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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 26 avril 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1515) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Par six pétitions, des propriétaires et habitants de Molenbeek-Saint Jean, Ixelles, Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode, Laeken et du Quartier-Léopold demandent l'annexion des faubourgs à la ville de Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale.


« Le sieur Jiobdar réclame l'intervention de la Chambre pour que la famille Vandermarcken puisse rentrer dans la possession de ses biens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs secrétaires communaux du canton de Florennes demandent une loi qui permette à l'administration provinciale d'améliorer leur position ou réclament l'intervention de la Chambre pour qu'il soit établi une caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 20 avril, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Les sieurs Minne et Colson, directeurs de la boulangerie économique bruxelloise, font hommage a la Chambre de 110 exemplaires du projet des statuts de cet établissement. »

- Distribution et dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de section

Les sections de se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Delehaye

Vice-président : M. Lesoinne

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Ad. Roussel


Deuxième section

Président : M. de Man d’Attenrode

Vice-président : M. Moreau

Secrétaire : M. Jouret

Rapporteur de pétitions : M. Visart


Troisième section

Président : M. Ch. Rousselle

Vice-président : M. Mascart

Secrétaire : M. de Perceval

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Quatrième section

Président : M. Matthieu

Vice-président : M. de Ruddere

Secrétaire : M. Vermeire

Rapporteur de pétitions : M. H. de Baillet


Cinquième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Lelièvre

Secrétaire : M. de Naeyer

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Sixième section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Dautrebande

Secrétaire : M. Pierre

Rapporteur de pétitions : M. Jacques

Projets de naturalisation

M. de Perceval. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau, au nom de la commission des naturalisations, divers projets de loi conférant des naturalisations ordinaires.

- Ces rapports seront imprimés et distribués. La Chambre les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1855

Motion d'ordre

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, après une longue négociation, j'ai signé hier, avec un armateur d'Anvers, une convention pour l'établissement d'une ligne régulière de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil.

Il serait sans doute superflu de démontrer ici toute l'importance de cette création. Je me bornerai à faire remarquer que, dans un moment où notre commerce avec certaines contrées est sérieusement compromis et va se trouver très réduit, sinon paralysé, le gouvernement a regardé comme un devoir d'aviser aux moyens de développer, d'augmenter nos relations avec d'autres pays.

La convention, bien que subordonnée à la sanction législative, n'a pas besoin d'être approuvée par une loi spéciale. Il suffira, pour qu'elle ait force et vigueur, que les Chambres adopte les amendements au budget des affaires étrangères, dont je vais avoir l'honneur de vous donner communication.

Ajouter au projet de loi la disposition suivante :

« Art. 2. Le gonvernement est autorisé à affecter à l'établissement d'un service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil une somme de trente-cinq mille francs, restée disponible sur l'article 31, chapitre VII, du budget du même département pour l'exercice 1853. »

Modifier l'article 30 du tableau, annexé au projet de loi, en ajoutant après les mots : « Encouragements pour la navigation entre les ports belges et étrangers, sans que dans l'un ou l'autre cas, etc. » ceux-ci : Sauf pour le service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil ».

Intercaler entre l'article 31 et l'article 32 une disposition ainsi conçue :

« Art. 31bis. Service de navigation à vapeur entre Anvers et les Etats-Unis, remboursement des frais de port : fr. 14,400.

« Idem, entre Anvers et le Brésil, remboursement des frais de pilotage, tonnage, etc. : fr. 11,152. »

Je demanderai que la Chambre veuille bien ordonner le renvoi de ces amendements et de la convention annexée, à la section centrale qui a été chargée de l'examen du budget du ministère des affaires étrangères, laquelle après avoir entendu les explications que je lui donnerai, voudra bien présenter à la Chambre un prompt rapport, afin que la discussion du budget ne soit pas trop différée.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution des amendements, ainsi que le renvoi à la section centrale.

Projet de loi accordant un crédit spécial au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi tendant à ouvrir au département des travaux publics un crédit spécial pour dépenses de parachèvement des chemins de fer de l'Etat.

Ce crédit se répartit sur quatre exercices différents ; savoir : exercice 1854, 1,000,000 ; 1855, 3,500,000 ; 1856, 3,500,000 ; 1857, 1,010,000.

- Le projet de loi sera imprimé et distribué. La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi prorogeant le délai d'achèvement de la section ferroviaire de Tielt à Deynze

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet d'accorder une prorogation de délai à la compagnie de la Flandre occidentale pour l'achèvement de la section de Thielt à Deynze.

- Le projet de loi sera imprimé et distribué. La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion des articles

Article 2

M. Osy. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a défendu avec beaucoup de talent le projet de loi du gouvernement ; cependant j'avoue qu'il ne m'a pas converti à ses opinions et que je ne pourrai donner mon assentiment à la loi. Avec l’augmentation d'impôt qu'on nous propose sur les eaux-de-vie indigènes, les eaux-de-vie étrangères étant toujours restées, sous ce rapport, au même taux, depuis la première loi, je ne puis pas être convaincu que nous n'aurons pas à craindre la fraude, ainsi que l'introduction des eaux-de-vie étrangères. Comme je l'ai dit hier, nous n'avons pas pour le moment à redouter l'importation des eaux-de-vie de France.

Mais, si la maladie de la vigne venait à cesser et que les eaux-de-vie françaises revînssent à leur taux normal, nous ne pourrions pas augmenter le droit, en présence du traité fait avec la France.

Quant aux eaux-de-vie hollandaises, vous devez vous attendre à en voir importer pour la consommation du pays.

En résumé, le projet de loi n'augmentera pas les revenus de l'Etat et il pourrait compromettre gravement l'industrie nationale.

Cette industrie ne donne pas seulement un grand revenu au trésor, elle est encore une grande source de prospérité pour le pays, à cause de l'influence favorable qu'elle exerce sur 1 agriculture ; l'élève du bétail a surtout besoin du résidu des distilleries. Si donc nous portons préjudice à cette industrie, nous faisons en même temps un très grand mal à l’agriculture. Déjà tout le monde se plaint du prix élevé du bétail et si nous nuisons encore à l'agriculture nous ne verrons pas diminuer ce prix, d'autant plus qu'il est très probable qu'au mois d'août, le gouvernement rétablira le droit d'entrée sur le bétail. Par suite de la guerre qui a lieu, eu ce moment, entre les grandes puissances, la Russie ne pourra plus exporter ses produits par mer, le snif de la Russie ne pourra plus s'exporter et l'Angleterre ainsi que les autres pays qui ont besoin de suif, devront en acheter partout où ils en trouveront, ce qui augmentera encore le prix du bétail.

Le moment me semble donc très mal choisi pour augmenter l'impôt sur les distilleries, d'autant plus que je ne vois dans la mesure proposée aucune augmentation des revenus de l'Etat.

(page 1516) L'honorable ministre des finances a également dit quelques mots de la situation financière. Je suis d'accord avec lui que le déficit probable, à la fin de l'année, sera de 29 millions, car je partage entièrement l'opinion de M. le ministre, que les 12 millions que nous avons été obligés de rembourserlors de la conversion ne doivent pas être compris dans le déficit et ne doivent pas être couverts par l'impôt : il faut attendre un moment favorable pour remettre ces 12 millions en circulation, mais, en attendant, le gouvernement sera obligé d'émettre pour ces 12 millions des bons du trésor ; le déficit réel n'est donc que de 29 millions, mais le gouvernement n'en doit pas moins pourvoir dans le courant de l'année à 41 millions.

Or, dans les circonstances actuelles, une circulation de 41 millions est beaucoup trop considérable ; vous avez entendu, sous tous les ministères, de quelque couleur qu'ils fussent, qu'il était dangereux d'avoir une circulation de plus de 25 à 30 millions. Je désirerais donc que le gouvernement trouvât le moyen de consolider une partie de la dette flottante, par exemple en émettant des bons du trésor à un terme plus long que celui qui est fixé par la loi de 1833. La loi de 1833 autorise seulement le gouvernement à émettre des bons du trésor à un an ; or il n'est guère probable que dans le courant de cette année nous verrons finir les hostilités qui ont commencé dans une grande partie de l'Europe. Je voudrais que nous suivions l'exemple que vient de donner l'Angleterre. Le gouvernement anglais émettait des bons de l'échiquier à 2 1/2 p c. et dont le terme était également assez court ; eh bien, il vient de proposer d'émettre pour 6 millions de bons de l'échiquier à 3 1/2 p.c ; mais de ne rembourser que deux millions par an, c'est-à-dire une partie en 1855, une partie en 1856, en 1857 et même en 1858 ; de manière qu'on peut attendre la fin des événements avec beaucoup plus de tranquillité, que lorsqu'on n'émet que des bons du trésor à un an.

