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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17 novembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 29) M. Dumon procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Un échevin, des membres du conseil communal et d'autres habitants d'Izel demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des habitants de Villers-devant-Orval demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

- Même renvoi.


M. le président. - Messieurs, M. le greffier m'a annoncé que les annexes du projet de loi relatif aux denrées alimentaires seraient distribuées ce soir.

Je réunirai, après la séance, les présidents des sections pour fixer le jour où l'examen de ce projet de loi aura lieu en sections. Il importe qu'il n'y ait pas de retard dans l'examen de ce projet.

Motion d’ordre

Chemin de fer concédé de la Flandre occidentale

M. Rodenbach. - Je prierai M. le ministre des travaux publics de bien vouloir nous dire s'il est vrai qu'il aurait accordé une concession ou plutôt s'il a traité avec la nouvelle société de Pariente et Cie pour la construction d'un chemin de fer de Deynze à Thielt, Thielt à Roulers et Roulers à Furnes ; bref, si M. le ministre aurait également consenti à ce que la société concessionnaire de la Flandre occidentale cédât l’embranchement de Deynze à Thielt et Roulers à la nouvelle société que je viens de nommer.

Il me serait agréable d'apprendre par le ministre si tous ces bruits ont quelque fondement et si le nouveau traité ne peut nuire à la prompte exécution du chemin de fer de Deynze à Thielt et à Roulers.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la loi de 1851 sur les travaux publics autorise le gouvernement à garantir sur un capital de cinq millions 4 p. c., pour l'exécution de la ligne qui partirait d'un point à déterminer de celle qui existe de Bruges à Courtrai, et se dirigerait vers Furnes par Dixmude.

La compagnie de la Flandre occidentale avait été exonérée, par la convention intervenue entre le gouvernement et elle, et ratifiée par la chambre, de l'obligation de faire la ligne de Dixmude à Furnes, s'embranchant sur un point quelconque de la ligne de Bruges à Courtrai.

Une compagnie nouvelle s'est présentée, qui s'est offerte moyennant le bénéfice stipulé dans la loi de 1851, à exécuter la ligne de Lichtervelde vers Furnes par Dixmude. Il n'existe à cet égard qu'une convention provisoire entre la compagnie et le gouvernement.

La compagnie, pour devenir définitive, devra faire le versement d'une partie du capital nécessaire à l'exécution de la ligne.

Il est vrai que cette compagnie s'est également réservé la faculté de reprendre la ligne de Deynze sur Thielt. Mais il a été formellement stipulé dans la convention provisoire intervenue entre le gouvernement et la nouvelle compagnie à laquelle l'honorable M. Rodenbach fait allusion, que rien n'était modifié quant aux obligations de la compagnie avec laquelle le gouvernement a stipulé définitivement. Je veux parler de la compagnie de la Flandre occidentale, qui demeure toujours comme par le passé la principale obligée envers le gouvernement ; de manière que l'administration, si la convention provisoire devenait définitive, au lieu d'avoir un obligé, en aurait deux.

M. Rodenbach. - Je suis très satisfait de la réponse de M. le ministre des travaux publics. Il nous dit que la compagnie de la Flandre occidentale reste responsable et que le chemin de fer devra être exécuté dans le temps fixé ; de sorte que si la nouvelle convention est ratifiée par le gouvernement, il y aura double responsabilité, la nouvelle compagnie partageant cette responsabilité avec la compagnie ancienne.

Je remercie donc M. le ministre de la réponse qu'il a bien voulu me faire, et si la convention provisoire peut être ratifiée, je l'en félicite.

Publication du tarif des douanes

M. David. - Je voudrais adresser une demande à M. le ministre des finances.

Le discours du trône nous prévient que nous aurons sous peu à nous occuper de réformes douanières. Pour nous en occuper utilement, M. le ministre des finances aurait, je crois, à faire imprimer un travail peu coûteux.

Vous savez que nos lois douanières sont éparpillées dans une quantité de lois de modifications, de dérogations, de prorogations, d'abrogations, etc., etc., qui ont été décrétées depuis 1815 ; il est très diflicile de se retrouver dans ce dédale de lois.

