Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 mars 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 657) M. Ansiau fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Arnold-Jacques Bruls, maître d'hôtel à Bruxelles, né à Meerssen (Pays-Bas), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Quelques pharmaciens à Enghien demandent une loi qui organise l'Académie de médecine de manière à assurer à chaque branche de l'art de guérir, une représentation suffisante et convenable. »

-Renvoi à la commission des pétitions.


« Des pharmaciens à Gheel et à Moll demandent qu'il soit inséré dans les statuts de l'Académie de médecine une disposition qui assure une représentation convenable aux pharmaciens, aux vétérinaires et aux médecins, et prient la Chambre de déclarer incompatibles l'exercice de la médecine et celui de la pharmacie. »

- Même renvoi.


‘Des pharmaciens à Genappe déclarent adhérer à la pétition du corps pharmaceutique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Duycker prie la Chambre d'inviter M. le ministre de la guerre à faire rapporter l'arrêté en vertu duquel son gendre, le lieutenant Lhoir, a été mis en non-activité de service, ou à faire connaître les motifs de cette mesure. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal d'Achel déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand en date du 25 décembre 1853. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Les sieurs Colen, Machot et autres membres de l'association typographique de Namur, prient la Chambre de ne point donner son assentiment à la convention littéraire conclue avec la France. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner, le projet de loi relatif à cette convention.


« Plusieurs typographes, lithographes et relieurs de la ville de Bruges déclarent adhérer à la pétition du comité central des typographes de Bruxelles. »

« Même déclaration des sieurs Crouquet, Daems et autres membres du comité de l'association typographique verviétoise. »

« Même déclaration des typographes à Gand. »

- Même renvoi.


« Par messages du 8 mars, le sénat informe la Chambre qu'il a adopté :

« Le projet de loi maintenant provisoirement en vigueur les dispositions du traité du 1er septembre 1844 et de la convention du 10 février 1852, relatives au transit des marchandises venant du Zollverein ou y allant ;

« Le projet de loi approuvant le traité conclu le 16 septembre 1853, entre la Belgique et la république de l'Uruguay ;

« Le projet de loi concernant le tarif des taxes consulaires, »

- Pris pour notification.


« M. Mercier, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des non-valeurs et remboursements

Rapport de la section centrale

M. de Renesse dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit de 120,000 francs au budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1853.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l’ordre du jour.

Projet de loi relatif à la contribution personnelle

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - Je dois de nouveau faire remarquer à la Chambre que c'est le projet de la section centrale qui est en discussion. Ceux qui ont des amendements à déposer doivent donc les appliquer au projet de la section centrale et non à celui du gouvernement.

La discussiou continue sur l'article 2.

Deux amendements ont été déposés, l'un par M. de Theux, l'autre par M. Dumortier.

L'amendement de M. de Theux se rattache à l'article 23 ; mais comme il est de nature à influer sur le vote de l'article 2, rien n'empêche qu'il soit immédiatement développé. La parole est à M. de Theux.

M. de Theux. - Messieurs, bien que mon amendement se rapporte à l'article 23, il a cependant une connexion intime avec l'article 2. Il s'agit de savoir si l'on rentrera dans le système de la loi de 1822, d'après lequel l'expertise de la valeur locative peut être renouvelée tous les ans, ou si l'on veut rester dans le système de la loi de 1832 qui a permis aux contribuables de se référer les années subséquentes à la valeur localive une fois estimée.

Le principe de la loi de 1832 semblerait jusqu'à un certain point entrer dans les intentions du gouvernement, si l'on s'en réfère aux termes de l'article 23, puisqu'il y est dit au paragraphe final :

« L'expertise peut servir de même à la cotisalion de l'année suivante et successivement, si le contribuable s'y réfère et que la commission chargée de l'examen des déclarations, estime qu'il n'y a pas lieu de provoquer une rectification. »

Cette disposition de l'article 23 est bonne pour les bases variables telles que le mobilier, les foyers, les portes et fenêtres ; mais pour la valeur locative qui varie peu, si ce n'est après un laps considérable d'années, je crois qu'il importe d'admettre le principe de fixité.

On dit qu'il existe aujourd'hui de grandes inégalités, parce que depuis 1832 jusqu'à présent la valeur locative peut avoir augmenté ou diminué dans les localités et que pour maintenir la justice, il y a lieu de faire une expertise. Messieurs, je ne m'y oppose pas. Mais cette expertise une fois faite devrait pouvoir servir jusqu'à la révision du cadastre. Si le cadastre ne devait pas être révisé, j'aurais proposé que cette expertise ne pût être renouvelée que tous les dix ou quinze ans, pour avoir une certaine fixité. Mais puisque les opérations du cadastre auront probablement lieu d'ici à dix ou quinze ans, je crois qu'on peut s'en référer à l'époque de la révision du cadastre.

Je n'en dirai pas davantage ; je crois que chacun comprend facilement la portée de mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, d'après le système de la loi de 1822, il n'était pas du tout prescrit de faire une expertise tous les ans, mais ce système donnait à l'administration le droit de faire cette expertise, si elle n'acceptait pas la déclaration du contribuable. A cet état de choses a succédé la loi budgétaire de 1831, qui a donné aux déclarations faites à cette époque, une espèce d'immobilité pour toutes les années suivantes sans en limiter le terme. M. de Theux propose, par amendement, non pas comme M. Dumortier, de perpétuer les abus nés de la loi de 1831, mais de donner à la première expertise qui suivra la mise à exécution de la loi, une durée qu'il estime être de 10 ou de 15 ans. Je ferai d'abord remarquer à l'honorable membre, que la place de son amendement est bien plutôt à l'article 23. Il n'a pas eu tort, pour cela, de le développer maintenant, parce qu'il fait mieux apprécier ainsi comment il faudra corriger ce qu'il trouvt de défectueux à l'article 2 ; mais l'amendement ne pourra être mis aux voix que lorsque nous en serons à cet article 23, et j'aurai quelques corrections à y faire, que l'honorable membre, je l'espère, voudra bien accepter.

Ainsi, au lieu de parler de l'époque de la révision du cadastre, je désire qu'on fixe un terme fixe, un terme précis ; car, je ne vous cache pas, messieurs, que quand je compte les millions que doit coûter la péréquation cadastrale et le temps qu'elle exigera, je ne suis pas aussi convaincu que l'honorable M. de Theux que cette opération aura lieu avant 10 ou 15 ans dici.

Du reste, je ne m'oppose pas à ce qu'on adopte une disposition qui permette aux contribuables de se référer pendant un certain nombre d'années, à la déclaration qu'ils auront faite dans l'année qui suivra la mise à exécution de la loi.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Dumortier, s'il venait à être adopté, mieux vaudrait renoncer à la loi, car il perpétuerait la loi de 1822 avec tous les abus nés du système de 1831.

M. Roussel. - Ne pourrait-on pas discuter l'amendement de M. Dumortier en même temps que l'article 23, comme l'amendement de M.de Theux ?

M. le président. - On ne peut pas aller plus avant dans l'examen de la loi avant d'avoir statué sur l’amendement de M. Dumortier ; M. le ministre des finances a déclaré que l'adoption de cet amendement serait en quelque sorte le rejet de la loi.

- L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

M. le président. - « Art. 3. Les portes et fenêtres servant de base à l'impôt sont celles pratiquées dans les façades tant intérieures qu'extérieures des bâtiments non exemptés, et sans distinction si elles ouvrent ou prennent jour à l'air libre ou sous des galeries vitrées.

« Le taux est fixé comme suit :

« 1° Par chaque porte ordinaire ou fenêtre du rez-de-chaussée, des premier et deuxième étages :

« A. Dans les villes et communes d'une population inférieure à 5,000 âmes, fr. 0 85

« B. Dans les villes et communes d'une population de 15,000 à 20,000 âmes, fr. 1

« C. Dans les villes et communes d^ne population de 20,000 à 50,000 âmes, fr. 1 10

(page 958) « D. Dans, les villes et communes d'une population de 50,000 à 100,000 âmes, fr. 1 25

« E. Dans les villes d'une population supérieure à 100,000 âmes, fr. 1 50

« 2° Pour chaque fenêtre des étages supérieurs, dans toutes les communes indistinctement, fr. 0 85

« 3° Pour chaque porte cochère ou grille qui en tient lieu, ouvrant directement ou indirectement sur la voie publique, des maisons occupées par des personnes imposables d'après la sixième ou la septième base, fr. 10 »

« Toutefois, cette taxe spéciale n'est pas due pour plus d'une porte cochère de toute habitation rurale de cultivateur.

« Les portes cochères, autres que celles donnant lieu à la taxe spéciale, sont assimilées aux portes ordinaires.

« Sont exceptées : les portes et fenêtres des caves et locaux souterrains qui ne forment pas une habitation distincte ; les fenêtres et ouvertures établies dans la toiture, de même que celles servant à éclairer des greniers ; les lucarnes et œils-de-bœuf. »

Ici viennent deux amendements proposés par le gouvernement.

M. le ministre des finances propose 1° d'ajouter : au n°2°, après les mots : « des étages supérieurs », ceux-ci : « ou des souterrains servant à l'habitation des hommes » ; 2° de substituer, dans le paragraphe final, aux mots : « souterrains qui ne forment pas une habitation distincte », ceux-ci : « souterrains qui ne servent pas à l'habitation des hommes ».

Un troisième amendement a été présenté par M. Ad. Roussel ; il est ainsi conçu :

J »'ai l'honneur de proposer :

« 1° D'ajouter au paragraphe de l'article 3 ainsi conçu :

« Toutefois, cette taxe spéciale n'est pas due pour plus d'une porte cochère de toute habitation rurale de cultivateur. »

« Les mots suivants :

« Ni pour les portes cochères servant à l'entrée ou à la sortie des hôtels, auberges ou logements. »

« 2° De terminer l'article 3 par uu paragraphe nouveau ainsi conçu :

« Ne sont soumises qu'à une demi-taxe les portes et fenêtres des hôtels, auberges ou logements, établies dans la partie desdits hôtels, logements et auberges ne servant pas à l'habitation de l'hôtelier, de l'aubergiste, du logeur ou de leurs familles. »

La discussion est ouverte sur l'article 3 et les divers amendements. La parole est à M. Vander Donckt.

