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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 3 février 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 643) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des fermiers, cultivateurs, engraisseuvs et marchands de bestiaux, à Zantvoorde et dans les communes environnantes, demandent que les artistes vétérinaires non diplômés soient admis à continuer l'exercice de leurs fonctions. »

« Même demande des fermiers, cultivateurs, engraisseurs et marchands de Thourout. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Paricke prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Saini-Ghislain sur Gand. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent que l'enseignement agricole dans les contrées flamandes soit donné en flamand. »

- Dépôt sur le bureau pendant la ducussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.


« Le conseil communal de Strypen demande qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires, d'agriculture et d'horticulture dans les provinces flamandes que dans les provinces wallonnes, que l'enseignement y soit donné dans la langue maternelle et que si pour l'une ou l'autre branche de renseignement on n'établissait qu'une seule école pour tout le pays, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leurs provinces. »

« Même demande d'habitants d'une commune non dénommée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.


« M. Brixhe demande un congé de quelques jours pour cause d'indisposition. »

- Accordé.


M. de Portemont (pour une motion d’ordre). - Messieurs, d'après les Annales parlementaires, j'aurais voté hier pour l'ensemble du budget de l'intérieur. Ayant dû quitter un instant la séance, je n'ai pu prendre part au vote. Je tiens à déclarer que si j'avais été présent au moment du vote, je me serais abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Dumortier.

M. le président. - La réclamation de M. de Portemont prouve qu'on a tort de faire du bruit pendant l'appel nominal. J'en ai souvent fait l'observation. Cela explique l'erreur qu'on a pu commettre en cette circonstance.

Projet de loi interprétatif de l’article 13 du décret sur la presse

Discussion générale

(page 651) M. Vervoort . - Messieurs, je crois que l'interprétation qui vous est proposée par le gouvernement est erronée. Je me rallie à celle des cours d'appel de Bruxelles et de Liège, développée il y a deux jours par l’honorable M. Orts. Je regrette de n'avoir pas à mettre au service de cette opinion l'habitude de vos discussions et l'influence que peut donner une longue participation à vos travaux ; si j'avais cet appui, je me sentirais mieux soutenu par l'espoir de prendre part à ce débat d'une manière tout à fait digne de l'assemblée à laquelle j'ai l'honneur de m'adresser. J'attache à cette question une grande importance, parce qu'elle a pour objet un principe de législation, et parce qu'elle touche à l'une de nos libertés constitutionnelles.

Ici je ne suis pas entièrement d'accord avec l'honorable M. Malou. L'honorable député d'Ypres vous a dit : La presse n'a rien à faire dans ce débat, la presse est intéressée à la répression de ses propres écarts. Et il ne s'est préoccupé que du droit de réponse, et de l'exercice de ce droit.

Je reconnais tout ce que ce droit a de respectable, il a mes sympathies, je m'en expliquerai.

Oui, je le comprends, la presse a intérêt à la répression de ses propres écarts. Dans un pays libre la presse peut rendre de grands services ; elle signale les abus, elle concourt à les faire redresser, elle favorise le progrès, elle exerce une influence très souvent salutaire sur le bonheur, sur les destinées d'un peuple. Pour exercer cette noble mission, il faut que la presse s'entoure de respect et de considération. Et, dans ces conditions nous devons vouloir qu'elle soit libre et puissante.

Mais si elle peut concourir au bonheur de la nation, elle peut aussi avec une facilité effrayante porter injustement le trouble dans la vie privée, détruire le bonheur, empoisonner l'existence du citoyen. Alors elle compromet ce respect, cette dignité, cette considération dont elle a besoin pour faire le bien dans une large mesure.

Je comprends que pour conserver sa haute influence et pour éloigner d'elle les abus dont se prévaudraient ceux qui voudraient entraver et restreindre sa liberté, elle a intérêt à la répression de ses propres écarts, mais je comprends aussi qu'elle a un intérêt immense à n'être pas régie par des lois qui auraient une dangereuse élasticité et à n'être pas frappée par une interprétation qui appliquerait comme certaine une peine douteuse.

