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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dumon (page 607) procède à l'appel nominal à midi et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces ont été adressées à la chambre.

« Des électeurs à Grootenberge demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande des électeurs à Essche-Saint-Lievin, Erwetegem, Strypen, Auwegem, Overmeire, Lovendegem, Heurne, Everghem, Waerschoot, Loochristi, Seveneecken. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs à Betecom demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »

« Même demande des électeurs à Ambly, Porcheresse, Haringhe, Rousbrugge, Wervicq, Wirchter, Gheluwe, Sorée et Maillot. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Handzaeme demandent qu'une partie des contributions qne doivent payer les fermiers pour compte des propriétaires leur soit attribuée, pour parfaire leur cens électoral, que les élections aux chambres puissent avoir lieu dans la commune, que les districts électoraux soient composés de 40,000 âmes, et qu'ils aient chacun à procéder à la nomination d'un représentant.»

- Même renvoi.


« Des électeurs à Grobbendonck demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes et divisés en plusieurs bureaux. »

« Même demande des électeurs à Bouwel. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Kessel demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton ou par districts de 40,000 âmes, ayant chacun à nommer un représentant. »

-Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Schendelbeke prient la chambre d'allouer an budget des travaux publics un crédit pour achever les travaux d'amélioration entre Ath et Alost. »

« Même demande du conseil communal d'Ath. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.


« Le conseil communal de Buvrinnes déclare protester contre les propositions faites par le sieur Brugmann aux membres du comité des houillères du Centre, relativement au chemin de fer de Manage à Erquelinnes par Binche, et prie la chambre de rejeter tout projet qui amènerait la suppression de cette ligne. »

« Même demande des conseils communaux d'Estinnes-au-Mont et Espinois. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Manage à Erquelinnes.


« Plusieurs habitants de Mullem demandent une loi qui règle l'entretien des indigents dans les hospices, qui défende de les retenir dans les dépôts de mendicité sans l'assentiment de la commune et qui réduise l'allocation portée au budget communal à titre d'abonnement. »

M. Thienpont. - Messieurs, la commune de Mullem vient se joindre aux nombreuses communes qui, journellement portent leurs plaintes bien fondées devant la chambre, et lui demandent avec instance de mettre un frein par des mesures promptes et efficaces aux exigences des établissements de bienfaisance pour l'entretien des malades étrangers.

J'ai déjà eu l'occasion, messieurs, d'attirer votre attention sur cet objet, et de vous dire combien cet impôt, prélevé sur nos pauvret populations des campagnes, par les divers hospices et les dépôts de mendicité, où les indigents sont retenus à grands frais, aux dépens et contre le gré des communes, est une des causes principales, qui de plus en plus propagent la misère dans nos contrées, et achèvent la ruine complète de nos belles communes.

En vous demandant un prompt rapport sur cette pétition, messieurs, je sais que ce n'est pas le moment d'entrer dans de longs détails sur l'objet qu'elle soumet à notre examen et qu'elle expose avec une lucidité et une précision remarquables. Vous pouvez y voir, messieurs, combien deviennent lourdes les impositions communales, combien elles suivent d'année en année une progression toujours croissante.

Je suis persuadé, messieurs, que nous sommes tous d'accord sur ce point, qu'il est plus que temps de remédier à cette triste situation des communes rurales, et j'ai l'honneur, messieurs, de vous demander l'envoi de cette pétition des habitants de Mullen à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

« Des habitants de Meensel-Kieseghem demandent la construction d'un chemin de fer direct de Diest à Louvain. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Fauvillers demandent qu'il y ait un deuxième notaire dans le canton de Fauvillers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Meulemeester, ancien brigadier des douanes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Le conseil communal d'Hegem demande que le chemin de fer projeté de Lierre à Turnhout parte de Malines et passe par Herenthals. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer da Lierre à Turnhout.


« Les membres du conseil communal d'Herenthout prient la chambre d'adopter le projet de loi relatif a la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout et demandent qu'il soit enjoint à la compagnie concessionnaire de faire passer la ligne de Lierre à Herenthals le plus près possible d’Herenthout et d'y établir une station. »

- Renvoi à la section cenlrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants de Bruges, membres du Cercle du commerce et de l'industrie, prient la chambre de faire soumettre à un complément d'instruction le projet de la continuation du canal de Deynze à la mer du Nord. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Les fabricants de laine artificielle à Anvers demandent le maintien de la prohibition à la sortie des chiffons de laine. »

« Même demande de fabricants de laine artificielle à Matines. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui porte suppression de droits et de prohibitions de sortie. »


« Les tanneurs et corroyeurs de Peruwelz demandent un droit de sortie sur les peaux brutes, fraîches, de vaches, de bœufs, de chevaux, etc. »

« Même demande des tanneurs et corroyeurs de Tournai. »

- Renvoi à la commission permanente d'industrie.


« Le sieur Scipion Lurent, sergent-major au régiment de grenadiers, né à Remich (Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conteil communal de Maeseyck demande le prolongement du canal de la Campine jusqu'à Maeseyck. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Vilain XIIII. - Je demande que la commission des pétitions soit priée de s'occuper de cette requête importante dans une de ses premières séances.

- Cette proposition est adoptée.


« M. le ministre de la justice transmet à la chambre une demande de naturalisation avsc les pièces de l'instruction y relative. »

(page 608) - Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le ministre de la justice adresse à la chambre deux exemplaires de la liste provisoire des lois et ordonnances de la principauté de Stavelot et Malmedy ».

- Dépôt à la bibliothèque.


« Il est fait hommage à la chambre par M. A. Godin, de Liège, de deux exemplaires d'une brochure qu'il vient de publier, ayant pour titre : Examen des observations présentées au parlement par le comité des houillères du Couchant de Mons ».

- Dépôt à la bibliothèque.


- M. Van Grootven, empêché d'assister aux séances par la mort d'une de ses plus proches parentes, demande un congé.

- Ce congé est accordé.


M. de Steenhault, devant s'absenter pour affaires personnelles, demande un congé de quatre jours.

- Ce congé est accordé.


« Par dépêche du 14 février, M. Fallon, président de la cour des comptes, informe la chambre que, par la nomination et l'installation de M. Heyvaert comme conseiller, la place de greffier près de ladite cour est devenue vacante. »

- Pris pour notification.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous aurons à fixer un jour pour la nomination du greffier de la cour des comptes. Nous pourrions mettre cet objet à l'ordre du jour de jeudi en huit.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - La séance de samedi avait été fixée à midi ; à midi et quart, on a fait l'appel nominal, il y avait très peu de monde ; à midi et demi on a procédé au réappel. Cette opération terminée, le secrétaire m'a dit que nous n'étions que 47 ; j'ai en conséquence fait connaître à la chambre que nous n'étions pas en nombre et qu’il y aurait séance publique lundi à 2 heures. Quelques moments après, lorsque plusieurs membres étaient déjà partis le secrétaire, revoyant sa liste, s'est aperçu qu'il s'était trompé et qu'il y avait eu 57 membres au lieu de 47. Il était trop tard. Comme nous avons été réellement en nombre, le bureau pense qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la disposition du règlement qui ordonne l'insertion des noms au Moniteur.

Quelqu'un a-t-il des observations à présenter des observations sur cet incident ?

- Personne ne demandant la parole, l'incident n'a pas de suite.

Rapports sur des pétitions

M. Jacques, rapporteur. - La chambre a demandé un prompt rapport sur trois pétitions relatives aux canaux de Schipdonck et de Zelzaete. Ces pétitions émanent du conseil communal de Gand, de l'administration communale de Bruges et de vingt-neuf habitants de Blankenberghe.

Le conseil communal de Gand attribue la fréquence et la hauteur des inondations qui affligent le bassin de Gand, d'une part aux travaux qui ont été exécutés en France pour la canalisation des rivières et le dessèchement des marais, d'autre part aux travaux que le gouvernement belge a fait exécuter dans le haut Escaut, notamment au barrage d'Antoing. Le conseil communal signale ensuite les pertes qui en résultent pour la navigation, pour l'industrie et pour les habitations : il demande le prompt achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck, et prie la chambre de mettre immédiatement les fonds nécessaires à la disposition du gouvernement. Ces canaux étant commencés depuis 1842 et 1846, et leur achèvement étant indispensable pour remédier aux inondations, le conseil communal de Gand ajoute que l'Etat doit y pourvoir de préférence à d'autres travaux de simple utilité commerciale ou industrielle et que l'Etat faisant les fonds pour de nombreux travaux de cette dernière catégorie, les fonds ne doivent pas manquer non plus pour l'achèvement des canaux.

L'administration communale de Bruges expose que le canal de Deynze à Scbipdonck doit traverser la Flandre occidentale pour arriver à la mer du Nord, mais que l'on peut choisir entre deux directions, l'une vers Heyst, l'autre vers Blankenberghe. L'administration communale de Bruges, sans se prononcer en faveur de l'une ou de l'autre de ces directions, demande qu'avant d'adopter le tracé définitif et de procéder aux adjudications, le gouvernement fasse remplir les formalités préliminaires presciites en pareil cas par l'arrêté royal du 20 avril 1837. Ces formalités sont le dépôt des plans dans la province pendant un délai déterminé, la publication de ce dépôt, le registre ouvert aux observations des intéressés, et l'avis d'une commission d'enquête.

Les habitants de Blankenberghe réclament, pour le canal de Schipdonck, la direction vers Blankenberghe : ils prétendent que cette direction est nécessaire tant pour débarrasser de leurs eaux surabondantes les communes qui se trouvent à l'ouest de la chaussée de Bruges à Blankenberghe, que pour fournir un abri aux embarcations des pêcheurs.

La commission des pétitions pense qu'elle doit se borner aux analyses qui précèdent, et qu'elle n'a pas à émettre une opinion formelle sur le fond. Nous devons cependant ajouter quelques mots en ce qui concerne les pétitions de Bruges et de Blankenberghe : l'article 8 n°4 de la loi du 20 décembre 1851 porte ce qui suit : « Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst 2,500,000 fr. » La loi a donc fixé elle-même la direction vers Heyst, et l'on n'a plus à s'occuper d'une enquête pour le choix de la direction ; sous ce rapport les pétitions de Bruges et de Blankenberghe pourraient donc être écartées ; mais lorsqu'il s'agit d'un canal d'écoulement qui, pour conduire les eaux à la mer, doit les soutenir au-dessus du sol sur plusieurs lieues d'étendue, la hauteur des digues, l'emplacement des écluses et le niveau des eaux constituera des parties essentielles du projet qui ont souvent plus d'importance que la direction du tracé : l'on ne peut donc pas dire que l'enquête sollicitée par le conseil communal de Bruges serait sans objet.

Nous vous proposons le dépôt des pétitions sur le bureau de la chambre pendant la discussion du budget des travaux publics, et le renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics immédiatement après le vote du budget.

La chambre vient de renvoyer à la commission des pétitions, avec demande de prompt rapport, une nouvelle pétition relative au canal de Schipdonck. Cette pétition est souscrite par un grand nombre d'habitants de la ville de Bruges, membres du Cercle du commerce et de l'industrie, et comme cette pétition n'est qu'une simple adhésion à la pétition de l'administration communale de Bruges, il y a lieu de comprendre la nouvelle pétition dans les conclusions que nous venons de vous soumettre pour les autres.

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. Vander Donckt. - Je la demande aussi.

M. Manilius. - Je la demande aussi.

M. le président. - Nous ne pouvons pas discuter en ce moment le fond de la pétition : cela ferait double emploi avec la discussion générale du budget des travaux publics. Je prie donc les orateurs de ne parler que sur les conclusions du rapport.

M. Rodenbach. - Dans la séance de vendredi dernier, M. le ministre a déclaré formellement que le tracé définitif se ferait directement de Deynze à Heyst. Il a déclaré en même temps et M. le rapporteur vient de répéter, que la chambre avait déjà décidé la question en décembre 1851. Mais comment la chambre a-t-elle pu approuver en 1851 un plan et un tracé qui datent seulement de 1852 ?

- Un membre. - C'est le fond.

M. le président. - M. Rodenbach, vous êtes inscrit dans la discussion générale ; vous pourrez présenter tantôt vos observations. Pour le moment il ne s'agit que des conclusions de la commission. Combattez-vous ces conclusions ?

M. Rodenbach. - Je les combats.

M. de Perceval. - Que propose M. Rodenbach ?

M. Vander Donckt. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous avez la parole, mais uniquement sur les conclusions de la commission.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens m'opposer aux conclusions de la commission, et j'aurai l'honneur de proposer un ordre du jour motivé sur ces pétitions.

La pétition de Bruges et celle de Blankenberghe demandent qu'une nouvelle enquête soit faite pour le tracé à adopter. Dans une séance précédente, l'honorable ministre des travaux publics a déjà dit qu'il n'y avait plus lieu à délibérer, que c'était en dehors de la législature que l'affaire devait être décidée, qu'elle devait l'être administrativement.

Donc, s'il n'y a plus lieu, de la part de la chambre, à délibérer, si elle n'a plus rien à voir dans l'affaire de la direction du tracé du canal de Schipdonck vers Heyst, je demande à ce que la chambre adopte l'ordre du jour.

M. Manilius. - Messieurs, je ne vois pas précisément la nécessité de l'ordre du jour. Pour ma part, j'accepterai les conclusions de la commission. Mais je dois dire, comme l'honorable préopinant, que cette question n'est plus de date aujourd'hui. L'on a très mauvaise grâce, quand on respecte une loi, de venir s'opposer à l'exécution rigoureuse de cette loi. C'est à l'administration qu'on doit s adresser et non pas à la chambre pour formuler de nouvelles combinaisons ; ou bien, on doit avoir le courage, quand on est membre de la chambre, de présenter un nouveau projet qui modifie la loi ; mais pour le moment, il n'y pas lieu à discuter sur l'exécution de cette loi. Le gouvernement seul est le pouvoir exécutif, nous ne le sommes pas ; nous faisons des lois avec l'aide des autres branches du pouvoir législatif et nous ne les exécutons pas. Nous ne discutons pas sur l'exécution des lois, à moins que cette exécution ne soit accompagnée d'abus. Je le répète, je me rallie aux conclusions de la commission.