M. Vander Donckt. - Messieurs, si j'ai demandé la parole, c'est pour avoir une explication de la part de M. le ministre des finances sur le n°1° de l'article 3 où il est dit :

« Pour chaque porte ordinaire ou fenêtre du rez-de-chaussée, des premier et deuxième étages. »

Je demanderai à M. le ministre des finances comment il entend procéder pour la taxe des entre-sols. La question n'a pas d'intérêt pour les petites villes et les communes rurales où il n'y a pas d'entre-sols ; mais dans les grandes villes et surtout à Bruxelles, il existe de nombreuses maisons avec entre-sol.

En général, quand on parle du premier et du second, on entend les deux étages qui sont immédiatement au-dessus des entre-sols.

Maintenant si l'entre-sol est pris pour un étage, il y aura un étage qui ne sera plus soumis pour ses fenêtres qu'à la taxe uniforme de 85 centimes dans les localités où ces constructions existent ; ce serait un privilège en faveur de ceux qui ont un entre-sol au préjudice de ceux qui n'en ont pas.

Je demanderai à cet égard une explication à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - La loi de 1822, pas plus que celle qui est en discussion, ne prévoit l'existenee des entre-sols. C'est dans l'exécution qu'il a fallu se mettre d'accord sur la catégorie à laquelle les entre-sols appartiennent. Je puis donner l'assurance que les entre-sols ont toujours été considérés comme devant être mis sur le même pied que les étages inférieurs au rez-de-chaussée, et il est d'ailleurs à remarquer que la taxe la plus élevée n'est due que pour trois étages, y compris le rez-de-chaussée. Conséquemment si, à Bruxelles, la taxe de 1 fr. 50 c. est payée pour le rez-de-chaussée et pour le premier et le deuxième étage, les fenêtres d'entre-sol ne payeront que la taxe de 85 centimes.

Je crois qu'il faut continuer à appliquer, sous la loi nouvelle, le principe admis sous l'empire de la loi de 1822. L'architecture civile étant susceptible de grandes variations, il pourrait se faire que l'entre-sol fût construit de façon à constituer l'étage principal, tandis que le rez-de-chaussée ne serait que l'accessoire. Vous voyez l'impossibilité qu'il y a de poser une règle absolue ; il faut laisser beaucoup à l'exécution, et sauf exception, sous la loi nouvelle comme sous la loi ancienne, les fo-nétres d'eutre-sol seront taxées à raison de 85 centimes.

M. Roussel. - La première question à se poser pour déterminer quelles doivent être les personnes ou les habitations soumises à la contribution personnelle, est celle de savoir quel est le but réel de cette contribution. Ce but n'est pas le même que celui des patentes. D'après moi les patentes et la contribution personnelle sont deux choses tout à fait distinctes. La patente a pour effet de frapper les ressources qui résultent pour l'industriel de la pratique de son industrie ; la contribution personnelle atteint le contribuable dans son aisance personnelle, dans ce qui forme cette aisance appliquée à sa propre personne.

Toutes les bases d'impôt sur lesquelles nous discutons montrent que telle est la nature de cette contribution. Ainsi l'aisance personnelle se révèle d'abord par le luxe de l'habitation, la valeur locative ; ensuite par le jour plus ou moins splendide que le contribuable veut se donner au moyen des fenêtres, par les facilités de circulation qu'il se procure au moyen des portes.

Quant aux foyers, ils indiquent aussi l'aisance puisqu'ils fournissent ou peuvent fournir au contribuable la chaleur qu'il peut désirer pendant la saison rigoureuse dans tous ses appartements. Les domestiques et les voitures sont la preuve évidente d'une situation favorable au point de vue des revenus personnels.

Mais s'agit-il bien de frapper l'industrie par la contribution personnelle ?

Vous comprenez bien, messieurs, que l'industrie ne résisterait pas au cumul de la contribution personnelle, des patentes, des accises, des droits d'entrée et de sortie, etc., si tous ces impôts étaient dirigés sur elle. Aussi le n°5° de l'article 5 du projet a-t-il consacré une exemplion sur les bâtiments des fabriques et usines ; les granges, étables et autres constructions servant à l'agriculture ; les halles et autres locaux utilisés pour la tenue des marchés ; confession patente de la vérité du principe que j'attribue à la contribution que nous discutons.

Ce n'est donc pas l'industrie que vous voulez frapper. Mais supposons un instant, messieurs, que vous vouliez frapper également l'industrie par le projet soumis à vos délibérations ; je veux faire à ceux qui ne partageraient pas mes sincères convictions, la concession d'admettre que la contribution personnelle aurait aussi pour but de grever les entreprises industrielles. Alors je dis qu'elle ne peut pas avoir la prétention de frapper les objets qui servent à l'industrie dans la même mesure que ceux qui servent à faciliter l'aisance du contribuable.

Appliquons, si vous le permettez, messieurs, ces raisonnements aux hôteliers, aubergistes et logeurs en faisant une observation préliminaire. Il ne s'agit pas de nous placer exclusivement dans l'hypothèse des grands hôtels pour lesquels l'impôt est cependant parfois démesurément lourd, mais de partir du point de vue commun au plus grand nombre, c'est-à-dire aux logeurs, à ces industriels modestes fournissant logement aux ouvriers, ou bien aux aubergistes qui, dans les petites villes, ne reçoivent quelquefois pas deux voyageurs par semaine et qui, cependant, doivent trouver le moyen de payer l'impôt qui pèse sur leurs habitations.

N'est-il pas vrai, messieurs, que ces logeurs, aubergistes ou hôteliers sont de véritables industriels quant à la partie de leur hôtel qui ne sert pas à leur habitation ? N'est-il pas vrai que, de ce chef, ces contribuables ont droit, je ne dirai pas à une exemption complète, mais à une équitable modération de l'impôt en rapport avec la destination de cette partie des bâtiments qu'ils occupent.

C'est, messieurs, la portée des deux amendements que j'ai eu l'honneur de proposer à l'article 3.

Le premier tend à ajouter les mots ; « Ni pour les pertes cochères servant à l'entrée ou à la sortie des hôtels et auberges » au paragraphe de cet article ainsi conçu : « Toutefois cette taxe spéciale n'est pas due pour plus d'une porte cochère de toute habitation rurale de cultivateur. » En effet, messieurs, les portes cochères, dans les auberges, ne trahissent pas évidemment la richesse de l'aubergiste ou de l'hôtelier. Mais elles sont l'annexe indispensable de l'industrie qu'il exerce. L'hôtelier ou l'aubergiste n'a pas une porte cochère pour son plaisir ; il ne la fait point servir à l'usage de sa propre voiture ; ordinairement il ne possède point de voiture ; il n'a de porte cochère qu'à l'usage des voyageurs.

Le second amendement propose de terminer l'article 3 par un paragraphe nouveau ainsi conçu : « ne sont soumises qu'à une demi-taxe, les portes et fenêtres des hôtels, auberges ou logements, établies dans les parties desdits hôtels et auberges ne servant pas à l'habitation de l'hôtelier, aubergiste ou logeur et de sa famille. »

Il est évident que ce second amendement se justifie aussi bien que le premier. Lors même que vous croiriez, ce qui me semble fort contestable, que les portes et fenêtres des logements ou auberges dans les parties des hôtels non destinées à l'habitation de l'aubergiste ou du logeur, doivent donner lieu à un impôt quelconque, je demande s'il serait juste que cet impôt fût égal à celui des portes et fenêtres de la maison habitée par un grand seigneur.

Je demande s'il est équitable de frapper l'industriel qui peut être peu favorisé de la fortune et dont l'industrie peut être languissante, du même impôt que l'homme riche qui vit du produit d'une belle fortune. Il n'y a pas d'analogie entre les deux cas ; il faut donc une différence dans la quotité de la taxe.

Permettez-moi, messieurs, de vous faire observer que la plupart des personnes qui logent dans les hôtels ou auberges payent déjà une contribution à l’Etat, à raison de leur propre habitation ; que par conséquent ce n'est pas le voyageur qui est frappé de l'impôt des portes et fenêtres pesant sur les hôtels, les logements ou les auberges.

Veuillez, messieurs, vous rappeler aussi que l'industrie des hôteliers, aubergistes et logeurs a considérablement souffert, surtout quant aux logeurs proprements dits, par l'établissement du chemin de fer et par la facilité plus grande des communications.

Il est souvent fort difficile aux hôteliers et aubergistes de pourvoir à la charge de toutes les contributions qui leur sont imposées et de trouver encore les bénéfices indispensables au soutien de leur famille et d'une industrie coûteuse.

(page 959) J'ose espérer, messieurs, que le législateur tiendra compte de ces circonstances et qu'il apportera dans la loi les modifications que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre.

M. Manilius. - Messieurs, je me suis déjà expliqué hier. Je ne puis que répéter en partie ce qui a été dit relativement à la différence entre les portes et fenêtres d'une ville à l'autre, d'une rue à l'autre, et je dois déclarer que cette contribution, telle qu'elle est établie par l'article 3, ne peut être acceptée par moi.

Messieurs, on vous l'a déjà expliqué, il y a dans une même ville une énorme distinction à faire quant à la valeur des fenêtres et des portes. Hier, j'ai effleuré la question. Depuis lors j'ai réfléchi et je crois qu'en frappant les portes et fenêtres d'une taxe portant sur la valeur locative, basée sur la péréquation cadastrale que j'estime devoir être un jour exacte, et qu'en attendant j'accepte pour base, je crois qu'en demandant pour les portes et fenêtres tant pour cent de la valeur locative, vous frapperez tous les habitants dans la juste proportion du luxe dont ils jouissent, peu importe qu'ils habitent une ville de 100,000 âmes, ou une ville de 5,000 âmes, qu'ils habitent dans une grande ou dans une petite rue, dans une rue riche ou dans une rue pauvre pour le débit.