Et dans ce débat, de quoi avons-nous à nous occuper ? N'est-ce pas d'une loi répressive, de l'application d'une peine ; n'est-ce pas enfin de la question de savoir si, pour un simple refus venant de l'éditeur d'un journal périodique, on le frappera d'une série de pénalités ?

On dira peut-être qu'il s'agit ici d'une question secondaire au point de vue des intérêts de la presse. Mais, à mes yeux, rien de ce qui touche à nos libertés n'est jamais indifférent, rien de ce qui les concerne n'est d'un médiocre intérêt.

En effet, il est rare, et ici je parle d'une manière générale, que les libertés soient attaquées de front ; il est rare que dans un gouvernement régulier l'esprit des lois qui les consacre soit ouvertement méconnu.

C'est par des tendances, souvent innocentes, souvent préméditées avec habileté que les libertés s'affaiblissent et se perdent. Ce n'est pas que je veuille faire par ces réflexions une allusion quelconque aux décisions judiciaires dont nous nous occupons, ni à ce qui a été dit, il y a deux jours, dans cette Chambre. Mais je tiens à faire comprendre que, dans mon opinion, lorsque le parlement s'occupe de ces matières, lorsqu'il a à porter ses investigations dans les lois qui touchent à nos libertés, il doit montrer le véritable esprit qui doit régir l'interprétation de ces lois et montrer des tendances élevées et généreuses. Car l'exemple et les indications venant de si haut, produisent nécessairement des effets féconds et salutaires.

Nous avons à nous occuper d'une loi d'interprétation par voie d'autorité. Mais interpréter, remarquez-le bien, messieurs, ce n'est pas modifier, ce n'est pas innover, ce n'est pas améliorer la loi.

Interpréter, c'est s'assurer de la pensée du législateur. Interpréter, c'est fixer le sens de la loi en s'aidant du texte et de l'esprit de celui dont elle émane, sans mélange aucun de dispositions nouvelles. Voilà ce que c'est qu'interpréter la loi.

Il faut donc en rechercher le sens.

Les règles, comme le disait dans son réquisitoire le savant magistrat place à la tête du parquet de la cour de cassation, les règles d'interprétation sont simples. Il s'agit d'examiner le texte et l'esprit de la loi, et si, après cet examen on arrive au doute, de se décider en faveur du régime le moins rigoureux.

Je tiens, messieurs, à lire à la Chambre les quelques lignes par lesquelles ce principe est énoncé, et la Chambre verra dans un instant quel est le but qui me guide en me permettant de lui faire cette lecture.

« Ce motif est vrai ; dans le doute on doit préférer l'interprétation conforme aux principes du droit à toute autre ; on doit même aller plus loin encore et dire qu'en matière de droit pénal le doute doit faire repousser toute recherche et toute discussion de principe pour faire adopter l'opinion la plus favorable à l'accusé, car le doute doit toujours lui profiter, certain qu'il doit être de ce que veut la loi pénale ; mais à tout cela une condition est nécessaire : il faut qu'on puisse proclamer le doute sur le sens de la loi, et il n'est pas permis de le proclamer si, dans l'interprétation de ses dispositions, l'on n'a fidèlement suivi les règles qui seules peuvent conduire à la découverte de la pensée qu'elles expriment. »

Et M. le procureur général soutient, comme le fait observer M. le ministre de la justice, que ces règles n'ont pas été fidèlement, suivies par les cours d'appel. C'est ce que nous examinerons.

Dans ce différend entre les cours suprêmes et entre quelques membres de la Chambre même on se reproche de se laisser aller au doute. La cour de cassation dit aux Cours d'appel : Mais pourquoi donc doutez-vous ? Le texte de la loi est très clair. Ceux qui ne partagent pas notre avis s'écrient ici : D'où viennent vos doutes ? Rien n'est plus clair. Et vous êtes obligés, vous, messieurs, de vous prononcer entre cinq textes différents : le texte du décret du Congrès, le texte du gouvernement, celui de la section centrale, celui de M. le ministre de la justice et celui de l'honorable M. Orts !