M. le président. - M. Vander Donckt, insistez-vous pour l'ordre du jour ?

M. Vander Donckt. - Non, M. le président.

M. le président. - Je mets les conslusions de la commission aux voix.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Perceval. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire de 29,246 fr. au département de l'intérieur.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour, à la suite de ceux qui y sont déjà.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize vers Grammont

Dépôt

(page 609) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet la concession d'un chemin de fer de Tubize vers Grammont avec embranchement éventuel sur Braine-le-Comte.

- Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagoe.

La chambre en ordonne le renvoi à l'examen des sections.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Une proposition de loi a été déposée sur le bureau ; les sections auront à décider si elles en autorisent la lecture.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion générale

M. Sinave. - Messieurs, le budget des travaux publics donne constamment lieu à une discussion très longue et très pénible et qui ne donne aucune solution aux questions qui sont agitées.

D'un côté on fait de toutes parts, malgré cent-vingt millions de travaux publics votés dernièrement, de nouvelles demandes pour des sommes considérables. Le gouvernement se montre très disposé à satisfaire à toutes les exigences, mais les moyens lui font défaut.

D'un autre côté on se plaint beaucoup de la gestion par l'Etat de certaines grandes exploitations et de la mauvaise exécution des travaux achevés et des idées qui président à ceux de nos travaux qui sont en voie de construction. Ces plaintes ne sont que trop réelles ; sans vouloir porter atteinte en aucune façon aux connaissances profondes des hommes qui composent le corps des ponts et chaussées, cependant, on ne peut pas admettre l'infaillibilité de cette administration. Il faut le déclarer : la Belgique n'a pas à se féliciter de ses succès par rapport aux travaux publics.

Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de citer une seule construction d'une certaine importance comme modèle à suivre ou comme ayant complètement atteint le but qu’on se proposait. C'est avec un sentiment pénible qu'on est forcé de déprécier ainsi toutes nos grandes constructions.

Pour démontrer qu'il serait convenable de prendre une mesure quelconque pour prévenir les mêmes fautes dans l'avenir, ja crois qu'il faut passer en revue quelques-unes de nos constructions les plus importantes.

Commençons par le chemin de fer. D'abord sur la question la plus simple, celle de connaître le capital qui a été absorbé, il n'est pas possible de l'apprécier à cinquante millions près, ce qu'il est facile de démontrer sans s'arrêter même aux grandes et inutiles dépenses résultant du point central qui a été mal choisi. A peine les principales lignes furent-elles terminées, que le système qu'on avait fut reconnu vicieux. Force a été de reconnaître la nécessité de réformer tout le système et de remanier toutes les lignes et tout le matériel ; on a donc renouvelé immédiatement les rails de quatorze kilogrammes par d'autres de trente-quatre, en vue de les mettre en harmonie avec un meilleur système de locomotion. Ainsi disparaissent les premiers rails, les coussinets et les locomotives, les waggons ; quant à ces derniers, on remplaça les quatre roues par les six roues, qui présentent plus de sécurité.

Outre que tous ces renouvellements successifs entraîneront à une dépense de plus de cinquante millions qu'il faudra ajouter au coût primitif du chemin de fer, dépeuse qu'on aurait pu éviter, si on avait su mieux apprécier, dès le principe, les divers systèmes qui étaint déjà en pratique ; il en serait résulté qu'on aurait profité du bénéfice qui existe dans toutes les nouvelles constructions et qui résulte d'uu point d'arrêt dans les dépenses de dix années au moins avant d'êire obligé de toucher au matériel. Ce point d'arrêt n'a pas existé pour le chemin de fer de l'Etat, puisque le renouvellement a commencé aussitôt et qu'il ne sera pas encore terminé quand il faudra remanier les mêmes lignes qui subissent des changements en ce moment.

On aura beau faire, le chemin de fer est et restera un perpétuel embarras pour le gouvernement et pour les chambres. Dans mon opinion, ce qu'il y aurait de mieux à faire, si on ne peut pas le livrer à l'exploitation privée, ce serait d’en faire la vente, d'amortir la dette publique avec une partie du produit, et de consacrer l’autre partie à des travaux publics, la voirie vicinale et l'agriculture. N'est-ce pas une honte pour la Belgique de laisser trois cent mille hcectares de terres incultes dont la majeure partie est susceptible d'un certain rendement, tandis que, pour nourrir la population, on est obligé de tirer des céréales de l'étranger ?

Plus de quinze millions ont été décrétés par les chambres, la province et la ville pour prévenir les inondations dans la province de Liége seule. Peut-on citer comme un modèle de perfection les travaux qu'on exécute à la Meuse ? Certainement non, on est convaincu qu'ils n'atteindront pas le but avoué, celui de prévenir les inondations, on ne peut ignorer qu'il en résulte un nouveau danger en aval du fleuve, sans pouvoir rassurer Liège dans l'avenir, car dès que seront exécutes les moyens d'écoulement en amont jusqu'en France, et ceux que la province de Namur réclame si vivement, les mêmes dangers se reproduiront aux environs de Liége, où les moyens seront paralysés par la facilité donnée aux masses d'eaux de se précipiter vers l'embouchure de la rivière. On sait, du reste, que pour prévenir les inondations de rivières aussi importantes que la Meuse, la Sambre et l'Ourthe, résultant de l'amélioration de l'agriculture, il faut entamer ces rivières à partir de leurs sources jusqu'à leurs embouchures, et donner sur tout leur parcours une capacité équivalente avec les nouveaux besoins, et avec la quantité d'eau sans cesse plus considérable que les rivières sont forcées de recevoir, et qui nous arrive avec une vitesse inconnue avant notre époque. Ainsi, tous ces travaux partiels dont on se préoccupe, doivent infailliblement amener des mécomptes qu'il est impossible de prévoir et de calculer.

Quelques mots maintenant sur le projet que l'on a approuvé pour améliorer le port d'Ostende. Il est fâcheux pour moi de me trouver ici encore en opposition avec le gouvernement. Je n'hésite cependant pas de déclarer que je désapprouve complètement les travaux que l'on va exécuter. Il est impossible qu'ils aient pour résultat d'approfondir le port. J'ai, au contraire, la conviction qu'il rendront l'entrée du chenal plus périlleux qu'il n'est en ce moment. Si je me trouve seul aujourd'hui pour repousser les plans du gouvernement, j'ai pour moi, il est vrai, les antécédente et les preuves du mauvais succès de travaux pareils exécutés dans un pays voisin. Indépendamment des anciens plans qui datent de plus d'un siècle, il y a eu aussi, il n'y a pas longtemps, des enquêtes faites par le gouvernement qui sont contraires aux plans actuels. Pour doter Ostende d'un port, il faudrait d'autres travaux que ceux qu'on entend faire exécuter.

Les indiquer c'est chose très facile, il faudrait tout bonnement suivre les indications et les anciens plans dont je viens de vous révéler l'existence. Il faut d'abord prolonger les deux estacades à claires-voies jusqu'à la petite rade, c'est-à-dire jusqu'à la ligne où cesse la pente de l'estran, environ à trois cents mètres, puis protéger ces deux digues à claires-voies par la construction de deux digues parallèles en pierres ; construire ensuite une digue en pierres à partir du musoir, c'est-à-dire à partir de l'extrémité de l'eslacade Est du port vers l'estran (fort impérial), afin de former le bassin de chasse et porter avec plus de force les eaux du reflux vers l'extérieur du port.

L'ecluse de chasse, dont la construction est ordonnée, est projetée dans de telles conditions que la critique est superflue. La condamnation d'un pareil système est constatée chez nos voisins. Il sulfit de citer un seul des nombreux défauts, celui de créer l'ouverture des chasses dans la partie oblique du port, par conséquent, avec l'impossibilité de donner une direction en ligne droite aux chasses ; ce défaut aura pour effet naturel de faire dévier le chenal aàl'entrée du port à l'extrémité des estacades.

L'écluse de chasse française est presque de nul effet, elle ne produit qu'un faible résultat par le concours des eaux du canal de navigation de Bruges.

Un bassin de chasses doit avoir une étendue immense, la profondeur du plafond ne peut pas excéder les deux mètres en dessous de la haute mer. L'étendue du bassin en projet est tout à fait insignifiante.

Si on veut un bassin de chasses qui ait un effet efficace, il faut placer les portes de l'écluse près du musoir (à l'extrémité de l'estrade est), alors seulement on pourra diriger les chasses en ligne droite en suivant la direction de l'estacade à construire. Avec une écluse placée dans cette condition, il est possible qu'on obtienne environ six mètres d'eau à la basse mer ordinaire à l'entrée du port.

La Belgique ne possède pas un port direct sur la mer du Nord. Ce qu’on a la prétention d'appeler port, c'est, permettez-moi l'expression, un véritable casse-coup. Quelle autre qualification peut-on donner, en effet, à un havre où où un petit bateau à vapeur comme la malle-poste ne peut entrer à toute heure de la marée ? Il y a quelques jours à peine que les passagers de la malle-poste ont couru le danger de perdre la vie. Il est plus que temps de s’occuoper d’Ostende ; il y va de la dignité du pays de changer ce dangereux état de choses. Il faut à Ostende un port convenable où l’on puisse entrer à la marée basse ordinaire avec un tirant d’eau de six mètres.

Quand l'occasion se présente de procurer un avantage à une localité du littoral, on rencontre une opposition formidable sans pouvoir expliquer un motif raisonnable.

Je ne dirai plus rien sur la construction très vicieuse de l'écluse d'Heyst. J'ai déjà émis mon opinion en 1851, lors de la discussion du projet de grands travaux, rien jusqu'ici n'est venu contredire mon assertion sur ce que j'ai avancé sur la situation précaire de cette construction. Mais je dirai un mot du canal de Zelzaete, on sait que des quatre sections de ce canal, trois sont à peu près terminées. On ne peut avoir l'espoir que ce canal avec le parcours actuel puisse satisfaire aux besoins toujouis croissants des évacuations de la Flandre occidentale. Le gouvernement lui-même en est convaincu. On trouve au budget de 1853 que nous discutons une allocation de fonds pour créer de nouveaux moyens de secours de détourner vers le grand canal de navigation d'Ostende les eaux surabondantes du sud de Bruges dont l'évacuation se fait acluellement et doit se faire par le canal de Zelzaete (voir le rapport, page 36). Cette déclaration si naïve et si vraie est une preuve que le canal de Zelzaete est impuissant pour atteindre son but avec les trois sections qui sont terminées.

Le canal de Zelzaete a le même vice de construction que le canal de Gand à Bruges, celui de ne pas posséder un plafond en pente suffisante pour amener rapidement vers l’écluse d’Heyst les eaux de son long parcours ; (page 610) c'est ainsi qu'en ajoutant la quatrième section qui reste à construire, on compromet les évacuations qui doivent s'effectuer par ce canal et les intérêts de cette partie de la Flandre occidentale. C'est lorsque le gouvernement reconnaît lui-même l'état précaire où se trouve le canal de Zelzaete, que vous avez entendu l'honorable M. Delehaye provoquer et presser le gouvernement d'en finir et de frapper les propriétaires d'une contribution extraordinaire, en même temps qu'on accable la propriété d'une servitude excessivement dangereuse, lorsqu'on paralyse les évacuations existantes.

Passons maintenant aux travaux en voie d'exécution. Comme je viens de le dire, le gouvernement a pris la résolution de faire écouler par le bassin de commerce de Bruges les eaux qui ont en ce moment leur évacuation par le canal de Zelzaete. Il existe donc une connexité entre les divers travaux en voie d’exécution dans les environs de Bruges. Je regrette d eme trouver encore là en opposiiton avec les plans du gouvernement.

Le bassin de commerce de Bruges fait partie du grand canal de navigation, en ce sens que le bassin sert aussi de passage à la navigation de tout le pays vers Ostende et vers la France. Ce défaut subsiste depuis la démolition d'une ancienne fortification ; il est contraire à la sécurité du commerce, à la grande navigation internationale et nuit aux intérêts du trésor ; car il exige, de la part de l'administration des douanes, une surveillance extraordinaire et permanente, et suscite finalement des entraves au commerce.

Il serait donc utile de profiter de l'occasion de ces travaux pour isoler totalement les entrepôts, afin d'éviter tout contact avec les bâtiments de passage et le bassin, afin de le rendre indépendant de toute évacuation d'eau.

C'est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que le gouvernement a reconnu l'insuffisance du canal de Zelzaete et que, sans consulter la ville de Bruges, la chambre de commerce de Bruges et l’administration des finances, il a résolu de créer une nouvelle servitude incompatible avec les intérêts généraux et de la ville de Bruges en particulier, celle de faire évacuer parle bassin une partie des eaxu du sud de Bruges qui devraient continuer leur écoulement par le canal de Zelzaete.

Il est difficile de se rendre compte comment le gouvernement, à l'occasion des nouveaux travaux à exécuter, n'ait pas compris la nécessité d'obvier à ces graves inconvénients, d'autant plus que rien ne serait plus facile. Il suffirait, en effet, de déplacer d'une distance d'à peu près trois cents mètres vers l'est le point fixé pour la construction de l'écluse, de manière à l'avoir à l'embouchure du canal de Damme, de creuser ensuite derrière le bassin un nouveau passage de quelques centaines de mètres et de rejoindre le canal d'Ostende en dehors des portes du bassin à la proximité du petit canal de Lisseweghe.

Par ce moyen peu coûteux, le bassin se trouverait complétememt isolé et clos. Toutes les évacuations des eaux du sud de Bruges pourraient se faite sans difficultés par le nouveau passage de navigation dans le canal d'Ostende, on préviendrait ainsi les envasements périodiques du bassin qui est en grande partie une charge de la ville. Le gouvernement, pour être convaincu de la haute importance de cette réclamation, n'a qu'à consulter l'administration des finances, la ville et la chambre de commerce de Bruges.

Nul doute qu'il y aura unanimité d'opinion sur l'utilité de faire le changement que je sollicite. De tout ceci il résulte qu'il serait très utile de donner une certaine publicité aux projets de travaux publics avant de commencer leur exécution. Tout au moins il conviendrait de les faire connaître aux intéressés qui sont à même de les juger avec connaissance de cause, mais malheureusement tout se passe sous le plus profond secret et on finit par exécuter de mauvais travaux.