Toute inégalité vient ainsi à cesser. Il sera établi, par exemple, que l'on payera pour les portes et fenêtres 5 p. c. de la valeur locative. Dès lors celui qui occupe une maison de 1,000 fr. de loyer payera 50 fr., celui qui occupe un hôtel de 10,000 fr., payera dix fois plus.

Je crois, messieurs, que ce serait réellement le moyen le plus simple, le plus exact et le plus propre à concilier tous les intérêts.

Lorsque nous arriverons à l'article des foyers, je devrai présenter les mêmes considérations.

Messieurs, je trouve que ce que vous avez admis pour la valeur locative peut être justement admis pour la respiration de l'air.

Qu'avez-vous dit pour la valeur locative ? Vous avez dit : Nous estimons votre maison à tant et vous payerez 4 p. c. Eh bien, je dis : Faites la même chose pour l'air. Car la valeur locative, qu'est-ce que c'est ? C'est le logement à couvert. Vous faites donc payer un droit pour avoir le logement. Faites aussi payer tant pour cent pour avoir de l'air.

J'ai déjà dit que j'acceptais toutes les bases. Mais je ne veux pas exclure les exceptions que vous établissez pour ces sept bases. Par exemple, je ne veux pas exclure les portes cochères ; je veux les faire payer particulièrement comme luxe.

Je le répète, messieurs, lorsque nous arriverons aux foyers, je devrai reproduire les mêmes arguments. Je dirai pour les foyers : Faites payer tant sur la valeur locative et vous ferez encore une fois une chose juste. Car celui qui habile une maison de 400 à 500 fr.payera en proportion pour ses foyers. Celui au contraire qui a un grand hôtel, et qui au lieu de douze foyers en a 50 à 60, payera en proportion de la valeur de sa riche habitation.

Vous voyez donc, pour en revenir à l’article 3, que je ne puis admettre la distinction que l'on fait entre les habitations des grandes villes et celles des villes moindres. Ce n'est pas là une répartition juste, une répartition équitable. Celle qui est juste, celle qui est équitable, c'est celle qui frappe la maison dans la proportion du luxe dont jouit le contribuable ; et ce luxe vous est indiqué par la valeur locative.

On a fait diverses objections. On a dit qu'à Bruxelles, une maison située dans le quartier Léopold et une maison située dans la rue de la Madeleine devaient payer la même taxe, quoique l'une fût habitée par un boutiquier et l'autre par un riche personnage.

Messieurs, je crois que la taxe peut être la même ; celui qui loue dans la rue de la Madeleine une maison de 5,000 fr. sait d'avance que s'il est si généreux pour le propriétaire de cette maison, il doit l'être aussi pour le fisc ; que le fisc, comme le propriétaire, est là qui lui dit : Vous payerez en proportion de la valeur de la maison que vous occupez ; et vous payerez plus dans la rue de la Madeleine, parce que vous avez l'espoir d'y faire de meilleures affaires que dans la rue des Moineaux ou dans d'autres petites rues.

Je ne vois pas pourquoi une maison de la rue de la Madeleine qui se loue 4,000 à 5,000 fr. ne payerait qu'un franc pour les portes et fenêtres comme la maison qui se trouve dans une de ces rues que je viens de citer.

Messieurs, est-il raisonnable que dans l'un et l'autre cas la taxe soit uniforme ? Je ne le crois pas.

On veut que la taxe soit plus forte dans les communes dont la population est plus considérable. Mais je dis que cette base est fausse, je dis que l'impôt devrait varier dans la même localité selon les rues où se trouvent les habitations. Une comparaison va vous le prouver. La ville de Termonde a une population de 7,000 à 8,000 âmes. Elle est très splendide en comparaison de la commune de Zcle, qui est à côté, et qui a 12,000 âmes. Ferez-vous payer plus pour une fenêtre à Zele qu'à Termonde ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Les deux localités sont dans la même catégorie.

M. Manilius. - Je fais une hypothèse. En établissant des catégories aussi absurdes, vous ne frappez pas juste, car enfin une ville où il y a peu de population, peut être beaucoup plus splendide qu'une ville où la population est plus considérable.

Je ne puis pas admettre un pareil système. Puisque nous nous donnons la peine de changer une loi qui existe depuis un grand nombre d'années, pourquoi ne pas rectifier ce qu'elle présente de vicieux ? J'hésite à présenter un amendement, pourquoi ? Parce que je désire que la loi soit bien faite et que je ne veux pas improviser.

Mais je dis que vous n'êtes pas dans le vrai, et j'ai pour moi une circonstance extrêmement favorable : il est dit dans la loi que celui dont le loyer ne dépasse pas 100 francs ne doit rien payer pour les portes et fenêtres, ni pour le mobilier ; donc celui qui a pour plus de 100 francs de valeur locative payera quelque chose ; eh bien, ce quelque chose ce sera tant pour cent, et quand vous aurez adopté tant pour cent, vous aurez le même revenu qu'aujourd'hui. Il y a, d'après la péréquation cadastrale, un chiffre de 52 millions ; vous venez d'établir 4 p. c ; il faudrait donc encore à peu près 12 p. c. pour arriver au revenu actuel, qui est de 8,500,000 francs. Eh bien, pourquoi ne pas régulariser les choses et faire pour les portes et fenêtres et pour les foyers ce que vous faites pour la valeur locative ?

Pour la valeur locative vous percevez 4 p. c. Eh bien, pour les portes et fenêtres, je vous donne 5,p lus les portes cochères ; pour le mobilier, je vous donnerai encore 2, ce sera 11 ; pour les foyers, je vous donnerai 1, ce sera 12 ; vous avez ensuite les domestiques, les chevaux, les voitures, etc. ; prenez encore 4 ou 5 sur ces différents objets, et vous arriverez à 16 ou 17 p. c. Or, vous n'avez besoin que de 16 p. c. pour obtenir 8,300,000 fr.

Maintenant, on dit que la péréquation cadastrale a été mal faite ; eh bien, on la révisera et la valeur s'en augmentera encore inévitablement, c'est-à dire que vous obtiendrez un nouvel accroissement de revenus.

Si vous adoptez, messieurs, le système que j'indique, tout sera considérablement simplifié.

Celui qui habite, par exemple, une maison de 1,000 francs payera en conséquence et il fera autant de portes et de fenêtres qu'il jugera convenable ; on pourra même faire une maison en verre ; vous ferez cesser ainsi un inconvénient très grave, c'est qu'on bâtit aujourd'hui des espèces de forteresses avec une porte et une fenêtre. Oa voit des maisons nouvelles très richement construites mais avec très peu de fenêtres. Ainsi à côté de la place du Congrès on voit deux hôtels à louer ; il y a de superbes façades, très étendues et il y a trois fenêtres ; en face il y a une maison dout la façade est moins large et qui a 6 croisées. Eh bien, vous faites payer à celui qui occupe cette dernière maison le double de ce que payera celui qui va habiter l'un de ces splendides hôtels.

Il n'y a rien de plus caprécieux, messieurs, que la base des portes et fenêtres. Il n'y a pas deux fenêtres qui se ressemblent, il n'y a pas deux portes qui se ressemblent, il n'y a pas deux bâtiments qui se ressemblent ; vous avez beau compter le nombre d'ouvertures qu'où a pratiquées dans les murs pour avoir de l'air et de la lumière, la valeur de ces ouvertures varie du tout au tout. Eh bien, prenez pour base la valeur locative et vous arrivez à un système beaucoup plus juste. Je ne veux pas que vous perceviez moins qu'aujourd'hui, mais je désire que vous arriviez à une répartition juste et équitable pour tout le monde.

Ensuite, messieurs, il y aura encore, comme je le disais hier, cet avantage qu'il ne faudra plus venir compter les fenêtres et les portes. Vous accorderez à cette base la même faveur que vous accordez au mobilier que le contribuable peut évaluer au quintuple de la valeur locative pour se soustraire à toute visite, à tout examen de ce chef.

Dites tout d'un coup ce que l'on doit payer pour les portes et fenêtres quel qu'en soit le nombre.

Dites ce que l'on doit payer pour les foyers et laissez faire du feu chez tout le monde comme chacun l'entend. Laissez faire du feu quand il fait froid ; laissez faire du feu quand il y a des malades. Il n'arrive que trop souvent que les médecins viennent dans des maisons très secondaires, qu'ils y trouvent un vieillard, un malade, qu'ils ordonnent de faire du feu et qu'on ne le peut pas, parce que les cheminées sont bouchées. Si vous imposiez les foyers proportionnellement à la valeur locative, vous n'auriez pas de pareils inconvénients.

Vous établissez une gradation d'après le chiffre de la population ; eh bien, je demande une gradation d'après le chiffre de la valeur locative. Je ne sais pas, en vérité, sur quoi l'on fonde cette proportion entre la somme à payer et le nombre d'habitants qui se trouvent dans la localité.

Je vous le demande, sur quoi cela est-il basé ?

Je le répète, j'hésite à présenter un amendement ; mais j'engage M. le ministre des finances à y réfléchir et à ne pas s'opposer à voir rejeter la loi, par la répugnance que cet article inspire à beaucoup de membres. Mais si le gouvernement entre dans le système que j'ai indiqué, vous aurez quelque chose de loyal et d'équitable, vous aurez enfin une loi qui aura des chances de durée et qui lèvera les scrupules qu'éprouvent des membres de cette assemblée.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, l'honorable M. Roussel a demandé, par un amendement, deux faveurs pour les hôteliers. D'abord, il désire que les portes cochères soient exemptées de toute contribution ; il demande, en second lieu, que le trésor ne perçoive qu'une demi-taxe sur les portes et fenêtres des hôtels, auberges, cabarets, etc.

