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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 6 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentans, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 149) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance du 3 décembre ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été présentées à la chambre.

« La veuve du sieur Balza, ancien militaire, demande une indemnité ou une gratification. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Snel, ancien brigadier au 4ème régiment d'artillerie, congédié pour infirmités contractées au service, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension. »

- Même disposition.


« Le sieur Mertens demande que le gouvernement établisse une loterie de plusieurs millions dont les bénéfices seraient répartis entre tous les indigents du pays. »

- Même disposition.


« Le sieur de Kessel, ancien officier, demande une pension. »

- Même disposition


« Des habitants d'Arsimont demandent que ce hameau de la commune d'Auvelais en soit séparé pour former une commune distincte. »

- Même disposition.


« Des fabricants de sulfate de soude prient la chambre de rejeter le projet de loi concernant une taxe sur le sel employé à la fabrication du sulfate de soude, ou bien de soumettre leurs magasins de crédit permanent au régime des entrepôts publics, ou de leur accorder une tolérance de 2 p. c. entre l'entrée du sel en magasin et la sortie. »

M. Moxhon. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

M. Lelièvre. - Je désire que la section centrale veuille bien faire un rapport spécial sur l'objet énoncé en la pétition qui mérite d'être examinée avec une sérieuse attention. Je demande donc le renvoi à la section centrale avec prière de rencontrer dans ses observations les considérations déduites en la pétition.

M. le président. - Il faut laisser la section centrale juge de la manière dont elle procédera.

M. Moreau. - La section centrale a terminé ses travaux ; le rapport sera déposé dans quelques jours. Si la chambre croit devoir lui renvoyer la pétition, elle se réunira de nouveau pour l'examiner.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.


« La députation permanente de la province d'Anvers communique les observations qu'elle a soumises à M. le ministre des travaux publics au sujet de son rapport concernant la reprise par l'Etat de divers canaux et cours d'eau. »

- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.


« Le sieur Toussaint prie la chambre d'adopter la proposition de loi relative à la suppression d'impositions communales. »

- Renvoi a la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le conseil communal de Leglise prie la chambre de rapporter la loi du 23 mars 1847 sur le défrichement des terrains incultes quant aux dispositions qui s'appliquent aux vaines pâtures de l'Ardenne luxembourgeoise. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Haegle propose d'établir sur les annonces dans les journaux une taxe de 2 ou 3 centimes dont le produit serait destiné à faire des approvisionnements de grains pour les années de disette. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 3 décembre, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur de Ruyck (Joseph), soldat au 4ème régiment de ligne. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le ministre des finances adresse à la chambre un rapport sur la liquidation des arrérages de rentes à charge de la France. »

- Impression et distribution aux membres de la Chambre.


Il est donné lecture de la lettre suivante :

« Bruxelles, le 2 décembre.

« M. le président,

« J'ai l'honneur de vous informer qu'à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du Roi, un Te Deum sera célébré, le vendredi, 16 de ce mois, à midi, en l'église des SS. Michel et Gudule.

« L'escorte d'usage sera mise à la disposition de la Chambre, si elle le désire.

« Il me serait agréable, M. le président, de connaître la décision qui sera prise à cet égard.

« Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

« Le ministre de l'intérieur,

« F. Piercot. »

- La Chambre décide qu'elle se rendra eu corps au Te Deum.

M. de Baillet-Latour. - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas ici en ce moment ; j'aurais voulu, à l'occasion de la communication qui vient d'être faite et de la décision qu'a prise la Chambre, de se rendre en corps au Te Deum le 15 du courant, appeler l'attention de M. le ministre sur le désordre qui règne chaque fois à la sortie de l'église, des corps constitués, lors de ces cérémonies.

Je le prie de vouloir bien prendre des mesures pour que cet état de choses cesse à l'avenir.

Il me semble qu'il serait possible d'y obvier en désignant une sortie particulière pour les corps constitués.

M. le président. - Comme ceci entre plus spécialement dans les attributions de la questure, je prie MM. les questeurs de s'entendre avec M. le ministre de l'intérieur.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Discussion des articles

Titre XII. Des peines et condamnations pour tous les bois et forêts en général

Article 166

M. le président. - La discussion continue sur l'article 166.

Le Sénat a rédigé cet article dans les termes suivants :

« Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, sera condamné à une amende de 2 francs.

« Si le contrevenant a serpe, cognée, haché, scié ou autre instrument de même nature, il sera condamné à une amende de 5 francs. »

La commission a proposé la disposition suivante :

« Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts avant le lever et après le coucher du soleil, hors des routes et chemins ordinaires, avec serpe, cognée, hache, scie ou autre instrument de même nature, sera condamné à une amende de cinq francs. »

M. Matthieu a proposé l'amendement suivant :

« Paragraphe premier. Quiconque, sans une permission du propriétaire ou sans une cause légitime, sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, sera condamné à une amende de 2 fr., s'il n'a pas obtempéré, à l'instant, à l'injonction de regagner lesdits chemins pour ne plus s'en écarter. »

« Paragraphe 2. (Comme au projet du Sénat.) »

M. Matthieu. - Messieurs, je tiens à constater avant tout que l'argumentation que j'ai fait valoir, dans la séance de samedi, contre l'article 166 reproduit par la commission est demeurée debout ; que l'honorable rapporteur n'a pas répondu aux deux points qui en font la principale base, c'est-à-dire :

1° Le principe de l'inviolabilité des droits de propriété en vertu desquels le propriétaire d'un bois peut interdire tout passage quelconque sur sa propriété, hors des routes et chemins ordinaires, avec autant de raison que le propriétaire d'un fonds cultivé et ensemencé le peut sur cette nature de fonds.

2° La parfaite similitude de ces deux natures de propriété vis-à-vis de la garantie de la loi.

L'honorable M. Orts a cherché quelque peu à éluder les conséquences de ce principe absolu, et, pour faire une part à d'autres qu'au propriétaire dans la jouissance d'un droit qui ne relève que de lui, a renouvelé l'assertion que la circulation libre dans toutes les parties d'un bois, sans suivre les voies tracées, n'est pas plus dommageable que le passage sur un fond non préparé à la culture.

Un autre orateur, l'honorable comte de Theux, tout en reconnaissant qu'il y a du vrai dans les deux opinions pense toutefois qu'en n'adoptant pas,l'amendement du sénat on conserve à chacun le droit de se pourvoir en justice contre les atteintes portées à son droit de propriété et que l'action civile demeure entière.

Mais n'oublions pas, messieurs, que pour réussir dans cette action civile il faut prouver et évaluer le tort causé. Or, dans le genre de faits qui concerne la destruction partielle des semis spontanés d'un bois, la matérialité du dommage est très difficile à constater et plus difficile encore à évaluer. Comment, en effet, prouver en justice que les germes écrasés sous les feuilles, que les brindilles provenues de semis qui ont été foulées, renversées ou broyées sous les pas, ont été détruites par tel ou tel passant ? Comment surtout évaluer un dommage qui n'a aucune valeur d'actualité et qui n'est saisissable que par la pensée d'une valeur (page 150) d'avenir ? Qu'arrivera-t-il de l'action civile en l'absence de la matérialité palpable du corps de délit ? Les tribunaux débouteront le propriétaire de son action, et celui-ci en sera pour les frais et pour un amoindrissement de ses droits par suite de l'impunité.

Au profit de qui désarmerions-nous la propriété forestière ? En faveur des promeneurs et d'autres catégories de personnes inoffensives pour le bois et au profit réel des mauvaises intentions, car les maraudeurs pourront, eux aussi, se prévaloir de la libre circulation que vous autoriserez dans une acception générale.

Mais, messieurs, pense-t-on sérieusement que les agents de la surveillance d'un bois ou d'une forêt seraient tentés de contrarier sans motifs les plaisirs ou les délassements de toute personne dont les intentions ne leur seraient pas suspectes, et en supposant même que par un excès de zèle ou pour toute autre cause étrangère aux nécessités d'une bonne surveillance, ils vinssent à dresser procès-verbal, quel est le propriétaire qui voudrait les poursuivre ? Quel est le tribunal qui condamnerait ? Car, en définitive, à lui seul appartient l'appréciation du fait.

L'honorable M. Orts vous a dit que l'amendement du Sénat porterait atteinte à des droits légitimes : aux usagers, aux bûcherons et aux charbonniers.

Quant aux usagers, je ferai remarquer à l'honorable rapporteur qu'ils sont dans une position tout exceptionnelle ; étant en quelque sorte considérés comme copropriétaires du bois, ils ont des droits à exercer dans les limites déterminées par la nature de leur usage, au-delà desquelles ils ne peuvent aller et en deçà desquelles ils ne peuvent être empêchés.

Pour les bûcherons et les charbonniers, ainsi que pour tous les adjudicataires et les ouvriers qui exploitent les produits de la coupe, ils usent des droits spécifiés dans le cahier des charges de la vente.

Il serait souverainement ridicule de vouloir les astreindre à suivre même les chemins réservés pour l'exploitation, lorsque par la nature même de leur travail ils sont appelés à recueillir, à façonner ou à faire transporter des produits disséminés sur toutes les parties de la coupe en exploitation ; il faut ajouter encore à cette catégorie et pour les mêmes motifs les voituriers avec voitures attelées.

Est-ce à dire que tout ce mouvement de l'exploitation ne cause aucun préjudice au bois ?

Au contraire il en occasionne de très notables aux semis naturels et même au balivage ; mais c'est une nécessité inhérente à la nature des moyens de réalisation des produits de la propriété forestière et qu'il serait par conséquent absurde de ne pas accepter dans toute son étendue. Aussi, pour réparer ces dégâts accidentels et pour remplir les vides opérés par la vente, doit-on, aussitôt que la coupe est vidée, faire des plantations plus ou moins considérables pour repeupler le taillis et la futaie au moyen de plants extraits par éclaircissements dans les produits spontanés de la forêt et dans les semis préparés de main d’homme pour cette destination.

C'est après ces repeuplements surtout que la circulation trop fréquente sur les jeunes coupes devient très préjudiciable, attendu que rien n'est plus nuisible aux plants récemment plantés et non encore suffisamment affermis dans la terre par leurs racines, que le foulement du sol et l’ébranlement des tiges.

L'honorable rapporteur vous a dit encore que l'amendement du Sénat pourrait atteindre jusqu à des fonctionnaires qui se cacheraient dans le bois pour l'exercice,d une surveillance, tels que des douaniers et des gardes champêtres ; il est évident qu'il ne pourrait jamais entrer dans l'idée d’un garde forestier de troubler ces fonctionnaires dans un service de cette nature et d autant moins qu'il doit savoir qu ils ont même le droit de le requérir, au besoin, pour leur prêter main forte ; au contraire, ils seront toujours les bienvenus dans l'intérêt même de la conservation du bois.

De toutes les catégories de personnes qui pourraient, dit-on, être atteintes par la disposition qu'on vous représente comme si rigoureuse, il ne resterait donc que celle des promeneurs inoffensifs ne cherchant que l’ombre, et la solitude ; je crois vous avoir suffisamment démontré que ceux-là non plus ne pourraient être exposés à se voir contrarier duus leurs paisibles jouissances, les préposés à la surveillance d'un bois ont d'autres préoccupations d'un ordre bien plus sérieux à poursuivre et il ne leur manque pas d occasions de faire preuve d'un zèle mieux entendu.

Ce que la propriété forestière a le droit de réclamer, c'est d'être armée pour éloigner des parties intérieures des bois tout individu qu’aucun intérêt n'y appelle et dont les intentions pourraient à bon droit être suspectées par les antécédents plus ou moins déplorables de sa moralité. Elle est en cela d'accord avec la morale publique et avec l'adage : Mieux vaut prévenir que de devoir punir.

Je ne répéterai pas ce quej ai dit à ce point de vue et qui n'a pas été contesté.

Il me paraît évident, messieurs, que si vous maintenez l'article 166 tel que vous l'aviez voté dans votre premier projet, cette disposition aurait pour effet de traduire en principe général la circulation ouverte indistinctement à tout venant la nuit comme le jour sur toutes les parties d'un bois, hors des routes et chemins ordinaires.

L'honorable M. Orts m'a fait remarquer que depuis près de 200 ans nous vivons sous ce même régime, mais je lui répondrai que l'ordonnance de 1669 commiuait des peines beaucoup plus sévères et l'emprisonnement immédiat même contre les usagers trouvés de nuit dans les bois.

En effet, l'article 34 du chapitre XXVII est ainsi conçu :

« Les usagers et autres personnes trouvées de nuit dans les forêts hors les routes et les grands chemins avec serpes, haches, scies ou cognées seront emprisonnés et condamnés pour la première fois en 6 livres d'amende, 20 livres pour la seconde fois, et pour la troisième bannis du bois. »

J'ajouterai que, depuis, toutes les lois répressives des délits et des crimes consacrent en principe que la perpétration du fait pendant la nuit sera réputée circonstance aggravante et le fait puni plus sévèrement.

L'article 146 du Code forestier français se rapproche beaucoup plus de l'amendement du sénat que de celui maintenu par la commission, en ce sens qu'il ne cumule pas la circonstance de nuit avec celle du port d'un instrument pouvant servir à commettre des délits ; cet article est ainsi conçu :

« Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, avec serpe, cognée, hache ou autre instrument de même nature, sera condamné à une amende de 10 francs, sans préjudice de la confiscation de l'instrument. »

Je n'hésite pas à le déclarer : si l'article 166 est maintenu, il portera la plus violente atteinte à la conservation de la propriété forestière en offrant en quelque sorte un appât au maraudage par une trop forte atténuation de la sévérité bien calculée de la législation précédente, à tel point que le propriétaire forestier, organisât-il une brigade de surveillance pour la nuit, ne pourrait parvenir à réprimer les délits nocturnes.

Messieurs, je crois qu'un point essentiel est reconnu et apprécié par toute la chambre, c'est qu'il y a mieux à faire que l’article 166 pour sauvegarder l’intérêt forestier sans nuire à aucune classe de la société, sinon aux malfaiteurs.

Tel est le motif de mon amendement dans lequel j'ai cherché à rencontrer les objections de l'honorable M. Orts.

Je ne me dissimule pas tout ce qu'il laisse à désirer sous le rapport de la précision des termes.

Dans l'intention d'obvier à ce vague de rédaction, je proposerai de modifier ainsi mon amendement.

Au lieu de : quiconque « sans une permission du propriétaire ou sans une cause légitime, » je dirais : quiconque, « sans un motif plausible, soit d'intérêt personnel, soit pour cause de service public, sera trouvé, etc. »

Du reste, je suis disposé à faire bon marché de ma rédaction et je suis prêt à me rallier à toute autre énonciation qui remplirait mieux ma pensée et mon but.

Je bornerai là mes observations.

M. le président. - M. Matthieu propose de modifier son amendement de la manière suivante :

« Quiconque, sans un motif plausible, soit dans un intérêt personnel, soit pour cause de service public, sera trouvé, etc., » (le reste comme dans l’amendement).

M. Lelièvre. - Je pense, messieurs, qu'il faut adopter l'avis de la commission, en ce qui concerne au moins la proposition de ne pas punir un individu pour le seul fait de s'être trouvé hors des chemins ordinaires.

D'après les principes de notre législation, jamais le simple fait de s'être trouve sur le terrain d'autrui sans permission n'a été considéré comme délit. C'est ainsi que l'article 475 n°10 du Code pénal punit seulement celui qui aurait fait passer des bestiaux, animaux de trait, de charge ou de monture dans un bois appartenant à autrui.

Ainsi l'individu qui passe seul dans un bois n'est passible d'aucune peine. C'est donc une dérogation qu'on veut introduire au Code pénal lui-même.

La loi de 1846 sur îa chasse ne réprime que le fait de s'être trouvé sur le terrain d'aulrui, porteur de bricoles.