J'arrive à la question qui divise les deux provinces ; elle excite une grande émotion dans la Flandre occidentale.

La continuation du canal de Schipdonck à la mer a été décrétée par la législature, l'exécution de ces travaux ne peut plus être mise en question, tous les représentants de Gand ont pris la parole à leur tour d'inscription. Que ces honorables représentants se rassurent, mon intention n'est pas de susciter le moindre débat sur un fait accompli. Je regrette l'absence de l'honorable comte de Muelenaere, il pourrait repousser les attaques personnelles peu convenables de la part de l'honorable M. Manilius ; ces invectives contre notre ancien gouverneur sont motivées sur ce que, n'étant pas député de Bruges, il a pris la parole pour défendre ses anciens administres dont il connaît parfaitement les besoins ; c'est une chose fâcheuse pour l'honorable député de Gand, d'autant plus qu'il sait que l'honorable comte de Muelenaere a administré durant vingt années la province de la Flandre occidentale avec prudence et avec un rare talent ; le souvenir de son administration restera longtemps encore ptésent à la mémoire de toute la population de la province.

La chambre se rappellera ce qui s'est passé en 1851. A cette époque un membre de la députation de Gand, à l'occasion de ces mêmes travaux, a dit, en s'adressant au gouvernement, que s'il mettait la main à l'œuvre sur le territoire de la Flandre orientale, il faudrait mettre sur pied toute l'armée pour soutenir ses travailleurs ; en d'autres termes, que Gand se soulèverait en masse pour repousser la force par la force.

Jusqu'ici la Flandre occidentale n'a pas eu à se préoccuper des travaux exécutés par ses voisins chez eux, mais aujourd'hui qu'on est à la veille d'entamer le territoire de la Flandre occidentale, nous continuons de réclamer avec modération la justice que nous sommes en droit d'obtenir.

Avant de conclure on me permettra de faire aussi une investigation sur la conception et l'exécution du canal de Schipdonck comme je viens de le faire sur d'autres travaux. Sans le moindre doute le gouvernement a cru et croit peut-être encore que ce travail aura pour effet de prévenir les inondations de la Lys. Dans mon opinion, il n'en est rien.

Pour prouver mon assertion il suffit de consulter la carte de la localité et de se rendre un compte exact de la position topographique de la rivière. Où convient-il de fixer le départ de la dérivation ? Le bon sens l'indique. Ce point est naturellement celui qui se rapproche le plus de la mer. On est bientôt convaincu qu'il se trouve à environ trois lieues de Courtrai ; parlant de là en ligne directe à la mer qui n'en est éloignée que de neuf lieues on ne rencontre aucun obstacle sérieux. Les tranchées sont inférieures à celles qui existent dans le canal de Bruges. La preuve c'est le tracé du chemin de fer. Si l'on adoptait ce tracé pour le canal on aurait raccourci d'un tiers la distance à la mer, et d'un tiers au moins on aurait diminué les dépenses.

En outre, on aurait atteint un triple but, celui de recevoir les eaux de la Lys, celle de la Mandel avant sa jonction avec la Lys ; la Mandel vient accroître les inondations des rives de la Lys. Tout en dotant le centre de la province de la Flandre occidentale, d'un canal de navigation qui lui manque, et qui serait très utile au commerce et à l'agriculture, on aurait un système d'écoulement très efficace et moins dispendieux que celui qu'on exécute. Ceci est d'aulant plus vrai que si même on abandonnait aujourd'hui le canal de Schipdonck à son malheureux sort, on obtiendrait encore un immense avantage en construisant, comme je viens de le dire, un canal à partir de la Lys en ligne droite à la mer.

Outre les griefs que je viens d'énumérer contre la mauvaise conception du canal de Schipdonck, je vais encore en citer d'autres. Il y a des sinuosités considérables dans la Lys, en amont de Deynze vers Courtrai, elles causent des inondations répétées. Le gouvernement pour déterminer le point de départ de la dérivation de la Lys s'est placé à Deynze. De cette première faute, il résultera une nouvelle dépense de quelques millions qu'on cache soigneusement pour ne pas épouvanter les chambres, dépense dont on ne peut pas se passer.

Il faut redresser par des coupures le lit de la Lys de Deynze vers Haerlebeke ; quoiqu'il en soit, ayant pris Deynze pour point de départ, on aurait dû nécessairement se diriger en ligne droite vers la mer. Au lieu de suivre un plan si rationnel, on a construit le canal vers Schipdonck. On s'est éloigné de la mer ; cette seconde faute est un fait accompli ; cependant de ce point il y aurait encore un avantage réel de se diriger vers la mer en ligne directe, mais non, l'on continue de marcher à rebours et on va commencer maintenant la construction du canal vers Eecloo !

Jusqu'ici la Flandre occidentale n'a pas eu à se préoccuper des travaux exécutés par ses voisins, chez eux. Ce n'est que lorsqu'il est question de la charger d'une servitude qui n'a jamais existé, que son intervention est de droit ; on ne conteste pas l'obligation de recevoir les eaux supérieures, mais il faut que ce soit de la manière la moins onéreuse possible. Pour établir cette servitude il serait convenable de donner connaissance des projets et des plans aux autorités de la Flandre occidentale et d'entendre les intéressés pour examiner et arrêter le tracé d'un commun accord. Les honorables représentants de Gand, qui successivement ont pris la parole, affirment que le tracé arrêté par l'ingénieur de leur province est parfait. Je crois que c'est là précisément une question à examiner.

Quant à moi, dès le principe j'ai eu la conviction que le canal de Schipdonck est une malheureuse conception remplie de dangers pour la Flandre occidentale.

Quelle est en effet la condition rigoureuse d'un canal d'évacuation ? La réponse est très simple. C'est de choisir une pente régulière et forte vers la mer sans être obligé d'élever les eaux du parcours du canal au-dessus du sol.

Le projet de M. l'ingénieur Wolters satisfait-il ce principe fondamental ? Certainement non, car de ce que la distance à la mer est d'un tiers plus grande, la pente deviendra presque nulle, et à commencer de la séparation des deux provinces jusqu'à la mer les eaux du canal de Schipdonk s'élèveront au-dessus du sol de deux à trois mètres. On ne pourra les retenir que par des digues factices faciles à rompre au moment des fortes crues d'eaux dans la partie supérieure ; à cet égard la Flandre occidentale sait à quoi s'en tenir, elle peut non seulement témoigner ses craintes, mais porter une accusation formelle fondée sur les antécédents de ce qui se passe presque annuellement avec la Lieve, depuis des siècles. On sait que tous les moyens de répression ont été inutiles pour prévenir la rupture des digues, l'administration de la Flandre orientale a toujours payé avec des paroles tous les dommages-intérêts soufferts par nos nombreux cultivateurs ; on conviendra que de pareils antécédents ne sont nullement rassurants pour l'avenir, d'autant plus que le danger sera bien plus considérable. Il résulte de là qu'un examen préalable du tracé est une chose indispensable, il est du devoir du gouvernement de satisfaire à cette juste exigence sous peine de commettre une injustice ; ce serait même frapper les populations de la Flandre occidentale d'un déni de justice.

(page 611) La chambre a décrété le canal de Schipdonck, cela est vrai, mais elle ne s'est pas occupée du tracé, comme elle ne s'est pas occupée des travaux supplémentaires pour conduire le long de ce canal vers les siphons, les eaux à déverser dans le canal de Zelzaete qui doivent passer en-dessous du canal de Schipdonck, on le demande, ceux qui doivent s'occuper de ces constructions, ne sont-ce pas les intéressés des wateringues qui dirigent les écoulements vers le canal de Zelzaete ? Ne sont-ce pas les autorités provinciales qui doivent être entendues et délibérer sur la plus grande utilité de ses populations où il convient de déterminer le point de placement de l'écluse de mer.

Conçoit-on alors la prétention exorbitante des honorables représentants de Gand, que la Flandre occidentale n'a rien à voir dans les travaux qu'on va exécuter sur son territoire ? Une pareille prétention ne peut pas se soutenir, tellement elle est absurde ; forts de notre bon droit, nous comptons sur la bonne foi du gouvernement et, au besoin, sur la justice de la chambre.

Les propriétaires de rives de nos fleuves et rivières se plaignent avec raison de toutes les inondations périodiques dont ils sont les victimes ; ils ont droit à la sympathie des chambres et du gouvernement ; il faut venir par des moyens efficaces aussi promptement que possible à leur secours.

Cependant ils sont un peu trop pressés ; il convient, avant de déplacer des servitudes, de prendre des mesures pour sauvegarder ceux qui s'empressent de venir à leur secours ; ne devraient-ils pas reconnaître que depuis l'existence du monde ces servitudes ont existé ?

Naturellement pour eux, d'ailleurs, les acquéreurs connaissant ces servitudes à charge de ces propriétés, la valeur en est déterminée eu égard au danger, il faut donc avant tout être prudent et procéder avec connaissance de cause, et ne pas ruiner les autres localités par le déplacement des inondations, ou par des mesures désastreuses.

La Flandre occidentale n'a jamais eu la pensée d'intervenir dans les affaires de l'autre Flandre ; cependant avant de nous infliger de dangereuses servitudes, nos voisins auraient dû employer chez eux tous les moyens possibles pour remédier aux inondations. L'Escaut est l'évacuation naturelle des confluents des rivières. Je demande au gouvernement, pourquoi la coupure de Zwynaerde arrêtée depuis si longtemps par l'administration des ponts et chaussées, n'a pas encore été exécutée. Je vais le dire moi-même, les précédents ministères ont craint de déplaire à Gand ; et Gand est contraire à cette coupure, c'est qu'elle perçoit à peu près une centaine de francs pour chaque bâtiment qui passe par la ville. Je prie M. le ministre de passer outre et de donner immédiatement suite à ce projet.

Les honorables représentants de Gand se plaignent de l'injustice du gouvernement envers leur localité ; d'après eux ils ont été obligés de faire des concessions à Liège, mais Liège à son tour ne peut-elle pas rétorquer l'argument et dire : Nous n'avons obtenu la dérivation de la Meuse qu'en concédant à Gand le canal de Schipdonck ? Gand, d'après les honorables membres, est constamment sacrifiée. Gand ne partage-t-elle pas le gâteau des droits réduits à l'entrée des huit millions de café, mesure injuste, illégale, réprouvée par la Constitution ? Le trésor ne rembourse-t-il pas aux Pays-Bas le péage sur l'Escaut, et lorsque le gouvernement a supprimé les primes, Gand n'a-t-elle pas conservé la prime monstre sur le sucre ?

Gand ne jouit-elle pas d'une protection toute spéciale de 50 à 100 p. c. pour son industrie, lorsqu'on réduit pour les autres la protection qui leur est nécessaire ? Gand ne possède-t-elle pas l'université et la cour d'appel ! Une de ces institutions revenait de droit à l'autre Flandre. On le voit, d'après ce tableau, Gand, de tout temps, a été traitée en paria. Je défie les honorables représentants de citer un seul avantage accordé à Bruges. Finalement, dans la question qui nous occupe, ce que Gand veut faire, c'est de nous inonder en hiver, quand il y a abondance d'eau, et de nous en priver en été.

La province, quant à son littoral, est-elle mieux traitée ? Certainement non ; il y aurait de nombreuses citations à faire, je vais me borner à en indiquer une seule.

Depuis vingt années le conseil provincial de la Flandre occidentale n'a cessé de réclamer la reprise par le gouvernement de la rivière l’Yser et du canal de Nieuport vers Dunkerque. Dernièrement encore plusieurs députés de cette partie de la Flandre ont appuyé cette réclamation dans cette enceinte. Cette réclamation est juste, on ne demande aucune faveur, toutes les provinces doivent être traitées avec égalité. Cependant le gouvernement garde le silence et ne prend aucune résolution. Il résulte de cet état de choses, que la navigation avec la France est entravée et que les inondations augmentent constamment parce que la province de la Flandre occidentale ne doit prendre à sa charge une rivière et un canal qui ont un caractère international, et que du reste elle ne possède pas les moyens pour le faire.

Citons un fait pour mieux faire comprendre la question.

Que dirait la chambre si le gouvernement venait lui soumettre un projet de loi pour mettre à charge de la province de Hainaut le canal de Condé et l'Escaut, et à charge des provinces de Namur et de Liège la Sambre, la Meuse et l'Ourte ? La chambre tout entière ne manquerait pas de déclarer que c'est une injustice, et qu'il est impossible de faire supportera ces trois provinces les dépenses de tous les travaux à exécuter, parce que le canal de Mons à Condé, l'Escaut et les autres rivières que je viens de nommer ont un caractère international. Eh bien, ce fait qui serait injuste envers ces provinces subsiste cependant dans la Flandre occidentale. Malgré nos vives réclamations le canal de Nieuport, l'Yser, et les seules grandes voies navigables vers la France, sont encore en ce moment une charge pour la province. La partie belge du canal de Nieuport vers la France par Furnes n'a plus la profondeur requise pour la navigation. Les bateaux venant de Mons et de Condé chargés de charbons destinés pour Dunkerque ne peuvent franchir cette partie du canal sans alléger la majeure partie de leur chargement, tandis que la partie française de ce même canal est depuis bien longtemps portée et maintenue par le gouvernement français à la profondeur requise pour la navigation avec pleine charge.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce canal sert aussi à l'écoulement des eaux de tout son parcours et que c'est à ses défectuosités qu'il faut attribuer les inondations et les pertes annuelles et considérables contre lesquelles on réclame si vivement.

La Flandre occidentale fait donc exception à la règle générale. Elle est exclue du droit commun, car, dans toutes les autres provinces du pays, les rivières et les canaux internationaux sont des charges de l'Etat.

Chose inconcevable : cette injustice va plus loin encore. Dans d'autres provinces il existe plusieurs petites rivières et canaux qui n'ont aucun caractère international et qui sont néanmoins à charge de l'Etat ou en reçoivent des subsides considérables.

Cette indifférence, pour ne pas dire cette partialité, jointe à d'autres griefs, tels que la décadence de la pêche nationale sacrifiée à d'autres localités, la perte de la construction navale, et celle de l'industrie linière sont la cause d'une certaine méfiance des populations de la Flandre occidentale envers le gouvernement.