Quant aux portes cochères, je crois que si l'honorable membre avait jeté les yeux sur le n°3° de l'article qui est en discussion, il se serait abstenu de proposer la faveur qu'il réclame pour les hôteliers. En effet, en vertu de cette disposition, les portes cochères ne sont imposées spécialement qu'autant que la personne qui habite la maison, soit imposable, du chef de la sixième ou de la septième base, c'est-à-dire du chef de chevaux ou de voitures.

(page 960) De deux choses l’une ; ou bien les hôteliers sont des gens qui tiennent équipage, et alors il faut bien qu'ils payent l'impôt pour leurs portes cochèves ; ou bien, ils ne tiennent pas équipage, et alors la porte-cochère n'est pas assujettie à la taxe spéciale.

Au reste, la taxe qui frappe la porte cochère n'est pas en réalité une taxe entièrement nouvelle, attendu que toutes les portes cochères, dans le passé, étaient comptées au nombre des portes et, de ce chef, elles payaient à Bruxelles, par exemple, 2 fr. 33 c., de sorte qu'une porte cochère devant payer aujourd'hui 10 fr., il n'y a que la différence de 2 fr. 33 c. à 10 fr. qui sera une taxe nouvelle.

Quant au second objet de l'amendement, il m'est impossible de m'y rallier, d'abord, par équité, ensuite parce qu'il serait contraire à l'intérêt du trésor.

Je ferai remarquer à l'honorable M. Roussel que les hôteliers obtiennent par le projet de loi le redressement du principal de leur griefs qu'ils n'ont cessé de renouveler depuis 1833. Messieurs, je vous parle de la disposition qui obligeait les hôteliers et ceux mêmes qui louaient des appartements à accepter comme valeur de leur mobilier le quintuple de leur valeur localive et à payer en conséquence. Eh bien, cette disposition est effacée de la loi.

Les hôteliers obtiennent un autre soulagement ; les hôtels sont généralement, j'en conviens, beaucoup plus de fenêtres que les maisons des autres citoyens. Eh bien, la diminution à laquelle nous avons consenti sur chaque fenêtre profitera à l'hôtelier plus qu'à tout autre. Ainsi à Bruxelles, chaque fenêtre payera en moins 83 centimes. Les aubergistes obtiennent en outre un dégrèvement sur les domestiques.

Aller plus loin, c'est ouvrir la porte aux abus les plus étranges, c'est frustrer le trésor d'un revenu considérable. En outre qui donc me donnera ici la définition d'un hôtel, d'une auberge ou d'un cabaret ? Au plat pays, dans presque la moitié des habitations, on vend des boissons.

Dans les petites villes, de maison en maison, on rencontre des enseignes, et sans sortir même de Bruxelles, on ne peut parcourir une rue quelconque, sans rencontrer presque à chaque pas celle d'un cabaret. Toutes ces maisons ne payeraient donc que la moitié de la taxe. (Interruption.)

Les cabarels, me dit-on, ne sont pas des hôtels ; c'est une erreur, il n'y a pas de cabarets où l'on ne loge ; ainsi à Bruxelles, je pose un fait qu'il y a fort peu de cabarets où les voyageurs ne trouvent à se loger.

Je dis donc que les hôteliers obtiennent par le projet trois dégrèvements ; mais je ne puis pas consentir à aller plus loin, à établir en leur faveur l'espèce de privilège qu'on réclame.

Quant à l'honorable M. Manilius, j'attendrai qu'il ait déposé un amendement pour lui répondre. Mais si je saisis bien son raisonnement, son sys'tme reviendrait à faire peser toute la contribution personnelle sur la valeur locative ; eh bien, si je pouvais avouer avec lui que ce serait le meilleur de tous les systèmes, je dis qu'à l'heure qu'il est, il est impraticable, et que l'auteur primitif du projet, l'honorable M. Frère, a dû lui-même y renoncer.

Je dois pourtant relever une expression qui est échappée à l'honorable M. Manilius et qui fait voir qu'il n'apprécie pas justement la deuxième base de l'impôt personnel ; il suppose qu'on fait payer l'air qu'on respire, en imposant les fenêtres.

Mais non, ce n'est pas du tout cela ; si on impose les portes et fenêtres comme un des éléments de la contribution personnelle, c'est qu'on y voit un signe apparent d'aisance plus ou moins développée, et qu'en l'absence de meilleures preuves de l'aisance des citoyens, il faut bien s'attacher aux signes qu'on peut apercevoir extérieurement, comme l'a très bien dit l'honorable M. Orts. Si l'on pouvait connaître d'une manière exacte le revenu de chaque citoyen, il y aurait une base plus simple à établir que toutes celles qu'on a en vue de trouver par les projets de loi analogues à celui que nous discutons.

Je bornerai là mes observations pour le moment.

M. Roussel. - Messieurs, la fin du discours de M. le ministre des finances vient singulièrement au secours de mes prétentions, quant aux logeurs, aux aubergistes et aux hôteliers... « On voit, dit M. le ministre, un signe apparent d'aisance dans les portes et fenêtres. » Or, je le demande, les portes et fenêtres d'un logeur qui en a trois au rez-de-chaussée, et qui loge un grand nombre d'ouvriers, ces portes et fenêtres sont-elles un signe apparent de l'aisance de ce logeur ?

Tout au moins, pour rester dans les bornes de la justice, est-on obligé de proportionner la taxe à cette circonstance que ces fenêtres et portes ne sont pas un signe apparent d'aisance, mais de la nécessité de chercher dans un service domestique en quelque sorte auprès des ouvriers de pénibles moyens d'existence.

Celte remarque présentée, je remercie l'honorable ministre de l'explication qu'il a bien voulu me donner sur le n°3 de l'art. 3, en ce qui concerne les portes cochères. Comme l'exception était indiquée par des numéros, je n'en avais pas saisi l'importance.

Je suis heureux que l'explication de M. le ministre ne puisse plus laisser aucune espèce de doute.

Il est donc bien entendu que les portes cochères des hôtels ne seront imposées que pour autant que ces hôteliers se trouvent imposables d'après la sixième eu la septième base, c'est-à-dire, s'ils possèdent eux-mêmes chevaux ou voitures.

Au surplus, quant aux portes et fenêtres, l'honorable chef du département des finances ne répond pas au côté rationnel de mon amendement ; il ne m'oppose que des objections pratiques.

Il argumente de ce que les hôteliers obtiennent un grand avantage par le projet actuel ; mais sous le régime de la loi de 1822, les hôteliers ont toujours soutenu qu'on leur a fait une fausse application de cette loi. J'ai sous les yeux, en ce moment même, un mémoire présenté au pouvoir législatif, en 1842, dans lequel les hôteliers protestant contre l'application qu'on leur fait de la loi de 1822, application qui va se continuer par la loi nouvelle, sauf la petite modification dont M. le ministre se fait argument pour repousser leurs justes prétentions.

Il est vrai que pour la fixation de la valeur de leur mobilier, les hôteliers ne seront plus tenus d'accepter le quintuple de la valeur localive, mais qu'ils auront la faculté de faire expertiser le mobilier de l'hôtel.

Cette innovation du projet ne constitue pas la moindre faveur ; ce n'est que l'application du droit commun aux hôteliers. Mais ce procédé est la supposition de ce qui est en question, c'est-à-dire de la légitimité de la taxe elle-même ou du moins de son uniformité. Il serait fort injuste de ne pas admettre pour l'hôtelier les moyens qu'on admet pour les autres personnes d'établir la valeur de la matière imposable ; mais il y a de plus nécessité de rechercher la légitimité et les conditions de légalité de la taxe imposée aux aubergistes et de comparer cette taxe à celle qu'on réclame des contribuables qui se trouvent dans l'aisance.

Une objection toute naturelle dans la bouche de mon honorable adversaire, c'est que mon amendement priverait le trésor public d'une somme considérable. C'est une raison un peu léonine, à mon avis ; mais la part qu'on ferait au trésor ne serait-elle pas toujours trop considérable si elle devait être acquise au détriment de la justice ou de l'équité ?

M. le ministre termine en nous opposant des difficultés de détail qui me semblent assez peu sérieuses. Il les découvre dans l'absence de définition de l'aubergiste et de l'hôtelier. Mais si cette difficulté était réelle, elle se serait présentée dans le classement des patentables. Les aubergistes et les hôteliers sont rangés dans une classe déterminée par la loi des patentes.

Jamais dans l'application de cette dernière loi, la signification des mots hôtelier, aubergiste et logeur n'a fait question. Ensuite, je ne me suis nullement occupé des cabaretiers dont M. le ministre demande aussi la définition.

Les cabarets se composent ordinairement d'une chambre dans laquelle le service du cabaret se fait et qui sert quelquefois au séjour habituel de ceux qui le tiennent ; on ne peut pas réclamer de privilège pour la fenêtre qui éclaire cette chambre ou pour la porte qui y donne accès.

D'après M. le ministre, tout cabaret est un lieu de logement. Ce n'est pas le sens que j'attache au terme. Pour jouir du bénéfice de la disposition, il faudrait être patenté comme aubergiste, hôtelier ou logeur.

Du moment que la condition de la patente est constatée, n'est-il pas vrai de dire que l'impôt des portes et fenêtres, tel que le projet le présente, est un double emploi ? En effet, que frappez-vous par la patente de l'hôtelier et de l'aubergiste ? Son industrie. Cette industrie peut-il l'exercer exclusivement par le travail personnel ? Non ; c'est au moyen de son hôtel, au moyen du logement qu'il fournit, qu'il se crée ses moyens d'existence. Cet hôtel, cette auberge sont éclairés par les fenêtres, chauffés par les foyers que vous frappez d'impôt ; une partie de la valeur localive de cet hôtel représente non l'habitation de l'aubergiste, mais son instrument de travail, son gagne-pain, en un mot.

Il y a là, ce me semble, d'excellents motifs pour modérer le droit.