En présence de cet esprit général de la législation convient-il d'énoncer une disposition contraire en ce qui concerne les bois ? Je ne le pense pas, et j'estime qu'il est préférable de laisser les forêts sous l'empire du droit commun eu n'accordant qu'une simple action du chef de violation de la propriété voisine.

Du reste on pourra examiner lors de la révision du Code pénal si l'on ne devra pas énoncer une disposition générale réprimant le fait posé par l'individu qui s'introduit dans la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire. Cette disposition générale s'appliquerait, le cas échéant, à toute propriété, même boisée.

Il me semble donc qu'il ne s'agit pas ici d'une question qui puisse concerner spécialement les bois, mais bien d'un point qui ltuche la propriété en général et qui dès lors ne doit être agité que lors de la révision du Code pénal.

Sans cela on s'expose à punir le seul fait d'avoir pénétré dans un bois sans le consentement du propriétaire, alors que celui qui s'introduirait dans une habitation sans ce consentement, ne serait passible d’aucune peine.

Le fait énoncé à l'amendement de M. Mathieu se rattachent à la violation du droit de propriété en général me semble devoir être l'objet des lois générales et non pas de la loi spéciale que nous discutons.

Ce sont les mêmes principes et les mêmes règles que nous avons suivis, lors de l’amendement de l'honorable M. Coomans, qui avait (page 151) proposé d'énoncer dans le Code forestier une disposition ayant pour objet de réprimer l'enlèvement des nids d'oiseaux. Nous avons combattu cet amendement, parce qu'il s'agissait là d'une violation du droit de propriété qui devait faire l'objet des lois générales et non d'une loi spéciale. Le même argument repousse l'amendement de l'honorable M. Matthieu.

Je ne voudrais en conséquence punir dans le Code forestier que l'individu qui est trouvé dans un bois, porteur d'instruments qui attestent l'intention de commettre un délit.

Je concevrais en conséquence que, contre l'avis de la commission, on punît celui qui, même pendant le jour, se trouve hors de routes et chemins ordinaires avec serpe, hache, etc., parce qu'alors, comme dans la loi de 1846 sur la chasse, l'on doit admettre jusqu'à preuve contraire, que l'individu dont il s'agit est en voie de commettre un délit et que même à cet égard il y a eu tentative quoique éloignée. Sous ce rapport, l'avis de la commission me semble avoir besoin de modifications, mais l'amendement de M. Matthieu ne me paraît pas pouvoir être accueilli, par les motifs que j'ai eu l'honneur de déduire.

M. Dumortier. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de la section centrale. Je regrette vivement de me trouver sur cette question en dissidence avec mon honorable collègue, et ami, M. Matthieu ; mais je trouve que la proposition qu'il vous a faite arrive à un tel arbitraire, que véritablement elle révolte mes sentiments.

Pourquoi donc Dieu a-t-il fait les forêts ? Mais il les a faites pour la jouissance de l'homme. Priver l'homme de cette jouissance, c'est contraire à toute espèce de principe.

Je ne traite pas cette question au point de vue de l'avocat, je la traite au poiut de vue de l'humanité.

Il me semble souverainement injuste de prétendre empêcher les citoyens des villes d'aller se promener dans les bois, d'y entendre chanter le rossignol, d'y jouir de tous les agréments de la nature. (Interruption.) Je déclare que telle est tout à fait la portée de l'amendement de mon honorable collègue et ami M. Matthieu : « Quiconque ira se promener dans les bois, sera passible d'une amende de 2 fr. (Nouvelle interruption.)

« Quiconque, porte l'amendement, sans une permission du propriétaire ou sans une cause légitime, sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, sera condamné à une amende de 2 fr., s'il n'a pas obtempéré, à l'instant, à l'injonction de regagner lcsdits chemins pour ne plus s'en écarter. »

Il s'agit donc bien d'empêcher les promenades dans les bois.

Mais, dit l'honorable M. de Mérode, vous pouvez vous promener dans les chemins des bois. Mais dans les bois, il y a encore autre chose que les chemins. Si mon honorable contradicteur veut empêcher qu'on ne se promène dans ses bois, qu'il y fasse mettre une muraille de clôture. Mais aussi longtemps qu'un bois sera ouvert à tout allant et à tout venant, il est impossible d'empêcher le public de s'y promener.

Quel tort ces promenades peuvent-elles faire à un bois ?... J'entends l'honorable M. Matthieu dire : Vous allez détruire les semis des bois. Mais qui est-ce qui ignore que les arbres en pleine croissance donnent chaque année cent mille graines et que pas une seule peut-être n'arrivera à la maturité ? Presque toutes sont étouffées par la végétation elle-même.

Ce n'est pas tout : Ce que je vois dans cette disposition, c'est une extension de droit qu'on demande en faveur des propriétaires de bois et qu'ils ne demandent pas. J’en trouve la preuve dans le discours de l'honorable M. Matthieu. L'honorable membre vous a lu l'article de l'ordonnance de 1669 qui règle encore aujourd'hui les droits du propriétaire des bois. Cet article dit précisément ce que propose la section centrale, de telle façon que la section centrale n'a fait autre chose que d'inscrire dans la loi actuelle ce qui est en vigueur aujourd'hui.

Maintenant il est évident que quand on demande d'empêcher les citoyens de se promener dans le bois lui-même, il est évident, dis-je, qu'on demande une extension du droit de propriété quant aux bois, un droit que l'on ne possède pas aujourd'hui, et que l'on veuille priver les citoyens d'un droit qu'ils ont toujours eu jusqu'ici : celui de se promener dans les bois quand ils ne font pas de tort au propriétaire. Je sais qu'on peut circuler dans les bois avec l'intention de faire tort au propriétaire, lorsqu'on est muni de serpes, de scies, de haches ou autres instruments de même nature ; mais la loi, mais l'amendement de la commission pourvoit à cela. Si je vais me promencr pour herboriser, par exemple, ce que j'ai fait souvent quand je m'occupais d'histoire naturelle, est-ce que je porte préjudice au propriétaire d'un bois ?

Quand les bourgeois de Bruxelles vont se promener dans le bois de la Cambre, font-ils tort au propriétaire ? C'est le comble du ridicule de vouloir priver l'homme des bienfaits de la Providence. Défendez-lui aussi de respirer, vous compléterez le système qu'on vient de préconiser. Ce que nous avons de mieux à faire, c'est de laisser les choses telles qu'elles sont et d'adopter l'amendement de la commission.

Le système qu'on voudrait faire prévaloir ne tend pas à moins qu'à spolier les citoyens d'une servitude acquise sur les forêts, à savoir de s'y promener. S'ils y font des dégâts, on les réprimera ; mais quand ils ne font que s'y promener pour se mettre à l'abri de la chaleur, vous devez aux citoyens belges de ne pas donner au propriétaire de bois une extension de droit qui les priverait des faveurs que Dieu leur a départies.

M. Pirmez. - J'avoue que j'avais toujours pensé jusqu'à la discussion du Code forestier, qu'il n’était point libre à chacun de parcourir hors chemins, à toute heure du jour et de la nuit, les bois et les forêts sans avoir à craindre la moindre répression.

Je croyais que si le Code pénal dans ses articles 471 et 475 pumssait le parcours d'une terre ensemencée ou même seulement labourée, la loi punissait avec beaucoup plus de raison le parcours des bois.

Je pense que cette erreur était généralement partagée et que lorsque notre discussion aura fait connaître à chacun qu'il peut, sans avoir rien à craindre, se trouver hors chemins dans les bois à toute heure du jour et de la nuit, les bois et forêts seront encore beaucoup plus dévastés qu'ils ne le sont déjà.

Que dans des contrées où les forêts sont immenses et où la population est très rare, que dans le Luxembourg par exemple on ne trouve pas jusqu'à présent de grands inconvénients à une pareille tolérance, cela peut se concevoir. Mais que dans les contrées les plus peuplées de l'Europe qui ne forment pour ainsi dire qu'une ville, tellement les habitations sont rapprochées, où une industrie incomparable demande des quantités de bois immenses de toute nature et de toutes formes, proclamer dans ces contrées que l'on peut, sans craindre, la plus faible punition, parcourir hors chemins les bois et forêts à toute heure du jour et de la nuit, c'est dire que ces propriétés ne peuvent plus exister et qu'elles doivent changer de nature.

Ou avait, je crois, émis l'idée de faire réglementer les forêts par les autorités provinciales ; je ne sais ce que cela aurait produit. Mais les inconvénients des vieilles législations et des vieilles coutumes forestières ne peuvent se comparer dans le Luxembourg et les provinces les plus peuplées de la Belgique.

On a dit, pour s'opposer au projet du sénat, que la loi existait depuis plus de deux cents ans. L'origine de ces lois est, je pense, beaucoup plus ancienne. Elles nous viennent probablement des peuples pasteurs qui ont envahi la Gaule.

Les efforts de la civilisation ont permanemment cherché à rétablir le droit de propriété, et un sol couvert de valeurs, valeurs que l'on peut gâter ou voler lorsqu'il peut être parcouru impunément par tout le monde le jour et la nuit, n'est pas une propriété.

Ce qui pouvait être tolérablc il y a deux cents ans ne l'est pas pour cela aujourd'hui. Il n'y a pas un siècle que dans des localités où le bois a aujourd'hui une grande valeur il n'en avait aucune. On coupait le taillis à l'âge de 20 ans, on l’étendait sur le sol, on le brûlait, on prenait une récolte de céréales quelconques et on le laissait croître vingt autres années.

On dit qu'en adoptant l'amendement de la commission la Chambre replacera la propriété boisée dans le droit commun, mais le Sénat n'avait pas fait sortir la propriété boisée du droit commun. Il l'avait placée au contraire dans le droit commun et c'est l'amendement de la commission qui met ou qui laisse la propriété boisée hors du droit commun, et par là j'entends qu'il lui refuse la protection qu'il accorde à d'autres propriétés, à la terre ensemencée, à la terre seulement labourée, propriétés où le dommage est d'ordinaire insignifiant, relativement à celui que l'on cause généralement en passant dans un bois.

Ce n'est pas seulement à cause du dommage involontaire que l'on peut causer comme et bien plus que, dans une terre labourée ou ensemencée que vous devez au moins la même protection à la propriété boisée. C'est, aussi parce qu'elle est en tout temps couverte de valeurs que l'on peut voler et que l'on vole réellement. C'est parce qu'on peut, pour commettre ces vols, s'y cacher avec une telle facilité que le voleur ne peut être aperçu à trois pas, tandis que sur les terres labourées et ensemencées il n'y a rien à voler et qu'on peut voir à de grandes distances ceux qui les parcourent.

C'est la propriété boisée qui est placée hors du droit commun, ou, si je m'exprime mal, hors de la protection dont jouissent d'autres propriétés à qui cette protection est sans doute nécessaire, mais à un degré bien moindre qu'à la propriété boisée.

Le Sénat ne l’avait donc pas, comme en l'a dit, dotée d'un privilège. Je vais en un seul exemple vous donner une idée de la sécurité et des privilèges dont elle jouit.

Dix hommes armés de haches se rendent dans un bois, ils sont masqués, déguisés, ont la figure noircie ; c'est la nuit ils coupent des arbres et ils les chargent sur un ou plusieurs chariots.

Comment les punit-on ?

Eh bien ! le juge ne doit pas prononcer d'emprisonnement, même avec l'amendement du Sénat ; cela lui est seulement facultatif. La loi votée par la Chambre ne donnait pas même au juge cette faculté.

Que deviendraient toutes les autres propriétés si elles jouissaient de pareils privilèges !

M. de Mérode. - Messieurs, une des premières règles de tout débat, applicable à mon ami M. Dumortier comme à tout autre, c'est de ne jamais dénaturer les paroles qui ont été prononcées par les préopinants ni les propositions qu'ils ont faites. Or l'honorable M. Matthieu n'a pas proposé que personne ne pût désormais se promener dans les forêts, il fallait rester dans les termes dont s'est servi l'honorable M. Matthieu, qui n'a pas demandé l'interdiction ridicule, coniLallue par conséquent mal à propos.

Dernièrement un journal attribuait à M. Dumortier d'avoir défendu une opinion directement contraire à celle qu'il avait soutenue ; ceci était fait méchamment, et j'ai signalé ce détestable procédé dans cette enceinte, en protestant centre un abus si criant.

Il n’y a pas la même culpabilité dans la manière dont l'honorable M. Dumortier a defiguré la proposition de l'honorable M. Matthieu, que dans (page 152) l'inversion complète que s'est permise le journal en transformant les paroles de l’honorable membre ; mais il faut, dans toute discussion, parler sérieusement et ne jamais attribuer à celui qu'on veut réfuter une opinion tout autre que celle qu'il soutient.

Cette observation faite une fois pour toutes, je ne comprends pas que d'honorables membres tiennent si peu compte des explications qui ont été présentées par M. Matthieu, et que vient encore de faire valoir l'honorable M. Pirmez. Comme vous l'a très bien dit l'honorable préopinant, les bois du Luxembourg et d'autres encore peuvent supporter les promeneurs inoffensifs, parce que la population y est rare et les bois considérables.

Mais si près d'une ville comme Bruxelles, si dans le bois de la Cambre, par exemple, on peut circuler à tort et à travers, il sera impossible que rien y croisse bien. D'autre part, lorsqu'on sème une partie de sapin, si l'on marche sur ces jeunes plants, vu la liberté de parcourir le bois en tous sens, pourvu qu'on n'ait ni hache ni serpe, malgré le dommage causé, le juge ne pourra appliquer une peine, à moins qu'il ne se fasse une loi propre, à moins qu'il ne se dise que suivant lui la loi ne suffit pas, et qu'il va l'appliquer autrement que son texte ne le comporte. Or, quand on fait des lois, il faut les faire de telle sorte que le juge ne doive pas suppléer à leurs défauts.

L'honorable M. Dumortier s'intéresse beaucoup aux promeneurs dans les bois. Moi aussi, et j'éprouve toujours de vifs regrets lorsque je vois détruire un bois, mais c'est précisément dans les pays où il n'y a presque plus de bois que l'on doit surtout protéger la propriété boisée ; et il est de fait que plusieurs propriétaires ont détruit leurs bois, parce qu'il était impossible de les garder. Le public s'était habitué à traiter ces bois comme on traite ceux des déserts de l'Amérique.

Comme les bois viennent seuls, l'on paraît croire que le propriétaire n'a que des droits peu fondés sur le sol forestier ; telle est souvent l'opinion populaire, mais on ne réfléchit pas que le propriétaire qui conserve un bois, y met un capital d'acquisition ou de possession et que par conséquent il a le droit de jouir d'un revenu pour ce capital.

Il est certain qu'aujourd'hui la propriété boisée, dans les pays où les bois sont devenus rares, est très compromise par la facilité avec laquelle on commet les délits, et comme l'a dit l'honorable M. Pirmez, le Sénat n'a fait que rétablir un peu l'harmonie entre la propriété forestière et les autres propriétés.

Remarquez encore, messieurs, que le possesseur d'une propriété forestière a encore ce désavantage qu'il est obligé de la protéger lui-même ; il doit avoir des gardes pour conserver les bois, tandis que les autres propriétés sont conservées par les gardes champêtres, et que leurs possesseurs ne sont pas obligés de s'astreindre aux frais spéciaux auxquels oblige la conservation des bois.

Il faut donc, si l'on veut encore herboriser dans certains pays, que l'on soit très favorable à la conservation des bois et que l'on ne traite pas ces propriétés autrement que les autres.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, l'honorable comte de Mérode a donné à ceux qui discutent en général, un excellent conseil : c'est de ne pas dénaturer la pensée de leurs adversaires et de ne pas faire dire aux propositions que l'on combat autre chose que ce qu'elles signifient. L'honorable M. de Mérode, en donnant cet excellent conseil, aurait bien fait de se l'appliquer un peu à lui-même et de ne pas dénaturer l'amendement de la commission. L'honorable membre prétend, en effet, que cet amendement aurait pour résultat de permettre à tout le monde d'envahir les bois malgré les propriétaires et par conséquent d'annihiler complètement le droit de propriété ; de permettre d'aller se promener sur de jeunes semis, sur de jeunes plants en état de végétation croissante et cela au grand détriment de la propriété boisée.

