Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Maertens (page 995) procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Des électeurs à Melin demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

« Même demande des membres du conseil conseil communal et d'électeurs à Ottignies. »

« Même demande de plusieurs électeurs du canton de Chimay. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Saint-Paul demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et qu'une partie de la contribution foncière payée par le fermier lui compte pour former le cens électoral. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Bauvechain demandent que les élections aux chambres se fassent par fractions de plusieurs communes réunies et que chaque agglomération de 40,000 âmes nomme un représentant ou bien qu'elles se fassent au chef-lieu du canton. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Battignies demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que chaque agglomération de 40,000 âmes nomme un représentant. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Stockheim demandent que les districts électoraux soient composés de 40,000 âmes, que l'élection se fasse dans la commune ou par section de district et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Mont-Ste Aldegonde demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, que chaque agglomération de 40,000 âmes nomme un représentant et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande du bourgmestre et d'électeurs à Buvrinnes. »

« Même demande d'électeurs à Espinois. »

« Même demande d'électeurs à Anderlues. »

« Même demande d'électeurs à St-Vaast. »

« Même demande d'électeurs à Péronnes. »

« Même demande du bourgmestre et d'électeur à Maurage. »

« Même demande d'électeurs à Bray. »

« Même demande des bourgmestre, échevins et des électeurs à Biennes-lez-Happart. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et des électeurs de Ville-sur-Haine, demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande du bourgmestre et d'habitants de Gottignies.

« Même demande des bourgmestre, échevins, membres du conseil communal et autres habitants de Boulers-lez-Nivelles. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers commnnaux d'Hoogstaede prient la chambre de voter les fonds nécessaires pour l'exécution de travaux destinés à empêcher les inondations de l'Yser. »

- Renvoi à le section centrale qui sera chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Le sieur Samain réclame l'intervention de la chambre pour que son fils Alexandre soit exempté du service militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des brasseurs, distillateurs, épiciers et autres commerçants des cantons de Nazareth, Oosterzeele, Deynze, Cruyshautem et Audenarde, demandent une loi qui attribue aux juges de paix la connaissance des affaires commerciales dont la valeur n'excède pas 200 fr. »

M. T’Kint de Naeyer. - Le fond de la question soulevée par cette pétition est trop grave pour qu'il soit opportun d'entrer aujourd'hui dans son examen. Je me bornerai à demander le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

M. Lelièvre. - La pétition soulève effectivement une question assez sérieuse. Elle tend à faire consacrer une disposition que contenait déjà un projet sur la compétence civile, proposé en 1848 par M. de Haussy, et auquel il n'a pas été donné suite. Je désire que la question soit examinée par M. le ministre de la justice, et je me joins à M. T'Kint de Naeyer pour demander le renvoi de la pétition avec demande d'un prompt rapport.

- La proposition de M. T'Kint de Naeyer est mise aux voix et adoptée.


« Les membres du comité dirigeant des fermes de bienfaisance, les membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance de Sulsique demandent une loi sur la répression de la mendicité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des propriétaires de bois dans le canton de Neufchâteau demandent une loi qui réprime le colportage et la vente du bois volé, et qui interdise la vente du bois retiré des forêts usagères à titre d'affouage. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Furnes demande que l'Etat reprenne l'administration de l'Yser et du canal de Plasschendaele à la frontière française. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil communal de Rœulx prie la chambre d'accorder à la compagnie Dupont la concession d'un chemin de fer partant du centre des charbonnages de Haine-St-Paul et se dirigeant sur les Acren. »

M. Ansiau. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren.

- Cette proposition est adoptée.

M. Matthieu. - La section centrale est formée, mais elle ne s'esi pas encore réunie. Je demande qu'elle soit convoquée le plus tôt possible.

M. le président. - C'est M. le vice-président Veydt qui est chargé de présider cette section centrale. Il vient de me dire qu'elle sera convoquée pour demain.


« Le sieur Tarte demande que la concession d'un chemin de fer destiné à relier les provinces wallonnes aux Flandres soit accordée à l'auteur du projet le plus complet et qui offrira le plus de sécurité d'exécution, et déclare maintenir son droit d'auteur avec tous les privilèges de la loi. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Verviers demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi sur la garde civique. »

« Même demande d'autres habitants de Verviers. »

« Troisième demande semblable d'habitants de Verviers. »

« Quatrième demande semblable d'habitants de Verviers. »

« Cinquième demande semblable d'habitants de Verviers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi modifiant la loi sur la garde civique.


« Des habitants de Grimmingen demandent que les élections ans chambres se fassent au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le président. - La section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la pension des veuves est devenue incomplète par le décès de M. Destriveaux.

Je proposerai à la chambre de charger le bureau de la compléter.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi maintenant, sous le rapport judiciaire, les parties cédées à la ville de Bruxelles dans les cantons d'Ixelles et de Saint-Josse

Rapport de la section centrale

M. Mercier, rapporteur. - (Nous donnerons ce rapport.)

- Des membres. - L'urgence !

M. Rogier. - Il me semble qu'on pourrait, sans inconvénient, remettre la discussion de cette loi à demain. J'ai quelques questions à soumettre à M. le ministre de l'intérieur, et peut-être pourrait-il les résoudre officieusement d'ici à demain, sans qu'il fût besoin de les soulever en séance.

M. Mercier, rapporteur. - Je ne verrais aucun inconvénient à ce que propose l'honorable M. Rogier, si l'époque à laquelle on désire que la loi soit publiée n'était si rapprochée. Nous sommes aujourd'hui au 6 ; si nous ne votons le projet que demain, le sénat ne pourra s'en occuper que le 8, et s'il faisait, de son côté, ce que M. Rogier nous propose de faire, la loi ne pourrait pas être publiée le 9. Je crois que l'honorable M. Rogier pourrait poser dès à présent ses questions.

M. Rogier. - Je n'insiste pas.

- L'urgence est déclarée.

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Messieurs, je ne puis admettre la loi proposée que comme introduisant un ordre de choses essentiellement temporaire, devant cesser dans un très bref délai, et je dois même dire que la crainte de voir retarder la publication de la loi d'annexion est le seul motif qui m'empêche de voter contre le projet.

En effet, l'état de choses qui résultera de la mesure proposée présente quelque chose d'anormal. Il est inouï qu'un territoire faisant partie de la capitale sous le rapport administratif continue de ressortir à des cantons ruraux sous le rapport judiciaire.

Dans l'exécution, il se présentera des inconvénients sérieux qu'il sera impossible de laisser subsister. Les règlements de police de la ville de Bruxelles seront soumis à l'interprétation d'un juge de paix étranger à la capitale.

(page 996) En matière civile, cet état de choses pourra donner lieu à des divergences dans la jurisprudence. Lesjuges de paix d'Ixelles et de Saint-Josse-ten-Noode pourront adopter sur certaines matières une jurisprudence différente de celle des juges de paix de la capitale ; et comme les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix ne peuvent être déférés à la Cour de cassation, pour simple violation de la loi, lorsqu'il n'y a pas excès de pouvoirs, une partie de la capitale pourra être régie par une jurisprudence qui ne sera pas celle admise dans d'autres sections de la cité.

D'un autre côté des notaires habitant le territoire annexé à la capitale ne pourront cependant instrumenter que dans une circonscription très limitée.

Souvent les agents de police de la capitale devront sortir des limites de la commune et instrumenter sur un territoire étranger, lorsqu'il s'agira, par exemple, de conduire les mendiants et vagabonds devant le juge de paix.

Les relations administratives et judiciaires sont si étroitement liées qu'une séparation, en ce qui touche le même territoire, donnera lieu à des conflits et à des abus qui se produiront fréquemment.

En ce qui me concerne, je regrette vivement que le projet n'ait pas admis l'annexion avec toutes ses conséquences légales, et j'espère au moins qu'avant le 1er janvier 1854 une nouvelle disposition législative viendra régulariser un ordre de choses anormal et irrégulier, dont l'expérience ne manquera pas de révéler les nombreux inconvénients.

Ne voulant pas retarder la publication de la loi d'annexion, je prie seulement M. le ministre de la justice de nous donner l'assurance que l'état provisoire qui sera établi, cessera pour le premier janvier prochain, on à toute autre époque rapprochée.

Je le répète, messieurs, il n'est pas possible que l'ordre de choses que créera le projet soit de longue durée, et puisse se prolonger pendant un temps indéfini.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, le projet de loi dont il est actuellement question, tend à conserver un état de choses éminemment provisoire. Qu'on décrète l'annexion de tous les faubourgs à la capitale, ou qu'on décide que cette annexion générale n'aura pas lieu, l'organisation des cantons d'Ixelleset de St-Josse-ten-Noode devra subir une modification dans un bref délai ; c'est ce qui résulte à toute évidence de l'exposé des motifs du projet que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre.

En effet, si l'on décide dans un court délai, comme cela est présumable, que tous les faubourgs seront annexés à la capitale, alors il y aura un remaniement général ; les différents cantons qui entourent la ville de Bruxelles devront être entièrement modifiés dans leur circonscription. Si, au contraire, on renonce à cette annexion générale, alors il faudra nécessairement que la quartier Léopold, actuellement réuni à la ville de Bruxelles, soit annexé, non seulement à la commune, mais encore au canton de Bruxelles, et cette annexion définitive, sous le rapport judiciaire, devra faire l'objet d'une organisation définitive ; de sorte que dans l'un et dans l'autre cas le provisoire qui fait craindre à M. Lelièvre les inconvénients qu'il a signalés et que je ne redoute pas, cessera dans un délai très rapproché.

Messieurs, il m'a paru qu'il était juste de maintenir le statu quo à l'égard des justices de paix et des notaires, lorsqu'on avait en perspective un remaniement prochain, qui aurait encore une fois bouleversé l'état de ces magistrats et de ces fonctionnaires, ainsi que la situation même du canton. S'il avait déjà été décidé que le Quarlier-Léopold seul serait réuni à la ville de Bruxelles, si l'on n'avait pas signalé derrière cette annexion partielle une annexion plus générale, nous aurions organisé les cantons d'une manière définitive, mais il a fallu maintenir le statu quo pour ne pas avoir à faire prochainement une seconde révision.

