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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 6 mai 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1627) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la redaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Guillaume Robbers, employé à la Banque d'Anvers, né à Mook (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« La veuve Biesemans demande que son fils soit libéré du service militaire ou du moins qu'il obtienne une année d'ajournement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« La veuve Snep, à Ittre, réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisée des pertes qu'elle a subies dans ses récoltes en 1850 et 1851. »

- Même renvoi.


« Le sieur Buysers, ancien douanier, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Par messages du 4 mai, M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction deux demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé à votre commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la requête de plusieurs pharmaciens à Bruxelles, tendant à ce que l’art pharmaceutique soit convenablement représenté à l'Académie de médecine et que l'exercice de la médecine ne puisse être cumulé avec celui de la ^harmacie que dans les localités où le médecin et le pharmacien ne puissent se procurer une existence honorable l’un à côté de l’autre.

Dix-sept autres pétitions nous ont été adressées, tendant aux mêmes fins par des pharmaciens, médecins et vétérinaires de Charleroi, Ath, Warquignies, Trazegnies, Tirlemont, Braine-le-Comte, Feluy, les Ecaussines d'Enghien, Soignies, Hasselt, St-Trond, Tournai, Gosselies, Gouy-le-Piéton, Momignies, Chimay, Cuesmes, Antoing, Beaumont, Quaregnon, Hornu, Jemmapes, Florenville, Neufchâteau, Virton, Arlon, Bouillon, Bastogne, Laroche, Grammont, Alost, St-Nicolas, Termonde, Audenarde, Leuze, Vilvorde, St-Ghislain, Roisin, Augre, Chimay,. Cuesmes, Ghlin, Antoing et Havré.

Dans la séance du 5 avril, j'ai eu l'honneur de vous présenter le rapport de 45 autres pétitions, toutes relatives au même objet, demandant les unes, tout l'opposé de ce que demandaient les autres.

Il est à remarquer que quelque honorable que soit d'ailleurs l'état de pharmacien, cet état consiste à tenir officine de tous les médicaments simples et composés prescrits par la pharmacopée légalement reconnue par la faculté de médecine et approuvé par le gouvernement. Ils sont obligés de tenir ces médicaments, qu'eux seuls soient autorisés à préparer, à la disposition non du public, mais des médecins et autres hommes de l'art ; remèdes qu'ils ne peuvent délivrer que sur une ordonnance écrite et signée indiquant la dose, la mixture et le mode de s'en servir ; et si ces dispositions de la loi étaient strictement observées et sévèrement exécutées, les pharmaciens ne seraient pas si empressés de provoquer la nouvelle loi qui doit fixer les attributions des uns et des autres, et restreindre cette coupable industrie de délivrer aux malades des remèdes sans ordonnance du médecin, et cumuler la médecine et la pharmacie d'une manière aussi illicite et aussi préjudiciable à la santé publique, aussi bien en ville qu'à la campagne.

Les prétentions des pharmaciens ne tendent à rien moins qu'à remplacer à la campagne les médecins et à y exercer le monopole en cumulant les deux fonctions. C'est cet abus que la nouvelle loi est appelée à réprimer.

Si les médecins de campagne ne se sont adressés jusqu'ici qu'en petit nombre à la législature, c'est qu'ils n'ont pas cru le moment opportun.

Toujours est-il que cet objet est digne de la plus sérieuse attention de la Chambre et du gouvernement, bien plus dans l'intérêt de l’état sanitaire des habitants que dans celui des médecins et des pharmaciens.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces requêtes à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 3 mai 1854, le président et les membres du comité central flamand s'adressent à la Chambre afin que dans les provinces flamandes les affaires provinciales et communales soient traitées en flamand ; qu'il soit fait usage de cette langue devant les tribunaux lorsque les parties ou les accusés la comprennent ; qu'il soit fondé une Académie flamande ou une divison flamande à l'Académie de Bruxelles, que la langue flamande jouisse à l'université de Gand des mêmes avantages que le français, et qu'elle soit enseignée d'une manière approfondie dans les athénées et dans les collèges de l'Etat. »

Cette pétition, écrite dans les deux langues, ayant été distribuée à tous les membres de cette Chambre, chacun de vous a pu en prendre connaissance. Votre commission n'a pas cru devoir entrer dans tous les détails ni s'étendre longuement sur les motifs que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leurs demandes ; elle s'est bornée à vous préposer le renvoi de leur requête à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Julliot, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Tongres, le 27 avril, l'administration communale de cette ville expose que, dans sa séance du 10 juin dernier, la Chambre des représentants a autorisé le gouvernement à concéder un chemin de fer, partant de la station d'Ans vers Hasselt, soit par Cortessem, soit par Bilsen ;

Que depuis lors est venu surgir un autre projet dont les caractères principaux sont l'évitement des plans inclinés à la sortie de Liège et le parcours le long de cette ville ;

Que ce nouveau projet est intimement lié à plusieurs autres qui se sont également produits depuis cette époque et notamment à celui de Jemeppe à Ans et à Vottem, et à celui de Liège à Utrecht par Maestricht ;

Que l'ensemble de ces différentes lignes satisferait le plus complètement possible à tous les intérêts avouables des différentes localités des deux provinces de Liège et de Limbourg ;

Que, dans cet état de choses, les motifs qui ont provoqué la délégation donnée par la Chambre, se sont profondément modifiés et qu'il y a par conséquent lieu à procéder à un examen collectif de toutes les questions qui se rattachent à la concession éventuelle des chemins de fer liégeois-limbourgeois, afin d'arriver à un ensemble satisfaisant au point de vue de la généralité des intérêts qui sont en cause.

Tel est le résumé de la pétition qui est soumise en ce moment à la Chambre.

Messieurs, votre commission n'a pu méconnaître la haute importance qui se rattache aux considérations émises dans cette requête.

Elle a constaté que depuis le 10 juin dernier, époque à laquelle la Chambre s'est occupée de la question d'un chemin de fer liégeois-limbourgeois, la situation s'est modifiée du tout au tout.

(page 1628) En effet, dans sa séance du 10 juin, sur une proposition faite incidemment par cinq de nos honorables collègues, et dans le désir de concilier tous les intérêts légitimes, une délégation de concéder un chemin de fer dans le Limbourg fut offerte au gouvernement.

M. le ministre des travaux publics, peu désireux d'accepter cette responsabilité en plus, obéit néanmoins au vœu de la Chambre, sous la réserve expresse, que tant qu'il resterait des doutes il ne se croirait pas autorisé à user de cette délégation, et à conclure une convention ; ce ne serait que dans le cas où le ministre aurait acquis une conviction complète, qu'il pourrait donner suite à l'autorisation qu'on lui accordait ; moyennant ces explications, le ministre se rallia à cet amendement.

Or, à cette époque on se trouvait en présence d'un seul projet connu : une ligne parlant de la station d'Ans vers Hasselt. Le différend tout entier se résumait dans la question de savoir si on irait par Cortessem ou par Bilsen, plus un embranchement de Glons à Maestricht ; ce dernier n'était que facultatif, comme le démontre la réponse faite à l'interpellation de l'honorable M. Moncheur dans la discussion du 10 juin dernier.

Tel était l'objet principal de la délégation donnée au ministre.

La ville de Hasselt, déjà en possession d'un chemin de fer, avec un second encore concédé et une loi qui lui accorde un canal aux frais de l'Etat, ne put s'entendre sur ce tracé avec la ville de Tongres dépourvue jusqu'à ce jour de tout chemin de fer et de canal.

En présence de cette position si exceptionnellement défavorable d'une de ces villes comparativement à l'autre, si largement dotée, il dut rester des doutes sérieux au gouvernement sur l'utilité relative de ces tracés ; aussi votre commission se plaît-elle à reconnaître que M. le ministre des travaux publics a religieusement observé le programme qu'il s'était dicté lui-même, d'accord avec la Chambre ; rien n'est fait.

Eh bien, messieurs, ce projet primitif lui-même est tellement modifié, que l'idée première est devenue secondaire ; l'auteur de ce projet demande maintenant à sortir de Liège, sans plan incliné, par Jemeppe, et remplace la ligne sur Maestricht par une ligne sur Diest par Sl-Trond et Leau. Ce projet, non seulement s'est considérablement modifié, mais aussi a-t-il élargi ses proportions.

Une seconde demande en concession est présentée ; elle aussi a pour objet d'éviter les plans inclinés ; la ligne part des Guillemins, longe la ville de Liège tout entière, de l'extrémité sud-ouest à l'extrémité nord-est, offre une station intérieure et se dirige sur Hasselt par Bilsen d'une part, et sur Diest par St-Trond et Léau d'autre part.

Une troisième demande a pour objet le départ de Liège, se confond avec le tracé précédent dans tout le prolongement de cette grande cité jusqu'à Herstal et se dirige vers Utrecht par Maestricht.

Un quatrième projet se présente comme ceinture destinée à relier entre elles les différentes voies à partir de Jemeppe jusqu'à Vottem. L'énoncé seul de ces différents projets démontre combien les proportions de cette question qui paraissait peu importante, en juin dernier, se sont élargies.

Le pays tout entier est intéressé au plus haut degré à l'évitement des plans inclinés au point de vue de la perte de temps, des frais de traction et surtout de la sécurité publique ; en un mot, c'est un des plus grands progrès qui puissent être réalisés sur le railway belge.

D'un autre côté, la ville de Liège ne peut être indifférente sur la question de savoir si les stations du chemin de fer deviendront également accessibles à toute sa population par une traversée latérale ou si elle ne verra desservir commodément que sa partie sud-ouest. Il n'est même pas de localité quelque peu importante dans les deux provinces qui ne soit intéressée à l'un ou l'autre de ces projets.

Votre commission des pétitions pense donc, messieurs, que les nombreux intérêts matériels engagés dans cete question conseillent plus que jamais au gouvernement de ne pas précipiter ses déterminations.

Elle pense que le gouvernement doit reconnaître avec votre commission que les faits nouveaux qui se sont produits ont une importance telle, que les nombreuses questions des chemins de fer liégeois-limbourgeois sans distinction sont rentrées de fait dans le domaine de la législature.

Votre commission, messieurs, ne croit pouvoir mieux faire que de répéter ce qui dans la discussion du mois de juin a été dit sur tous les bancs de la Chambre, à savoir : qu'il est désirable que M. le ministre des travaux publics veuille favoriser autant que possible la combinaison qui satisfera au plus grand nombre d'intérêts avouables, en tenant compte des positions respectives et qu'il fasse des efforts pour nous présenter, à la session prochaine, un projet aussi complet que la fusion probable de ces différentes combinaisons peut nous le promettre.