Messieurs, si l'amendement de la commission devait avoir cette portée, ce serait faire injure à vos lumières que de supposer que vous ne vous seriez pas aperçu de ses inconvénients, pas plus que le gouvernement lui-même au premier vote, alors que vous avez sans observation adopté l'article que nous vous proposons ; ce serait faire injure aussi à l'administration forestière qui s'est déclarée complètement satisfaite de la législation que nous vous proposons de maintenir et dont elle est satisfaite depuis l'ordonnance de 1669 qui l'a introduite.

L'amendement de la commission ne peut en aucune façon entamer le droit de propriété. Il y a une très grande différence eulre la protection du droit de propriété et le pouvoir du propriétaire qui se croit lésé, d'évoquer ceux dont il s'imagine avoir à se plaindre devant les tribunaux correctionnels.

Cette protection consiste à se faire rendre justice par les tribunaux civils, comme cela a lieu quand il ne s'agit que de contestations sur le droit de propriété privée. Or, rappelez-vous les paroles très sages qu'a prononcées l'honorable M. de Theux dans la séance de samedi.

L'honorable M. de Theux qui faisait partie de la commission, défendant la proposition qu'elle vous a faite, vous a dit : Le droit de propriété permet au propriétaire d'un bois ou de toute autre propriété, lorsqu'il trouve chez lui quelqu'un qui se promène, même sans faire de tort, de l’engager à se retirer, et si le promeneur indiscret ne se retire pas, le propriétaire a l'action civile pour réclamer des dommages-intérêts. Or ce droit continue à exister ; le riche propriétaire de bois jaloux de son ombre, de la fraîcheur de sa forêt, aura foujours le droit de prendre par le bras le pauvre diable qui se promène dans la propriété, parce que lui il n'a ni ombre ni fraîcheur en propriété et de le faire expulser par son garde ; et si le pauvre diable résiste, il y aura rébellion, il sera passible d'une peine beaucoup plus sévère que celle qu'on propose d'inscrire dans la loi.

Voilà ce qui existe et ce qui continuera à exister pour les propriétaires jaloux dont je viens de définir les droits.

Maintenant on veut que celui qui se promènera dans un bois sans y faire aucun tort, que le pauvre ouvrier qui, retournant après son travail, se reposera auprès de la route, soit envoyé devant le tribunal correctionnel, on veut lui imposer l'obligation de comparaître et de se faire défendre devant ce tribunal à sept ou huit lieues de sa demeure ou de se laisser condamner par défaut.

Ce droit exorbitant n'existe, messieurs, pour aucune propriété, et je ne vois pas qu'on doive l'établir pour la propriété boisée. L'individu qui s'introduit chez vous, dans votre domicile, malgré vous, et qui n'y cause aucun dégât, ne peut pas être frappé d'une peine ; voulez-vous qu'il en soit autrement pour les bois ? Voulez-vous que l'entrée des bois soit plus sévèrement réprimée que l'entrée de votre maison ? Mais pour votre maison vous avez quelque chose de plus encore à invoquer que le respect de la propriété : vous avez l'inviolabilité du domicile ; et cependant personne n'a demandé une peine contre celui qui s'introduit dans une maison sans y faire aucun mal.

Voulez-vous maintenant assimiler la propriété boisée aux autres propriétés rurales ? Mais lorsqu'une prairie n'est pas en état de culture, lorsqu'elle n'est pas destinée à être fauchée, lorsqu'elle est abandonnée au parcours des bestiaux, il n'y a aucune loi qui la protège contre les promeneurs. Si un champ n'est pas en état de culture, si le travail de l'homme n'est pas venu se joindre au don de la nature, celui qui traverse un pareil champ n'est pas puni.

« Mais, dit-on, une forêt a de jeunes plants, elle est en reproduction permanente ; il y a des semis : vous ne pouvez pas autoriser le public à fouler ces semis, à détruire ces jeunes plants. » Messieurs l'amendement de la commission n'a rien de commun avec ce fait : si on écrase de jeunes plants, si on détruit des semis, on tombe sous l'application d'un autre article de la loi ; du moment où un produit quelconque est endommagé, vous êtes frappé par le code forestier ; nous ne demandons grâce, comme je le disais dans la dernière séance, que pour ceux qui se promènent sans faire de mal et que vous avez toujours le droit de faire sortir par l'intermédiaire de votre garde.

Aucune législation n'est allée jusqu'où l'on veut aller ; il n'y a pas de loi forestière quelconque, dans un pays civilisé quelconque, qui ait jamais puni celui qui se promène dans un bois sans y porter le moindre préjudice. Que l'on me cite une loi forestière d'un pays, quel qu'il soit, anssi sévère que l'amendement du sénat, fût-elle plus sévère que l'ordonnance de 1669, que tout le monde condamne déjà comme exorbitante, et je me rallie immédiatement à la proposition de l'autre chambre. Mais, jusqu'à ce qu'on m'ait apporté un pareil texte, je persiste à défendre l'amendement de la commission. Il est seul d'ailleurs compatible avec les idées du XIXème siècle ; la proposition du sénat fait rétrograder le législateur belge de deux siècles.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, l'article ne paraît pas offrir une grande importance, soit par l'objet auquel il se rapporte, soit par les pénalités qui y sont comminées ; cependant la chambre voit, par le dissentiment qui s'établit dans son sein, et entre elle et le Sénat, qu'il s'y rattache un intérêt assez sérieux : la question mérite donc quelque attention. Lorsqu’au sein de la commission du Sénat on a proposé de modifier l'article voté par la chambre, je vous avoue, messieurs, que je trouvais la disposition du Sénat très sévère, en ce qu'elle avait pour résultat probable d'empêcher toute espèce de circulation dans les forêts ; cependant, messieurs, on m'a fait remarquer qu'un article qui ferait en quelque sorte plus comminatoire que répressif pouvait avoir une grande utilité pour empêcher certains abus.

J'ai pensé, messieurs, en me ralliant à la disposition du sénat, que l'administration forestière, qui est chargée de surveiller les bois de l'Etat, des communes et des établissements publics, agirait avec modération et prudence, dans l'application de l'article 166 de la loi, et que des poursuites n'auraient lieu, pour le parcours simple dans les forêts, que contre des individus connus des agents forestiers comme maraudeurs, ou comme gens usant de malveillance envers les propriétaires des forêts ; j'ai pensé, en un mot, que l'administration forestière n'agirait pas en aveugle et n'irait pas, sans aucune espèce de discernement, poursuivre tous ceux qui seraient rencontrés dans les forêts, se promenant d'une manière paisible, c'est-à-dire ceux dont s'occupait tout à l'heure l'honorable M. Dumortier.

Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels je me suis rallié à l'amendement du sénat. Je dois dire que l'opposition qu'il rencontre dans cette enceinte est bien de nature à ébranler ma conviction quant aux conséquences qui peuvent se rattacher à l'article si on le considère comme complètement répressif. Je crois, dans tous les cas, qu'on sera d'accord pour admettre au moins la disposition du Code forestier français.

Vous remarquerez bien, messieurs, que l'amendement de la commission ne punit le parcours dans les bois et forêts que quand il a lieu avant le lever et après le coucher du soleil.

Le Code forestier français qui ne renferme pas les mots « avant le lever et après le coucher du soleil » considère comme devant être réprimé le parcours des bois et forêts en dehors des routes ordinaires, avec des instruments qu'il ait lieu le jour ou qu'il ait lieu la nuit.

(page 153) Voici, messieurs, la raison principale qui me fait insister sur la distinction entre le parcours pur et simple et le parcours avec des instruments : c'est que, ordinairement, les individus qui parcourent les forêts avec des instruments ont pour but, non seulement d'observer ce qui pourra plus tard faire l'objet d'un vol de bois ou d'un attentat quelconque, mais souvent, m'a-t-on dit, de blesser les arbres et de faire en sorte qu'au bout d'un certain temps, le bois meure et devienne ainsi la proie de ceux qui ont préparé le fait.

Ainsi, messieurs, on devrait réprimer toute espèce de parcours des bois avec des instruments, hors des routes et chemins ordinaires.

Maintenant, est-il ou n'est-il pas nécessaire d'interdire le parcours sans instruments des bois et forêts soumis au régime forestier ou appartenant à des particuliers ? Je crois qu'on pourrait peut-être employer utilement une formule qui laissât au juge, comme dans certains autres cas, la faculté de prononcer une légère amende, suivant les circonstances, contre ceux qui auraient été trouvés dans les bois, hors des routes. On poursuivrait uniquement, je le répète, ceux qui usent de malveillance, ceux qui s'obstinent à parcourir les bois malgré la défense du propriétaire, ceux qui sont connus comme maraudeurs et qui ne peuvent parcourir les bois et forêts qu'avec de mauvaises intentions ; et l'appréciation des circonstances serait laissée au juge qui prononcerait ou ne prononcerait pas une légère amende.

Messieurs, je crois que cette disposition, qui me paraît n'avoir rien d'exorbitant, aura cette utilité de bien avertir tous ceux qui se tiendront au courant de cette discussion, qu'ils n'ont aucune espèce de droit au libre parcours des forêts. Suivant la doctrine de l'honorable M. Dumortier, doctrine que je ne puis accepter comme fondée, il y aurait un droit de parcours à peu près illimité ; je crois qu'on ne peut pas admettre une pareille doctrine et que les abus réels qui en résulteraient sautent aux yeux de tout le monde.

Je crois donc qu'il faut une disposition qui dise que ceux qui se font la mauvaise habitude de parcourir les forêts malgré la défense qui leur en est faite et qui, demeurant dans le voisinage des forêts, sont accoutumés à y commettre des délits et sont rencontrés par les gardes, que ceux-là sont susceptibles d'être poursuivis et punis par les tribunaux.

Après avoir essayé plusieurs rédactions, car j'avoue qu'il est assez difficile d'en trouver une de nature à concilier les divers intérêts qui sont en présence, je me suis arrêté à la rédaction suivante :

« Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, porteur de serpe, cognée, hache, scie ou autres instruments de même nature, sera condamné à une amende de cinq francs.

« Si le contrevenant n'est porteur d'aucun instrument, il pourra, suivant les circonstances, être condamné à une amende de deux francs : lorsque le fait aura été constate dans le bois d'un particulier, la poursuite ne sera exercée que sur la plainte du propriétaire. »

Vous remarquerez, messieurs, que les bois de l'Etat, des établissements publics et des communes, sont régis par les agents forestiers et que c'est l'administration elle-même qui, propriétaire en quelque sorte de ces bois, en ayant la direction, sera juge de l'opportunité des poursuites du genre de celles dont il est question ici.

Dans les bois du Luxembourg, par exemple, ou suivant ce que m'a affirmé l'honorable M. Tesch, les délits de cette nature sont rares ; eh bien, l'administration ne reconnaîtra pas la nécessité de poursuivre les faits de cette espèce, et les abus n'y sont pas à craindre, la population y est rare et les forêts y sont immenses.

Mais il y a des contrées, et notamment dans les environs de la capitale, où ces abus out été signalés même par les agents forestiers, où les agents forestiers spéciaux sont d'opinion que, dans bien des circonstances, une légère pénalité dans les cas que j'indique aura une utilité réelle.

C'est en vue de ces délits et de ces localités que je propose principalement la rédaction dont je viens de donner lecture.

Messieurs, l'administration forestière sera donc juge de l'opportunité de la poursuite : elle ne l'instituera que dans des circonstances sérieuses ; et les tribunaux auront encore la faculté d'amnistier en quelque sorte le contrevenant, si le cas semble l'autoriser.

Quant aux bois des particuliers auxquels le chapitre relatif aux contraventions est applicable, la poursuite n'aurait lieu que sur la plainte du propriétaire, comme en matière de chasse.

La chambre appréciera l'intention qui a dicté la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer moi-même, en l'absence de mon collègue, M. le ministre des travaux publics, membre de cette assemblée. Je m'en réfère parfaitement à l'expérience de ceux qui sont plus versés que moi dans la matière forestière.

M. de Chimay. - Messieurs, l'amendement que vient de déposer M. le ministre de la justice rentre tout à fait dans l'ordre des considérations que j'avais l'intention de soumettre à la Chambre. Je ne m'appesantirai donc pas sur mes observations.

Cependant il est un fait qui n'a pas été suffisamment éclairci, selon moi, et sur lequel j'appelle toute l'attention de la Chambre. On s'est constamment préoccupé, et l'honorable rapporteur vient encore de le faire, de ce qu'il y aurait de fâcheux à empêcher des personnes inoffensives de se promener et de se reposer à l'ombre des forêts.

Eh bien, il y a une distinction à faire entre les diverses natures de forêts ; il y a deux catégories de bois bien distinctes ; il y a d'abord ce qu'on appelle les forêts de haute futaie ; dans celles-là il y a peu ou point d’inconvénient à y permettre le libre parcours ; mais il n'en est pas de même dans une grande partie des forêts de la Belgique, qui se composent de taillis ; celles-là sont soumises à des coupes régulières ; pendant les premières années qui succèdent à la mise en exploitation il est à peu près matériellement impossible de parcourir ces bois, sans commettre, même involontairement, des dégâts considérables.

On a cité, par exemple, le bois de la Cambre ; j'en appelle aux souvenirs de ceux d'entre vous qui s'y sont promenés, ils diront que dans les parties les plus rapprochées de la capitale, il est presque impossible de trouver une seule souche de bois qui ne soit pas mutilée. La chose est tellement facile à comprendre que je crois inutile d'insister.

Je n'ai pas la prétention de modifier l'amendement de M. le ministre de la justice. Je crois, d'ailleurs, qu'au point de vue de la justice, il répond aux exigences raisonnables ; je me serais décidé à l'appuyer sans commentaires si je n'avais tenu à faire connaître et apprécier, dans l'intérêt même de l'amendement, la grande différence à établir, quant au parcours des diverses natures de bois.

M. de Mérode. - Messieurs, l'amendement de M. le ministre de la justice remédie à peu près aux inconvénients qui ont été signalés.

Je dirai seulement un mot sur cette expression : « indigne du XIXème siècle », qu'on emploie souvent. Je n'accepte ou je ne refuse point telles ou telles combinaisons, parce qu'elles ont été produites dans tel ou tel siècle ; si les conceptions du XIXème siècle sont bonnes, je les adopte volontiers, je les réprouve quant elles sont mauvaises ; il en est de même à l'égard des autres siècles dont je n'apprécie les institutions qu'en raison de leur nature bonne ou mauvaise.

M. Tesch. - Messieurs, je propose le renvoi à la commission, de l'amendement qui a été présenté par M. le ministre de la justice. Une partie surtout de cet amendement me paraît très importante.

M. le ministre veut faire décréter par la loi que le tribunal pourra, dans certains cas, prononcer une amende. Je ne puis pas admettre cette disposition. Je crois que c'est à la législature de décréter ce qui est un délit, et ce qui n'est pas un délit ; je crois que ce n'est pas aux tribunaux qu'il faut laisser ce soin ; c'est évidemment dépouiller la Chambre d'une de ses attributions, c'est confondre les pouvoirs, c'est transformer les tribunaux en pouvoir législatif.

D'un autre côté, cette disposition serait, à mon avis, contraire à l'esprit de notre organisation judiciaire, parce que vous n'auriez pas unité de jurisprudence en Belgique, parce que nous aurons certains arrondissements où le fait pourrait toujours être puni, suivant le plus ou moins d'importance qu'on y attachera à cette violation de la propriété, tandis que dans d'autres arrondissements il ne serait pas puni du tout.