Voilà les explications qui me paraissent de nature à satisfaire l'honorable M. Lelièvre. S'il y a quelques légers tiraillements sous le rapport administratif, ces tiraillements pourront cesser par la voie administrative, c'est-à-dire que des arrêtés royaux ou même des arrêtés locaux peuvent réglementer ce qui est purement administratif.

Mais pour ce qui est de la compétence des juges de paix et des notaires, il faut nécessairement l'intervention de la législature.

C'est pour cefa que le projet ne parle que de ces deux objets ; quant à ce qui concerne la milice, la garde civique, l'administration financière, les bureaux d'enœgistrement et des contributions, la voirie vicinale, tout cela dépend de règlements administratifs ; il était inutile d'en parler dans la loi.

Ces explications suffiront je pense pour démontrer qu'en pratique le projet ne peut pas présenter de difficultés réelles.

M. Rogier. - Messieurs, les habitants de la section de St-Josse-ten-Noode annexée à la viîle de Bruxelles font partie du canton du même nom et peuvent être appelés à concourir à une élection ; un membre du conseil provincial nommé par St Josse-ten-Noode ayant été élu membre de la chambre devra être remplacé au conseil provincial. On demande si les habitants de la partie distraite de St-Josse-ten-Noode concourront à l'élection du canton, ou s'ils sont considérés dès maintenant comme habitants de Bruxelles, et n'ont plus le droit de concourir à l'élection cantonale qui doit avoir lieu incessamment.

De même, pour la garde civique, des élections doivent avoir lieu dans le courant de l'année : les nominations sont faites pour cinq ans ; les élections ont eu lieu en 1848, par conséquent des élections nouvelles doivent avoir lieu en 1853.

On demande avec qui voteront les gardes appartenant à la partie distraite de Saint-Josse-ten-Noode ? Sont-ils considérés dès maintenant comme faisant partie de la garde civique de Bruxelles ou appartiennent-ils encore à la légion de Saint-Josse-ten-Noodc ?

Voilà deux questions pratiques que le projet soulève, il en est encore d'autres, je ne veux pas les multiplier ; je désire seulement que M. le ministre de l'intérieur ou M. le ministre de la justice veuille bien donner quelques explications, parce que des doutes se sont élevés dans la commune sur le service de la garde civique et sur l'élection qui doit avoir lieu prochainement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il me semble que la réponse aux questions que vient de poser l'honorable préopinant est dans l'exécution que la loi doit recevoir.

Par suite de la promulgation de la loi, la partie cédée de Saint-Josse-ten-Noode appartiendra à la commune de Bruxelles. Les électeurs de cette partie voteront donc avec les habitants de Bruxelles ; quant à la garde civique, la garde étant organisée par commune, la section détachée de Saint-Josse-ten-Noode faisant partie de la commune de Bruxelles prendra part aux élections et remplira les devoirs de la garde civique avec les habitants de Bruxelles. Cela est de plein droit, les habitants de la partie cédée sont assimilés aux habitants de Bruxelles. Leur territoire ne formant plus qu'une même agglomération avec la ville de Bruxelles, ils sont soumis aux principes qui règlent les élections et les devoirs de la garde civique pour les habitants de la capitale.

M. Lelièvre. - Le système du projet en discussion me paraît clair et positif. En vertu du projet d'annexion, les parties de territoire détachées des cantons d’Ixelles et de Saint-Josse-ten-Noode doivent faire partie du territoire de la commune de Bruxelles, dès la publication de la loi antérieure que nous avons votée. En conséquence, si le projet actuel n'avait pas été proposé, le territoire annexé aurait été considéré comme faisant partie du territoire de Bruxelles, sous les rapports administratif et judiciaire, du moment où la loi d'annexion aurait été publiée.

Le projet actuellement en discussion restreint cet état de choses, mais seulement sous le rapport judiciaire et quant à la liste des jurés. Docc sous le rapport administratif, l'on reste soumis au principe général résultant du premier projet déjà admis par les chambres. En conséquence, il est certain qu'a tous autres égards que ceux spécialement énoncés au projet que nous discutons, les habitants des parties annexées seront assimilés aux habitants de la commune de Bruxelles à laquelle ils appartiendront, à partir de la publication de la loi déjà votée. En un mot, le projet en discussion est exceptionnel, et, pour tous les cas qu'il ne prévoit pas, la règle générale est maintenue ; et cette règle générale est cette qui découle naturellement des dispositions du premier projet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne vois pas plus de difficulté dans le cas posé par l'honorable M. Lelièvre que dans l'hypothèse prévue par l'honorable M. Rogier. Les listes électorales sont formées par commune et par conséquent la liste électorale de la commune de Bruxelles, comprendra le quartier cédé. Cela ne peut donner lieu à aucuue espèce de difficulté.

Pour la compétence judiciaire un doute est survenu. Il était raisonnable de le faire cesser, c'est le but du projet de loi présenté.

Pour ce qui regarde la question électorale et les autres questions d'administration, le doute n'était pas possible. Dans toutes les circonstances qui viennent d'être indiquées, on procède d'après les formes prescrites par la loi. La commune étant une, il en sera du Quartier Léopold comme de louies les autres parties de la ville de Bruxelles.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Les parties de territoire des cantons d'Ixelles et de Saint-Josse-ten-Noode, reunies à la ville da Bruxelles, continueront à ressortir à ces cantons sous le rapport judiciaire. »

- Adopté.


« Art. 2. Les citoyens habitant ces parties de territoire et portés, à raison de leur cens électoral, sur la liste mentionnée en l'article 8 de la loi du 15 mai 1838, y seront maintenus jusqu'au 1er décembre 1853. »

- Adopte.


« Art 3. La présente loi et la loi qui décrète l'annexion du Quartier-Léopold à la capitale seront obligatoires le lendemain de leur publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 70 membres présents.

Ce sont : MM. Van Iseghe M. Van Remoortere, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Faignart, Jacques, Jouret, Juillet, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Tesch, (page 997) Thiéfry, T'Kint de Naeyer, E. VandenpeerebooM. Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke et Delfosse.

Projet de loi sur le tarif des marchandises sur le chemin de fer

Rapport de la section centrale

M. Lesoinne dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi sur le transport des marchandises par le chemin de fer.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour énoncer d'une manière très concise mon opinion sur le crédit spécial de quatre millions 880,000 francs demandé par M. le ministre des travaux publics.

Il paraît, messieurs, que ce crédit est principalement destiné à l'acquisition de 500 nouveaux waggons pour le transport des marchandises ainsi que de 20 locomotives, et à la construction de magasins et de hangars dans les stations.

Messieurs, si avec ces 4,880,000 fr. on pouvait améliorer considérablement notre chemin de fer et le mettre en état de donner un revenu plus élevé, nous devrions, tous, nous empresser de voter ce crédit, mais il paraît qu'on nous annonce déjà d'autres demandes.

Ainsi, on nous proposerait 8 millions pour faire de nouvelles routes et des stations ; ensuite 3 millions pour doubles rails, un million pour le matériel ; ce sera, messieurs, une somme ronde d'environ 47 millions, y compris le crédit dont nous nous occupons aujourd'hui. C'est tout juste le revenu d'une année du chemin de fer. En présence de pareilles sommes, nous devons bien reconnaître que l'exploitation par l'Etat est extraordinairement coûteuse. Il est reconnu qu'il y a un déficit annuel de trois millions, ce qui fait 75 c. par habitant.

Vous savez, messieurs, que sous la main des ingénieurs les chiffres sont très élastiques et que très souvent 17 millions s'élèvent à 20 et même à 25 millions.

Eh bien, messieurs, notre situation financière nous permet-elle de faire face à des sommes aussi considérables ? Nous ne pourrions le faire qu'en augmentant les impôts, mais le pays peut-il supporter une augmentation d'impôts ? Je n'hésite pas à dire que c'est impossible, surtout dans les campagnes.

Il y aurait bien encore la voie des emprunts, mais il en coûte énormément quand il faut passer par les mains des capitalistes. Cela est extrêmement dispendieux.

Je sais que nous avons aussi une autre grande ressource, c'est la dette flottante, ce sont les bons du trésor ; il paraît que c'est là la panacée universelle ; mais ce moyen nous coûte également de gros intérêts. En voyant cette dette flottante augmenter d'année en année, j'avoue que je redoute de voter les millions qu'on nous demande.

Cependant je reconnais qu'il y a une sorte de nécessité d'adopter le projet que nous discutons en ce moment, parce que si l'on veut que le commerce puisse transporter ses marchandises, il faut bien augmenter le nombre de waggons de 500.

Mais je prierai le gouvernement de mettre plus d'économie dans ses constructions. Dans la station de Bruxelles on a fait du luxe ; on y remarque une somptuosité dont on aurait bien pu se passer. Si le gouvernement se fait industriel, s'il se fait entrepreneur, s'il veut exploiter lui-même, il doit suivre la ligne de conduite des autres entrepreneurs et agir avec économie.

Le fait-il ? Je ne le crois pas. Je le répète, il construit plutôt avec un luxe effréné. A Gand également, on a dépensé peut-être deux ou trois fois plus d'argent qu'on n'aurait dû le faire. On y a encore déployé beaucoup de luxe, tandis que dans les stations intermédiaires, telles que celles de Deynze, les bâtiments nécessaires manquent. Si l'on avait fait à Gand une économie de moitié, on aurait pu, dans ces stations intermédiaires, construire des hangars pour abriter les marchandises. Car aujourd'hui lorsqu'il y a le moindre encombrement, les marchandises doivent rester en plein air. C'est ce qui arrive aussi à Courtrai qui est une ville assez considérable ; il y a des hangars pour les voitures ; mais on n'y a pas d'abri pour les marchandises. Ainsi d'un côté on montre de la parcimonie envers le commerce et d'un autre côté, pour éblouir, pour paraître avoir de grandes idées, pour pouvoir dire que l'on fait de grands monuments, on dépense beaucoup trop d'argent.

Messieurs, le gouvernement vient de nommer la commission consultative des chemins de fer, dont M. le ministre nous avait annoncé la création. Je cris que le gouvernement a eu la main heureuse dans le choix du personnel de cette commission et que la chambre approuvera les nominations qui ont été faites. J'espère que, grâce aux efforts de cette commission joints à ceux de M. le ministre des travaux publics, au lieu de nous demander 17 nouveaux millions de dépense, on cherchera à faire rapporter au chemin de fer des vingtaines de millions.