Vous avez remarqué, messieurs, que les honorables représentants de Gand parlent bien haut au nom des deux Flandres pour faire croire que nous sommes d'accord avec eux quant il s'agit de nous imposer quelque charge nouvelle ; nous passons sur pareille prétention ; mais quand il est question d'une allocation de fonds, c'est différent, Gand veut tout absorber ; vous avez vu son acharnement en 1851, pour s'emparer de toute l'allocation ; quoique la chambre y ait mis bon ordre, elle n'en a pas moins gardé la part du lion.

Tous les représentants de Gand prétendent que le gouvernement est tenu de créer des ressources pour exécuter les travaux décrétés. Je crois qu'il ne peut exister aucun doute à cet égard, mais il convient à cette occasion de faire remarquer ce qui a été décrété en 1851.

La chambre se souviendra encore que dans le grand projet des travaux publics, une somme globale de trois millions avait été portée sans destination spéciale, qu'après un débat assez vif entre les députés des deux Flandres, de concert avec le gouvernement, la chambre a décrété la répartition de cette somme entre les deux provinces et que l'approfondissement du canal de Bruges se ferait simultanément avec le prolongement du canal de Schipdonck ; nous demandons, comme nous en avons le droit, lorsqu'on accordera de nouveaux crédits pour ces travaux, que l'on maintienne la répartition des fonds dans la proportion décrétée par la loi. Je crois utile de constater de nouveau ce fait.

En définitive quelle est la cause de l'opposition de la Flandre orientale ?

C'est la crainte que nous ne mettions des entraves à l'écoulement de ses eaux.

Il est facile de les rassurer. Insérons dans la loi que la Flandre orientale aura elle seule la direction et la manœuvre de l'écluse de mer.

Quant à Ostende qui garde le silence mais qui n'agit pas moins, peut-elle indiquer le détriment que lui porterait le port de refuge de Blankenberghe ? Ce qu'il lui faut c'est d'être assurée par la forme de la construction de l'écluse que la ville de Bruges n'obtiendra pas un nouveau port direct, à la mer, qu'elle continuera à lui payer la rançon qu'elle lui paye aujourd'hui.

Nous ne demandons absolument rien pour Bruges, nous continuerons sans aucune réclamation de payer la rançon à Gand et à Ostende. Mais nous sollicitons uniquement pour Blankenberghe, un port de refuge qui lui est nécessaire et qui ne peut nuire à aucune localité.

N'ayant aucune bonne raison à opposer à notre demande, le système de nos adversaires n'est autre qu'une fin de non-recevoir.

La loi, dit-on, a fixé irrévocablement Heyst, c'est donc à Heyst et non ailleurs que l'écluse sera et doit être placée. On comprend que nos adversaires faute de mieux s'attachent à la lettre de la loi, mais pour ma part j'ai été péniblement affecté lorsque j'ai entendu l'honorable ministre des travaux publics invoquer à son tour le même argument.

La loi doit être exécutée à la lettre, voilà donc cet argument irrésistible de nos adversaires et du ministre, nous devons obéir à la loi.

L'honorable ministre des travaux publics a déclaré dans la dernière séance qu'il avait examiné cette question avec toute l'attention qu'elle mérite, qu'il est évident pour lui que le placement de l'écluse a été irrévocablement décrété par la loi, et qu'en droit la question était résolue. Le point de placement est Heyst et non ailleurs.

A mon tour, je viens invoquer la loi, et, pour l’interpréter strictement à la lettre, je me place sur le même terrain que le ministre. Je dirai aussi que, d'après la disposition irrévocable de la loi, l'écluse doit être placée à Heyst et non ailleurs. Nous sommes donc tous parfaitement d'accord sur les termes précis de la loi ; la loi est claire, il y a impossibilité de prêter à la moindre interprétation. En effet, qui peut mieux interpréter la loi que son auteur ?

Maintenant je dirai aussi que la loi doit être exécutée, que l'interprétation (page 612) donnée par M. le ministre est juste, mais j'ajouterai pour conclusion qu'il y a impossibilité d'exécuter la loi et par conséquent qu'il n'existe pas de point fixe pour le placement de l'écluse de par la loi, et voici comment : le placement selon le projet du gouvernement n'est pas même sur le territoire de la commune d'Heyst. Il est impossible avec le tracé du gouvernement de placer l'écluse dans la commune d'Heyst, il résulte de ce fait que la loi n'a pas fixé le point de placement de l'écluse et que le gouvernement qui a invoqué l'exécution de la loi à la lettre ne peut fixer un autre point sans l'intervention des chambres, puisque c'est en vertu d'une loi que le point de placement avait été fixé.

Si donc il est impossible de placer l'écluse sur le territoire de la commune d'Heyst, je prie le gouvernement et la chambre d'ordonner, conformément au vœu de plus de quinze communes, que l'écluse en question soit placée à Blankenberghe.

Du reste, lorsque les chambres ont voté le canal de Schipdonck, elles ignoraient complètement que les eaux de ce canal s'élèveraient sur tout son parcours, dans la Flandre occidentale, à trois mètres au-dessus du sol, et pourtant l'on prétend aujourd'hui que nous n'avons pa même le droit d'intervenir et d'examiner le plan et le tracé.

Je ne me proposais pas de faire une interpellation à M. le ministre, mais après la déclaration faite par lui dans la dernière séance, je demande à M. le ministre :

Attendu que le plan et le tracé du canal de Schipdonck à la mer sont totalement inconnus à la Flandre occidentale, s'il prend l'engagement de faire envoyer en communication ces documents à l'administration provinciale pour faire une enquête de commodo et incommodo.

Attendu que la loi du ... par laquelle le point de placement de l'écluse est fixé à Heyst n'est pas exécutable avec le tracé du gouvernement, et qu'au contraire il est exécutable vers Blankenberghe, je prie M. le ministre de déclarer s'il entre dans ses intentions de saisir la chambre d'un projet de loi pour statuer sur la question de savoir si on placera l'écluse à Blankenberghe ou bien dans une autre commune.

Subsidiairement et pour le cas d'un refus, je proteste dès à présent et pour lors contre un acte que je considère comme arbitraire, en déclarant M. le ministre personnellement responsable de toutes les conséquences que son refus pourra entraîner.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je crois qu'il serait plus régulier d'en finir avec cette affaire ; je demanderai donc à pouvoir présenter quelques observations qui convaincront la chambre que l'insistance des députés de Bruges n'est vraiment pas justifiable.

Aussi longtemps que la Flandre occidentale s'est préoccupée de l'intérêt dominant dans cette question, de l'intérêt de l'écoulement des eaux, elle s'est trouvée complètement d'accord avec les députés de la Flandre orientale.

En 1846, le gouvernement présentait aux chambres un projet de loi qui avait pour objet l'exécution de la première partie du canal de Deynze à Schipdonck. Alors les députés de la Flandre occidentale réclamaient contre l'éventualité du non-prolongement de ce canal vers la mer. En effet, la ville de Bruges adressait à la chambre une pétition dans laquelle je lis :

« S'il est démontré que, pour obvier aux inondations si fréquentes de la Lys et de l'Escaut, il est indispensable de créer une nouvelle voie d'écoulement vers la mer, nous sommes loin de vouloir nous opposer à l'adoption de l'un ou de l'autre des systèmes qui se trouvent en présence, pourvu toutefois que le système auquel la préférence sera accordée soit décrété et exécuté dans son ensemble. »

A cette époque la ville de Bruges se préoccupait de la non-exécution du prolongement ; c'est dans cette crainte qu'elle adressait à la chambre une pétition ayant pour objet de demander l'exécution d'une graude voie d'écoulement des eaux vers la mer. La discussion révéla les mêmes craintes ; dans la séance du 26 mai 1846, M. de Roo s'exprimait en ces termes : « Je n'envisage pas le projet en discussion, le canal de Schipdonck à Deynze comme suffisant, et je trouve dans le rapport des experts eux-mêmes la preuve que ce n'est que le commencement d'un canal pour soulager la ville de Gand, la première section d'un canal de Deynze à la mer du Nord. »

Alors les honorables députés de la Flandre occidentale étaient d'accord avec les députés de la Flandre orientale pour reconnaître que le canal de Deynze à Schipdonck n'était que la première partie d'un tout qui devait être continué. Plus tard, en 1847, je pense, la question se compliqua de l'intérêt maritime ; on ne songeait plus seulement à un canal d'évacuation, mais on songeait aussi à un canal maritime ; alors se produisit un autre projet dont la chambre a eu connaissance, qui a fait l'objet de nombreuses publications et avait excité une assez vive émotion dans les Flandres.

Le gouvernement, lors de la présentation du projet de loi sur les travaux, ne se trouvait pas en mesure de se prononcer d'une manière formelle, en faveur de l'un ou de l'autre des deux projets. Ce ne fut que plus tard, quand les discussions eurent éclaire davantage les esprits, quand on se fut, d'un côté et de l'autre, pénétré de l'intérêt dominant qui était celui de l'écoulement des eaux, qu'on tomba d'accord sur l'exécution simultanée des deux genres de travaux, et ainsi disparut de la loi l'alternative qui figurait dans son texte primitif.

La Flandre orientale fit prévaloir le projet vers Heyst, et la chambre vota en même temps les premiers fouis nécessaires a l'approfondissement du canal de Bruges.

Le conseil des ponts et chaussées, sur ces entrefaites, avait eu également à se prononcer sur le travail le plus utile au point de vue de l'écoulement des eaux. Je tiens en mains la déclaration du conseil ; à l'unanimité il fut décidé que dans l'intérêt de l'écoulement des eaux il fallait donner la préférence au projet de l'ingénieur de la Flandre orientale.

La question ainsi posée, pas la moindre opposition de la part de Bruges contre le prolongement du canal ; à Bruges comme à Gand on était satisfait de l'exécution du canal dont il s'agit aujourd'hui.

Dans la discussion au sein de la section centrale, un membre avait fait observer qu'on pourrait peut-être établir l'écluse de mer à Blankenberghe, Dans le cours de l'instruction, quoique je ne fusse pas tenu à le faire par la loi, j'ai demandé l'avis des hommes spéciaux et compétents sur la direction vers Blankenberghe.

Des pétitions avaient été, du reste, adressées au département qui avaient pour objet de réclamer cette direction. A la date du 20 août 1852, l'ingénieur en chef de la Flandre orientale me répondit en ces termes au sujet de la réclamation de Blankenberghe :

« Je pourrais à la rigueur me référer au contenu de ce rapport, qui prouve à l'évidence que la direction sur Blankenberghe n'est aucunement susceptible d'être adoptée ; et cela par les motifs suivants :

« 1" Que le tracé serait allongé de 3144 mètres ;

« 2° Que la dépense serait augmentée de 694,870 francs ;

« 3° Qu'un morcellement fâcheux du territoire, sur 13,000 mètres de plus, aurait lieu ;

« 4° Que la pente des taux pour l'écoulement serait diminuée ;

« 5° Que le danger d'inondation par la mer serait doublé par l'isolement des deux canaux y débouchant.

« 6° Que le conflit, qui s'établirait de nouveau entre l'intérêt de la navigation et celui de l'assèchement du territoire, ferait manquer le but principal de la création du canal de dérivation.

« La première c'est que, terme moyen, la Lys, pendant neuf ou dix mois de l'année, ne laisserait pas couler une goutte d'eau vers Blankenberghe ou Heyst ; le produil de cette rivière étant alors très insignifiant et à peine suffisant pour l'usage de la navigation et des usines du bassin de Gand. Il n'y aurait donc aucune chasse possible dans le canal qui devrait former le port.

La seconde considération est que, tout en dirigeant le canal de dérivation de la Lys sur Blankenberghe, les écluses de décharge voûtées à établir à l'embouchure de ce canal ne dispenseraient aucunement de construire des écluses à sas, des bassins, estacades, quais, etc., pour pouvoir recevoir et tenir à flot, pendant la marée basse, les bateaux ou navires qui voudraient faire usage du port.

« De sorte qu'en définitive la proximité du débouché du canal de dérivation de la Lys à Blankenberghe ne diminuerait guère la dépense, évaluée à près de deux millions, qui devrait être faite pour y construire le port projeté.

« Telles sont donc, M. le ministre, les diverses raisons qui, à mon avis, s'opposent à ce que la requëte des habitants de Blankenberghe soit prise en considération. »

Si l'on voulait apprécier sainement ces réclamations, on reconnaîtrait qu'au fond de ces débats, il y a peut-être une arrière-pensée, celle d'obtenir plus que la loi n'a voulu donner, celle d’obtenir plus que la oi n’a voulu donner, celle de donner à la Flandre occidentale une communication maritime et de créer à Blankenberghe un port de refuge ; mais c'est là une nouvelle source de dépenses.

Maintenant, je demande si la chambre doit se préoccuper de cet intérêt commercial, maritime, quand il a été formellement entendu qu'on voulait faire un canal qui aurait servi à l'écoulement des eaux. On a compris que la question était là, et on a produit des objections ; on a dit : Avec le canal de Schipdonck, tel qu'il est projeté, nous habitants de la Flandrc occidentale, nous trouverons, pour l'écoulement de nos eaux plus de difficultés qu'avec le projet que nous voudrions faire prévaloir. C'est le second côté de la question et le côté vraiment sérieux.

Si des réclamations de ce genre avaient été trouvées fondées, si la situation des terrains de la Flandre occidentale pouvait être aggravée par le projet, je n'hésiterais pas à proposer à la chambre une modification à la loide 1851. Mais de ce côté encore les allégations de la Flandre occidentale n'ont pas le moindre fondement. Ainsi, l'on dit dans la Flandre occidentale : « Nous ne pourrons plus trouver un débouché dans le canal de Zelzaete : il y a en ce moment de petits canaux qui permettent d’écouler les eaux des wateringues dans le canal de Zelzaete. Donc il empirera la situation de ces wateringues. » A cet égard, j’ai demandé des renseignements. Il en est résulté que le nouveau canal sera pourvu de siphons ou d’aqueducs soutterains établis aux frais du gouvernement, qui permettront aux wateringues de laisser écouler leurs eaux aussi facilement qu’aujourd’hui.