Nous avons une cour de cassation ; pourquoi ? Pour que l'interprétation et l'application de la loi soient partout les mêmes. Je le répète, si vous laissez à chaque tribunal le soin d'appliquer la loi comme il l'entend, vous aurez des arrondissements où le délit ne sera pas puni, et d'autres où il sera puni. Cela dépendra exclusivement de l'importance plus ou moins grande que le juge attachera, dans son esprit, à la violation de la propriété boisée.

M. Orban. - C'est une question de fait.

M. Tesch. - Permettez, ce n'est pas une question de fait ; de la manière dont vous rédigez l'article, ce sera une question de fait.

Mais c'est au législateur à dire si violer la propriété dans telle circonstance est un délit contre lequel on doit ou non prononcer telle peine répressive. Je sais la distinction qu'il y a à faire entre les questions de fait et les questions de droit. Si l'honorable M. Orban avait pris la peine de m'écouter, il aurait compris que la cour de cassation a mission de maintenir l'unité de jurisprudence, de faire punir le même délit de la même manière dans tous les arrondissements.

Du moment où vous admettez que le tribunal peut, suivant l'exigence des cas, prononcer une légère amende, l'application de la disposition ne sera pas la même partout ; car cela dépendra du caprice du tribunal devant lequel la plainte aura été portée. La question est assez grave pour être examinée de près. C'est pourquoi j'ai demandé le renvoi à la commission.

Il y a une autre chose très grave encore dans l'amendement. Ainsi, quand ce sera un particulier qui devra poursuivre, il devra déposer les frais ; car je ne pense pas que ce soit l'Etat qui se charge de poursuivre la répression des délits de cette nature et de faire l'avance des frais.

Quelle sécurité voulez-vous que le particulier ait en avançant les frais quand dans la loi il verra un article portant : « Les tribunaux pourront condamner suivant l'exigence des cas, etc. » ? Les particuliers devront se dire : Les tribunaux condamneront-ils ? S'ils trouvent que l'exigence des cas n'est pas telle qu'une condamnation soit nécessaire, le particulier sera chargé des frais. Il ne saura pas dans quel cas il doit poursuivre et dans quel cas il ne devra pas le faire.

Je demande le renvoi à la commission de cet amendement qui mérite un examen sérieux.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je répète que je considère comme assez importante la disposition qui nous occupe surtout en présence des dissentiments que sa rédaction soulève. Si ma proposition renfermait des termes insolites hors du langage des lois, je n'hésiterais pas à m'associer à la demande de M. Tesch de renvoyer l'article à la commission, mais j'avoue que le fait ne me paraît pas assez important pour mériter cet honneur. Du reste je m'en réfère à ce que la Chambre décidera.

Quand j'ai dit que les tribunaux pourront prononcer une légère amende, je me suis servi de termes en usage dans notre législation L'article 42 du Code pénal porte : « ... Il pourra en outre prononcer en (page 154) tout ou en partie l'interdiction des droits civils, civiques et de famille, etc.

Je citerai encore les dispositions relatives aux banqueroutiers (articles 587 et 594 du Code de commerce).

On laisse dans certains cas une faculté d'appréciation aux tribunaux à l'effet d'appliquer ou de ne pas appliquer certaines dispositions à un fait, en appréciant s'il est ou n'est pas de nature à exiger une répression.

On argumente de la variété de jurisprudence qui pourra s'établir ; mais la disposition que je propose a précisément pour objet de faciliter cette variété d'application de la loi. J'ai dit que dans certaines parties du pays le parcours dans les forêts pouvait présenter des inconvénients ; je puis apporter, à l'appui de mon opinion, le témoignage de grands propriétaires, notamment de M. de Chimay ; c'est parce que les tribunaux seront juges de l'opportunité de la répression que je leur laisse une faculté dont ils useront suivant les circonstances, ici i ! n'est pas besoin de rechercher une uniformité de jurisprudence, c'est une spécialité d'appréciation que je veux obtenir, je veux que chaque tribunal apprécie chaque fait isolément ; quant à l'appréciation uniforme, la cour de cassation n'est pas chargée de l'établir, en ce qui concerne les faits. La loi serait claire si on adoptait l'article dans les termes que je propose.

La loi interdit un fait, laissant aux tribunaux la faculté d'appliquer une pénalité suivant les circonstances, sans les astreindre à toujours punir quand ils croiront que l'individu n'est pas dans le cas de devoir être puni. Je me suis référé aux termes employés dans plusieurs articles de nos lois répressives. Je pense qu'à ce point de vue, l'article n'offre aucun danger. Cependant si la Chambre croit devoir l'examiner de plus près, je ne m'oppose pas au renvoi à la commission.

M. Orts, rapporteur. - Je répliquerai deux mots à ce que vient de dire M. le ministre de la justice, en réponse aux observations critiques présentées par mon honorable ami M. Tesch, à l'appui de la demande de renvoi à la commission. Mon honorable ami a fait une objection très sérieuse ; M. le ministre ne l'a pas levée dans sa réponse, la voici : Nous avons dans toute notre législation pénale, à mesure que nous la réformions, fait successivement disparaître cet ancien souvenir des lois antérieures, qui admettaient l'arbitraire du juge en matière de pénalités. Aujourd'hui, grâce à l'amendement de M. le ministre de la justice, nous accomplirions un progrès en arrière, car nous irions plus loin qu'on n'a jamais été en fait d'arbitraire.

Si nous avions connu les pénalités arbitraires, jamais au moins le délit arbitraire n'avait existé. On veut le créer : voilà l'inconvénient de l'amendement.

S'il passe dans la loi, tel tribunal partageant les opinions modérées que vient d'énoncer sur la question qui nous divise l'honorable prince de Chimay, jugera, par exemple, que le fait de se promener dans un bois de haute futaie n'est pas un délit dont l'exigence du cas veuille la répression ; mais dans un arrondissement voisin où les idées sur la propriété seront plus absolues, l'amendement sera pris dans ses termes rigoureux.

On repoussera cette même opinion modérée et l'on punira le fait en disant : Nous appliquons la loi telle qu'elle a été votée ; l'exigence du cas veut qu'on punisse celui qui se promène dans les bois de haute futaie quoique cela ne fasse de mal à personne.

Ainsi le même fait sera puni dans un arrondissement et dans d'autres il ne le sera pas quoiqu'il se soit produit dans les mêmes circonstances. L'inconvénient me paraît suffisant pour nécessiter la réflexion avant d'adopter une disposition consacrant semblable anomalie.

Ce renvoi, je le demande encore à un autre point de vue.

Dans la première partie de votre amendement, M. le ministre, il y a une injustice ou une impossibilité ; ce qui exige qu'on l'examine de près. En effet, on propose de défendre à tout individu de se trouver de jour ou de nuit hors des voies et chemins avec un instrument susceptible à la rigueur de couper le bois, depuis le canif jusqu'à la hache. Nous voulons interdire aux individus porteurs de ces instruments la circulation nocturne. Aller plus loin, faire ce que fait le Code français qui, par parenthèse, a été critiqué sous ce rapport par tous ceux qui l'ont commenté, M. le ministre ne peut pas l'ignorer, c'est s'exposer à de graves inconvénients.

M. le ministre a perdu de vue en disposant d'une façon générale, absolue, sans exception, des droits et des devoirs sérieux.

Il y a des gens - on l'oublie - qui ont le droit de se promener dans un bois, malgré le propriétaire, avec une serpe, une cognée, une hache, et qui doivent conserver ce droit. Comment voulez-vous qu'un usager faucille ou qu'il coupe le bois qu'il a le droit de couper s'il ne peut porter avec lui un instrument tranchant ? Vous pouvez dire à l'usager : « Vous ne viendrez pas la nuit dans les bois exercer votre droit. » Ce sont là des mesures de police. Mais vous ne pouvez le lui défendre le jour comme la nuit. Ce serait détruire son droit, l'exproprier sous prétexte de respect pour la propriété.

Que fera M. le ministre de la justice pour le bûcheron qui, devant couper du bois dans une coupe exploitée, va, muni de sa hache, et quitte des routes ordinaires pour prendre le chemin le plus court afin d'arriver plutôt à son atelier ? Le punira-t-il ? Quel mal fait cet homme en se rendant à la besogne avec son instrument sous le bras et sans la moindre intention délictueuse ? Il n'en fait évidemment aucun. C'est donc un abus d'infliger dans ce cas une pénalité. Voilà précisément toutes raisons qui ont déterminé la jurisprudence française à se mettre souvent en contradiction avec une loi inexécutable ou inique, et qui nous ont déterminés lors de la première discussion, après un long examen, à repousser la disposition de la loi française, comme l'avait fait avant nous la commission gouvernementale composée d'hommes spéciaux, d'hommes sachant beaucoup mieux que nous ce que nécessite la surveillance des forêts, puisqu'elle était composée d'employés supérieurs de l'administration forestière, de grands propriétaires de bois et de magistrats sortis des arrondissements forestiers.

Ces raisons vous démontreront, je pense, qu'il y a quelque chose à examiner encore, avant de voter la disposition proposée par M. le ministre de la justice.

J'appuie donc le renvoi à la commission.

M. Lelièvre. - M. le ministre de la justice propose de ne prononcer que facultativement une peine contre ceux qui se trouveraient hors des chemins dans un bois appartenant à autrui. Je pense que, dans la pensée du gouvernement, les juges devront prendre égard à l'intention de l'agent. Ainsi, on ne punirait le fait dont il s'agit que quand il aurait été posé avec une volonté perverse, et des faits qui ne présenteraient pas ce caractère ne seraient pas atteints par la disposition.

Il s'agit ici d'un fait à apprécier suivant les circonstances qui l'ont accompagné, et sous ce rapport, je ne verrais aucun inconvénient à laisser aux tribunaux la faculté énoncée à l'amendement de M. le ministre, parce qu'on conçoit, le fait dont nous nous occupons, posé dans de telles circonstances, qu'une peine puisse être justement comminée. La faculté réservée aux juges me semble sauvegarder toutes les exigences, et, sous ce rapport, l'amendement me paraît devoir être accueilli.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il ne peut être ici question, je pense, de rétablir les peines arbitraires ou les appréciations arbitraires des tribunaux. Il s'agit simplement, suivant une formule qui se trouve déjà dans notre législation, et qui n'a rien d'exorbitant, d'adopter une disposition qui donne aux tribunaux une sorte d'appréciation paternelle du fait en usage dans l'arrondissement judiciaire sur lequel ce tribunal exercera sa juridiction, et de lui donner la faculté, lorsque les circonstances sembleront l'exiger, de prononcer une légère amende plutôt comminatoire que répressive, puisqu'il s'agit de 2 fr. Il importe surtout d'avertir ceux qui croienj avoir la faculté de parcourir les bois, que ce droit ne leur appartient pas.

Lorsque l'administration forestière jugera convenable de les faire punir, ils seront ainsi dûment avertis par les tribunaux.

Voilà toute la portée de l'article. Je n'y vois aucune confusion de pouvoirs, rien qui puisse troubler les attributions du pouvoir législatif ou du pouvoir judiciaire. J'y vois un moyen de concilier les opinions qui se sont manifestées avec une certaine vivacité ici et ailleurs, et qui semblent nécessiter une disposition analogue à celle de l'article 166 ; car vous remarquerez qu'au Sénat l'article a été adopté sans discussion, sans objection.

M. Orts, rapporteur. - Pardon, au second vote, la disposition a été vivement combattue par MM. d'Hoop et Forgeur.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il est possible qu'il y ait eu des objections au second vote ; ma mémoire ne me les rappelle pas.

Ce que je sais c'est que la disposition a été votée au Sénat à une grande majorité, dans le sens des observations qu'a faites tout à l'heure l'honorable prince de Chimay.

Du reste, la Chambre appréciera.

M. de Theux. - Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a une grande distinction suivant les localités. Je comprends que les membres de cette chambre qui s'occupent principalement des Ardennes trouvent la disposition, même mitigée par M. le ministre de la justice, exorbitante. En effet, là où il y a de grandes forêts, le parcours est peu important. Il en est autrement dans certaines parties du pays où il existe des boqueteaux, des parties de bois à proximité des centres de population, qui bien évidemment deviennent des non-valeurs entre les mains des propriétaires.

A quoi cela tient-il ? A l'usage abusif du parcours de ces bois par la multitude, usage qu'il est impossible à un garde de réprimer.

Je crois donc que la disposition formelle que propose M. le ministre de la justice sera très utile à l'égard de cas nombreux.

Ainsi qu'on vous l'a fait observer, quand on parcourt un bois taillis qui vient d'être coupé, il est évident que toutes les nouvelles pousses sont foulées aux pieds et détruites. C'est un fait positif.

D'autre part, si un propriétaire, pour son agrément, plante, à grands frais, des boqueteaux, et si la multitude les envahit contre sa volonté, contre son gré, elle détruit tout le fruit des sacrifices qu'il a faits. Dans ce cas-là il y a délit, offense, dommage à la propriété et une amende de 2 francs n'a rien d'exorbitant.

Le juge aura à peser les circonstances du fait, les intentions de celui qui l'a posé, le dommage matériel ou moral apporté à la propriété de celui qui veut la maintenir intacte.

La proposition du gouvernement est modérée ; les tribunaux apprécieront les circonstances ; ils se composent d'hommes raisonnables. Je ne pense pas qu'il y ait de graves abus à craindre.

Quant au renvoi à la commission, je ferai remarquer que deux séances ont été consacrées à l'examen de l'article, qui a été également examiné au Sénat, et qui sera soumis à un second vote. Ce renvoi ne ferait qu'arrêter l'examen de la loi. Il est temps d'en finir. D'ici au second vote, on pourra examiner de nouveau la question, et proposer des modifications s'il y a lieu.

M. de Chimay. - Messieurs, l'honorable rapporteur, en répondant à M. le ministre, a rencontré la première partie des observations que cet honorable ministre avait faites. Mais il n'a pas répondu à celles (page 155) que je vous avais présentées. Je dois croire, par conséquenf, qu'il ne conteste pas la justesse de mon argumentation en ce qui concerne les bois taillis.

Il y aurait peut-être un moyen de concilier les deux opinions : ce serait d'ajouter à l'amendement, et pour spécifier la nature des bois, ces mots : « les bois autres que les bois de haute futaie. »

Cette modification aurait l'avantage de généraliser la pensée du ministre et de faire droit à l'observation de l'honorable M. Tesch qui semble redouter les inconvénients d'une législation pouvant donner lieu à des applications différentes.

Je crois que la disposition ainsi formulée rendrait tout à la fois plus facile la tâche des tribunaux et plus claire l'appréciation de la volonté du législateur.

M. Tesch. - Messieurs, je persiste à demander le renvoi à la commission ; car il peut y avoir quelque chose à faire. Ainsi l'honorable prince de Chimay demande que l'on fasse une distinction entre les bois de haute futaie et les bois taillis. Il y aurait peut-être une autre distinction encore à faire : c'est la distinction entre les bois défensables et ceux qui ne le sont pas.

Ce serait, à mon avis, une distinction qui serait plus conforme à ce qui se passe généralement dans notre pays, et vous n'arriveriez pas à cette anomalie que je vais vous signaler. Les troupeaux peuvent entrer dans les bois défensables et vous défendriez aux hommes d'y entrer ?

M. Orts. - Le pâtre sera puni s'il suit ses porcs, et il lui est défendu de les abandonner.

M. Tesch. - Oui, le berger lui-même ne pourrait entrer dans les bois. Une singulière anomalie résulterait évidemment de l'adoption de l'amendement tel qu'il est proposé.

Après cela, je préférerais qu'il y eût en Belgique une législation uniforme et qu'elle pût être invoquée par tout le monde. J'ajoute que l'amendement proposé serait un très mauvais cadeau au propriétaire. Car il ne saurait jamais en quel cas une condamnation suivrait la plainte qu'il aurait déposée ; de sorte qu'il serait toujours exposé à payer les frais d'une poursuite selon l'opinion du tribunal auquel il s'es adressé.