Car, nous voyons qu'ailleurs, on agit avec plus d'économie, qu'avec 40 p. c. on administre l'exploitation, tandis que le gouvernement n'exploite qu'au mouen de 57 p. c. J'ai la conviction intime que, grâce aux yeux scrutateurs de plusieurs honorables membres de la commission, on pourra augmenter le revenu du chemin de fer d'une manière considérable. Nous l'avons dit lors de la discussion du budget des travaux publics, de grandes améliorations et surtout de grandes économies sont à faire ; il faut organiser les transports comme l'ont fait les autres compagnies, transporter les petits paquets, organiser des convois de banlieues, des convois de vitesse, essayer enfin tous les moyens qui ont réussi ailleurs.

Il faut enfin fermer les waggons sinon avec de la toile, au moins avec des tissus métalliques ou des glaces, pour ménager la santé des personnes qui n'ont pas le bonheur d'être favorisées de la fortune.

Notre chemin de fer rapporte infiniment moins que les chemins de fer anglais. Je sais que, sur ces derniers, les tarifs sont plus élevés ; mais on nous a annoncé un nouveau tarif.

En France, les chemins de fer rapportent en proportion beaucoup plus que le nôtre.

M. le ministre des travaux publics forme le vœu que nous votions les 4,800,000 fr. ; mais nous avons aussi un vœu à former : nous désirons qu'il y ait plus d'économies dans les dépenses du chemin de fer ; il y a là une foule d’inspecteurs, de vérificateurs, etc ; avons-nous besoin d'un pareil luxe de personnel ? Au train dont nous marchons, je crains bien que nous n'augmentions encore le déficit et qu'il ne faille demander à la nation de nouveaux impôts.

Quant à moi, la main sur la conscience, je ne pourrai plus voter une augmentation d'impôts, lorsqu'on parlait, il y a 23 ou 24 ans, d'un budget de 80, 90 ou 100 millions, on se récriait, on disait qu'on ne pouvait pas supporter un pareil fardeau ; eh bien, d'année en année, nous avons constamment augmenté les impôts, et cependant la prospérité du pays ne s'est pas accrue en raison de cette augmentation d'impôts. Nous en sommes aujourd'hui à 117 millions. Notre devoir est donc de nous montrer très circonspects désormais, et je crois que pour nous, mandataires de la nation, le mot économie doit être une vérité.

Je bornerai là mes observations.

M. Osy. - Messieurs, maintenant que le terrain est déblayé par le retrait des amendements dont il a été question hier, nous pouvons nous occuper du crédit qui nous est demandé pour les dépenses du chemin de fer. Mais avant de discuter la loi même, je suis obligé de dire quelques mots sur la situation financière du pays et de vous montrer où la loi des travaux publics, votée en 1851, nous a menés.

Messieurs, dans l'exposé des motifs du budget des voies et moyens de 1854, le gouvernement nous fait entendre qu'il devra demander 47 millions pour les travaux publics, presque tous travaux commencés et pour lesquels vous n'avez voté que des parties de crédit. Hier, les honorables députés d'Alost ont demandé une augmentation de crédit pour la Dendre. Effectivement je remarque dans l'exposé des motifs du budget des voies et moyens, que nous devrons voter 2 millions pour la Dendre en faveur de laquelle on avait voté un petit crédit en 1851. Il en est de même du canal de Zelzaete et du canal de Schipdonck, pour lesquels on sera obligé de demander un crédit supplémentaire de 3,300,000 fr. en dehors du crédit voté en 1851. On aura encore à demander 1,400,000 fr. pour le canal de St-Nicolas ; 1,500,000 fr. pour l'Yser ; 1,100,000 fr. pour les deux Nèthes ; 3 millions pour le canal de St-Job et un million pour le canal de Bruges à Gand, de manière que le crédit de 26 mil.ions qu'on a voté en 1851 vous entraîne à une dépense supplémentaire de treize millions.

Lors de la discussion de la loi de 1851, j'ai eu l'honneur de porter le premier la parole dans cette question, et j'ai demandé qu'avant de commencer de nouveaux travaux publics, on nous dît ce dont nous aurions encore besoin pour le chemin de fer et pour la défense du pays. Le gouvernement n'a pas voulu s'expliquer à cet égard, et il a forcé la chambre de voter les 26 millions.

Au commencement de l'exercice actuel, le déficit était de 13 millions ; ce déficit, avec le crédit que vous aller voter et le million qu'on demande pour les dépenses arriérées du département de l'intérieur, se montera à 33 millions !

Malgré ce déficit, d'honorables collègues ont convié hier le gouvernement et la chambre à faire de nouvelles et de très grandes dépenses. Cependant je n'ai entendu personne parler des voies et moyens pour combler le déficit.

Pour moi, qui n'aime pas les impôts nouveaux, j'ai suggéré au gouvernement, au début de la session, le moyen de se procurer deux millions, qui heureusement ont été obtenus ; l'opération si bien menée par M. le ministre des finances ayant pleinement réussi, vous avez au moins de cette manière un impôt volontaire annuel de 2 millions. Je dis volontaire, car ceux qui ne voulaient pas se faire convertir, pouvaient demander le remboursement.

Il est temps, messieurs, que nous nous arrêtions dans la voie des dépenses. On nous demande beaucoup d'argent pour la défense du pays ; or, si vous devez dépenser beaucoup d'argent pour la défense du pays, eh bien, le trésor, qui devrait être bien fourni, a véritablement été livré au pillage en 1851, et surtout par ses conséquences et les dépenses que vous aurez encore voter.

L'ancien cabinet a toujours soutenu qu'il avait rétabli la situation financière. Eh bien, je prouverai que la malheureuse loi de 1851 a tellement compromis nos finances, que jamais le pays n'a été avec un aussi grand déficit.

L'honorable M. Frère, lorsqu'il était ministre des finances, s'est beaucoup récrié contre l'administration précédente ; vous vous rappelez les luttes qui ont eu lieu entre cet ancien ministre et l'honorable M. Malou ; eh bien, ce que nous votons aujourd'hui, n'est que la conséquence de (pâge 998) ce qui avait été commencé par l'ancien ministère, et j'établis que nous sommes en présence d'un déficit de 33 millions. (Interruption.)

M. le ministre des finances a déjà porté en recette les deux millions que nous avons acquis par la conversion, et il nous annonce qu'il y a encore pour l'exercice prochain un déficit de 28 millions.

C'est là le point de départ sur lequel nous ne devons pas nous endormir ; car il est plus que temps que le gouvernement et la chambre s'arrêtent dans la voie des dépenses.

En 1851, lorsque la chambre s'est occupée de la loi des travaux publics, le gouvernement savait très bien qu'on avait besoin d'une très forte somme pour la défense du pays.

Effectivement le ministre des finances d'alors présenta une petite demande de crédit provisoire de 4 millions pour faire très peu de chose pour la défense du pays. Nous savions tous que cette proposition nous entraînerait dans de beaucoup plus grandes dépenses, car on pouvait voir que les travaux qu'on exécutait à Anvers ne défendaient qu'un côté de la ville et qu’il faudrait les compléter.

Le ministère actuel a trouvé dans les cartons une demande de crédit de 8 millions, de manière que cette dépense de 12 millions revient encore à l'ancien ministère.

Ce n'est pas tout, nous voyons dans l'exposé des motifs du budget des voies et moyens une franchise dont nous avons peu d'exemples ; nous voyons qu'on aura encore besoin de 8 millions pour la défense du pays, additionnant le tout vous arrivez à 50 ou 60 millions. Quand nous discutions la loi des travaux publics, nous disions : Achevez ce qui est commencé avant de vous engager daos de nouveaux travaux ! On n'a pas voulu nous entendre.

Il est vrai que vous avez voté une somme très forte pour un travail qui a eu un grand retentissement dans le pays, pour la dérivation de la Meuse ; pour celui-là toute la somme nécessaire a été votée ; pour tous les autres on n'a voté que des lambeaux de crédit. Les députés des Flandres sont obligés de venir à chaque instant demander des crédits pour l'achèvement des travaux commencés dans leurs provinces. Nous avons entendu dire que les canaux de Schipdonck et de Zelzaete remontent à 1844 et 1846, et on n'a demandé pour leur exécution que des fractions de crédit.

La marche suivie est funeste pour le trésor. On s'engage dans des dépenses tellement fortes que je ne sais pas où cela nous conduira.

Lors de la discussion de la loi des travaux publics, l'honorable M. Rolin qui connaissait les besoins du chemin de fer, a insisté fortement avec nous pour augmenter de 5 millions le crédit demandé. Mais le ministre, de crainte de compromettre la dérivation de la Meuse, s'est opposé au vote des 5 millions. Le ministère actuel nous demande aujourd'hui la somme que nous voulions voter alors parce que nous savions qu'elle était indispensable pour la bonne exploitation du chemin de fer.

M. le ministre dit aujourd'hui qu'il est plus qu'urgent d'allouer la somme quil demande, sans cela il ne peut plus répondre de l'exploitation. Il a même dit que si l'hiver avait été rigoureux, si les canaux avaient été fermés, le matériel du chemin de fer n'aurait pas pu suffire aux besoins du service, de sorte que la suspension ou la continuation du service a été une question de baromètre.

L'ancien ministère est donc très coupable de s'être engagé dans des travaux nouveaux avant d'avoir achevé les travaux commencés. Je conçois que les députés dont les provinces ont des travaux commencés réclament des crédits pour les achever. J'espère qu'à l'avenir on ne décrétera de nouveaux travaux qu'autant qu'on aura assuré les voies et moyens pour couvrir les dépenses.

En agissant comme nous l'avons fait, nous nous trouvons en face d'une dette flottante de 32 millions, auxquels il faut ajouter le crédit de 8 millions ; voilà 40 millions qu'il est indispensable de voter, sans compter les sommes qu'il faudra ajouter pour achever les travaux commencés. Je crois qu'il est sage, comme l'a dit le ministre des finances, de nous mettre en garde contre de nouvelles dépenses.