En présence de l'explication fournie par M. le ministre, mon premier amendement disparaît ; le second, je ne le retire pas ; je désire constater au besoin l'effort que je fais pour obtenir justice en faveur des hôteliers.

Il faut qu'une proportion plus exacte soit établie entre ce qu'ils doivent à l'Etat et ce qu'on leur fait réellement payer depuis trop longtemps, nonobstant leurs incessantes et respectueuses réclamations.

M. le président. - M. Manilius propose l'amendement suivant :

« L'impôt pour toutes les portes et fenêtres est fixé à 5 p. c. de la valeur locative ; il sera en outre perçu une taxe de 8 fr. pour chaque porte cochère. »

M. Verhaegen. - J'engage l'honorable M. A. Roussel non seulement à ne pas retirer la deuxième partie de son amendement que je crois juste, mais je l'engage à aller un peu plus loin ; car quand on pose des principes, il faut en déduire toutes les conséquences.

Messieurs, nous avons pour les quatre premières bases inscrit une exemption en faveur des industriels et des fabricants. Je demande ce que sont les hôteliers et les aubergistes ? Ce sont des industriels, et pour exercer leur industrie de quoi se servent-ils ?

Comme les fabricants se servent de machines et les artisans d'outils, les hôteliers et les aubergistes se servent de leur hôtel, de leurs chambres et de leur mobilier, et pour cela ils payent un droit de patente considérable, calculé à raison d'autant de chambres dont se compose leur hôtel. Maintenant je le demande, si un industriel et un fabricant se trouvent exemptés pour les quatre premières bases, n'y a-t-il pas la même raison pour en exempter les aubergistes et les hôteliers ? Ce qui me fait dire que l'honorable M. Adolphe Roussel n'est pas allé assez (page 961) loin, et qu'ainsi il compromet le principe. S'il faut une exception, il faut l'admettre dans toute son étendue. Le meilleur moyen de justifier le principe, c'est de l'invoquer avec foutes ses conséquences. Je demanderai donc à l'honorable M. Adolphe Roussel s'il ne jugerait pas à propos d'ajouter à son amendement une disposition qui aurait pour but d'exempter de l'impôt du mobilier l'aubergiste pour toutes les parties de l'hôtel qui ne servent pas à son habitation particulière.

Ce qui me prouve que ce serait juste c'est ce qu'a avancé tantôt l'honorable ministre des finances. On avait voulu, a-t-il dit, faire cesser un grief qu'avaient les aubergistes contre la loi actuelle ; ils étaient obligés à payer toujours et dans toutes les circonstances l'impôt du mobilier calculé sur le quintuple de la valeur locative et ils ne le seront plus aujourd'hui, mais pourquoi ? Parce qu'on les a considérés comme de véritables industriels, et qu'à ce titre, il y avait quelque chose à faire pour eux.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - On les a considérés comme des citoyens ordinaires.

M. Verhaegen. - Ils sont dans une autre position que les citoyens ordinaires. Quand les personnes riches ont un beau mobilier, des appartements confortables, c'est pour elles, c'est une affaire de luxe ; c'est une affaire de confortable. Mais pour l'aubergiste qui loue ses chambres, ses lits ne sont qu'un instrument. Les lits qu'il loue aux étrangers qui logent chez lui, ce sont les instruments de son industrie. Il est grevé de droits de patente, en raison du nombre de ces instruments.

J'engage donc l'auteur de l’amendemeut qui invoque un principe à vouloir en faire découler toutes les conséquences ; et je suis prêt à appuyer de mon vote les dispositions qui auraient pour but des exceptions en faveur des hôteliers, aubergistes et logeurs.

Je ne crains pas qu'on puisse abuser de semblables dispositions ; car comme le disait tantôt l'honorable ministre des finances, il faudra bien que l'on sache à qui on aura affaire. Là déclaration, en matière de patentes, sert de base quant à l'assiette du droit. Ainsi un cabaretier n'ira pas déclarer qu'il a des chambres destinées à des voyageurs qui viennent loger chez lui. S'il le déclare, il sera frappé d'un droit de patente. Je n'ai donc pas de craintes sur ce point.

Il en résultera un déficit pour le trésor. C'est l'objection la plus saillante. Comme je suis dans l'habitude (je l'ai prouvé plusieurs fois), lorsque je propose une dépense de proposer en même temps les voies et moyens propres à la couvrir, comme je vais créer un déficit pour le trésor, je vais tâcher de proposer un moyen de le couvrir. Je propose de frapper d'un droit de 10 fr. ces petits miroirs qui sont connus dans certaines villes sous le nom d'espions, dans d'autres sous le nom de judas. (Interruption.)

Ou peut en rire, mais c'est une ressource.

M. Rousselle, rapporteur. - La Chambre comprendra qu'au milieu de la multiplicité des amendements improvisés qui se croisent, il me serait bien difficile de présenter une conclusion quelque peu motivée à la Chambre.

D'abord je ne le pourrais pas au nom de la section centrale, qui n'a point délibéré ; et dans cet état de choses, je dois me borner à faire, en mon nom personnel, quelques observations.

D'abord, il ne faut pas perdre de vue le principe de la loi, principe qui vous a été rappelé hier d'une manière extrêmement lucide par l'honorable M. Orts. Le principe de la loi c'est de fixer des éléments d'impôt, que l'on considère généralement comme des signes d'aisance, et tous ceux qui sont en possession de ces éléments, doivent l'impôt, n'importe l'état, la profession qu'ils exercent.

Lorsque la loi dit : « L'on prélèvera un tel impôt sur une fenêtre ou sur une porte, on n'a qu'une chose à voir, c'est si la personne qui occupe l'habitation où cette fenêtre ou cette porte est située ne se trouve pas dans les exceptions légalement prononcées, car dans ce cas la porte ou la fenêtre doit être taxée à l'impôt qui est général. Les aubergistes, les hôteliers, les logeurs, quand ils payent un impôt, comme les autres citoyens, évidemment ils n'en font que l'avance ; ils le récupèrent sur ceux à qui ils donnent le logement. Par conséquent, la comparaison d'un hôtelier, aubergiste ou logeur avec un autre contribuable n'est pas exacte, à mon sens. D'ailleurs, si vous voulez exempter les hôteliers, aubergistes ou logeurs, parce qu'ils exercent une industrie, je demande pourquoi, pour être conséquents, pour pousser votre principe jusqu'au bout, vous n'exempteriez pas de même la marchande de modes, les artisans, les boutiquiers en général, et alors que deviendrait l'impôt ?

Vous ne les exemptez cependant pas des taxes sur la valeur locative, sur les portes et fenêtres et sur le mobilier. Vous ne proposez pas d'en modérer la hauteur à leur égard. Pourquoi ? Parce qu'ils possèdent les objets que le législateur a voulu taxer. Pourquoi les aubergistes, les hôteliers, les logeurs qui sont dans le même cas obtiendraient-ils un privilège ?

J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait atteindre par l'impôt ceux auxquels ne s'appliquent pas les exemptions et les modérations prononcées par la loi, et l'on pourrait me répondre qu'il s'agit maintenant d'en prononcer.

Quant à moi, je repousse toute exemption d'impôt en principe, parce que toute exemption constitue un privilège, et je n'accepte en pratique que les exceptions qui sont commandées par des nécessités administratives ; si donc j'ai donné mon assentiment à celles qui sont exprimées dans le projet de loi, les motifs en ont été expliqués dans le rapport de la section centrale. Certainement les aubergistes, les hôteliers et les logeurs ne pourraient invoquer en leur faveur aucune des raisons qui ont ait admettre les exceptions dont il s'agit.

Il ne faut pas, comme on vient de le faire, attaquer les impôts par des considérations générales, en s'appuyant sur des principes absolus, sur des comparaisons que l'on prétend rationnelles ; c'est sur les effets pratiques, sur les conséquences relatives de la mesure qu'il faut asseoir sa détermination.

Or les moyens pratiques, la justice distributive même, me paraissent nécessiter ici que les hôteliers, les aubergistes et les logeurs soient taxés comme tous les autres industriels de cet ordre, comme tous les autres citoyens ; sans cela, je le répète, vous taririez les forces les plus fécondes de l'impôt, et si vous anéantissez l'impôt, je vous demanderai sur quelle nouvelle base praticable vous retrouverez la somme considérable donl sera privé le trésor.

Je crois que ce que l'on aurait de mieux à faire, si l'on continuait ce système d'amendements, ce serait de les renvoyer tous à l'examen de la section centrale, qui pourrait les approfondir, mettre à côté les chiffres et donner à la Chambre le moyen de se prononcer en connaissance de cause.

M. le président. - Il ne faut pas renvoyer à la section centrale des propositions sur lesquelles elle s'est déjà prononcée. Voici l'amendement que vient de déposer M. Verhaegen :

« J'ai l'honneur de proposer comme amendement à l'article 3 :

« Pour chaque balcon faisant saillie sur la voie publique, 10 fr.

« Pour chaque miroir attaché en dehors des fenêtres et balcons, connu sous le nom d'espion, 10 fr. »

M. Manilius. - Messieurs, je crois avoir suffisamment développé l'amendement que j'ai déposé. Je ne puis m'opposer à ce qu'on le renvoie à la section centrale si la Chambre le juge utile. Mais je pense qu'il est d'une lucidité telle, qu'on peut le voter sans que la section centrale donne son avis. La section centrale n'a pas voulu se départir de l'ancien système, il est peu problable qu'elle change d'opinion.

Mon amendement est basé sur les chiffres que nous a donnés la section centrale elle-même. Elle a dit que le revenu cadastral était établi sur 52 millions. J'ai pris le chiffre que rapportent aujourd'hui les portes et fenêtres, et je trouve qu'il représentait 5 p. c. sur ces 52 millions. Or, je propose pour les portes et fenêtres 5 p. c. de la valeur locative. Mon amendement n'apportera donc ni perte par le trésor, ni perturbation. La seule perturbation qui pourra en résulter, c'est que ceux qui habitent des maisons très vastes où il y a beaucoup de portes, beaucoup de fenêtres et beaucoup d'objets de luxe, payeront un peu plus, et que les maisons qui contiennent peu de ces objets, payeront un peu moins. Seulement vous aurez une perception en plus sur les portes cochères.