Un travail d'ensemble me paraît indispensable pour que nous puissions bien juger du système douanier qui nous régit en Belgique et pour que nous puissions utilement proposer des amendements au projet que le gouvernement nous soumettra.

Ce travail serait utile non seulement aux membres des deux chambres mais encore à l'administration des douanes elle-même. Car on n'applique pas le tarif des douanes sur toutes nos frontières de la même manière ; et si l'on en doute, je puis citer un fait qui s'est passé à Verviers sous mes yeux.

Sur les frontières de France et d'Allemagne on admet la laine artificielle comme matière première sans droits d'entrée. Mais lorsque les laines artificielles arrivent par mer, à Anvers, par exemple, si ces laines ont la moindre apparence de teinture, la douane prétend que c'est de la laine teinte, qu'elle a déjà subi une manipulation à l'étranger, elle accuse les négociants de faire de fausses déclarations et elle retient les laines.

Il s'agit, dans le fait dont je vous entreliens, d'une partie de laine artificielle provenant de vieilles camisoles écarlates réduites en laine artificielle et qui ont déteint à la suite d'un long usage. La douane prétend que ce sont des laines teintes et ne veut pas les laisser entrer indemnes de droits.

Vous voyez, messieurs, qu'il est indispensable que sous un petit format on ait le tarif des douanes. J'ai ici en portefeuille, le voilà, le tarif des douanes d'Angleterre ; vous voyez que ce n'est pas lourd. Il me paraît qu'on pourrait faire imprimer en Belgique un tarif de cette espèce, que chacun pourrait avoir en poche et consulter facilement.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'attends que la dernière main ait été mise au tarif des douanes pour en faire faire la réimpression.

Je suis le premier à reconnaître, déjà je l'ai dit l'année dernière, que le tarif est aujourd'hui devenu un dédale. Mais qu'on ne s'imagine pas que c'est un mince travail que la réimpression ; il s'agit au contraire d'un très gros volume.

Si l'honorable membre veut se contenter d'une liste contenant le numéro et la date des lois et arrêtés qui régissent la matière, c'est l'affaire d'une page ou deux. Mais s'il entend que je fasse imprimer une nouvelle édition du tarif avec toutes les lois et arrêtés, c'est un volume in-4° qu'on demande, et avant d'imposer ce travail au département, je désire que la dernière main ait été mise à la révision du tarif.

M. David. - Je ne demande pas que l'on indique à chaque article du tarif toutes les lois et arrêtés qui y ont apporté des modifications, qui ont abaissé, élevé ou modifié certains droits.

Je demande seulement que, pour citer un exemple, s'il s'agit de café, il soit mis dans une colonne : « café, » et que dans une autre colonne on indique le montant du droit ; la même chose pour le riz et ainsi de suite pour toute la longue nomenclature des autres articles du tarif des douanes.

Projets de loi de naturalisation

Les neuf premiers projets ont pour objet d'accorder la naturalisa tion ordinaire aux sieurs :

Thadée Terlecki, commis de 2ème classe à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né Uniz (Pologne) le 26 octobre 1802.

Edouard Carimantrand, teneur de livres, né à Raveau (France), le 12 novembre 1828.

George-Christophe-Guillaume Mohl, professeur à l'athénée de Bruxelles, né à Wetter (Hesse-Electorale), le 13 décembre 1817.

William Staley, mécanicien à Molenbeek-Saint-Jean, né à Winster (Angleterre), le 19 janvier 1801 ;

François-Henri Berringer, agent de police à Bruxelles né à Luxembourg, le 14 janvier 1818 ;

Jacques-Pierre-Arnould Franck, maréchal des logis au régiment des guides, né à Eysden (Pays-Bas), le 22 février 1828.

Armand-Alphonse Clebsattel de Cernay, propriétaire à Fraineux, né à Metz (France), le 12 octobre 1812.

Jean-Pierre Deis, préposé des douanes à La Planck, né à Grevenmacher (grand-duché de Luxembourg), le 7 décembre 1810.

(page 30) Josse-Constant d’Halluin, sergent-major au régiment des grenadiers, né à Roubaix (France), le 22 décembre 1816.

- Ces projets de loi sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.