J'engagerai beaucoup M. le ministre des finances à examiner, surtout pour ce qui concerne les 12 millions provenant de la conversion, s'il ne serait pas convenable de demander dans la session actuelle encore, s'il est nécessaire, un changement à la loi de 1833 qui a autorisé la première émission de bons du trésor.

M. de Ruddere Van Te Lokeren. - Messieurs, en approuvant le rapport de la section centrale sur le projet de loi sur les distilleries qui a éyé si bien développé par l’honorable rapporteur, je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans de nouveaux détails ; je tiens seulement à constater que, si le projet de loi en discussion était adopté, ce serait la ruine complète des petites distilleries qui sont éminemment agricoles et qui, répandues sur toute la surface du royaume, rend un bien immense à l’agriculture. Il y a à peine quelques mois qu’une nouvelle loi a été adoptée par la législature, laquelle accordait un dégrèvement de 15 p. c. qui avait été reconnu nécessaire au maintien de ces distilleries pour conserver la concurrence avec les grandes distilleries.

Par le nouveau projet de loi on méconnaît cette nécessité, ce qui est inconcevable, et on vous propose un dégrèvement de 10 p. c ; c'est vouloir leur ruine, car toutes devront chômer ; je ne crois pas que telle soit la pensée du gouvernement qui a dû être induit en erreur, en calculant sur un rendement probable, qui, par la nouvelle loi, devra nécessairement lui échapper quand les petites distilleries ne pourront plus exister, ainsi le but de l'augmentation d'impôt sera manqué.

On croirait justifier, messieurs, cet impôt, parce que le genièvre démoralise le peuple par l'abus qu'il fait de cette liqueur qui se vend à vil prix, et cependant vous ne pouvez augmenter le droit d'accise par le motif que lese'aux-de-vie étrangères viendraient faire concurrence avec celles de notre pays et se vendraient même à meilleur compte, ce qui est établi d'une manière évidente par l'honorable rapporteur.

Considéré, messieurs, sous le rapport agricole, le projet de loi fait un tort immense à l'agriculture que le gouvernement déclare protéger ; cette protection me paraît illusoire si vous lui ôtez tout l'avantage qu'elle retire des distilleries agricoles qui sont une source de sa prospérité.

Si le gouvernement entrait dans la voie des économies qu'il devient urgent d'adopter pour les finances de l'Etat, il commencerait par proposer aux Chambres la suppression du haras, des écoles d'agriculture et des expositions qui ne ferait aucun tort à l'agriculture.

Par cette suppression, il aurait les fonds nécessaires aux besoins du trésor sans devoir grever les distilleries de nouvelles charges. Je voterai contre le projet de loi.

M. Frère-Orban. - Messieurs, durant les premiers mois de cette session, je me sais fait un devoir d'assister avec assiduité aux séances de la Chambre ; je n'ai pas entendu quand j'étais présent une seule attaque dirigée contre l'administration à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir et qui me paraît nécessiter une réponse de ma part.

Un jour seulement avant que je ne fusse à mon banc, l'honorable M. Osy crut devoir annoncer qu'il prouverait quelque jour que la situation des finances qu'il trouvait déplorable devait être imputée à l'administration précédente.

Averti sur-le-champ je demandai la parole ; je voulais sinon provoquer des explications sur une assertion qui me paraissait aussi étrange, protester ou du moins faire des réserves, mais on ne jugea pas à propos de donner cours à cette discussion ; je fis remarquer ce que ce procédé pouvait avoir d'assez insolite à l'un de mes amis qui me répondit : que si la Chambre n'avait pas cru devoir laisser engager une discussion sur une assertion vague et générale, c'est qu'elle n'y attachait aucune importance, que sans cela la Chambre aurait manqué d'équité en ne permettant pas de répondre immédiatement. Il me raconta à cette occasion une anecdote que je crois pouvoir vous rapporter.

Quelques jours après que l'honorable M. Osy eut lancé dans la discussion, mais sans rien préciser et surtout sans rien prouver, l’assertion étrange dont je m'occupe, il visita une école primaire, parfaitement bonne, très pure, où l'on ne rencontre pas le moindre élément laïque et dont tous les élèves ont pétitionné avec le plus grand zèle contre la loi sur l'enseignement moyen ; avertis de la visite de l'honorable membre, ces élèves qui depuis lors font beaucoup de politique, décidèrent qu'il serait demandé quelques explications à l’honorable membre sur l'assertion qu'il avait produite devant la Chambre. Le petit interrogateur, mandataire de ses camarades, se présenta à l'honorable M. Osy et lui tint à peu près ce langage : « Vous avez annoncé l'autre jour à la Chambre que le déficit qu'on constate aujourd'hui est imputable à l'administration libérale, c'est très bien imaginé ; nous en sommes très satisfaits, mais quelques-uns d'entre nous ont des doutes et font des objections, comme on ne manquera pas de les produire à la première occasion dans le sein de la Chambre nous vous les répétons pour que vous soyez prêt à y répondre.

« Voici ce que l'on dit :

« L'administration libérale a fait des économies et des économies considérables. Au budget des finances seul, ces économies représentent plus d'un million de francs sur les dépenses annuelles et permanentes. Ces économies, à part les froissements personnels qu'elles ont occasionnés, devaient, dit-on, avoir nécessairement pour effet de nuire à la perception des recettes de l'Etat. L'expérience a malheureusement démontré ce que valaient ces prédictions. Mais enfin, dit le jeune interrogateur, pourquoi a-t-on fait des économies ? »

L'honorable M. Osy se recueillit, invoqua l'Esprit Saint et répondit : « C'est pour augmenter le déficit, mon enfant ! »

« Indépendamment des économies obtenues, ajouta l'élève, on a fait voter des ressources nouvelles, des ressources considérables. Vous les avez sagement combattues, M. Osy ; elles étaient mauvaises, dangereuses et inutiles, surtout cette loi infâme sur les successions, qui porte atteinte à la propriété et à la famille, comme chacun sait et que nous nous proposons, dit toujours le jeune élève, de faire réformer quand nous serons grands. Pourquoi a-t-on fait voter de nouveaux impôts ? »

L'honorable M. Osy, après s'être recueilli, joignant les mains et levant les yeux au ciel, répondit avec componction : « Toujours pour augmenter le déficit, mon enfant ! »

Je croyais que l'honorable M. Osy, après avoir obtenu un pareil succès à l'école primaire, s'abstiendrait de reproduire encore ses assertions. Mais voici que le 3 avril (j'avais eu l'honneur de rencontrer l’honorable membre deux jours auparavant et il n'avait pas jugé à propos de m'avertir qu'il avait changé le jour du rendez-vous qu'il m'avait donné à la discussion du budget des voies et moyens), le 3 avril l'honorable membre reproduit de nouveau ses assertions et il déclaré à la Chambre qu'il va prouver que l'administration précédente est responsable de ce déficit de 41 millions qu'il signale à l'attention publique.

J'avais cru, messieurs, que sur une assertion vague et générale, une réserve pouvait suffire, mais sur une prétendue démonstration qui paraît avoir eu un grand succès, surtout dans certaine presse, je suis bien obligé d'entrer dans quelques explications.

Quelle est la situation qu'a trouvée l'administration libérale en arrivant aux affaires ? On a pu, à d'autres époques, discuter sur les chiffres ; les comptes n'étaient pas réglés, il y avait matière à débat, mais aujourd'hui les comptes généraux de l'Etat sont clos, ils sont arrêtés par la cour des comptes, la plupart sont arrêtés par la loi.

Je prends ces chiffres.

Il résulte de ces chiffres que le déficit des exercices 1830 inclus 1847 s'élevait à 42,937,839 fr. 27, en somme ronde 43 millions de fr.

C'est ce que M. le ministre des finances actuel a fait connaître de nouveau dans la situation du trésor arrêtée au 1er septembre 1852, à la page première.

Ce déficit provenait d'une insufficance des ressources ordinaires et non pas des dépenses extraordinaires ; c'est encore ce qui a été parfaitement établi ; c'est ce qui est démontré par les annexes 8 et 7 qui accompagnent le même exposé de la situation du trésor fourni à la Chambre par M. le ministre des finances.

C'est un point capital ; c'est un point très important. Il y avait insuffisance des ressources ordinaires pour faire face aux dépenses ordinaires.

De là, messieurs, deux conséquences, la première, c'est que si l'insuffisance des ressources provenait de ce que les dépenses ordinaires excédaient les recettes ordinaires, il fallait y pourvoir par l'impôt.

La deuxième conséquence, c'est que cette situation étant accusée et reconnue, celle d'un déficit s'élevant à 43 millions de francs, il y avait nécessité d'amortir ce déficit, de le consolider par la voie de l'emprunt ou par d'autres ressources extraordinaires. C'est, je pense, ce qui ne sera contesté par personne.

