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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 23 mars 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1144) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présenté l'analyse des pièces dressées à la chambre.

« Les sieurs d'Hooghe, Verhoeven et autres membres de la société dite « de Eendragt », à Anvers, déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Le sieur Lardinois, imprimeur-éditeur, à Liège, déclare adhérer aux protestations adressées à la Chambre contre la convention littéraire conclue avec la France et demande qu'au moins il ne soit pas donné un effet rétroactif à la convention et qu'on puisse faire de nouvelles éditions ou réimprimer tous les ouvrages qui auront paru en France jusqu'au jour de la mise à exécution du traité. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la convention.


« Les sieurs Schott frères, éditeurs de musique à Bruxelles, présentent des observations sur la convention littéraire conclue avec la France et demandent que le gouvernement stipule en fàvehr de la Belgique, 1° la libre vente dans le royaume des œuvres musicales éditées avec droit de propriété avant la conclusion de la convention, n'importe le nombre de fois, ni le pays où elles ont été publiées et des œuvres musicales publiées avec droit de propriété en pays étranger, depuis l'adoption de la convention alors même que ces œuvres auraient été légalement éditées en France ; 2° l'annulation de la clause de l'article premier relative aux morceaux de musique compris sous le terme général d'arrangements, en tant au moins que ces arrangements sont tirés d'oeuvres musicales comprises dans les deux catégories qui précèdent. »

- Même décision.


« Des fabricants de briques à Ixelles demandent que les barrières les plus rapprochées de la ville de Bruxelles soient déplacées si les faubourgs sont réunis à la capitale. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale.


« Les sieurs Malicot et comp. font hommage à la Chambre d'un plan général d'un chemin de fer de ceinture et des faubourgs de Bruxelles et de 112 exemplaires d'une carte réduite de ce plan et d'une notice à l'appui. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale, distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« Le sieur André Romberg Magneysen, seconda bord du navire belge Quinten Melsys, né à Selt (Danemark), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Doreye, blessé de septembre, remercie la Chambre, au nom de blessés de Saiute-Walburge, de l'augmentation de pension quelle a votée en faveur des décorés de la croix de Fer. »

- Pris pour information.


« Des habitants d'Anvers déclarent protester contre la circulaire de M. le ministre de l'intérieur, à l'occasion du pétitionnement en faveur de la langue flamande. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le conseil communal d'Angre prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois ia concession d'un chemin de fer destiné à relier la Flandre orientale avec les charbonnages du Couchant de Mons, en passant par Péruwelz, Blaton, Thulin, Elouges, Dour, Fayt-le-Franc et Bavay. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Cassart, receveur à Jodoigne, demande que les receveurs communaux soient autorisés à diriger des poursuites contre les débiteurs à la caisse communale, de la même manière que cela se pratique pour les recouvrements des deniers au profit de l'Etat. »

- Même renvoi.


« Des pharmaciens, à Boussu, Angre et Roisin, déclarant adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut, relative à la représentation des pharmaciens dans l'Académie de médecine. »

« Même déclaration de pharmaciens à St. Ghislain et à Trazegnies. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Pourbaix, pharmacien à Marchienne-au-Pont, demande une loi fixant le nombre de pharmaciens qui doivent faire partie de l'Académie de médecine, et déclarant l'exercice de la médecine incompatible avec l'exercice de la pharmacie, si ce n'est dans les communes où le médecin et le pharmacien ne pourraient, l'un à côté de l'autre, trouver une existence honorable. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Schaerbeek présentent des observations contre le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Mêmes observations d'autres habitants de Schaerbeek. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des tanneurs à Tournai et à Péruwelz transmettent à la Chambre une copie de la pétition qu'ils ont adressée à M. le ministre de l'intérieur pour que les cuirs verts et salés et les peaux de veaux fraiches, salées et sèches en poil indigènes, soient prohibées à la sortie ou frappées d'un droit de 15 francs par 100 kilog. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« M. Vanden Branden de Reeth demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« Par dépêche du 17/22 mars, M. le ministre de la justice adressée la Chambre dix exemplaires du compte statistique des libéralités faites en Belgique au profit des établissements de bienfaisance et au culte pendant les années 1850 à 1855. »

- Dépôt à la bibliothèque.


M. le président. - Dans le compte rendu de la séance d'hier les Annales parlementaires ont omis de mentionner mon vote sur la proposition de M. Orts. Je tiens à ce que l'on sache que ce vote a été favorable, et j'invite MM. les sténographes à faire rectifier l'erreur commise.

Rapports sur des pétitions

M. David, au nom de la commission d'industrie, dépose deux rapports sur des pétitions relatives à la sortie des minerais.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et décide qu'ils seront discutés à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle en premier lieu, la discussion du projet de loi ayant pour objet d'accorder au département de la guerre un crédit supplémentaire de 35,411 francs 61 cent.

C'est un projet de loi qui a été présenté en 1849. Il a été examiné d'abord par une section centrale présidée par M. Verhaegen. Cette section centrale avait conclu au rejet, à l'unanimité moins une voix. Depuis, la section centrale a été modifiée, et elle conclut au rejet, à l'unanimité.

M. Osy. - Je pense, messieurs, que la discussion peut s'ouvrir, bien que M. le ministre de la guerre ne soit pas présent ; la question concerne autant le département des finances que le département de la guerre, et M. le ministre des finances pourra fort bien combattre ou soutenir la proposition de la section centrale.

Le projet qui nous est soumis a été présenté par l'ancien ministère en 1849 à la suite d'une proposition faite en 1842 par la commission des finances. Pour bien expliquer la question à la Chambre, je suis obligé de remonter un peu plus haut, afin de faire comprendre d'où proviennent ces créances.

Lors du siège de la citadelle d'Anvers, l'armée française a coupé du bois et pris d'autres objets dont elle avait besoin, au nord de la ville d'Anvers et dans dans la partie de la Flandre orientale qui touche à l'Escaut.

En 1833, après le siège, l'honorable général Evain, alors ministre de la guerre, a trouvé qu'il était équitable d'indemniser les propriétaires qui se trouvaient dans le rayon de la citadelle, et il a présenté une demande d'un crédit de 530 et des mille francs pour indemniser les propriétaires au midi d'Anvers. Cette demande de crédit a été votée sans discussion et pour ainsi dire à l'unanimité. Plus tard on a reconnu que les propriétaires du nord d'Anvers et les riverains de l'Escaut dans la Flandre orientale n'avaient pas été compris dans l'indemnité proposée par l'honorable M. Evain ; cette indemnité se montait à une somme d'environ 100,000 fr.

En 1842, le gouvernement proposa un crédit pour le payement des 100,000 fr. La commission des finances qui avait été chargée d'examiner le projet de loi, jugea qu'il pourrait peut être y avoir un double emploi avec la loi qu'on avait votée peu auparavant et qui mettait 8 millions à la disposition du gouvernement, pour indemniser les victimes des événements de la révolution. En effet, la commission de liquidation liquida plus tard une partie des 100,000 fr. jusqu'à concurrence de 30,000 francs sur les 8 millions, et les 70,000 fr. devaient faire l'objet d'un projet de loi spécial à présenter à la Chambre.