- Le renvoi de l'article à la commission est mis aux voix et prononcé.

M. le président. - Je prie M. de Chimay de vouloir formuler son sous-amendement afin qu'il puisse être imprimé avec l'amendement de M. le ministre de la justice.

M. de Chimay. - Volontiers, M. le président ; mais je ne verrais aucun inconvénient à me rallier à l'opinion de l'honorable M. Tesch.

M. le président. - Vous pouvez vous entendre avec M. Tesch.

Article 167

« Art. 167. Ceux qui auront fait ou laissé passer leurs voitures, animaux de charge ou de monture, dans les bois, hors des routes et chemins ordinaires, seront condamnés à 5 francs d'amende par voiture et par chaque animal de charge, de trait ou de monture, sans préjudice à l'application de l'article 169. »

- La commission propose la rédaction suivante :

« Ceux qui auront fait ou laissé passer leurs voitures, animaux de trait, de charge ou de monture, dans les bois, hors des routes et chemins ordinaires, seront condamnés à cinq francs d'amende par voiture ou par chaque animal non attelé, sans préjudice à l'application de l'article 169. »

- La rédaction de la commission est mise aux voix et adoptée.

Article 175

« Art. 175. Les usagers, les communes et sections de communes sont responsables des condamnations pécuniaires prononcées contre leurs pâtres et gardiens, pour tous délits forestiers et contraventions, commis pendant le temps et l'accomplissement du service. »

- Adopté.

Titre XIII. Des bois et forêts des particuliers

Article 177

« Art. 177. Les gardes des bois des particuliers ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir été agréés par le gouverneur de la province, sur l'avis de l'agent forestier du ressort, et avoir prêté serment devant le tribunal de première instance.

« Ils devront être âgés de vingt-cinq ans accomplis.

« Ils pourront obtenir du gouverneur, sur l'avis de l'agent forestier, une dispense d'âge dans les limites fixées par l'article 10.

« Ils seront exempts des droits de patente. »

La commission propose la suppression du dernier paragraphe.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, au sein du Sénat, mon honorable collègue M. le ministre des finances et moi, nous avons combattu l'amendement qui consistait à prononcer, dans l'article 177, au profit des gardes forestiers des particuliers, l'exemption du droit de patente. Malgré l'opinion exprimée par le gouvernement, le Sénat, au premier comme au second vote, a persisté à introduire cette modification.

Au point de vue financier, cette disposition n'a pas d'importance. Ce n'est donc pas comme expédient financier que la disposition a été combattue par le gouvernement ; c'est uniquement au point de vue de la logique législative.

Il avait paru à mon honorable collègue et à moi que ce n'était pas le lieu, dans une disposition du Code forestier, de prononcer, au profit d'une catégorie d'agenls, l'exemption d'un impôt ; que la chose devait être renvoyée à l'examen de la loi sur les patentes et que, par conséquent, la disposition n'était pas à sa place.

Voilà, messieurs, l'argumentation que nous avions mise eu avant et que le Sénat a écartée.

Votre commission reprend cette considération spéciale et dit comme nous, que ce n'est pas ici le lieu de prononcer l'exemption du droit de patente. Je vous avoue qu'en présence de la persistance du Sénat, je ne suis pas éloigné de vous engager à maintenir la disposition où elle se trouve.

C'est une légère faute de logique, j'en conviens ; mais ce n'est pas une faute bien grave et il pourrait peut-être résulter du rejet, de la disposition, un dissentiment entre le Sénat et la Chambre.

Je soumets cette considération à votre appréciation, et je vous prie d'agir suivant que vous le jugerez utile à l'achèvement le plus prompt de la loi et à l'utilité d'éviter des dissentiments ou des tiraillements. Je suis d'accord avec la commission sur le motif qui pourrait déterminer la Chambre à retrancher la disposition qui n'est pas à sa place. Mais comme intérêt financier, le gouvernement ne voit nul inconvénient à la disposition.

- La proposition de la commission tendant à supprimer le dernier paragraphe de l'article, est mise aux voix et adoptée.

L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 179

« Art. 179. Les dispositions des articles 107, 108, 109 et 110 sont également applicables aux bois des parliculiers. »

- Adopté.

Article 182

« Art. 182. Les procès-verbaux dressés par les gardes des bois des particuliers seront remis au procureur du roi ou an commissaire de police de la commune chef-lieu de la justice de paix ou au bourgmestre dans les communes où il n'y a point de commissaire de police, suivant leur compétence respective, dans le délai d'un mois à dater de l'affirmation. »

M. Lelièvre. - Avant de passer à l'examen de l'art. 182, je crois devoir soumettre une observation. Dans la dernière séance, la Chambre, relativement aux bois soumis au régime forestier, adopta un amendement portant que l'emprisonnement ne pourra être prononcé comme peine principale que lorsque le délit sera prouvé par les moyens ordinaires.

Je demande s'il ne faut pas appliquer ce principe aux délits commis dans les bois des particuliers. Sans cela, d'après l'article 180, on pourrait apppliquer en ce cas la peine d'emprisonnement, sans même entendre le garde. Sous réserve de m'expliquer au second vote sur l'amendement que vous avez adopté dans la séance du 3 de ce mois, je pense qu'il faut nécessairement énoncer une disposition quelconque sur le point dont il s'agit en ce qui concerne les bois des particuliers. Il faut que l'on sache si l'emprisonnement pourra être prononcé par le tribunal sans instruction orale et sur le vu du procès-verbal du garde particulier.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, l'observation de l'honorable M. Lelièvre est très opportune : il faut nécessairement que l'article 182 soit mis en harmonie avec l'amendement de M. Tesch ; mais, au second vote, j'aurai à soumettre une modification et quelques observations au sujet de cet amendement et alors il ne sera peut-être pas nécessaire de donner une explication à l'article 182. Je demanderai donc l'ajournement jusqu'au second vote.

M. Lelièvre. - J'appuie l'ajournement proposé par M. le ministre avec d'autant plus de raison qu'en ce qui me concerne, je ne puis me rallier à l'amendement adopté dans la séance de samedi. En effet, l'existence d'un fait est indivisible, et il est impossible qu'un juge qui condamnerait un prévenu à l'amende, parce que le procès-verbal fait foi jusqu'à inscription de faux, déclare n'y avoir lieu à prononcer la peine d'emprisonnement parce qu'il aurait peut-être reconnu, par l'instruction suivie dans les formes ordinaires, que le délit n'existe pas. Il pourrait même en ce cas exister une véritable contradiction entre les diverses parties du jugement relativement à l'existence du fait. Le fait pourrait être déclaré existant et non-existant en même temps par un seul et même jugement. Je pense donc que l'amendement adopté doit être révisé et modifié et sous ce rapport j'appuie la proposition de M. le ministre de la justice.

- La Chambre décide qu'elle s'occupera de l'article 182 après avoir statué sur l'amendement de M. Tesch à l'article 166, qui a été renvoyé à la commission.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Discussion générale

« Article unique. Le budget du ministère de la justice pour l'exercice 1853, fixé par la loi du 18 décembre 1852 (Moniteur du 23 décembre), est augmenté d'une somme de quatre mille sept cents francs (fr. 4,700) pour traitement du personnel des cours d'appel, chapitre II, article 8.

« Ce supplément sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet de loi en discussion, je crois devoir demander à M. le ministre s'il sera bientôt en mesure de présenter le nouveau projet de loi concernant l'organisation judiciaire. Le personnel de la cour d'appel de Liège a un besoin pressant d'élre augmenté dans l'intérêt des justiciables. Il en est de même du personnel du tribunal de Dinant. La prompte expédition des affaires et la bonne administration de la justice réclament immédiatement les augmentations que je signale, et sous ce rapport, je ne saurais assez recommander à M. le ministre la présentation du projet qu'il nous a annoncé pendant la session dernière.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, j'ai reçu il y a quelque temps le résultat de l'information générale que j'ai ordonnée sur les besoins du personnel judiciaire des divers ressorts de cours (page 156) d'appel. Les rapports concernant les divers tribunaux dont vient de parler l'honorable M. Lelièvre ont été transmis à la commission d'organisation judiciaire, qui travaille avec suite et qui avance dans son travail ;; le mercredi de chaque semaine elle consacre plusieurs heures à l'élaboration d'un projet de loi où les questions de personnel seront résolues. Je suis persuadé que dans un délai assez court nous aurons obtenu un résultat que je puisse soumettre à l'appréciation de la Chambre.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'article unique du projet, qui est adopté par 55 voix contre 1.

Ont voté l'adoption : MM. Orts, Rogier, Rousselle (Ch.), Thiéfry, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.). Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Haerne, de La Coste, Deliége, de Mérode (F.), de Naeyer, de Perceval.

M. Pirmez a voté le rejet.

M. Pirmez. - M. le président, je me suis trompé : je voulais voter pour le projet.

Proposition de loi modifiant la loi sur les pensions des veuves et des orphelins des employés de l'Etat

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose le rejet de cette proposition. La discussion générale est ouverte.

M. Julliot. - Messieurs, la proposition de loi qui nous est soumise offre assez d’intérêt pour qu'elle soit un peu discutée.

Je dirai même, que quoiqu'elle se présente dans des termes très restreints, elle est néanmoins très importante au point de vue des sciences morales et politiques.

Il est nécessaire de débattre le mérite relatif de toutes ces aspirations généreuses, qui se produisent avec tant de facilité, alin de constater à quel point elles sont justes et d'utilité pratique pour la société.

Ces élans généreux je ne les repousse pas tous, il s'en faut ; je favorise au contraire, quand je le puis, ceux qui ont pour objet la solidarité libre, l'égalité devant la loi ; mais je repousse tous ceux qui se rapprochent du caractère de cette solidarité forcée dont le principe a pour mission de créer l'égalité dans les bourses.

La proposition qui nous est faite nous montre un mal et nous propose d'y remédier par des moyens préventifs ; à nous la tâche d'étudier si ce remède fera réellement disparaître ce mal, ou si tout au plus il est capable de le déplacer, et dans ce dernier cas, nous ne voterons pas la loi, car elle serait inutile sinon nuisible.

L'article 55 de la loi du 21 juillet 1844 statue que : Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension. Et cette restriction se comprend.

La pension n'est accordée à la veuve qu'en vue des services rendus par son mari, chef de cette famille, son soutien et son gagne-pain, soutien que par son veuvage elle perd.

Mais quand la veuve recouvre un nouveau soutien, elle brise avec la mémoire du premier mari, et l'abandon où elle se trouvait disparaît.

Cela est si vrai, qu'aux termes mêmes des statuts de la caisse des pensions, la modification dans la famille par ce second mariage est si profonde, que les enfants du premier lit sont envisagés par la loi comme orphelins et entrent de plein droit dans la pension de la ci-devant veuve ; il n'y a donc plus d'ombre de droits acquis pour la veuve qui se remarie, qu'elle ait des enfants ou qu'elle n'en ait pas.

Cette caisse de retraite est instituée au point de vue exclusif du veuvage, et les femmes qui ne sont plus veuves sont égales devant cette caisse à celles qui ne le sont pas encore, ni les unes ni les autres n'ont l'ombre d'un droit acquis sur cette caisse.

Vous ne pouvez rien donner à la veuve remariée sans le prendre en plus au fonctionnaire tributaire de la caisse, à moins que vous ne vous adressiez au trésor de l'Etat. Alors l'injustice sera la même, seulement elle atteindrait la généralité.

Une première conséquence de l'adoption de la proposition, la voici :

C'esl qu'une femme qui épouserait successivement deux ou trois fonctionnaires deviendrait au décès du dernier une rentière opulente sans avoir fait d'épargnes, et réunirait différentes pensions à la charge des employés en fonction.

J'avoue que vous créeriez un nouveau métier assez lucratif, celui d'épouser de vieux fonctionnaires ; mais dans ce cas, vous aurez prévenu la séduction éventuelle de la veuve pour produire la séduction calculée des vieillards et des infirmes. Est-ce bien à cette triste prose que vos illusions tendent à aboutir ?

Néanmoins, en 1851-1852, une ou deux veuves pensionnées autrefois s'étant remariés depuis assez longtemps déjà et qui probablement ne trouvaient pas dans ce second lien les mêmes ressources financières qu'elles avaient eues dans le premier, adressèrent des pétitions à la Chambre pour obtenir la réintégration dans leur pension.

Ces pétitions furent appuyées.

La partie de la presse qui se croit principalement la mission d'obliger la société à pourvoir de par l'Etat à tous les besoins individuels, cette presse qui ne voit habituellement qu'un côté de la question, qui exècre tous les impôts en général et chacun en particulier tout en exigeant des traitements, des pensions et des distributions sur la plus large échelle ; cette presse fit assez de bruit à l'occasion de ces pétitions pour éveiller l'attention et intéresser une partie du public au malheur des veuves, privées de leur pension, quand elles convolaient en secondes noces.

Et le 3 avril 1852, l'initiative parlementaire nous dota d'une proposition de loi en quatre articles, tendant à conserver aux veuves remariées une grande part de leur pension.

Le côté le plus sérieux en apparence de l'exposé des motifs le voici :

« 1" Le second mariage n'est pas en soi un acte immoral que les lois puissent réprouver. »

Mais la loi de 1844 ne punit pas les seconds mariages, mais elle décrète que quand les causes qui ont fait naître l'effet, qui est la pension, disparaissent, l'effet doit disparaître en même temps puisqu'il n'a plus la raison d'être.

« 2° Le second mariage ne change en rien l'élévation ni la durée de la pension. »

Non, mais la loi alors la supprime pour les raisons qui sont déjà déduites.

« 3° Forcer une femme à ne présenter pour apport dans une seconde union que le retrait de ses moyens d'existence, c'est rendre cette union souvent impossible, et alors il peut arriver que la passion entraînera ceux qui sont séparés par la loi, à s'unir par la passion. »

Vous trouvez déjà la réfutation de ces motifs dans les annexes, réfutation à mon point de vue très concluanle. J'essayerai de la compléter encore.

Vous voyez donc, messieurs, que les honorables signataires de la proposition n'ont consulté que leur philanthropie, leur désir d'améliorer la société et de combattre sur un point déterminé l'immoralité, et si je pouvais admettre que dans l'application de la science gouvernementale il faille que le cœur domine la tête, je pourrais me joindre à ces honorables membres sans néanmoins que ma poésie prît la même direction, car je n'admets pas que les rêves, les illusions et les dangers aient pu abandonner la jeune fille pour s'installer chez la veuve, cela n'est pas naturel.

Du reste, la proposition qui nous est faite honore le sentiment qui l'a fait naître, mais le dénouement en est un peu inextricable.

Par leur première proposition qui s'adressait à toutes les veuves sans distinction, les honorables membres n'ont vu que l'effet qu'ils allaient produire sur la moralité des veuves sans s'apercevoir qu'ils agissaient en sens inverse sur la moralité des jeunes filles, qui, aussi, ont leurs passions et sont même plus dignes d'intérêt, car le mariage pour elles, c'est l'inconnu.

Si, par votre intervention, vous procurez un mari à une veuve, que devienl la fille à laquelle ce mari était destiné si vous ne vous en étiez pas mêlé ? Vous avez facilité un mariage impossible sans votre intervention. Eh bien, par cet acte même vous en avez rendu un autre impossible qui probablement ne l'était pas ; où donc est le bénéfice ? car il n'y a pas de maris pour toutes les femmes. Si donc vous favorisez le mariage des veuves, vous contrariez celui des filles. Cela me paraît irréfutable ; et à moins de vouloir travestir les veuves en rosières, nous ne voterons pas cette loi.

Comment ! vous demandez à la caisse, de retraite ou au trésor de l'Etat qui devra suppléer une fois le principe admis, des primes d'assurance contre l'immoralité éventuelle et peu probable des veuves, et vous passez froidement à côté de toutes ces misérables chez lesquelles vos primes en balayant la misère rappelleraient la moralité ! C'est là que l’impôt que vous demandez serait efficace, car l'application n'en serait pas hypothétique comme elle l’est à vos veuves. Mais vous ne le ferez pas.