Voilà donc une objection qui vient à tomber.

Il en est une autre : on cite encore : Le canal vers Blankenberghe pourrait servir d'écoulement aux eaux des polders.

Messieurs, il y a une observation excessivement simple, qui fait justice de cette idée, c'est que les terrains des polders sont en moyenne à deux mètres en dessous de la marée haute et que les eaux du nouveau canal seront au même niveau que celles du canal de Gand à Bruges ; c’est-à-dire à un mètre environ au-dessus de la haute marée. Il y a donc (page 613) une différence en moyenne de trois mètres, de telle sorte que dans aucune hypothèse on ne peut supposer que les eaux des polders puissent s'écouler dans ce canal.

Du reste, il y a une autre observation à faire : c'est qu'il y aura le long du canal à construire des digues aussi hautes que les digues de défense de mer à Ostende. La crainte que les eaux de ce canal viennent se mêler à d'autres eaux est donc encore futile.

Pourquoi a-t-on choisi une ligne parallèle au canal de Zelzaete ? Précisément pour ne pas morceler les terrains ; parce que, grâce à ce projet, on pourra, en prenant une bande de terrain seulement, en ne morcelant par conséquent pas les propriétés, exécuter à moins de frais le canal projeté.

Ainsi, messieurs, je le répète, si l'on veut être sincère, à Bruges, comme à Blankenberghe, on abandonnera les arguments que l'on met en avant. Si l'on veut autre chose qn'un canal d'écoulement, qu'on le dise. Mais on ne reste pas dans les termes de la loi quand on vient compliquer l'intérêt de l'écoulement des eaux, de l'intérêt maritime, qui n'a rien à y voir.

M. le président. - M. Vilain XIIII a cédé son tour de parole à M. de Brouwer de Hogendorp. La parole est à M. le rapporteur.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour répliquer à M. le ministre, je commencerai toutefois par dire un mot à l'honorable M. Vermeire.

M. Vermeire a exposé longusment à la chambre les résultats qui ont été obtenus par le nouveau tarif sur le transport des voyageurs, et s'est beaucoup glorifié d'avoir aidé à faire adopter ce tarif par la chambre. Je n'ai rien à y redire. Si l'on a fait du bien, on peut en retirer quelque vanité ; meis il me semble que l'honorable membre aurait pu s'abstenir de mettre dans cette glorification la petite part de malice qu'il y a mise. L'honorable rapporteur se trouvait à cette époque parmi nos adversaires ; voilà ce qu'a dit l'honorable membre. Qu'est-ce que cela signifie ? L'honorable rapporteur s'est trompé à cette époque ; il se trompe donc aujourd'hui. C'est là sans doute ce qu'a voulu dire l'honorable membre.

Eh bien, je dis que la conclusion qu'il a tirée de cette proposition est complètement inexacte.

De quoi s'agissait-il lorsque nous discutions le tarif sur les voyageurs ? Il s'agissait, messieurs, de baser un tarif sur certaines probabilités. Les uns soutenaient que par suite du nouveau tarif, il y aurait un déclassement de voyageurs, il y aurait une diminution dans les recettes.

M'appuyant sur certains faits qui s'étaient produits ailleurs, j'ai cru que réellement il y aurait déclassement, qu'il y aurait diminution dans les recettes.

Il semble, d'après l'honorable membre et d'après les assertions de quelques autres membres, qu'il n'en est pas ainsi ; eh bien, je vous le déclare, je serai extrêmement heureux de reconnaître que je me suis trompé dans cette occasion. Car dans toutes les circonstances, je n'ai qu'un seul but, c'est le bien-être du chemin de fer. Si le chemin de fer produit plus, bien que j'aie cru à une autre époque qu'il produirait moins, je serai extrêmement heureux de reconnaître que j'étais dans l'erreur à cette époque. Mais je dis qu'on aurait tort d'en inférer que je me trompe aujourd'hui, puisque aujourd'hui il ne s'agit pas de probabilités, mais de faits positifs.

Maintenant, messieurs, je répondrai à l'honorable ministre.

M. le ministre est ordinairement très bienveillant ; il pousse la bienveillance à un point extrême ; eh bien, renonçant à cette habitude, M. le ministre m'a accusé, contrairement à toutes les règles parlementaires, de me laisser entraîner par des préoccupations personnelles...

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai dit : à votre insu, il n'y a rien de désobligeant à cela.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Il a y à cela quelque chose de désobligeant, quelque chose d'étrange, quelque chose qui ne se passe dans aucun parlement.

Quand je viens combattre l'administration du chemin de fer, ce n'est pas en vue des personnes, c'est en vue du bien-être du chemin de fer. Ce n'est pas à cause de quelques personnes que je me donne les peines que M. le ministre a bien voulu reconnaître que je me suis données. J'attaque l'administration, parce que je crois qu'elle est essentiellement mauvaise, et j'ai eu bien soin de déclarer d'avance que je n'avais pas l'intention d'attaquer les personnes. Déjà cette accusation avait été produite il y a un an, et j'ai voulu la prévenir cette fois-ci, mais il faut supposer que M. le ministre était à bout de bonnes raisons pour me combattre lorsqu'il est venu, lui, je le répète, si bienveillant dans d'autres occasions, me combattre par des arguments de cette espèce.

Je dis, messieurs, que M. le ministre était à bout de bonnes raisons et je vous le prouverai :

« Le rapporteur, a dit M. le ministre, n'a mis que de la confusion dans les calculs qu'il a produits devant cette chambre. Il a constamment confondu deux choses essentiellement distinctes : c'est la traction, c'est le service des voitures. »

Eh bien, messieurs, cela n'est pas. J'ai produit devant cette chambre un calcul, ce calcul portait et sur la traction et sur le service des voitures. N'ayant pas pu obtenir, je le répète, n'ayant pas pu obtenir de l'administration les données nécessaires pour venir produire ici le chiffre exact de la traction, le chiffre exact du service des voitures (car dans ma demande à l'administration, j'avais séparé les deux choses), j'ai pris les chiffres officiels qui résultaient du compte rendu du chemin de fer, présenté à la chambre par M. le ministre. Les autres chiffres, je les avais puisés dans les pièces officielles qui avaient été remises à la section centrale. J'étais parvenu à trouver que le service de la traction et le service des voitures coûtaient ensemble une somme de 4,200,000 francs ; c'est-à-dire que chaque convoi parcourant un kilomètre de distance, coûtait pour le service de la traction et pour le service des voitures une somme de 1 fr. 11 centimes.

M. le ministre est constamment revenu sur ce point, que j'aurais dit, confondant la traction avec le service des voitures, que la traction coûtait 1 fr. 11 centimes.

J'ai dit que le service des voitures et le service de la traction coûtent ensemble 4,200,000 fr. J'ai dit encore que, pour parvenir à savoir quel était le coût de la traction, il fallait déduire de ce chiffre le coût du service des voitures, et j'en ai déduit un million de francs. J'ai dit qu'en faisant cette déduction j'exagérais, puisque sur le chemin de fer du grand-duché de Bade ce service ne coûte que 0.829 par kilomètre et par voiture, et 1.024 sur le chemin de fer de Cologne à Minden, tandis que j'admettais 1.887 pour ce service par voiture-kilomètre chez nous.

Après déduction d'un million de francs pour le service des voitures, il restait une somme de 3,214,000 fr. pour le service de la traction.

Pour comparer ces dépenses à celles d'autres chemins de fer et au prix auquel se présente un entrepreneur je ies ai rapportées à une unité commune, le parcours des convois. Or nos convois ayant parcouru 3,790,645 kilomètres, il en résulte que les frais de traction, c'est-à-dire l'ensemble de toutes les dépenses relatives au service des machines, la direction du service, le personnel des machinistes et des chauffeurs, le personnel dans les stations attaché à ce service, les consommations de combustible, d'huile, de graisse, l'eau, l'entretien et les grosses réparations des machines et des tenders a coûté par kilomètre parcouru par un convoi 85 centimes. Maintenant on repousse ce chiffre. Est-ce la somme de 3,214,000 fr. qu'on conteste ? Mais je n'en puis rien. Si vous dites aujourd'hui que ce chiffre n'est pas exact ; mais la faute en est à vous, car vous nous l'indiquez jusqu'à concurrence de 4,014,000 fr. dins vej pièces officielles.

Nous y avons ajouté 200,000 fr. pour frais généraux qui devaient être comptés. Nous n'avons pas inventé le chiffre que nous avons donné ; nous l'avons pris dans vos propres pièces. Aujourd'hui vous venez le renier, mais vos comptes étaient donc irréguliers ? A mon chiffre de 85 c. par convoi-kilomètre, M. le ministre oppose 68 cent., non pas comme compte le contrat du chemin de fer d'Orléans, de Strasbourg et de Rouen, par convoi ayant parcouru un kilomètre, ni comme la traction serait remise à tout entrepreneur, mais par locomotive parcourant un kilomètre. A mon chiffre de 3,791,000 kilomètres parcourus par les convois, il vient opposer celui de 4,699,185 kilomètres parcourus par les locomotives, c'est à-dire qu'il assimile les locomotives ayant manœuvré dans les stations, les locomotives qui ont couru à vide, et les machines d'assistance à des convois proprement dits roulant d'une station à une autre.

Un seul mot suffira pour vous faire comprendre l'absurdité de ce calcul, c'est qu'il en résulterait que plus les machines seraient mauvaises et plus il faudrait atteler de machines à un convoi, plus le coût de la traction serait bas. Il en résulterait encore que plus les apprentis machinistes s'amuseraient à parcourir les stations avec leurs machines, plus le coût de la traction serait moindre.

Il est impossible de prendre une autre unité que le parcours des convois : M. le ministre, lui, ne comprend pas la distinction entre les convois-kilomètres et les locomotives-kilomètres. Qu'importe cette distinction ? disait-il dans la séance de vendredi. Qu'importe ? Mais il importe que si vous rapportez les dépenses au parcours des convois au lieu de les rapporter au parcours des locomotives, vous devez ajouter 24.29 p.c. à vos 68 cent., le coût du kilomètre alors sera de 84 fr. 51 c.

Mais dans ce prix, direz-vous, se trouvent comprises certaines dépenses qui ne font pas partie des dépenses de traction proprement dite. Cela est vrai. Mais aussi il ne comprend pas d'autres dépenses qui devraient nécessairement s'y trouver.

Messieurs, ce qui est arrivé dans d'autres circonstances, est encore arrivé dans la circonstance présente. On est venu m'opposer des chiffres, et quels chiffres est-on venu m'opposer ? On est venu me dire : « La locomotion coûte autant. La traction par locomotive coûte autant. »

Eh bien, rien n'est exact dans les chiffres qu'on est venu produire dans cette chambre. Je vais le prouver à l'instant.

Il n'est pas tenu compte du personnel de l'administration de la locomotion ; il n'est pas porté un centime, ni pour les frais de bureau, ni pour les dépenses du personnel non compris dans les états de récapitulation ; ni pour les épreuves des matériaux ; ni pour l'entretien des outils et des engins, ni pour les frais d'éclairage, ni pour les autres frais généraux, (interruption.)

M. le ministre des travaux publics dit : « Je vous demande pardon. » M. le ministre a porté en compte l'éclairage des convois. Mais je parle de l'éclairage des ateliers, du chauffage des ateliers, du combustible employé dans les ateliers ; il n'en est pas tenu compte.

Autre chose encore : dans le compte de M. le ministre des travaux publics, il est dit qu'on a dépensé une telle somme pour réparations dans les ateliers des stations. Les frais généraux des ateliers des stations s'élèvent, d'après une pièce émanée de l'administration elle-même, à 40 p.c. du prix de la main-d'œuvre.

Or, il n'est pas porté un centime pour ces frais généraux ; il n'est rien porté non plus, ni pour le nettoyage des locomotives, ni pour les (page 614) salaires des ouvriers employés au chargement du coke et à la manœuvre des grues hydrauliques.

Il n'est rien porté ni pour les dépenses du magasin central qui se rapportent au service de la locomotion ; ni pour la régie, ni pour l'entretien des bâtiments.

Eh bien, voilà le compte que M. le ministre est venu opposer au mien. J'avais puisé mes chiffres dans un relevé officiel. On ne pouvait pas les combattre, à moins de s'inscrire en faux contre ce que M. le ministre lui-même était venu produire dans cette chambre ; et l'on vient m'opposer des chiffres qui sont tout à fait incomplets et inexacts.

Je n'accuse pas la bonne foi du ministre, cependant M. le ministre, avant de produire les chiffres qu'il m'a opposés, aurait dû, ce me semble, s'informer si le compte que l'on lui produisait était un compte bien exact ; il aurait dû s'informer si ce qui s'est passé il y a un an, ne se reproduisait plus. Je dois le répéter, j'avais produit des chiffres que je devais considérer comme officiels. Qu'a-t-on fait pour détruire l'effet ? On a fourni à M. le ministre, qui n'en pouvait mais, des chiffres faux, et l'on est venu me les opposer dans cette chambre.

Dans une conversation particulière que j'ai eue avec M. le ministre, il y a quelque temps, je lui ai rappelé le fait et il me l'a avoué. Messieurs, ce qui m'est arrivé cette fois-là, m'arrivera encore, m'arrivera peut-être demain ; demain peut-être on viendra m'opposer des chiffres qui ne sont pas exacts.

Je ne puis pas, moi, rester dans cette position, et je ne crois pas que la chambre puisse vouloir que j'y reste. Comme l'affaire est très importante, comme il s'agit, non pas de 100,000 ou de 200,000 francs, mais d'une somme qui se rapproche d'un million ou qui peut-être même l'excède, je crois que la chambre doit nommer une commission, chargée d'examiner les chiffres produits par M. le ministre et par moi. Quant à moi, sur mon honneur, je m'engage à prouver que les miens sont exacts.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je dois, sur le point spécial que vient de traiter l'honorable rapporteur, fournir également quelques renseignements à la chambre. J'ignore quels motifs l'honorable rapporteur peut avoir pour révoquer en doute l'exactitude de rapports officiels, émanés de l'administration dont je suis le chef, rapports qui sont revêtus des signatures des chefs de services ; quant à moi, je déclare que ces pièces ont une valeur officielle.