La commission des finances, en 1842, trouvait également des difficultés à liquider la somme de 100,000 francs, avant de connaître le chiffre qu'on accorderait aux personnes qui devaient être indemnisées sur les 8 millions. Or, la commission de liquidation ayant terminé ses travaux, chaque intéressé a obtenu environ 50 p. c. Par suite de la liquidation faite à ce taux, le gouvernement nous présenta dans la session (page 1145) de 1848-1849 un crédit de 35,000 francs, ce qui faisait les 50 p. c. des 70,000 francs restant à payer sur les 100,000 francs.

Cependant, après un examen de quatre ans dans la section centrale, nous recevons aujourd'hui un rapport négatif. Membre de la commission des finances en 1842, j'affirme que la commission n'avait proposé l'ajournement des 100,000 fr. que parce qu'elle voulait prévenir un double emploi ; elle disait au gouvernement : Voyez quelle est la partie de cette somme qui doit être payée sur les huit millions ; pour le reste, vous vous arrangerez avec les intéressés, afin qu'ils puissent être liquidés sur le même pied que ceux qui avaient été liquidés par la commission de liquidation. Cette proposition me paraissait très juste. Eh bien, les raisons qu'on donne dans le rapport de la section centrale ne sont pas du tout conformes aux précédentes.

En 1842, je le répète, nous avons ajourné les 100,000 fr. parce que nous voulions savoir ce qui serait liquidé par la commission et sur quel pied on liquiderait. Or nous savons, par le rapport du gouvernement, qu'on a liquidé 30,000 francs à raison de 50 p. c. ; eh bien, nous nous rallions à la proposition du gouvernement.

Messieurs, un certain nombre de petits propriétaires situés hors du rayon stratégique sont intéressés dans le projet de loi ; après la reddition de la citadelle d'Anvers, je me suis donné beaucoup de peine pour faire indemniser les grands propriétaires, les seuls que je connaissais en 1833, du chef des pertes qu'ils avaient essuyées ; ils ont été intégralement liquidés, c'est donc pour moi un devoir de convenance et de justice de venir plaider aujourd'hui les intérêts des petits, et encore seulement sur le pied de 50 p. c.

Si vous voulez prendre la peine d'examiner l'état qui se trouve à la suite du projet, vous verrez qu'il s'agit de toutes petites sommes appartenant non seulement à de petits particuliers, mais à des communes, à des hospices, à des bureaux de bienfaisance.

La somme demandée n'a pas seulement pour objet d'indemniser des habitants de la province d'Anvers, mais encore, et c'est pour moi un devoir de l'appuyer, des habitants de la Flandre orientale qui ont souffert comme nous des efforts faits pour nous débarrasser d'une garnison très désagréable.

La Flandre orientale ayant éprouvé des préjudices par suite de la présence d'un corps d'armée, il est juste que nous, Anversois, nous fassions tous nos efforts pour faire indemniser les petits propriétaires de cette province aussi bien que ceux de notre province. Je prie la Chambre de ne pas adopter les conclusions de la section centrale, car ce serait un déni de justice. En 1842, ces réclamations ont été ajournées parce qu'on ne savait quand et comment on liquiderait les autres ; elles ont été liquidées sur le pied de 50 p. c., le gouvernement vous propose de liquider de la même manière les réclamations ajournées.

Quand les grands propriétaires ont été indemnisés pour la totalité de leur perte, il ne serait pas juste de refuser toute indemnité à plusieurs centaines de petits propriétaires pour lesquels on vous demande une somme de 35 mille fr. afin de les couvrir, non de la totalité, mais seulement de la moitié des pertes qu'ils ont essuyées.

M. Julliot. - Messieurs, j'ai fait partie de la section centrale, j'ai rejeté ce crédit parce qu'il n'est nullement justifié ; le voter, ce serait ouvrir la porte à une foule de réclamations non fondées en droit.

Dans le Limbourg surgiront des prétentions pareilles ; d'ailleurs, il se trouve dans le dossier une lettre du ministre de la guerre de 1842, qui informe que le gouvernement est assez indifférent au sort que subira ce projet, on y dit qu'il est présenté à la sollicitation importune des intéressés. Je voterai donc contre le projet, car ce projet qui paraît peu de chose, est gros de conséquences très graves, et j'engage la Chambre à y réfléchir.

M. Lelièvre. - Le gouvernement, au moyen du crédit qui vous est soumis, désirait être autorisé à indemniser plusieurs particuliers des environs d'Anvers qui ont éprouvé des dommages par suite des événements de 1852 et des opérations militaires de cette époque.

Je vois avec peine que la section centrale émet un avis contraire à la proposition.

Il s'agit, messieurs, d'une question d'équité qui me paraît militer en faveur des citoyens qui ont été victimes des événements dont il s'agit. Certes puisque l’expédition avait lieu dans l'intérêt de l'Etat, il est rationnel qu'une juste indemnité soit accordée à ceux qui ont éprouvé des dommages matériels, qui ont fait des pertes notables, par suite de faits posés dans l'intérêt de la nationalité de la Belgique.

Je vous avoue, messieurs, que je n'aperçois pas la différence que l'on veut établir entre les propriétés situées dans le rayon stratégique et celles qui se trouvent hors ce périmètre. Les mêmes raisons d'équité militent dans l'un et l'autre cas, et avec plus d'énergie même dans la dernière hypothèse.

D'un autre côté, il s'agit d'une somme peu importante ; sous ce rapport, le strict droit ne doit pas être invoqué et la législature peut se montrer favorable à l'indemnité.

Ce sont ces considérations qui me porteront à voter le crédit demandé.

Il n'est pas juste, selon moi, qu'alors qu'on a accordé des indemnités aux individus qui, à raison de la position de leurs propriétés, devaient subir les chances qu'ils avaient pu prévoir, on traite plus défavorablement des citoyens qui ne devaient pas s'attendre à des événements dont on veut aujourd hui les rendre victimes.

Il n'est pas possible d'ailleurs que la législature ait deux poids et deux mesures, et les dispositions du projet actuel ne sont que la conséquence de la décision antérieure prise à l'égard d'autres individus qui n'avaient pas même une position égale à celle des citoyens dont il s'agit au projet.

La Chambre comprendra que des motifs impérieux de justice naturelle ont seuls pu m'engager à prendre la parole dans cette occurrence, mais il m'a été impossible de ne pas appuyer une réclamation fondée sur les principes d'équité les plus incontestables.