Dans ces termes votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi prorogeant le délai d'exécution de la secion ferroviaire de Tielt à Deynze

Rapport de la section centrale

M. A. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à accorder à la compagnie du chemin de fer de la Flandre occidentale un nouveau délai pour l'exécution des travaux dont elle a obtenu la concession.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Projet de loi relatif à la distillation des mélasses et autres substances saccharines

Rapport de la section centrale

M. Delehaye. - J'ai l'honneur de communiquer à la Chambre le rapport dé la section centrale sur le projet de loi portant prorogation de la loi relative à l'emploi des mélasses.

Projet de loi régularisation des crédits relatifs à la nouvelle dette à 4 1/2 p. c. et à la dette flottantee

Rapport de la section centrale

M. Matthieu. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur la régularisation de la dette publique pour 1854.

M. le président. - Ces projets seront mis à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy. - On nous a distribué hier soir le traité de navigation conclu avec l'Autriche ; je l'ai examiné et je crois qu'il ne soulèvera aucune difficulté. Je propose donc, pour accélérer les travaux de la Chambre, de nommer une commission spéciale pour l'examen de ce traité et de prier cette commission de présenter son rapport le plus tôt possible.

M. le président. - Ne pourrait-on pas renvoyer cet objet à la commission qui a examiné le traité avec la France ? II ne serait pas nécessaire ainsi de nommer une commission nouvelle.

M. Lebeau. - Il me paraît que la section centrale des affaires étrangères est tout à fait convenable pour l'examen de ce traité. C'est, je crois, par un sentiment de délicatesse que l'honorable M. Osy ne l'a pas proposé.

M. Osy. - Je me rallie à cette proposition.

- L'assemblée ordonne le renvoi du traité à l'examen de la section centrale des affaires étrangères.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Discussion des articles

Article 19

M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi ayant pour objet l'allocation de crédits supplémentaires au département de l’intérieur pour 1852 et 1853. Nous étions arrivés à l'article 19 : « Traitement arriéré d'un ancien gouverneur de province, fr. 4,701 90. »

Il y a eu discussion sur ce point, mais la Chambre ne s'est plus trouvée en nombre pour délibérer. La parole est à M. Mercier.

M. Mercier. - J'ai eu l'honneur d'exposer à la Chambre, dans une précédente séance, les motifs pour lesquels j'appuyais la proposition faite par le gouvernement de liquider ce traitement dû à un ancien gouverneur pour le dernier trimestre de l'exercice 1850. Aucune objection n'a été faite aux motifs que j'ai donnés à l'appui de cette demande. Un honorable membre a seulement fait l'observation qu'il craignait que ce ne fût un précédent qui pût entraîner l'Etat à d'autres dépenses de même nature. Je ferai remarquer à cet honorable membre et à la Chambre que déjà des crédits ont été alloués pour des dépenses de l'espèce ; que, depuis 1839, plusieurs anciens créanciers ont adressé des demandes au gouvernement ou à la commission d'Utrecht et le gouvernement a eu égard à celles de ces demandes qui lui ont paru fondées bien qu'elles n'aient en grande partie été présentées qu'après la conclusion du traité avec les Pays-Bas.

C'est ainsi notamment que nous avons été saisis, le 5 mars 1844 et le 3 juillet 1846, de projets de loi ayant pour objet la liquidation de pareilles créances.

La demande dont il s'agit aujourd'hui se trouvait dans un de ces projets ; elle a été ajournée à défaut de renseignements suffisants et depuis elle avait été laissée dans l'oubli jusqu à ce qu'enfin M. le ministre de l'intérieur actuel l'a reproduite. Je l'appuie aujourd'hui, parce que, comme je viens de le dire, loin qu'elle puisse avoir pour effet de constituer un précédent, elle n'est, au contraire, que la conséquence de précédents nombreux et anciens.

M. le président. - J'ai oublié de faire remarquer tout à l'heure que la section centrale propose le rejet de cet article.

M. Mercier. - Cela est exact, mais la section centrale n'a donné aucun motif à l'appui de son refus ; elle a dit seulement qu'il n'y avait pas eu de services rendus en 1830 parl e fonctionnaire dont il s'agit.

Or, il est avéré que ce fonctionnaire est resté dans l'exercice de ses fonctions pendant le dernier trimestre 1830 ; j'ai expliqué que, par suite de ce fait, le traitement était dû, en vertu de la loi en vigueur, pour tout le trimestre et que la réclamation ayant été présentée au gouvernement belge dans les délais voulus après la conclusion du traité de 1839, on ne pouvait la repousser par la prescription.

M. de Bronckart. - J'ai l'intention d'adresser à M. le ministre de l'intérieur une interpellation à propos d'un arrêté qui a paru au Moniteur du 2 mai dernier et qui alloue une pension à un ancien gouverneur de la province de Liège. Il me semble que le moment est favorable, cette question ayant quelques rapports avec l'objet en discussion. Je demande donc si la Chambre veut m'entendre aujourd'hui ou si elle veut fixer un autre jour pour cette interpellation.

M. le président. - Vous pourriez remettre votre interpellation à un autre jour.

M. de Bronckart. - Je suis aux ordres de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois devoir rappeler les circonstances dans lesquelles cette demande a été faite.

Le gouvernement a trouvé la demande d'indemnité dans l'arriéré administratif, et il a cru devoir proposer à la Chambre d'en finir avec une demande qui se recommande par un sentiment de justice. M. Vanderfosse était gouverneur en 1830. Il a rempli ses fonctions pendant une partie du mois d'octobre. On n'a opposé, en 1844, qu'une seule observation à la demande d indemnité ; c'est qu'elle était prescrite. Or, le gouvernement n'a pas pensé que c'était un motif suffisant pour l'écarter (page 1629) par une fin de non-recevoir. Le gouvernement est encore du même avis ; c'est à la Chambre à prononcer.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je suis obligé de répliquer quelques mots à ce que vient de dire l'honorable M. Mercier. Il a déclaré que la section centrale n'avait donné aucun motif suffisant pour repousser la demande de crédit.

M. le président vient de rappeler que la section centrale a rejeté le crédit par 4 voix contre 1. Or lorsque quatre membres d'une section centrale rejettent un crédit, ils ont nécessairement des motifs pour agir de la sorte. Les voici :

Cette créance est-elle due ou ne l'est-elle pas ? La section centrale établit qu'elle ne l'est pas d'après les lois existantes. Elle ne l'est pas, attendu que la réclamation n'a pas été présentée en temps voulu au gouvernement belge.

Est-elle due au moins au point de vue de l'équité ? D'après les développements qui accompagnent le projet de crédit supplémentaire du gouvernement présenté au mois de février 1853, page 39, l'administration déclare que ce fonctionnaire a quitté son poste le 53octobre, qu'il a été remplacé le 4 suivant ; de sorte que le gouvernement payerait le trimestre entier pour trois jours d'administration ; si le crédit est alloué, il le payerait même deux fois, car le gouvernement belge a acquitté le traitement de ce trimestre au fonctionnaire qui a remplacé celui dont il est question.

On invoque l'arrêté de 1816, que voulait cet arrêté ? Le fonctionnaire qui entrait en fonctions le 4 octobre, par exemple, n'avait droit à aucun traitement pendant le trimestre qui commençait.

Le fonctionnaire qui était remplacé avait droit au contraire au traitement entier. Cela était-il équitable ? Cela l'était si peu que le gouvernement belge n'a rien eu de plus pressé en 1831 que de modifier ce système. En effet, l'arrêté du régent en a fait l'application au mois, tandis qu'on la faisait au trimestre tout entier.

Voilà ce qui a déterminé la section centrale à rejeter ce crédit. L'honorable M. Mercier vient de déclarer qu'on avait agi d'une manière différente pour des fonctionnaires qui s'étaient adressés au gouvernement après la conclusion du traité avec la Hollande. La Chambre appréciera.

M. Coomans. - Il me semble qu'il n'est pas de la compétence de la Chambre d'allouer des traitements ou des pensions. Ce point regarde le gouvernement seul et nous ne pouvons que nous abstenir. Ce n'est pas à nous à nous prononcer sur l'application de lois administratives.

- Plusieurs membres. - Il ne s'agit pas de cela.

M. Coomans. - Je dis que la répartition des pensions ou des traitements ne regarde pas la Chambre. Le gouvernement doit appliquer la loi comme il le juge utile et juste. Quant à nous, je proposerais volontiers de reconnaître notre incompétence.

M. Mercier. - Je ferai observer à l'honorable préopinant que le gouvernement a reconnu, par le fait de la présentation du projet, que le traitement était dû. Mais il lui faut un crédit, attendu que l'exercice 1830 est clos depuis très longtemps. Il s'agit donc d'une demande de crédit pour faire droit à une réclamation que le gouvernement a reconnue juste.

On allègue que cet ancien fonctionnaire n'a été en fonction que jusqu'au 4 octobre. Il est vrai que l'arrêté qui pourvoit à son remplacement est intervenu le 4 ; mais, n'eût-il été en fonction que deux jours, la législation alors existante était telle qu'un seul jour d'exercice au commencement du trimestre suffisait pour que le traitement du trimestre entier fût acquis. Lorsqu'au contraire on entrait en fonction dans le courant du trimestre, on n'avait droit à aucun traitement jusqu'à ce que le trimestre fût expiré. M. Vanderfosse eût-il donc cessé ses fonctions le 4 octobre, comme le suppose l'honorable M. de Man, il aurait droit à son traitement. Mais il est de fait que le gouverneur nommé en remplacement de M. Vanderfosse n’est arrivé à Anvers qu’à la fin du mois.

J'invoque les précédents, et je ne pense pas qu'il faille faire une exception relativement aux fonctionnaires dont il s'agit.

- La discussion est close.

Le crédit de 4,761 fr. 90 c. est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Articles 20, 21 et 24

« N°20. Matériel de l'administration centrale. Six mille six cent treize francs quarante-neuf centimes pour payer les dépenses restant dues des exercices 1851 et 1852 : fr. 6,613 49.

« Cette somme est ajoutée à l'article 5, chapitre premier, du budget de 1854. »

- Adopté.


« N°21. Frais de route et de séjour du personnel de l'administration centrale. Deux cent vingt huit francs, pour payer les frais de voyage restant dus pour 1851 : fr. 228.

« Cette somme est ajoutée à l'article 4, chapitre premier, du budget de 1854. »

- Adopté.


« N°24 Fêtes nationales. Cinq mille deux cent quarante-neuf francs vingt-cinq centimes, pour payer des dépenses relatives aux fêtes nationales, restant dues pour 1851 et 1852 : fr. 5,249 25.

« Cette somme est ajoutée à l’article 45, chapitre VIII, du budget de 1854. »

- Adopté.

Article 28

« N°28. Encouragement à l'agriculture. Cinq mille trente-cinq francs onze centimes, pour payer des dépenses faites en 1852 : fr. 5,035 11.