Je me rappelle parfaitement un incident à peu près semblable qui s'est produit, l'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics. L'honorable M. de Brouwer, toujours dans l'intention d'incriminer le service de la locomotion...

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je demande la parole.

M. Dumortier. - L'imputation de mauvaises intentions est défendue par le règlement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je prie l'honorable M. Dumortier de ne pas m'interrompre ; j'ai eu occasion de dire, il y a deux jours, que l'honorable M. de Brouwer, à son insu, contre ses intentions, se faisait ici l'écho de préoccupations personnelles. Je maintiens mon dire, j'en ai la conviction intime, et je ne pense pas que quelqu'un puisse s'offenser de cela.

J'ai dit que l'année dernière, un incident analogue s'était produit, et l'honorable M. de Brouwer après avoir pris direclement des renseignements chez des agents de l'administration, a prétendu que les dépenses de réparations aux locomotives et aux tenders étaient exagérées. Il a produit une série de chiffres, d'où il résultait que telle locomotive avait coûté autant, telle autre autant. Je lui ai opposé les chiffres que l'administration m'avait fournis, il a persisté à soutenir que ses chiffres étaient plus exacts que les miens.

Je n'ai pas insisté, mais j'ai voulu en avoir le cœur net ; après la discussion je me suis fait rendre un compte officiel de la vérité des faits ; j'ai demandé par un ordre formel que les faits fussent vérifiés et qu'on me fît connaître la vérité. Savez-vous à quel résultat je suis arrivé ? Après un dépouillement consciencieux loyal, fait par plusieurs fonctionnaires dont la responsabilité était personnellement engagée comme la mienne, car j'étais résolu à faire justice du mensonge si mensonge il y avait eu ; j'ai eu la preuve que les chiffres de l'honorable rapporteur étaient presque tous erronés, il avait oublié de tenir compte et de porter en déduction des matières provenant de la démolition, et qui étaient rentrées au magasin pour être réemployées, de manière que j'affirme encore une fois que je n'avais pas été trompé sur les dépenses de réparation faites aux locomotives dont il a parlé, et que mes chiffres étaient exacts.

J'en viens maintenant à ce qui a rapport à la traction et à l'entretien des voitures. Je suis obligé de rappeler les faits. Dans le rapport de la section centrale on avait annoncé que la traction coûtait trop au chemin de fer de l'Etat ; j'avais opposé l'exemple de plusieurs compagnies qui ort affermé la traction, et j'avais cité la compagnie de Strasbourg qui adjuge la traction pour 1.15 par kilomètre pour les convois de voyageurs, quand le nombre des voitures ne dépasse pas 12. J'avais eu soin de dire que pour l'entretien des voitures la redevance était variable. Produisant des chiffres, j'avais dit que chez nous la traction ne coûtait par kilomètre que 68 centimes. M. de Brower me répond par des chiffres de 1.11, 1.45, 0.85, 1.91, et finalement par une proposition qui n'est pas justifiée, car je n'ai pas vu au Moniteur la lettre contenant la proposition de 50 centimes.

Je demande si tout le monde n'était pas autorisé à dire ceci : Ce que le ministre prétend coûter 68 centimes coûte en réalité 1,11 ; 1,45 ;0,85 ; ou 1.91 ; et il y a preneur pour 50 centimes. C'était là la conclusion nécessaire, c'était là l'impression que chacun avait emportée, c'est l'impression sous laquelle j'étais resté, je suis convaincu que la chambre aussi avait emporté cette pensée : les calculs du ministre sont faux et reposent sur une base fausse.

Je répète que l'argumentation de l'honorable rapporteur repose sur une confusion complète de choses distinctes ; car les chiffres qu'il a produits se rapportaient à la traction et à l'entretien des voitures, il faisait la division de la dépense présumée par le nombre da convois-kilomètres pour l'opposer au chiffre de 68 centimes que j'ai indiqué pour la traction.

Si l'honorable membre veut donner lecture de lalettre de l'ingénieur anglais dont il ne m'a été donné que de prendre une communication très sommaire, il en résultera qu'il offre pour la traction 50 c, mais il ne dit pas ce qu'il demandera en sus quand il faudra mettre une seconde locomotive, si c'est toute la traction qu'il s'engage à faire pour 50 c, je ferai observer à ce sujet qu'il y a un million de locomotives-kilomètres en sus du nombre de kilomètres-convois cités par l'honorable rapporteur ; mon chiffre de 68 c. représentait le coût de la traction par kilomètre. Il fallait faire cesser cette confusion, je l'ai fait cesser en produisant les chiffres.

J'ai dit qu'après avoir consenti à une division de dépenses qui avait été établie d'accord avec la section centrale on pouvait évaluer à 3,527,000 fr. le coût du service de locomotion y compris l'entretien du matériel en général. Que fait pourtant l'honorable rapporteur ? Il se reporte à des budgets qu'il déclare lui-même défectueux pour m'opposer un chiffre de 4,200,000 fr. qui n'est plus le chiffre vrai, qui n'est plus le chiffre qu'il a posé lui-même au budget d'accord avec moi.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Sans compter les demandes de crédits supplémentaires que vous ne manquerez pas de faire.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - En supposant que le chiffre fût de 200,000 francs, et j'ai en soin de faire remarquer que l'insuffisance porterait sur l'allocation salaires, en supposant, dis-je, un manquant de 200,000 francs, cela ne porterait encore le chiffre de 3,527,000 francs qu'à 3,700,000 francs.

Il me dit : J'ai été plus logique et plus sincère que vous ; j'ai établi mes calculs sur les convois-kilomètres et non sur les locomotives-kilomètres. Mais je lui demanderai : Est ce là toute la traction ? N'y a-t-il pas un nombre considérable de locomotives-kilomètres au-delà du nombre de convois-kilomètres ?

Et là où la transaction est affermée, on a bien soin de stipuler un prix double pour le cas où deux locomotives sonl mises aux convois. Et puis que deviendra la traction nécessaire sur les nombreux embranchements ? Nous en avons pour la station d'Anvers, pour le service entre la station de Bruxelles, Nord, Allée-Verte et Midi ; nous en avons pour le canal à Louvain, nous en avons à Bruges, à Ans, etc. C'est ainsi qu'on explique qu'il n'y a que 3,800,000 convois-kilomètres, tandis que nous avons 4,700,000 locomotives-kilomètres. Je demande si l'ingénieur anglais veut faire toute la traction pour 50 centimes ; dans ce cas, je consentirais à examiner la proposition ; elle deviendrait discutable.

Abordant un autre point de la question, j'ai demandé à l'honorable rapporteur de la section centrale s'il pensait qu'en adjugeant la traction il ferait disparaître toutes les dépenses qui se font du chef de la locomotion.

En ce qui me concerne, je suis d'avis que si l'on adjugeait la traction, il faudrait une surveillance d'autant plus rigoureuse que le service serait entre les mains d'un personnel étranger à l'administration.

Quant aux frais généraux, que l'honorable membre fait entrer dans ses calculs, ils se composent en partie de dépenses fictives que certes l'entrepreneur de la traction ne prendrait pas à sa charge. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, du chef du matériel, payerait-il sur le pied de 5 p. c. un. million et plus, non compris les bâtiments ?

Quant au magasin central, il continuerait à exister ; il en serait de même pour la régie par le motif que ces deux services sont les auxiliaires de tous les autres.

L'honorable rapporteur me dit aussi que je ne comprends pas dans les dépenses les frais d'entretien. Or, c'est une erreur, j'ai fait entrer dans mes calculs les frais d'entretien et de réparation de la locomotive : et du tender ; et voici comment l'on a évalué cette dépense pour 1851.

Réparation des locomotives.

A l'arsenal, matière : fr. 230,591 41

Idem, main-d'œuvre : fr. 72,524 80

Dans les stations, matière : fr. 148,164 37

Id. main-d'œuvre : fr. 143,074 02

Total, fr. 594,354 60

Réparations des tenders : fr. 98,441 18

Ensemble : fr. 692,795 78

En divisant cette dépense par le nombre de kilomètres parcourus, on obtient une dépense, par kilomètre, de 14 c. 7 dixièmes. Ainsi, il est évident que mon chiffre de 68 c. comprend non seulement les frais de (page 615) remorquage, mais encore les frais d'entretien et de réparation des locomotives et des tenders. Evidemment donc tous les frais faits à l'arsenal dans les ateliers figurent dans le compte que j'ai établi.

J'ai ajouté que ce chiffre de 68. était un maximum, parce que j’y avais compris des chefs de dépense qui évidemment ne sont pas compris dans les proposiitons de l’ingénieur anglais. Ainsi, j’y ai compris l’intérêt du coût de la machine et du tender. Je le répète, l’ingénieur anglais ne se chargera pas de servir ces intérêts. J'y ai compris surabondamment les traitements des gardes-convois. Or, s'il est évident que l'ingénieur, à qui la traction serait affermée, aurait à sa charge les salaires des machinistes et chauffeurs, il n'est pas moins évident qu'il ne se chargerait pas du traitement des gardes-convois qui s'élève à plus de 200,000 fr.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Cela ne fait pas partie des frais de traction.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Alors je vais retirer ces frais de mon chiffre de 68 c, puisque je les y avais compris. C'est une affaire de 12 c. par kilomètre.

J'avais donc raison de dire que les frais de traction ne sont pas plus élevés en Belgique qu'ailleurs, puisqu'ils ne s'élèvent, comme on peut s'en convaincre par le détail que j'ai donné dans une autre séance, qu'à 46 c. 8/10 en réalité, et qu'ils sont, par conséquent, de plus de 3 c. en dessous de l'offre de 50 c. produite par l'honorable membre.

Je dirai un mot d'un autre service très important et qui est l'objet de certaines attaques ; c'est le service des routes et des bâtiments.

J'ai relevé moi-même, dans un tableau dressé d'après des données officielles, toutes les dépenses auxquelles donne lieu, en France, sur le chemin du Nord, parfaitement administré, et en Belgique, sur les chemins de l'Etat, le personnel préposé à l'entretien et à la police du rail-way.

(Le tableau qui suit n’est pas repris dans la présente version numérisée)

Ainsi, si l'on veut analyser ce tableau, décomposer les résultats qu'il présente, on arrive à cette conséquence que pour le service général et le personnel, nous sommes dans des conditions aussi favorables que le chemin du Nord, et que l'augmentation ne porte, comme je l'ai dit, que sur l'article des salaires, que ce n'est que de ce côté qu'il peut y avoir des réformes à faire. La dépense des salaires pour le chemin de fer est de fr. 3,250,000. Les ouvriers sont au nombre de 5,000 environ. C'est sur cette partie du service que l'attention du gouvernement doit se porter. C'est dans le but de diminuer le nombre des ouvriers que je me suis décidé à intéresser les femmes d'ouvriers au service des routes en les préposant aux barrières.

J'ai prescrit, dans le courant de l'année dernière, une enquête sur le personnel des ouvriers. Elle a eu pour but de ne maintenir en service que les ouvriers parfaitement valides et en état de rendre les services qu'on est en droit d'en attendre.

Je pourrais également, sur cette branche du service, rappeler les exemples que je relève dans un ouvrage spécial publié en 1852 par un homme spécial, M. le Chatelier.

A la page 105 on trouve un tableau présentant la comparaison des dépenses auxquelles donnent lieu, en Angleterre, la police et l'entretien des voies, ainsi que l'entretien des bâtiments des stations.

Je dois aussi, messieurs, rencontrer quelques observations consignées dans le rapport de la section centrale, et que je ne puis laisser sans réponse.

A la page 13 de ce rapport, je lis ce qui suit :

« On a signalé comme un mal le défaut de fixité dans l'application des arrêtes organiques et les modifications fréquentes qu'on leur fait subir. On a cité comme exemples la violation de l'article 4 de l'arrêté du 1er mars sur l'organisation des services d'exécution dans un arrêté rendu le 15 du même mois, l'organisation récente d'un nouveau service des bâtiments et le rétablissement du service du coke. »

L'arrêté du 15 mars, qui, dans la pensée de l'honorable rapporteur, constitue une violation de l'arrêté du 1er mars, n'avait d'autre but que de placer provisoirement à la tête d'un service deux ingénieurs n'ayant pas rang de première classe. Cet arrêté était entièrement conforme à l'article 128 de l'arrêté organique, qui a autorisé le ministre à pourvoir provisoirement, et sauf régularisation dans les six mois, à l'exercice de fonctions résultant de la nouvelle organisation. Cette régularisation a eu lieu dans ce délai par arrêté royal. Je puis donc affirmer que l'organisation a été respectée.

Quant au nouveau service des bâtiments, il n'existe pas. Ce n'est pas un nouveau service ; on a fait une répartition d'attributions reconnue préférable à ce qui était, et cette mesure est encore une fois conforme au paragraphe final, article 3 de l'arrêté organique.

Je crois pouvoir borner là mes observations.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, il m'est impossible de laisser passer ce que vient de dire M. le ministre. Il répète l'insinuation contre laquelle j'ai protesté et contre laquelle je proteste de nouveau avec plus de force. Je ne lui permets pas de m'attribuer des intentions que je n'ai pas. Il ne doit pas être permis à un ministre, à un ministre moins qu'à tout autre, de venir incriminer les intentions d'un membre de la représentation nationale. C'est par suite de préventions personnelles, s'est-il permis de dire, que j'attaque le service de la locomotion et ce service seul.

Si je me suis attaqué plus spécialement au service de la locomotion, c'est parce que M. le ministre est venu en faire un éloge tout spécial. Si M. le ministre avait parlé des autres services dans les mêmes termes, s'il était venu en faire un panégyrique aussi immérité, j'en aurais dit mon opinion avec la même sincérité.

Je n'ai eu qu'à blâmer, dit-on ! Qu'en puis-je, si c'est le service le plus mal organisé de tous ?

Tout ce que vient de dire l'honorable ministre ne le justifie en rien ; M. le ministre s'est constamment placé à côté de la question. Il est venu me combattre sur des points que je n'avais pas avancés. Ainsi, messieurs, un seul exemple.