M. de Renesse. - Messieurs, lorsque, en 1842, fut discuté le projet de loi allouant un crédit de 8,000,000 de francs pour payer des indemnités aux personnes étrangères qui avaient éprouvé des pertes, notamment par l'incendie de l'entrepôt d'Anvers, beaucoup de communes et des particuliers de différentes provinces, surtout du Limbourg, se sont adressés à la Chambre pour obtenir une juste indemnité pour les pertes éprouvées par les événements de la révolution et de la guerre contre la Hollande. C'est ainsi que, dans le Limbourg, des caisses communales furent enlevées, surtout celle de la ville de Maeseyck ; beaucoup de dégâts eurent lieu aux propriétés particulières, et des contributions de guerre furent levées.

Croyant alors que, si l'on accordait des indemnités aux étrangers, il fallait aussi être équitable envers les communes et les habitants du pays et leur accorder des indemnités, je proposai un amendement, conjointement avec un honorable collègue du Limbourg, pour faire admettre leurs droits à l'indemnité ; cette proposition fut formellement combattue par le gouvernement et par différents membres de la Chambre ; elle fut rejetée, parce que l'on ne voulait pas admettre le principe de devoir payer des indemnités pour les pertes éprouvées par la guerre ; ce principe d'indemnité, d'ailleurs, n'avait été admis nulle part ; et, en effet, si l'on devait indemniser pour toutes les pertes occasionnées par les guerres de l'empire, notamment, il faudrait payer des centaines de millions.

Si, maintenant, l'on voulait revenir sur la décision qui a été prise en 1842, et admettre la somme de fr. 35,411-61 pour indemniser divers particuliers qui ont éprouvé des pertes en 1832, par le siège de la citadelle d'Anvers, je croirais devoir faire immédiatement la proposition, pour indemniser pareillement les communes et les particuliers qui, en 1830 et 1831, ont eu à supporter des pertes notables, par les événements de la guerre contre les Hollandais.

Je crois donc devoir repousser actuellement le crédit postulé par le département de la guerre, puisque en 1842, on n'a pas voulu admettre le droit à l'indemnité pour les événements de guerre.

M. Van Overloop. - Messieurs, en strict droit, les victimes d'un casus belli n'ont évidemment aucun recours contre l'Etat ; cela est incontestable. Mais ici il y a une obligation positive, d'après moi, contractée par le gouvernement vis-à-vis des victimes du siège de la citadelle d'Anvers. Comme annexe à l'exposé des motifs présenté par l'honorable général Chazal et par l'honorable M. Frère-Orban, il se trouve une lettre ainsi conçue :

« Bruxelles, le 15 décembre 1832.

« Monsieur le gouverneur,

« Immédiatement après la réception de votre lettre du 5 courant, 1ère division, n°3104, j'ai écrit à mon collègue le ministre de la guerre, pour lui faire connaître le fâcheux état de choses qu'elle m'annonçait, et arrêter avec lui les moyens propres à le faire cesser sur-le-champ, et, surtout, à tranquilliser, par l’assurance d’une juste indemnité, les habitants dont les propriétés avaient été emprises ou dévastées par les troupes françaises.

« J'éprouve la plus vive satisfaction à vous faire connaître que des mesures ont été prises pour faire cesser des désordres toujours inséparables de la réunion d'un grand nombre de troupes, dans une saison aussi peu avantageuse, et pour l'exécution de mesures dont la réussite dépend de la célérité que l'on y apporte ; si les intentions formelles des deux gouvernements, qui voulaient une estimation préalable, n'ont pu être suivies, toujours est-il certain que l'on indemnisera exactement de toutes les pertes... »

« Toujours est-il certain que l'on indemnisera exactement de toutes les pertes ». Voilà l'engagement qui a été pris le 15 décembre 1852, au nom de l’Etat, par le ministre de l'intérieur, et cet engagement les Chambres l'ont ratifié en votant un premier crédit de 341,000 francs.

Aujourd'hui que venons-nous vous demander ? Nous venons vous dire : N'ayez pas deux poids et deux mesures ; ce que vous avez accordé aux riches, accordez-le aux pauvres, accordez-le aux malheureux. Remarquez que le projet de loi est relatif à 449 personnes, et parmi les réclamations, il en est qui ne vont pas au-delà de 7 fr. 25 ; il n'y en a que trois ou quatre qui excèdent le chiffre de 1,000 fr. ; la plus importante n'atteint que le chiffre de 11,000 fr.

La question est celle-ci : oui ou non, l'engagement pris par le ministre de l'intérieur, au nom de l'Etat, existe-t-il ? Oui on non, le pouvoir législatif a-t-il ratifié l'engagement pris par le ministre de l'intérieur de l'époque ? Evidemment, puisqu'il a accordé d'abord un crédit de 341,000 fr. et qu'il a ensuite voté la loi du 1er mai 1842. Maintenant, oui ou non, les réclamants donl nous nous occupons ont-ils été victimes de l'état de guerre ? Cela est encore incontestable, puisque tous les documents servant à le prouver ont été produits.

Et l'on viendrait nous repousser ; on viendrait nous dire que nous n'aurons rien, bien que l'on ait accordé à d'autres ! Messieurs, ce serait contraire à la justice disiribulive ; ce serait contraire aux obligations (page 1146) contractées par le ministre de l’intérieur, au nom de l'Etat ; ce serait contraire aux précédents que vous avez posés vous-mêmes, relativement aux conséquences du siège de la citadelle d'Anvers.

Il me semble, messieurs, que cela ne se peut en aucune façon. Et remarquez que les personnes qui ont participé au premier crédit de 341,000 fr. ont été complètement indemnisées. Aujourd'hui que veut-on nous accorder ? Nous ne sommes pas aussi exigeants, nous ne demandons pas d'être complètement indemnisés, nous nous contentons de ce que le projet de l'honorable M. Frère veut nous accorder, c'est-à-dire de 50 p. c. des pertes que nous avons éprouvées. Il me semble que repousser le projet, ce ne serait pas seulement violer, comme vous l'a dit mon honorable collègue, M. Lelièvre, les principes d'équité naturelle qui nous animent tous, mais ce serait encore violer un engagement formel pris par l'Etat, engagement que la Chambre a ratifié à deux reprises différentes.

On fait une distinction entre les victimes comprises dans le rayon stratégique de la citadelle d'Anvers et les victimes du même désastre, comprises en dehors du rayon stratégique. Je voudrais savoir sur quoi l'on base cette distinction. Quant à moi, je ne le comprends pas. Quand je suis victime d'un état de choses donné, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas être aussi bien indemnisé, parce que j'aurais été victime en dehors du rayon, que si j'avais été victime en dedans du rayon.

Il me semble, messieurs, que c'est une question d'honneur, que c'est une question d'équité pour la Chambre de ne pas admettre les conclusions de la section centrale.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'avoue que je suis assez embarrassé d'émettre un vote en cette circonstance. D'un côté, l'honorable préopinant vient nous dire qu'il s'agît d'une dette sacrée, qu'on ne peut se dispenser de la payer. D'un autre côté, deux sections centrales, à l'unanimité, ont refusé ces 35,000 francs pétitionnes aujourd'hui.

