celui-ci : Celui qui fait une revendication doit en supporter les frais ; donc personne ne fera plus de revendication. A raison de la crainte de devoir supporter les frais de réarpentage si elles succombent, d'après l'honorable membre, on ne fera plus de demande de réarpentage au nom des communes. Ce raisonnement ne peut pas infirmer l'article 70 ; si le réarpentage demandé n'était pas nécessaire, la commune doit en supporter les frais ; parce qu'elle l'a requis indûment, il est essentiel que ce soit elle qui paye les frais de l'acte indu qu'elle a réclamé.

- L'article 70 est mis aux voix et adopté.


M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, comme il pourrait se faire qu'on ne fût pas en nombre plus tard, je propose à la chambre de décider dès à présent qu'après la séance de demain elle s'ajournera à jeudi prochain. J'engagerai le bureau à faire distribuer à domicile le rapport de M. Van Iseghem sur le traité avec l'Angleterre. Nous pourrions l'examiner avec attention pendant ces 4 jours. C'est une chose très importante surtout pour la ville d'Anvers, j'engage mes collègues à l'examiner avec le plus grand soin.

M. le président. - Ce rapport sera distribué ce soir ou demain.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.

La chambre fixe ensuite à une heure la séance de demain.


Article 71

« Art. 71. Il sera procédé au récolement de chaque coupe dans les six semaines qui suivront le jour de l'expiration des délais accordés pour la vidange.

« Ces six semaines écoulées, l'adjudicataire pourra mettre l'administration en demeure par acte extrajudiciaire signifié à l'agent forestier local, et si, dans la quinzaine après la signification de cet acte, l'administration n'a pas procédé au récolement, l'adjudicataire sera libéré. »

M. Jacques. - Avant que cet article soit adopté, je voudrais savoir s'il y aurait inconvénient à ce que l'on fixât dans la loi un délai après lequel cesserait la responsabilité de l'adjudicataire sans qu'il dût mettre l'administration en demeure. Ne pourrait-on pas fixer un délai de 6 mois, et décider que ce délai expiré, la responsabilité cesserait de plein droit ? Est-ce qu'à défaut d'une disposition semblable la responsabilité ne pourrait pas se prolonger pendant plusieurs années ? Je demande une explication.

M. Orts, rapporteur. - La proposition de l'honorable M. Jacques a été soumise aux chambres françaises lors de la discussion du Code de 1827. Après quelques explications, il a été unanimement reconnu que le principe, dont M. Jacques demande l'admission, conduirait le plus souvent à de graves embarras dans la pratique et ne produirait que peu de bien dans d'autres circonstances. En effet, il peut être dangereux pour un adjudicataire que sa responsabilité se perpétue pendant un temps trop long. Mais comme cet adjudicataire est libre de faire cesser le danger quand il le veut, je ne vois pas pourquoi la loi serait plus soigneuse des intérêts de l'adjudicataire que l'adjudicataire lui-même.

Il n'a pour atteindre ce résultat qu'à mettre par un acte fort simple l'administration en demeure de procéder au récolement. Si l'administration ne s'exécute pas dans le délai fixé, la responsabilité cesse. Ainsi, en se conformant à la loi, l'adjudicataire sera parfaitement à couvert dans le délai de deux mois. Depuis longtemps les choses se pratiquent de cette façon. L'ordonnance de 1669 en vigueur depuis plus d'un demi-siècle fixe les délais que la commission parlementaire a introduits dans l'article 71 et prescrit les mêmes formalités. Aucune plainte ne paraît s'être élevée ; les adjudicataires et l'administration sont satisfaits ; nous ne voyons pas quel motif pourrait déterminer la chambre à innover dans cette matière.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'article 71 fixe un délai de deux mois pour procéder au récolement de chaque coupe et déclare que faute par l'administration de faire le récolement dans ce délai, l'adjudicataire pourra mettre l'administration en demeure d'y procéder et que si elle ne le fait pas dans les quinze jours, l'adjudicataire sera libéré.

La commission a réduit les deux délais fixés dans le projet du gouvernement, elle a réduit le premier de deux mois à six semaines et le deuxième d'un mois'à quinze jours.

Je puis accepter la réduction quant au second délai, mais non pour le premier. Le récolement se fait toujours par un agent supérieur de l'administration, qui a souvent 50 à 60 coupes à récoler ; si on ne lui laisse qu'un délai de six semaines, il arrivera qu'il sera dans l'impossibilité de faire le récolement dans le délai prescrit. Il faut maintenir le premier délai à deux mois, sauf à adopter l'amendement proposé pour le second. L'administration pourra se transporter là où il y a urgence et faire le récolement pour lequel la mise en demeure lui aura été signifiée. Si le premier délai n'était pas maintenu, il faudrait multiplier les agents forestiers.

M. Orts. - La raison qui a motivé la modification apportée à l'article 71 est celle-ci : La loi en vigueur fixait pour le récolement le délai de six semaines que nous proposons.

D'un autre côté, il est juste de dire que l'administration a pris soin, dans la pratique, de prolonger de quinze jours ce délai, au moyen de cahiers des charges qui stipulent un délai de deux mois. Je ne vois pas grande difficulté à admettre le délai de deux mois, au lieu d'un délai de six semaines, d'autant plus qu'il serait toujours permis à l'administration de prolonger conventionnellement ce délai de quinze jours, si elle le juge convenable, ainsi qu'elle le fait aujourd'hui sans réclamation.

M. David. - Nous venons de voter les articles relatifs à l'exploitation des bois. Vous avez dû remarquer l'extrême sévérité, la grande responsabilité qui pèse sur les adjudicataires. Elle s'étend jusqu'au moment où le récolement est terminé. Je demande qu'on admette le délai de six semaines ; je le crois suffisant, parce que ce ne sont pas les agents supérieurs qui font le récolement.