M. le président. - Restez dans le fait personnel, ne rentrez pas dans la discussion.

M. de Brouwer de Hogendorp. - M. le président, je vais rentrer dans le fait personnel. Je veux démontrer que j'avais le droit d'attaquer le service de la locomotion et que je ne suis pas animé de mauvaises intentions à l'égard de ce service dont je connais à peine quelques agents. J'en juge uniquement par le mauvais résultat que ce service produit, ici comme ailleurs je n'attaque pas les hommes. Les hommes me sont iudifférents, j'attaque un service mal fait.

M. le ministre le défend. S'il le défendait par de bons moyens, je n'aurais rien à dire. Mais toute sa défense est basée sur l'erreur. Il m'est impossible de qualifier autrement l'argumentation qu'on m'oppose. Il y a dans toute cette discussion un malentendu continuel et qu'on serait presque tenté de croire calculé. Tout à l'heure je disais que M. le ministre avait omis de porter en compte les frais généraux des ateliers des stations, frais généraux qui s'élèvent d'après les calculs de l'administration elle-même à 40 p. c. de la main-d'œuvre.

C'était une chose bien simple, et sans être initié aux questions de chemins de fer il était difficile de ne pas comprendre une observation aussi simple.

Voici une pièce officielle relative aux dépenses de petites réparations effectuées aux locomotives, dans les ateliers des stations pendant l'année 1850.

J'y lis : nombre de locomotives réparées 167 ; frais de réparations 1°en matières 1,355 fr. 70 c. 2° en main-d'œuvre 139,503 fr. 3° en frais généraux 55,802 fr. Je dis au ministre : votre compte est incomplet ; vous n'avez pas tenu compte des frais généraux : vous avez omis ce chiffre de 55,802 pour ne porter que les deux autres ; et qu'est-ce que le ministre me répond ? J'ai certes tenu compte des réparations effectuées aux locomotives dans les ateliers des stations ! s'écrie-t-il. Oui, vous en avez tenu compte, mais vous n'en avez tenu compte qu'en partie ; vous n'avez pas tenu compte d'une fraction notable des dépenses. Vous avez omis les frais généraux.

Messieurs, il est réellement impossible de discuter plus longtemps ces questions dans cette enceinte.

Chaque fois qu'on argumente sur un point, M. le ministre se place à côté de la question, et parle de choses différentes de celles qu'on a (page 616) traitées. Ainsi, lorsque je parle de convois-kilomètres, il parle, lui, de locomotives-kilomètres.

Quand je parle de locomotion en général, il croit que je parle de la traction proprement dite. Il y a une confusion continuelle dans le langage et dans les idées. Le déplacement continuel des questions en est le résultat. Une discussion pareille est bien pénible.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne rentrerai plus dans le fond de la discussion. Je prie les honorables membres qui voudront avoir la mesure de ce que vient d'avancer l'honorable M. de Brouwer, de lire la discussion ; ils verront si je suis à côté de la question. Je m'en rapporte aux Annales parlementaires.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Et moi aussi.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je veux faire une simple rectification. L'honorable rapporteur me reproche d'avoir pris un rôle agressif ; il dit : Si j'ai attaqué le service de la locomotion, c'est parce que vous l'avez défendu le premier. Je dois rectifier cette assertion de l'honorable membre. Je lui dis : Si j'ai défendu le service de la locomotion, c'est parce que vous l'avez attaqué le premier. Vous l'avez attaqué dans le rapport de la section centrale, où vous avez dit que l'on pouvait faire sur ce service une économie de 600,000 à 700,000 fr.

Il est évident que je ne pouvais rester sous le coup de ce reproche, de ne pas faire une économie de 700,000 fr., quand elle était faisable. Je n'ai donc que répondu à une attaque.

M. Vander Donckt. - Dans une précédente séance, l'honorable ministre des travaux publics, en répondant à mon interpellation au sujet de l'achèvement du canal de Zelzaete, a répondu en ces termes : « J'aurai l'occasion de donner des explications détaillées à l'occasion de la discussion de mon budget. Je dois dire dès à présent que le prochain budget contiendra un crédit pour l'exécution de la moitié de la dernière section du canal, »

J'avais compris que le prochain budget serait celui qui devait prochainement être soumis à nos délibérations. J'ai remercié M. le ministre des travaux publics, comme l'a fait mon honorable collègue M. Maerlens qui, je crois, avait compris comme moi.

Il paraît que je m'étais trompé. L'honorable ministre, en répondant au discours de l'honorable M. Delehaye, nous a dit que c'était dans le budget de 1854 que l'allocation serait portée. J'ose espérer d'après les paroles bienveillantes que M. le ministre a prononcées depuis, qu'il modifiera cette décision et que le canal de Zelzaete sera prochainement achevé.

Messieurs, dans une autre séance, l'honorable comte de Mérode-Westerloo a demandé que la grande Nèthe fût reprise par l'Etat. Il a même soulevé à ce propos une question de constitutionnalité. Il nous a dit qu'il était du devoir du gouvernement de reprendre la grande Nèthe.

A ce propos, je dois attirer l'attention du gouvernement sur ce qui s'est passé dans la Flandre orientale. A plusieurs reprises, le conseil provincial s'est adressé au gouvernement pour qu'il reprenne la Lieve et la Langlede, que, par l'arrêté de 1819, l'Etat avait cédées à la province en même temps qu'il lui avait cédé l'administration de l'Escaut et de la Lys. Depuis 1830, l'Etat a repris l'administration de la Lys et de l'Escaut qui donnaient un bénéfice, tandis que la Lieve et la Langelede étaient onéreuses, exigeaient une allocation annuelle au budget de la province.

J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point, c'est que, pour le cas où soit l'Yser, soii la Grande-Néthe serait reprise par l'Etat, M. le ministre des travaux publics veuille bien examiner les requêtes émanées de la province de la Flandre orientale, afin que les canaux navigables cédés à la province par l'arrêté de 1819 fussent également repris par l'Etat.

Messieurs, dans une précédente séance, l’honorable comte de Muelenaere est venu nous dire d'un côté, qu'il ne s'opposait pas à l'achèvement des canaux de Schipdonck et à Zelzaete, mais qu'il exigeait une nouvelle instruction et une enquête. D'un côté, il consentait au prompt achèvement des canaux, d'un autre côté il demandait un ajournement. Je regrette beaucoup l'absence de l'honorable membre, mais je dois dire cependant que c'est là une contradiction manifeste.

Une pétition émanée de la ville de Warneton, qui fait partie de la Flandre occidentale, demande le prompt achèvement du canal de Zelzaete et du canal de Schipdonck. Les pétitionnaires disent que depuis quatre mois une grande quantité de terres labourables, de prairies, etc., aux environs de cette ville se trouvent inondées, que les cultivateurs ne voient autour d'eux que désolation et ruines, que la navigation est interceptée, parce que les eaux ont quitté leur lit et inondé une grande quantité de terrains dont la largeur, en certains endroits, s'étend à un kilomètre.

Lorsque des localités de la province dont l'honorable M. de Muelenaere est le représentant, nous adressent de semblables plaintes et qu'il vient demander l'ajournement, il est doublement en contradiction, il me semble qu'on ne peut pas avoir égard à sa demande et que le prompt achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck est de la plus haute urgence.

Voici ce que dit à cet égard un rapport fait par ordre du gouvernement.

« Le résultat le plus certain et le plus immédiat de la construction du canal de Zelzaete, aujourd'hui en voie d'exécution, quant aux inondations du bassin de l'Escaut et de la Lys, sera de rendre le canal d'Ostende disponible pour aider, dans les moments de grandes crues, à l'évacuation des eaux surabondantes de ce bassin.

« Depuis longtemps, le canal d'Ostende n'a pu être employé à cet usage, parce que, pour la décharge des eaux des terrains bas, situés au nord de Bruges, il a toujours fallu fermer l'écluse de Bruges, pour empêcher les grosses eaux du bassin de l'Escaut et de la Lys, de faire monter les eaux dans le canal d'Ostende, au-dessus du niveau nécessaire pour que les eaux des terrains bas, du nord de Bruges, pussent se jeter dans ce canal.

« Nous devons donc insister pour que le canal de Zelzaete soit prom-tement achevé, et ce, d'autant plus, que ce ne sera qu'alors qu'on pourra exécuter la dérivation de la Lys de Deynze par Nevele, au canal de Bruges à Schipdonck, dont nous reparlerons plus tard. »

Messieurs, j'arrive à la question soulevée par l'honorable M. Sinave. Il s'est plu, dans la séance d'avant-hier, à qualifier cette question de brûlante ; quant à moi, je ne vois de brûlant là-dedans que la prompte exécution de ces travaux. Je regrette beaucoup l'opposition que nous fait la Flandre occidentale dans cette question, car une partie de la Flandre occidentale a le même intérêt que la Flandre orientale au prompt achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck ; ce ne sont là que des travaux préliminaires de travaux plus importants à exécuter sur le haut Escaut pour délivrer ces localités des inondations dont elles sont constamment victimes. Voici ce qui le prouve : dans ce même rapport nous lisons :

« Qu'il ne faut pas pousser plus avant les travaux sur le haut Escaut en amont de Gand, avant d'avoir procuré aux hautes eaux de la Lys et de l'Escaut, des débouchés nouveaux et suffisants en aval. »

« Les perfectionnements exécutés depuis quelques années à la Lys et à la basse Deule en France, y auront sans doute facilité l'écoulement des eaux ; et comme rien n'est changé dans notre pays, il en résulte nécessairement une surcharge dans le bassin de la Lys vers la frontière. Dans cet état des choses, augmenter considérablement les débouchés à Comines et à Menin, c'est augmenter les inondations des bords de la Lys, dans toute la Flandre orientale et reporter sur Gand et ses environs, les calamités qui existent dans les prairies du bassin supérieur ; c'est une mesure que l'on ne devra, à mon avis, se permettre que lorsque le bassin de Gand sera maîtrisé par de nouveaux canaux de décharge qui mettent cette ville à l'abri des submersions fréquentes, auxquelles elle est exposée aujourd'hui. »

« Les eaux de France descendent actuellement en 24 heures avec la même abondance qu'elles arrivaient anciennement en 4 jours ; pour les rivières comme pour les canaux du département du Nord, les bords forment des deux côtés des digues bien entretenues, mais une fois en Belgique les rives de l'Escaut sont en mauvais état, ouvertes en divers endroits et d'une élévation très inégale ; cela fait que les eaux s'étendent de suite dans la vallée, où elles séjournent très longtemps parce que beaucoup de parties étant très basses et même au-dessous du lit de la rivière elles n'ont pas un écoulement suffisant. »

Dans un autre rapport il est dit :

« La principale cause, quoi qu'en disent MM. les ingénieurs français, provient du redressement du cours de la Scarpe, et de celui de ses affluents, car depuis ce redressement, les eaux de France qui mettaient trois jours, quelquefois même quatre jours pour arriver ici, nous arrivent en six heures et n'ayant pas le temps de s'écouler par le passage étroit de l'Escaut au château Gaillard, elles s'amoncellent à uoe hauteur telle qu'elles refluent jusqu'ici et couvrent nos campagnes pendant un quart de l'année.

« La situation faite par ces travaux au bassin belge de l'Escaut et de la Ljs, se trouve extrêmement aggravée en raison de la plus grande élévation du niveau des eaux et de la plus grande célérité avec laquelle celles-ci y arrivent de France. Cette surélévation et cette célérité deviendraient encore bien plus intolérables, si nous allions donner satisfaction complète au gouvernement français, en ce qui concerne les demandes de travaux et d'abaissements de retenues d'eau qu'il nous a faites avec une insistance vraiment inexplicable, en présence de ce que le mal dont il se plaignait, à l'égard des parties les plus voisines de notre territoire des vallées de l'Escaut, de la Scarpe et de la Lys, est entièrement de son fait à lui.

« Aujourd'hui, force nous est cependant, si nous voulons mettre un terme aux calamités et aux désastres causés par les grandes inondations, malheureusement très fréquentes, depuis que la France a modifié totalement le bassin de l'Escaut et de la Lys sur son territoire, de recourir à d'autres moyens encore que celui de la construction des canaux de décharge du Swin et du Braeckman, et des canaux latéraux à celui de Terneuzen, lesquels auront pour effet de rendre les canaux de Bruges, d'Ostende et de Terneuzen, disponibles pour l'évacuation d'une partie des eaux qui passent par le bassin de Gand.

« C'est ce qui a porté M. l'ingénieur en chef Wolters, à proposer, dans son mémoire remarquable du 31 octobre 1843, les divers systèmes suivants de travaux à exécuter :

« A Schipdonck serait l'origine d'un nouveau canal de décharge passant entre Somergem et Ronsele, et rencontrant la Lieve à Oostwinckel. De ce point, il suivrait le lit de la Lieve jusqu'à la rencontre du nouveau canal du Swin, dit de Zelzaete, à côté duquel il se dirigerait ensuite vers la mer du Nord. »

Les moyens d'y obvier sont indiqués dans ce rapport, pages 44, 50 et 51, où il est dit :

« La canalisation de l'Escaut, dans les endroits où il y a de grands détours à couper ;

« Une coupure de dérivation en dehors de la ville de Gand, du point nommé Meersck-Wyk, entre Meirelbeke et Ledeberg, vers Melle (page 617) (longueur d'environ 2,500 m.), ceci dans le but de faciliter, en cas de besoin, l'écoulement des eaux, la traversée de la ville étant un obstacle à l'évacuation des eaux de la rivière, toujours encombrée par les bateaux, les moulins et usines.

« Retournant à la rive gauche de l'Escaut, nous avons en face des prairies de Welden une immense vallée, qui s'étend depuis les communes de Heurne et de Synghem jusque près de la ville de Gand, en traversant les communes de Synghem, Aspre, Gavre, Eeke, Seeverghem et Swynaerde.