Si je n'étais pas convaincu de l'impossibbilé de continuer une bonne exploitation du chemin de fer si on n'augmentait pas le matériel, dans la situation du trésor, je voterais contre le crédit demandé.

M. le ministre des finances, lui, qui doit mieux connaître que nous les ressources du trésor, ayant accordé les 4,480,000 francs, je les voterai.

On a tant tardé à demander les fonds nécessaires pour assurer une bonne exploitation du chemin de fer, que je ne voudrais pas assumer la responsabilité d'un nouveau retard.

Nous devons désirer que les stations les plus nécessaires de Liège et d'Anvers soient faites, je ne le demande pas.

Dans quelques années, j'espère, le gouvernement s'en occupera. Ces villes qui contribuent pour une si large part dans les revenus du chemin de fer, auraient bien le droit de demander qu'on leur fît le nécessaire avant de faire des dépenses de luxe à la station de Bruxelles.

Je demande qu'à Liège, à Malines, à Anvers on fasse le plus tôt possible le strict nécessaire ; du solide, mais pas de luxe. J'espère que le gouvernement y songera.

L'honorable M. Rogier disait dans une autre discussion que ce serait une honte de vendre notre chemin de fer à une compagnie ; ce qui est une honte, selon moi, c'est qu'après vingt ans d'exploitation, nos stations soient encore dans l'état où elles sont.

Le gouvernement aurait dû s’en occuper depuis longtemps. Je demande qu'on fasse le nécessaire pour abriter les marchandises, les voyageurs et le matériel, qui est toujours en plein air, au détriment da trésor ; s'il n'est pas abrité, le renouvellement est plus fréquent.

Je dis donc que le gouvernement est coupable de n'avoir rien fait depuis cinq ans et d'avoir commencé de nouveaux travaux avant d'avoir achevé ceux commencés.

Je reconnais que le matériel est dans un état tel, qu'il y a urgence de l'augmenter et d'en faire une répartition qui prévienne les chômages que nous avons vus quelquefois. Je regrette que le gouvernement n'ait pas pu demander les fonds nécessaires pour compléter les doubles voies, car l'exploitation avec de simples voies est plus coûteuse et occasionne des retards.

Je dis donc que je voterai le crédit demandé espérant que ce sera le dernier, tauf ceux que j'ai indiqués, et qu'à l'avenir avant de proposer des dépenses on pensera aux voies et moyens.

J'ai entendu dire qu'en 1847 le découvert était de 27 millions, aujourd'hui il est de 30 avec des dépenses urgentes à faire que vous ne pouvez vous dispenser de voter.

Je vois que le gouvernement est décidé à laisser la station d'Anvers où elle est.

Mais je demande que d'ici au moment où le gouvernement pourra faire la dépense nécessaire pour la station définitive, il se mette d'accord avec le génie militaire.

Je vois que le gouvernement nous dit : « Le génie militaire a permis l'établissement de ces constructions (celles de la station de Charleroi et de la station d'Anvers), sous toutes réserves, et il ne pouvait faire autrement dans la prévision des dommages plus ou moins considérables, que des événements de guerre pourraient leur occasionner. »

Ainsi, vous le voyez, le génie militaire fait encore des réserves. Il faut que pour le moment où l'on pourra construire la station définitive, ces réserves soient levées ; et je crois qu'elles peuvent l'être facilement. Je ne sais si M. le ministre des travaux publics connaît assez les environs d'Anvers. Mais, sans être militaires, nous pouvons reconnaître que la défense de la place est établie tout à fait en dehors des faubourgs.

La station étant entre la ville elle faubourg, il me paraît que le génie militaire ne peut plus avoir d'objection à faire à l'exécution de la station définitive.

Je demande donc à M. le ministre de s'entendre avec son collègue M. le ministre de la guerre pour faire disparaître toute réserve. Quant à moi, qui connais la défense de la place et les environs d'Anvers, je crois que l'exécution des travaux définitifs de la station ne peut plus inspirer aucune crainte.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable député d'Anvers ne s'oppose pas au vote du projet de loi qui est aujourd'hui en discussion ; il reconnaît que la somme de 4,800,000 fr. que le gouvernement sollicite, constitue une dépense éminemment utile, une dépense productive même, et sous ce rapport il donne son assentiment au projet.

Mais l'honorable député d'Anvers, fidèle sous ce rapport à ses habitudes constantes, ne manque pas une seule occasion de rendre l'administration ancienne, à laquelle j'ai appartenu, responsable de la situation financière où se trouve aujourd'hui le pays, et il invoque la loi sur les travaux publics, la loi qui a été votée en 1851 par la chambre à une grande majorité, pour justifie cette allégation.

Permettez-moi, messieurs, de rappeler en très peu de mots l'historique de la loi sur les travaux publics.

Cette loi, la chambre ne doit pas le perdre de vue, était une nécessité ; il eût été impossible à un gouvernement quel qu'il fût de résister plus longtemps à l'exécution des travaux dont le caractère d'urgence était démontré.

Il y avait dans cette loi deux ordres de faits.

Il y avait d'abord des concessions de chemins de fer pour lesquelles l'intervention financière du gouvernement n'était pas réclamée ; il y avait des concessions pour lesquelles on demandait un minimum d'intérêt, et enfin il y avait des travaux pour compte de l'Etat.

C'était là l'économie générale du projet de loi soumis à la sanction de la législature. Il y avait 26 millions de travaux à exécuter pour compte du gouvernement ; et il y avait une garantie d'intérêt portant sur 45 millions affectés à l'exécution de concessions déjà octroyées.

Quant aux travaux à exécuter pour compte de l'Etat, je constate tout d'abord une somme de 4,500,000 francs pour le prolongement du canal de la Campine jusqu'à Anvers. Est-ce que ce travail ne présentait pas un caractère d'urgence ? (Interruption.) Donc cette dépense, il fallait la faire.

Mais l'honorable membre trouve que la marche qui a été suivie par le gouvernement dans cette circonstance était une marche condamnée par les précédents.

Eh bien, là est l'erreur : la marche que le gouvernement a suivie, en matière de travaux publics depuis 1830, est celle qui a été suivie en 1851. En effet, messieurs, lorsqu'on a voté le canal de la Campine, on a commencé par voter une section, celle de Bocholt à la Pierre-bleue. Lorsqu'on a voté le canal de Deynze à Schipdonck, on a procédé par crédits successifs.

Pour le canal de Zelzaete on a procédé par crédits successifs. Pour le chemin de fer lui-même, il a été exécuté au moyen de crédits détachés.

(page 999) Enfin il en a été ainsi pour tous les grands travaux exécutés aux frais de l'Etat.

Il y avait encore dans la loi sur les travaux publics un crédit pour mettre le canal de la Campine en communication avec la ville de Hasselt. Cette branche de jonction devait coûter 2,600,000 fr. C'était pour achever un travail commencé. Est-ce que l'honorable M. Osy aura deux poids et deux mesures ? Est-ce qu'il prétendra qu'il fallait poursuivre le canal de la Campine jusqu'à Anvers et ne pas exécuter la section dont je viens de parler ?

Ainsi voilà déjà une dépense de plus de 7 millions complètement justifiée aux yeux de l'honorable membre lui-même.

Enfin le canal de Deynze à Schipdonck figurait dans le projet pour 2,500,000 fr.

Etait-ce encore là un travail qu'on pût ajourner ? Mais vous entendez tous les jours les honorables députés de Gand déplorer l'état où se trouve la Flandre. C'était donc encore là une dépense nécessaire.

Voilà déjà près de 10 millions.

Mais il y a bien d'autres dépenses de cette nature. Il y a l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, il y a des travaux à faire pour la Dendre. et vous entendez tous les jours les honorables députés d'Alost et d'Ath se plaindre de l'insuffisance des crédits destinés à ces travaux.

Messieurs, lorsqu'il a soumis à la chambre les lois d'impôts, l'ancien cabinet a déclaré formellement qu'une partie du produit de ces impôts était destinée à couvrir le déficit et qu'une autre partie était destinée à répondre aux charges nouvelles qm auraient été le résultat des travaux publies à exécuter.

L'honorable M. Osy vient de demander pourquoi l'on n'a pas compris des crédits pour l'Yser et les Nèthes dans le projet de loi de 1851 ? Mais il y a pour cela une excellente raison, c'est que le gouvernement n'est nullement tenu, d'après les lois existantes, de se charger de ces travaux et lorsque le rapport sera soumis à la chambre, ce sera une très grosse question de savoir si le gouvernement doit exécuter les travaux nécessaires à l'Yser et aux deux Nèthes. (Interruption.)

M. le ministre des finances s'expliquera sur un autre point. La liste des crédits qu'il a mentionnés n'est indiquée que comme un chiffre approximatif des sacrifices auxquels le pays pourrait être tenu si l'on votait une nouvelle loi de travaux publics ; mais je tiens à constater ici qu'en 1851 il y avait impossibilité pour le gouvernement de demander 1,500,000 fr. pour l'Yser et 1,100,000 fr. pour les Nèthes, puisque ces rivières ne sont pas reprises par l'Etat.

Il y avait, messieurs, dans les vingt-six millions, une somme de 14 millions parfaitement justifiée. Fallait-il, par un véritable déni de justice, excepter la ville de Liège, et ne pas faire la dérivation de la Meuse dont la nécessité était reconnue ?

Et pourquoi, messieurs, a-t-on voté pour ces travaux 8 millions d'un seul bloc ? Mais je m'en suis déjà expliqué, c'est parce qu'on avait imposé au gouvernement l'obligation d'en faire l'objet d'un forfait absolu. C'est aussi parce que ces travaux étaient parfaitement étudiés ; ils étaient projetés depuis un grand nombre d'années, et tout était prêt pour leur exécution.

Pour les concessions, messieurs, quelle était la situation où se trouvait le gouvernement ?

Les compagnies étaient frappées de déchéance ; tous les jours il surgissait des réclamations au sein des chambres. Les députés de la Flandre occidentale demandaient l'exécution du chemin de fer concédé dans cette province, et la compagnie se déclarait impuissante à remplir ses engagements.