Or, on ne jugea à propos de procéder ni par l'un, ni par l'autre de ces moyens, malgré les avertissements, les conseils successivemeut répétés par divers membres de cette Chambre et notamment par l'honorable M. Osy, qui ne peut pas prétexter cause d'ignorance.

De 1845 à 1847, le 5 p. c. fut constamment au-dessus du pair ; le 4 1/2 p. c. fut à 101100,99 et au plus bas cours, en juillet 1847, à 96. (page 1517) On ne crut pas devoir procéder en de pareilles circonstances à la consolidation de la moindre partie de ce découvert de 43 millions de fr. La situation du crédit indiquait suffisamment pourtant la marche qu'il fallait suivre.

A partir du mois de juillet 1847, une crise financière se déclara, le 5 p.c. fut constamment au-dessous du pair ; le 4 1/2 p. c. n'atteignit à aucune époque un cours supérieur à 91, celui qu'il avait en janvier 1848.

Ace moment, messieurs, la révolution du 24 février vint jeter une perturbation profonde en Europe.

Nous nous trouvions donc en face de cette situation : 43 millions de déficit. En outre, nos recettes étaient déprimées dans une proportion énorme, et nous avions, d'un autre côté, à raison même de la situation, à pourvoir à des dépenses extraordinaires, spécialement pour le département de la guerre. Du chef des dépenses plus considérables que nous avions à faire et des recettes que nous opérions en moins par suite des événements, il y avait dans les prévisions une différence de plus de 25 millions de francs ; qu'avons-nous fait de cette situation ? Grâce au patriotisme des Chambres et du pays, et grâce aussi, je puis le dire, aux mesures que le gouvernement ne craignit point de proposer dans ces circonstances, nous avons fait face à toutes les difficultés de la situation.

Le déficit qui était de 43 millions à cette époque, qui s'accrut de toutes les dépenses que nous dûmes faire dans une proportion beaucoup plus considérable, qui dut s'accroître encore de ce que les recettes ne produisaient pas à beaucoup près ce qui avait été prévu, ce déficit où est-il ? C'est M. le ministre des finances lui-même qui, dans la situation du trésor au 1er septembre 1853, le fait connaître.

« L'exercice 1851 csl clos, dit-il, depuis le 31 décembre 1852. Le compte définitif en est préparé, il vous sera présenté dès qu'il aura été arrêté par la cour des comptes.

« Le budget de cet exercice qui l'année dernière paraissait devoir se solder par un déficit, nous a laissé en définitive un boni de 716,191 fr 10 cent.

« Grâce à ce dernier résultat, la charge dérivant des exercices clos se réduit aujourd'hui à 15,413,705 fr. 44. c. »

Voilà, messieurs, constatée par l'honorable ministre des finances actuel, la situation du trésor à la clôture de 1851.

Nous avons eu l'honneur de gérer encore les finances de l'Etat pendant une grande partie de l'année 1852 ; quel a été le résultat de l'exercice 1852 ?

D'après l'exposé de la situation du trésor, l'exercice 1852 laisserait, selon des probabilités seulement, un découvert de 6,367,860 fr. 67 c ; mais, messieurs, ce découvert, en ce qui louche mon administration, se change et devait se changer en un boni de 2 millions de francs, c'est encore la même situation du trésor, page 5, qui nous l'explique. Nous y lisons, en effet, que, par deux lois, l'une du 5 décembre, l'autre du 14 décembre 1852, deux crédits de 8,450,000 fr. ont été alloués au département de la guerre pour dépenses extraordinaires et ainsi après que j’avais quitté le pouvoir.

En déduisant ces 8 millions 450 mille fr. pour lesquels je n'avais pas à préparer des ressources, en les déduisant du déficit accusé par M. le ministre des finances, on arrive à ce résultat que j'ai laissé à la même époque, un boni de deux millions de francs sur l'exercice 1852.

Voyons, maintenant, messieurs, comment ces faits ont été, je dois le dire, travesties par l'honorable M. Osy.

Je démontre, je pense, par l'exposé de la situation du trésor que le déficit de l'exercice 1851 était de 15 millions de francs, somme ronde et si je tiens compte de la réserve de l'amortissement qui était de 5,788,156 fr. 42 c. le déficit réel se trouvait définitivement réduit à 9,625,000 fr. Voici maintenant l'appréciation de l'honorable M. Osy, je transcris les Annales parlementaires, séance du 3 avril 1854 :

« On a toujours dit que l'ancienne administration avait rétabli l'équilibre dans nos finances. Je vais vous démontrer par des chiffres qu'il n'en est rien. Examinez la situation du 1er septembre 1852, vous verrez que l'arriéré, se montait encore alors à 18,873,000 fr. Je prends l'époque de l'entrée de la nouvelle administration ; à cette somme il faut ajouter toutes les dépenses faites depuis le 1er septembre 1835 qui, d'après moi, étaient prévues par l'ancienne administration. »

De telle sorte que dans le système judicieux de l'honorable M. Osy, par cela seul qu'il y a dans l'ensemble des besoins de l'Etat, des dépenses prévues, ceux qui ont pu les connaître en sont responsables alors même qu'ils ne proposent pas de les décréter, alors même qu'en proposant de les décréter, ils auraient proposé les moyens de les couvrir ; ce ne sont pas ceux qui ont proposé les dépenses qui en sont responsables, ce sont ceux qui les ont prévues et qui n'ont rien proposé, qui n'ont rien examiné ; ils les ont prévues ou ils ont dû les prévoir, cela suffit !

Mais voyons, indépendamment de cette théorie si judicieuse, voyons si l'honorable M. Osy sait même prendre dans les documents qu'il cite, des chiffres exacts. Il a affirmé le 3 avril 1854 que, d'après la situation du trésor au 1er septembre 1852, le déficit était encore de 18,873,000 fr. Je lis, en effet, dans la situation du trésor au 1er septembre 1852, que sur le budget de l'exercice 1851 on présume un déficit probable de 1,029,775 francs 55 c.

Mais l’honorable M. Osy, lorsqu'il n'a pas de contradicteur (et il aime à m'attaquer lorsque je ne suis pas là), l'honorable M. Osy ne cite que la situation du trésor au 1er septembre 1852, mais quant à la situation du trésor au 1er septembre 1853, qu'il a sous les yeux, qu'il a lue, il ne la cite pas ; il ne dit pas que ce qui était probable comme déficit au ler septembre 1852 s'est changé en boni lorsque le compte a été définitivement clos. C’est ce que M. le ministre des finances lui apprend dans l'exposé de la situation du trésor au 1er septembre 1853.

L’honorable M. Osy pour grossir le chiffre du déficit de plus de 3 millions sur 15, a pris le chiffre de 1852, établi sur de simples probabilités, au lieu de prendre le chiffre de 1853 qui est déterminé par les comptes. Je demande si c’est là une discussion loyale et je suis obligé de l’accepter !

Ainsi, le chiffre que j'ai donné est exact, et celui qui a été produit par inadvertance...

M. Osy. - Je demande la parole.

M. Frère-Orban. - Ce chiffre, il n'a pas pu le lire dans la situation du trésor, au 1er septembre 1853 ; il l'a pris dans une année en arrière pour arriver à un chiffre erroné.

Mais, messieurs, ce déficit, c'est moi qui l'ai réduit. Est-il vrai oui ou non qu'il était de 43 millions ?... L'honorable M. Osy l'avoue, il me fait un signe affirmatif, le déficit était de 43 millions ; les comptes généraux de l'Etat le disent, la loi le dit, M. le ministre des finances l'a consacré de nouveau dans son exposé de la situation du trésor. Cela est donc irrévocable.

Eh bien, j'ai réduit le déficit à 15 millions. Est-ce de cela que vous m'accusez ? De quoi vous plaignez-vous ? De ce que je n'ai pas réduit davantage ? Mais toutes les mesures que j'ai proposées, ne les avez-vous pas combattues ? Est-ce à vous à tenir un pareil langage, à vous que j'ai rencontré comme adversaires pour la plupart des projets de loi qui tendaient à améliorer les finances de l'Etat.

Mais, messieurs, il y a plus encore dans les erreurs de l'hoiiorable M. Osy. Dans le même discours, il fait l'exposé du déficit qu'il cstime à 34 millions, indépendamment des 12 millions résultant de la conversion, et voici comment il le compose :

Il prend le chiffre de 5 millions dont a été augmenté le budget de la guerre : il ajoute à ce chiffre une série de dépenses extraordinaires qui ont été votées après ma sortie du pouvoir, il additionne le tout, il confond l'ordinaire et l'extraordinaire, et il forme de tout cela ce qu'il appelle le déficit.

Eh bien, je ne puis pas contester la science financière de l'honorable M. Osy, mais je suis fondé à croire qu'opérer de la sorte, c'est méconnaître les notions les plus élémenlaires de la science financière.