Il me paraît que les membres de ces sections centrales devraient nous faire connaître d'une manière plus complète les motifs qui ont dicté leur décision. On nous dit que l'on a indemnisé d'au-delà de 300,000 fr. les victimes des événements qui se trouvaient dans le rayon de la citadelle d'Anvers. Mais si l'on doit indemniser tous ceux qui ont éprouvé des pertes par suite de la guerre, cela pourrait nous conduire très loin. Je crains de voir immédiatement surgir une foule de réclamations.

Je ne comprends pas pourquoi la commission qui a été chargée de répartir les indemnités à ceux qui avaient souffert des événements, a omis les 449 réclamants dont il s'agit ici et qu'on nous représente comme des malheureux. Je ne comprends pas comment, ayant accordé des indemnités aux riches, on en refuse aux petits propriétaires. Il y a là-des motifs que je ne connais pas, et sur lesquels je voudrais avoir une explication.

Messieurs, vouloir faire payer par l'Etat des indemnités de guerre, c'est poser un principe extrêmement dangereux. Lors de la conquête de la Belgique, des villages entiers dans ma province ont été détruits. Je citerai notamment ceux de Rousbrugge et de Stavele, qui ont été incendiés ; jamais les victimes de ces désastres n'ont obtenu la moindre indemnité. Tous les gouvernements qui se sont succédé en Belgique ont refusé de leur en accorder.

L'Etat, en droit, ne doit donc rien aux réclamants. Aussi, malgré mon désir de venir à leur secours, je ne pourrai, si l'on ne me donne des explications satisfaisantes, admettre le projet de loi. Le principe que nous poserions serait, je le répète, trop dangereux.

M. de Muelenaere. - Messieurs, il me semble incontestable que d'après tous les principes du droit public le gouvernement ne doit à la rigueur aucune espèce de restitution à ceux qui éprouvent des pertes par suite des événements de la guerre. Je ne pense pas, comme l'a dil tout à l'heure un honorable préopinant, que jamais la chambre ait reconnu uu droit quelconque aux réclamants. Il est vrai que par esprit d'équité, la Chambre, antérieurement et notamment par la loi du 1er mai 1842, si je ne me trompe, a mis à la disposition du gouvernement une somme de 8 millions pour être repartie à titre de dédommagements entre tous ceux qui avaient souffert par suite des événements de guerre de la révolution.

Des commissions ont été nommées et ces commissions ont dû procéder à une répartition, conformément aux dispositions de la loi. Il serait sans doute extrêmement regrettable que la commission, après avoir indemnisé les grands propriétaires, n'eût tenu aucun compte des personnes qui se trouvaient dans une position beaucoup moins aisée, si leurs titres étaient à peu près les mêmes.

Une chose que je ne puis pas m'expliquer. messieurs, et sur laquelle je demanderai quelques renseignements soit au gouvernement, soit à M. le rapporteur de la section centrale, c'est qu'il me semble que les réclamations des perdants actuels avaient déjà été produites avant la répartition qui a eu lieu en vertu de la loi du 1er mai 1842. Si ces réclamations existaient à cette époque, elles ont dû être soumises à la commission, et si celle-ci les a repoussées, c'est évidemment qu'elles ne tombaient pas dans les termes de la loi, et qu'il n'y avait pas lieu de les comprendre dans la répartition. S'il en est ainsi, comme je le pense, il est impossible d'accueillir aujourd'hui ces mêmes réclamations.

L'honorable M. Lelièvre a dit tout à l'heure que la somme est minime, et par cette considération il était d'avis que la Chambre ferait bien de voter le crédit ; mais je vous prie, messieurs, de remarquer que, comme vient de le dire un honorable député du Limbourg, si nous ouvrons la voie à de nouvelles réclamations, ces réclamations peuvent devenir très nombreuses, car il est fort probable qu'il y a peu de villages dans le pays où des dommages plus ou moins considérables n'aient été causés à des propriétaires ou à des fermiers ; toutes ces personnes seront autorisées à venir réclamer à leur tour des indemnités.

Quelle que soit donc ma sympathie pour les perdants qui sont tous, dit-on, de petits propriétaires et qui ne réclament que des sommes modiques, je déclare que, dans l'intérêt du trésor, je ne pourrai pas voter ces sommes, à moins qu'on ne me donne des explications claires et l'assurance formelle que les réclamations ont été repoussées à tort par la commission ou que la commission n'en a pas eu connaissance.

Il me semble qu'on ne peut pas supposer qu'une commission, quelle qu'elle soit, ait liquidé les pertes faites par de grands propriétaires, et repoussé des pertes subies par des malheureux, et s'élevant à des sommés moindres.

M. Osy. - Je reconnais, messieurs, que si un Etat devait réparer tous les dommages causés par la guerre, il pourrait y avoir à payer de ce chef des sommes très considérables ; mais ici la question est tout autre. Lors du siège de la citadelle d'Anvers, en 1832, les troupes françaises ont coupé le bois dont elles avaient besoin, là ou elles le trouvaient et notamment dans les grandes campagnes près de la citadelle. Lorsque le siège fut terminé, à la fin de 1832, le ministre de l'intérieur, d'accord avec le ministre de la guerre, a pris l'engagement de payer de ce chef une indemnité.

C'est ce que la Chambre a pu voir par le document donl l'honorable M. Van Overloop a donné lecture tout à l'heure.

En 1833 l'honorable général Evain proposa d'indemniser les propriétaires qui se trouvaient dans le rayon et qui ont été beaucoup plus actifs que les autres pour faire valoir leurs réclamations ; il demanda de ce chef un crédit de 341,000 francs qui fut voté sans aucune opposition.

Cependant, messieurs, l'armée française a occupé également le nord d'Anvers et la partie de la Flandre orientale qui touche à l'Escaut, et là aussi elle a dû se procurer du bois et d'autres objets dont elle avait besoin pour pouvoir bivaquer dans la saison rigoureuse. L'honorable géuéral Evain n'a pas compris dans sa demande de crédit les pertes éprouvées de ce côté et dont le détail est très grand ; mais, en 1842, le gouvernement trouva qu'après l'engagement qui avait été pris il était juste d'indemniser également ceux qui avaient essuyé ces pertes.

La commission des finances, dont j'avais l'honneur de faire partie ne voulut point s'occuper de ce projet avant de savoir quelle décision la commission de liquidation aurait prise à l'égard de ces indemnités. Eh bien, messieurs, sur des réclamations dont le chiffre s'élevait à 100,000 francs, 30,000 fr. ont été liquidés par la commission des 8 millions ; les autres 70,000 fr. ont été renvoyés au ministre de la guerre parce qu'ils n'entraient pas dans les termes de la loi de 1842.

En 1849, le gouvernement a trouvé convenable (et il a très bien fait) de proposer la liquidation de ces 70,000 fr. ; malheureusement ce projet est resté pendant quatre ans dans les cartons de la Chambre, et aujourd'hui personne n'a sous les yeux l'exposé des motifs ; moi-même j'ai été obligé d'aller le chercher à la bibliothèque, et c'est là que j'ai recueilli ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire.