« Cette somme est ajoutée à l'article 52, chapitre XI, du budget de 1854. »

M. Coomans. - Je demanderai itéralivement des nouvelles du rapport de la section centrale concernant les écoles d'agriculture.

Il y a plus d'un an que la solution de ce problème nous a été promise. Chacun sait que la plupart des écoles qui existent aujourd'hui doivent être supprimées ; cette opinion, généralement répandue, est déjà pour elles une cause d’insuccès. (Interruption.)

Je dis que chacun le sait, parce que c'est là une opinion accréditée dans la Chambre et dans le pays ; dans tous les cas, c'est la thèse que je soutiendrai dans cette enceinte. D'ailleurs, les écoles elles-mêmes s'attendent à être supprimées. Je dis que c'est une cause d'insuccès pour ces écoles. Quand de semblables questions sont soulevées, elles doivent être vidées sans retard. Il y va non seulement de l'intérêt d'un bon enseignement de l'agriculture, il y va aussi de l'intérêt du trésor. Dans l'état de pénurie où se trouvent nos finances, nous ne devons pas dépenser un sou de plus que la nécessité ne l'exige. Le bon emploi des deniers publics légitime seul l'impôt.

Je demande qu'on en finisse cette année et que le rapport soit déposé sans retard pour que nous puissions nous éclairer sur cette question dans le cours des vacances.

(page 1635) M. Devaux. - Je ne demande pas mieux que de discuter la loi sur les écoles agricoles, car moi aussi, d'après tout ce qui avait été dit dans cette enceinte, j'avais des préventions contre ces écoles. Mais quand en section j'ai eu occasion d'examiner avec plus de soins ce qu'elles étaient, j'ai pu constater que beaucoup d'erreurs avaient été répandues à ce sujet et qu'elles gagnaient beaucoup à être vues de près. J'ai vu de plus que l’enseignement actuel était un enseignement économique. Quand on voudra sortir de là, on aura un enseignement qui coûtera beaucoup plus cher.

Ou peut avoir cette opinion que l'enseignement agricole est inutile, que l'agriculture doit consister dans la routine, mais du moment qu'on en veut un, il ne peut guère coûter moins qu'aujourd'hui, et si une loi entre dans les détails de son organisation, je ne crains pas de me tromper, en disant qu'il coûtera davantage.

Je ne demande donc pas mieux que de voir arriver la discussion du projet de loi ; j'engage cependant les honorables membres de l'autre côté de la Chambre, auxquels je réponds, à montrer une impatience moins vive.

Dans des cas analogues nous avons dû être, nous qui siégeons de ce côté, beaucoup plus patients. Je les engage à suivre notre exemple. Je leur rappellerais qu'une loi plus importante que celle des écoles agricoles, la loi qui réglait tout l'enseignement primaire et tout l'enseignement moyen, a été retenue dans les cartons de la Chambre par eux et leurs amis, sans rapport aucun, pendant neuf ans pour l'enseignement primaire et pendant quinze ans pour l’enseignement moyen ; je m'en suis à cette époque plaint bien souvent avec d'autres, j'ai dit à ceux qui agissaient ainsi qu'ils en recueilleraient des fruits amers. Cela s'est vérifié, mais le rapport n'est pas venu. Aujourd'hui il ne s'agit pas d'un retard de plusieurs années, mais de quelques semaines dont le rapporteur a eu besoin pour recueillir des pièces.

Voici déjà mainte fois que j'entends dire que le gouvernement a agi avec une coupable irrégularité en établissant des écoles agricoles pour lesquelles les Chambres ont voté chaque année des fonds. Je dis, moi, que le gouvernement a suivi la marche ordinaire, celle qui a toujours été suivie dans des cas analogues.

L'honorable M. Osy se récrie. Eh bien, je lui demanderai tout d'abord si ce n'est pas en vertu du budget seul que le gouvernement intervient à Anvers dans l'Académie de dessin et de peinture par un subside bien plus élevé que celui d'aucune école d'agriculture. Y a-t-il une loi spéciale autre que le budget pour l'école de navigation du gouvernement à Anvers ? Où est la loi spéciale qui organise l'institut commercial établit dans la même ville ? M. Osy ne dénonce pas ces établissements comme irréguliers.

Mais ce n'est pas à Anvers seulement que les choses se passent ainsi, partout et en tout temps, depuis 1830, les établissements nouveaux, fondés ou subventionnés par le gouvernement, ont débuté par le régime auquel sont soumises les écoles d'agriculture. Ce n'est que plus tard que la loi est venue régulariser cet état de choses, et il serait bien difficile d'agir autrement Avant d'avoir recours à l'organisation stable d'une loi, il faut d'abord reconnaître dans la pratique quels sont les besoins réels. Ainsi, messieurs, sans parler des écoles primaires et des établissements d’instruction moyenne subsidiés depuis 1830 jusqu'en 1849 et qui l'ont toutes été en verlt du budget, je rappellerai que les écoles industrielles, au nombre de plus de vingt, si je ne me trompe, ont été introduites sans loi autre que le budget par M. Nothomb. C'est la loi présentée par M. Rogier, en 1849, qui les a fait passer sous un autre régime. C'est en vertu du budget qu'ont été fondées l’école militaire et l’école vétérinaire, dont la loi est venue plus tard régler l'organisation permanente. Il en a encore été de même de l'école de gravure. Enfin si ma mémoire n'est pas en défaut, c'est encore par arrêté que sous le ministère de M. de Theux ont été créées, près des universités de l'Etat, les écoles des mines et du génie civil, dont la loi de l'enseignement supérieur n'a sanctionné l'existence que plus tard.

Laissons donc là, messieurs, toutes ces exagérations, toutes ces réclamations passionnées contre la prétendue irrégularité des écoles d'agricultures ! Ce qu'on a fait pour les écoles d'agriculture, on l'a fait autrefois pour toutes les autres et avec raison. Si, du premier coup, pour tous ces établissements, on avait voulu une organisation définitive et permanente, on aurait probablement fait quelque chose de très défeclueux et dépensé plus d'argent qu'il ne fallait. En interrogeant d'abord la pratique on a pu faire des essais, se réserver de corriger ce qui était défectueux et marcher avec plus de prudence et plus d'économie.

Nous aborderons la question d'économie quand le rapport sera fait.

Mais si on fait de grands changements à ce qui existe aujourd hui, si on veut établir par la loi une organisation nouvelle, vous verrez qu'il arrivera ce qui est arrivé chaque fois que la loi est venue organiser des établissements d'instruction ; la dépense s'étendra ; ce n'est qu'à ce prix que l'enseignement agricole passera sous le régime d'une loi spéciale d'organisation, régime qui, je le reconnais, a ses avantages de stabilité et de régularité pourvu qu'il ne soit introduit que lorsqu'il en est temps.

(page 1629) M. Tesch. - Lorsque nous discuterons la question de savoir s'il faut, oui ou non, supprimer les écoles d'agriculture, l’honorable M. Coomans soutiendra son opinion ; il trouvera probablement des adversaires, et la Chambre prononcera.

Quant au rapport sur la loi présentée, voici ce qui en a retardé la présentation, et en a rendu la présentation impossible pendant cette session. Dès que j'ai été nommé rapporteur, j'ai demandé plusieurs pièces qui n'avaient pas été fournies à la section centrale, notamment plusieurs contrats intervenus entre le gouvernement et les propriétaires ou directeurs des différents établissements où les écoles actuelles sont établies. La Chambre comprendra qu'il est indispensable qu'elle ait une connaissance exacte de l'état de choses actuel et des engagements pris, car il s'agit de modifier, de changer et de supprimer ; or avant de modifier, de changer, de supprimer, il faut que la Chambre sache d'une manière précise quelles sont les conventions existantes des engagements pris antérieurement, elle doit connaître leur nature et leur durée, leur importance.

J'ai donc demandé toutes ces pièces, et la dernière ne m'a été remise que plusieurs jours après notre rentrée. Il n'y a que cinq ou six jours que j'ai reçu la dernière pièce. Maintenant, je donnerai une explication qui prouvera que ce retard ne peut guère être imputé à personne. J'ai entre autres demandé le contrat relatif à l’école de la Trapperie. L'on m'a adressé un contrat du 7 juin 1852, je pense ; mais, quand je l'ai reçu, j'ai vu qu'il ne faisait que modifier un contrat du mois de février précédent ; cette dernière pièce, je l'ai de nouveau demandée ; elle m'a été envoyée quelques jours après, mais elle se rapportait encore à un autre contrat que j'ai dû réclamer.

C'est ainsi que je n'ai eu les pièces que successivement. Vous voyez, messieurs, qu'il n y a aucun retard à m'imputer. Quanl à M. le ministre, on conçoit très bien qu'il ne peut pas s'occuper de rechercher les pièces qui sont demandées à son département.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - A deux reprises, l’honorable rapporteur m'a demandé des pièces relatives aux écoles d'agriculture ; j'ai aussitôt donné des instructions pour que les pièces lui fussent envoyées ; mais il paraît que dans l'une de ces pièces on faisait allusion à un autre document qui ne faisait pas partie du premier envoi ; cette pièce ne se trouvant pas au département., je l'ai fait réclamer au siège de l’école, où elle était, et je l’ai transmise à l’honorable rapporteur.

M. de Mérode. - Dans beaucoup de circonstances, les actes de l'administration qu'on réclame pour la Chambre se livrent avec un tel enchevêtrement et une telle lenteur que quand on a besoin d'une pièce on trouve que cette pièce en suppose une autre qui se réfère encore à un troisième, et qu'on envoie sans y joindre celle qui est nécessaire en dernière ligne, de sorte qu'on n'arrive à des renseignements positif, suffisants, que trop tard ; et c'est ainsi qu'on continue à nous faire dépenser des sommes inutilement appliquées pour une multitude d'écoles agricoles, dont les agriculteurs véritables ne se soucient nullement, et dont la moitié, sinon les trois quarts sont parfaitement superflues. Ceux qui se livrent de longue main à l'agriculture se servent très peu des individus formés dans les écoles agricoles.

Aussi, des membres de cette Chambre qui ne siègent pas sur les mêmes bancs que moi, ont déclaré dans la section dont je faisais partie que la plupart des élèves de ces écoles n’étaient pratiquement bons à rien. Je sais qu il en est de même des agriculteurs qui sont sortis des écoles de France ; ceux qui ont voulu les employer n'ont trouvé en eux presque aucune connaissance dont ils pussent tirer un parti profitable.

Il est donc très à propos qu'on ne continue pas à payer des frais d'une utilité si peu réelle, et qu'on obtienne une décision sur la question pendante.

Si l'on veut la faire traîner en longueur, ce n’est pas difficile ; on (page 1630) demande certaines pièces on n'en envoie qu'une ; on laisse de côté celle qui la complète, et de délai en délai on arrive sans résultat à la fin d'une session.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande la parole.