La compagnie du Luxembourg était en procès avec le gouvernement. On avait en quelque sorte renoncé à l'espoir d'avoir le chemin de fer du Luxembourg, qui figurait dans la loi de 1837 et en faveur duquel il y avait une promesse formelle de la législature.

Pour le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, la compagnie se trouvait également sur le point d'être frappée de déchéance.

Le chemin de Louvain à la Sambre était complètement abandonné. On avait adjugé les travaux à la folle enchère et personne ne s'était présenté pour offrir un centime des travaux exécutés, qui avaient une valeur de 2,500,000 fr.

Le gouvernement était exposé à devoir payer des dommages-intérêts du chef des dégradations qui étaient le résultat de l'abandon des travaux. Le gouvernement était dans cette alternative ou de ne pas traiter avec les compagnies, ou de présenter un mode d'intervention quelconque pour faciliter l'exécution des travaux commencés. Il a pensé que le mode d'intervention le moins onéreux consistait dans la garantie d'un minimum d'intérêt.

Pour ma part je ne puis certainement pas prévoir quelles seront les conséquences absolues de ce mode d'intervention ; mais je ne crois pas qu'il faille s'en alarmer beaucoup.

Comme je l'ai déjà dit, le chemin de fer du Luxembourg avait, de l'aveu de tout le monde, une importance internationale ; M. Osy l'avait reconnu lui-même dans d'autres circonstances.

Eh bien, supposons un instant qu'il n'eût pas été concédé et qu'il eût fallu le construire aux frais de l'Etat ; c'était une dépense de 25 millions pour laquelle l'on devait nécessairement contracter un emprunt.

L'honorable M. Osy nous a reproché encore d'avoir repoussé l'amendement de M. Rolin, qui avait pour objet d'allouer au gouvernement les 5 millions demandés aujourd'hui.

Mais, messieurs, je me suis expliqué alors sur cet amendement. Je n'ai pas contesté la très grande utilité de ce crédit. (M. le ministre rappelle ce qu'il a dit dans la séance du 25 août 1851.)

C'est donc parce qu'on a voulu rester dans les limites d'un emprunt de 20 millions, que cet amendement a été repoussé par le gouvernement.

Du reste, j'avais déjà fait de ce crédit, avant la présentation du projet de loi de travaux publics, l'objet d'une demande officielle auprès de mon collègue des finances. Sous la date du 10 décembre 1850, je lui avais adressé la demande d'un crédit de 5 millions. L'honorable ministre des finances d'alors m'avait répondu qu'il regrettait de ne pouvoir admettre une pareille proposition, qu'il devait au contraire en demander l'ajournement.

J'avais donc reconnu moi-même la nécessité de compléter sous ce rapport ce qui avait été fait par la chambre à une époque antérieure.

L'honorable M. Osy a parlé encore de l'insuffisance du matériel. Cette insuffisance est très réelle ; cependant, je dois dire que la situation n'est pas aussi désespérée que l'honorable M. Osy semble le croire. Chaque fois que des réclamations et des plaintes à cet égard sont parvenues à ma connaissance, ces réclamations et ces plaintes ont fait l'objet d'une instruction spéciale. En 1851 des réclamations très vives furent adressées au département des travaux publics et les journaux s'en firent l'écho. Une instruction eut lieu et quel en fut le résultat ?

C'est qu'il demeura démontré que l'insuffisance n'avait existé que pendant un jour à Anvers et qu'immédiatement des mesures furent prescrites qui eurent pour effet de la faire cesser.

A plusieurs reprises messieurs, ces mêmes réclamations se sont fait jour. Je ne prétends pas que le matériel soit suffisant, mais je dis qu’il y a de l'exagération dans les plaintes que l'on formule à cet égard. Au mois de novembre de l'année dernière, la chambre de commerce d'Anvers s'est adressée à moi. J'ai fait une instruction nouvelle, et voici ce que je lis dans le rapport qui m'a été adressé. (M. le ministre cite des extraits de ce rapport.)

Ainsi, messieurs, quand il y a réellement des griefs, les fonctionnaires sont les premiers à les constater. La chambre de commerce d'Anvers renouvelle cependant ses plaintes, tout récemment, le 22 janvier 1853.

Je m'en suis encore occupé. J'ai invité la chambre de commerce à vouloir préciser les faits et m'indiquer les jours où cette insuffisance s'était déclarée. La chambre, dans sa réponse, m'a rappelé ce que je ne contestais pas, à savoir que la pénurie remontait à une époque antérieure aux derniers mois de l'exercice écoulé.

L'honorable M. Osy a demandé que je m'employasse à faire disparaître la réserve qui a été réclamée par le génie militaire dans les conventions qui sont intervenues pour la construction des stations de Charleroi et d'Anvers ; je m'occuperai particulièrement de cette affaire.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, si le discours prononcé par l'honorable M. Osy ne devait pas pénétrer au-dehors, je n'aurais pas pris la parole, et je me féliciterais même du tableau quelque peu rembruni qu'il a fait de nos finances, car il est bon que de temps en temps on arrête les assemblées délibérantes dans leur trop grande facilité à voter les dépenses. Mais comme ce discours pourrait avoir pour conséquence de faire croire au dehors qu'un emprunt nouveau doit se faire et comme dès lors le cours de nos fonds publics pourrait en. être affecté, j'ai demandé la parole pour redresser ce qu'il pourrait y avoir d'exagéré dans ce tableau.

L'honorable député a d'abord fait voir que, dans un avenir très rapproché, il nous pend sur la tête, permetlez-moi l'expression, une série de dépenses nouvelles qui ne vont à rien moins qu'à 43 ou 47 millions.

Messieurs, l'honorable membre a très mal compris mes intentions, s'il a déduit cette conséquence de ce que l'on a imprimé dans l'exposé des motifs du budget des voies et moyens.

Après avoir exposé la situation du trésor, je cherche à mettre la chambre en garde contre les demandes incessantes de dépenses nouvelles, et pour faire voir jusqu'où l'on pourrait être entraîné, si on se laissait aller à une trop grande facilité, je mets en note, dans l'exposé des motifs, la série des dépenses qui ont déjà été réclamées par des députés depuis l'ouverture de celle session ; l'ensemble de ces dépenses ne s'élève pas en effet à moins de 42 à 45 millions de francs. Je crois que la nomenclature n'en est pas même très complète.

Eh bien, mon but a été de prémunir en quelque sorte les députés eux-mêmes contre la tentation de créer trop facilement des dépenses nouvelles, mais nullement d'indiquer l'intention où serait le gouvernment de décréter l'année prochaine ou même dans deux ans toutes les dépenses que j'ai mentionnées.

Arrivant au découvert du trésor, l'honorable député a eu raison de dire que, rigoureusement parlant, le découvert, à l'heure qu'il est, s'élève à 28 millions.

En effet, outre les 22 millions indiqués dans l'exposé des motifs qui précède le budget des voies et moyens, vous avez 6 autres millions, déposés dans le trésor, provenant des fonds d'amortissement, qui n'avaient pas pu recevoir leur destination et qui, d'après la loi de 1844, devaient servir, en cas de conversion, au remboursement de 5,900,000 fr. (soit 6 millions en chiffre rond) ; ou a éteint la dette publique jusqu'à concurrence d'une pareille somme de 5,900,000 fr.

Mais, messieurs, mon intention, je ne vous le cache pas, était, si la chambre avait adopté cet avis, de présenter une loi, pour ne pas anéantir les titres qui ont été remboursés au moyen de cette réserve et par conséquent de diminuer notre découvert de ces 6 millions. J'admets (page 1000) avec l'honorable M. Osy, que, dans l'état actuel de la législation belge, et notamment d'après la loi de 1844, ces 6 millions ayant diminué la dette d'autant, les titres devraient être anéantis et augmenter la dette flottante.

Si. à cette dette flottante que je suis le premier à reconnaître très élevée, j'ai consenti à ajouter le chiffre du crédit en discussion, c'est parce qu'en conseil des ministres il m'a été démontré que cette somme devait annuellement rapporter au trésor public un intérêt usuraire.

Alors je me suis placé dans la position d'un propriétaire qui, bien que trouvant sa caisse vide, a à faire une dépense de conservation d'une part, et d'exploitation, d'autre part, dépense qui doit lui produire, au bout de l'année, un intérêt plus que décuple de la somme qu'il a à dépenser ; je dis que, dans ce cas, fussions-nous même dans la nécessité d'emprunter, on devrait le faire dans l'intérêt bien entendu du trésor.

Mais j'ajoute tout de suite que si, par impossible, la chambre voulait y ajouter d'autres dépenses non justifiées par la même urgence, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que la loi ne fût pas admise par le sénat. Ce n'est pas une menace que je fais à la chambre, je veux seulement, messieurs, vous mettre en garde contre la facilité de créer de nouvelles dépenses.

On me dit : De quelle façon, quand le moment sera venu, couvrirez-vous la dépende de l'emprunt qui devra se faire un peu plus tôt ou un peu plus tard ? Ma réponse est très simple.

Certes, si vous ne mettez pas une barrière aux dépenses extraordinaires qui depuis quelques années se votent dans cette assemblée, il faudrait désespérer de l'avenir financier et accumuler emprunts sur emprunts ; mais si vous voulez marcher prudemment, sans vous interdire pour cela un certain nombre de travaux publics chaque année, vous pouvez continuer à marcher avec les impôts qui existent, sans créer de nouvelles charges pour les contribuables.

Les budgets présentés pour 1854 se soldent avec un excédant de 3.500.000 fr. Et remarquez que je prends le budget de la guerre au chiffre de 32 millions ; je prends tous les autres budgets, sauf celui des finances, à un chiffre supérieur à celui où ils étaient même les années précédentes. Cette situation financière est donc favorable.

Maintenant quant à l'époque où il faudra réaliser un emprunt pour faire face ay découvert dont j’ai eu l’honneur de parler, cette époque, encore une fois, si la chambre est prudente, peut être fort éloignée.