Vous parlez de déficit ; mais qu'entendez-vous par là ? Il s'agit de l'ordinaire ou de l'extraordinaire ; s'il s'agit de l'ordinaire, il faut, comme je le disais tantôt, y pourvoir par l'impôt ; laissez donc aux dépenses ordinaires le chiffre de 5 millions dont a été augmenté le budget de la guerre, et dites-nous si, balance faite des ressources et des dépenses, il y a ou il n'y a pas déficit. Dites-nous surtout si avant le vote de ces 5 millions de dépenses nouvelles, il n'y avait pas un notable excédant de ressource.

S'agit-il des dépenses extraordinaires ? Indiquez-le encore. Ou l'on a créé des ressources pour les couvrir, ou ou ne l'a pas fait ? Si l’on n'a pas fait de ressources, il est évident que cela constituera un déficit d'une manière absolue.

L'administration libérale a-t-elle, oui ou non, rétabli l'équilibre dans les finances ? L'honorable M. Osy s'est prononcé pour la négative, avec promesse de le démontrer. Eh bien, sur ce point j’invoque encore Ici témoignage de M. le ministre des finances, et peut-être oserai-je invoquer le témoignage de l'honorable M. Osy lui-même.

Lorsqu'on a proposé au mois de mai 1853 les budgets, et particulièrement le budget de la guerre, augmenté de 5 millions de francs, qu'a dit M. le ministre des finances ? Répondant à ceux qui prétendaient qu'une dépense allait rompre l'équilibre des finances, il déclarait que, grâce aux mesures prises par son prédécesseur et grâce à la conversion qui avait été votée par la Chambre sur sa proposition, l'équilibre était et serait maintenu entre les recettes et les dépenses.

Je ne discute pas cette assertion : je me borne à constater que si l'on a pu augmenter les dépenses normales ou permanentes de 5,000,000 de fr., à plus forte raison l'équilibre existait lorsque j'ai quitté le pouvoir.

Que faisait dans la même séance l'honorable M. Osy ? L'honoraire membre appuyait le budget de la guerre au chiffre de 32 millions. Loin de contester les paroles de M. le ministre des finances, il les confirmait, au contraire ; avec l'honorable ministre il affirmait que, grâce aux mesures qui avaient été prises par l'administration précédente et grâce à sa conversion, il était possible de voter un budget de la guerre au chiffre de 32 millions.

Je suis fondé à dire que je trouve là la preuve irrécusable que l'équilibre était parfaitement rétabli entre les recettes et les dépenses de l'Etat.

Il est vrai que pour couvrir ces 5 millions de dépenses nouvelles, on a disposé de ressources qui avaient été votées pour faire face à des engagements contractés par l'Etat, et qui ne doivent pas être immédiatement acquittés, telles que les garanties du minimum d'intérêt. Mais, tout en faisant mes réserves à cet égard, sans reconnaître en aucune manière que pour maintenir le rapport que j'avais établi entre les obligeons et les moyens d'y pourvoir, ou pourrait créer 5 millions de dépenses nouvelles sans créer des ressources correspondantes ; je (page 1518) constate, en fait, qu’il y avait des ressources disponibles qui excédaient les dépenses au moment ou j'ai quitté le pouvoir. Je ne parle du budget de la guerre que parce que j'y suis forcé par la discussion.

Mais ce n'est pas pour prétendre qu'il ne fallait pas voter un budget de la guerre de 32 millions ; ce n'est pas pour reculer devant la responsabilité qui pourrait de ce chef peser sur moi ; je me borne à constater ce fait bien acquis au débat, que de l'aveu de M. le ministre des finances et de l'honorable M. Osy lui-même l'équilibre des finances était parfaitement rétabli au moment où les dépenses nouvelles pour la guerre étaient proposées.

L'honorable M. Osy a ajouté à la vérité que nous aurions des dépenses extraordinaires. Mais cette fois il s'est bien gardé de confondre les dépenses extraordinaires avec les dépenses ordinaires, d'ajouter à son compte les 5 millions de dépenses permanentes qu'il allait voter immédiatement peur le budget de la guerre ; il a annoncé avec beaucoup de raison, parce qu'alors il avait plus de sens que de passion, qu'il fallait y pourvoir par des ressources extraordinaires ; il a convié M. le ministre des finances à faire en sorte de consolider une partie de la dette flottante ; il comprenait parfaitement que c'était seulement ainsi qu'en pouvait procéder régulièrement.

Cependant ce déficit qui n'était plus que de 15 millions à la clôture de l'exercice de 1851, qui aurait été moindre encore, qui aurait été réduit à 13, au moment ou j'ai quitté l'administration, puisque j'ai constaté alors un excédant de ressources de deux millions de francs, ce déficit s'élève aujourd'hui d'après ce qu'affirme l’honorable M. Osy à 41 millions de fr.

M. Osy. - 29 millions de déficit et 12 millions de remboursé lors de la conversion.

M. Frère-Orban. - En réunissant les deux sommes on avait un chiffre plus élevé, le gros chiffre de 41 millions ; et ce n'était pas sans intention ; on énonçait qu'il y avait 29 millions de déficit et 12 millions de découvert résultant des remboursements demandés lors de la conversion, mais ce qu'on faisait briller, miroiter, c'était le chiffre de 41 millions.

Le chiffre de 29 millions ne représente pas tout le déficit, disait l'honorable membre, le gouvernement a dû rembourser 12 millions, en réunissant ces deux sommes on trouvait 41 millions ; et diverses parties du discours de l'honorable membre tendent à établir que l'administration libérale est responsable de ce déficit de 41 millions.

Examinons donc à quel titre l'administration libérale est responsable d'un centime quelconque dans le déficit que vous signalez.

Le premier article du chiffre de 29 ou de 41 millions, c'est le déficit préexistant ; je l'ai trouvé à 43 millions ; je l'ai laissé à 15 et même à 13 ; de quoi suis-je responsable ? De rien ; il faut que l'honorable M. Osy réponde ainsi. On a voté, sur la proposition du gouvernement, des dépenses nouvelles, considérables. Deux lois, l'une du 3 décembre, l'autre, du 14 décembre 1852, ont mis 8,450,000 fr. à la disposition du département de la guerre ; une troisième allocation de 3,500,000 fr. a été faite par la loi du 11 juin 1853 ; 4,880,000 fr. ont été mis à la disposition du département des travaux publics par la loi du 25 avril 1853.

Mais à ces diverses époques, l'administration ancienne n'avait aucune espèce de proposition à soumettre à la Chambre ; elle était remplacée par les ministres actuels. Il serait par trop plaisant qu'on ne rendît responsable des dépenses que le cabinet actuel a cru devoir faire, que la Chambre a jugé utile de voter sans que l'on eût préparé des ressources pour les payer.

Encore une fois, je ne viens pas critiquer ces dépenses, je ne prétends pas qu'elles ne devaient pas être faites ; je ne fais à cet égard aucun reproche à personne ; je ne recherche pas même s'il a été prudent de faire des dépenses sans proposer les moyens de les couvrir ; je me défends et je demande à quel titre je pourrais en être responsable ?

Mais, dit-on, vous aviez prévu ces dépenses ! je pourrais nier, je pourrais faire appel à l'honorable ministre de la guerre lui-même ; il répondrait j'en suis certain, avec sa loyauté bien connue, que les seules sommes qu'il ait réclamées pour le département de la guerre lui ont été allouées à sa demande, sans que dans le conseil il se soit élevé aucune discussion sur le chiffre des dépenses ; le seul point qui ait été discuté a été de savoir si on soumettrait la question aux Chambres ou si le cabinet, sous sa responsabilité, sans attendre l'autorisation de la législature fera commencer les travaux de la place d'Anvers.

Cette dernière opinion a prévalu ; nous avons donc fait sans autorisation, sans crédit législatif les premières dépenses ; aucune autre proposition ne nous a été soumise ; mais je ne veux pas me retrancher derrière ce que l'honorable membre pourrait appeler une échappatoire, je dirais seulement que si je les avais proposées, j'aurais proposé en même temps les moyens d'y faire face.

Prétendrez-vous le contraire ? Je vous réponds alors, qu'en savez-vous ? J'aurais fait, en ce cas, ce que j'ai fait à d'autres époques. Je me suis refusé en maintes circonstances à faire des dépenses désirées, vivement sollicitées, si l'on ne mettait le trésor en mesure de les payer.

Quand, le 3 avril 1852, j'ai proposé le premier crédit pour les travaux qui s'exécutent à Anvers, il y avait des voies et moyens pour v pourvoir. Ce crédit, s'élévant à 4 millions sept cent mille fr. a été soldé au moyen de l'excédant des ressources de l'exercice. Qui peut dons vous autoriser à dire, que si j’avais proposé des dépenses ultérieures que j'aurais reconnues nécessaires je n'aurais pas indiqué également les moyens d'y faire face ?