La difficulté, dit-on, ne présente pas le moindre doute. Il faut se laisser guider par les simples règles puisées sur les bancs de l'école ; rien n'est plus facile que de résoudre la question ; et vous avez à choisir entre cinq textes différents !

La nécessité dans laquelle on s'est trouvé, messieurs, de recourir à la voie légale pour obtenir une interprétation, constitue déjà la présomption d'un doute formel.

Voici ce que disait à cet égard l'honorable M. Jonet, rapporteur de la loi de 1832, sur l'organisation judiciaire :

« Pour aller en interprétation, il faut qu'il y ait doute, et doute bien constaté ; or, le doute est bien constaté, quand deux cours d'appel ont prononcé et que la cour de cassation a annulé une première fois et une seconde fois chambres réunies. »

Eh bien, messieurs, je dirai à ceux qui ont à examiner cette question aujourd'hui : Si l'examen auquel nous nous livrons vous donne une conviction raisonnée et entière sur le sens de la loi, prononcez-vous dans ce sens ; mais si après nous avoir tous entendus et après avoir examiné les cinq textes, il vous reste un doute, prononcez-vous conformément au principe, dans le sens le moins rigoureux.

M. le ministre de la justice s'est mis en contradiction avec les paroles du savant procureur général près la cour de cassation, paroles que je viens de vous lire. M. le ministre de la justice a un autre système.

Dans le doute il ne se prononce pas pour le système le moins rigoureux. Dans le doute il se prononce pour le droit de réponse, parce qu'il est de droit légitime.

Mais qui donc pense à soutenir que ce droit n'est pas légitime ? Quel est celui qui ne le trouve pas infiniment respectable ? Le droit de réponse n'est pas en question. Le droit de défense légitime n'est pas soumis au débat. Lorsqu'il s'agit de protéger la vie, de protéger la propriété, songe-t-on jamais à dire, quand la loi est douteuse, qu'il faut se prononcer en faveur de la victime, et qu'il faut appliquer comme certaine une disposition pénale contestable, qu'il faut l'appliquer quoique incertaine, parce que la victime est intéressante, parce que, dans le doute, il faut se décider en faveur de la sécurité des citoyens et du respect dû à la propriété ? Ce serait le renversement des principes les plus élémentaires.

Personne ne songe alors à contester le droit de propriété, à ne pas respecter la victime et à refuser toutes ses sympathies à celui qui souffre. Qu'il s'agisse d'un crime ou du droit de réponse, lorsque l’application d'une peine est mise en question, il faut, dans le doute, appliquer la peine la moins rigoureuse, quel que soit l'intérêt qui s'attache à la victime du délit.

L'honorable M. Malou vous a dit : Il y a cent raisons de douter ; il n'y a qu'une raison de décider. Nous croyons, messieurs, que la raison de décider a été donnée par les cours d'appel, et nous examinerons la raison de décider que donne l'honorable M. Malou.

Mais, avant tout, je dois appeler l'attention de la Chambre sur la portée exagérée qui est donnée à la pénalité de l'article 13 du décret sur la presse.

On a parlé du droit de réponse comme si c'était le palladium des citoyens lésés, comme s'il fallait nécessairement trouver dans ce moyen la protection la plus efficace dont nous puissions nous entourer contre les attaques de la presse.

M. de Mérode. - Comme le seul moyen que nous ayons pour nous défendre contre la presse.

M. Vervoort. - Comme la seule défense contre la presse, dit l'honorable comte de Mérode. Il en est qui seraient bien à plaindre s'il n'existait que ce moyen dedéfense ! Eh ! M. le comte, je dis moi : Heureux encore ceux qui sont exposés à des attaques contre lesquelles on se défend avec assez d'efficacité par une réponse ! Heureux ceux qui peuvent se contenter d'une réponse ! Vous oubliez ceux, et je les plains amèrement, ceux qui ne peuvent point user de ce moyen sans que le remède devienne pire que le mal. Vous ne songez pas à ce qu'il y a de blessant et de douloureux à être atteint par des calomnies ou des outrages qu'il, faut dévorer en silence parce qu'ils ne comportent point de discussion. Vous oubliez qu'il est des offenses auxquelles il faut d'autres remèdes. Et n'avons-nous pas l'opinion publique, la presse entière et la justice qui offrent de généreuses protections !