Sans doute, le découvert est assez grand ; mais il ne nécessite pas un emprunt immédiat, ni même dans un bref avenir ; et en effet : n'oublions pas que mon honorable prédécesseur a fait un emprunt de 26 millions, destiné à des travaux publics, emprunt dont il n'est fait emploi qu'au fur et à mesure de l'achèvement des travaux ; de sorte que ces 26 millions ne recevront leur entière application qu'en 1857 ; de sorte que, bien que j'aie été autorisé à émettre pour 20 millions de bons du trésor, je n'en ai émis que pour 15 ou 16 millions. Pourquoi ? Parce qu'ayant en caisse un emprunt qui ne peut recevoir une application utile, un ministre des finances ne peut créer à plaisir des bons du trésor.

Je le répète, si nous sommes prudents et sages, nous pouvons marcher deux ans sans devoir créer d'emprunt. Nous pouvons ainsi chosir le momement qui nous paraîtra le plus favorable. Si au contraire on croyait dans le public qu'un emprunt immédiat est nécessaire, les fonds s'en ressentiraient.

En terminant, comme je sois convaincu que l'intention de l'honorable membre n'a pas été d'alarmer le pays, je suis loin de blâmer ce qu'il a dit de la situation du trésor.

M. David. - Quand j'ai entendu faire aux députés de Liège un reproche de la dérivation de la Meuse, je n'ai pu m'empêcher de demander la parole pour appeler l'attention sur la haute utilité de ce grand travail dont doit profiter non pas la province de Liège seulement, mais quatre autres provinces, le Luxembourg, le Limbourg, Namur et Anvers, province à laquelle appartient l'honorable M. Osy. La dérivation de la Meuse est la continuation du canal de la Campine qui aboutira à Anvers.

Puisque j'ai la parole, j'indiquerai quelques moyens d'utiliser davantage le matériel du chemin de fer. Ce serait notamment d'effectuer le transport pendant la nuit. Le transport pourrait se faire avec moins de vitesse, et par conséquent avec moins de dépense. Les waggons, arrivant le matin à destination, pourraient être immédiatement déchargés et utilisés.

Après cela, je pense que si l'on autorisait les grands établissements industriels ou d'expédition à posséder eux-mêmes des waggons, ce serait un moyen de réduire la dépense que le gouvernement doit faire lui-même pour la construction des waggons.

Je ne terminerai pas sans recommander à M. le ministre des travaux publics de ne faire absolument aucun luxe dans la construction des hangars à établir dans les stations, où les constructions déjà existantes sont d'un style monumental. J'espère que l'on n'adoptera pas pour les hangars le style architectural des bâtiments déjà construits pour les stations.

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet de loi en discussion, je dois demander quelques explications à M. le ministre des travaux publics.

La station de Namur a un besoin indispensable d'un entrepôt pour le commerce. J'ai souvent signalé la nécessité de cette construction. En attendant qu'elle s'effectue, la chambre de commerce de Namur réclame instamment l'établissement d'un entrepôt provisoire. Je prie M. le ministre de vouloir faire droit à ces justes réclamations et, alors que d'autres localités obtiennent justice, de ne pas oublier la ville de Namur, qui a droit à être traitée non moins favorablement et ne doit pas se voir constamment éconduite de ses demandes justes et légitimes.

J'attends de M. le ministre des travaux publics l'exécution de la promesse qu'il a faite de satisfaire à une réclamation dont il a reconnu la justice, et j'espère qu'il nous donnera l'assurance qu'il y sera donné suite le plus tôt possible.

M. Moncheur. - L'exposé des motifs de la loi en discussion contient la critique la plus fondée de l'administration du chemin de fer, en ce qui concerne le transport des marchandises. En effet, cet exposé établit qu'une des causes pour lesquelles le chemin de fer ne produit pas tout ce qu'il devrait produire et ne rend pas à l'industrie et au commerce tous les services qu'il devrait leur rendre, c'est le manque de matériel, et surtout de waggons à marchandises ; or c'est par l'imprévoyance de l'administration que ce manque de matériel existe.

Aujourd'hui, le gouvernement demande à la chambre un crédit d'un million, spécialement affecté à la construction de 500 waggons à marchandises ; mais ce n'est pas 500 waggons qu'il faudrait, il en faudrait 1,000 et même 1,500 de plus qu'il n'y en a, pour suffire aux exigences du commerce et pour faire produire au chemin de fer tout ce qu'il pourrait produire.

Je prédis d'ailleurs une chose, c'est que lorsque les 7 ou 8 mois qui sont nécessaires pour construire ces 500 millions seront écoulés, l'administration du chemin de fer se trouvera de nouveau en présence d'un déficit de waggons égal à celui qui existe aujourd'hui, et cela à cause d'abord de l'augmentation incessante des transports à effectuer, et ensuite des lignes nouvelles qui seront mises en exploitation.

Ainsi, messieurs, si M. le ministre voulait aujourd'hui compléter réellement le matériel et mettre le chemin de fer en état de transporter toutes les marchandises qui se présentent, il devrait demander au minimum un crédit suffisant pour la construction de mille waggons.

Il est positif, en effet, que les waggons manquent, en général, à tous les établissements industriels.

Ce fait est constant, bien que le ministre n'en ait peut-être pas connaissance, parce que toutes les plaintes n'arrivent pas jusqu'à lui. Il faut supplier, il faut s'inscrire longtemps à l'avance, afin d'avoir, non pas tous les waggons dont on a besoin, mais une partie seulement. Cependant, messieurs, si l'Etat veut continuer à exploiter le chemin de fer, il doit faire ce que ferait une société particulière ; il doit avoir l'intelligence de ses intérêts et des intérêts nombreux, immenses, qu'il est appelé à desservir.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Les sociétés sont dans la même situation que nous.

M. Moncheur. - C'est ce que je conteste. Savez-vous notamment ce que fait la compagnie du Nord ? Elle a, je pense, un matériel roulant plus considérable que le nôtre ; eh bien, elle consacre encore 8 millions à augmenter ce matériel roulant, afin de le mettre au niveau des besoins. Elle croit que c'est là une dépense produclive, et elle a raison. La conséquence de ce que je vous dis, messieurs, doit-elle être d'engager le gouvernement à doubler, à tripler la dépense qu'il vous propose de faire ? doit-elle être de l'engager, s'il n'a pas d'argent dans sa caisse, à emprunter les fonds qui seraient nécessaires pour compléter son matériel ? Nullement, messieurs, et je ne propose pas une majoration du chiffre que je trouve insuffisant, parce que la responsabilité doit rester tout entière au gouvernement. Mais j'en tire seulement cette conséquence que l'Etat est incapable d'exploiter le chemin de fer d'une manière productive et convenable.

En effet quelque évidents, quelque pressants que puissent être, dans un moment donné, les besoins du chemin de fer, la raison d'Etat doit l'emporter, et comme M. le ministre des finances l'a parfaitement établi, l'Etat ne peut contracter d'emprunt en ce moment. Une société particulière serait-elle frappée de la même incapacité ? Non sans doute.

Une société fait des emprunts quand il lui plaît, si elle est solide ; et pourquoi ? Parce qu'on sait qu'elle se livre spécialement et unquement aux opérations en vue desquelles elle a été créée. On sait donc que cet argent produira non pas seulement des intérêts, mais encore des dividendes plus ou moins considérables. Un Etat ne peut donc faire ce que fait une société, car il a son crédit à ménager soigneusement, et à cet égard, je ne puis que rendre la chambre attentive aux paroles que vient de prononcer M. le ministre des finances, paroles auxquelles je me rallie entièrement.

Messieurs, je reviens un instant encore à l'insuffisance du matériel roulant, et je dirai à l'honorable ministre des travaux publics qu'il est vraiment déplorable que, depuis 4 ans, le gouvernement n'ait pas eu le courage de dire à la législature : « Voilà ce qu'il faut, pour que le chemin de fer rende au pays les services qu'il est appelé à lui rendre.» Si, depuis quatre ou cinq ans, une somme de quatre millions avait été dépensés pour le matériel roulant, vous auriez, messieurs, dans votre caisse non pas 4 millions, mais 10 millions au moins de bénéfice sur ces 4 millions.

Aussi longtemps que le gouvernement restera dans cet état, il se trouvera dans un cercle vicieux. En effet, d'une part, la législature voyant que le chemin de fer ne produit pas son intérêt (page 1001) se tiendra toujours sur la réserve et sera avare des deniers publics en ce qui concerne cette exploitation, et d'autre part, cependant, aussi longtemps que les fonds nécessaires ne seront pas judicieusement affectés à une exploitation utile et profitable des railways de l'Etat, ceux-ci ne pourront pas présenter des bénéfices assez notables pour dissiper les craintes de la législature.

Messieurs, je voterai le crédit pétitionné, puisque le gouvernement pense qu'il peut faire cette dépense. Mais, à mon avis, ce qu'il demande est trop, ou trop peu : c'est trop peu pour faire ce qui devrait être fait ; et c'est trop, parce que la dépense n'aura pas, entre les mains de l'Etat, les résultats utiles qu'elle devrait avoir.

En terminant, j'exprimerai l'étonnement que j'ai éprouvé de ne pas voir, dans le tableau des travaux à exécuter au moyen d'une partie du crédit, des hangars et des magasins à marchandises pour la station de Namur.

Là, comme ailleurs, un nombre considérable de voitures sont exposées aux intempéries de l'air et se dégradent considérablement. Les marchandises aussi sont loin d'y être abritées comme elles devraient l'être.

Cependant cette station sera une des plus importantes du pays, lorsque aux stations des chemins de fer de Namur à Liège et de Namur à Charleroi et Bruxelles viendront se joindre les stations du chemin de fer du Luxembourg et du chemin de fer des Ardennes, sans compter l'affluent du chemin de fer de St-Quentin et Erquelinnes.

L'administration connaît déjà l'emplacement de ces stations ; on pourrait donc déterminer dès à présent l'endroit où seraient construits les hangars et les magasins de marchandises, ainsi qu'un entrepôt de douane, entrepôt qui est de la plus grande nécessité pour la place de Namur.

J'eppelle sur ce point l'attention la plus sérieuse de M. le ministre des travaux publics.