En prolongeant le délai à deux mois, vous rendez les adjudicataires responsables, longtemps après qu'ils ne se rendent pas dans les bois ; car après l'enlèvement des bois, ils ne se rendent plus dans les coupes, et ils sont obligés de payer des gardes-ventes qui ne leur sont plus utiles que pour sauvegarder leur reponsabilité.

Comme ce sont des agents inférieurs qui font le récolement, on peut le faire dans le délai de six semaines.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne saurais que répéter ce que plusieurs fois j'ai eu l'occasion de dire à l'honorable M. David : c'est que nous ne faisons que conserver ce qui existe aujourd'hui ; à l'entendre nous aggraverions la position des adjudicataires ; il n'en est rien, le délai de deux mois est généralement fixé par les cahiers des charges ; il est indispensable. Le récolement est toujours fait par les agents supérieurs de l'administration, qui ont à surveiller non seulement les bois de l'Etat, mais encore les bois des communes et des établissements publics.

Or il y en a qui ont à faire le récolement de 50 à 60 coupes. Il est indispensable qu'on leur donne le temps nécessaire. Si vous réduisez le délai de 15 jours, il arrivera souvent que l'administration supérieure sera mise en demeure par les adjudicataires de procéder, sous peine de déchéance de tout recours contre eux, au récolement, dans un terme trop court pour que cela lui soit possible.

Nous devons satisfaire à tous les intérêts ; nous sanctionnons un état de choses qui n'a donné lieu a aucune réclamation.

M. David. - Toutes les clauses onéreuses pour l'adjudicataire influent défavorablement sur le prix des coupes. S'il ne s'agissait que de (page 614) bois domaniaux, j'en laisserais la responsabilité à l'administration. Mais nous soumettons aux mêmes formes les coupes de bois des communes et des établissements publics.

M. Orts, rapporteur. - Si la commune trouve le délai trop long ou trop bref, elle peut introduire des modifications dans le cahier des charges. Il est peu probable que l'administration supérieure y mette obstacle. Je ne tiens donc pas beaucoup à un délai plutôt qu'à l'autre.

- L'amendement de la commission est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 71 est adopté avec le délai de deux mois proposé par le gouvernement.

Article 72

« Art.72. L'adjudicataire sera averti, sans frais et huit jours d'avance, du jour et de l'heure où se fera le récolement : s'il ne se présente pas et que les agents forestiers trouvent matière à constater des délits ou contraventions à sa charge, il sera procédé à un deuxième récolement auquel il sera appelé par un acte signifié à ses frais dix jours à l'avance au domicile élu, et contenant l'indication du jour et de l'heure où se fera ce nouveau récolement. Faute par lui de se trouver sur les lieux, ou de s'y faire représenter, le procès-verbal de ce deuxième récolement sera réputé contradictoire. »

- Adopté.

Article 73

« Art. 73. S'il se rencontre quelque outre-passe ou entreprise au-delà des pieds corniers et parois, s'il a été fait quelque changement à l'assiette des coupes, depuis l'adjudicaùon, s'il a été exploité quelque arbre ou portion de bois hors de leurs limites, les adjudicataires seront condamnés à une amende égale au triple de la valeur des bois non compris dans l'adjudication, et à pareille somme à titre de restitution.

« Si les bois sont de meilleure nature ou qualité, ou plus âgés que ceux de la vente, les adjudicataires en payeront l'amende et l'indemnité comme pour bois coupés en délit.

« Les agents forestiers ou les autorités qui auraient permis ou toléré ces outre-passes, additions ou changements, seront punis de pareille .amende, sans préjudice à l'application, s'il y a lieu, des peines prononcées par le Code pénal, pour malversation, concussion où abus de pouvoir. »

M. Pirmez. - J'ai cherché dans l'exposé des motifs et dans les rapports la base des pénalités et à découvrir le point de départ, car il me paraît qu'en matière de pénalité, la loi renferme les plus grandes contradictions.

Il m'a semblé que ces contradictions, qui sont énormes, provenaient de ce qu'on avait établi les amendes dans des proportions prises il y a près de deux siècles, sur deux bases différentes. L'une en considérant la valeur du bois coupé indûment ou en délit, l'autre en ne considérant pas la valeur, mais la quantité du bois, comme la charge d'homme, la charretée, le tour des arbres, etc., et en s'imaginant qu'il existait encore aujourd'hui quelque rapport dans les proportions entre la valeur et la quantité qui existaient il y a deux siècles.

Je ne sais quelle autre cause aurait pu amener les résultats vraiment incroyables que donne, par exemple, la combinaison des articles 73 et 153.

L'article 73 dans son premier paragraphe établit l'amende sur la valeur. Lorsque les adjudicataires auront exploité quelque arbre ou portion de bois en dehors des limites assignées par l'adjudication, ils subiront une amende égale au triple de la valeur des bois coupés hors des limites, et une pareille somme à titre de restitution ; ce qui fait six fois la valeur du bois indûment coupé.

Veuillez maintenant faire attention, messieurs, au deuxième paragraphe de l'article 73.

« Si les bois sont de meilleure nature ou qualité ou plus âgés que ceux de la vente, les adjudicataires en payeront l'amende et l'indemnité comme pour les bois coupés en délit. »

Qui ne croirait après avoir lu ce paragraphe que pour le bois coupé « en délitsé la loi va porter une peine plus forte que pour ceux dont il s'agit dans cet article ? C'est-à-dire, une amende dépassant le triple de la valeur des bois et une restitution dans la même proportion. Il n'en est absolument rien.