Je le répète, on a exagéré l'importance de la pénalité de l'article 13.

L'honorable M. Molou prétend que, si nous n'adoptons pas la doctrine de la cour de cassation, nous nous mettons en dehors de l'état social et que la presse arrive à l'état sauvage.

(page 652) Messieurs, je dois rappeler à la Chambre et spécialement à l'honorable M. de Mérode quel est l'état dans lequel nous vivons en présence de la presse et quelle est la protection qui nous est assurée au besoin.

Je ne parlerai plus de l'opinion publique, ni des secours qu'on peut aussi attendre de la presse ; mais lorsqu'une calomnie ou une injure vient vous frapper, n'avez-vous pas les lois répressives ; n'avez-vous pas les tribunaux correctionnels ; n'avez-vous pas le jury pour vous défendre et vous venger d'injustes attaques ? Les tribunaux civils ne sont-ils pas là non plus pour faire justice des outrages ; et l'honorable M. de Mérode ne se souvient-il pas de la protection qu'on peut obtenir des tribunaux civils, quand on est calomnié par la voie de la presse ?

Vous avez donc, comme protection principale, les lois pénales et les tribunaux civils ; comme proteclion secondaire, le droit de réponse ; puis, il y a la publicité des débats, la publicité des jugements qui s'affichent quelquefois au coin des rues, l'insertion des mêmes jugements dans les journaux. Voilà les moyens que vous avez pour vous défendre contre les attaques de la presse.

L'amende de 20 florins, à laquelle on attache une si grande importance, est donc une chose secondaire, eu égard aux autres moyens de répression ; et l'état sauvage dont a parlé l'honorable M. Malou et dans lequel il prétend que la jurisprudence des cours d'appel va plonger le pays, est un état purement imaginaire.

Maintenant, après avoir réduit à leur véritable valeur les considérations générales qui ont été invoquées par l'honorable M. Malou, j’examine le premier des textes sur lesquels vous avez à vous prononcer. Il renferme le principe général.

« Toute personne citée dans un journal, soit nominativement, soit indirectement, aura le droit d'y faire insérer une réponse. »

Comme toute personne citée peut faire une réponse, on en conclut que tous les journaux peuvent être invités à insérer une réponse et contraints à la publier en cas de refus. Si le principe général n'était pas inscrit dans le décret, on devrait arrivera cette conséquence que les journaux périodiques ne tombent pas sous l'application de la loi.

Voyons maintenant comment le Congrès a appliqué ce principe, quelle est la pensée qui l'a guidé, quel est le texte dont il s'est servi.

« Cette réponse sera insérée au plus tarud le surlendemain du jour où elle aura été déposée. » C'est dire : la réponse sera insérée le lendemain et, au plus tard le surlendemain ; la loi ajoute la peine de 20 florins d'amende pour chaque jour de retard. Ainsi on insérera la réponse le lendemain et au plus tard le surlendemain à peine de payer une amende par chaque jour de retard. On reconnaît qu'il faut changer ce texte pour le rendre applicable aux journaux hebdomadaires.

En effet, le texte ne s'applique qu'aux journaux quotidiens. Puisqu'il faut que l'insertion ait lieu au plus tard le surlendemain, cela ne peut s'entendre que d'un journal qui s'imprime le lendemain, le surlendemain, tous les jours. Le congrès a voulu que celui qui était directement ou indirectement attaqué par un journal eût la faculté de faire insérer immédiatement une réponse ; il a voulu contraindre à l'insertion immédiate.

Voilà la pensée du législateur.