M. de Mérode. - Messieurs, je ne viens pas réclamer des stations pour telle ou telle localité. On a déjà parlé, en différentes circonstances, de ces besoins locaux, qui nous ont beaucoup trop absorbés jusqu'à présent. Mais la seule chose sur laquelle je veux insister, c'est sur la convenance, la nécessité des observations de l'honorable M. Osy, dans l'intérêt général de nos finances, c'est-à-dire que si l'on ne s'occupe, comme on l'a fait jusqu'à présent, que des intérêts locaux, on mettra le trésor au pillage, et tous les lieux quelconques, qui font partie de l'Etat en définitive, seront dupes de ces dépenses qu'ils croyaient si profitables à leurs intérêts spéciaux.

Nous sommes tous dans le pays. Si le pays ne se maintient pas, toutes les localités subiront les conséquences fatales de la dislocation de l'Etat.

On vous a dit que ce serait une honte que l'Etat ne fût plus administrateur d'un chemin de fer. Je n'ai jamais compris qu'on imputât à honneur et à gloire pour un gouvernement de se charger de la corvée de diriger des waggons, des chars à bancs, des diligences ; ce n'est pas là la fonction d'un gouvernement.

Qu'arrive-t-il ? Pour diriger cette immense manutention, on place à sa tête un ministre quelconque qu'on choisit en formant un cabinet, sans s'inquiéter s'il a les moindres notions sur ce qu'il aura à faire ; on le prend parce qu'il a telle opinion, parce qu'il parle bien, qu'il peut faire de beaux discours ; quant aux connaissances pratiques nécessaires pour une pareille besogne, que possèdent des gens très peu éloquents et qui ne sont pas, du reste, l'attribut de l'éloquence, on ne s'en occupe pas ; l'on comprend donc facilement pourquoi l'administration gouvernementale est au-dessous de celle des compagnies ; que font, en effet, les compagnies ? Elles ne prennent pas pour administrateur un homme parce qu'il est très bon orateur, très savant en droit, très savant en politique ; elle prend un personnage qui a l'habitude des affaires ; et il en résulte que les affaires de ces compagnies prospèrent, tandis que les nôtres ne prospèrent pas.

Je lisais récemment, dans un journal français, le rapport d'un directeur en chef du chemin de fer d'Orléans et de ses prolongations ; ce rapport est très satisfaisant, très différent de ce que nous entendons sur notre chemin de fer qui se résume en plaintes de toute nature, notamment d'insuffisance de matériel. Mon voisin vient d'insister pour qu'on l'augmente de mille waggons ; le ministre n'est pas de son avis ; qui a raison dans ce débat ? est-ce le ministre ou notre collègue ? S'il faut augmenter le matériel de mille waggons, il faut encore recourir à de nouveaux emprunts plus élevés. Une compagnie chargée de cette exploitation, n'ayant point d'autres soucis, emploierait mieux ses moyens ; et le gouvernement et nous serions débarrassés d'une immense difficulté.

L'Etat n'est pas seulement chargé d'administrer les transports et d'entretenir les voies de communication, il doit défendre le pays, l'administrer en grand, assurer son avenir.

En multipliant ses fonctions outre mesure, il arrive à ne pas remplir la mission spéciale qui lui est dévolue, et il ne fera face à toute la besogne dont il se charge qu'en accablant le pays d'impôts.

On avait cru d'abord que le gouvernement constitutionnel empêchait le gaspillage des finances ; on pensait que les chefs des gouvernements absolus faisaient des dépenses sans bornes, se construisaient des palais et des châteaux, épuisaient les ressources de l'Etat par des dépenses de luxe pour leur agrément personnel, que l'argent de l'Etat était en un mot plus mal employé que quand on faisait intervenir le contrôle des chambres ; eh bien, je suis forcé de le dire, depuis vingt ans que je siège ici, c'est le contraire que j'ai vu ; on dépense plus qu'un prince absolu n'oserait le faire.

Ainsi le gouvernement prussien, qui était sans contrôle avant 1848, avait alors une situation tellement florissante, qu'il a pu mettre toute son armée sur pied.

M. Orts. - Il n'avait pas de fusils pour sa landwehr !

M. de Mérode. - J'attendrai d'autres garanties que l'assertion de l'honorable membre pour croire que la Prusse n'avait pas, en 1848, le matériel nécessaire pour son armée.

M. Orts. - Demandez au premier officier prussien, il vous le dira.

M. de Mérode. - Je n'ai jamais entendu dire cela. Ce qui est certain, au surplus, c'est que le gouvernement de la Prusse avait plusieurs millions devant lui ; et s'il n'avait pas assez de fusils, il possédait en caisse de quoi en acheter. Nous, si nous devions faire des dépenses pour la défense du pays, nous aurions à solder des bons du trésor. Je demande ce que nous ferions avec ce fardeau sur le bras. Pour agir enfin selon la prudence qu'il faut apporter dans l'administration des finances, nous devrions renoncer à ces travaux outrés qui absorbent pour longtemps nos ressources. Qu'on finisse ceux qui sont commencés, qu'on entame successivement les plus utiles ensuite, mais qu'on se tienne dans les bornes du possible en ne se livrant pas sans prévoyance aux entreprises de toute espèce.

M. Rogier. - J'ai entendu avec regret les dernières phrases prononcées par l'un des fondateurs du gouvernement constitutionnel en Belgique, par une des illustrations du gouvernement parlementaire. Il vient de vous tracer un portrait assez peu flatté du gouvernement constitutionnelle et d'exalter les gouvernements absolus aux dépens au premier. De pareils regrets de la part d'un des doyens de la chambre belge, d'un des fondateurs du gouvernement parlementaire a droit de surprendre et d'affliger d'anciens amis ; heureusement que ces regrets ne sont sans doute qu'une simple boutade du moment, comme nous sommes exposés à en entendre quelquefois.

L'honorable membre présente le gouvernement parlementaire comme une source incessante de dépenses et une cause de ruine pour le pays. Je lui demanderai s'il a lu le rapport de M. le ministre des finances a rédigé, d'après ce que vient de nous dire le ministre, à un certain point de vue pour tenir la chambre en garde contre la pensée de nouvelles dépenses. Eh bien, que constate le ministre ? Depuis l'existence de ce régime parlementaire qui semble peser à l'honorable préopinant, il constate que depuis 22 ans, en regard de toutes les dépenses, de l'accroissement immense de tous les travaux publics, notre gouvernement parlementaire a fait subir une réduction annuelle de 6 millions à l'impôt.

C'est-à-dire, messieurs, qu'au mois de mars 1853, la Belgique se trouve encore dégrevée d'une somme annuelle de 6 millions d'impôts relativement à ses budgets d'avant 1830. Voilà ce qui est clairement établi par le rapport de M. le ministre des finances.

M. le ministre énumère, et il a eu raison de le faire, les lois et les arrêtés et notamment les arrêtés du gouvernement provisoire, qui ont réduit les impôts après 1830. Il place à côté de ces réductions successives le tableau des augmentations d'impôts, et tout compte fait, il arrive à la somme de plus de 6 millions d'impôts payés en moins par le pays depuis 1830.

Ajoutez à ce tableau la liste des immenses travaux publics qui ont été exécutés, des dépenses de toutes catégories qui on été faites, et dites si c'est avec raison qu'on vient ici jeter la pierre à notre régime, à notre excellent régime parlementaire.

On vient constamment opposer à l'administration de l'Etat l'administration des sociétés particulières ; on est à l'état d'extase vis-à-vis de l'administration des sociétés particulières, il paraît que les directeurs sont des hommes rares qui font de brillants rapports.

D'abord les directeurs des sociétés particulières ont un grand avantage, c'est que leurs rapports ne sont pas contredits, ne sont pas discutés, ne sont pas critiqués à chaque heure du jour ; ils n'ont pas à faire à un parlement ; ils sont un peu des directeurs absolus. Ils présentent des situations aux actionnaires ; ils se gardent bien de présenter de mauvaises situations ; ils présentent autant que possible des situations favorables et riantes. Je ne connais pas de directeur de société quelconque qui vienne annoncer aux actionnaires que la société fait de mauvaises affaires.

On dit (cette observation reviendra sans doute plus d'une fois encore) qu'un ministre est choisi non pas à raison de sa spécialité, mais à raison de son opinion, de son éloquence, de son caractère. Cela est vrai. Mais un ministre n'est pas appelé à diriger lui-même le mouvement quotidien des voyageurs et des marchandises. Il est ministre ; il a sous lui des directeurs. Je blâmerais un ministre qui se mêlerait de tous ces détails, comme je le blâmerais aussi s'il ne savait pas choisir ses agents. Mais tel grand directeur de chemin de fer concédé qu'on cite constamment comme modèle, croyez-vous qu'il perde son temps à diriger des waggons ? Il choisit des directeurs, il les fait marcher, il leur donne des ordres.

Ainsi, messieurs, la question n'est pas de savoir si un ministre est en état par lui-même de bien ou mal exploiter. La question est de savoir si le ministre sait choisir ses agents, les diriger et se faire obéir, et de la même manière que les sociétés particulières choisissent quelquefois de bons agents ; (et elles ne le font pas toutes ; il y a des sociétés très mal dirigées), pourquoi le gouvernement ne pourrait-il pas trouver de bons agents ?

Du reste, toutes ces questions reviendront, seront examinées, et quant (page 1002) à moi, je maintiens mon dire ; je dis qu'en présence des accusations dont l'administration belge a été l'objet, alors qu'elle a été accusée à plusieurs reprises, au sein des chambres, d'impéritie, d'incapacité, pour ne pas aller plus loin, il y aurait honte à abandonner, à remettre à des mains particulières la direction du chemin de fer.

Tous les gouvernements ne raisonnent pas comme l'honorable M. de Mérode, et ceux-qui partagent son opinion. Dans beaucoup de ces gouvernements absolus qu'on a cités tout à l'heure comme modèles, c'est l'Etat qui construit, qui dirige, qui exploite, et il le fait, avec cet avantage de moins que nous avons dans notre pays, sans discussion et sans contrôle. Là il ne rend pas compte. Ici au contraire, il doit rendre compte de ses moindres opérations, il est responsable de tout ce qui se fait de mal ou de ce qui ne se fait pas de bien. Et voilà un des avantages du gouvernement parlementaire.

Sans doute ce gouvernement a aussi quelques inconvénients ; ces discussions si souvent réitérées peuvent être peu agréables au ministre et au pays, mais enfin elles empêchent que de graves abus ne se commettent. Est-ce qu'il ne se commet pas des abus par centaines dans les sociétés particulières, des abus auxquels le gouvernement lui-même doit remédier, pour que le pays n'en supporte pas les conséquences fâcheuses ?