Car vous aurez remarqué que dans mon amendemenl je frappe les portes cochères d'une taxe extraordinaire ; mais je n'ai porté cette taxe qu'à 8 francs, parce que les portes cochères sont déjà comprises dans les portes et fenêtres, comme nous l'a fait remarquer M. le ministre des finances.

Je crois, messieurs, que le renvoi de mon amendement à la section centrale est inutile. La section centrale ne pourra que dire : Les chiffres sont exacts, mais nous n'aimons pas cette proposition, nous préférons le système que nous vous avons présenté. Je dis, messieurs, que mes calculs sont exacts, car je les ai faits deux fois ; j'en ai fait la preuve, je puis donc certifier leur exactitude. Mais je vous dis ce que répondra probablement la section centrale, il est inutile de le lui soumettre une seconde fois. Mais les membres de la Chambre qui n'ont pas été dans la section centrale, ont entendu mes raisons ; la Chambre les appréciera, j'espère, par un vote favorable. J'ai dit.

M. le président. - J'ai dit qu'il était inutile de renvoyer à la section centrale les propositions sur lesquelles elle s'était déjà prononcée, et l'amendement de M. Ad. Roussel est dans cette catégorie.

Voici maintenant l'amendement de M. Manilius, qui tend à fixer l'impôt sur les portes et fenêtres à 5 p. c. de la valeur locative, et à établir une taxe de 8 fr. sur les portes cochères. C'est un système tout nouveau. La Chambre aura à voir s'il faut le renvoyer à l'examen de la section centrale.

M. Dumortier. - Messieurs, je regrette vivement, puisque le gouvernement voulait reviser la loi sur la contribution foncière, qu'il n'ait pas agi comme on l'a fait en Angleterre, qu'il n'ait pas compris dans une seule et même base l'impôt sur les portes et fenêtres, l'impôt sur les foyers et même l'impôt sur le mobilier. Tout cela peut entrer dans une seule et même base, celle de la valeur locative. Il était excessivement facile de simplifier considérablement les déclarations des contribuables et la besogne de l'administration des finances, de réduire singulièrement les dépenses qu'engendrent les expertises, en faisant comme en Angleterre, en établissant l'impôt exclusivement sur la valeur locative et en élevant la quotité au prorata de ce que doit produire l'impôt. C'était un système très simple qui eût été accueilli avec une immense faveur dans tout le pays.

Pour mon compte, je désirerais vivement qu'avant d'aller plus loin, le gouvernement voulût bien examiner cette question.

En Angleterre, des pétitions sans nombre étaient arrivées, pour (page 962) demander à la suppression de l'impôt sur les portes et fenêtres, de l'impôt sur les fovers et de tous ces genres d'impôts différents. Qu'a fait le parlement d'Angleterre ? Il a compris le tout dans un seul impôt ; il a dit : En définitive, tout cela rentre dans la valeur locative ; et il a créé un seul et unique impôt qui a remplacé tous les autres, sans mettre le trésor en déficit, en augmentant même la recette. Car, si vous pouviez supprimer toutes les expertises auxquelles vous êtes obligés, vous auriez déjà amené une très belle recette dans le trésor public.

Ensuite, avec ce système, il n'y a plus de fraude possible, tandis qu'en établissant l'impôt sur sept ou huit bases, à chaque instant vous invitez à la fraude. Aussi cette fraude s'exerce-t-elle souvent sur l'une ou l'autre base, et souvent même sur presque toutes.

Messieurs, voyez ce qui arrive. Notre honorable collègue M. Verhaegen en vous présentant tout à l'heure des observations dont je reconnais d'ailleurs la justesse, vient de vous proposer une nouvelle base d'impôt : ce sont les petits morceaux de glace que l'on met à côté des fenêtres. Je croyais que l'honorable membre allait proposer un autre impôt, c'est l'impôt sur les fenêtres garnies de glaces. J'eusse compris cela. Mais je ne comprends pas l'impôt qui a pour base un petit morceau de glace qu'on met en dehors de sa fenêtre ; c'est là un objet fort peu luxueux, que les personnes les moins riches peuvent se donner comme les plus grandes dames et qui ne nuisent à personne. Mais je concevrais un impôt basé sur les fenêtres garnies de glaces.

M. Verhaegen. - Eh bien, proposez-le.

M. Dumortier. - Non, il y a déjà trop de bases ; je voudrais au contraire en réduire le nombre.

Messieurs, je le répète, nous allons nous trouver jetés dans une foule d'amendements, dans une foule d'objection ; et cela pourquoi ?

Parce que nous n'avons pas simplifié la question, parce que nous maintenons la question dans les complications des anciens rouages, tandis que toute machine marche infiniment mieux, lorsque les rouages sont excessivement simples. Si au lieu de faire une montre avec le nombre de roues que l'on emploie aujourd'hui, vous pouviez en faire qui n'eussent que deux roues, on ne voudrait plus que ces dernières. Il en est de même des impôts. Simplifiez les rouages ; vous prenez une mesure utile et vous arrivez à une recette équivalente, et avec une recette équivalente, vous arrivez à une plus grande recette, parce que vous avez une économie.

Voyez maintenant le système qui est présenté ; il est tellement peu mûri qu'il consacre, de toute évidence, un privilège en faveur des grandes villes et au détriment des petites villes et surtout des campagnes. D'abord on impose toutes les fenêtres de la même manière alors que dans les campagnes une fenêtre se compose de quatre petits morceaux de vitre rattachés par de petites bandes de plomb, tandis que dans la capitale on voit des fenêtres ayant de magnifiques glaces ; ce sont là des choses tout à fait différentes et il est souverainement injuste de les imposer de la même manière. Il est souverainement injuste de faire payer le même impôt à la fenêtre du pauvre qui vaut 1 fr. 50 c. et à la fenêtre du riche qui vaut 2,000 francs. Cela n'arriverait pas si l'impôt des portes et fenêtres était perçu proportionnellement à la valeur locative.

Ce n'est pas tout, messieurs, on établit une échelle qui, au premier abord, paraît juste et rationnel, mais on y ajoute un correctif qui en détruit complètement l'effet ; on accorde une faveur aux fenêtres du deuxième et du troisième étages, alors que ce sont précisément les maisons de 4 ou 5 étages qui ont le plus de valeur ; ce sont celles dont le terrain vaut souvent 15, 20 ou 30 fr. le pied et même plus.

Ainsi les fenêtres du troisième étage des magnifiques hôtels de la capitale payeront 15 centimes de plus que les fenêtres des petites maisonnettes d'une commune de 5,000 âmes.

Supposons maintenant une maison de chacune des trois principales catégories ; prenons 5 fenêtres, porte comprise, au rez-de-chaussée ; ce sera pour le rez-de-chaussée et le premier 10 fenêtres, et comme il y a une façade par derrière ce sera en tout 20 fenêtres. Dans la capitale on payera de ce chef, à 1 fr. 50 c, 30 fr. ; vous aurez ensuite 20 fenêtres de deuxième et de troisième étage, à raison de 85 centimes, 17 fr., total 47 fr. soit 1 fr. 17 c. par fenêtre.

Dans une ville de 50,000 à 100,000 àmes, les 20 fenêtres du rez-de-chaussée et du premier payeront, à raison de 1 fr. 25., 25 fr. ; les 20 autres payeront 17 fr. Total, 42 fr.

Là on payera donc 1 fr. 05 c. par fenêtre, tandis que dans les communes de 20,000 à 50,000 âmes, on payera 1 fr. 10 c, c'est-à-dire 5 c. de plus que dans les villes de la catégorie précédente.

Il est évident, messieurs, que toute la loi a pour résultat incontestable de surtaxer les villes de second ordre au bénéfice des villes de premier ordre.

Eh bien, je suis convaincu qu'il n'est dans l'intention de personne f'admettre un semblable système.

Tout cela, messieurs, prouve une chose, c'est que le principe est mauvais et qu'il faut en revenir au principe de la loi anglaise, c'est-à-dire, prendre les quatre bases dans la valeur locative, qui résume tout. La valeur locative ne donne pas seulement le nombre des fenêtres, mais elle donne aussi la valeur des fenêtres ; elle donne non seulement le nombre des foyers, mais aussi la valeur des foyers ; elle donne également la valeur du mobilier.

Admettez donc le système anglais, faites une loi simple qui procure le même revenu au trésor, mais qui ne vienne pas contrarier les habitudes du contribuable et qui ne l'excite pas à employer mille moyens pour se soustraire à l'impôt. Faites surtout une loi qui établisse une juste répartition de l'impôt.

Ce n'est pas tout, messieurs, il y a des portes et fenêtres dans les façades tant intérieures qu'extérieures des bâtiments, qui étaient exemptées et qui paraissent ne plus l'être d'après le projet.

Mais il existe très souvent des galeries qui joignent un corps de logis, à un autre, lorsque le terrain est profond et qu'il n'a que peu de largeur ; entendez-vous faire payer les vitrages de ces galeries, comme des fenêtres ? S'il en est ainsi, c'est encore une injustice, car il est évident que ces maisons ont moins de valeur que si les deux corps de bâtiment n'en faisaient qu'un.

Vous avez des maisons où il y a une serre annexée au corps de logis, dont elle est censée faire partie ; est-ce- que vous compterez le nombre de châssis qui se trouvent dans cette serre ? (Interruption.) J'entends dire oui, d'autres diront non, on ne saura sur quel pied l'établir. Tout cela était parfaitement expliqué dans les lois anciennes ; que fera-t-on maintenant ? Je n'en sais rien.