Le dixième projet a pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire au sieur Pierre-Jean Deridder, tambour, détaché à l'école militaire, né à Dunkerque (France), le 30 janvier 1813.

M. Van Overloop. - Les journaux ont annoncé que le sieur Deridder est mort ; comme il ne conviendrait pas que la chambre accordât la naturalisation à un mort, je demande l'ajournement jusqu'à ce qu'il ait été pris des renseignements.

M. de Mérode. - Il me semble que nous pouvons passer outre ; si le sieur Deridder est mort, sa naturalisation sera non-advenue. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que nous passions au vote.

- L'ajournement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le projet de loi est ensuite mis aux voix et adopté.


Les huit autres projets ont pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire aux sieurs :

Charles-Louis-Joseph Feys, caporal au 8ème régiment de ligne, né à Ypres, le 6 mars 1820.

Jules-Nicolas Pasquini, sous-commissaire de la marine de l'Etat à Anvers, né à Ala (Tyrol), le 22 mai 1803.

Louis-Henri Delgeur, professeur à l'école de commerce et d'industrie de Saint-Louis à Malines, né à Rotterdam (Pays-Bas), le 31 mai 1819.

Nicolas Hoschet, clerc de notaire à Florcnville, né à Everlangc (grand-duché de Luxembourg), le 16 avril 1825.

Théodore Paterson, propriétaire à Bruges, né à Londres, le 15 avril 1823.

François de Klerck, soldat au 2ème régiment d'artillerie, né à Bruxelles, le 31 juillet 1791.

Antoine-Henri-GuilIaume Berringer, sous-officier au régiment des grenadiers, né à La Rochelle (grand-duché de Luxembourg), le 14 janvier 1824.

Richard Stauthaemer, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Wetteren, le 21 mars 1815.

Ils sont successivement mis aux voix et adoptés.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble de ces divers projets de loi.

59 membres sont présents.

57 répondent oui.

1 membre (M. Jacques) répond non.

1 membre (M. Dumortier) s'abstient.

En conséquence, ces projets de loi sont adoptés. Ils seront transmis au sénat :

Ont répondu oui : MM. Moreau, Osy, Pierre, Rodenbach, Ch. Rousselle, Sinave, Thierry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vaudenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Veydt, Ansiau, Boulez, Clep, Coomans, Dautrebande, David, de Bronckaert, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, Dequesne, de Ruddere te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Faignart, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Matthieu et Delfosse.

M. le président. - M. Dumortier qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Dumortier. - Messieurs, je me suis abstenu parce que je n'ai pas l'habitude de voter les naturalisations de cette manière ; il est bien rare que je les vote ; quand je le fais, ce n'est que par exception ; en second lieu, j ai été étonné de voir que dans la liste des personnes auxquelles on nous propose d'accorder la naturalisation, il s'en trouve quatre qui ont déjà des emplois publics, au mépris de la Constitution qui dit formellement que les Belges seuls sont aptes à remplir des fonctions publiques.

Au lieu de n'accorder des emplois à des étrangers que quand ils sont naturalisés, on commence par violer la Constitution en accordant des emplois à des étrangers non naturalisés et on vient ensuite faire voter par la chambre la ratification de la violation de la Constitution.

Je suis d'avis surtout que la Belgique doit nourrir ses enfants avant les étrangers. Il m'a donc été impossible de donner mon vote au projet de loi.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Messieurs, il est probable que nous aurons à la fin de cette séance épuisé les objets à l'ordre du jour. Nous aurons prochainement un rapport sur le Code forestier, amendé par le sénat. J'espère qu'il sera terminé demain et pourra être distribué lundi. La chambre pourrait autoriser le bureau à faire imprimer et distribuer les rapports qui pourront être prêts. (Adhésion.)

Il reste à fixer le jour de la prochaine séance. Il est entendu que si nous sommes un jour ou deux sans séance publique, on restera à Bruxelles pour travailler en sections.

- La chambre fixe la prochaine séance à mardi à 2 heures.