Ce qui s'est passé précédemment en est la preuve. Il y a des abus partout, dans toutes les administrations. Il y en a nécessairement dans les administrations desservies par l'Etat. Ce n'est pas un motif pour les attaquer exclusivement et opiniâtrement, et pour n'avoir que des éloges pour les sociétés particulières, dont nous ne connaissons pas, après tout, les affaires.

Il a fallu encore qu'à propos de ce crédit on récriminât contre l'ancienne administration. Je m'étonne vraiment de l'espèce d'aveuglement ou d’éblouissement qu’éprouve le préopinant quand il parle de l’ancienne administration. Ce serait l’ancien ministère qui serait responsable des travaux qui sont encore à exécuter, des travaux militaires et civils ! On s’en prend à l’ancien ministère. Mais précisément les membres de l’ancien ministère par lesquels ces dépenses se sont faites sont encore au ministère : c’est M. le ministre des travaux publics ; c’est M. le ministre de la guerre.

Je ne sais pas pourquoi l'honorable M. Osy récrimine ainsi contre un cabinet mort ; qu'il s'attaque donc aux ministres actuels, aux ministres présents et vivant sous ses yeux. Ce sont MM. les ministres de la guerre et des travaux publics qui sont les auteurs des dépenses que l'honorable M. Osy critique avec tant d'énergie. Je me hâte d'ajouter que, pour ce qui me concerne, je m'associe de tout cœur à ce qui a été fait tant pour les travaux publics que pour les dépenses militaires.

La situation financière est mauvaise, dit-on ; c'est la faute de l'ancien ministère. Des travaux nouveaux nous sont annoncés ; c'est la faute de l'ancien ministère ; c'est la conséquence du système de la loi de 1851. Il y a quinze jours l'honorable préopinant qui se montre si soucieux, si soigneux des intérêts du trésor, qui dit qu'à l'avenir on ne doit plus rien entreprendre à la charge du trésor public, qui ne veut plus qu'on émette de bons du trésor, est venu appuyer une dépense de 5 millions qui met à la charge de l'Etat une dépense annuelle de 200,000 francs, au profit, il est vrai, d'une société particulière.

M. Coomans. - Vous l'avez votée aussi.

M. Rogier. - Oui, mais je ne récrimine pas contre les dépenses. Au contraire, je m'associe aux dépenses qui ont été faites.

Je regrette d'avoir été interrompu par l'honorable M. Coomans, qui a voté aussi ces fonds, tout en se plaignant des dépenses de la loi de 1851.

M. Coomans. - Cela avait été promis.

M. Rogier. - Pour être sage et conséquent, quand on s'est prononcé contre les grands travaux publics, il faudrait donner soi-même le bon exemple. Si déjà il y a eu, dans la loi de 1851, exagération des dépenses de travaux publics, à cette première exagération il ne fallait pas en ajouter une autre.

M. Coomans. - Il faut être juste. A chacun sa part.

M. Rogier. - Pour être juste, il faudrait aller beaucoup plus loin, voter d'autres travaux non moins urgents, non moins utiles que ceux préconisés par MM. Osy et Coomans, et voter les fonds nécessaires pour les exécuter.

Je demande donc que l'honorable M. Osy ne me rende pas responsable des dépenses qu'il lui a plu d'allouer pour le chemin de fer de Turnhout.

Dans la situation du trésor présentée par M. le ministre des finances que l'honorable M. Osy trouve si complète, et que je trouve aussi parfaitement bien faite, je constate un fait important, c'est que le budget de 1851, en supposant toutes les dépenses proposées, même celles concernant le département de la guerre, admises par la chambre, il y aurait encore un excédant de 3,500,000 fr. Voiià ce que vient de répéter M. le ministre des finances, et qui est conforme à son exposé.

Est-ce là une situation si mauvaise ? Je ne veux pas revenir sur le passé ; je ne veux pas récriminer ; mais je dirai que la situation financière dont on a parlé ne se présentait pas sous un jour aussi favorable en 1847.

Les nouveaux impôts que vous avez votés n'ont-t-ils servi à rien ? N'ont-t-ils pas servi à couvrir le déficit annuel constaté au chiffre de 2 millions, à atténuer le découvert et à pourvoir aux dépenses de travaux publics ?

Le gouvernement n'a-t-il pas résisté constamment à l'entraînement des dépenses de travaux publics en déclarant qu'il ne proposerait aucune dépense avant que les fonds ne fussent faits ? Ce n'est que pour des travaux urgents et dont l'utilité était parfaitement constatée, que nous avons consenti à présenter la loi de 1851. C'est une justice aux moins que l'on devrait bien nous rendre.

A-t-on exagéré les travaux publics dans la loi de 1851 ? La preuve qu'on ne les a pas exagérés, c'est qu'à l'heure qu'il est on trouve qu'il serait convenable et juste d'en exécuter encore pour 45 millions.

Nous n'avions donc pas compris dans la loi des travaux publics tous les travaux qui ont été reconnus utiles, et ayant un certain degré d'urgence.

Je voudrais, lorsqu'on récrimine contre la loi de décembre 1851, qu'on nous dît quels travaux il aurait fallu supprimer ou ajourner. Qu'on se rappelle donc quelle était la situation à cette époque : il y avait une masse de travaux entrepris, qui depuis des années ne s'achevaient pas.

Il n'y avait qu'un cri dans le pays contre les sociétés particulières qui n'exécutaient pas leurs engagements, qui, après avoir jeté partout des ruines, se trouvaient dans l'impossibilité de rien achever de ce qu'elles avaient commencé. Il y avait un cri unanime sur la nécessité d'achever les travaux commencés, c'est à cela qu'on a pourvu. On a beaucoup récriminé, et encore dans cette circonstance, contre la dérivation de la Meuse. Parce qu'il y a en Belgique une ville qui s'appelle Liège, qui est florissante par son industrie, qui a rendu d'immenses services au pays, qui s'est toujours trouvée à la tête du pays par son patriotisme et par son libéralisme, il faudra repousser les projets de travaux d'utilité publique lorsqu'ils auront le malheur de traverser cette cité.

Partout on a fait des canaux, et parce que Liège a un canal, il faut qu'on lui reproche constamment d'avoir ruiné le pays. Eh bien, supprimez un instant par la pensée les 6 millions qui doit coûter à l'Etat la dérivation de la Meuse, dégrevez la situation de ces 6 millions, est-ce qu'elle va devenir pour vous qui la faites si sombre, prospère et florissante ?

Messieurs, qu'on lise attentivement le rapport de M. le ministre des finances ; qu'on en efface les ombres qu'il y a ajoutées à dessein, il vous a dit dans quel but, et l'on verra qu'il n'y a nullement de quoi se désespérer.

Si la situation financière ne se présente pas sous un jour aussi favorable qu'on le voudrait, il faut faire la part des dépenses militaires.

L'honorable M. Osy a rendu l'ancien cabinet responsable de ces dépenses, je l'en remercie pour ma part ; je me félicite, je m'honore d'avoir concouru à faire ces dépenses. Je me félicite et je m'honore d'avoir concouru à faire obtenir des chambres les lois qui ont mis le gouvernement à même de faire de pareilles dépenses. Mais, messieurs, il y aurait injustice, et je fais à cet égard un appel à la bonne foi de la chambre, il y aurait injustice à rendre le gouvernement responsable de dépenses de cette nature : est-ce que le gouvernement est maître des événements ? Est-ce que les événements qui ont surgi autour de nous n'ont pas rendu nécessaires certaines mesures qu'il était d'abord impossible de prévoir ? Si, meseieurs, ces dépenses tout à fait imprévues ont dû se faire tout à coup, à qui la faute ? Si elles ont dû s'effectuer en très peu de temps, même en dehors des crédits législatifs, est-ce que les chambres n'ont pas apprécié leur opportunité ? Est-ce qu'une seule voix s'est élevée dans cette enceinte pour engager le gouvernement à ne pas les faire ? (Interruption.)

L'honorable M. de Mérode se trompe, on ne s'est pas opposé aux dépenses militaires.

M. de Mérode. - Celles-là étaient indispensables.

M. Rogier. - Mais on vient aussi nous les reprocher. (Interruption.) L'honorable M. Osy nous les a reprochées, et vous avez rendu hommage à toute la sagesse de son discours ; vous êtes donc compris dans ma réponse.

Eh bien, messieurs, si ces dépenses tout à fait extraordinaires, tout à fait imprévues sont venues affecter la situation financière, je dis qu'il y a souveraine injustice à en rendre l'ancien ministère responsable. L'ancien ministère a fait son devoir, il n'est pas responsable de dépenses que les circonstances extérieures, que la force des choses lui a imposées, et vous seriez en droit de nous blâmer si alors nous avions pas fait les dépenses que vous nous reprochez aujourd'hui.

S'il en avait été ainsi, vous viendriez peut-être aujourd'hui lui reprocher son incurie, sa négligence, son imprévoyance, et parce que le ministère a fait ce qu'il devait faire et l'a fait de l'assentiment des chambres et de l'assentiment du pays, vous voudriez encore le critiquer, vous voudriez que sa gestion fût livrée à l'animadversion publique !

Voilà, messieurs, de quelle manière certaines personnes reconnaissent les services rendus. On est tellement passionné même que c'est par-dessus la tête des (page 1003) ministres actuels que l'on passe pour venir trouver des ministres qui ne sont plus. Je rappelle à l'honorable M. Osy qu'à l'avenir, quand il aura des reproches à faire à l'ancien cabinet pour des faits qui appartiennent à des ministres actuels, il conviendra qu'il s'adresse à ceux de mes anciens collègues qui siègent encore au banc ministériel et qui sont certainement à même de se défendre.

Qu'il tâche donc, s'il se peut, d'oublier cet ancien ministère qui lui donne le cauchemar. Pour nos actes personnels, nous sommes toujours à même de les défendre, mais pour ceux qui concernent spécialement cenx de nos honorables collègues qui sont encore ministres, je prie l'honorable M. Osy de vouloir bien s'adresser particulièrement à eux.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.