Non seulement l'amende pour le délit, pour le vol de bois n'est pas portée au triple comme pour l'action d'outre-passer les limites, mais dans un très grand nombre de cas elle n'est pas portée à la valeur du bois, quelquefois elle n'est portée qu'à la moitié, et il existe même des cas où l'amende ne s'élève qu'au quart et même qu'au cinquième de la valeur du bois volé. C'est certes bien loin d'être plus élevée que le triple de la valeur, comme le voulait l'article 73.

C'est ce qui résulte de l'article 153. Ici l'amende n'est plus établie sur la valeur, elle l'est sur la quantité, et comme ici il s'agit de délits qui, selon l'article 73, doivent être plus sévèrement réprimés que les coupes de bois dont traite ce dernier article, il résulte que les auteurs du projet se sont trompés,et je pense qu'ils se sont trompés en établissant un rapport entre la valeur et la quantité qui, juste il y a deux siècles, est démesurément faux aujourd'hui.

L'article 153 divise les arbres en trois classes. Eh bien, prenons la première classe dans laquelle sont compris le chêne et quelques autres essences. Je crois que dès que le tour du chêne dépasse 13 ou 14 décimètres, l'amende est inférieure à la valeur du bois volé et qu'elle devient toujours relativement plus faible au fur et à mesure que le tour de l'arbre grandit, tellement qu'arrivé à 25 décimètres, dernier exemple donné dans le tableau, l'amende est de 110 fr. Or dans plusieurs provinces de la Belgique un chêne de 25 décimètres (8 pieds 3 pouces) vaut 240 fr.

Passons à la deuxième classe et prenons les hêtres par exemple, je pense que la différence entre l'amende et la valeur du bois est encore plus forte. Je crois qu'on peut porter dans certaines contrées la valeur du hêtre pour charronnage de 20 décimètres, à 80 francs. L'amende est de 34 francs.

Quant à la troisième classe, il peut résulter entre l'amende et la valeur du bois une différence de 4, de 5 à un. Ainsi, par exemple, un bois blanc picard, de 25 décimètres, vaut dans certaines parties du pays 120 et même 150 fr. Celui qui le volerait payerait 27 fr. 50 c. d'amende.

J'ai estimé les arbres d'après le prix des ventes, tels qu'ils reviennent sur pied à l'adjudicataire, tous frais compris.

On voit donc bien que le délit, le vol de bois, au. lieu d'être frappé d'une peine plus considérable que celle établie à l'article 73, peut être dix fois moins forte, et devenir tout à fait dérisoire.

Enfin pour donner un exemple de la singularité qu'offre la combinaison des articles 73 et 153, je suppose le bois blanc que j'ai estimé 120 ou 150 francs. Il est coupé dans les conditions de l'article 73. Ce n'est pas.un délit, l'amende sera de 360 ou de 450 francs. Il est coupé dans les conditions de l'article 153. C'est alors un délit, l'amende sera de 27 fr. 50 centimes.

El dans le premier cas la restitution sera triple de la valeur, dans le second il y aura simple indemnité.

En examinant l'esprit de la loi et en particulier l'esprit de la lettre de l'article que nous discutons, on comprend bien que les auteurs du projet n'ont pas voulu aboutir à un pareil résultat.

Le paragraphe 2 démontre clairement que leur dessein était de punir le délit plus sévèrement que l'action d'exploiter hors des limites.

Comment cette erreur a-t-elle été commise ? Voici ce que je suppose.. On ne se sera pas enquis de la valeur réelle du bois. La commission de la chambre se sera appuyée sur la commission nommée par le gouvernement. Celle-ci aura pris les bases des pénalités dans la loi française de 1827 et le législateur français de 1827 où a-t-il pris les siennes ? Probablement dans une ancienne ordonnance, peut-être celle de 1669 ; sans s'inquiéter du prix actuel du bois et sans remarquer qu'en 1669, les arbres étaient infiniment plus communs qu'aujourd'hui, et les autres richesses beaucoup plus rares. .

Placés dans une loi, en 1669, les articles 73 et 153 n'étaient pas contradictoires, ils le sont aujourd'hui au point de ne pouvoir y rester ensemble.

En somme, que faut-il faire ? Retoucher les deux articles et prendre une base unique pour l'amende. Prendre la valeur du bois et non la quantité, mais prendre dans un article la valeur et dans l'autre la quantité, et tenter de les ajuster convenablement ensemble, c'est chose vaine. Le rapport entre la valeur et la quantité de bois varieront perpétuellement selon les temps et les lieux.

Et c'est parce que ce rapport varie perpétuellement, selon les temps et les lieux, que j'imagine que quelqu'un peut s'amuser à contester le prix des arbres que j'ai donné.

Pour éviter une discussion oiseuse sur ce point, je dirai que ces prix, fussent-ils réduits de moitié, des trois quarts, que les articles 73 et 153 seraient encore contradictoires. Supposons même que le bois blanc de 25 décimètres de tour, que j'ai estimé 120 ou 150 francs, ne valût réellement que la dixième partie de ce prix, ne valût que 15 francs, que 12 francs.

Eh bien, au prix de 12 francs dans les cas prévus par l'article 73, l'amende serait encore de 36 francs, indépendamment de la restitution triple ; comme elle n'est que de 27 fr. 50 centimes dans les conditions de l'article 153, la contradiction substituerait toujours.