M. de Mérode. - Je ne dis pas cela pour M. le ministre de l'intérieur ; mais il peut se trouver dans les bureaux des compères qui trouveraient de la sorte le moyen d'enrayer longtemps les solutions finales.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce sont là des insinuations gratuites ; il n'y a eu aucun mauvais vouloir de la part de qui que ce soit au département de l'intérieur ; quand on a demandé des pièces, elles ont été envoyées sur-le-champ ; l'honorable M. Tesch était absent, à son retour il a fait connaître qu'il lui manquait encore un autre document dont j'ignorais l'existence ; aussitôt que la pièce a été demandée, je l'ai fait venir du siège de l'école où elle se trouvait.

Je puis moins encore accepter la critique que l'honorable membre vient de faire de l'enseignement agricole.

Je ne lui répondrai que par un fait : c'est que de plusieurs côtés des demandes me sont faites pour obtenir des personnes sortant des écoles d'agriculture dans le but de les mettre à la tête d'établissements particuliers ; je suis saisi de propositions de cette nature auxquelles je ne puis pas satisfaire, ce qui prouve que l'enseignement de nos écoles d'agriculture n'est pas aussi mauvais qu'on le suppose et qu'on peut attendre la discussion du projet de loi pour prendre une résolution définitive.

Personne n'est coupable du retard qu'a éprouvé le rapport. Il n'est entré dans la pensée de personne que la session actuelle suffirait pour discuter un projet de loi de cette importance ; dans plusieurs sections on a émis l'opinion que les essais faits jusqu'à ce jour n'étaient pas suffisants ; je ne m'en prévaux pas pour continuer l'état de choses actuel ; il y a des faits qui le prouvent ; c'est que le gouvernement a présenté une loi dont je ne demande pas mieux que de voir commencer la discussion.

M. Osy. - Je n'ai pas demandé qu'on discutât le projet dans cette session, mais que le rapport fût déposé, de manière à pouvoir nous être distribué à domicile dans l'intervalle des deux sessions pour que nous puissions prendre une résolution et porter en conséquence le crédit que nous jugerions convenable au budget de 1855 qui n'est pas encore voté.

Je prends la parole pour combattre un crédit qu'on demande encore pour l'enseignement agricole. En section comme en section centrale, j'en ai accordé une partie, je n'en voterai pas davantage. C'est irrégulièrement, sans consulter les Chambres qu'on a institué les écoles d'agriculture.

Mais, messieurs, ce qui est bien plus fort, c'est que d'après le budget que nous avons voté, les écoles agricoles ne devaient coûter que 94,500 francs. Eh bien, au lieu de se renfermer dans les limites de ce crédit, on a dépensé une somme de 132,000 fr., et plusieurs litteras, pour lesquels on nous demande maintenant des crédits supplémentaires, ont été laissés en souffrance.

Cette manière de procéder est évidemment irrégulière : quand un ministre a un crédit spécial pour un objet déterminé, il ne doit pas lui être permis de le dépasser et de l'affecter à des objets qui y sont étrangers. J'ai d'autant plus de raison, d'ailleurs, de refuser mon vote à cet article, que l'honorable M. Tesch, rapporteur de la section centrale, vient de dire qu'il ne s'agit pas seulement de la somme pour laquelle un crédit est demandé ; il y a encore des contrats dont les effets dureront plusieurs années.

Si je suis bien informé, on a loué dans le Luxembourg une ferme pour une somme considérable et pour une durée d'une dizaine d'années. Eh bien, si vous jugiez convenable de supprimer cette école, vous seriez encore engagés pour un grand nombre d'années et pour une somme considérable.

Je refuse donc mon vote au crédit qui nous est demandé, et je me réserve, quand nous examinerons le projet de loi qu'on nous a présenté sur les écoles agricoles, de dire mon opinion sur ce contrat qui a été fait en dehors de la Chambre et par lequel, par conséquent, la Chambre ni le pays ne peuvent être engagés. M. le ministre peut prendre des engagements, mais la Chambre n'est nullement liée par des contrats faits sans son consentement.

M. Rogier. - On ne se lasse pas de revenir sur la question des écoles d'agriculture.

Je ne puis me dispenser de répéter que ces écoles ont été instituées en vertu de la loi du budget, après proposition du gouvernement, après discussion à la Chambre. Aujourd'hui, on en vient jusqu'à dire que le gouvernement n'avait pas le droit de faire des contrats particuliers ; or, quand le crédit a été proposé, il a été entendu qu'il était destiné à être réparti entre les particuliers qui fonderaient des écoles ; et le gouvernement, pour garantir les intérêts du trésor, a eu soin de lier les particuliers par des conventions. Voilà ce que l'honorable M. Osy critique comme un acte irrégulier, que le gouvernement n'avait pas le droit de poser. Je laisse à la Chambre le soin d'apprécier la justice d'une pareille accusation.

L'honorable M. Coomans a dit qu'il était décidé que la plupart des écoles seraient supprimées. Je ne sais pas où il a trouvé cette décision ; c'est probablement dans son grand désir de les voir supprimer, mais jusqu’à présent je ne connais aucune décision de la Chambre. Il y a un projet de loi déposé par le gouvernement, et l'honorable M. Coomans a dit qu'il était urgent, dans l'intérêt du trésor et dans l'intérêt de l'enseignement même, que cette loi fût votée. Eh bien, dans l'intérêt du trésor, je ferais remarquer à l'honorable M. Coomans et à ses amis que, si ce projet était adopté tel qu'il a été présenté, il occasionnerait, à mon avis et de l'avis de ceux qui l'ont examiné de près, une dépense beaucoup plus forte que celle qui est affectée aux écoles agricoles.

M. Coomans. - Aussi, je n'en veux pas.

M. Rogier. - Vous avez dit, cependant, qu'il était urgent de l'adopter, dans l'intérêt du trésor.

M. Coomans. - De le discuter.

M. Rogier. - Voilà ce que j'avais à dire à ceux qui parlent prétendument dans l'intérêt du trésor. Quant à la suppression de la plupart des écoles, je ferai remarquer qu'après un examen très approfondï en section centrale, il a été reconnu en quelque sorte que le régime actuel est préférable à celui qu'il s'agissait d'y substituer ; et la section centrale a conclu à l'ajournement de la discussion du projet, en même temps qu'à la continuation provisoire du système qui est actuellement pratiqué.

Voilà quelles ont été les conclusions de la section centrale, et je supplie les adversaires de l'enseignement agricole de ne pas délivrer à chaque instant, du haut de cette tribune, des brevets d'incapacité, d'ignorance aux jeunes gens instruits dans les écoles agricoles ainsi qu'aux professeurs ; ce n'est certes pas le moyen de les recommander.

Mais, messieurs, si nous faisions la même chose à l'égard des établissements d'instruction libre, que ne serait-on pas en droit de nous répondre ? ne serait-ce pas faire preuve d'une hostilité injuste et tout à fait déplacée ?

Ici, il s'agit d'établissements entretenus aux frais du trésor, qui ont été organisés avec l'autorisation des Chambres et à chaque instant, sans aucune espèce de fondement, j'entends formuler des accusations contre ces institutions sans que la plupart de leurs adversaires y aient jamais mis les pieds, sans qu'ils puissent se rendre un compte exact de ce qui s'y fait.

L'enseignement agricole n'est pas légalement établi comme les autres branches d'enseignement public en Belgique, vous dit l'honorable M. Osy. Je dis, moi, que cet enseignement est aussi légalement établi que plusieurs autres sur lesquels on a grand soin de se taire. Ainsi, pour l'enseignement artistique, en Belgique, le gouvernement dépense des sommes considérables ; eh bien, il n'y a pas d'autre loi que celle du budget qui le règle. Il en est de même de l'enseignement industriel ; celui-ci n'est réglé également que par la loi du budget. Sur ces dépenses-là on se tait ; on les trouve probablement légales ; mais pour l'enseignement agricole, il n'en est pas ainsi ; celui-là est complètement illégal, mauvais ; il faut le détruire à tout prix. C'est là, messieurs, de l'exagération, c'est de la malveillance, ce n'est pas de la justice.

M. de Man d'Attenrode. - Le gouvernement a déposé un projet de loi de réforme de l’enseignement agricole le 11 novembre 1853. Pourquoi le gouvernement l'a-t-il présenté ? Il l'a fait à la suite des discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte et dans lesquelles il paraissait avoir été convenu qu'il était nécessaire de réduire le nombre des écoles agricoles. La Chambre avait demandé aussi que l'enseignement agricole fût réglé par une loi ; la Constitution le veut ainsi.

L'administration, satisfaisant donc aux engagements qu'elle avait prises dans cette discussion, a présenté le 11 novembre 1853 un projet de réforme de l'enseignement agricole, et il est tellement vrai que la présentation de ce projet est la conséquence des débats qui ont eu lieu dans cette enceinte, que le gouvernement, par les dispositions qu'il y a formulées, a satisfait plus ou moins au vœu de la majorité de la Chambre, puisqu'il a réduit considérablement le nombre des écoles agricoles. Ce projet a été examiné par les sections et la plupart d'entre elles ont été favorables à cette réduction. La section centrale a été nommée depuis quatre mois, qu'a-t-elle fait jusqu'à présent ? Son rapport n'est pas encore présenté. Ce travail est-il donc si considérable ? Mais la section centrale conclut au maintien de ce qui existe, on vient de le déclarer, il ne faut donc pas un si long travail pour arrivera une telle conclusion. Il importe donc que la Chambre soit saisie le plus tôt possible de ce projet afin qu'elle soit à même de se prononcer ; c'est à la Chambre et non à la section centrale à résoudre la question de savoir s'il y a lieu à ajournement, il ne peut pas appartenir à une fraction de la Chambre de séquestrer en quelque sorte un projet et d'en retarder ainsi indéfiniment la discussion.

L'honorable M. Rogier pense, contrairement à l'opinion de l'honorable M. Osy que l'enseignement agricole est très régulièrement organisé ; quant à moi, je partage la manière de voir de l'honorable M. Osy ; je prétends que cet enseignement n'est pas conslitulionnellement organisé.

M. Devaux. - Je demande la parole.

M. de Man d'Attenrode. - La Constitution veut que l'enseignement soit organisé par une loi. L'on prétend que l'enseignement agricole est régulièrement réglé par la loi du budget. Or qu'est-ce que la loi du budget ? C'est une loi de finances, rien de plus. Cela est si vrai que lorsque les crédits ont été demandés pour ce service, il ne s'agissait plus de discuter l'organisation. Cette organisation était entièrement réglée. Il est temps que cette organisation subisse l'épreuve de nos discussions, qu'elle soit réglée par une loi.