Mais le déficit ne se compose pas seulement de ces dépenses, il y a eu renchérissement des vivres, il a fallu voter des crédits plus considérables que ceux qui avaient été prévus pour les prisons et pour l'armée.

Est-ce que l'honorable M. Osy entend encore en rendre responsable l'administration libérale ? (M. Osy fait un signe.)

Egalement ? Je suis heureux de cette réponse. Nous aurons ainsi une démonstration qui, sans doute, nous engagera beaucoup. Seulement ce ne sera plus une discussion sérieuse.

On a aussi supprimé des recettes, notamment sur le riz, l'honorable M. Osy le sait bien, par suite de la cherté des céréales.

L'administration libérale est-elle aussi responsable du déficit qui en résultera ? Allons, puisque vous êtes en train de faire des démonstrations plaisantes, faites encore celle-là.

Mais il y a aussi dans ce déficit le découvert de 12 millions provenant des sommes qu'il a fallu rembourser lors de la conversion.

M. Osy. - Non !

M. Frère-Orban. - C’est tout ce que je voulais vous faire dire : nous ne sommes pas responsables du découvert de 12 millions remboursés lors de la conversion.

Eh bien, il est tout aussi absurde de nous rendre responsable de dépenses que nous n'avons pas proposées ; quant au déficit ancien de 43 millions que nous avons réduit à 15 et même à 13, il serait plus absurde encore de nous en rendre responsables d'une façon quelconque.

Je demande où est la preuve de la démonstration que c'est à l'administration libérale qu'il faut imputer le déficit qui tourmente si fort M. le ministre des finances ?

Je sais bien que quelque chose se cache sous cette idée de l'honorable M. Osy : j'avais prévu ces dépenses, mais j'en ai proposé d'autres.

Je suis coupable avec mes collègues qui en porteront facilement la responsabilité ; je suis coupable d'avoir proposé cette grande loi des travaux publics au mois de décembre 1851 ; elle a toujours causé la plus grande peine à l'honorable M. Osy ; l'honorable membre n'ayant pu réussir à la faire rejeter, voudrait bien aujourd'hui persuader qu'elle est la cause du déficit.

Afin d'examiner cette invention, retournons à l'école primaire. Si j'ai proposé d'exécuter les travaux, la Chambre a voté en même temps les moyens de couvrir la dépense, les recettes pour faire face aux intérêts et à l'amortissement de l'emprunt et aux autres obligations contractées. Donc, il n'y a pas de déficit de ce chef. Pour exécuter des travaux estimés à 26,000,000 de fr. j'ai versé 26 millions de francs dans les caisses de l'Etat. Mais au lieu de ces travaux, il fallait entreprendre ceux qui étaient préférés par l'honorable M. Osy. Lesquels ? Dans le déficit de 41 millions j'en trouve pour 12 millions.

Mais est-ce que l'honorable M. Osy imagine que si j'étais venu demander à cette époque de voter des ressources pour faire face à ces dépenses, j'aurais obtenu une seule loi d'impôt ? L'honorable M. Osy m'aurait répondu le premier : Nous ne reconnaissons pas encore la nécessité de ces dépenses. Attendons les conclusions de la commission militaire. L'honorable M. Osy les connaissait, il connaît tout ; de la Chambre, du gouvernement, étaient-elles connus ? Je déclare que non.

A cette époque même, le gouvernement ne connaissait pas les résultats des travaux de la commission.

Et puis, quels sont parmi les travaux compris dans la loi de 1851, quels sont ceux qui ne devraient pas être exécutés ?

Ne fallait-il pas exécuter les travaux du canal de Schipdonck, du canal de Zelzaele, du canal de Bruges ? Fallait-il laisser inexécuté le chemin de fer de la Flandre, orientale, ne pas entreprendre le chemin de fer de Bruxelles à Gand, le chemin de fer d'Ath à Termonde par Lokeren ? fallait-il abandonner le chemin de fer de Louvain à la Sambre ? fallait-il ne pas exécuter le canal de Hasselt aux canaux de la Campine, le canal d’Herenthals et la grande écluse de mer tant désirés par Anvers ? Répondez, je vous prie et faites votre choix. Oh ! je vous devine, il est déjà fait. On pourrait tout entreprendre, tout, excepté les travaux de la Meuse.

Voilà le fond de la pensée de l'honorable M. Osy. C'est la Meuse qui a causé toul le désastre, la Meuse d'autant plus odieuse que je suis né sur ses rives et que j'ai contribué à ce que ces travaux fussent décrétés, la Meuse a fait tout le mal ! On a fait pour plus de 120 millions de travaux publics sur la surface du pays ; la Meuse y est entrée pour la faible part de huit millions. C'est elle qui est la cause de tout le mal ! Elle est la cause de la disette et du déficit qui existait avant 1847 et même de ce que la conversion n'a pas tout à fait réussi ! Maudissons la Meuse et qu'il n'en soit plus question.

L'honorable M. Osy avait affirmé beaucoup des choses à l'occasion de ces travaux ; il avait prédit qu'ils ne s'exécuteraient pas, que c'était un leurre, une déception, que l'on ferait les travaux de la Meuse et rien de plus.

Tout cela est consigné aux Annales parlementaires, et que sont devenues les prédictions de l'honorable M. Osy. Et que valent ses affirmations ? Aujourd'hui il affirme que c'était à l'administration libérale qu'il faut imputer le déficit du trésor ? Est-ce que le pays ne sait pas ce que signifient et vos prédictions et vos affirmations ?

N'avez-vous pas répété à satiété que l'administration libérale devait ruiner le pays, et que l'industrie et le commerce ne pouvaient prospérer (page 1519) tant qu'elle aurait la direction des affaires de l'Etat ? Et pour rappeler un fait, à l'occasion du traité de commerce avec la Hollande, ne l'avez-vous pas présenté comme un traité de Munster ? N'avez-vous pas dit qu'Anvers était sacrifié à la Hollande, et que l'on allait de nouveau prononcer la fermeture de l'Escaut ?

Vous avez effrayé d'honorables membres de cette Chambre, qui, sur votre affirmation, ont été jusqu’à s'écrier comme l'honorable M. de Liedekerke, dans un beau mouvement d'éloquence « que la main qui signerait ce traité aurait signé la déchéance et l'abdication commerciale de son pays. » Et, par une ironie cruelle, sanglante, et comme pour se moquer des prophéties et des prophètes, jamais prospérité plus grande n'a existé pour le port d'Anvers ; jamais prospérité plus grande n'a existé dans le pays que dans les années postérieures à vos prédictions.

Je signale ce fait, je pourrais en citer mille, car vous avez combattu à peu près toutes les mesures que nous avons proposées. C'est ainsi que vous avez cherché à égarer le pays sans y réussir. Vous croyez l'égarer davantage en parlant de la situation financière, à la veille des élections. Vous vous trompez, le pays ne vous croira pas.

M. Osy (pour un fait personnel). - Il me paraît que je puis demander la parole pour un fait personnel ; car l'honorable M. Frère a parlé de moi.

L'honorable M. Frère a beaucoup parlé. Mais dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer le 3 avril, quel a été mon but ? De montrer à la Chambre et au pays où en étaient nos finances, parce que dans la situation actuelle de l'Europe je croyais utile d'appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité d'avoir une bonne situation financière.

Pour établir la situation financière, j'ai été obligé de remonter plus haut pour démontrer où nous en étions. L'honorable M. Frère croit que ces explications que j'ai données le 3 avril étaient tout bonnement en vue des prochaines élections. Je lui répondrai un seul mot. Si c'était une prévision des prochaines élections, si l'amour du pays et mon mandat ne m'avaient pas guidé plutôt que les élections, je me serais bien gardé de parler de nouveaux impôts. Car vous savez qu'un député ne se rend pas populaire en demandant des impôts à la veille des élections. C'est donc le seul amour du pays qui m'a guidé ; je n'ai pas pensé, comme je ne penserai jamais aux élections.

Si les électeurs ne trouvent pas convenable de me renvoyer ici, je serai très charmé, à mon âge de prendre du repos. S'ils me renvoient ici, le peu d'années qui me restent, je les sacrifierai au bien-être du pays.

Je crois, messieurs, que j'ai fait assez de sacrifices pour remplir le mandat que je remplis ici. J'ai refusé toutes les places qu'on m'a offertes ; j'ai renoncé à une des plus belles positions que j'avais occupée pendant 21 ans et que, n'étant plus indépendant, je ne pouvais plus remplir.

Les reproches que me fait l'honorable M. Frère ne me touchent donc nullement. Je crois que sous toutes les administrations j'ai montré, dans ma carrière politique, une complète indépendance, que j'ai été juste et équitable envers tout le monde. Il est vrai que j'ai toujours mis dans mes observations beaucoup de franchise et je continuerai à en agir de même, lors même que mes amis seront au pouvoir.