Je conviens, messieurs, avec les honorables MM. de Muelenaere et de Renesse, qu'il est très dangereux d'ouvrir la porte à de nouvelles réclamations, mais il ne s'agit pas ici de nouvelles réclamations ; ce sont des réclamations très anciennes, qui ont été ajournées par les causes que j'ai expliquées à la Chambre, et ce que nous demandons n'est que la conséquence du vote qui a été émis à l'unanimité en 1833, lorsqu'on a indemnisé les grands propriétaires.

M. le président. - M. Osy vient de faire remarquer, pour la seconde fois, que le projet est resté dans les cartons pendant 4 ans. Voici les motifs du retard. La section centrale, présidée par M. Verhaegen, a décidé en 1850, à l'unanimité moins une voix, qu'elle conclurait au rejet. M. Hyacinthe de Baillet a préparé un projet de rapport qu'il a soumis au ministre de la guerre ; celui-ci l'a conservé pendant quelque temps, puis il a fait connaître à la section centrale qu'il n'avait aucune opposition à faire à la décision qu'elle avait prise. Plus tard, la section centrale a été modifiée. Au commencement de la session, M. Osy est venu me prier de la convoquer.

J'ai dit à M. Osy, et il a été d'accord avec moi, qu'aussitôt que les affaires urgentes seraient terminées, je convoquerais cette section centrale. C'est ce que j'ai fait. Nous avons dû demander des explications au ministre de la guerre, et nous nous sommes réunis plusieurs fois.

M. Osy (pour un fait personnel). - Messieurs, je ne fais de reproche ni à l'ancienne section centrale, ni à la nouvelle ; je dis seulement que ce projet de loi est resté pendant cinq ans dans les cartons de la Chambre ; et que si tous les membres de l'assemblée avaient sous les yeux l'exposé des motifs, je suis persuadé que leur opinion pencherait pour l’adoption du projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, ce petit projet de loi a plus d'importance qu'il n'en a l'air. Quelque honorable que soit le sentiment qui inspire M. Osy, il m'est difficile de le partager, et je crois qu'il parviendra très difficilement à le faire partager par la Chambre.

(page 1147) En effet, messieurs, ce n'est pas ici un complément de la loi de 1842 qu'on demande, c'est un principe nouveau qu'on réclame.

Je commencerai par faire remarquer aux honorables préopinants qui semblent croire qu'on dénie aux petits ce qu'on accorde aux grands, que dans la liste qui fait suite au projet de loi, je ne vois pas seulemeut figurer de petites sommes ; j'y vois encore, par exemple, M. le duc d'Arenberg pour une forte somme.

Il doit y avoir justice pour M. le duc d'Arenberg comme pour tout le monde ; et s'il y avait justice au fond, je n'hésiterais pas à me prononcer en faveur du projet de loi.

Le grand principe, comme l'a dit l'honorable M. de Muelenaere, c'est que pour les pertes de guerre on n'a droit à aucune indemnité. Le principe d'une indemnité n'a jamais été reconnu par la Chambre, pas plus en 1842, qu'elle ne le reconnaîtra, sans doute, aujourd'hui.

En 1842, on n'a pas dit au gouvernement : « Nous vous ordonnons de faire le relevé de toutes les pertes occasionnées par l'armée française ; nous mettrons à votre disposition les fonds dont vous pourrez avoir besoin pour indemniser tout le monde. » Ce n'est pas ainsi que les faits se sont passés. On a fait une espèce de forfait, tout en repoussant le principe, on a dit : « Il est équitable qu'on accorde quelque chose à ceux qui ont souffert directement du siège de la citadelle d'Anvers. » Et l'on a mis 8 millions à la disposition du gouvernement.

Quel emploi le gouvernement devait-il faire de cette somme ? Son devoir, d'après lui, était d'instituer une commission. Cette commission était donc le tribunal devant lequel devaient être portées toutes les contestations, aussi bien sur le quantum des pertes que sur la question de savoir si les pertes rentraient dans le cas de la loi.

Ainsi, il y avait deux points à examiner pour chaque réclamation, d'abord, si elle était justifiée ; ensuite, si elle rentrait dans la catégorie de celles que la législature voulait accueillir.

Eh bien, quand la commission, interprétatrice souveraine de la loi, en est arrivée à la catégorie d'intéressés dont s'occupe le projet de loi, qu'a-t-elle décidé ? Elle a décidé que cette catégorie de réclamants ne rentrait pas dans celles que la législature avait eu en vue en votant la loi de 1842 sur les indemnités ; elle a renvoyé toutes les réclamations au département de la guerre, en disant que si cette catégorie d'intéressés avait droit à une indemnité, il fallait y pourvoir par un projet de loi spécial.

Et pourquoi la commission portait-elle ce jugement sur cette catégorie ? Parce qu elle comprenait l'importance du principe qu'il s'agissait de poser.

En effet, du moment que vous sortez du rayon stratégique où l'opération militaire s'est accomplie, vous n'avez plus de limites, vous arrivez jusqu'aux frontières extrêmes du pays.

En effet, si celui qui demeure à une lieue d'Anvers a droit à une indemnité, pour avoir souffert du passage de l'armée française, alors tous ceux qui ont souffert du même fait sur tous les points du pays ont le même droit. Sur quel fondement tracerait-on la ligne au-delà de laquelle personne n'aurait plus droit à une indemnité ?

Si donc vous admettez la catégorie dont il s'agit en ce moment, vous devez pousser le principe plus loin, vous devez déclarer d'une manière générale, que tous les Belges qui ont fait des pertes par suite du passage de l'armée française en 1832, ont droit à faire valoir leurs réclamations, fixez alors un délai d'un an, de deux ans ; que tout le monde soit sur la même ligne, qu'il n'y ait pas deux poids et deux mesures. Et alors vous verrez allluer les réclamations, non seulement d'Anvers, mais des Flandres. Car une foule de personnes ont perdu par suite du passage de l'armée française.

Je vous dirai qu'en à ce qui me concerne, il m'est déjà parvenu, par l'intermédiaire d'un membre de cette Chambre des réclamations d'Alost.

Ce n'est pas tout : si vous acceptez ce principe dans toute sa latitude vous n'aurez pas tout fait, vous ne serez juste qu'à moitié.

Si la catégorie dont nous nous occupons a droit à une indemnité, un droit égal peut alors être légitimement invoqué par ceux qui ont souffert du passage de l'armée hollandaise, lors de son invasion au mois de septembre 1830 et lors de son départ.

Il serait donc souverainement dangereux de poser ici ce principe qui vous entraînerait à des dépenses très considérables.