Cet enseignement coûte beaucoup aux contribuables et rend très peu de services à l'agriculture ; c'est un enseignement où la théorie (page 1631) l’emporte trop sur la pratique, et dont l'agriculture sériense ne se donne guère. L'honorable M. Tesch lui-même est de cet avis. Je l'ai entendu déclarer qu'on poussait l'enseignement théorique trop loin et qu'on négligeait complètement la pratique. En attendant, avec toutes ces tergiversations, nous dépensons tous les ans 132,000 fr. pour un enseignement dont je crois que la majorité de cette Chambre ne veut pas, du moins, tel qu'il est organisé.

M. Rogier. - Ce n'est pas 132,000 fr., c'est 22,000 fr.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Le gouvernement porte au budget dans un paragraphe 94,000 fr. pour les écoles d'agriculture, mais comme ce poste fait partie d'un crédit considérable, le gouvernement dépasse le chiffre porté au littera ; il en a le droit, sans doute, mais toujours est-il qu'au lieu des 94,000 fr. qu'on fait figurer aux développements du budget on en dépense 132,000 fr. et tout cela pour un enseignement incapable de répandre dans le pays les procédés qui doivent augmenter les produits, pour soutenir des écoles dont le nombre est trop considérable. En effet, je suppose qu'en France cet enseignement ait été développé comme il l'est en Belgique, il y aurait plus d'une école par département, ce qui porterait le nombre des écoles d'agriculture à plus de cent dans ce pays. Cela serait absurde.

Jamais on n'a cru possible d'étendre d'une manière aussi considérable l'enseignement agricole en France. Le nombre d'hommes capables pour les diriger eût été insuffisant. Eh bien, il en est de même en Belgique. En France, l'on a voulu étendre le nombre des établissements en profitant des lumières acquises par les élèves de l'école de Grignon, et bientôt l'on a été obligé d'en restreindre le nombre.

M. Tesch. - Vous ne savez pas le premier mot de ce qui existe en France.

M. de Man d'Attenrode. - S’il est vrai que je ne sais pas le premier mot de ce qui se passe en France, je désire que vous m'en instruisiez aussi promptement que possible par la présentation de votre rapport et que vous nous permettiez de prendre un parti quelconque. J'insiste donc pour que la section centrale termine son travail de manière à ce que nous puissions le discuter à la rentrée des Chambres au commencement de la session prochaine.

M. Coomans. - Puisque l'honorable M. Rogier a parlé de malveillance, je lui déclarerai qu'il y a malveillance à faire dire à quelqu'un ce qu'il n'a ni dit ni songé à dire. Il me fait dire que je veux qu'on vote immédiatement le projet tel qu'il a été déposé par le gouvernement, que je suis partisan de ce projet, et il conclut que je manque de logique, parce que, voulant des économies, j'approuve un projet qui étendrait encore l'enseignement agricole actuel ; or, messieurs, vous savez tous que je n'ai pas dit un mot de cela ; j'ai dit que je voulais une solution du problème, mais non que je voulais voter le projel de loi.

J'ai si peu songé à le dire, que je combattrai les principales dispositions de ce projet. Voilà le langage que j'ai tenu, j'en appelle à la Chambre entière.

L'honorable membre a parlé encore des adversaires de l'enseignement agricole ; mais je n'ai pas dit un mot d'où il pût induire que je suis l'adversaire de cet enseignement : je reconnais au contraire que l'enseignement agricole est une bonne chose, quand il est bon, quand il est bien organisé ; j'ai déclaré dix fois que cet enseignement devait être donné en Belgique, mais non dans une douzaine d'écoles ; dans ma pensée deux ou trois écoles suffisaient.

M. Rogier. - J'ai répondu à d'autres qu'à vous.

M. Coomans. - C'est bien à moi que vous répondiez, car vous avez dit que voulant des économies, je n'atteindrais pas mon but en votant le projet du gouvernement, projet dont je ne veux pas. Il y a plus de deux ans qu'on nous avait promis un projet de loi ; ce projet toujours ajourné, est venu enfin, il y a 6 mois.

On nous a dit que la question serait résolue en 1853, en 1853 on a solennellement promis que ce serait pour cette année ; mais de la manière dont on a marché il est quasi impossible que la solution vienne cette année ; nous n'avons pas même le rapport, et il n'est pas probable que cet objet soit le premier dont nous aurons à nous occuper au mois de novembre. Il est donc vraisemblable, je le regrette beaucoup, que cet état de choses durera encore pendant l'année 1855 ; nous dépenserons beaucoup d'argent sans résultat utile ; les plus mauvaises dépenses, quelque faibles qu'elles soient, sont celles qui ne donnent pas de fruit.

L'honorable M. Rogier prétend que l'enseignement agricole est régulièrement organisé en Belgique, parce que les fonds qui sont nécessaires pour cet objet ont été votés au budget. L'honorable membre confond deux choses : le payement et le règlement.

La Constitution dit que tout enseignement donné aux frais de l'Etat doit être réglé par une loi. C'est ce règlement que nous demandons en vain, donc l'enseignement donné aujourd'hui est irrégulier.

L'honorable rapporteur, qu'il me permette de le dire, explique par de très petits moyens le retard mis au dépôt du rapport de la section centrale. Si l'honorable membre, jugeait absolument nécessaire la réunion de pièces qu'il n'avait pas jugés indispensables au commencement...

M. Tesch. - C'est une erreur !

M. Coomans. - Je constate d'après les explications données par M. le ministre de l'intérieur que les dernières pièces réclamées par le rapporteur ne figuraient pas dans ses premières demandes.

M. Tesch. - Ce n'est pas exact.

M. Coomans. - Ce n'est pas à moi que s'adresse le démenti ; je vous oppose les paroles du ministre.

Mon argument, d'ailleurs, ne porte pas là-dessus. On pouvait ajourner la publication de ces pièces, la renvoyer à un rapport supplémentaire et nous saisir des conclusions de la section centrale. C'est ce que nous voulions. Il n'y a rien eu de malveillant dans ma première demande ; j'ai voulu ce que nous avions le droit de demander, qu'on nous mît à même de donner une solution à une question grave, qui n'est que trop longtemps restée enfouie dans les cantons du ministère de l'intérieur.

M. Tesch. - Messieurs, comme c'est en quelque sorte contre moi personnellement qu'ont été dirigées les attaques de l'honorable M. Coomans et de l'honorable M. de Man, la Chambre me permettra de démontrer de la manière la plus claire qu'il n'y a pas eu de ma part la moindre négligence, ni, comme l'a insinué l'honorable M. de Mérode, le moindre compérage ; mais qu'il y a plutôt de sa part du commérage.

Le lendemain du jour où j'ai été nommé rapporteur, voici la note des pièces que je demandai à M. le ministre de l'intérieur.

« 1° La convention avec M. Faignart, propriétaire du domaine où est établie l'école de Rollé ;

« 2° La convention intervenue entre l'Etat et M. Lardy, directeur ;

« 3° La convention avec M. Raingo, directeur de l'école de la Trapperie ;

« 4° S'il y a des exploitations annexées aux écoles normales de Nivelles et de Lierre ; sans l'affirmative, quelle est leur étendue et quelles sont les conditions de location ? »

Vous voyez que tous ces renseignements avaient pour objet d'établir exactement la situation de l'Etat vis-à-vis de tous les directeurs des écoles et des propriétaires des établissements ; car il est impossible que la Chambre prenne une décision en connaissance de cause, qu'elle établisse, par exemple, deux ou trois nouvelles écoles, sans savoir comment l'Etat se trouve engagé en ce qui concerne les écoles existantes. C'était donc là un élément indispensable du rapport, et il faut vouloir chercher noise comme l'a fait l'honorable M. Coomans, pour venir le contester.

Il est évident que si j'avais voulu me borner à dire à la Chambre : La section centrale conclut à l'ajournement ou conclut au rejet d'une école supérieure proposée par le gouvernement, il ne m'eût fallu que quelques minutes pour faire mon rapport. Mais je voulais éclairer la Chambre, d'abord sur les engagements pris et je me proposais de faire connaître à la Chambre ce qui s'était fait en matière d'enseignement agricole, dans d'autres pays et notamment en France. L'honorable M. de Man, qui vous a parlé de ce dernier pays, ne semble pas se douter que l'on a organisé dans ce pays un enseignement agricole sur une très vaste échelle. D'après le décret de 1848, ce n'est pas 100 écoles agricoles qui seraient établies, mais plus de 300, outre les écoles de département, et l'institut agricole supérieur qui devait être établi à Versailles.

Voilà comment l’enseignement agricole a été organisé en France par décret. Je sais qu'il n'a pas été organisé complètement en fait, mais le décret existe ; et je puis dire que dès ce moment il y a en France un très grand nombre d'écoles agricoles, au sujet desquelles on publie tous les ans un rapport.

Les pièces demandées ne me sont arrivées que successivement. Le 8 avril, le jour même où nous entrions en vacances, je reçus la convention de 1850, relativement à l'annexion d'une exploitation à l'école de la Trapperie, et dès la rentrée de la Chambre, j'écrivis à M. le ministre de l'intérieur la lettre suivante :

« Jusqu'à présent je n'ai pas reçu l'arrêté royal ou la convention qui a institué l'école d'Attert, aujourd hui l'école de la Trapperie. Cette pièce est indispensable pour apprécier la nature et l'étendue des engagements contractés vis-à-vis du sieur Raingo en ce qui concerne la direction de l'école proprement dite. Les conventions des 9 mars 1850, 7 février 1852 et 7 juin 1852, qui m'ont été remises successivement, ne concernent que l'annexion d'une exploitation rurale à l'école d'Attert d'abord et ensuite à celle de la Trapperie.

« Veuillez bien, M. le ministre, me faire parvenir cette pièce le plus, tôt possible et agréer, etc. »

Celte lettre est du 26 avril. Deux jours après, M. le ministre de l'intérieur m'a transmis la pièce demandée.

Ainsi je suis nanti de toutes les pièces à peine depuis sept ou huit jours. Voilà qui constate de la manière la plus irréfragable qu'il n'y a pas eu de ma part la moindre négligence ; que si le rapport a subi des retards, c'est qu'il fallait éclairer complètement la Chambre sur la nature et l’étendue des engagements que l'Etat avait vis-à-vis des directeurs et des propriétaires des établissements actuellement existants. Jamais il n'est entré dans l'intention de personne de vouloir séquestrer le projet, de vouloir en retarder la discussion, et il appartient bien moins à l'honorable M. de Man qu'à tout autre de se servir de pareilles expressions. Il me semble que l'honorable M. de Man, qui a eu un rapport pendant des années sur des crédits supplémentaires et qui a traîné son travail d'année en année pour arriver, à la veille des élections, à une discussion devant la Chambre, devrait, moins que tout autre, accuser ses collègues.