Il est impossible d'exiger que le lendemain ou le surlendemain du dépôt la réponse figure dans le journal, si ce journal ne paraît pas. Il est donc constant, il est incontestable que cette partie de l'article ne s'applique qu'aux journaux qui paraissent tous les jours. Tout le monde est d'accord sur ce point. S'il s'agit de faire l'application du principe général aux journaux périodiques hebdomadaires qui n'ont pas occupé de place dans la pensée du législateur, que fait-on ? On modifie le texte, et se soumettant à la règle que nul n'est tenu à l'impossible, on dit : L'insertion se fera dans le premier numéro qui s'imprimera après le lendemain du dépôt de la réponse. On modifie profondément le texte parce qu'on est soumis à une loi impérieuse, parce qu'on ne peut pas faire qu'un journal qui paraît tous les trois mois paraisse tous les jours, parce qu'il faut fatalement subir la loi de la nature des choses, et puis lorsqu'il s'agit de l'application de la peine on attache au refus ou à l'omission imputée au journal périodique la pénalité attachée par le décret aux refus successifs du journal quotidien !

Mais, dit l'honorable M. Malou, vous me mettez dans un embarras extrême, je dois démontrer qu'un jour est un jour, qu'une semaine est une semaine. Comment voulez-vous que je démontre qu'il fait jour ? L'honorable membre qui éprouve tant de peine à démontrer qu'un jour est un jour vous a démontré cependant sans embarras aucun que le surlendemain d'un jour peut arriver un mois et même trois mois plus tard ; il est obligé de se soumettre à cette bizarre circonstance.

Ne vous étonnez donc pas si les cours d'appel ont démontré la nécessité de modifier le texte de l'article 15 du décret pour le mettre en harmonie avec les exigences de la publication du journal périodique, et si la cour de cassation et le gouvernement, après elle, ont été obligés de modifier une partie du texte pour le rendre applicable à ces mêmes journaux.

L'honorable ministre de la justice disait à notre honorable collègue, M. Orts : Vous parlez des jours de retard, comment parviendrez-vous à résoudre la contestation entre un entrepreneur de voiture publique, partant deux fois par semaine, qui n'aurait pas exécuté le contrat par lequel il serait engagé, vis-à-vis d'un négociant, à expédier des marchandises sous peine de tant de francs par jour de retard ? Ne compterez-vous pas comme jours de retard les jours où la voiture ne part pas ?

Je dirai que la comparaison n'est pas heureuse. Quand l'entrepreneur de voiture s'engage à transporter des marchandises, c'est qu'il se croit assez fort pour faire ce transport, et s'il a négligé de faire l'expédition par le départ de sa voiture, il pourra faire partir une voiture supplémentaire ou s'adresser à un autre expéditeur.

Voilà ce que fera l'entrepreneur de voiture. Mais ici accorde-t-on à l'éditeur du journal périodique la faculté de publier son journal dans un autre moment, d'anticipersur le jour de sa publication ordinaire ou de faire une feuille supplémentaire ? Non, on lui refuse cette faculté.

Tout le monde est d'accord sur ce point, il ne peut pas employer de feuille supplémentaire, il ne peut pas modifier l'ordre de sa publication, parce qu'on ne peut pas lui imposer une augmentation de peine, et que, d'autre part, la réparation ne serait pas complète. Il est fatalement empêché, il ne peut pas obéir au décret, à l'article 13, et on lui refuse la faculté que possède votre voiturier, de réparer, par l'envoi d'un chariot spécial, l'oubli qu'il a fait, lors du départ de sa diligence. Le journaliste ne peut pas imprimer un numéro spécial ni changer l'ordre de sa publication et quand il s'agit de la peine vous lui appliquez rigoureusement, sans aucune espèce de ménagement, les termes de l'article 13 du décret.

Je ne vous lirai pas les considérants par lesquels les cours d'appel ont motivé leurs arrêts, pour ne pas prolonger ces débats, et parce que, certes, vous avez eu soin d'y recourir vous-mêmes ; mais vous aurez reconnu que ce qui domine surtout la pensée de ces deux cours, c'est que, le texte ayant été fait pour les journaux quotidiens et une modification étant nécessaire, le lendemain n'étant plus considéré comme un jour de retard, parce que le journal ne paraît pas, il n'est pas possible non plus de considérer comme jours de retard tous les jours qui suivent sans que le journal paraisse.