Messieurs, à cette première proposition des observations furent faites ; le ministre des finances démontrait qu'en ce qui concerne les veuves ayant des enfants, le projet avait pour résultat direct la spoliation des mineurs de la pension que leur accordent les statuts de la caisse de retraite et que cette spoliation avait lieu au profit de la nouvelle communauté dont le parâtre serait le maître.

Aussi, à cette découverte les honorables auteurs reculèrent et au lieu de retirer leur proposition ils la bornèrent aux veuves sans enfants. Vous voyez que le terrain se trouve déjà rétréci. Aussi la première fois ils virent toutes les veuves ; la seconde ils n'en virent plus que la petite moitié.

Et avec l'intelligence que nous connaissons à ces honorables membres, s'ils y avaient regardé une troisième fois et de près, ils n'auraient plus rien vu du tout. C'est-à-dire qu ils auraient démêlé l'ensemble de ce mécanisme social dans lequel on peut déplacer le mal, même l'aggraver, mais non pas l'amoindrir ni le faire disparaître de par la loi d’impôt.

Laissons donc faire vos remèdes sont impuissants et laissons passer les veuves sans les arrêter pour nous interposer entre elles et leurs maris futurs. C'est la besogne de la famille.

On me répondra encore que c'est de la théorie, qu'on ne veut pas de la théorie. Mais la théorie n'est que l'ensemble des principes.

On déclarera donc qu'on n'a pas de principes, et on s'en vantera, c'est-à-dire qu'on se contentera de prendre ses idées dans le courant populaire, qu'il soit aveugle ou clairvoyant.

(page 157) A ce prix, chacun de nous qui aura vu une misère ou un danger individuel, viendra faire des phrases sentimentales à cette tribune, et proposer une loi au point de vue de cet individu, mais où cela nous conduirait-il ? Ne désirant pas me lancer sur cette pente, je voterai avec la section centrale.

Un mot sur le système des pensions en général.

Je ne suis pas convaincu qu'il soit utile de forcer le fonctionnaire à faire de la prévoyance plutôt sous une forme que sous une autre.

Je n'approuve le système de la pension que pour le prêtre et le soldat, le premier parce que sa mission charitable s'oppose à l'épargne et parce que la société l'a dépouillé des biens dont il jouissait ; le second parce que sa manière de vivre s'oppose à faire de la prévoyance et que tous les jours il est exposé à perdre sa santé au service de son pays.

Mais que la société reconnaisse que le premier manant venu a assez d'intelligence et de prévoyance pour qu'elle ne s'en préoccupe pas, que d'autre part le fonctionnaire le plus élevé ne peut inspirer la même confiance, il faut lui donner l'Etat pour conseil, il est sous la suspicion de prodigalité.

Eh bien, messieurs, ce système consacre des inégalités choquantes, le célibataire chargé de l'entretien d'une mère et de sœurs doit pourvoir à la pension de la veuve et des enfants qui ne le regardent pas, et les maris ne font rien pour la pension des mères ni des sœurs du célibataire.

Tout cela n'est pas juste et je voudrais voir une bonne réforme dans cette matière. J'ai dit.

M. Lelièvre. - L'honorable M. Destriveaux dont nous regrettons tous si vivement la porte, mû par la générosité de son cœur et les sentiments qui le caractérisaient, vous avait soumis une proposition ayant pour objet de faire disparaître les dispositions législatives qui privaient de leur pension les veuves convolant en secondes noces.

Après la mort de notre honorable collègue, cette proposition fut maintenue et elle est en ce moment soumise à vos délibérations.

J'ai cru devoir, en section centrale, défendre le principe de la proposition, en tant qu'elle soustrait à la perte de la pension la veuve sans enfant qui croit devoir passer à de secondes noces, et c'est ce système que je défends encore en ce moment pour des motifs que vous apprécierez.

Dans l'hypothèse que je viens d'énoncer, je ne vois aucun motif de frapper d'une véritable peine la veuve qui a cru devoir contracter une nouvelle union.

Les lois qui avaient établi des peines contre les secondes noces ne statuaient en ce sens que quand il existait des enfants issus du premier mariage.

En ce cas, on conçoit la sollicitude du législateur à créer des obstacles à une nouvelle union qui très souvent est une cause de ruine pour les enfants du premier lit et de division des familles. Mais lorsque le premier mariage s'est dissous sans enfants, une seconde union ne présente rien d'odieux ni de défavorable, et l'on ne voit pas dès lors à quel titre la veuve devrait perdre le droit qu'elle a acquis à une pension !

Cette privation consacrerait même une injustice évidente ; en effet, le droit à la pension a été acquis à la veuve à titre onéreux au moyen de retenues au profit de la caisse des veuves sur le traitement du premier époux dont le produit faisait partie de la communauté existant entre sa femme et lui. Il est donc vrai que la pension a été acquise au moyen de deniers communs à la veuve. Or, ayant ainsi contribué de ses fonds aux versements qui donnent droit à la pension, elle ne peut être privée de celle-ci sans injustice, puisque en passant à de secondes noces, elle pose un acte légitime approuvé par les mœurs et les lois.

Lorsqu'on a établi la peine que la proposition en discussion veut faire disparaître, on a perdu de vue que la pension décrétée en faveur des veuves n'est qu'un acte de stricte justice puisqu'elles l'ont acquise à titre onéreux ayant contribué aux versements faits à la caisse qui doit subvenir à la pension. Par conséquent, la privation contre la veuve qui se remarie est une prescription qui blesse le droit et l'équité.

Du reste, astreindre les veuves au célibat, lorsqu'elles n'ont pas retenu des enfants de leur mariage, c'est réellement favoriser des unions illégitimes, qu'un législateur prudent doit prévenir par tous les moyens possibles.

Enfin, semblable disposition est contraire à l'économie de nos lois civiles. Il est bien certain que la défense de contracter un second mariage, en cas de non enfants, énoncée dans un acte de dernière volonté serait réputée non écrite, comme contraire aux mœurs et à l'ordre public.

Or, il y aurait anomalie et inconséquence de la part du législateur à considérer comme devant entraîner une peine et des conséquences fâcheuses (la privation d'une pension), un fait tellement légitime qu'on considérerait comme illégale et non écrite l'injonction du fait contraire.

Les lois doivent être mises en harmonie les unes avec les autres, et il faut toujours éviter que les lois spéciales ne portent atteinte aux règles générales du droit civil.

Or, je ne vois pas comment on pourrait justifier l'expropriation de la pension contre une veuve qui, en se remariant ne fait qu'user d'un droit sans blesser celui de personne.

Je ne vois pas sous quel prétexte on pourrait lui ravir un bénéfice légitimement acquis par elle, puisqu'elle avait une juste part comme commune en biens dans les sommes au moyen desquelles la pension a été obtenue.

Telles sont les considérations qui me déterminent à appuyer la proposition de feu M. Desltiveaux amendée dans le sens que j'ai exposé, et je suis convaincu que la Chambre lui donnera la sanction de son vote.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, il est reçu par tous les législateurs sages qu'il convient de ne modifier les lois qu'alors qu'une nécessité absolue ou des abus existants exigent la modification de ces lois et à plus forte raison celles relatives aux finances. Or, ici l'on vous propose de modifier l'article 55 de la loi sur les pensions. Je ne m'arrêterai pas à la question financière qui a été traitée avec tant de lucidité et de talent par M. le ministre des finances. Dans les développements donnés à l'appui de cette proposition de loi, on a tâché d'établir que les dispositions relatives à la caisse des veuves étaient en opposition avec les dispositions du Code civil ; eh bien, je crois que je n'aurai pas de peine à vous prouver tout le contraire.

Je lis dans les développements les lignes suivantes :

« Rapprochons la portée de la loi de l'article 55 des lois du 21 juillet 1844 et du 17 février 1849 :

« Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension. »

« Il n'y a rien là de conditionnel, tout est absolu, définitif ; et s'il y a des enfants mineurs du premier mariage, il n'y a pour eux ni adoucissement, ni expectative.

« Le second mariage n'est pas cependant en soi un acte immoral que les lois puissent réprouver, encore moins punir.

« L'individu frappé de mort civile était encore capable de recevoir, par testament, à titre d'aliments (article 25 du Code civil) ; la rente viagère ne s'éteignait pas par la mort civile du propriétaire, le payement devait en être continué pendant sa vie naturelle (article 1982 du Code civil), et ce que ne permettait pas le Code civil, dans le cas de mort civile, ce que n'autorise qu'avec adoucissement la loi de 1844, en cas de condamnation à une peine infamante, la même loi le prononce sans appel en cas du second mariage de la femme.

« Sur quoi se fonde donc une pareille sévérité, etc ? »

Je prendrai, à mon tour, la liberté de rapprocher la disposition de l'article 55, des articles 584, 586 et 595 du Code civil. J'ai examiné, à cet effet, les motifs que le législateur du Code civil a fait valoir à cette époque. Vous vous rappellerez, messieurs, que ces articles ont surtout trait à la tutelle et aux droits d'usufruit que la veuve conserve sur les propriétés de ses enfants mineurs ; eh bien, dans l'un et l'autre cas, le Code civil a supprimé d'abord l'usufruit.

- Un membre. - La proposition a été restreinte aux veuves sans enfants, il ne s'agit plus de la question primitive, on abandonne cette partie de la proposition : quand il y a des enfants.

M. Vander Donckt. - La proposition primitive est soumise à la discussion, elle a été traitée ainsi en section centrale, je la traite d'abord ainsi, je reviendrai tantôt à celle restreinte aux veuves sans enfants, c'est bien pis encore.

« Art. 205. Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère, et autres ascendants qui sont dans le besoin. »

« Art. 206. Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère ; mais cette obligation cesse : 1° lorsque la belle-mère a convolé en secondes noces ; 2° lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants de son union avec l'autre époux, sont décédés. »

« Si les père et mère sont obligés de nourrir leurs enfants, les enfants sont obligés à leur tour de nourrir leurs père et mère.

« L'engagement est réciproque, et de part et d'autre il est fondé sur la nature.

« Les gendres et les belles-filles sont soumis à la même obligation envers leurs beau-père et belle-mère. Cette obligation cesse : 1° dans le cas où la belle-mère a contracté un second mariage ; lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants de son union avec l'autre époux, sont décédés. »

« Art. 386. Cette jouissance n'aura pas lieu au profit de celui des père et mère contre lequel le divorce aurait été prononcé, et elle cessera à l'égard de la mère dans le cas d'un second mariage. »

« Enfin, une dernière disposition prononce que cette jouissance cessera à l'égard de la mère dans le cas d'un second mariage. Quelques motifs parlaient en faveur des mères qui ne se marient que pour conserver à leurs enfants l’établissement formé par leur père, mais cette exception ne peut effacer l'inconvenance qu'il y aurait à établir en principe que la mère peut porter dans une autre famille les revenus des enfants du premier lit, et enrichir ainsi, à leur préjudice, son époux. »

« Sans vouloir frapper de défaveur ces secondes unions qui, dans les campagnes et chez les artisans, ont souvent pour objet de rendre un nouveau protecteur à des orphelins, il en résulte toujours que la femme passe dans une nouvelle société. »

Vous voyez donc que le Code civil a fait aussi une distinction très essentielle entre les veuves qui convoient en secondes noces et les autres et que la jurisprudence des statuts de la caisse des veuves est en parfaite harmonie avec la jurisprudence qui a présidé à nos lois civiles.

Maintenant les auteurs de cette proposition de loi ont modifié leur proposition en la restreignant aux veuves sans enfants. Or, vous comprenez qu'en continuant à payer la pension aux veuves qui auraient convoie en secondes noces, on constituerait un privilège.

(page 158) Mais le privilège devient exorbitant quand il s'agit de l'appliquer à une classe de veuves, à celle des veuves sans enfants. Comment, dans tous les siècles, dans tous les pays on a constamment honoré les veuves avec des enfant ; et c'est à celles qui n'en ont pas que vous voulez accorder des faveurs et préjudicier les autres. Je vais faire une simple comparaison. Je suppose deux veuves dont l'une a des enfants, l'autre n'en a pas ; elles sont voisines ; toutes deux sont demandées en mariage ; toutes deux convolent en secondes noces ; celle qui n'a pas d’enfants conserve sa pension ; sa voisine qui a des enfants perd la sienne. Faire ce seul rapprochement, c'est vous dire que vous ne pouvez pas adopter ce projet, car, je le répète, dans tous les temps et dans tous les pays, on a eu des égards pour la fécondité des femmes. Il est reçu en proverbe : La Providence a béni cette union, veut dire qu'il y a des enfants. La stérilité, au contraire, a constamment été considérée comme une malédiction du Ciel.

Et vous iriez, au rebours de cette vieille et sainte tradition, favoriser les veuves sans enfants au préjudice de celles qui en ont ! C'est inadmissible. L'absurdité serait plus forte encore que celle que les auteurs de la proposition primitive ont fait valoir dans leurs motifs. Qu'en serait-il alors si l'enfant unique de cette veuve devient malade ? Aura-t-elle encore les mêmes soins, la même tendresse maternelle pour cet enfant qui est un obstacle à la conservation de sa pension ou à son nouveau mariage ?

Les auteurs du projet se sont appuyés sur une considération de moralité. Ils ont prétendu qu'il était immoral d'empêcher de jeunes veuves de convoler en secondes notes. La moralité ne peut pas entrer dans les motifs de l'objet qu'on se propose.

Quant vous aurez accordé la continuation de sa pension à la veuve qui se remarie, si elle a une mauvaise conduite, n'aurez-vous pas ajouté au scandale qu’elle causera en lui donnant une pension ? Et quel moyen aurez-vous de les contraindre à suivre le chemin de l'honneur, à contenir leurs passions ? Et pour le cas où il serait possible d'établir une statistique sur les veuves ou les femmes de fonctionnaires qui se conduisent avec honneur, et celles qui ne le font pas, on verrait que les femmes qui ne se sont pas bien conduites pendant leur premier mariage ne se conduisent pas mieux pendant leur veuvage ou pendant leur second mariage ; et vous ajoutez au scandale de celles qui se conduisent mal en leur donnant une pension ! Il me semble qu'on ne peut pas adopter le projet de loi qui nous est soumis. Je voterai dans le sens du rapport de la section centrale.

M. Dumortier. - Une chose m'a toujours frappé, dans l'examen du projet qui nous a été soumis par feu notre respectable doyen d'âge : c'est la position inégale que la loi fait à la femme veuve et à l'homme veuf. Un homme veuf est pensionné, il peut se remarier, sans perdre ses droits à la pension ; mais une femme pensionnée et veuve aussi ne peut se remarier sans perdre ses droits à la pension.

Il y a là une inégalité choquante ; du moins je ne puis la comprendre. Il me semble que la loi, dans cette hypothèse, a deux poids et deux mesures, en autorisant le remariage du pensionné veuf et en privant de sa pension la veuve pensionnée qui veut se remarier.

J'avoue que je ne conçois pas la raison de ce double système. S'il est vrai qu'une femme veuve doive perdre sa pension quand elle se remarie, vous devez en agir de même pour l'homme veuf, privez-le de sa pension s'il se remarie.

On dit : Les droits à la pension lui sont personnels, ils ont été acquis par ses services. Je suis opposé en principe aux pensions, mais puisque la loi est votée, je me soumets à la décision de la législature.

Mais je ne veux pas deux poids et deux mesures. Pourquoi donne-t-on une pension à la veuve du fonctionnaire ? Parce qu'elle a été associée à son mari pendant sa vie de fonctionnaire public ; elle a par là acquis certains droits, ces droits doivent être respectés pour la femme comme pour le mari.

Remarquez que la veuve est celle qui a perdu le plus par la mort de son mari ; quand plus tard vous lui permettez de se remarier, vous ne causez préjudice à personne au trésor ou à la caisse. Les jours de tout le monde sont comptés.