M. Orts, rapporteur. - Les critiques de l'honorable M. Pirmez s'appliquent plutôt au tarif général des amendes, établi dans l'article 153 qu'à l'application spéciale de ce tarif faite dans l'article en discussion. Puisque ces critiques se rapportent à l'ensemble d'un système, je ferai observer qu'il conviendrait d'en ajourner la discussion au moment où nous examinerons le tableau, qui forme l'article 153 du projet. Mais je dirai à l'honorable membre dès maintenant que, si son but est (en acceptant pour base, comme il le fait, la valeur des arbres) d'éviter une absence complète de bizarrerie dans quelques cas qu'il a indiqués, il ne l'atteindra jamais d'une manière complète.

Dans toutes les législations forestières, on a été oblige d'admettre la valeur des arbres comme base des amendes. Partant de cette base, il s'agit d'en faire la meilleure application possible au plus grand nombre de cas donnés.

C'est ce qu'on a cherché dans le Code forestier français, comme on l'avait cherché antérieurement dans l'ordonnance de 1669 ; c'est ce qu'on a cherché encore dans le projet de Code que nous discutons. L'honorable M. Pirmez verra, lorsque nous discuterons l'article 153, que, sous ce rapport le système ancien est considérablement amélioré par les calculs de la commission qui a été instituée par le gouvernement pour la préparation du projet. L'honorable M. Pirmez verra, par exemple, que les modifications, les corrections apportées à ce système dans la législation belge que nous discutons, ont précisément pour objet de renforcer les pénalités, alors qu'il s'agit de ces sortes d'arbres qui sont le plus fréquemment enlevés en délit, et de les diminuer dans d'autres circonstances (page 615) moins fréquentes, quand elles étaient exagérées par le Code français et par l'ordonnance de 1669.

Mais ce serait évidemment anticiper sur la discuîsinn du tableau des amendes que d'entrer plus avant dans les détails sous ce rapport. Je tiens seulement à dire à l'honorable M. Pirmcz que nous tâcherons de lui donner les explications les plus complètes, lorsque nous serons réellement en présence de la discussion qu'il a abordée un peu prématurément. Votons toujours aujourd'hui l'article 73, tel qu'il est proposé. Cet article ne touche au tableau des amendes, à la proportion entre les amendes et la valeur des bois coupés en délit qu'indirectement. Il s'y réfère, il y renvoie. Ce tableau est bon ou il est mauvais ; ce que nous verrons, ce que nous discuterons plus tard. S'il est bon, l'article 73 est déjà parfait ; s'il est mauvais, il sera amélioré par la chambre, et l'article 73 suivra le sort de l'article auquel il se réfère.

Je demande donc à la chambre de s'abstenir, quant à présent, de toute espèce d'appréciation du tableau des amendes.

M. Pirmez. - Je ne m'oppose pas à ce que l'article 73 soit voté aujourd'hui. Mais je ne pouvais me dispenser de présenter maintenant les observations que je vous ai soumises. Car en présence du second paragraphe de l'article qui est ainsi conçu : « si les bois sont de meilleure nature ou qualité, ou plus âgés que ceux de la vente, les adjudicataires en payeront l'amende et l'indemnité comme pour bois coupés en délit, » il fallait bien examiner ce que c'était que les bois coupes en délit. C'est ce que j'ai fait, et j'ai démontré que le deuxième paragraphe qui veut punir plus fortement que le premier paragraphe, punit parfois dix fois moins, quinze fois moins peut-être.

Je crois que c'était le moment d'attirer l'attention de la chambre sur ce point.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne veux pas entrer plus avant dans cette discussion puisqu'on paraît d'accord qu'on la reportera à l'article 153. Cependant je dois dès maintenant dire à l'honorable M. Pirmez que les pénalités n'ont pas été déterminées d'une manière aussi arbitraire et aussi peu intelligente qu'il semble le croire, On n'a pas pris pour base seulement l'ordonnance de 1669 et le Code forestier français.

Le Code forestier français a déjà augmenté les pénalités de l'ordonnance de 1669, et l'on ne peut admettre que des législateurs aussi sérieux que ceux qui ont élaboré le Code forestier français en 1827, l'aient fait sans avoir examiné quelle était la valeur des bois. Je dois donc croire que déjà en 1827, lorsqu'on a discuté le Code français on a cherché à mettre les pénalités en rapport avec la valeur que les bois avaient à cette époque.

Eh bien, la commission qui a préparé le projet en discussion, ne s'en est pas même tenue au Code forestier français, fait pour un pays où la valeur du bois est plus élevée qu'en Belgique, puisqu'on vient acheter beaucoup de bois dans notre pays.

La commission a donc revu les pénalités ; et les peines qu'elle a comminées sont supérieures à celles qui sont prononcées par le Code français lui-même.

Il est une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'à côté de la pénalité il y a toujours obligation de condamner à des restitutions ou à des dommages-intérêts. Ce qui élève la pénalité, c'est que ces restitutions et ces dommages-intérêts ne peuvent être inférieurs à la pénalité prononcée ; de sorte, qu'en réalité cette pénalité sera doublée.

J'ai cru devoir faire ces observations, pour prouver que la commission n'a pas agi avec la légèreté que l'honorable M. Pirmez semble lui reprocher.

Si l'on offrait du bois à l'honorable membre au taux du tarif de l'article 153, je doute fortement qu'il l'acceptât.

M. Pirmez. - Je n'ai accusé personne de légèreté. J'ai démontré les contradictions de la loi et je n'ai pu en trouver la cause qu'en supposant qu'en France comme ici on avait pris en considération deux éléments différents comme on les prenait il y a deux siècles. Vous avez augmenté les pénalités établies il y a deux siècles sur les quantités, mais cette circonstance ne détruit pas les contradictions que j'ai indiquées. J'ai dit qu'elle n'était pas à craindre avec un seul élément, la valeur, car le même rapport existe entre 1 et 2, entre 2 et 3 en 1852 qu'en 1669 ; mais si vous voulez comparer les valeurs avee les quantités, à deux siècles de distance, vous vous trouverez probablement à des distances immenses.