M. le président. - J'ai dit tantôt que les pièces à l'appui du projet de loi relatif aux denrées alimentaires seraient distribuées ce soir. Les amendements au projet de loi sur les brevets d'invention seront aussi distribués sous peu.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Le conseil communal de Hannut, par sa requête en date du 26 mai 1853, prie la chambre d'accorder à la Société Stephens la concession d'un chemin de fer de Huy à Landen par Hannut. »

Parmi les nombreuses considérations qu'ils font valoir à l'appui de leur demande, il en est une surtout qui milite en faveur de ce projet, c'est que les pétitionnaires ne demandent aucun minimum d'intérêt.

Par ces considérations votre commission a l'honneur devons proposer le renvoi de cette demande, ainsi que de cellc du conseil communal d'Avin qui vous est faite dans le même but, à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Messieurs, par lettre datée de Liège, les 31 mai et 4 juin 1853, le sieur Wester, commis des accises, à Liège, présente des considérations sur les opérations du lissage dans l'industrie linière. »

Cet écrit, qui n'est pas une pétition, car l'auteur ne demande rien, ressemble plutôt à une longue dissertation ou copie tronquée de l'ouvrage de M. J. Kindt, sur la fabrication des fils et toiles de lin. Il prétend que la navette volante perfectionnée n'y convient pas, que la production des tissus de colon est exagérée, qu'il faudrait arrêter cet essor, qu'il faudrait réserver la consommation du marché intérieur pour les produits du sol, de préférence au coton et même à la soie et termine enfin sans prendre aucune conclusion.

Votre commission a cru que des réflexions de cette nature ne méritaient pas un examen sérieux et n'étaient pas dignes d'occuper les moments précieux de la chambre, et par ces motifs elle a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Messieurs, par pétition, datée de Bruxelles, le 31 mai 1853, des habitants notables de la capitale au nombre de plus de 150, tous négociants, fabricants ou industriels, prient la chambre de ne point se prononcer sur la question de réunion des faubourgs à la ville avant qu'une loi ait supprimé les octrois et établi un nouveau mode de perception de l'impôt. »

Les pétitionnaires ont l'honneur de vous exposer que la plupart d'entre eux ont établi à grands frais des magasins dans les faubourgs pour leurs affaires dans les provinces, afin d'éviter les difficultés et les entraves de l'octroi. Par l'incorporation des faubourgs en maintenant le système actuel, leurs intérêts commerciaux se trouveraient gravement compromis ; que, cette incorporation paralyserait complètement le commerce extérieur des articles frappés par l'octroi et dont les droits ne sont pas restitués à la réexportation ; que ce serait surtout la partie de la commune de Molenbeek qui serait frappée. En terminant ils disent qu'il ne serait ni juste ni équitable qu'une partie des habitants seraient spécialement frappés par les entraves et les embarras qu'amène le recouvrement de l'impôt. Votre commission, appréciant l'importance des observations qui précèdent a l'honneur de vous proposer le dépôt sur le bureau pendant la discussion prochaine du projet d'incorporation des faubourgs.

M. Coomans. - L'honorable rapporteur modifie sa proposition. D'après le bulletin qui nous a été distribué, il proposait le dépôt de la pétition au bureau des renseignements. Maintenant il en propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi dont nous serons probablement saisis. Je crois qu'il serait préférable de renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur. Dans tous les cas, la pétition, tant par son objet que par les signatures qui la couvrent, méritait mieux que le dépôt au bureau des renseignements.

M. Rousselle. - Je voulais faire la même observation. Nous ne pouvons préjuger que le gouvernement présentera un projet de loi sur lequel il y aura à délibérer. Le renvoi au ministre de l'intérieur peut donc seul être prononcé.

- Ce renvoi est prononcé.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Bruxelles, le 19 avril 1853, le sieur Labarre, rédacteur en chef du journal « la Nation », se plaint de ce que la vente de ce journal a été interdite dans les stations du chemin de fer de l'Etat.

Le pétitionnaire allègue que ce n'est pas seulement ce journal qui est lésé, mais la Constitution elle-même dans son esprit, dans ses principes les plus solennellement proclamés, et il désigne spécialement les articles 6, 9, 14 et 18 qui ont été violés ; il ajoute que cette interdiction n'a pas été motivée, contrairement à l’article 97 concernant le pouvoir judiciaire.