On a objecté qu'il faut s'attacher au sens naturel des termes et, a-t-on ajouté, quoi de plus naturel que de voir dans les mots « jours de retard » tous les jours qui suivent celui où l'insertion aurait dû avoir lieu ? Oui, messieurs, cela est tout naturel lorsqu'il s'agit de l'objet que le Congrès a eu en vue, c'est-à-dire des journaux quotidiens.

En effet, ces journaux peuvent tous les jours exécuter la loi ; ces journaux, lorsqu'ils n'insèrent pas, se soumettent par des refus successifs, à des pénalités successives. Mais quand nous examinons la position du journal hebdomadaire, nous ne voyons plus rien de semblable, et alors le texte cesse d'être clair et précis.

On a dit : Il faut que la peine soit proportionnée à la gravité du délit ; or le délit commis par une feuille hebdomadaire est plus considérable que le délit commis par le journal quotidien.

L'éditeur du journal périodique sait d'avance que son journal passera de main en main pendant un certain nombre de jours avant qu'il puisse publier la réponse et, en conséquence, il est plus coupable que l'autre. Ceci peut être très contestable ; il me semble que celui qui aurait fait paraître huit jours de suite son journal quotidien sans publier la réponse serait plus coupable que celui dont le journal n'aurait paru qu'une fois pendant ce laps de temps, parce que le premier a eu sept occasions de revenir de son erreur ou de sortir de son obstination ; tandis que le second n'a pas eu ces facilités.

Il faut, messieurs, ne pas confondre la gravité d'un délit avec la gravité des conséquences qu'il entraîne. Les conséquences seront en rapport avec l'importance du journal : s'il s'agit d'un journal quotidien très recherché, les conséquences seront évidemment beaucoup plus graves que s'il s'agit d'un journal périodique peu répandu ; et cependant on voudrait frapper aveuglément, sans pitié, ce dernier journal des mêmes peines que le premier.

La'gravité des conséquences du refus ne sera bien appréciée que par les tribunaux civils ; ils ont à statuer sur les dommages-intérêts, à apprécier les motifs du refus et ils pourront seuls arriver à une solution équitable. Mettre tous les journaux sur la même ligne pour justifier le système, c'est s'exposer à prononcer des peines considérables pour punir des délits d'une gravité très contestable.

Quelle a été, messieurs, en définitive, la pensée du législateur, quand il a comminé l'amende de 20 florins ? Sa pensée a été incontestablement, me paraît-il, de frapper d'une peine le refus de publication chaque fois que la publication aurait lieu sans insertion de la réponse.

La loi dit : Vous publierez immédiatement sous peine d'amende ; si vous ne l'avez pas fait le surlendemain, vous subirez une amende pour chaque jour de retard.

Donc la pensée du législateur est de frapper les refus successifs, de frapper d'une peine le journaliste qui imprime et ne publie pas la réponse ; mais il n'a certes jamais pu songer à frapper de plusieurs amendes celui qui, ne publiant que périodiquement, n'a pas été dans le cas d'accumuler ses refus.

Mais, dit l'honorable M. Malou, voyez à quoi vous nous exposez ; vous nous ramenez aux scandales du Forum antique, aux soufflets, aux outrages à bon marché. Un journal pourra vous calomnier, et, moyennant la bagatelle de 20 florins, se complaire dans la calomnie.

L'honorable M. Malou prouve trop par cet argument, et par cela même il ne prouve rien.

Je répondrai à cet argument en même temps qu'à la raison déterminante de l'honorable M. Malou. Ma raison de décider, a dit l'honorable membre, c'est qu'il faut une égale protection pour tous les citoyens lésés par quelque journal que ce soit.

(page 653) Mais celui qui est frappé par la calomnie ou qui est injurié par un journal quotidien pourra obtenir une réparation immédiate, tandis que si l'attaque est partie d'un journal périodique, il faudra qu'il attende huit jours, un mois, trois mois pour obtenir l'insertion. Tout le monde est d'accord sur ce point.