Je crois pouvoir me borner à ces simples considérations.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, je prendrai la question dans les termes où M. le ministre des finances vient de la poser lui-même. S'il s'agissait ici d'un principe nouveau dont les conséquences pourraient être fort grandes, je n'hésiterais pas à le repousser, de même que vient de le faire l'honorable M. Liedts. Je reconnais avec lui qu'il faut une restriction, et je la trouve avec lui dans la loi de 1842 ; ce que je conteste, c'est que les réclamations formées par les habitants de la rive gauche de l'Escaut ne rentrent pas dans l'esprit et les termes de cette loi ; en fait, on paraît croire qu'il s'agit ici d'une prétention nouvelle, c'est une fâcheuse erreur, il n'en est rien ; l'affaire qui nous occupe est une conséquence immédiate et nécessaire des principes de la loi de 1842 sur les indemnités, laquelle avait pour but de subvenir aux pertes et dommages causés directement par le siège de la citadelle d'Anvers.

Messieurs, on vient de vous dire qu'il n'y a pas de droit pour ceux qui oui subi des pertes, que c'est ici une question d'équité. Eh bien, la commission de liquidation n'a pas examiné les réclamations émanées des communes situées en dehors du rayon stratégique, parce qu'elle a cru qu'il fallait une limite quelconque.

Mais, d'un autre côté, peut-on sans iniquité soutenir que parce qu'une commune est de l'autre côté de l'Escaut, en face de la place, les pertes subies ne sont pas directement et immédiatement le fait du siège de la citadelle d'Anvers ? Cela me paraît inadmissible. Les réclamations des communes situées sur la rive gauche du fleuve sont aussi bien fondées que celles des communes qui sont situées dans l'intérieur du rayon. La Chambre ne peut pas hésiter à reconnaître que si les réclamations de la rive droite sont fondées, celles de la rive gauche, sur lesquelles l'assemblée est appelée à délibérer, ne peuvent pas être repoussées.

Messieurs, il ne s'agit donc pas ici d'un principe nouveau et dangereux ; il s'agit d'appliquer à des habitants, placés en dehors du rayon, qui ont subi des pertes par suite des opérations militaires contre la place, les mêmes règles de justice distributive qu'on a appliquées aux perdants situés dans l'intérieur du rayon. On ne veut pas aller au-delà.

La loi de 1842 a eu pour but de parer aux besoins des personnes qui avaient éprouvé des dommages par le fait du siège. Or, les personnes dont nous parlons sont nécessairement comprises dans cette catégorie.

La commission de liquidation a été constituée en tribunal pour examiner : 1° le quantum de l'indemnité ; 2° les catégories des pertes. On dit qu'elle a rejeté celles qui nous occupent, examinons ce qui s'est passé :

« Après de longues discussions (remarquons ces termes de l'exposé des motifs), après de longues discussions, cette commission décida que les créances dont il s'agit seraient divisées en deux catégories ; que celles concernant des pertes éprouvées endéans le rayon stratégique d'Anvers, seraient admises en liquidation, et que les autres résultant de l'occupation de l'armée français en dehors du rayon stratégique seraient régularisées par le département de la guerre... La justice semble exiger qu'il soit fait droit à ces dernières, sur le même pied et en se conformant aux principes adoptés par la commission. »

C'est ainsi que s'expriment M. le général Chazal et M. Frère-Orban dans le préambule du projet de loi. Il est donc clairement démontré qu'il n'y a point ici de principe nouveau en jeu, et qu'il n'est question que d'appliquer purement et simplement la loi de 1842 dans son esprit et ses termes.

On craint qu'il ne surgisse un grand nombre d'autres réclamations de même nature. Il est impossible que de nouvelles réclamations surgissent à propos du siège d'Anvers ; les réclamations dont il s'agit ont été prévues par la loi de 1842, il faut appliquer cette loi d'une manière saine, équitable. Les prétentions du Limbourg dont a parlé l'honorable comte de Renesse n'ont pas été comprises dans la loi de 1842, la Chambre s'était prononcée contre ces prétentions, parce qu'elles s'appliquaient à des faits résultant de la présence d'une armée ennemie, d'une armée d'invasion, tandis que les préjudices causés par l'armée française étaient occasionnés par une armée amie venant au secours de la Belgique ; les dégâts devaient être liquidés par le gouvernement belge ou français, suivant une promesse préalable et solennelle, puisque son action avait pour but de débarrasser la Belgique d'un ennemi. C'est cette différence qui a fait que la réclamation du Limbourg n'a pas été admise dans la loi de 1842.

On a allégué, pour repousser le projet, la réponse faite par le ministre de la guerre aux communications de la section centrale qu'il était désintéressé dans la question ; mais le général Chazal et M. Frère ont reconnu positivement que la réclamation était fondée en équité ; on comprend que les ministres aient été désintéressés dans cette affaire. Mais, songez, messieurs, que vous allez indemniser de pauvres habitants des Flandres et de la province d'Anvers qui ont éprouvé des pertes extrêmement sensibles. Le gouvernement n'est pas plus intéressé ici que la Chambre, il s'agit d'une question d'équité.

Messieurs, ce n'est pas la première fois que la Chambre est saisie de ces réclamations.

Dès que la décision de la commission de liquidation qui excluait de son examen les créances des communes situées eu dehors du rayon stratégique de la place a été connue, des pétitions nombreuses ont été adressées coup sur coup à la Chambre ; plusieurs collègues ont pris la parole à propos de ces demandes ; chaque fois, elles ont été renvoyées au gouvernement avec appui, avec preuves d'intérêt, avec demandes d'explications.

Cela s'est reproduit plusieurs fois jusqu'au moment où le projet de loi du 29 mai 1849 a été présenté par le gouvernement. Ce n'est que depuis la présentation de ce projet que les réclamations ont cessé.

La loi sur laquelle vous êtes maintenant appelés à délibérer n'introduit donc rien de nouveau : c'est le dernier complément de l'application et une conséquence très étroite de la loi de 1842.

Quand vous avez indemnisé les grands propriétaires, vous ne vous refuserez pas à indemniser les petits et les pauvres, sur le même pied et en se conformant aux principes adoptés par la commission.

M. Mercier. - Comme membre de la section centrale, je demande la permission de faire connaître à la Chambre les motifs qui m'ont déterminé à ne pas donner mon assentiment au projet de loi qui est en discussion. Un honorable préopinant a invoqué la promesse faite en 1832, par le gouvernement, d'indemniser ceux qui avaient essuyé des pertes par suite d'événements de guerre de la révolution ; le gouvernement a rempli cet engagement et il a expliqué comment il entendait régler ces indemnités.

(page 1148) Dès le mois de décembre 1833 un projet de loi fut présemé aux Chambres pour accorder des dédommagements à ceux qui avaient souffert par suite de ces événements. Le rapport de la section centrale sur ce projet n'a été fait qu'en 1836.

Dans l'intervalle, le gouvernement a continué à prendre des renseignements sur le montant des pertes qui devaient donner lieu à indemnité ; le 31 décembre 1837, le ministre des travaux publics présenta à ce sujet un rapport indiquant le montant des différentes catégories de pertes ayant donné lieu à des demandes de la part des intéressés. Parmi elles se trouvent les dommages occasionnés par le siège de la citadelle d'Anvers ; enfin dans la séance du 2 décembre 1840, le ministre de l'intérieur déposa divers amendements au projet primitif. Le chiffre des indemnités s'est successivement accru ; il a été porté à cette époque à sept millions, y compris 1,234,920 fr., somme distribuée en avances d’après les lois des budgets de 1831, 1835 et 1836.