Par ces motifs, messieurs, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de celle pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Osy. - Je viens m'opposer à ces conclusions. Je demande l'ordre du jour. En voici le motif. Je suis grand ami de la liberté de la presse, et je serais très contraire, en ce qui concerne les affaires du pays, à ce qu'on touchât à la liberté de la presse. Mais j'aime la liberté de la presse seulement pour nous, et non pour les journaux qui, tous les jours, injurient l'étranger.

Sous ce rapport, je trouve que le gouvernement fait bien de tenir la main à ce que ces journaux ne soient pas vendus dans les stations ; car les voyageurs les achètent et les importent frauduleusement dans les pays (page 31) où ils sont prohibés. Laissons l'étranger tranquille. Occupons-nous de nos affaires ; que les journaux attaquent les actes du gouvernement, nos paroles, nos votes, je n'ai rien à y redire; chacun peut se défendre. Mais il n'est pas permis aux journaux d'insulter l'étranger. Sous ce rapport, je trouve que le gouvernement fait très bien d'interdire la vente de ces journaux dans les stations.

Je demande l'ordre du jour sur la pétition.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je dois m'y opposer, parce que le renvoi au minisire ne préjuge rien. Nous devons l'ordonner puisqu'on prétend qu'il y a une violation de la Constitution. Hier vous avez renvoyé une pétition à un ministre parce que, disait-on, il s'agissait de l'intérêt général de l'agriculture.

Quand il s'agit de la Constitution, nous ne pouvons nous refuser à ordonner ce renvoi, sans qu'on puisse en inférer que la mesure a été prise mal à propos, mais afin qu'on examine si réellement il y a eu violation de la Constitution.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Interprétée comme elle vient de l'être, la proposition de renvoi de la pétition à l'un des ministres ne me semble présenter aucun inconvénient. Nous acceptons ce renvoi. Cependant, en l'acceptant, je dois donner quelques mots d'explicalion à la chambre.

J'ai été appelé dans la commission que vous avez chargée de rériger l'adresse en réponse au discours du trône. Dans le sein de cette commission, on m'a interpellé sur le point de savoir s'il élait vrai que des plaintes eussent été formulées par divers gouvernements étrangers contre certains organes de la presse belge.

J'ai fourni à la commission tous les renseignements qu'elle a désiré avoir, et je déclare que, quand le moment en sera venu, ou que l'occasion m'en sera fournie, je répéterai ces renseignements devant la chambre réunie. Mais on comprend que ce n'est pas à l'occasion d'un journal spécial que je puis entrer dans de pareilles explications. La question est en quelque sorte personnelle, et pour qu'elle puisse être bien traitée, il faut qu'elle le soit sous un aspect général.

Pour le moment, je dois seulement déclarer à la chambre qu'il est impossible que le gouvernement pose, sans inconvénients, un acte qui témoigne d'une sympathie quelconque pour une certaine fraction de la presse.

Il est bien certain que la police des stations appartient au département des travaux publics; cela n'est pas contestable ; les mesures qu'il prend pour exercer cette police, il les prend sous sa responsabilité ; seulement il en doit compte à la chambre. Quand la chambre demandera compte au ministre des mesures qu'il a prises, il le lui rendra sans hésiter, et sans éprouver le moindre embarras.

Pour le moment, le renvoi au département des travaux publics est accepté : on examinera les arguments fournis par l'auteur de la pétition, et qu'il a puisés dans je ne sais quel article de la Constitution. Mais si la disposition prise par M. le ministre des travaux publics est reconnue, comme nous en sommes convaincus, ne violer ni la Constitution, ni aucune loi, elle sera maintenue.

M. David. - Je n'approuve pas tout ce qu'écrit le journal « la Nation ». Mais comme la Constitution dit que tous les Belges sont égaux devant la loi, je voudrais, si l'on empêche la vente de ce journal dans les stations du chemin de fer parce qu’il public des articles hostiles à un gouvernement étranger, que l'on interdît aussi la vente de journaux qui contiennent des articles hostiles à la Belgique et cela à plus forte raison.