Ainsi, le mal que veut éviter l'honorable M. Malou, il l'admet lui-même, et ceux qui partagent son opinion l'admettent également. Un journal hebdomadaire, mensuel, trimestriel présente des observations critiques, outrageantes, injurieuses pour quelqu'un ; le lendemain il reçoit une réponse et on le somme de l'insérer. Le journal périodique est obligé (la jurisprudence l'a décidé) de laisser celui qui se plaint sous le coup de ces observations pendant huit jours, un mois ou trois mois ; il faut qu'il mette la réponse au carton et il ne peut les publier que lorsque vient le jour ou le journal peut paraître. Je suppose, d'un autre côté, qu'on veuille organiser ce système de scandales dont on a parlé.

Eh bien, un journal trimestriel, par exemple, attaquera diverses personnes ; on lui enverra des réponses le lendemain ; il les enregistrera soigneusement pour les publier dans le numéro suivant ; cela ne lui coûtera rien, si ce n'est la peine d'imprimer, en compensation de laquelle il a la facilité de remplir ses colonnes.

Voilà l'état de choses dont l'honorable M. Malou veut vous effrayer ; mais cela existe fatalement, par la nature, par la force même des choses.

Le journaliste pourra, dans ce système, publier un écrit et ne devra publier la réponse que huit jours, un mois ou trois mois après ; il en est ainsi de par la loi, de par la première disposition qu'on nous propose, et le journaliste ne devra pas, ne pourra pas publier de feuille supplémentaire.

Que deviennent, en présence de ces faits, les motifs décisifs de l'honorable M. Malou, et les dangers qu'il croit éviter par la loi qu'il défend ?

Il faut donc nous soumettre, avec la doctrine des cours d'appel, à la force des choses.

Il y a des gens qui rêvent l'égalité sociale, j'entends le nivellement de toutes les conditions. C'est un rêve. Or, vouloir l'égalité de tous les citoyens devant les atteintes de la presse, c'est, selon moi, un rêve non moins irréalisable.

On a donc prouvé trop et l'on n'a rien démontré. Il résulte de tout cela que la position des différents journaux fait une position différente aux citoyens qui croient avoir à se plaindre de leurs attaques ou de leurs critiques.

Le journaliste peut attendre pendant un laps de temps plus ou moins long avant de publier la réponse qu'il a reçue, et laisser ainsi la critique ou l'injure circuler dans le public, et il n'est pas possible d'y porter remède par la loi qu'on nous propose, pas plus que par celle que nous voudrions y substituer ; il faudrait donc un autre système. En France, messieurs, une autre loi existe ; en France il est une loi qui établit une peine graduée ; elle donne au juge la faculté, bonne, utile, d’apprécier la moralité du fait. Ici, au contraire, il faudrait frapper aveuglément. Et voyez, messieurs, où l’on veut vous entraîner : par le fait d'un seul refus d'insertion, le journaliste ayant un journal périodique se verra exposé à payer 280, 1,200 ou 3,600 francs, selon que son journal est hebdomadaire, mensuel ou trimestriel.

Vous le savez, les journaux périodiques se préparent plus ou moins longtemps d'avance : il en est ainsi de « l' Illustration », de la « Belgique judiciaire », en un mot, de tous les journaux périodiques ; et l'on expédie au loin, en Amérique, en Italie, en Allemagne et ailleurs avant de distribuer à Bruxelles ou à Paris. Eh bien, quelle sera la conséquence du système proposé par le gouvernement ? C'est que, lorsqu'on déposera la réponse à une attaque l'avant-veille du jour fixé pour la publication (et je viens de vous démontrer qu'il n'y a aucune nécessité à se presser, puisqu'on a quinze jours, un mois ou trois mois devant soi), le journaliste pourra se trouver dans l'impossibilité de publier la réponse, parce que son tirage est fait, parce que le journal est déjà expédié. Eh bien, pour ce refus il sera exposé à subir 3,600 fr. d'amende ; à subir d'avance 90 amendes. Et si on l'attaque le lendemain, si l'on demande aux tribunaux qu'il soit puni, il est inutile de faire le calcul des jours de retard. Ce calcul est fait d'avance. L'éditeur ne vivra peut-être plus dans un mois ; n’importe, il a subi déjà 90 amendes !