Qu'elle se remarie ou qu'elle ne se remarie pas, sa pension devra lui être payée ni plus ni moins longtemps. La seule chose que je ne veuille pas, c'est le cumul de plusieurs pensions ; je n'admets pas qu'on puisse cumuler plusieurs pensions, en avoir une seconde, une troisième, une quatrième, faire une spéculation comme disait l'honorable M. Julliot. Mais puisque la veuve, une fois sa pension accordée, doit la conserver jusqu'au jour de sa mort si elle ne se remarie pas, pourquoi lui interdire de se remarier sous peine de perdre sa pension ?

Cela ne me paraît ni logique ni moral. Si vous voulez supprimer les pensions de veuves, faites-le ; mais du moment que vous leur en accordez, quelle se remarie, ou non, qu'est-ce que cela vous fait ? Vous n'avez pas le droit de voir ce qu'elle devient ; ce que vous avez le droit, de faire, c'est d'empêcher le cumul de plusieurs pensions par plusieurs mariages.

Mais vous ne pouvez pas dire à la veuve pensionnée, qu'elle ait ou non des enfants ; Vous n'avez pas le droit de convoler en secondes noces, la loi vous le défend, sous peine de perdre votre pension.

Si elle a des enfants vous devez sauvegarder leurs droits ;; mais quant à elle, vous devez lui conserver la pension qui lui est acquise, qu'elle se remarie ou quelle ne se remarie pas. Voilà tout ce que vous pouvez faire ; aller au-delà, c'est une punition que vous infligez ; or il n’entre pas dans les devoirs d'un pouvoir législatif d'infliger une punition au fait de se remarier.

Je pense donc qu'il faut admettre le preijet, mais en le modifiant en ce sens que la veuve ne pourra pas cumuler sa pension avec toute autre qu'elle pourrait acquérir du chef de son nouveau mariage.

Elle restera dans la même position qu'avant ; de même qu'on maintiendra les droits des orphelins sur le même pied qu'avant le mariage. Au point de vue de la caisse, rien ne sera changé. Vous n'avez aucun droit d'empêcher une veuve de se remarier. Sa position vis-à-vis de la caisse reste la même puisqu'elle devait toucher sa pension jusqu'à sa mort.

Eh bien, dès que vous n'empirez pas la position de la caisse et que vous maintenez aux orphelins du premier lit tous leurs droits à la pension, vous n'avez aucun motif pour empêcher la veuve de se remarier. C'est porter atteinte à la liberté individuelle de la femme mariée.

Sauvegardez les droits de la caisse et les droits des orphelins. Fort bien ! Mais évidemment vous ne nuisez à personne en laissant à la veuve le droit très légitime de se remarier.

M. Van Overloop. - Voici comment s'exprimait M. de Haussy, rapporteur de la loi de 1844, au sénat :

« Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension. Cet article n'a pas besoin de justification : il est devenu, en effet, une disposition de principe, que l'on retrouve dans les statuts et règlements de toutes les institutions de prévoyance de cette nature. »

Si mon honorable collègue, M. Dumortier, avait réfléchi aux motifs qui ont déterminé le législateur de 1844, il est incontestable qu'il ne serait pas tombé dans les hérésies dans lesquelles il me paraît être tombé.

Pourquoi le législateur a-t-il accordé une pension sur le trésor public aux fonctionnaires ? Parce qu'il a cru qu'il y avait obligation morale dans le chef de l'Etat de ne pas abandonner, sans ressources à la fin de sa carrière, un homme qui avait rendu des services au pays.

Voilà le motif déterminant de la loi de 1845, en ce qui concerne le fonctionnaire.

En ce qui concerne les veuves et les orphelins, qu'a-t-on voulu faire ? L'exposé des moifs, le rapport fait par l'honorable M. Malou au nom de la section centrale de la chambre, le rapport fait par l'honorable M. de Haussy, au nom de la commission du Sénat, sont là pour constater que le législateur a surtout voulu parer aux inconvénients qui résultaient de l'imprévoyance des fonctionnaires, c'est-à-dire qu'il a voulu faire en sorte que le fonctionnaire fût forcément prévoyant, en ordonnant de faire, sur son traitement, une retenue destinée à assurer un avenir à sa veuve et à ses enfants.

Qu'a fait le législateur dans ce but ? A-t-il créé des pensions de veuves à charge du trésor public ? Du tout ; il a consacré le principe de l'institution de caisses de veuves et orphelins. Il n'a pas consacré le principe de l'institution de caisses de veuves, orphelins et femmes remariées.

Qu'est-ce que ces caisses ? Des tontines. Cette seule observation répond aux objections de l'honorable M. Lelièvre.

Est-il question de punir, par la privation de sa pension, une veuve qui se remarie ? Est-ce de cela qu'il s'agit ? Aucunement. Il est question de veuves dont les époux ont contribué, par des retenues, à alimenter une caisse tontinnière pour assurer des ressources à leurs épouses survivantes, à des conditions données et connues de leurs épouses ; il est question de savoir si ces veuves peuvent continuer à jouir de ces ressources, tout en ne respectant pas les conditions auxquelles elles leur ont été accordées. Or, au nombre de ces conditions se trouve celle de ne point se remarier. (Interruption.) C'est évident !

M. Dumortier. - C'est immoral !

M. Van Overloop. - C'est si peu immoral que c'est une doctrine-principe.

Remarquez que la loi de 1844 est l'œuvre, en définitive, d'un examen bien long, bien sérieux du pouvoir législatif. Dès 1838, le gouvernement avait soumis à la chambre un projet de loi sur les pensions ; il avait été adopté au premier vote et rejeté au second. Ce n'est qu'en 1844 que les pensions oui été définitivement réglées. C'est alors que le législateur a consacré le principe de l’institution des caisses, il en a abandonné l'organisation au gouvernement, tanl il trouvait la matière difficile. Le gouvernement a, en conséquence, organisé les caisses.

El l'on voudrait aujourd'hui, alors que ces caisses ont à peine fonctionné pendant neuf ans, alors que l'expérience n'est pas complète, modifier leurs conditions d’existence ? On le voudrait alors qu'on ignore si elles ont des ressources suffisantes pour servir les pensions qu'elles sont destinées à payer. (M. le ministre des finances fait un signe d'adhésion.)

Je suis heureux de voir que l'honorable ministre des finances partage ma manière d'apprécier le projet de loi que nous discutons. Lui qui connaît la situation des caisses, atteste qu'on ignore si elles sont assez riches pour satisfaire à toutes leurs obligations ; et c'est alors que vous iriez apporter à leurs conditions d'existence un changement fondamental ; je dis fondamental, car le législateur est toujours parti de cette idée que l'Etat ne doit rien aux veuves ni aux orphelins.

Il a, je le répète, seulement voulu contraindre les fonctionnaires à subir des retenues pour qu'après eux leurs veuves et leurs orphelins ne se trouvent pas sans ressources, mais il n'a voulu cela qu'en faveur des veuves.

Si le système de l’honorable M. Destriveaux venait à prévaloir, pourquoi ne demanderait-on pas que l'orphelin, infirme, hors d'état de (page 159) gagner sa vie, continuât de jouir de sa pension, même après avoir atteint sa dix-huitième année ?

Quand la veuve se remarie, pourquoi perd-elle ses droits à la pension ? Parce qu'aux termes du Code civil, c'est le mari qui doit pourvoir à l'entretien de sa femme. Pourquoi voudrait-on de l'intervention de l'Etat après le convoi en secondes noces ?

L'idée des auteurs du projet de loi est généreuse ; je regrette de ne pouvoir m'y associer. Mais, comme l'a fort bien dit mon honorable collègue et ami M. Julliot, nous ne devons pas écouter exclusivement nos sentiments, nous devons aussi écouter notre raison.

M. Mercier. - L'honorable préopinant a singulièrement abrégé la tâche que je m'étais proposée en demandant la parole. Comme il en à fait la remarque, c'est au principe même de la loi qu'il faut remonter pour se prononcer sur la question qui nous est soumise. La loi de 1844 ayant été votée sur ma proposition, j'ai cru devoir appeler l'attention de la chambre sur les principes qui en forment la base. Elle consacre les droits des employés à une pension de retraite et déclare en outre qu'au moyen de retenues à opérer sur leur traitement, des caisses de retraite seront créées en faveur des veuves et des orphelins de serviteurs de l'Etat.

C'est donc au moyen de sacrifices imposés aux fonctionnaires, que les veuves et les orphelins obtiennent une pension. La loi elle-même stipule que « la veuve qui se remarie perd ses droits à la pension. » Elle pouvait le faire avec équité, puisque cette pension ne trouve son origine que dans les retenues imposées sur le traitement du mari. Elle l'a fait d'ailleurs pour ne pas aggraver les charges à imposer aux employés qui pour la plupart n'ont que de faibles traitements, à peine suffisants pour pourvoir à leur existence et à celle de leur famille.

Je ne vois d'ailleurs rien d'insolite à faire cesser la pension lorsque la veuve se remarie : dans beaucoup de contrats de mariage il est stipulé certains avantages avec cette clause que le survivant des époux cessera d'en jouir s'il se remarie. La loi sur les pensions n'a pas fait autre chose.

En tout cas, les veuves remariées qui ont adressé des réclamations à la Chambre ne pourraient jouir d'une pension, quand même la législation serait modifiée conformément à la proposition de quelques-uns de nos honorables collègues, car vous ne pouvez pour le passé imposer aux fonctionnaire des sacrifices au-delà des limites qui ont été fixées lors de l'institution de la caisse, c'est-à-dire au-delà des conditions du contrat.

Ce contrat existe. Vous pouvez en modifier pour l'avenir les conditions. Mais vous ne pouvez leur donner un effet rétroactif en accordant aux veuves d'employés déjà décédés, qui se remarieraient, des avantages qui, maintenant, ne leur sont pas attribués.

Les réclamantes ne pourraient donc jouir du bénéfice de la modification de la loi, si elle était admise. Au surplus, cette modification dérogerait non seulement à la loi de 1844, mais aux anciens règlements, qui accordaient des pensions aux veuves aussi bien qu'aux fonctionnaires, avec le concours de l'Etat ; bien loin qu'un principe nouveau ait été introduit dans la loi de 1844 sous ce rapport, il est à remarquer qu'aujourd'hui l’Etat n'intervient en rien pour la pension des veuves et des orphelins, qui est entièrement à la charge des fonctionnaires eux-mêmes.

Je vote par ces considérations contre la disposition qui nous est soumise.

M. Coomans. - Messieurs, quoique l'un des auteurs de la proposition, je puis me borner à très peu de remarques après l'excellent discours que vous avez entendu de la bouche de l'honorable M. Lelièvre.

Il y a une vingtaine de bonnes raisons à invoquer en faveur du principe de la proposition de loi, et il n'y a qu'une objection sérieuse à y faire : c'est la perte qui pourrait résulter pour les caisses de l'adoption de ce principe.

Cette objection est très sérieuse ; elle l'est au point que je n'adhérerais au principe même qu'à la condition qu'elle fût complètement écartée. (Interruption.) Je n'ai pas entendu une autre objection qui méritât la peine d'être relevée. Si vous sauvegardez les intérêts de la caisse, quel motif auriez-vous encore de vous opposer à l'adoption du principe que nous proposons ? Aucun. Là donc, comme le dit l'honorable M. Mercier, est toute la question. La question est de savoir s'il y a moyen d'adopter en principe le projet de loi sans léser la caisse.

Messieurs, la question ainsi posée, c'est surtout au gouvernement à être juge, de sa solution, parce que les éléments de cette solution sont entre ses mains. Les auteurs du projet de loi ont proposé que la retenue à opérer sur les pensions des veuves saus enfants fût d'un quart, d'un tiers même. Pour ma part, je ne m'oppose pas à ce qu'on augmente encore la retenue, si l'intérêt de la caisse l'exige. J'accorde que la retenue doit être telle que la caisse ne puisse pas faire de perte.

Mais, je le répèle, c'est une question de fait dont le gouvernement est le meilleur juge. Pour ma part j'adhérerais volontiers à une modification du projet de loi, qui consisterait dans l'autorisation donnée au gouvernement de permettre exceptionnellement le mariage des veuves pensionnées sans enfants, à la condition d'opérer une retenue, qui serait d'un tiers au moins.

Je soumets cette idée aux honorables auteurs de la proposition, à M. le ministre des finances, ainsi qu'à la Chambre entière. Nul ne peut assurer dès à présent que la caisse sera lésée. Il s'agit donc d'examiner ultérieurement s'il est possible d'adopter un principe que vous proclamez genéreux et moral. Je suis persuadé que non seulement le tiers ou la moitié de la pension suffirait pour indemniser largement la caisse, et que cette retenue lui accorderait même des avantages réels.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il m'est impossible de me rallier au projet de loi dont la Chambre est saisie par l'initiative de l'honorable et regrettable M. Destriveaux.

Il n'est pas inutile, messieurs, pour apprécier ce projet de loi, de jeter un coup d'œil rétrospectif sur l'institution des caisses des veuves et orphelins.

Je crois, messieurs, que ce qui a provoqué les études qui ont amené ce projet de loi, ce sont les faits qui se sont présentés au département des finances avant 1844 et notamment dans les premièresaunées de notre émancipation politique. Ceux qui ont fait partie de la Chambre à cette époque se rappelleront encore que chaque année on venait réclamer ici du trésor public, des subsides pour venir en aide à l'insuffisance de la caisse des veuves et orphelins du département des finances, supplément qui s'élevait parfois jusqu'à 200 mille francs par an ; tant il y a qu'en additionnant toutes les sommes qui depuis 1830 ont été demandées à la législature et prises sur le trésor public pour compléter le déficit de la caisse du département des finances avant l'existence de la loi actuelle, on arrive à l'énorme somme de 6 millions de francs.

En présence de cet état de choses, les différents ministères qui se sont succédé ont mis à l'étude l'établissement de caisses qui na fussent plus à l'avenir une charge pour le trésor public ; on voulut, en un mot, mettre un terme à ces suppléments successifs demandés à la législature pour aider le service des caisses ; et après bien des études, bien des hésitations, on a cru, en 1844, avoir trouvé le mot de l'énigme. On a institué une espèce de tontine tout à fait en dehors du trésor public et organisée de telle manière que jamais elle ne pût devenir une charge du trésor public.

Lisez le rapport fait par l'honorable M. Malou ; vous y verrez qu'il y a même eu partage dans les sections ; voulant en finir à tout jamais avec ces pensions qui venaient grever le trésor public, une partie de la chambre demandait que l'Etat n'intervînt pas même à titre de patronage dans les tontines pour les veuves et orphelins. Que chacun fasse des économies comme il l'entendra, disaient certaines sections, que les pères de famille soigneux fassent des économies pour leurs veuves et leurs orphelins, mais que l'Etat ne s'en mêle pas.

D'autres disaient que par respect pour les veuves des anciens fonctionnaires, il convenait que tout au moins l'Etat acceptât le patronage en quelque sorte de l'institution nouvelle.

C'est à ce titre, et à ce titre seulement, que l'Etat a organisé la caisse des veuves et orphelins, qui est une véritable tontine, une espèce d'assurance mutuelle pour les veuves et les orphelins, tontine obligatoire ; voilà la seule différence entre celle-ci et celles qui existent en dehors du patronage du gouvernement.

Messieurs, lorsque les conditions de ces tontines furent examinées et discutées, il resta encore quelques doutes dans l'esprit de cette Chambre, à savoir si dans certaines éventualités elles ne pouvaient pas devenir une charge pour le trésor public, et la section centrale, par l'organe de l'honorable M. Malou, déclara que d'après les calculs faits et en acceptant les chances de mortalité d'après les règles connues, ces tontines ne pouvaient jamais devenir une charge pour le trésor public. Mais il était bien entendu que c'était à la condition que l'on ne diminuât aucune des causes de cessation des pensions à la charge de ces to,ntines.