J'appuie le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois qu'on sera d'accord sur un point, c'est que ce n'est pas un droit pour les directeurs de journaux de vendre ou de faire vendre dans les stations des exemplaires de leurs journaux. Ce n'est pas plus un droit pour eux que ce n'en est un pour les libraire d'étaler ou de vendre dans les stations les diverses brochures qu'ils publient. Il ne peut donc s'agir ici de la violation d'un droit. C'est au contraire un droit pour l'administration qui a la police des stations de tolérer la vente de certains journaux, d'interdire la vente de certains autres. Ces mesures, elle les prend sous sa responsabilité. Quant à l'usage qui a été fait par l'administration de ce droit incontestable, je m'en rapporte entièrement et avec une complète confiance à la sagesse et au jugement de la chambre.

Je finis en déclarant avec mon honorable collègue M. le ministre des affaires étrangères que si le renvoi qui est proposé devait avoir pour signification une invitation quelconque à l'administration de retirer les ordres qui ont été donnés, je ne l'accepterais pas.

M. de Mérode. - Messieurs, je regrette que l'on soit obligé de recourir à d'aussi faibles moyens pour empêcher les injures qui se débitent soit contre des étrangers, soit contre des nationaux. Je me suis déjà expliqué l'année dernière à propos de l'extrême licence et je dirai de la tyrannie d'une certaine presse existant en Belgique.

La Constitution a établi la liberté de la presse, sauf la répression des abus qui peuvent en résulter ; mais aucune loi n'a été faite encore pour réprimer ces abus. Dernièrement un de nos collègues a été accusé dans un journal de vouloir affamer le pays, de vouloir affamer le peuple, et il a été obligé d'adresser une réclamation au journal qui lui faisait dire sciemment et méchamment tout le contraire de ce qu'il avait dit. Je trouve ces actes, bien qu'ils s'exercent contre des nationaux, tout aussi coupables que les injures que l'on débite contre les puissances étrangères.

Je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre des travaux publics empêche la vente de certains journaux dans les stations ; mais je voudrais que l'on eût enfin recours à des moyens plus efficaces que celui-là pour que la presse en Belgique ne reste pas à l'état sauvage.

M. David. - On interdit la vente du journal dont il est question, parce qu'il contient de temps à autre des articles hostiles à un grand pays. Mais il est d'autres journaux qui attaquent tous les jours de la manière la plus violente des pays de la même importance ou plus faibles que nous, et notamment la Hollande et le Grand-Duché de Bade. Il me paraît que l'on ne doit pas avoir deux poids et deux mesures.

M. Osy. - Je ne veux pas être plus difficile que le gouvernement et je retire ma proposition. Mais il est bien entendu que je reste convaincu que M. le ministre des travaux publics a parfaitement bien fait en faisant défendre la vente de ce journal dans les stations et qu'il a le droit d'en agir ainsi. M. le ministre pourra examiner si la pétition signale, en effet, quelque inconstitutionnalité, ce que je ne crois pas.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 15 avril 1853, le sieur Oscar Hardy de Liège réclame l'intervention de la chambre pour que des poursuites soient dirigées contre ceux qui ont violé son domicile, el qui ont usé à son égard de menaces et de violences à main armée. »

Le pétitionnaire allègue que cinq sous-officiers du régiment des grenadiers qu'il désigne par leurs noms sont entrés le matin dans sa chambre, l'ont violemment arraché de son lit, et l'ont sommé de les suivre, disant qu'ils agissaient par ordre ; que l'arrivée du propriétaire de la maison qui a fait requérir la police, a mis fin à cette scène ; que le commissaire adjoint en a dressé procès-verbal qui esl resté sans suite et qu'enfin le plaignant a été depuis l'objet des poursuites et vexations de nombreux sous-officiers qui le recherchaient partout pour ce qu'ils appelaient « lui faire son affaire. »

Votre commission, en présence des faits graves, dénoncés par le pétitionnaire, a cru devoir vous proposer le renvoi de sa pétition à M. le ministre de la justice.

M. Van Overloop. - Messieurs, le sieur Oscar Hardy avait grossièrement insulté l'armée dans la personne de son chef. De là des altercations entre lui et des sous-officiers du régiment de grenadiers. L'autorité a été avertie de ces faits, et si mes renseignements sont exacts, comme je suis convaincu qu'ils le sont, elle a dans cette circonstance, comme toujours, parfaitement compris son devoir. Vous conviendrait-il, messieurs, en présence des attaques grossières que le sieur Oscar Hardy s'est permises, de faire à sa pétition l'honneur d'un renvoi à M. le ministre de la justice ? Quant à moi, je ne le pense pas. Je propose, eu conséquence, l'ordre du jour.