Messieurs, je conviens que sous l'administration qui a régi le pays avant 1847, le déficit était considérable. Mais je demanderai à l'honorable M. Frère si moi-même, avant son entrée au ministère, je n'ai pas toujours demandé, comme aujourd'hui, qu'on prît des mesures pour éteindre la dette flottante. Sous tous les ministères, j'ai agi de même.

L'honorable M. Frère, avec beaucoup d'esprit, a cherché à démontrer que tout te que j'avançais ne signifiait rien ; je reconnais le talent de l'honorable membre, je n'ai pas la prétention de lutter à cet égard avec lui. Je me bornerai donc à dire en peu de mots quelle est la véritable situation.

Nous sommes d'accord qu'au 1er septembre 1852, M. le ministre des finances avoue qu'il y avait un déficit de 18 millions. L'honorable M. Frère déduit de ces 18 millions les 5 millions de la caisse d'amortissement, et arrive ainsi au chiffre de 13 millions.

M. Frère-Orban. - Non, non.

M. Osy. - L'honorable M. Frère, pour prouver que le déficit n'était que de 9 millions, déduit de ce déficit les 5 millions de la caisse d'amortissement.

Or, les fonds qui se trouvaient dans les caisses de l'amortissement ne devaient pas servir aux besoins ordinaires de l'Etat, ne devaient servir qu’à la conversion de la rente.

L'honorable M. Frère me reproche aussi de n'avoir pas dit que les comptes de 1852 avaient laissé un excédant de 3 millions, d'avoir caché ce fait pour déguiser la position exacte. Or, si l'honorable M. Frère avait lu avec attention mon discours du 3 avril, il aurait vu que j'avais tenu compte de ces 3 millions : « La différence provient de la connaissance de la clôture du budget de 1852 qui se montre avec un excédant de 2,900,000. » Voilà bien les 3 millions.

M. Frère-Orban. - Du tout. C'est en outre de cet excédant que j’ai trois millions de francs.

M. Osy. - C'est donc en défalquant des 18 millions les 5 millions de l'amortissement et ces 5 millions, qu'on arrive à 9 millions. Mais vous ne pouvez défalquer les 5 millions.

D'après moi, il est très clair que le déficit de 1852 était, comme nous le verrons dans les comptes du trésor, de 18 millions dont il faut déduire les 3 millions d'excédant de 1852.

L'honorable M. Frère me dit : « Vous avez, depuis lors, voté de très grandes dépenses extraordinaires que nous n'avons pas présentées. Si nous les avions présentées, nous aurions en même temps proposé des ressources pour y faire face. »

Messieurs, je vous rappellerai que lorsque nous avons discuté la grande loi des travaux publics de 1851, j'ai demandé, en section centrale, avec instance et à plusieurs reprises, MM. les ministres voulussent nous dire ce dont on aurait besoin pour la guerre et pour les travaux publics. Les honorables ministres qui sont venus en section centrale n'ont jamais voulu s'expliquer sur cet objet. Pour le chemin de fer, nous avons demandé avec instance, l'honorable M. Loos et moi, que la Chambre allouât 5 millions.

En séance publique, un ancien ministre, l'honorable M. Rolin, a fortement insisté, et a dit que c'était une nécessité d'allouer 5 millions pour le chemin de fer. Eh bien ! refus positif encore.

L'année dernière, l'honorable M. Van Hoorebeke, dégagé de ses anciens collègues... (Interruption) dégagé de ses anciens collègues, je le répète, car dans l'ancienne administration il n'y avait réellement qu'un ministre qui pesait sur tous... (Nouvelle interruption), oui, messieurs, c'est ainsi ; c'était l'honorable M. Frère qui dirigeait le département de l'intérieur pour l'instruction publique, qui dirigeait le département des travaux publics pour le chemin de fer ; de manière que l'honorable M. Van Hoorebeke avec ses anciens collègues, n'a pu vous demander les fonds nécessaires pour le chemin de fer.

Mais, dégagé de ses collègues, l'honorable M. Van Hoorebeke vous a demandé l'année dernière, les 5 millions dont la nécessité vous avait été signalée par l’honorable M. Rolin.

Or, je vous demanderai si cette dépense n'était pas prévue, lorsque nous avons discuté la loi des travaux publics ? Cependant elle a alors été refusée.

Pour la guerre, lorsqu’en section centrale nous étions occupés à examiner la question de l'emprunt de 26 millions pour les travaux publics, j'ai encore vivement insisté pour savoir ce dont on aurait besoin tant du chef de l'augmentation du budget que du chef des dépenses extraordinaires.

On m'a encore répondu : « Nous ne vous dirons rien, nous voulons notre projet tel qu'il est. »

Lors de la discussion en séance publique, j'étais le premier inscrit : j'ai demandé positivement que le gouvernement s'expliquât. L'honorable M. Dumortier m'a fortement soutenu. Toujours silence absolu de la part du ministère et refus de vouloir s'expliquer. Cependant nous savions très bien que d'après les travaux de la grande commission militaire, on devrait augmenter le budget de la guerre et l'on devrait voter des dépenses considérables pour la défense du pays.

Je puis donc dire avec raison que les dépenses que vous n'avez pas présentées, il est vrai, mais que vous connaissiez et que nous avons dû voter plus tard, peuvent être attribuées à l'ancienne administration.

Je conviens que sous le ministère de l'honorable M. Frère on a fait du bien ; je conviens qu'il a fait des économies, et en cela je l'ai toujours approuvé ; je conviens que 1 honorable M. Frère nous a tirés d'un très mauvais pas en créant la Banque Nationale ; il a, sous ce rapport, rendu un grand service au pays. Je suis donc loin de blâmer tous les actes de l’administration libérale, et je n'ai pas, dans mon discours du 3 avril, dit un mot de ce ministère. J'ai simplement exposé la situation actuelle de nos finances. J'ai dit que les 29 millions de déficit provenaient de ce que vous n'aviez pas fait primer les dépenses de la guerre et du chemin de fer sur d'autres dépenses moins utiles que ces 26 millions qui devaient servir à la dérivation de la Meuse et à d'autres travaux publics, et vous avez toujours refusé de disposer de la moindre somme pour ce qui était bien plus urgent, c'est-à-dire pour le chemin de fer et pour les besoins de la guerre.

Maintenant l'honorable M. Frère dit : J'ai proposé beaucoup d'impôts, vous les avez refusés. Mais pourquoi les ai-je refusés ? Parce que je ne voulais pas consacrer 26 millions aux travaux publics que vous proposiez. J'ai refusé l'impôt sur les successions et je m'applaudis de l’avoir fait.

Quant aux ressources que l'honorable M. Frère a créées, elles n'ont nullement servi à couvrir l'arriéré, elles ont servi à couvrir les 26 millions de travaux publics.

L'honorable M. Frère est très étonné que je propose de voter de nouveaux impôts pour combler une partie au moins du découvert de 29 millions.

Eh bien, messieurs, je ne suis pas tranquille, pour mon compte, de voir cette masse énorme de bons du trésor, et je voudrais voir éteindre la partie de la dette flottante qui a été créée pour les dépenses de l'armée pendant cette année et l'année dernière. Je ne parle pas de l'ancien déficit.

Je crois, messieurs, avoir répondu par ce peu de mots à l'honorable M. Frère. Je maintiens tout ce que j'ai dit ; et aussi longtemps que je siégerai dans cette Chambre, je dirai toujours ce que je croirai conforme à la vérité et à l'intérêt du pays.

M. Frère-Orban. - M. Osy insiste sur ce que des dépenses selon lui prévues ont été ultérieurement votées sur la proposition du cabinet actuel ; mais c'est le ministère ancien qui en est responsable. Et sur quoi se fonde l'honorable M. Osy ? Sur ce qu'il a demandé à telle ou telle époque, à l'occasion de la grande loi de travaux publics, quels étaient (page 1520) les besoins du département de la guerre, quels étaient les besoins du chemin de fer. Il aurait voulu qu'on ajoutât une certaine somme ou que l'on supprimât certains travaux, pour exécuter préalablement les travaux qu'il indique. Je réponds à l'honorable M. Osy que ces travaux n'étaient pas même connus.

Je lui réponds en deuxième lieu ce que je lui disais à cette époque que le jour où nous jugerions apportun de proposer de nouvelles dépenses, nous proposerions en même temps les moyens pour y faire face. Ce que voulait l'honorable M. Osy et ce que j'ai combattu c'était de créer un déficit, c'était d'ajouter à la somme de 20 millions de quoi faire face aux dépenses qu'il avait en vue ; or, de notre propre aveu, vous n'aviez aucun moyen de pourvoir à ces nouvelles dépenses ; vous auriez donc eu nécessairement un déficit si votre proposition avait été adoptée.