- La discussion est close.

L'article 73 est mis aux voix et adopté.

Articles 74 et 75

« Art. 74. Les adjudicataires qui ne représenteront point tous les arbres mis en réserve encourront l'amende et l'indemnité fixées par l'article 156 de la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 75. Les dispositions des quatre articles qui précèdent sont applicables aux entrepreneurs d'exploitation des coupes. »

- Adopté.

Article 75bis

La commission propose un article 75 bis, ainsi conçu :

« Art. 75 bis. Les procès-verbaux d'arpentage et de récolement sont exempts du timbre et de l'enregistrement. »

M. Jacques. - Dans une séance précédente, j'ai fait remarquer qu'il y avait lieu d'appliquer aux procès-verbaux que les agents forestiers rédigent pour les fosses à charbon l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement comme on l'applique aux procès-verbaux relativement aux coupes. Je crois, du reste, que pour ces procès-verbanx, dont je parlais, comme pour les procès-verbaux d'arpentage et de récolement, la disposition de l'article 21 du projet suffit.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Evidemment !

M. Jacques. - Voici ce qu'elle porte : « Les procès-verbaux d'opérations des agents forestiers relatifs aux coupes ordinaires et extraordinaires des bois soumis au régime forestier, sont exempts des droits de timbre et d'enregistrement. »

Je pense, messieurs, qu'il n'y a pas le moindre doute que les procès-verbaux d'arpentage et de récolement sont également des procès-verbaux relatifs aux coupes, comme les procès-verbaux de désignation des fosses à charbon.

Je demande done, pour qu'il n'y ait pas le moindre doute, que l'article 75bis soit supprimé.

M. Orts, rapporteur. - Du moment que le gouvernement, qui a entre ses mains les perceptions fiscales, est d’accord sur l’interprétation que donne l’honorable M. Jacques à l’article 21, l’article 75bis est inutile.

Puisque M. le ministre de la justice déclare qu'il comprend les choses ainsi, je ne vois pas de motifs pour le maintenir.

- L'article 75bis est supprimé.

Titre VIII. Des adjudications et délivrances de la glandée, dn panage, de la paisson, des chablis, bois de délits et autres produits forestiers

Article 76

« Art. 76. Les formalités prescrites pour les adjudications des coupes de bois seront observées, à peine de nullité, pour les adjudications de glandée, panage, paisson, chablis, bois de délits et autres menus marchés.

« Les fonctionnaires et agents, ainsi que l'acquéreur, qui auront contrevenu à ces dispositions, seront, dans les cas prévus par les articles 37 et 38, condamnés à une amende de 30 à 300 francs. »

M. le président. - M. Jacques a proposé d'ajouter après le mot « paisson » ceux ci : « essartages,. bruyères et genêts. »

M. Jacques. - Messieurs, les produits des forêts, comme le dit la commission parlementaire dans son rapport, se divisent généralement, dans le langage administratif, en produits principaux et en produits accessoires.

Par produits principaux l'on entend les coupes de bois ; vous avez réglé au titre V, articles 36 à 44, les formes à suivre pour les adjudications de ces coupes.

Il reste donc maintenant à régler ce qui concerne l'adjudication des produits accessoires.

J'admets l'article 76 tel qu'il est rédigé, en ce qu'il renvoie, pour l'adjudication des produits accessoires, aux règles prescrites pour les adjudications des coupes de bois, mais je pense que l'énumération des produits accessoires telle qu'elle se trouve dans l'article 76, n'est pas assez détaillée.

Si l'on disait : « tous les produits accessoires » je ne ferais pas d'observation ; mais on dit : « glandée, panage, paisson, chablis, bois de délits et autres menus marchés. » Or, d'après l'expérience que j'ai acquise de ce qui se pratique dans le Luxembourg, je trouve qu'il y a quelques produits accessoires, notamment les essartages, les bruyères et les genêts, qui ont trop d'importance, tant par leur valeur même que par l'étendue des cantons de bois dans lesquelles ils s'exploitent, pour qu'on puisse les comprendre dans l'expression « autres menus marchés » ; on peut d'autant moins les comprendre dans cette expression que l'on a pris soin d'énumérer spécialement dans l'article les chablis et les bois de délits, produits qui cependant ont moins d'importance que les essartages, bruyères et genêts.

Dans tous les cas il ne peut pas y avoir d'inconvénient à ajouter à l'énumération les essartages, bruyères et genêts, et il pourrait y avoir quelque incertitude si on ne les y ajoutait pas.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, je crois que l'expression « autres menus marchés » comprend évidemment les produits des bois non énumérés à l'article 76 et qui ne sont pas des produits en bois proprement dits, dont s'occupe le titre relatif aux coupes. Il ne peut pas y avoir le moindre doute à cet égard. C'est, du reste, ainsi qu'on a compris les termes de l'article 76 extrait de l'ordonnance de 1669 et reproduit dans le Code forestier.

Quant à l'addition proposée par l'honorable M. Jacques, il y aurait peut-être plus d'utilité à supprimer une partie de l'énumération qu'à y ajouter encore. Ces énumérations sont, en règle générale, plutôt dangereuses qu'utiles et elles deviennent d'autant plus dangereuses qu'elles sont plus longues. L'honorable M. Jacques par le remède qu'il propose augmente le mal qu'il prétend guérir.