M. Vander Donckt, rapporteur. - D'abord, messieurs, les faits ne nous sont pas connus. En second lieu, il s'agit ici non seulement d'une violation de domicile, mais d'une violation flagrante de la Constitution. Nous ne devons, sans doute, pas ajouter foi à ce que dit le pétitionnaire ; mais, au moins, nous devons prendre une mesure propre à faire examiner cette affaire, et c'est dans ce but que votre commission a cru que le renvoi à M. le ministre de la justice était nécessaire. Le pétitionnaire dit que procès-verbal a été dressé par un officier de police dans son domicile, en présence du propriétaire de la maison, et qu'il n'a été donné aucune suite à ce procès-verbal. Or, il est bien de la compétence de M. le ministre de la justice de tenir la main à l'exécution des lois et surtout de veiller à la sécurité des citoyens.

Je le répète, je suis loin de vouloir affirmer ce que le pétitionnaire dit, mais en présence des faits graves qu'il vous dénonce vous ne pouvez repousser le renvoi de sa pétition à M. le ministre de la justice qui fera comme bon lui semblera.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je dirai de cette pétition, comme de la précédente, que du moment où M. le rapporteur déclare, comme il l'a fait, qu'il ne demande le renvoi à un ministre que pour que celui-ci fasse de la pétition tout ce que bon lui semblera, je n'ai aucune raison de m'opposer à un pareil renvoi. Tout ce que je puis déclarer, c'est que le gouvernement n'a nul motif de redouter l'examen le plus sévère, de la part de qui que ce soit, de la dénonciation dont on vient de donner lecture.

En présence des explications que vient de donner M. le rapporteur, le gouvernement ne s'oppose donc pas à M. le minisire de la justice que la chose ne concerne pas, mais à M. le ministre de la guerre, puisqu'il s'agit ici de personnes appartenant à l'armée.

M. Van Overloop. - Messieurs, je ne veux pas me montrer plus sévère que le gouvernement, par conséquent je déclare retirer ma demande d'ordre du jour ; bien entendu, en présence des explications qu'ont données M. le ministre et M. le rapporteur.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Yzeringen, le 15 avril 1853, les chefs de ménage de ce hameau demandent qu'il soit érigé en commune distincte de Lennick-Saint-Quentin dont il dépend. »

La population de ce hameau est de 1,200 âmes et celle du village de Lennick est de 1,500 âmes, c'est le chef-lieu de canton, de la justice de paix, du bureau de l'enregistrement, de la perception des impôts, d'une étude de notaire, d'un couvent, d'un pensionnat, école communale, (page 32) avantages dont les pétitionnaires se plaignent ainsi que de ce que tout tourne à l'avantage du village et au préjudice du hameau.

Déjà les pétitionnaires se sont adressés à cette fin à la chambre par requête en date du 7 avril 1847 et elle a été reçue par un avis défavorable.

Votre commission a crû que la règle générale devait être le statu quo et la séparation des communes l'exception, qui devait seulement avoir lieu pour des motifs péremptoires et fondés ; que, pour le cas présent, il y aurait peut-être lieu de proposer l'ordre du jour ; que néanmoins ne voulant pas préjuger la question elle a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. -« Par pétition datée de Liège, le 19 avril 1853, le sieur Tilmant, ancien receveur des contributions directes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension et le payement des arriérés de son traitement jusqu'au jour de sa révocation. »

Il résulte de sa requête que le sieur Tilmant a été traduit devant la cour d'assises où il fut acquitté; mais par arrêté royal du 27 juillet 1841 il a été révoqué de ses fonctions.