Encore une fois, si nous avions jugé nécessaire de soumettre à la Chambre d'autres crédits, nous aurions proposé en même temps des voies et moyens, et je pourrai vous dire à l'aide de quelles ressources nous aurions proposé d'y faire face. Ainsi, par exemple, le projet de loi sur la contribution personnelle, dont la Chambre était saisie, fournissait une ressource considérable, 6 ou 800,000 francs au moins pouvaient être obtenus en donnant un principe plus juste à la loi qui nous régit actuellement et c'eût été là de quoi servir les intérêts et l'amortissement d'un emprunt destiné à des dépenses extraordinaires.

L'honorable M. Osy prétend qu'il a tenu compte de trois millions d'excédant et que, partant, il n'a pas commis l'étrange erreur que j'ai signalé, lorsque j'ai parlé la première fois ; l'honorable M. Osy se trompe, il a fait formullemcnt appel à la situation du 1er septembre 1852, et il a dit que le déficit était non pas de 15 millions, mais de 18 millions.

C'est indépendamment de cette erreur que j'ai démontré que l'exercice 1852 présente un boni de 2 millions de francs.

L'honorable M. Osy voudrait que l'on couvrît à l'aide d'impôts ce qu'il nomme aujourd'hui le déficit, mais est-il d'accord avec M. le ministre des finances ? M. le ministre des finances quel but donne-t-il à l'impôt ? Est-ce pour servir à acquitter les dépenses ordinaires ou pour combler le déficit ? C'est pour faire face à l'insuffisance des ressources ordinaires. (Interruption.) Oui, dit M. le ministre des finances.

L'honorable M. Osy est donc en contradiction avec M. le ministre des finances. Il y a un déficit sur les exercices écoulés ; il y a une insuffisance de ressources sur l'exercice courant. Selon M. Osy les impôts sont demandés pour combler le déficit, ce qui est bien décidément impossible par ce moyen. Selon M. le ministre des finances, c'est au contraire, à ce qu'il paraît, pour couvrir les dépenses ordinaires. Voilà sur quoi je demande des explications.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je n'entrerai pas dans ce débat qui est imprévu pour moi ; dans tous les cas, je ne crois pas que j'aie rien à voir dans cette discussion ; mais l'honorable préopinant nie demande, en terminant, une explication que je suis prêt à lui donner ; il désire savoir si la loi qui est proposée, a pour but de pourvoir à l'insuffisance du budget normal ou d'éteindre jusqu'à due concurrence le déficit existant.

Je tâcherai d'être clair et bref.

J'ai eu l'honneur de dire hier que les budgets de 1854, lorsqu'ils furent votés au mois d'avril de l'année dernière, présenta un excédant probable de recettes de 3,500,000 fr., tandis qu'aujourd'hui tout porte à croire qu'ils se clôtureront à la fin de l'exercice, par un concours de circonstance, avec un déficit de 3 à 4 millions.

Si l'année n'eût pas été marquée par des circonstances extraordinaires, nous n'aurions pas eu besoin pour 1854 de ressources nouvelles pour le budget normal. Vous le savez, depuis plusieurs années, les impôts indirects produisaient chaque année une augmentation nouvelle de 3 à 5 millions de francs ; eh bien, si l'état de paix que nous avons conservé pendant si longtemps, eût pu continuer, nous n'aurions eu besoin, cette année, d'aucune ressource nouvelle, en ne comptant pas même sur une augmentation annuelle de 5 millions ; mais d'une part, l'état de guerre, d'autre part, la cherté des vivres amèneront très probablement une diminution de recettes normales de près de 4 millions. Il faut aujourd'hui de nouvelles ressources temporaires et de nouvelles ressources permanentes. Il faut des ressources temporaires, pour faire face à la disette temporaire du trésor résultant de la double crise alimentaire et politique ; mais lorsque cette année-ci sera écoulée, nous nous trouverons devant une situation qui sera permanente.

D'une part, la recette annuelle d'un million que nous procurait la vente de nos domaines qui va faire défaut au budget des voies et moyens ; d'autre part, nous sommes en présence du minimum d'intérêt promis à certaines concessions de travaux publics et qui, évalué très modérément, s'élèvera pendant bien des années à un million et même à un million et demi ; quelques-uns prétendent même qu'il s'élèvera à 2 millions pendant 10 ou 12 ans.

Voilà deux millions et demi qui vont faire défaut au budget des recettes ; eh bien, pour cette double source de dépenses à laquelle nous ayons à pourvoir d'une manière permanente, il est prudent de voler dès aujourd'hui la loi.

La loi de recette qui est en discussion, si elle est votée, aura donc un douille effet : c'est de pourvoir, pour l'exercice courant, aux besoins momentanés, et de faire face à des besoins permanents pour les années suivantes.

M. Malou. - Messieurs, je ne me proposais pas de prendre part à ce débat, et je me serais abstenu de prendre la parole, si l'honorable M. Frère n'avait pas cru devoir récriminer, au lieu de se défendre. Nous avons eu en 1847 et en 1851 deux grandes et solennelles discussions sur la situation et notamment sur la gestion de nos finances de 1830 à 1847, car 1847 paraissait être une ère entièrement nouvelle, où le pays sortait en quelque sorte de la barbarie. Ces discussions ont fixé l'opinion publique sur les résultats de la gestion de nos finances pendant cette première période de notre existence nationale.

Je croirais abuser des moments de la Chambre, si je renouvelais ces débats devant elle, bien que je pusse m'y croire autorisé par les erreurs que l'honorable M. Frère vient de répéter.

En 1847, on n'a pas consolidé une partie de la dette flottante, parce qu'on se trouvait au milieu d'une crise alimentaire ; l'on n'a pas, par le même motif, cherché à augmenter l'impôt ; je le dirai franchement, et ce n'est pas la première fois que je tiens ici ce langage, je crois qu'avec nos institutions, avec l'entraînement qui existe dans le pays pour les dépenses, il est bon, salutaire de conserver une certaine dette flottante, même une dette flottante assez élevée, parce qu'elle est un frein pour nous, et parce qu'elle est une force pour le ministre des finances.

Il me suffirait, à cet égard, de rappeler un seul fait.

Lorsque nous nous trouvions au milieu de la crise alimentaire de 1847, lorsque nous avions, non pas 43 millions, mais 20 à 25 millions de dette flottante, que voulait l'opposition ? L'opposition voulait créer, avant les élections, 25 millions de dépenses nouvelles sans faire les fonds à l'échéance. Or, c'est principalement par des considérations puisées dans les chiffres de la dette flottante, que j'ai réussi à épargner au pays une dépense considérable dont les fonds n'étaient pas faits.

Comment, lorsqu'on veut une discussion sérieuse, peut-on apprécier une situation financière ? On dit, par exemple : « J'ai réduit, sous mon administration, le découvert de 43 millions à 15. » Cela peut être vrai. Je ne l'admets pas dans les circonstances actuelles. Mais cela fût-il exact de tout point, en résulterait-il que la situation financière soit améliorée de toute la différence ? Il semblerait, à entendre l'honorable membre, qu'il n'y a de dette pour l'Etat que la dette flottante et que, lorsqu'il n'y a plus de dette flottante, la situation financière est magnifique.

Mais pour l'Etat comme pour un particulier, il ne s'agit pas de savoir si c'est sous le nom de dette flottante ou de dette consolidée que sa situation s'améliore ou s'empire ; la question est de savoir s'il augmente ses dépenses sans augmenter ses recettes. C'est dans ces termes que le calcul, pour être sérieux, pour être digne de cette assemblée, doit être présenté.

Eh bien, faisons ce calcul, demandons-nous si, depuis 1847, notre situation financière générale s'est améliorée. C'est bien là la question dégagée de tout élément étranger. Il ne s'agit pas de savoir si tel ou tel ministre a fait telle ou telle dépense, il s'agit de savoir si dans l'intérêt du pays, si notre situation financière générale est meilleure qu'elle ne l'était en 1847. Eh bien, les chiffres et les lois en main, je suis forcé de dire qu'elle est beaucoup plus mauvaise.

En effet, depuis 1847, nous avons créé par la loi de 1848, 37 millions de délie constituée en plus ; par la loi de 1852, nous avons créé 26 millions de dette de plus ; enfin, pendant la même époque, nous avons réalisé des valeurs qui se trouvaient dans le trésor pour une somme de plus de 17 millions. En d'autres temps, on avait commencé par dire que les valeurs acquises au trésor étaient des joujoux financiers ; on a converti ces joujoux en bons millions qui sont entrés dans le trésor. Il est donc juste que j'en tienne compte.

Additionnant ces trois sommes, savoir les 37 millions de l'emprunt de 1848, les 26 millions de l'emprunt de 1852 et les 17 millions, provenant des valeurs réalisées, je trouve que nous devons 80 millions de plus qu'en 1847.

Nous avions, de l'aveu de l'honorable M. Frère, à l'époque où il est sorti des affaires, un découvert de 15 millions de dette flottante. Je suis en droit avant de rien déduire d'ajouter ces 15 millions aux 80 millions ; il en résulte que nous avons aggravé notre situation de 95 millions.