Le gouvernement en présentant ces amendements qui ont été suivis de la loi du 1er mai 1842, a déclaré que c'était là le montant des sacrifices que la nation devrait supporter pour soulager les pertes de ceux qui avaient souffert pour la cause commune.

Voilà comment le gouvernement s'est expliqué en 1840, quand le projet de loi a été complété. C'est dans cet esprit que la loi a été votée ; c'est-à-dire que l'on entendait ainsi établir définitivement la limite extrême de l'intervention de l'Etat en faveur des victimes des événements dont nous avons parlé.

Ainsi que je viens de le dire, le chiffre proposé était de 7 millions ; c'était déjà beaucoup plus que la somme que l'on avait primitivement en vue ; cependant les Chambres d'accord avec le gouvernement l'ont portée plus tard à 8 millions, indépendamment des avances déjà faites jusqu'à concurrence de 1,234,920 fr.

La loi a indiqué quelles étaient les pertes pour lesquelles des dédommagements seraient accordés. Elle a constitué une commission pour régler les indemnités dans les limites tracées ; ses décisions étaient souveraines. Elle a admis les catégories de pertes renseignées dans la loi, et entre autres, les pertes de cette nature essuyées endéans le rayon stratégique de la citadelle d'Anvers ; elle a rejeté celles qui n'appartenaient pas à ces catégories. Parmi ces dernières se trouvent les pertes de bois sur pied qui font l'objet d'une partie des réclamations qui nous sont soumises.

Qu'on y fasse bien attention, si nous accueillons les demandes comprises dans le projet de loi, nous nous engageons par ce fait à accorder la même indemnité à tous ceux qui des différentes parties du pays viendraient en réclamer pour les mêmes motifs.

En section centrale, des membres ont indiqué des localités où des pertes ont été essuyées pour lesquelles on n'a pas fait de réclamations, parce qu'on savait qu'elles n'étaient pas de la nature de celles que la loi de 1842 avait en vue ; les intéressés ne manqueront pas de les produire si nous adoptons le projet qui nous est soumis.

Il ne s'agit donc pas seulement d'une dépense de 35,000 fr., mais l'éveil une fois donné à tous ceux qui se trouvent dans une position analogue à celle des requérants, il est impossible de mesurer la portée du vote que nous aurions émis et de déterminer les sacrifices considérables que la nation aurait encore à s'imposer.

Quant aux sommes payées en dehors des catégories spécifiées dans la loi du 1er mai 1842, et depuis la promulgation de cette loi, elles étaient dues pour des créances exigibles en vertu de jugements, de transactions et de fournitures régulières.

Uue seule perte de 59 fr. a été admise ; c'est par inadvertance qu'elle a été comprise dans un tableau avec des créances de la nature de celles dont je viens de parler. L'admission de cette faible somme n'a donc pas créé un précédent qu'on puisse invoquer en faveur des réclamations mentionnées au tableau joint au projet de loi.

M. H. de Baillet, rapporteur. - Comme rapporteur, je crois devoir ajouter quelques mots à ce que vient de dire mon honorable collègue M. Mercier.

La loi des 8 millions n'a été appliquée nulle part à des pertes de bois sur pied. Toutes ces pertes ont été exclues du bénéfice de la loi du 8 mai 1842 par la commission spéciale de liquidation qui n'y a admis que les pertes spécialement déterminées par la loi.

Il est très vrai que quelques grands propriétaires, antérieurement à la loi de 1842, ont été indemnisés ; mais c'est une exception, et les personnes qui ont perdu du bois sur pied dans le rayon stratégique sont en très grand nombre, et n'ont reçu aucune indemnité. La commission spéciale de liquidation n'a admis aucune perte de ce genre au bénéfice de la loi. Ce serait donc une exception si vous accordiez des indemnités de ce chef. Il est certain que beaucoup de communes de l'arrondissement d'Anvers, aussi bien que des communes riveraines de la Flandre, ont souffert de ces pertes, comme l'a dit l'honorable M. Osy. Je citerai les communes de Deurne, de Merxem, de Wyneghem, de Borgerhout, etc., et personne dans ces communes n'a reçu d'indemnité de ce chef.

Il est à remarquer qu'aux termes de l'article premier de la loi les individus pouvaient seuls être indemnisés, et qu'ici il s'agit de communautés, telles que des établissements de bienfaisance. Sous ce rapport encore, ce serait faire une exception qu'accorder les indemnités qui font l'objet du crédit demandé.

Dans le temps, il est vrai, la commission des finances a ajourné l'examen de ces réclamations, mais ce n'est pas la Chambre, c'est la commission, parce que les réclamations n'étaient pas suffisamment justifiées.

L'honorable M. de Renesse a dit que, dans le Limbourg, on n'avait pas accordé d'indemnités. Membre de la commission de liquidation, je puis l'assurer qu'il est dans l'erreur. En 1831, le Limbourg a été envahi par l'armée hollandaise ; partout où il y eu des pertes, les habitants du Limbourg ont reçu des indemnités comme on en a reçu ailleurs.

Il en a été de même dans les communes riveraines de la Flandre, où il y a eu des inondations. Là aussi il y a eu des indemnités.

J'ajoute que les pertes de bois n'ont pas été seulement dans l'arrondissement d'Anvers ; il y en a eu dans tous les polders inondés. Naturellement au bout d'un certain séjour de l'eau dans les polders, les arbres ont péri.

Toutes ces pertes ont été rejetées, comme ne rentrant pas dans les catégories de la loi.

L'honorable M. Rodenbach a dit qu'il ne savait pas pourquoi la commission proposait le rejet du projet de loi. L'honorable M. Mercier vient de l'indiquer. C'est d'ailleurs suffisamment indiqué dans le rapport.

Je porte autant de sympathie que qui que ce soit aux victimes de la guerre et de la révolution. Mais il faut bien se tenir dans les limites de la loi. Si vous accueilliez ces réclamations, il faudrait les accueillir toutes. C'est pourquoi j'ai dû, bien qu'avec regret, m'associer aux conclusions de la section centrale.