M. Jacques. - Je ne ferai qu'une seule observation, c'est que d'après la connaissance que j'ai des divers produits qu'on a l'habitude de retirer des bois, je puis assurer que si l'on ajoutait les trois mots que j'ai indiqués, on serait tout à fait certain qu'aucun autre de ces produits n'échappe à l'expression : « autres menus marchés. » Mais les essartages, les brujères et les genêts sont quelquefois, comme je le disais, tellement importants par leur valeur ou par l'étendue de l'exploitation forestière, qu'il est impossible de les comprendre dans la dénomination de « menus marchés », sans faire violence à la langue.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission et le gouvernement sont d'accord qu'il faut comprendre sous l'expression : (page 616) « autres menus marchés » les objets indïqués par l’honorable M. Jacques. Je ne pense donc pas qu'il faille les insérer dans l'article, et il y a d'autant moins d'inconvénient à ne pas le faire, que cet article est la reproduction d'anciennes dispositions qui, jusqu'à présent, n'ont donné lieu à aucune difficulté.

M. Jacques. - Puisqu'on est d'accord que l'expresssion « autres menus marchés » comprend les objets que j'ai indiqués, je n'insiste pas.

- L'article 76 est adopté.

Articles 77 et 78

« Art. 77. Les adjudicataires ne pourront introduire dans les forêts un plus grand nombre de porcs que celui qui sera déterminé par l'acte d'adjudication, à peine, par chaque tête illégalement introduite, de l'amende prononcée par l'article 167 ».

- Adopté.


« Art. 78. Si les porcs sont trouvés hors des cantons désignés par l'acte d'adjudication, ou hors des chemins indiqués pour s'y rendre, il y aura lien contre l'adjudicataire aux peines prononcées par l'article 167.

« En cas de récidive, outre l'amende encourue par l'adjudicataire, le pâtre sera condamné à un emprisonnement de 5 à 15 jours. »

- Adopté.

Article 79

« Art. 79. La durée de la glandée est de trois mois au plus. L'époque de l'ouverture et de la clôture en sera fixée chaque année par l'administration forestière. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la commission a proposé de supprimer la dernière partie de l'article 79, qui porte : « Toutefois, elle ne pourra être ouverte avant le 15 octobre, ni se prolonger au-delà du 15 février. » Je pense qu'il serait utile de maintenir cette disposition dans la loi. Ce serait une limite posée à l'administration forestière elle-même, d'après la nature des choses. Le pâturage qui aurait lieu à une autre époque que dans la durée de la glandée serait désastreux pour les forêts. Je pense que cette règle doit être tracée par la loi à l'administration forestière.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, la commission n'a pas trouvé qu'il fût utile de lier ici l'administration forestière d'une manière absolue ; elle a cru qu'il pouvait se présenter des circonstances où il conviendrait de prolonger peut-être de trois ou quatre jours au-delà du terme fixé par l'article 79, la durée de la glandée. Des obstacles physiques, la saison rigoureuse, la neige peuvent empêcher l'adjudicataire de recueillir avant le 15 février tous les bénéfices sur lesquels son adjudication l'autorise à compter. Pourquoi l'administration, si elle trouve bon en ce cas de concilier le bien du service et l'équité, serait-elle par la loi contrainte à se montrer injuste malgré elle ? La commission n'a pas compris la nécessité d'une semblable rigueur.

M. David. - Messieurs, l'honorable rapporteur vient d'exposer les raisons pour lesquelles la commission demande qu'on ne fixe pas le terme endéans lequel la glandée doit être terminée. La commission savait parfaitement bien qu'on ne peut pas commencer à récolter les semences des arbres avant le 15 octobre. Il peut se rencontrer des hivers où la glandée soit tout à fait impossible, où l'on soit obligé, pour l'opérer, d'attendre le dégel du printemps, avant que les semences aient commencé à germer. C'est pour ce motif que la commission a demandé que la loi laissât une certaine latitude à l'administration forestière, pour qu'elle pût accorder quelques jours, peut-être même quelques semaines, selon la rigueur de l'hiver, au-delà du 15 février.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, c'est précisément pour éviter l'inconvénient que l'honorable M. David présente comme un avantage, que je désire beaucoup qu'on adopte la disposition primitive du gouvernement. On est d'accord sur ce point, que la glandée ne peut commencer avant le 15 octobre ; il n'y a de difficulté que pour l'époque où elle doit cesser. Or, elle doit nécessairement cesser avant le 15 février, avant la germination du printemps ; après la germination, il y a danger à faire entrer le bétail dans la forêt.

M. Orts. - Messieurs, il y a certains cas où la limite qu'on veut imposer ici serait préjudiciable aux intérêts qu'on veut ménager. Ainsi, il peut se faire que la glandée soit extrêmement abondante et que dès lors on puisse l'accorder, sans préjudice pour la forêt, aux habitants de la commune ; il peut se faire que pendant l'année qui correspond à cette abondance, la forêt se trouve couverte d'une forte quantité de neige pendant plusieurs mois consécutifs, dans ce cas, il y aurait lieu de prolonger la glandée au-delà du 15 février.

- La discussion est close.

L'article 79 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté en ces termes :

« Art. 79. La durée de la glandée est de trois mois au plus. L'époque de l'ouverture et de la clôture en sera fixée chaque année par l'administration forestière. Toutefois, elle ne pourra être ouverte avant le 15 octobre ni se prolonger au-delà du 15 février. »

Article 80

« Art. 80. Les communes elles établissements publics pourront obtenir l'autorisation, soit d'adjuger la glandée et la paisson, soit d'en opérer la délivrance pour leurs troupeaux, soit d'en disposer de toute autre manière.

« Il en sera de même à l'égard des chablis et autres menus produits de leurs bois.

« Cette autorisation sera accordée par le ministre, après avoir pris l'avis de la députation permanente. »

Deux amendements ont été présentés à cet article, l'un par M. Jacques, l'autre par M. Leliévre.