Je suppose un instant qu'en 1847 le découvert réel ait été de 43 millions, nous n'aurions pour toute consolation qu'à nous dire que notre situation est moins bonne ; mais que la différence est seulement de 52 millions.

Voilà d'après les faits accomplis par le vote des Chambres et émanant pour la plupart de l'initiative du gouvernement, en quoi notre situation financière est moins bonne qu'en 1847. Il y a bien, comme le faisait remarquer M. le ministre des finances, quelque chose à ajouter à cet aperçu ; dans la loi des travaux publics, il y a des engagements qui grèveront l'avenir, dont les fonds ne sont pas faits, la garantie d'intérêt, notamment celle montant à 800 ou 900 mille francs pour la ligne du Luxembourg que nous avons chance de payer pendant longues années.

- Un membre. - C'est une erreur.

M. Malou. - C'est du moins ma conviction.

Je me bornerai, messieurs, à rétablir ces faits, la discussion m'a provoqué à le faire. Nous devons examiner cette question de la situation et des besoins du trésor sans chercher à récriminer et à faire peser les torts, s'il y en a, sur telle ou telle administration, mais en nous préoccupant uniquement de ce que l'intérêt du pays exige. Je puis me dégager aisémenl de toute considération électorale, en effet, le pays sait parfaitement qu'il y a un découvert considérable, que les circonstances (page 1521) sont extrêmement graves et qu'il doit pourvoir à la situation quels qu'en soient les auteurs, par son énergie et son patriotisme.

M. Frère-Orban. - Je dois me défendre d'une manière absolue du reproche que m’adresse l’honorable M. Malou d’avoir incriminé. Je n’ai parlé d’aucun autre objet. Encore je n’ai pris la parole que lorsque j’ai été provoqué et provoqué à trois reprises différentes. Relativement aux faits dont se plaint M. Malou, je me suis borné à constater un seul fait que j’ai puisé dans la situation du trésor du 1er septembre 1853 déposé par M. le ministre des finances : Quel était le déficit au 12 août 1847 ?

Il fallait bien le dire, devais-je le taire ? Le faire connaître, était-ce récriminer ? si c'était là récriminer M. Malou à raison. Je me suis borné à constater ce fait sans en rechercher ni la cause ni l'origine ; je me suis borné à dire que le déficit trouvé par nous s'élevait à 43 millions.

L'honorable M. Malou revenant sur un thème qu'il a longuement soutenu et que j'ai longuement combattu, confondant la situation financière avec la situation du trésor, est venu dire : peu importe le chiffre auquel s'élevait le déficit en 1847 et celui auquel il est maintenant, ce qu'il faut se demander le voici : Les finances du pays sont-elles dans une meilleure situation aujourd'hui qu'en 1847 ? Non, car vous avez une dette consolidée plus considérable que celle que vous aviez en 1847. De quoi donc pouvez-vous tant vous féliciter ? M. Malou le sait mieux que personne.

Dans cette Chambre ce que l'on critique c'est une dette flottante exagérée, c'est le danger qui résulte d'une pareille situation ; on sait parfaitement, il suffit pour cela de savoir additionner, qu'une dette consolidée ou flottante est toujours une dette, que cela revient au même qu'on n'est ni plus riche ni plus pauvre, parce que ce qui était dû à un terme très court cesse d'être exigible.

Mais on sait aussi que quand a une dette considérable immédiatement exigible, on expose le trésor à de graves, à de sérieux embarras.

L'honorable membre continue à soutenir la thèse qu'il n'y a rien à redouter d’un découvert considérable dans la detle flottante de 43 millions et d'une circulation de 25 ou 30 millions de bons du trésor.

Cependant les événements de 1848 sont venus démontrer le grand danger d'une semblable situation ; c'est principalement à raison de la dette flottante qu'il a fallu recourir à l'emprunt forcé. Voilà la nécessité que le pays a dû subir. Si la dette avait été consolidée, on n'aurait pas été obligé de recourir à une mesure aussi grave que l'emprunt forcé.

C'est ce qu'a dit M. le ministre des finances, c'est ce dont il se préoccupe ; il sait que s'il consolidait les 40 millions, il aurait une situation plus nette, plus ferme, plus sûre dans les circonstances où nous nous trouvons que si cette dette exigible continuait à exister.

M. Malou soutient que la dette consolidée est de 80 millions plus élevée qu'en 1847 ; je ne puis vérifier cette assertion, mais elle ne prouve rien. Est-ce que le pays ne sait pas qu'on a emprunté 26 millions pour l'exécution des travaux publics ? C'est en 1851 qu'ils ont été décrétés. Le pays ne sait-il pas qu'en 1848 les recettes ont présenté un déficit de plus de deux millions ; et que nonobstant on a dû faire des dépenses considérables pour le département de la guerre.

Il a fallu, eu outre, éteindre le déficit que vous aviez laissé. Voilà assurément des causes d'accroissement de la dette consolidée et vous y avez une bonne part.

Vous signaler les engagements pris de payer du minimum d'intérêt et vous dites que les moyens de pourvoir à un engagement n'existent pas : Les voies et moyens ont été votés pour cet objet par la Chambre. Ce que vous pouviez dire, c'est que les ressources destinées à ces engagements éventuels et futurs sont quant à présent appliqués à couvrir de dépenses plus considérables votées par la Chambre.

C'est grâce à ces ressources votées anticipativement avant que les obligations vinssent à échoir, c'est grâce à ces ressources que vous n'êtes pas dans la nécessité de créer des recettes plus considérables pour faire face aux dépenses votées, c'est ce donc M. le ministre des finances s'est applaudi, quand, en 1853, il a proposé le budget de la guerre. Si ces ressources n'avaient pas existé, ce n'est pas deux millions mais quatre ou cinq qu'il aurait fallu chercher à se procurer.

Maintenant est-il présumable que lorsque les obligations qui ont été contractées viendront à échéance, l'Etat soit en mesure de remplir ses engagements ? Si les circonstances sont normales, on peut espérer qu'il en sera ainsi. Par suite de l'accroissement de la richesse publique, par suite de l'aocroissement du produit des impôts, il sera sans doute possible de satisfaire à ces engagements.

Mais quoiqu'il arrive, il restera vrai que les dépenses n'ont été votées, que les engagements n'ont été contractés qu'en présence de ressources certaines, de même que quand on a voté 26 millions de travaux publics, on a voté les ressources nécessaires pour faire face aux intérêts et à l'amortissement de cet emprunt. Si depuis on a appliqué ces ressources à d'autres dépenses et si plus tard, il en résulte quelque inconvénient, ce n'est pas à nous qu'il faudra l'imputer.

M. Malou. - Nous sommes à peu près d'accord sur les faits avec l'honorable M. Frère. J'ai voulu établir que notre situation financière, considérée dans son ensemble, est moins bonne aujourd'hui qu'en 1847. C'est là ce qui intéresse le pays, ce qui nous intéresse.

L'honorable membre croit que je m'en suis étonné ; nullement ! J'ai combattu la plupart des dépenses qu'il a proposées ; je ne suis pas étonné qu'il les ait proposées ; je suis plutôt étonné, j'allais dire reconnaissant, de ce qu'il n'a pas dépensé davantage. En effet, en dehors du budget, nous avons eu des crédits extraordinaires et un énorme déploiement de propositions, même à la veille des événements de 1848. Je ne suis donc pas étonné que notre situation financière, après 5 ans, soit aggravée de plus de 52 millions ; ce que l'honorable membre a bien voulu implicitement reconnaître.

Un mot encore sur les faits de 1847 : le 25 février 1848, la veille de la révolution, le ministère présentait une loi de travaux publics de 78 millions sans créer de voies et moyens, proposant seulement d'augmenter la dette flottante de 8 millions et demi.

Voilà les faits tels qu'ils se sont passés.

N'est-il pas évident, d'après cela, que ce déficit de 43 millions sur lequel on revient si complaisammcnt résulte en grande partie des fictions de la comptabilité.

Ainsi l'arithmétique nouvelle qui a été introduite dans la situation financière, alors qu'on n'avait prédit qu'une politique nouvelle, consiste à distraire des exercices antérieurs à 1847 tous les boni afférents à ces exercices, et à reporter sur ces exercices toutes les charges, même celles non encore susceptibles de se produire alors, à raison des travaux décrétés dans ces même exercices. Voilà, quand on fait de la politique sous prétexte de faire des chiffres, comment on arrive à établir le déficit de 43 millions. Après les discussions qui ont eu lieu, la cause est jugée devant le pays.

- La discussion sur l'article 2 du projet de loi est continuée à demain. Plusieurs sections centrales devant se réunir avant la séance, la Chambre fixe la séance publique à 2 heures.

- La séance est levée à 4 heures et demie.