« Le mémoire de 1774 traite avec de grands détails cette partie ; voici ce qu'il en dit :

« Toutes les prairies en général des villages de Swynaerde, Seeverghem, Eeke (vieux bourg de Gand) de Vurst (pays d'Alost) situés sur la rive gauche de l'Escaut et celles d'Asper et de Synghem (châtellenie d'Audenarde) seront toutes mises à sec aussitôt que la rivière sera rentrée dans son lit, moyennant qu'on exécute la coupure du passage d'eau de Seeverghem et que l'on donne aux rigoles qui existent dans toute cette étendue la profondeur et la largeur suffisantes pour le dégorgement des eaux desdites prairies, lesquelles se dégorgent dans l'Escaut au-dessus du château de Swynaerde et auprès de Gand lorsque les ouvrages ci-dessus détaillés seront exécutés. »

« On garantira également les terres basses des villages de Synghem, d'Asper, d'Auweghem, de Huysse et de Nazareth, y comprenant leurs enclavements tels que Huys-Gaver, Bourleghem et Maldeghem (châtellenie d'Audenarde), dans laquelle dépendance il y a eu au-delà de 360 bonniers de terre qui ont été inondés avec plus de 40 maisons dont les dommages peuvent avoir surpassé la somme de 20 mille florins.

« L'équité, la justice et l'intérêt bien entendu de toute la Belgique exigent impérieusement qu'on fasse, en faveur de l'agriculture et de la propriété foncière dans les Flandres, ce qu'on a fait pour le commerce maritime sur l'Escaut et le canal de Terneuzen, savoir : Qu'on les affranchisse du vasselage auquel la Hollande nous a trop longtemps déjà soumis. Chaque jour de retard est une perte pour le pays, un tort à réparer. C'est le cas de dire avec M. Nolhomb, dans son rapport à la chambre des représentants du 8 décembre 1837 :

« Le pays ne peut pas consentir à ce que certaines portions du territoire soient victimes de désastres, surtout lorsqu'ils tiennent à une cause politique ; sous ce rapport il y a solidarité entre toutes les provinces. »

Messieurs, cette opposition de la part des honorables députés de Bruges est réellement inconcevable. Cependant elle ne date pas d'aujourd'hui et voici ce que je lis à cet égard dans le même rapport :

« On sait que la Lieve fut rendue navigable par les Gantois à l'effet de tirer, par cette voie, leurs laines deDamme, qui les recevait directement de l'Angleterre par le Zwyn. On sait combien les Brugeois voyaient avec envie le creusement de ce canal et la tradition aussi bien que les rares chroniques de ces temps en font foi, que plus d'une bataille sanglante fut livrée entre les travailleurs et ceux qui devaient les protéger contre ces attaques ouvertes. »

Depuis cette époque jusqu'à ce jour, le même système d'opposition a constamment prévalu. La province de Bruges s'est opposée à tout ce que la Flandre orientale a demandé pour se débarrasser des inondations. ([Interruption.) Les honorables membre, disent qu'ils ne s'opposent pas ; mais, en attendant ils demandent constamment de nouvelles enquêtes, de nouvelles instructions alors que, comme vous l'avez entendu par l'honorable ministre des travaux publics, toute l'affaire est complètement instruite.

L'honorable M. Rodenbach est encore venu répéter que les pétitionnaires de Bruges disent qu'un seul individu, l'ingénieur Wolters a fait ce projet. Oui, messieurs, il a eu l'honneur de présenter ce projet qu'il a étudié, mûri, ruminé, dirai-je, et sur lequel tous les employés supérieurs du génie ont été consultés ; il a passé par le conseil des ponts et chaussées, il a passé par le creuset de tout ce qui est homme compétent dans cette matière. Je ne sais sur quoi on pourrait baser une nouvelle opposition qui n'a duré que trop longtemps ; cette nouvelle opposition, sourde alors, se produit aujourd'hui au grand jour dans cette chambre.

Messieurs, on a critiqué les travaux à la Meuse ; on les a surtout critiqués au point de vue de la promptitude avec laquelle on les exécute.

Eh bien, je dois rendre justice aux honorables députés de la province de Liège. J'admire cette union, cet ensemble, cette unanimité de sentiments et d'opinions marchant vers le même but comme un seul homme, savoir le bien-être de leur province quand il s'agit de grandes choses, de grands projets ; eux seuls sont capables de les mener à bonne fin. Et lorsque la Flandre demande ce qui est juste, indispensable, urgente, alors dans cette Flandre même s'élève une opposition que je dirai systématique, que je qualifierai de misanthropique, car on s'est permis de critiquer ici tout ce que la Belgique a exécuté en fait de travaux publics.

On a dit que le chemin de fer n'était pas une bonne institution, que tous les travaux publics n'étaient pas bons. Moi, je dis que la Belgique a fait de bonnes et de grandes choses. Je vous citerai tous les monuments que la Belgique a construits depuis son émancipation, je vous citerai entre autres le chemin de fer dont nous pouvons nous glorifier à juste titre, parce que la Belgique est une des premières nations qui ont créé cette nouvelle voie de communication. Je dis qu'il n'y a que des misanthropes qui puissent émettre une semblable opinion sur les grands travaux publics.

M. le ministre des travaux publics a été accusé d'avoir favorisé les travaux sur la Meuse et d'avoir négligé ceux des canaux de Schipdonck et de Zelzaete. Une chose m'a étonné, c'est qu'il n'a pas allégué, dans sa justification, ce dissentiment, cette opposition de la part de la Flandre occidentale, et c'est peut-étre grâce à cette opposition systématique et qui n'est fondée sur rien, que nous n'avons pas encore l'achèvement de ces deux canaux. C'est aux députés brugeois qu'il faut imputer ce retard. [(nterruption.)

Je le répète, tant que vous, Brugeois, ne serez pas unis avec nous, tant que vous n'admettrez pas la devise de la Belgique : l'union fait la force, tant que vous persévérerez dans votre système d'opposition, vous seuls vous ne ferez rien de bon en fait de travaux publics, vous qui osez dire que la Belgique n'a rien fait de bon.

L'honorable M. Sinave s'est posé ici en ingénieur improvisé ; il ne s'est pas contenté de critiquer le travail des ingénieurs.

Moi je félicite M. le ministre d'avoir adopté ce projet et d'avoir suivi l'avis des hommes compétents.

M. Sinave s'y prend d'une autre manière ; après avoir critiqué tout ce qui s'est fait, après avoir critiqué le projet adopté, il vient en proposer un autre ; il dit : « Il fallait dériver les eaux à Courtrai. » Mais en dérivant les eaux à Courtrai, à Gand, on n'aurait plus d'eau pour alimenter le canal de Gand à Bruges.

C'est la Lys qui arrive à Gand, qui doit alimenter le canal de Gand à Bruges. Sans cela on n'aurait plus d'eau, ni en été ni en hiver, et leur canal ne servirait à rien. Voilà à quoi aboutit le système de l'honorable M. Sinave.

L'honorable membre a dit : « Nous ne savons pas ce que l'on vient faire dans la Flandre occidentale ; tant qu'on s'est occupé des travaux dans la Flandre orientale, nous n'avions rien à y voir ; mais alors qu'on est arrivé sur notre territoire, nous voulons savoir ce qu'on a fait. On ne viendra pas, sans nous, malgré nous, travailler chez nous. »

Eh bien, l'honorable membre est encore ici en contradiction flagrante avec les faits, car la pétition de Bruges vous donne deux tracés. Où donc les pétitionnaires ont-ils trouvé le premier tracé, le tracé qu'indique le projet de M. l'ingénieur Wolters ? C'est bien parce qu'il en ont eu connaissance, qu'ils ont fait figurer ce tracé sur la carte qu'ils ont jointe à leur pétition.

Messieurs, voulez-vous connaître le mot de l'énigme ? Les administrations communales de Blankenberghe et de Bruges se sont mis en tête d'établir un port de refuge à Blankenberghe. Voilà le secret de l'affaire. L'opposition ne tend à rien moins qu'à tenir la province de la Flandre orientale constamment inondée, pour favoriser l'écoulement des eaux vers Blankenberghe.

Il est une autre considération que la chambre saisira à la première vue.

L'ingénieur en chef de la Flandre occidentale et celui de la Flandre orientale ont fixé un point où devaient se diriger les eaux ; évidemment, l'homme le plus étranger aux connaissances de l'ingénieur choisira le point le plus bas, le plus déclive pour l'écoulement des eaux.

Eh bien, ce point est Heyst ; comment maintenant vouloir ramener les eaux vers Blankenberghe, au iieu de les conduire là où la pente naturelle les mène, vers Heyst, si ce n'est dans le but d'ériger un port à Blankenberghe, lequel devrait coûter encore deux millions, avant qu'il ne fût quelque chose ?

Voui comprenez, messieurs, que c'est là que gît tout le nœud de l'affaire.

D'abord, lorsqu'il s'est agi du creusement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck, ils y étaient opposés, de peur que ce dernier ne se prolongeât pas jusqu'à la mer. Mais, aujourd'hui qu'ils ont conçu l'idée de former leur port de mer, ils voudraient détourner les eaux et les amener vers Blankenberghe.

Et vous me direz que c\st là un projet mûri par des hommes compétents ! Mais aucun ingénieur ne voudrait attacher son nom à ce projet ; il est contraire à la nature des choses, il est contraire aux lois de l'hydraulique. A l'exception de l'honorable M. Sinave qui en est l'auteur, qui pourra vouloir d'un semblable projet, sans qu'il ait été soumis à des études préliminaires, sans qu'il ait obtenu l'assentiment des hommes compétents ?

On vient vous proposer ce projet.

Je vous demande si c'est admissible, je crois qu'il faut absolument que la chambre se rallie à l'avis du ministre, et adopte le tracé vers Heyst conformément au projet proposé par l'ingénieur en chef de la province de la Flandre orientale. Il ne s'agit pas de venir dire que ce n'est là que l'œuvre d'un seul individu, car ce projet n'est pas seulement l'œuvre de cet ingénieur, maintenant tous les ingénieurs sont d'accord, le conseil des ponts et chaussées s'est prononcé en faveur de ce projet et le ministre l'a adopté, comment est-il possible qu'on revienne encore à la charge, qu'on suscite de nouvelles difficultés dans l'espoir d'avoir un port à Blankenberghe, ce qui n'est pas admissible.

Messieurs, je conclus donc à ce que M. le ministre veuille persévérer dans la voie qu'il a entamée, à ce que conformément aux paroles bienveillantes qu'il nous a données dans une précédente séance, il fasse tous ses efforts pour arriver au prompt achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck. Je prends acte des paroles que M. le ministre a (page 618) prononcées et je l'engage à se concerter avec son collègue l'honorable ministre des finances pour faire les fonds nécessaires pour l'exécution de ces travaux qui ne sont que le préliminaire de ceux qu'on doit exécuter sur l'Escaut, car les travaux dont il s'agit en ce moment soulageront le bassin de Gand mais ne seront d'aucun effet pour l'Escaut supérieur, de Tournai à Audenarde et d'Audenarde à Gand dont les communes riveraines sont sujettes à des inondations désastreuses et notamment les communes de Welden, Melden, Syngbem, Asper, Huysse, Mullem, Heurne et autres communes qui sont à chaque instant inondées ; vous avez pu voir dans un rapport officiel que 5 mille hectares de terres annuellement sont inondées, que plus de 40 habitations dans ces communes sont inhabitables pendant une grande partie de l'hiver.

Je demande donc que M. le ministre passe outre a toutes ces oppositions mesquines et misanthropes et fasse exécuter promptement les travaux sur les canaux de Zelzaete et de Schipdonck.

M. Sinave. - Je demande la parole pour un fait personnel. L'honorable préopinant fait une question personnelle de ce que j'ai dit sur les travaux à exécuter dans la Flandre occidentale. Je n'ai fait que suivre l'impulsion qui m'a été donnée par les autorités de la province. Je suis représentant de la Flandre occidentale, on m'envoie des pièces à l'appui de réclamations, je les fais valoir ; je ne comprends pas que l'honorable préopinant vienne nous chanter des choses qui n'ont pas le sens commun, dont personne ne peut saisir ni le sens ni l'esprit ; je ne comprends pas surtout qu'il vienne qualifier un de ses collègues d'ingénieur improvisé. Il vient de faire l'ingénieur bien plus que moi, à tel point que si on s'en rapportait à lui, on ferait bien de le mettre à la tête de l'administration des ponts et chaussées.

M. le président. - J'engage M. Sinave à s'adresser à la chambre ou au président.

M. Sinave. - J'ai dit.

M. de Mérode. - Messieurs, j'ai entendu réclamer beaucoup de travaux de toute espèce.

Les plus pressants sont ceux qui termineraient les ouvrages les plus anciennement commencés, spécialement ceux qui préserveraient autant que possible des fléaux des inondations les terres qui s'y trouvent exposées. Les canaux de Zelzaete et de Schipdonck sont les plus urgents. Il en est de même en ce qui concerne les bords du Demer et de la Grande-Nèthe, en Campine.

Mais j'ajoute qu'il est certaines inondations dont il est inutile de tenter la suppression, parce que leur puissance est au-dessus des forces humaines, et l'on ne doit pas plus prétendre les supprimer que l'on ne peut, en certains cas, supprimer la stérilité des sols radicalement improductifs. Des hommes de lettres, cultivateurs dans les bureaux de journal, nous disent assez souvent que c'est pour la Belgique une honte d'être encore occupée par une quantité considérable de landes ou de sables non cultivés ou peu cultivés. Mais en tout pays il y a des sols mauvais, qu'on ne transforme point en terres fertiles sans dépensera ce labeur plus qu'il ne vaut. Les Egyptiens n'ont jamais cultivé les déserts qui bordent la vallée du Nil, et ce n'est point une honte pour l'Egypte ancienne ou moderne.

Messieurs, la honte que nous devons craindre c'est celle qui résulterait d'une préoccupation excessive des intérêts commerciaux et industriels au préjudice des intérêts de la défense nationale au milieu des éventualités subites dont notre époque est si féconde.

Tacite disait des Romains de son temps « privatas res agitantes sine cura publica », « très excités sur les choses privées sans prendre souci des intérêts publics » et il ajoutait (je supprime ici le latin pour être plus court) « et comme dans les familles il y a un intérêt privé pour chacun, l'honneur public est regardé comme n'ayant nulle valeur. » Je ne dis point que tels soient nos sentiments, mais je dis, messieurs, qu'avant de trop perfectionner nos chemins de fer ou leur exploitation par des convois plus rapides mais plus chers, et par des doubles voies, nous devons prendre à cœur d'assurer notre neutralité, notre liberté, nos institutions.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.