L'amendement présenté par M. Jacques est ainsi conçu ;

« Les dispositions de l'article 47 sont applicables aux essartages, bruvères, genêts, glandée, panage, paisson, chablis et autres menus produits des bois des communes et des établissements publics. »

L'amendement présenté par M. Leliévre est ainsi conçu :

« Paragraphe 3. Cette autorisation sera accordée par la deputation permanente du conseil provincial. »

La parole est à M. Jacques pour développer son amendement.

M. Jacques. - Messieurs, lorsque vous avez réglé ce qui concerne les coupes de bois, vous avez inséré dans le Code forestier des dispositions nombreuses et distinctes, pour l'autorisation, pour l'adjudication, pour l'exploitation et pour la destination. L'autorisation a été réglementée par le titre IV (aménagements) ; les adjudications sont réglementées par le titre V et les exploitations par les titres VI et VII ; quant à la destination des produits, lorsqu'il s'agit de coupes domaniales, cette destination étant unique, il n'a pas fallu la réglementer par des dispositions spéciales : dans ce cas-là, on procède toujours par forme de ventes au profit du trésor public.

Mais quand il s'agit des coupes communales ou d'établissements publics, la destination des produits peut varier. Il y a la vente au profit de la commune ou de l'établissement propriétaire ; il y a la délivrance aux habitants soit par portions égales soit en proportion de leurs besoins.

Il y a enfin l'affectalion des produits au service des constructions ou des consommations de la commune ou de l'établissement propriétaire. Dans ce cas, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de régler la destination des coupes de bois des communes ou des établissements publics, c'est le conseil de la commune ou de l'établissement qui prononce, aux termes de l'article 47, sous l'approbation de la députation permanente et sans aucune intervention des agents forestiers.

Dans un grand nombre de communes la valeur des coupes annuelles ne dépasse pas la valeur réunie des produits que l'on appelle accessoires, c'est-à-dire les essartages, pâturages, glandées, genêts, bruyères, chablis, etc. Il faut donc traiter ces produits accessoires avec le même soin que l'on traite les coupes de bois : il faut réglementer séparément pour ces produits accessoires comme on l'a fait pour les coupes de bois, l'autorisation, l'adjudication, l'exploitation et la destination.

Quant à l'autorisation à accorder pour ces produits accessoires, il y est pourvu par divers articles du projet.

D'abord en ce qui concerne les glandées, panage et pâturage, il y est pourvu par les dispositions de la section 3 du titre IX (articles 90, 91, 92 et suivants), rendues applicables aux bois des communes par l'article 99.

Quanta ce point, messieurs, permettez-moi de vous faire remarquer en passant, que c'est à tort que la commission a introduit un paragraphe additionnel pour désigner l'autorité à laquelle il fallait demander l'autorisation. Un autre article du Code forestier (l'article 104) a réglé le mode d'autorisation pour les essartages, il ne reste que quelques autres produits accessoires pour lesquels le Code n'indique pas le mode d'autorisation. Mais je crois que l'on pourra combler la lacune, lorsqu'on en viendra à l'article 106 qui concerne les extractions ou enlèvements de pierre, sable, minerai, terre ou gazon, tourbe, bruyères, genêts, herbages, feuilles, etc.

Je pense donc que dans l'article en discussion il ne faut pas s'occuper des autorisations à accorder pour les produits accessoires ; que ces autorisations doivent faire l'objet de dispositions placées ailleurs.

Il me semble qu'il ne faut s'occuper ici que de la destination à donner à ces produits accessoires dans les bois des communes et des établissements publics, destination dans laquelle l'administration forestière n'a pas à intervenir. Il me paraît donc qu'il convient d'adopter ,pour la destination de ces produits accessoires, la même disposition qui a été adoptée à l'article 47 pour la destination des coupes de bois. Cet article porte ce qui suit :

« Les conseils communaux et les administrations des établissements publics décident si les coupes doivent être délivrées en nature pour l'affouage des habitants et le service des établissements, ou si elles doivent être vendues, soit en partie, soit en totalité. Leur délibération sera soumise à l'approbation de la députalion du conseil provincial. »

Je crois que la même règle qui est tracée par cet article 49 doit être rendue applicable pour réglementer la destination à donner aux produits accessoires des bois des communes et des établissemeots publics, et c'est pour reproduire cette pensée que j'ai déposé l'amendemant dont il vient d'être donné lecture par M. le président.

- L'amendement est appuyé.

La parole est à M. Leliévre pour développer son amendement.

M. Lelièvre. - Messieurs, la commission propose d'exiger l'autorisation du ministre pour autoriser les communes à provoquer l'adjudication de la glandée, panage et paisson ; mais il s'agit ici de produits qui sont assimilés aux fruits ordinaires d'un terrain et par conséquent il n'est question que d'un acte de pure administration qui doit pouvoir être posé avec la simple autorisation de la députation.

Il n'est pas possible d'assimiler les produits accessoires et peu importants dont il s'agit à la futaie et au taillis, et sous ce rapport, il me semble évident que l'autorisation de la deputation suffit entièrement.

(page 617) Voyez même ce qui se pratique aujourd'hui relativement au droit de chasse. Les communes et établissements publics remettent en location le droit de chasse sur la simple approbation de la députalion ; on ne peut être plus exigeant relativement à la glandée et aux autres produits énoncés en notre disposition.