M. de Man d'Attenrode. - Je désire ne répondre qu'à la dernière allégation de l'honorable préopinant. Il vient de déclarer qu'il ne m'appartenait pas de me plaindre des retards mis à la présentation du rapport dont il est chargé, attendu que j'aurais, avec préméditation, retardé la présentation des rapports sur les crédits supplémentaires que (page 1632) nous discutons, afin que cette discussion ait lieu à la veille des élections.

Je me vois obligé de protester contre cette allégation. Il n'y a eu aucune préméditation de rna part. D'ailleurs, notre honorable président n'eût pas toléré une manoeuvre aussi condamnable. J'ai mis toute la promptitude possible dans la rédaction du travail qui m'a été confié.

Le projet de loi a été présenté en février 1853. Les renseignements de l’administration ne sont parvenus à la section centrale qu'au mois de mai. Le premier rapport a été présenté à la fin de mai. Il a été discuté au commencement de juin. Une partie du travail de la section centrale a été ajournée à la session suivante, parce qu'il semblait peu convenable de discuter un projet de cette importance à la veille du jour où les membres de cette Chambre allaient se séparer. Au commencement de la session présente, le travail a été repris par la section centrale.

Mais la rédaction du rapport sur le budget de l'intérieur m'a obligé d'ajourner la rédaction du rapport sur les crédits supplémentaires.

Il y a plus de six semaines que le rapport que vous discutez a été présenté ; il a été présenté le 31 mars. Rien ne s'opposait à ce qu'il fut discuté plus tôt. Pourquoi l'honorable M. Tesch n'en a-t-il pas fait la proposition ?

Je pense d'ailleurs que ni l'administration ni l'ancien ministre responsable de ces actes de dépenses, ne doivent pas se plaindre de ce que les crédits supplémentaires soient discutés à cette époque, à la veille de notre séparation.

A cette époque de la session on vote les projets de loi, mais on ne les discute guère.

- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Articles 29, 39, 40 et 41

« N°29. Subside à la ville d'Anvers pour la construction d'un hangar destiné à l'entreposage des charbons amenés pour l'exportation. Deux mille cinq cent quatre-vingt-sept francs seize centimes, pour payer le complément du subside de 25,000 francs accordé à la ville d'Anvers, pour cette construction : fr. 2,587 16.

« Cette somme est ajoutée à l'article 60, chapitre XIII, du budget de 1854. »

- Adopté.


« N°39. Enseignement supérieur. Sept mille francs pour payer les frais de rédaction et d impression du rapport triennal sur l’enseignement supérieur : fr. 7,000.

« Cette somme forme l'article 127, chapitre XXIV, du budget de 1854. »

- Adopté.


« N°40. Enseignement primaire. Dix mille francs pour payer les frais de rédaction et d impression du rapport triennal sur l'instruction primaire : fr. 10,000.

« Cette somme forme l’article 128, chapitre XXIV, du budget de 1854. »

- Adopté.


« N° 41. Encouragements aux lettres et aux sciences. Seize mille cinq cents francs pour payer les dépenses restant dues pour encourager les lettres et les sciences en 1852 : fr. 16,500.

« Cette somme forme l'article 129, chapitre XXIV, du budget de 1854. »

- Adopté.

Article 42

« N°42. Encouragements aux beaux-arts. Cent onze mille deux cent sept francs douze centimes, pour satisfaire à des engagements contractés pour encourager les beaux-arts : fr. 111,207 12.

« Cette somme forme l'article 130, chapitre XXIV, du budget de 1854. »

M. le président. - Une somme de 25,000 fr., comprise dans cet article, a été rejetée en section centrale par 3 voix contre 3.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le crédit de 25,000 fraucs n'a pas été demandé, comme on a paru le croire, pour une fête artistique ; il a été demandé pour l'exécution d'une convention, et voici en quels temies s'exprima l'arrêté royal qui sanctionne cette convention :

« Considérant que l'arrangement dont il s'agit, en même temps qu'il a pour but d'applanir des difficultés qui sont nées pour la société, de la fête artistique et patriotique qu'elle a organisée au mois de septembre 1851, aura pour résultat de mettre à la disposition du gouvernement une collection d'oeuvres d'art dont plusieurs offrent un mérite remarquable ; et en outre d’assurer, pendant six années consécutives, des courps spéciaux de matières littéraires ou artistiques organisés ou à organiser par la société contractante ;… »

Le gouvernement est devenu propriétaire de 90 tableaux.

D'après cette convention, messieurs, une somme de 30,000 francs a été promise au Cercle artistique ; cette somme est payable en six années ; par quotité de 5,000 francs. Les œuvres d'art qui ont été acquises par le gouvernement ont une valeur que personne ne peut méconnaître et qui dépasse la somme offerte ; chacun de vous peut s'en convaincre par l'iuspeclion des tableaux.

Il en est qui ornent en ce moment les salons de l'Académie de médecine et de l'Académie des belles-lettres ; d'autres ont été mis à la disposition du Sénat et de la Chambre des représentants ; il en est un bon nombre enfin au Temple des Augustins. Tous ces objets ont une valeur bien supérieure à la somme qui a été allouée, mais je prie la Chambre de ne pas oublier le but qu'on a voulu atteindre encore par la convention et qui est d'encourager les lettres, les sciences et les arts : des conférences organisées dans ce but ont lieu régulièrement ; et de l'avis de toutes les personnes qui les suivent, elles répondent complètement aux intentions qui ont guidé le gouvernement lorsqu'il les a organisées. Je pense donc, messieurs, que le crédit est parfaitement justifié, tanl par l'utilité de ces conférences que par le mérite des objets d'art qui ont été acquis.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, permettez-moi, à l'occasion de cet article, de vous dire quelques mots de mes dispositions pour les beaux-arts.

Mes sentiments ont été tellement travestis, dénaturés hors de cette enceinte, qu'il est nécessaire que je fasse une profession de foi. Je ne veux pas que l'opinion publique prenne le change sur mes idées.

Personne ne comprend mieux que moi l'influence, que les lettres et les arts exercent sur la grandeur d'un pays et même sur sa nationalité ! Et comment en pourrait-il être autrement ? et moi aussi j'ai été artiste. Oui, avant d'entrer dans la pénible carrière de la politique, je cultivais les arts avec passion.

Je passais mes journées dans les ateliers, journées heureuses dont je ne perdrai pas le souvenir. Oui, j'ai suivi la noble carrière de la peinture et je m'en honore, et si le ciel ne m'eût donné des moyens d'existence, j'aurais pu les trouver par mon travail.

Et pourquoi me représente-t-on comme un ennemi des beaux-arts ? C'est parce que j'ai contribué à faire rejeter les augmentations de crédit, qui ont été proposées par le gouvernement. Pourquoi les ai-je combattues ? Je les ai combattues, parce que je partage l'opinion de ceux qui croient que les progrès des beaux-arts dépendent beaucoup plus du bon emploi des crédits, que de leur élévation.

Que l'on cesse de répandre cette pluie fine de subsides qui dissout inutilement le crédit, et les ressources moins suffisantes. Que l'on cesse de faire du fonds des beaux-arts un espèce de fonds de bienfaisance. Que l'on cesse enfin de céder aux plus importuns, et les ressources ne feront pas défaut.

Enfin, que l'on fasse un meilleur usage du crédit législatif, et je serai tout disposé à appuyer de ma parole les augmentations proposées par le gouvernement.

Maintenant puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour dire quelques mots à propos d'une phrase prononcée par l'honorable M. Rogicr, dans une séance précédente ; je dirai quelques mots, car l'honorable député d'Anvers a appelé toute l'attention de ceux de ses collègues, qu'il qualifie d'émérites en fait de finances, sur le compte de son administration qu'il nous a présenté dans la discussion générale.

Il s'est exprimé ainsi :

« Je ne désavoue pas ma grande propension à être libéral envers les lettres et les beaux-arts, non point prodigue, car personne plus que moi n'est ennemi de la prodigalité. Mais, messieurs, voilà qu'elle était au vrai ma position ; pour entrer en campagne je manquai d'approvisionnements. Les approvisionnements de deux années et plus, avaient été dévorés. »

Eh bien, messieurs, je suis fondé à dire que cela n'est pas tout à fait exact.

Lorsque lhonorable M. Rogier est arrivé aux affaires, il est vrai que le crédit destiné à l'exercice 1847 était en quelque sorte absorbé ; 76,022,17 fr. étaient dépensés ; mais il ne pouvait guère en être autrement car, en général, dès qu'un crédit est ouvert au commencement de l'année, une foule de demandes sont adressées au gouvernement et il est bien difficile de résister à ces sollicitations. D'ailleurs, je ne conçois pas que l'honorable M. Rogier s'en plaigne, car si j'étais ministre je serais enchanté d'être débarrassé de la responsabilité qu'entraîne la répartition de ces subsides.

Quant au crédit de 1848, l'honorable M. Rogier a déclaré que rien n'est resté à sa disposition, que tout a été dévoré d après sou expression assez pittoresque.

Eh bien, je suis obligé de le dire, cette allégation est inexacte. 53,833-72 fr. étaient engagés par le cabinet précédent sur l'exercice 1848 ; 74,868-28 fr. ont été dépensés pour les beaux-arts.

L'honorable M. Rogier a donc disposé de 21,034-56 pour ce service sur l'exercice 1848, et il en a dépensé probablement 70 à 80,000, puisqu'il a disposé des crédits des exercices futurs comme ses prédécesseurs.

Sur l'exercice 1849, 24,591-67 avaient été engagés par le cabinet précédent ; l'honorable ministre du 12 août a donc encore pu disposer d'environ 50,000 fr. sur l'exercice 1849. Il n'est donc pas exact de dire que les approvisionnements de ces deux années avaient été dévorés.

Le ministre de l'intérieur du 12 août 1847 est revenu sur les actes de ses prédéceseurs, on croit trouver la justification de ses actes, en les comparant à ceux des cabinets antérieurs, à cette manière de procéder, j'opposerais la question suivante :

Les motifs de votre avènement au pouvoir, n'ont-ils pas été de mieux faire ? Si vous avez fait comme vos prédécesseurs, vous n'avez donc pas tenu vos promesses. Nous allons voir d'ailleurs si loin de mieux faire vous avez fait aussi bien qu'eux.

Examinons le tableau qui figure à la page 18 du rapport de la section centrale.

(page 1633) De 1842 à 1847 le gouvernement a engagé l'avenir, cela n'était pas régulier. La Chambre a toujours repoussé ce système, mais enfin à cette époque la loi de comptabilité n'était pas encore en vigueur. Mais pendant cette période le gouvernement a respecté la limite des crédits, il n'a pas été obligé de réclamer des crédits supplémentaires.