Il faudrait bien au moins ne pas laisser ainsi tout dans le vague, car alors de deux choses l'une, ou vous laisserez faire la loi par le ministre des finances, c'est-à-dire que vous lui déléguerez le droit d'établir l’impôt, ou bien la chose dépendra des répartiteurs qui, dans une ville, décideront dans un sens, et dans une autre ville, dans un sens opposé, de sorte que vous n'aurez aucune égalité.

Je crois, messieurs, qu'il n'y a qu'un seul moyen de faire une bonne loi, c'est d’imiter ce qui se fait en Angleterre : Réunir les quatre premières bases en une seule, prendre pour base générale la valeur locative et fixer le chiffre à payer du chef de cette base de manière que l'impôt rapporte la somme qu'on veut obtenir des quatre bases réunies.

C'est le seul et unique système praticable dans l'espèce.

Je ne veux pas présenter d'amendement ; mais si la Chambre trouvait fondées les observations que je viens de développer, il serait infiniment plus sage de prier le gouvernement et la section centrale d'examiner la question à ce point de vue, de manière à simplifier considérablement les rouages de l'administration, et à nous faire une loi qui ne nous offre pas tous ces détails, toutes ces sources d'objections et toutes, ces lacunes que j'ai signalées.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je reviendrai d'abord sur l'amendement de l'honorable M. Roussel. L'honorable M. Verhaegen a fait de cet amendement la critique la plus complète en disant que la distinction ne devait pas s'arrêter aux portes et fenêtres des logeurs, mais qu'il fallait l'étendre au mobilier, foyers, etc.

M. Roussel. - J'ai présenté un amendement dans ce sens.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Bon, maintenant, je dirai à mon tour à l'honorable M. Verhaegen qu'il n'est pas allé assez loin, non plus, et qu'il faut étendre aussi l'amendement à la valeur locative.

M. Verhaegen. - C'est ce que je viens de faire.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Bon. Mais il faut également étendre l'amendement aux foyers comme vous l'avez dit.

Maintenant, après avoir étendu l'amendement aux quatre bases les plus productives de l'impôt personnel, il faut appliquer la disposition, non pas seulement aux cabaretiers, mais encore à tous ceux qui, sans avoir patente de logeur, sous-louent des appartements ; car dans les villes bien des personnes prennent de vastes logements avec la perspective d'en sous-louer une partie. Ainsi, à Bruxelles, il est tel boutiquier de la rue de la Madeleine qui serait ruiné, s'il devait occuper toute sa maison et payer ses impôts avec le seul gain de son commerce. Il destine le premier, quelquefois même le second étage à la location, et se retire souvent avec sa famille dans les mansardes. Eh bien, par les considérations qu'on a fait valoir, il faut aussi qu'on exempte ce boutiquier de la contribution personnelle pour les parties de sa maison qu'il donne en location.

Il faudrait encore appliquer la disposition aux maîtres de pension qui ne prennent de vastes habitations qu'avec l'intention d'y loger des pensionnaires.

Mais allons au fond des choses ; est-il aussi raisonnable que cela en a l'apparence, de comparer les hôteliers aux fabricants ? Je prétends que je suis beaucoup plus près de la vérité en disant que les voyageurs qui vont loger chez l'hôtelier sont, à proprement parler, des locataires d'un jour ; que cet hôtelier est à leur égard dans la même position que le propriétaire qui loue une maison à un tiers ; de sorte que l'impôt personnel qu'il paye du chef de ces quatre bases, il le récupère sur le locataire qui vient prendre son logement chez lui.

Les cabareliers qui sont au nombre de cent mille peut-être dans le pays sont tous des logeurs dans les petites villes et au plat pays ; il y a même des villages où l'on ne trouve à se loger qu'au cabaret.

Ainsi cet amendement, ainsi que le sous-amendement qu'on vient d'y adjoindre, prouvent, par l'exagération même à laquelle ils conduisent fatalement, l'impossibilité de les admettre, et ils ne se recommandent pas même au fond par la justice, attendu que les hôteliers ne sont, je le répète, à l'égard de leurs clients, que de véritables sous-loueurs.

Messieurs, rien n'est plus facile que de faire la critique d'une loi d'impôt, par le motif très simple, que l'on n'aime pas à payer.

(page 963) Le meilleur impôt est celui qui est en perspective, et le plus mauvais est celui qui est en discussion. Il en sera éternellement ainsi. L'honorable M. de Renesse a passé hier en revue une série d'impôts qu'à son avis on pourrait établir ; eh bien, j'ose lui donner l'assurance que si ces impôts étaient proposés, il verrait se repéter ce qui se passe aujourd'hui pour la contribution personnelle ; et qu'il en sera ainsi pour toutes les lois d'impôts qu'on imaginera.

Ce qui est beaucoup plus certain, c'est que de tous les impôts à établir, le moins mauvais est celui auquel une population est accoutumée depuis trente ans.

Cet impôt, celui que nous améliorons en le conservant est entré dans les mœurs et dans les habitudes ; n'y substituez donc pas un impôt tout nouveau qui ferait naître des mécontentements et dont personne ne vous saurait gré. Ce qui est seul sage, c'est de se borner à corriger les vices trop patents de la législation existante.

Je l'ai déjà dit, je serais peut-être comme l'honorable M. Manilius, grand admirateur du système qui établirait principalement la contribution personnelle sur la valeur locative ; mais je cherche de nouveau à faire voir à la Chambre que dans l'état actuel des choses, ce système est impossible.

L'honorable M. Dumortier dira sans doute que ce qui est possible en Angleterre l'est aussi en Belgique. Je répondrai qu'en Angleterre, à moins qu'il n'y existe une autre loi que je connais pas, il y a, à côté de la loi sur l’income tax, une loi sur les portes et fenêtres qui n'est pas abrogée et qui soumet les portes et fenêtres à un tarif ascendant, à raison de 3 jusqu'à 40 schellings par fenêtre, et avec un maximum de 180 fenêtres. Voilà la vérité.

Je crois que c'est une utopie, qu'on caresse à plaisir, de vouloir faire peser toute la contribution personnelle sur la valeur locative. En effet, comment connaissons-nous cette valeur locative ? Ah ! si la révision cadastrale était achevée, si cette oeuvre si difficile, si longue, si coûteuse, était acceptée par la Chambre, on aurait là une base fixée non pas arbitrairement de commune à commune par les déclarations des intéressés, mais établie par des expertises faites par les agents de l'administration, qui se concertent non seulement dans la même commune, mais encore d'arrondissement à arrondissement, et puis de province à province ; on pourrait ainsi établir une espèce de comparaison entre toutes les demeures des citoyens ; on aurait une base réelle, fixe ; en ce ce cas peut-être je comprendrais qu'on l'adoptât pour règle principale.

Mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent ; les agents de l'administration sont complètement étrangers à la fixation de la valeur locative ; c'est ce qu'on semble oublier ; je vais le faire voir. Nous sommes, je suppose, aux approches du 1er janvier 1855, date de l'exécution de la nouvelle loi ; comment le fisc connaîtra-t-il la valeur locative des habitations ? On distribue des billets aux chefs de famille pour les inviter à faire leur déclaration. Cette déclaration faite, aujourd'hui qu'une partie seulement de la contribution personnelle pèse sur la valeur locative, je ne dis pas des fraudes, mais des omissions en moins sont la règle univervelle ; or, que sera-ce quand l'impôt tout entier sera établi sur cette donnée ? Chacun cherchera à diminuer la valeur de son habitation. Voilà donc que toutes ces déclarations qui arrivent sont soupçonnées de manquer d'exactitude, sont-ce les agents du fisc qui les contrôleront ? Non ; l'article de la loi vous dit qu'une commission composée de deux membres de l'administration communale et de deux membres de l'administration des finances sera chargée de nommer des experts. Mais est-ce cette commission qui va dans les maisons vérifier les faits ? Non ; cette commission ainsi composée se borne à faire cette nomination d'experts qui ne peuvent pas être des agents de l'administration, conséquemment des experts désintéressés dans la question. Ce sont ces experts qui seuls peuvent aller dans le domicile des contribuables ; ces experts très honorables, de très bonne foi quoiqu'ils aient un intérêt comme membres de la commune, mais qui ne connaissent pas ce qui se fait à Gand, à Verviers, dans toutes les localités du pays, qui ne voient que ce qui se passe sous leurs yeux, vous voulez qu'avec des moyens aussi incomplets ils établissent l'assiette de l'impôt ? Que devient donc l'article de la Constitution qui exige l'égalité de l'impôt, si vous le faites payer aux citoyens en l'établissant exclusivement sur des bases aussi fautives ? Comme je l'ai déjà dit, la loi ainsi établie ne subsisterait pas deux ans.

Ce n'est que quand on s'appesantit sur une hypothèse comme celle-là qu'on aperçoit les nombreuses injustices qu'elle entraînerait. Ainsi, prenez une des plus petites maisons de la rue de la Madeleine, vous verrez qu'elle a une valeur locative de 1,500 fr. au moins ; prenez ensuite les 400 ou 500 châteaux situés dans le pays, vous verrez que le valeur locative du plus grand nombre n'est que de 600 francs ; et vous voudriez que pour les habitants de ces demeures on ne tînt pas compte des fenêtres, des foyers ni du mobilier plus ou moins riche qui les garnit, et qu'on fît porter toute l'imposition personnelle sur la valeur locative ! Je dis, moi, qu'on arriverait de cette mauière à des conséquences qui seraient repoussées par vous tous.

Si j'avais pu croire qu'on eût insisté aussi longtemps sur ce système, ce ne serait pas un seul exemple qui se serait présenté à mon esprit, mais vingt, mais mille, aussi choquants que celui que je viens d'indiquer.