Le droit de chasse a certes une importance aussi grande que les produits dont s'occupe notre article, et je ne vois pas pourquoi nous serions plus rigoureux dans l'espèce qui nous occupe. Je demande qu'en tout cas possible l'on se contente de l'autorisation de la députation. Cette autorisation est évidemment suffisante eu égard à la nature des intérêts qui sont engagés, et surtout parce qu'il s'agit d'un acte d'administration que le collège dont il s'agit est à même de poser en pleine connaissance de cause ; le recours au ministre ne présente réellement aucun avantage. En conséquence, je propose d'énoncer le paragraphe 3 de notre article en ces termes : « L'autorisation sera accordée par la députation. »

- L'amendement est appuyé.

Un troisième amendement a été proposé à l'article 80, par M. Ch. Rousselle. Cet amendement est ainsi conçu :

« Seront soumises à l'avis de l'administration forestière et à l'approbation de la députation permanente, les délibérations des communes on des établissements publics ayant pour objet soit d'adjuger la glandée et la paisson, soit d'en opérer la délivrance pour leurs troupeaux, soit d'en disposer de toute autre manière.

« Il en sera de même à l'égard des chablis et autres produits de leurs bois. »

- La parole est à M. Ch. Rousselle pour développer son amendement.

M. Rousselle. - J'ai déposé mon amendement dans l'intention de mettre cet article en harmonie avec la loi communale.

Remarquez, messieurs, que d'abord le gouvernement n'avait pas proposé de dépouiller les conseils communaux du droit de disposer sur des points si peu importants de l'administration des bois ; mais la commission a modifié l'article du gouvernement et a enlevé totalement aux communes de même qu'à la députation, le pouvoir de régler ces objets pour les soumettre à l'autorité du ministre. Je pense que dans tous les cas, il serait bon de renvoyer les trois amendements à la commission avec invitation de revoir ce point, et de proposer une nouvelle rédaction qui concilie les droits des communes avec une bonne conservation des bois.

- L'amendement est appuyé.

M. Orban. - Les principes qui doivent présider à l'administration des bois communaux ne sont pas toujours les mêmes que ceux qui concernent l'administration des bois de l'Etat. En ce qui concerne les bois de l'Etat, on doit admettre tout ce qui leur est profitable, repousser tout ce qui peut leur être nuisible n'importe à quel degré. En ce qui concerne les bois communaux, il faut concilier deux choses, l'intérêt des habitants et celui de la commune, l'intérêt de la commune qui exige que les bois soient administrés de la manière la plus profitable pour eux, et l'intérêt des habitants qui exige qu'on ne leur refuse pas les services que peuvent leur rendre une foule d'usages qu'il vaudrait peut-être mieux supprimer dans l'intérêt des bois, mais qui sont infiniment plus profitables aux habitants que nuisibles aux bois.

C'est d'après ces principes, messieurs, que la faculté d'exercer dans les bois communaux des droits de pâturage, de panage, de paisson et autres a toujours, sans contestation, quoique sous certaines réserves et d'après des règles sur lesquelles l'administration forestière et les communes ont toujours été d'accord, reconnus aux habitants des communes.

Il n'entre sans doute pas dans l'intention du gouvernement d'apporter la moindre atteinte à des droits qui sont de la plus haute importance pour les intéressés et dont l'exercice n'a jamais donné lieu à la moindre contestation.

Nous en trouverions la preuve au besoin dans l'article 80 du projet primitif, qui consacrait de la manière la plus franche et en même temps la plus heureuse ces sortes d'usages et la manière dont ils s'exerçaient.

Cependant, contre son intention sans doute, la commission parlementaire a apporté à cet article des modifications qui non seulement assujettiraient l'exercice de ces droits à des formalités excessives et inutilement minutieuses, mais qui mettraient ces droits eux-mêmes en question.

Ainsi tandis que l'article primitif reconnaissait positivement aux communes le droit soit d'adjuger publiquement ces émoluments, soit d'en demander la délivrance au profit des habitants, l'article modifié déclare que ces droits pourront être accordés aux communes, ce qui implique qu'ils pourront également lui être refusés.

Je remarquerai également en passant que par le changement fait à l'article, le mot « délivrance » a été tout à fait détourné de sa signification traditionnelle. D'après l'article primitif, la délivrance était faite à la commune, ce qui voulait dire que reconnaissance faite de la défensabilité des taillis et de l'état de la glandée, les agents forestiers déterminaient les parties de la forêt susceptibles d'être livrées au pâturage et en faisaient la délivrance aux communes.

D'après l'article de la commission, au contraire, ce n'est point à la commune que la délivrance est faite, mais c'est la commune qui la fait elle-même aux habitants, ce qui est contre tous les usages.

La disposition finale ajoutée par la commission et qui soumet au ministre tout ce qui concerne l'exercice de ces droits, ne peut être que le résultat d'une erreur de sa part. Les usages et émoluments énumérés en l'article 80, sont permanents et s'exercent d'une manière régulière ; sous ce rapport ils ne peuvent être l'objet d'une autorisation qui devrait se renouveler tous les ans.

Ces usages et ces profits constituent ce que le rapport qualifie de produits accessoires, comme les coupes constituent les produits principaux ; l'on ne peut assujettir la jouissance des produits accessoires à des règles dont sont exempts les produits principaux. L'on doit remarquer, en effet, qu'en fait de produits principaux, les coupes extraordinaires seules sont soumises à l'approbation supérieure, tandis que les coupes ordinaires sont adjugées et exploitées sur la simple délivrance de l'agence forestière.

Je me joins donc, messieurs, à l'honorable M. Rousselle, pour demander que l'article soit renvoyé à la commission.

M. Orts, rapporteur. - Je viens déclarer que j'appuie la demande de renvoyer à la commission les propositions de M. Jacques, modifiant d'une manière inattendue le système de l'article.

- Le renvoi à la commission est ordonné.

La séance est levée à 4 heures et demie.