Que s'est-il passé pendant la période de 1847 à 1852 ? En 1848, le crédit n'a pas été dépassé. Mais cela n'a rien d'étonnant. L'honorable M. Rogier, avant son arrivée au pouvoir, avait parlé souvent contre la fréquence des crédits supplémentaires, il était difficile que dès son arrivée aux affaires il posât des actes qui esssent été tout à fait en opposition avec ses paroles. En 1849 il n'y a pas eu de crédits supplémentaires non plus, mais vous aviez voté un crédit d'un million, et l'honorable membre a prélevé sur ce crédit 100,000 fr., qui ont été ajoutés aux allocations du budget.

Le crédit du budget s'est trouvé ainsi augmenté en 1848 et 1849 d'une somme de 100,000 francs ; en 1850, il y a eu un crédit supplémentaire de 34,641 francs 76 centimes voté en 1851. Est ensuite venue l'année 1852 pour laquelle l'on réclame un supplément de 90,085 fr. 70 centimes. Et outre cela, l'honorable M. Rogier a pris des engagements considérables pour l'avenir, dont nous ne connaissons pas encore la dernière limite. Est-ce ainsi que l'administration a procédé de 1842 à 1847 ? Non, sans aucun doute.

Encore un mot en réponse à ce qui a été dit sur les crédits extraordinaires mis à la disposition du cabinet du 12 août, au-delà de sept millions ont été mis à la disposition du département de l'intérieur pendant que l'honorable M. Rogier était ministre, il oppose à cette somme les cinq millions de crédit extraordinaire qui ont été mis à la disposition du cabinet qui l'a précédé aux affaires, et il s'écrie : Taudis que mes prédécesseurs ont eu pour vingt mois des crédits extraordinaires, s'élevanl à 5 millions, je n'ai eu que 7 millions pour soixante mois.

Eu toute justice j'aurais pu faire une dépense de 15 millions au moins. Mais cette comparaison n'est pas admissible. Pourquoi avons-nous accordé 5 millions de crédit au ministère qui a précédé le sien ?

Vous vous rappelez que dès l'adminilralion de M. Van de Weyer, une crise alimentaire, combinée d'une crise financière, affectait le pays de la manière la plus pénible. Ce crédit a été employé dans le but de parer à cette crise, et à cette époque l'opposition se plaignait de ce que le gouvernement ne dépensait pas suffisamment ; on aurait voulu le voir entreprendre de nombreux travaux publics.

L'administration de l'honorable M. Rogier a eu, il est vrai, à résister à la crise amenée par la révolution de 1848.

Mais je prétends que cette crise n'a duré que 5 ou 6 mois. Il ne s'agit donc pas de comparer 20 mois à 60 mois, mais de faire la comparaison entre les 20 mois de crise alimentaire, combinés avec une crise financière avec les six mois de crise politique de l'année 1848.

D'ailleurs les 5 millions qui ont été alloués pour la crise alimentaire l'ont été sans soulever la moindre critique ; et voici ce que le rapporteur de la commission des finances, nommée par une chambre ou l'honorable membre avait une majorité si soumise déclarait dans le rapport sur le compte rendu de l'emploi de ces crédits.

Ce rapport a été présenté le 25 juin 1851, et l'on ne peut taxer ni la majorité de la commission ni l'honorable M. Cools de partialité en faveur du cabinet de l'honorable M. de Theux.

« L'année 1845 ouvre une véritable période de calamités, qui n'a fini qu'en 1848, bien que la Belgique ait été moins rudement traitée que la plupart des contrées de l'Europe, elle a eu cependant une part à supporter dans les souffrances communes. Ces souffrances ont remonté de couche en couche avec une régularité telle qu'aucune classe de la société ne peut se vanter d'y avoir échappé. »

Le rapporteur fait ensuite le plus grand éloge des mesures prises pour atténuer autant que possible les effets de la crise jusqu'au 12 août 1847.

Mais le rapport constate que le système de dépense s'est modifié lors du changement de cabinet.

« Nous rencontrons ici pour la première fois, dit le rapporteur, un assez grand nombre de subsides, dont la distribution est restée centralisée entre les mains du gouvernement. Pour les avances remboursables, le ministère s'est mis en rapport direct, immédiat avec les intéressés, tandis que pour les dépenses dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent, il n'avait fait que prêter aide à l'action des autorités provinciales et communales. Ici c'est lui qui s'attribue par moments la direction, les rôles sont donc alors intervertis.

« Chaque fois qu'un gouvernement se décidera, en matière d'industrie ou de commerce surtout à distribuer des subsides à des particuliers, il doit s'attendre à voir sa religion souvent surprise par l'obsession ou des apparences trompeuses. »

Ainsi, vous le voyez, messieurs, une commission des finances où l'opinion de l'honorable député était en majorité considérable avait déclaré, que les crédits nécessités par la crise alimentaire de 1845 à 1847 avaient été très convenablement employés ; et elle a cependant trouvé quelque chose à redire, quant aux crédits votés depuis le 12 août.

M. Lebeau. - C'est une nouvelle discussion générale.

M. de Man d'Attenrode. - Si cette discussion ne plaît pas à l'honorable M. Lebeau, j'en resterai là. Cependant j'ai encore quelques mots à dire. M. Rogier a déclaré plusieurs fois que j'avais fait des doubles emplois dans les dépenses, en comptant deux fois la même dépense à la même administration. Or, j'ai le droit de m'expliquer à cet égard, et je crois que l'honorable M. Lebeau ne me contestera pas ce droit.

M. Lebeau. - Je n'ai rien à vous contester ; je constate seulement que vous aurez une nouvelle discussion générale.

M. de Man d'Attenrode. - Quand M. Rogier s'est jeté dans une discussion sur des fails qui remontent à dix ans, l'honorable M. Lebeau n'a pas protesté.

M. Lebeau. - Non, parce que nous étions alors dans la discussion générale.

M. de Man d'Attenrode. - Je tiens à répondre à l'allégation de l'honorable député d'Anvers. Voici ce qui est arrivé : deux tableaux ont été annexés au rapport de la section centrale sur le budget de l'intérieur ; l'un de ces tableaux donnait le détail des dépenses ; l'autre le détail des crédits votés pendant une période de dix années.

Une somme de 500,000 francs destiné à l'armement de la garde civique était portée dans le tableau des crédits. Une partie de ce crédit n'ayant pas été employée, j'ai bien dû faire figurer le crédit tout entier dans le tableau des crédits ; le crédit non employé, et qui avait cessé d'exister, a été reproduit dans une loi de crédit supplémentaire du 29 novembre 1851, de sorte que 220,000 fr. ont été portés dans le tableau des dépenses.

J'aurais pu et peut-être aurais-je dû en faire la remarque par une note dans la colonne d'observations ; mais cela a été perdu de vue. Au surplus d'où provient l'allégation de l'honorable membre ? De ce qu'il confond les crédits avec les dépenses. Or, le tableau indiquant les crédits ne dit pas que tous ces crédits ont été dépensés. Il y a donc confusion de la part de l'honorable membre.

M. Rogier. - C'est vous qui confondez tout.

M. le président. - Ne nous écartons pas de l'article.

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai rien confondu du tout. Je ne pense pas, du reste, que M. Rogier ait à se plaindre : il a réclamé une réponse ; je la lui ai donnée.

Je termine en déclarant que si la section centrale propose l'adoption des crédits, elle ne l'a fait que par égard pour la position des porteurs de créances, et parce qu'elle aime à croire que les abus ne se renouvelleront pas, le cabinet ayant été modifié.

M. Rogier. - Je ne veux pas fatiguer la Chambre en rentrant dans la discussion générale : je me borne à dire que je maintiens comme exacts les chiffres que j'ai produits ; je ne suivrai donc pas l'honorable préopinant dans sa discussion, rétrospective d'une part et anticipée d'autre part ; je ne le suivrai pas dans l'examen des crédits qui ont été votés pendant les années 1848 et suivantes. Aujourd'hui ces années sont devenues à ses yeux une période excessivement paisible ; les faits qui les ont caractérisées ne sont que bagatelles. Je me dispense de répondre à une telle opinion, et me borne à en appeler aux souvenirs des membres de cette Chambre.

Quant aux dépenses pour le maintien du travail, l'honorable préopinant anticipe sur la discussion convenue : nous nous sommes ajournés, l'honorable M. Osy et moi, au moment où le rapport sur les dépenses faites pour l'industrie des Flandres sera déposé par M. le ministre de l'intérieur ; c'est alors que nous pourrons nous expliquer ; cela n'aura peut-être pas lieu dans le cours de la session actuelle ; je le regrette ; car il m'eût été facile de faire bonne justice de toutes les accusations de ces honorables membres, comme je l'avais fait déjà dans toutes les occasions qu'ils m'ont offertes jusqu'à présent.

Quelques mots maintenant sur l'objet en discussion.

L'honorable préopinant vient de faire sa profession de foi comme ami des beaux-arts ; il nous a même dit qu'il les avait cultivés ; il a revendiqué le titre d'artiste. Eh bien, je ferai appel à son cœur d'artiste, à sa fierté d'artiste, et je lui demanderai comment, avec les sentiments qu devaient l'animer, il pourrait accueillir les conclusions de la commission dont il est rapporeur. C'est à l'artiste que je m'adresse.

Il y a eu, en 1851, une fête, organisé par qui ? par tous les artistes du pays ; pour qui ? pour tous les artistes étrangers ; de quelle manière ? Messieurs, ce n'a pas été une fête ordinaire, une fêle vulgaire : un local spécial a été construit par les artistes, ce local spécial a été embelli, orné, illustré par les travaux de 70 à 80 artistes belges et étrangers.

Voilà de quelle manière la fête a été organisée et offerte au Roi et aux nombreux artistes étrangers qui avaient pris part à l'exposition ; voilà l'initiative, la noble initiative qui a été prise par nos artistes. Mais, vous le savez, les artistes ne passent pas, en général, pour de grands calculateurs, pour de grands financiers : ils se sont trompés dans l'évaluation de la dépense qu'a occasionnée la construction du local qu'ils avaient consacré à la fête. Ils étaient donc en déficit ; mais il y avait dans ce local des valeurs considérables en œuvres artistiques ; mais 70 à 80 artistes avaient fourni un nombre considérable de tableaux ; et la commission administrative du Cercle artistique a mis un moment en délibération la question de savoir si l'on vendrait aux enchères ces œuvre dues à leurs pinceaux et qu'ils avaient offertes avec le plus grand et le plus honorable désintéressement.

On s'est adressé au ministre de l'intérieur ; on lui a représenté la situation du Cercle artistique ; et j'aime à croire qu'à ma place l'honorable M. de Man n'eût pas voulu qu'un pareil affront fût infligé à la corporation des artistes à l'occasion d'un acte qui devait, au contraire, leur mériter les éloges et la reconnaissance de tout ce qui, dans le pays, a des sentiments artistiques.

(page 1634) Le gouvernement est donc venu en aide au Cercle artistique ; et comment l'a-t-il fait ? Est-ce en engageant purement et simplement le trésor sans compensation aucune ? Eh ! non, messieurs, le gouvernement est entré en possession de 90 tableaux que l'honorable M. de Man a singulièrement mesuré dans son rapport de l'année dernière.