M. de Mérode. - Je n'ai pas de parti pris sur cette question. Mais je trouve que l'on n'a pas suffisamment distingué entre les victimes des événements de la révolution et les victimes des événements de guerre. Les événements de la révolution sont des événements fortuits, pour lesquels on a donné 8 millions. Mais indépendamment de ces événements fortuits, il y a eu la venue de l'armée française que l'on a appelée pour prendre la citadelle d'Anvers d'accord avec le gouvernement belge et en quelque sorte de la même manière que si c'eût été l'armée belge. Il me semble que les habitants des environs d'Anvers ne doivent avoir à subir aucune perte pour les objets dont l'armée française a pu avoir besoin et qui n'ont pas été fournis d'une manière régulière. M. le ministre des finances ne me paraît pas avoir tenu compte de cette circonstance.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Van Overloop. - Lorsque aucun de nous pour ainsi dire n'a l'exposé des motifs, on devrait au moins en donner lecture. Si je m'oppose à la clôture, c'est pour faire valoir les raisons données dans ce document par MM. Frère-Orban et Chazal, et entre autres on y lit ce passage :

« La justice semble exiger qu'il soit fait droit à ces dernières, sur le même pied, et en se conformant aux principes adoptés par la commission susmentionnée pour la liquidation des créances de même nature qui lui ont été renvoyées par le département de la guerre. »

M. le président. - Ce n'est plus la question de clôture.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit de trente-cinq mille quatre cent onze francs soixante et un centimes, applicable au payement des indemnités réclamées pour pertes et dommages causés par le siège de la citadelle d'Anvers, en 1832, et qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente loi. Cette allocation formera le chapitre X, article unique, du budget de la guerre pour 1847. »

M. le président. - Ces derniers mots : « Cette allocation formera le chapitre X, article unique, du budget de la guerre pour 1847,» doivent être supprimés.

- L'article est mis aux voix, il n'est pas adopté.

En conséquence le projet est rejeté.

Motion d'ordre

Situation des ouvriers du chemin de fer du Luxembourg, après la déconfiture de l'entrepreneur

M. Orban. - Je profite de la présence de M. te ministre des travaux publics pour appeler son attention et éveiller sa sollicitude sur un événement qui a eu les plus fâcheuses conséquences pour une partie de la population ouvrière du Luxembourg, et qui peut en avoir d'autres plus graves encore : je veux parler de la déconfiture des entrepreneurs d'une partie du chemin de fer du Luxembourg qui ont pris la fuite, laissant privés de leur salaire, pour une somme considérable, les malheureux ouvriers qui ont travaillé à cette section du chemin de fer.

Il est aisé de se faire une idée de la position de ces malheureux dans une année où il leur est si difficile de subvenir à leurs besoins avec le produit de leur travail et alors que ce payement leur a été enlevé. Je ne doute pas que, sous ce rapport, messieurs, le ministre, dont les sentiments d'humanité me sont connus, ne soit intervenu auprès de la compagnie pour obtenir d'elle qu'elle acquittât les obligations qui lui incombent solidairement avec les entrepreneurs. Mais, messieurs, les intérêts que cet incident met en question sont tellement graves que je crois qu'il est du devoir du gouvernement de ne point borner là ses démarches. Il est évident en effet que l'exécution du chemin de fer du Luxembourg elle-même peut se trouver ainsi compromise.

Le public, comme la raison et la justice, ne fait aucune distinction entre les entrepreneuri et la société elle-même.

Les travaux faits par les entrepreneurs l'ont été pour compte de la société, et les obligations des entrepreneurs incombent à la société elle-même.

(page 1149) Si donc le scandale d'ouvriers privés de leur salaire devait se perpétuer, il est à craindre que la compagnie ne voie porter une telle atteinte à sa confiance, dans l'opinion du pays et des classes ouvrières, qu'elle ne puisse à l'avenir obtenir des ouvriers pour la continuation des travaux. C'est donc le sort du chemin de fer lui-mêmequi est en jeu ; et à ce titre le gouvernement, qui patronne cette entreprise au moyen de la 'garantie d'un minimum d'intérêt, a le droit et le devoir d'intervenir.

La compagnie est, du reste, évidemment en faute. D'abord parce qu'elle devait s'assurer de la solvabilité des agents qu'elle mettait en œuvre, et ensuite, parce qu'elle aurait dû, comme le gouvernement agit lui-même en pareille circonstance, ne se dessaisir des sommes dues aux entrepreneurs qu'après l'exécution des travaux et leur réception.

S'il était vrai, comme on me l'assure, que la valeur des travaux exécutés fût supérieure aux sommes payées aux sous-entrepreneurs, la question se simplifierait alors, et le montant de la différence pourrait servir à payer les ouvriers. C'est au gouvernement à faire constater et vérifier ces faits.

Détenteur du cautionnement, il est en possession d'un moyen efficace de contraindre la société à remplir ses engagements.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la situation dont l'honorable M. Orban vient d'entretenir la Chambre est très réelle et très fâcheuse. Je suis le premier à le reconnaître. Mais l'examen de l'affaire constate que le gouvernement ne pouvait ici intervenir par voie d'autorité, ne pouvait pas obliger la compagnie du Luxembourg à payer directement les ouvriers, alors qu'elle prétendait s'être acquittée de la manière la plus complète envers les entrepreneurs. Quel est le droit du gouvernement vis-à-vis de la société, comme vis-à-vis de toutes les sociétés concessionnaires avec lesquelles il a traité ?

C'est d'exiger que les travaux soient exécutés, qu'ils soient exécutés dans les conditions voulues ; et si une compagnie concessionnaire reste en défaut de satisfaire à ses obligations de ce chef, le droit, le droit évident du gouvernement, c'est de confisquer le cautionnement et d'obliger la compagnie à exécuter ses engagements.

Lorsque cet événement s'est produit, le premier soin de l'administration a été de s'enquérir auprès de la compagnie du Luxembourg de la position dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de ses sous-traitants. La compagnie a répondu au gouvernement qu'elle ne devait absolument rien à ces entrepreneurs, qu'elle les avait payés intégralement et qu'elle était même décidée à les attaquer devant les tribunaux. Ils étaient en fuite.

Il est évident que, dans cette situation, il est du devoir du gouvernement d'attendre la décision de la juridiction civile. Il sera constaté par le jugement qui interviendra si la compagnie a eu raison ou tort, lorsqu'elle a déclaré qu'elle avait payé intégralement les sous-traitants.

Cependant, messieurs, je consens volontiers à faire encore auprès de la compagnie de nouvelles instances à l'effet de lui faire comprendre que son intérêt, que l'intérêt moral de son entreprise est de payer les malheureux ouvriers qui n'ont pas reçu leur salaire des sous-traitants.

J'ajouterai même, messieurs, que si le fait dont se plaint l'honorable M. Orban avait, quant à l'exécution des travaux du chemin de fer du Luxembourg, les conséquences qu'il redoute, je serais le premier à intervenir de la manière la plus énergique pour obliger la Compagnie à poursuivre ces travaux et à les terminer dans le délai stipulé ; et si ce délai était passé, je n'hésiterais pas un instant à user des pouvoirs que la loi met à ma disposition.

M. Orban. - Je suis entièrement satisfait de ce que vient de dire l'honorable ministre des travaux publics ; j'ajouterai seulement que par suite de cet incident les travaux sont complètement suspendus et cette suspension fait entrevoir ce qui arriverait si la compagnie persistait à ne point payer les ouvriers, qui sont malheureusement privés de leur salaire depuis plusieurs semaines.

- La séance est levée à 4 heures.