On dit qu'il y a privilège pour les grands et des charges trop lourdes pour les petits. Ainsi, dit-on, on imposera de la même manière une grande fenêtre et une petite. J'ai déjà entendu adresser au département des finances le reproche opposé ; mais c'est la première fois que celui-ci m'est adressé. Je crois fermement que pour quiconque a étudié attentivement l'ensemble de la législation, une conséquence contraire doit être admise ; on a dit que c'était une loi qui n'avait pas été assez méditée, je regrette en effet qu'on ne l'aie pas étudiée davantage, mais ce n'est pas à nous que ce reproche peut s'adresser ; quiconque, dis-je, en étudiera l'ensemble verra qu'elle demande moins que l'ancienne aux petits et aux classes intermédiaires, et qu'elle demande davantage aux riches.

Mais, dit-on, on impose de la même manière une grande fenêtre et une petite ; voulez vous qu'on impose les fenêtres, à raison du nombre de centimètres carrés, que les experts aillent de fenêtre en fenêtre en mesurer la hauteur et la largeur ? Réellement c'est impraticable, et ce serait de plus une chose déplorable de déterminer l'impôt en raison de la dimension des fenêtres ? Ce serait alors qu'on pourrait dire que la loi est contraire à l'hygiène.

Certes, je ne craindrais pas qu'un propriétaire réduisît la dimension des fenêtres de la maison qu'il veut habiter lui-même, mais ce que je craindrais, c'est que certains propriétaires qui louent à des ouvriers, ne diminuassent les fenêtres pour arriver à payer la moindre taxe possible.

En définitive, ce serait la classe la moins aisée qui souffrirait le plus de cette taxe décroissante que l'on préconise.

Il y a une disposition que j'essayerais de faire disparaître du projet si j'entrevoyais une chance de succès. Suivant moi, c'est une chose fatale que d'exempter toute maison louée à des tiers et dont la valeur locative n'excède pas 40 francs.

Je comprends que chaque citoyen soit libre de sa personne ; c'est la première des propriétés, et s'il lui convient de se bâtir une maison où il n'y ait pas de jour, personne n'a le droit de l'en empêcher ; mais le législateur qui défend de vendre des boissons falsifiées, qui commine des peines contre ceux qui vendent du pain sophistique, ne doit pas non plus encourager les constructions de maisons privées de jour pour les ouvriers, et cela par l'appât de l'exemption de l'impôt.

J'attendrai que d'autres objections soient présentées contre le projet de loi.

M. le président. - M. Ad. Roussel propose de terminer l'article 4 par un paragraphe nouveau ainsi conçu :

« Les hôteliers, aubergistes ou logeurs ne payeront pour tous leurs foyers jusqu'à douze, que la taxe fixée au littéra B ci-dessus. »

Et l'art. 6 par le paragraphe suivant :

« Les hôtels, logements et auberges, pour la partie desdites maisons qui ne servent point à l'habitation des hôteliers, logeurs et aubergistes, ne payeront que demi-droit. »

M. Verhaegen propose d'ajouter à l'article 6 n°5 après les mots « bâtiments », ceux-ci : « les portes de bâtiment servant à l'exploitation des hôtels et auberges ».

M. Roussel. - Je n'ai qu'un mot à dire pour répondre à mon honorable et puissant auxiliaire M. Verhaegen.

Je suis heureux de voir que mon honorable et puissant auxiliaire ait pris le parti de présenter l'amendement qu'il me suggérait tantôt, car en m'accusant d'inconséquence, il me semblait...

M. Verhaegen. - Je ne vous ai pas accusé d'inconséquence, je vous ai engagé à tirer toutes les conséquences du principe que vous aviez posé.

M. Roussel. - Il m'avait semblé que, très amicalement, du reste, vous m'aviez adressé un reproche d'inconséquence. L'honorable membre a bien fait de présenter lui-même l'amendement qu'il m'engageait à proposer. S'il ne l'eût pas fait, il se fût exposé lui-même au reproche tout amical que j'avais cru entrevoir dans ses paroles.

Quant à moi, voici ce qui m'a guidé dans ma conduite : je ne suis pas inconséquent le moins du monde. J'ai voulu faire la part du feu. L'honorable M. Verhaegen veut essayer de l'éteindre complètement.

Mes souhaits l'accompagneront dans la sérieuse expédition qu'il va tenter. Mais je viens d'entendre M. le ministre des finances argumenter de l'exagération du système de l'honorable M. Verhaegen, et de l'effet qu'il doit produire sur le trésor contre mes propres prétentions si restreintes et si modérées. Cette argumentation de M. le ministre fera sans doute comprendre à la Chambre pourquoi j'ai réclamé la modération et non l'exemption de l'impôt pour les hôteliers, les aubergistes et les logeurs.

En bornant ma demande à une modération de l'impôt, je ne tue pas l'espérance, car je n'ouvre pas un déficit aussi considérable pour le trésor. Mais du moment où l'honorable M. Verhaegen se croit sûr d'obtenir l'exemption, je me rallie à lui de tout mon cœur, et je l'applaudirai si l'assemblée veut le suivre dans cette voie. Après tout, si l'exemption complète, proposée par l'honorable M. Verhaegen, n'était pas admise, je prierais la Chambre de vouloir bien accorder encore un moment d'attention à mon système, plus humble mais plus modéré, qui tend à diminuer l'impôt en faveur des industriels qui hébergent les voyageurs daas leurs maisons.

M. Verhaegen. - Je n'ai rien à dire en réponse à la seconde partie du discours de l'honorable ministre des finances. Moi aussi, je prétends que la proposition qu'il a combattue irait à rencontre du but que nous nous proposons. Il est évident qu'il y aurait des injustices criantes, en ce que des maisons occupées par des détaillants payeraient énormément, tandis que des châteaux, des maisons très confortables (page 964) échapperont à l'impôt. C'est par cette raison que je n'admets ni l'amendement de l'honorable M. Manilius, ni les observations de l'honorable M. Dumortier.

J'admets donc les observations présentées à ce point de vue par l'honorable ministre des finances. Mais, nonobstant ses observations, je ne puis pas ne pas persister dans l'amendement que j'ai présenté.

Je dirai de plus, en réponse à l'honorable M. Ad. Roussel, que du moment que j'accepte une proposition, j'aime bien à en avoir toutes les conséquences. Non pas que j'espère réussir dans ma proposition, et si elle n'est pas adoptée, je voterai aussi de tout cœur pour la sienne.

Pour suivre la marche que j'ai indiquée, j'aurais dû proposer un amendement à chacun des articles relatifs aux bases de l'impôt personnel. J'ai préféré l'introduire à l'article 6, et j'ai intercalé les mots « auberges et hôtels » après les mots : « fabriques et usines » ce qui est le meilleur moyen de démontrer que je veux les conséquences du principe que l'on pose.

Toute la question se réduit à savoir si un aubergiste, un hôtelier est, oui ou non, un industriel, pour les parties de ses bâtiments qui ne servent pas à son habitation personnelle. Si vous exemptez l'industriel, vous devez l'exempter dans toutes les catégories. On ne peut exempter de l'impôt celui qui loue des appartements, car ce n'est pas un industriel, il ne paye pas patente. Je ne demande l'exemption pour l'industriel que parce qu'il paye le droit de patente.

Le droit de patente, payé par l'hôtelier, est proportionné au nombre de chambres de son hôtel. Ce qui me fait dire que je ne crois pas qu'il y ait de fraude possible. La patente d'hôtelier, qui est fort élevée, donnera seule droit à l'exemption.

Maintenant comme de ma proposition il doit résulter un déficit, j'ai proposé une nouvelle ressource. A cet égard, j'aurai l'honneur de répondre à M. Dumortier que je ne suis pas plus que lui partisan de créer de nouveaux impôts. Et, si j'ai proposé une nouvelle base, ce n'est que pour remplacer celle qui fait défaut et pour rétablir l'équilibre. C'est vraiment assez singulier ; on avait présenté une loi pour créer de nouvelles ressources au trésor, et maintenant on dit que le projet diminuera le produit de l'impôt, amènera un déficit, et en définitive personne ne sera content de la loi. Quant à moi, pour ne pas encourir le reproche de créer un déficit, je propose une nouvelle ressource en remplacement de celle que je supprime. Cette base nouvelle est-elle juste ? Pour les balcons, dont on parle depuis longtemps, je propose 10 francs. Est-ce trop ? Je ne le pense pas. Personne pour échapper à une taxe de 10 fr. ne voudra se priver d'un balcon.

Je propose aussi une taxe de 10 fr. sur les petits miroirs. On veut frapper la richesse, le luxe, la vanité. Pourquoi ne pas frapper aussi la curiosité et l'indiscrétion ?

M. Rodenbach. - D'ailleurs dans un pays libre, il ne doit pas y avoir d'espions.

M. Verhaegen. - Je ne propose pas de les supprimer, mais de les imposer.

L'honorable M. Dumortier a parlé d'imposer les glaces des croisées ; qu'il fasse une proposition en ce sens, et je l'appuierai de mon vote. Mais je doute que cette base fût bien productive ; car ces glaces ne sont pas très mombreuses ; tandis que ces petits miroirs que je propose d'imposer sont en très grand nombre.

M. Dumortier. - L'honorable ministre des finances m'a combattu en atténuant étrangement les dangers de l'expertise. A l'entendre, l'expertise ne serait rien du tout. Qu'est-ce alors que toute sa loi, qui a pour base l'expertise ? .

Quant à la proposition de faire payer l'impôt d'après la grandeur des fenêtres, je ne l'ai jamais faite. J'ai seulement dit qu'il était injuste de faire payer, pour les portes et fenêtres, le même droit aux ouvriers qu'aux personnes riches.

Messieurs, on vous a dit que le système que je défends aurait pour effet de faire diminuer l'impôt sur les châteaux et de l'augmenter sur les autres maisons. C'est une erreur évidente. Car l'expert saura toujours faire raison d'une valeur déclarée inférieure à ce que la maison doit payer.

Je maintiens donc mon système ; je crois qu'il vaut infiniment mieux n'avoir qu'une base, celle de la valeur locative.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.