M. de Man d'Attenrode. - Je demande la parole. (Interruption).

M. Rogier. - Le gouvernement a obtenu 90 tableaux dus au talent et au désintéressement de nos artistes ; douze de ces tableaux étaient des vues de villes ; 32, des portraits historiques en pied ; et 46, des paysages et des tableaux de genre ; parmi ces œuvres figuraient des Leys, des Madou, des de Keyser, des Portaels, des Robert, des Mathieu, du Verboeekhoven. du Slingeneyer, et tant d'autres d'un mérite justement apprécie ; c'est assez dire le parti que le Cercle artistique eût pu en tirer s'il avait été contraint de les vendre. Eh bien, pour tout cela le gouvernement a donné 30,000 fr. au Cercle artistique, et il a de plus subordonné la collation de ce subside à des conditions sur lesquelles le rapport de la section centrale se tait soigneusement ; pourquoi ? parce qu'elles justifiaient davantage encore l'intervention du gouvernement en cette circonstance. Le gouvernement a obtenu que le Cercle artistique s'engageât à procurer, au moins une fois par semaine, l'enseignement artistique et littéraire à la capitale.

Non seulement le Cercle artistique y a consenti, mais il s'est en outre engagé, dès qu'il aurait un plus grand local, à donner plus de publicité à ses cours ; et je viens de voir, par les journaux, qu'il va bientôt s'installer dans un vaste local de la place de Hôtel-de-Ville. Là, les cours du Cercle pourront recevoir un public plus nombreux, et puisque M. de Man est animé de sentiments artistiques, je l'engage à vouloir bien profiter à l'avenir des cours qui se donnent au Cercle ; il y trouvera, je n'en doute pas, des impressions utile et agréables.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister sur ce point. L'honorable M. de Man ne peut pas persister dans son opposition. J'espère qu'il trouvera près de ses honorables amis des conseils pour le détourner de l'opposition que dans cette circonstance il a eu tort d'embrasser. Il s'agit d'une mesure qui ne mérite pas le blâme de la Chambre au contraire. J’avoue que si le crédit était refusé, je ne m'en plaindrais pas, je n'en serais pas malheureux, je consentirais volontiers à subir avec les artistes belges les conséquences du vote de la Chambre ; mais je ne crois pas devoir insister davantage, persuadé que je suis que la proposition du gouvernement sera adoptée.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - J'ai demandé la parole quand l'honorable membre a déclaré que j'avais traité très irrévérencieusement des tableaux de nos maîtres ; il est vrai que je me suis servi des termes dont il s'est plaint, dans une séance du mois de juin 1853 ; mais je n'avais fait que les emprunter à l'arrêté royal contresigné Rogier, où j'avais vu que les tableaux avaient été indiqués ainsi : autant de mètres de paysage, autant de mètres de peinture historiques, etc. C'est ainsi que l'arrêté s'exprime, c'est positif.

M. Rogier. - Vous avez confondu.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Si j'avais été ministre, je ne me serais pas servi de ces expressions.

Mon opposition au crédit n'est pas le fruit d'une idée mesquine pitoyable d'hostilité à l'égard des beaux-arts ; si j'ai réclamé l'honneur d'avoir été artiste de fait, je le suis encore de cœur, mais je suis homme politique aussi, et en cette qualité j'ai des devoirs à remplir.

Le gouvernement a jugé à propos de prendre sous son patronage une entreprise particulière, sans le consentement de la législature ; s'il l'a fait pour une, il devra le faire pour d'autres encore ; voilà pourquoi nous devons protester contre l'acte très irrégulier dont il s'agit. Après tout, si la Chambre veut allouer le crédit qui lui est demandé, je ne m'y oppose pas, j'ai rempli mon devoir, que chacun fasse le sien.

D'ailleurs je ne fais pas de difficulté de reconnaître que les toiles acquises représentent à peu près 30,000 francs ; j'ai pris des renseignements qui me donnent cette conviction ; mais l'acte n'en est pas moins irrégulier et exigeait une protestation.

Veuillez-le remarquer, messieurs, c'est une dépense facultative,faite sans votre autorisation préalable et qui devra, en définitive, être couverte au moyen de l'emprunt. Ceci est pénible.

Il est pénible de voir ce découvert s'élargir ainsi petit à petit et de plus en plus à cause de dépenses qui ne sont pas, il faut le dire, d'intérêt général Et c'est ainsi que la nécessité de charges nouvelles devient indispensable. Que la chambre apprécie.

M. Rogier. - Je ne puis pas admettre que cette dépense est irrégulière ; on prodigue à dessein ce mot d'irrégularité. J'avais le droit d'imputer sur cinq années du budget de l'intérieur les dépenses d'acquisition de tableaux, et si j'étais resté au pouvoir, je n'aurais pas demandé de crédit supplémentaire de ce chef ; il y a grand nombre de dépenses qui peuvent et doivent se repartir sur plusieurs exercices ; c'est parce qu'il a convenu à M. le ministre de l'intérieur de dégager son budget de tous les engagements antérieurs, qu'il est venu demander 25 mille fr. que j'aurais répartis sur cinq budgets.

Ces accusations d'irrégularités, vous en êtes prodigues, les votes de la Chambre ont prouvé et prouveront ce qu'il y a eu de fondé dans ces attaques incessantes dont je suis l'objet.

- L'article 10 (n° 42) est mis aux voix et adopté, avec le chiffre proposépar le gouvernement.

- M. Vilain XIIII remplace M. Delfosse au fauteuil.

Article 43

« N°43. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes pour l'entretien des monuments. Douze mille huit centsfrancs pour accorder des subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration de leurs monuments : fr. 12,800.

« Cette somme est ajoutée à l'article 115, chapitre XIX, du budget de 1854. »

- Adopté.

Article 44

« N° 44. Garde civique. Quarante mille francs pour frais d'armement et d'équipement de la garde civique : fr. 40,000.

« Cette somme est ajoutée à l'article 44, chapitre VII, du budget de 1854. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est le reste d'un crédit de 500,000 francs qui a été voté pour l'armement de la garde civique, pour réparation et transformation d'armes à silex en armes à percussion.

Je proposerai une légère modification au libellé ; il est dû, depuis 3 ans, pour réparations d'armes, 70 fr. 50 c. à un ouvrier de Bruges qui, ignorant les lois de la comptabilité, n'a pas demandé, en temps utile, le payement de sa créance, elle n'est pas prescrite, mais l'exercice est clos ; je ne pourrais le payer sans demander un crédit supplémentaire, à moins que je ne sois autorisé à le faire sur le crédit de 40,000 fr. Je demanderai, à cet effet, d'ajouter au libellé : « et payement au sieur Versailles d'une somme de 70 fr. 59 c, pour réparations aux armes de la garde civique de Bruges en 1851 ».

M. le président. - M. le ministre ne s'oppose pas à ce que ce soit un crédit nouveau au lieu d'un transfert ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cela m'est indifférent,, pourvu qu'on m'accorde la somme.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Le gouvernement a raison d'admettre la modification, car ce n'est pas un transfert, mais bien un crédit qu'on vote en réalité.

M. Rogier. - Je prétends que c'est un transfert, et je défierais, bien M. de Man de prouver son assertion.

- L'article est adopté avec l'addition proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Article 45

« N°45. Subside pour l'introduction du blanchiment et de l'apprêt des toiles d'après le système irlandais : fr. 22,884 74.

« Idem pour l'introduction de la teinture et de l'apprêt du velours de coton : fr. 1,555 57

« Soit vingt-quatre mille quatre cent trente-huit francs trente et un centimes pour subsides au sieur W. Wood, à Borgerhout, près Anvers, pour l'introduction de ces deux industries : fr. 24,438. »

- Adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - A l'occasion de l'article qui vient d'être adopté, je répondrai à une interpellation qui a été adressée au gouvernement dans une dernière séance par M. Osy.

Cet honorable membre a demandé une explication sur une avance faite à un négociant d'Anvers et garantie par un négociant d'Alost. Il s'agissait de 100,000 fr. Cette somme est en partie rentrée. Le remboursement s'est fait de la manière qui avait été stipulée : en 1852, 20,000 fr. ; en 1853, 20,000 fr. ; en 1854, 20,000 fr. Pour le reste qui est échelonné sur les deux années suivantes, le gouvernement est parfaitement garanti.

Quant à l'état général des avances faites à l'industrie sur les deux millions mis à la disposition du gouvernement, en 1848 et en 1849, j'ai l'honneur de faire observer qu'un état a été annexé au projet de budget de l'exercice 1853. Pour donner un résumé eu peu de mots, je ferai remarquer que sur 1,276,000 fr. avancés à titre de prêts aux divers négociants, on a remboursé 658,000 fr. ; et il reste 501,000 fr. dont le remboursement a été échelonné conformément aux conventions. La gouvernement a pris toutes les garanties possibles. Une grande partie des fonds restant à rembourser rentreront au trésor. Peut-être en est-il qui sont compromis ; il en est toujours ainsi quand les négociants ne se sont pas maintenus à la tête de leurs affaires.

Je crois avoir ainsi répondu à l'interpellation de l'honorable. M. Osy.

Article$ (n° à retouver)

« Enseignement normal. Indemnités aux professeurs de l'université de Liège, pour les cours qu'ils ont donnés pendant l'année académique de 1852-1853 : fr. 5,625 00. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Les crédits spécifiés à l'article premier seront couverts au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


M. le président.—Il y a trois articles qui doivent être soumis à un second vote. Je propose à la Chambre de fixer à lundi le vote définitif du. projet de loi.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. H. de Baillet, rapporteur. - « Plusieurs négociants et industriels à Chièvres prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye, la concessiou d'un chemin de fer destiné à relier les charbonnages du (page 1635) Couchant à la ville de Gand. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. H. de Baillet, rapporteur. - « Plusieurs négociants, propriétaires et fabricants de Gand prient la Chambre d'accorder aux sieurs Herlogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer passant par Audenarde, Renaix, Leuze, Basècles et Péruwelz. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. H. de Baillet, rapporteur. - « Quelques habitants des sections de Fraiture et de Régnez, commune de Behain, demandent que ces deux sections forment une commune séparée dont Fraiture serait le chef-lieu. »

Ils font cette demande à cause de l'éloignemcnt de ces deux sections du centre de la commune et du mauvais état des chemins qui sont impraticables en temps de neige.

D'ailleurs, les deux sections en question ont des intérêts, des propriétés, des comptes séparés de ceux de la commune ; quoi qu'elles comptent une population de 400 âmes, elles n'ont ni garde pour la conservation des biens, ni école où elles puissent envoyer leurs enfants.

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.

La séance est levée à 3 1/2 heures.