Or, il n'y a que deux causes de cessation des pensions des veuves à charge de ces tontines, c'est la mort naturelle et le mariage en secondes noces.

Maintenant on propose d'effacer une de ces causes, on veut que la tontine continue à payer, bien que la veuve se remarie ; mais il est évident que, pour être conséquent, il faudrait aussi biffer de la loi l'article corollaire, celui qui porle que jamais le trésor public ne viendra combler le déficit de la caisse. Vous voulez, d'une part, que dans aucun cas le trésor ne vienne en aide à ces caisses, et, d'autre part, vous voulez augmenter leurs charges. Mais il y a là une contradiction palpable.

Que s'est-il donc passé qui n'ait pu être prévu par le législateur de 1844 ? Rien, absolument rien. La disposition qu'on veut modifier n'est pas nouvelle. Tout le monde l'a considérée comme tellement naturelle que nulle part ni dans les sections, ni à la section centrale, ni dans la discussion publique, ni au sénat, personne n'a élevé la voix pour la combattre.

On a présenté la disposition comme un principe-type, admis non seulement en Belgique, mais chez toutes les nations qui ont des tontines de ce genre. Je défie qu'on me cite en Europe une seule institution analogue où cette disposition n'existe pas.

D'ailleurs, messieurs, cette disposition n'est-elle pas fondée en raison ? Est-ce une punition qu'on inflige à la veuve ? L'Etat ne doit rien aux veuves ; par reconnaissance, il doit quelque chose à ses anciens serviteurs, mais il ne doit rien à leurs veuves ; il a établi en leur faveur une tontine soumise à certaines conditions ; la femme qui épouse un fonctionnaire accepte ces conditions ; elle n'a donc aucun droit en dehors des dispositions qui régissent la tontine.

On a dit que c'est empêcher le mariage des veuves ; mais, messieurs, le fait contredit cetle allégation : en effet, je n'ai pas fait au département des finances les calculs auxquels s'est livré mon collègue des travaux publics, mais il m'a fait connaître dans une dépêche, que dans son département sur 45 extinctions de pensions de veuves, depuis que la (page 160) caisse existe, il y en a 15 qui ont pour cause le mariage des titulaires ; c'est le tiers.

On a donc tort de prétendre que les statuts actuels de la caisse empêchent les veuves de se remarier. Du reste, messieurs, pour moi c'est un grand doute si, dans un pays comme le nôtre, il faut favoriser les seconds mariages.

On a tort aussi, messieurs, de présenter cette disposition de la loi comme immorale. D'abord il n'est pas admissible qu'aucune des nations civilisées qui ont établi la même disposition dans les statuts de leurs tontines, n'aient ouvert les yeux et n'aient aperçu d'immoralité dans cette disposition ; ce serait une chose étonnante que pour la première fois on découvrît cette immoralité en Belgique. Mais, en second lieu, messieurs, je prétends que s'il y a des veuves qui, pour conserver l'intégralité de leur pension, préfèrent se livrer au libertinage que de se remarier, ces mêmes veuves ne reculeront pas devant l'inconduite lorsqu'il s'agira de perdre le tiers ou le quart de leur pension.

Il est impossible, messieurs, qu'une loi de ce genre prévoie tous les cas et ne laisse place à aucune injustice particulière ; vouloir un semblable résultat ce serait chercher la pierre philosophale. La loi actuelle présente des cas bien plus dignes d'intérêt que celui dont nous nous occupons et cependant, messieurs, personne d'entre nous n'use de son initiative pour y remédier. Ainsi l'orphelin d'un fonctionnaire perd sa pension à 18 ans ; il est fort possible qu'il soit maladif, impotent, dans l'impossibilité de gagner sa vie ; malgré cela sa pension cesse dès qu'il a 18 ans. Une dame qui épouse un fonctionnaire et qui perd son mari après deux ans et quelques mois de mariage, n'a droit à aucune pension ; la loi exige que la veuve ait été mariée au moins pendant trois ans pour avoir droit à une pension.

Certes, cette veuve est bien à plaindre : elle perd son mari après très peu de temps de mariage et à ce premier malheur vient s'en ajouter un second : elle perd la pension dont elle aurait joui, si son mari avait vécu quelques mois de plus.

Voilà encore un malheur bien digne d'intérêt et auquel, cependant, personne ne songe à remédier. Et que direz-vous, messieurs, de cette femme d'un fonctionnaire pensionné dont le mari va manger sa pension ailleurs et qui est obligée d'aller mendier peut-être le pain de ses enfants ? C'est encore un mal sans remède.

Voilà, messieurs, des exemples qui se sont présentés les premiers à mon esprit dans cette discussion, mais il en est bien d'autres. Je le répète, il est impossible qu'une loi comme celle-là prévoie tous les cas et vienne en aide à tous les malheurs individuels.

Messieurs, on veut fonder la proposition sur un motif d'équité, eh bien si elle était adoptée, comme l'équité doit rétroagir, vous devriez, pour être justes tout à fait, restituer la pension à toutes les veuves qui se sont remariées jusqu'ici. Cela est si vrai qu'il nous est arrivé une pétition d'une dame Havard, qui demande que si la loi est votée, on lui restitue sa pension ; et, en effet, messieurs, s'il y a équité à conserver la pension aux veuves qui se remarient, il y a équité à rendre la pension aux veuves qui se sont remariées.

Comment voulez-vous, messieurs, prévoir les conséquences d'une pareille proposition pour les caisses de veuves et orphelins ? La conséquence probable c'est que ces caisses seraient bientôt obérées et que le trésor public devrait venir à leur secours comme il l'a fait dans les premières années après 1830.

Je termine, messieurs, en soumettant à votre appréciation un dernier motif de rejet, c'est qu'il y a un doute grave sur le point de savoir si vous avez encore le pouvoir de toucher à ces tontines pour toutes les veuves qui y sont affiliées. Il y a eu, en 1844, une espèce de contrat synallagmatique entre l'Etat et les fonctionnaires publics ; vous leur avez dit : J'institue une caisse de retraite à vos risques et périls, sous telles et telles conditions, mais je vous déclare que dans aucun cas je ne viendrai à votre secours. Les conditions que vous avez établies alors vous voulez les changer aujourd'hui ; pouvez-vous le faire sans entendre au moins les intéressés ? Eh bien, les administrations des caisses n'ont pas été consultées, et je suis convaincu que si elles l'avaient été, elles eussent trouvé dans leur expérience de tous les jours des motifs encore bien plus puissants que ceux que j'ai pu alléguer moi-même jusqu'ici.

Je conclus donc au rejet de la proposition. Si, contre toute attente, les auteurs de cette proposition persistent, je demanderai que la chambre consulte d'abord les administrations des différentes caisses instituées, et qu'on entende les parties intéressées, avant de les condamner à payer ces pensions nonvelles.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable ministre des finances ne s'est pas expliqué sur l'idée que j'ai mise en avant de conférer au gouvernement même la faculté de dispenser du veuvage certaines femmes pensionnée, en opérant sur leurs pensions une retenue déterminée. Il me semble que l'opinion de l'honorable ministre n'est pas définitivement formée, puisqu'il n'ose pas assurer, dit-il, que les caisses essuieraient une perte. Cette prudente réserve ne m'étonne pas de la part de l'honorable ministre, mais dès qu'il y a des doutes relativement à cette question qui domine tout le débat, il faut l'examiner à loisir. Vous ne pouvez donc pas rejeter la proposition de loi, car vous ne sauriez méconnaître que nous ne poursuivions un but généreux et moral.

Aussi longtemps que vous n'avez pas la certitude entière que vous léserez la caisse, vous ne pouvez pas rejeter, repousser une réforme inoffensive, utile, invoquée au nom du droit commun.

Les. auteurs du projet ne peuvent souscrire à la fin de non-recevoir formulée par d'honorables orateurs. Tout au plus pouvons-nous consentir à un examen ultérieur de la part du gouvernement et des caisses qui n'ont pas été consultées, à mon grand regret. J'eusse été heureux de pouvoir m'éclairer de leurs observations.

Je ne saurais consentir, pour ma part, au retrait de la proposition. Je préférerais un ajournement de quelques mois qui sauvegarderait au moins un principe qui me semble très acceptable. En ce qui me concerne, je m'en rapporterai au bon vouloir de M. le ministre des finances.

Je suis persuadé que si l'honorable ministre trouve moyen de nous satisfaire sans léser la caisse, il s'empressera lui-même de nous soumettre un projet de loi.

Deux observations sérieuses en apparence nous ont été faites. L'honorable ministre des finances croit que nous n'avons pas le droit de toucher aux conditions fondamentales des caisses. Mais cette doctrine mènerait à perpétuer la loi de 1844. Il sera de toute impossibilité que vous liquidiez jamais les caisses, si vous venez déclarer ici que vous ne pouvez pas modifier les règlements en vigueur par respect pour les droits acquis. Je crois que nous pouvons réformer légitimement tout ce que nous avons fait.

La loi sur les pensions est notre œuvre. Nous pouvons la modifier dans toutes ses parties à une condition : je l'ai reconnu la première fois que j'ai eu l'honneur de prendre la parole ; c'est que les caisses ne soient pas mises par nous dans l'impossibilité de satisfaire à leurs engagements envers des tiers. Il nous est libre d'opérer dans les règlements toutes les modifications qui nous sembleront utiles, pourvu, je le répète, que nous sauvegardions les droits acquis et ne blessions pas le principe de la non-rétroactivité.

L'honorable M. Mercier, avec qui je suis fâché d'être en désaccord aujourd'hui, surtout dans une matière qu'il connaît infiniment mieux que moi ; l'honorable M. Mercier a trouvé un argument à opposer à notre proposition ; cet argument consiste à dire que la pension a été accordée non à la veuve, mais au mari qui ne l'a transmise à sa femme qu'à la condition qu'elle ne se remariera pas. Je crois que c'est bien l'argument. (Interruption.)

On a dit que si le mari pouvait empêcher le mariage de la veuve, il le ferait ; que par conséquent nous devons nous conformer à sa volonté, et ne pas éluder cette volonté, en conservant la pension à sa veuve qui se remarie.

A ce propos on a parlé de lois de principe ; or, le Code civil est la grande loi de principe. Si je me souviens bien du Code civil, il annule la condition attachée à un legs de ne pas se marier...

M. Orts. - La condition de ne pas se marier, oui ; la condition de ne pas se remarier, non ;

M. Coomans. - ;Lorsqu'il n'y a pas d'enfants, bien entendu ; avec enfants, la condition est valable. (Interruption.)

Il est vrai qu'il y a 20 ans que j'ai abandonné les bancs de l'école, mais je croyais avoir retenu qu'un legs fait à la condition de ne pas se marier, imposée au légataire, peut avoir son effet sans que la condition soit remplie.

M. Orts. - C'est ce que j'ai dit.

M. Coomans. - Et moi aussi. J'allais ajouter qu'il me semble que le principe est bien le même au fond, dans les deux cas.

- Un membre. - C'est tout différent.

M. Coomans. - Je n'y vois aucune différence. S'il est immoral de défendre le premier mariage, il est tout aussi immoral ou peu s'en faut, d'en défendre un second, attendu que le second mariage est aussi moral que le premier. Cela dépend des dispositions avec lesquelles on le contracte.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Les seconds mariages ont toujours été vus de mauvais œil.

M. Coomans. - Je n'en crois rien.

- Un membre. - Lorsqu'il y avait des enfants.

M. Coomans. - C'est autre chose. J'ai lu bien des lois contraires à l'opinion de M. le ministre de la justice, lois portées dans l'antiquité et dans les temps modernes ; j'ai lu bien des lois qui, loin de voir de mauvais œil les secondes noces, les favorisaient au contraire.

Dans tous les cas, nous n'avons aucun intérêt à défendre les secondes noces, surtout lorsqu'il n'y a pas d'enfants.

Ces motifs, messieurs, me font persister dans ma manière devoir ; j'en aurais volontiers changé, me voyant combattu par tant d'honorables membres, si l'on m'avait démontré que le mariage d'une douzaine de veuves compromettrait la situation des caisses, situation que suis d'autant plus désireux de ménager que je ne saurais consentir non plus à faire renaître le régime des subsides de l'Etat.

M. Mercier. - A mon tour, je regrette de ne pouvoir suivre l'honorable M.Coomans dans ses généreuses inspirations.

L'honorable membre ne paraît pas avoir bien compris la déclaration de M. le ministre des finances sur un point important ;il n'est pas douteux pour cet honorable ministre que la mesure proposée doive léser les caisses des veuves et orphelins ; ce qu'il n'a pu déterminer, c'est la mesure de l'aggravation qui en résultera.

Mais il est de toute évidence qu'elle ferait peser sur les caisses un surcroît de charges qui retomberaient sur les fonctionnaires puisque ceux-ci doivent les alimenter. Or, la grande majorité des employés n'ont, comme je l'ai déjà dit, qu'un très faible traitement, et ce serait au préjudice même du service public qu'on opérerait une retenue plus considérable sur ce traitement.

(page 161) Je ne conteste pas à la législature le droit de modifier la loi pour l'avenir, si des considérations d'intérêt public ne s'y opposaient pas. Mais quant aux veuves qui se sont remariées ou qui se remarieraient avant la promulgation de la nouvelle loi, elles ne pourraient jamais avoir aucun droit à une pension, quelle que fût la loi nouvelle.

Nous pourrions imposer de nouvelles conditions à ces caisses, mais nous ne pourrions pas faire que les veuves qui se sont remariées pussent récupérer leur pension ; cependant c'est sur la réclamation de ces veuves qu'a surgi la question que nous discutons.

Quant à l'avenir, la supposition d'une aggravation de charge contre laquelle reculerait l'honorable préopinant, est inévitable ; il faudrait augmenter le revenu de la caisse et on ne peut le faire, j'insiste sur ce point, que par un prélèvement plus considérable sur le traitement des employés, ce qui serait préjudiciable au service public.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. L'article 55 de la loi du 21 juillet 1844 et de celle du 17 février 1849, sur les pensions, ainsi conçus :

« Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension. »

« Ainsi que les statuts qui en sont la conséquence, sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes. »

M. Lelièvre. - Je propose l'amendement suivant :

« L'article 55 de la loi du 21 juillet 1844 est modifié de la manière suivante :

« Une veuve sans enfants qui se remarie ne perd pas ses droits à la pension. »

Si cet amendement était adopté les autres dispositions tomberaient. Il formerait l'article unique du projet.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

55 membres répondent à l'appel.

7 membres répondent oui.

47 membres répondent non.

1 membre, M. de Haerne ;; s'abstient.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

M. le président. - M. de Haerne, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître le motif de son abstention.

M. de Haerne. - La crainte de blesser les idées morales d'un côté et de l'autre la crainte de nuire à des intérêts qui ont été défendus par M. le ministre des finances, ont fait naître dans mon esprit des doutes qui m'ont engagé à m'abstenir.

Ont répondu oui : MM. Rodenbach, Anspacb, Coomans, de Perceval, de Wouters, Lelièvre et Moxhon.

Ont répondu non : MM. Orts, Pirmez, Rogier, C. Rousselle, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeerehoom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Clep, Closset, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Deliége, F. de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, de Steenhault, de Theux, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Laubry, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orbau et Delfosse.

M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l'article premier, qui probablement sera aussi rejelé.

M. Rousselle. - Le vote que nous venons d'émettre renverse toute la proposition de loi.

M. le président. - Il y a eu à l'article premier un amendement qui a été rejeté. Je dois maintenant mettre l'article premier aux voix. Ceux qui ne veulent pas de cet article voteront contre.

- L'article premier est mis aux voix, il n'est pas adopté.

M. le président. - Il est inutile de discuter les dispositions suivantes qui ne sont que la conséquence de l'article premier.

- La séance est levée à 4 heures.