Votre commission, considérant que le sieur Tilmant s'est adressé par deux requêtes différentes en date du 17 mai et du 18 octobre 1852 à M. le ministre des finances, et que partant il devient superflu de vous proposer le renvoi de la pétition à ce haut fonctionnaire, a l'honneur de proposer à la chambre de passer à l'ordre du jour sur cette requête.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par requête datée de Bruxelles le 17 avril 1853, le sieur Philippe-Joseph Verhooge s'adresse à la chambre afin d'obtenir une gratification pour d'anciens services militaires. »

Votre commission, considérant que le pétitionnaire ne fait valoir d'autres motifs qu'un service militaire momentané et dont il ne détermine pas même la durée, a cru devoir vous proposer l'ordre du jour sur sa demande.

- Ces conclusions sont adoptées.


« Le sieur Joseph de Foy demande une loi 'qui permette aux cultivateurs n'ayant pas les moyens de se procurer un port d'armes de chasse de détruire le gibier qui ravage ses récoltes. »

Le pétitionnaire expose que le 25 septembre 1852 il a adressé à Sa Majesté une plainte qui a été transmise à M. le ministre de l'intérieur le 30 du même mois. Sans entrer dans d'autres détails, il renvoie au contenu de cette plainte et se dispense d'un récit qui, dit-il, vous serait trop long.

Cette pétition sous forme de lettres, sans être inconvenante, est néanmoins d'un style badin et peu respectueux, d'une plaisanterie amère et peu digne de la représentation nationale.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

M. Rodenbach. - Il paraît que cette pétition est conçue en termes inconvenants ; pour ce motif seul, j'adopterai l'ordre du jour proposé par la commission. Cependant je crois qu'au fond ce cultivateur a raison ; je regarde comme un abus qu'un propriétaire ne puisse tuer le gibier qui vient ravager son champ. Si je suis bien instruit, et des membres de la chambre m'ont assuré le fait, on ne plante plus de colzas dans l'arrondissement de Nivelles, parce que tout cela est détruit par les pigeons sauvages, en temps de neige.

Je pourrais citer une foule d'autres exemples. Ainsi dans les Flandres, notamment, le gibier fait beaucoup de ravages en temps de neige et le cultivateur ne peut pas conserver ses produits, lorsqu'il n'a pas de port d'armes. Il y a évidemment une lacune ou plutôt un vice dans la loi,et si ce n'était pas que la pétition est conçue en termes inconvenants, j'en demanderais certainement le renvoi à M. le ministre.

- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Bruxelles le 12 mai 1853, lesieur Vyvermans demande que le fils d'un notaire ne puisse succéder à l'étude de son père, ce qu'il qualifie de privilège exorbitant et qu'il vous demande d'abolir.

Votre commission ne partage pas l'opinion du pétitionnaire ; elle ne croit pas que ce qu'il appelle un privilège exorbitant en soit un ; en effet les fils de notaires ne succèdent pas, dans le notariat, à leur père par droit d'hérédité ; ils doivent s'en rendre dignes, il est exigé d'eux comme des autres candidats ou aspirants une même capacité, les mêmes études, les mêmes examens ; et ce n'est que dans ces conditions qu'ils ont droit à une préférence basée sur les principes de sentiments et d'affections de famille, une des premières et principales bases de la société et qui dans ces derniers temps ont peut-être été trop souvent méconnus.

Votre commission, messieurs, mue par ces considérations, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, le sieur Jean-Antoine Verbruggen demande que son fils Jean-Baptiste, qui n'a point tiré au sort pour la milice, puisse obtenir le certificat d'exemption qu'il doit produire à l'état civil à l'époque où il devait tirer au sort, il se trouvait à Paris. Aujourd'hui qu'il désirerait se marier, il demande à obtenir un certificat exigé pour l'accomplissement de cet acte.

Votre commission a cru qu'il n'était pas de la dignité de la chambre de s'occuper de ces détails administratifs et qu'elle ne serait pas disposée à favoriser l'infraction aux lois sur la milice en accordant des bills d'indemnité aux réfractaires ; elle a en conséquence l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, le sieur Chiny, ancien militaire, demande une gratificalion.

Le pétitionnaire n'a d'autres motifs à faire valoir que ses dix années de service et son état de misère. Considérant que la chambre ne dispose pas des fonds de l'Etat pour des allocations de cette nature, considérant que toutes ces demandes sont écrites de la même main et rédigées par le même individu, telles que les n°7855, 7856 et 7645, votre commission a cru devoir vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.