Et l’on prétend que c’est là de la justice. On prétend que c’est une interprétation légale ; on prétend que c’est entrer dans l’esprit du législateur. Non, je le nie ; il n'en est rien.

Il s'agit en définitive de savoir ce que le Congrès a voulu, ce qu'il a pensé.

Le Congrès a voté cette loi après avoir élaboré la Constitution.

Il a mis de la précipitation à proclamer cette loi, parce qu'il s'occupait de poser les bases de la dynastie qui s'est associée à nos destinées.

Mais en y menant cette précipitation, il a voulu que dans l'année cette loi fût examinée à nouveau par le législateur. Voici ce que dit l'article 17 : « Le présent décret sera soumis à la législature avant la fin de la session prochaine. »

C'était un legs que le Congrès déposait entre les mains de la législature qui allait lui succéder.

La législature a prorogé l'exécution du décret.

Aujourd'hui une difficulté se présente. Le législateur, entrant dans les vœux du Congrès, peut modifier la loi, peut en faire une nouvelle, peut établir une peine graduée, ce que je crois seul capable de rendre la loi meilleure.

Mais si la législature veut rester dans les termes du décret, si elle veut simplement décider la question qui lui est soumise, il faut qu'elle se pénètre de la pensée du Congrès ; il faut qu'elle se souvienne de l'esprit qui le guidait, qu'elle s'inspire des idées généreuses qui dominaient dans le Congrès ; j'ose affirmer que si M. le ministre de la justice avait dû s'adresser au Congrès, il n'eût pas obtenu sa loi interprétative de l'illustre assemblée qui venait de décréter les franchises constitutionnelles qui sont la gloire de notre Belgique régénérée. Non, il ne l'eût pas obtenue. Eh bien, je vous convie à entrer dans les mêmes vues et à ne pas consacrer comme certaine une pénalité au moins douteuse. Je vous demande de ne point vous écarter des principes de législation qui, à l'exclusion de tous autres sentiments, doivent être nos guides, dans notre œuvre d'interprétation légale.

(page 643) M. le président. - Voici un autre amendement qui vient d'être déposé.

« J'ai l'honneur de proposer, comme amendement, la rédaction suivante :

« Toute personne citée dans un journal quotidien, soit nominativement, soit indectement, aura le droit d'y faire insérer une réponse. (Le reste comme dans l'article 13 du décret sur la presse du 20 juillet 1831.)

« Signé, Verhaegen. »

D'après cet amendement l'article 13 du décret de 1831 ne serait pas applicable à la presse hebdomadaire.

M. Dumortier. - Je vous demande pardon de devoir vous entretenir quelques instants à la suite de l'orateur si brillant qui vient de se rasseoir, et d'autant plus que n'ayant pas l'habitude des débats de lois purement judiciaires j'aurai besoin de votre indulgence pour le peu de mots que je vais vous dire.

Je crois cependant pouvoir vous présenter quelques observations sinon savantes, du moins de sens commun, pour établir que le système qui vous est présenté par le gouvernement n'est nullement possible, n'est nullement acceptable, qu'il entraînerait un déni de justice évident, et qu'il n'est pas possible que le Congrès ait entendu la loi dans le sens qu'on veut lui donner.

D'abord je regarde avec mon honorable ami M. Malou, le droit de réponse comme une des principales garanties de la loi sur la presse. Et ici, je dois le dire, je ne partage pas l'opinion de l'éloquent orateur qui m'a précédé.

Je regarde le droit de réponse non seulement comme une garantie, mais comme une véritable répression contre les abus de la presse.

La presse sans doute est appelée à rendre de grand services au pays par le contrôle que sans cesse elle exerce ; elle est un des principaux éléments de civilisation, une des plus précieuses gararanties de nos libertés. Mais nul ne peut méconnaître que dans l'ordre même des services qu'elle rend, ses écarts sont possibles, sont fréquents envers les citoyens, et que dès lors une répression, une garantie pour les citoyens est indispensable.

La loi en fournit deux ; la première est le droit de réponse. La seconde c’est la justice, l’usage des lois pénales. Or, quand j'interroge les faits, je vois que les procès contre les écarts de la presse sont excessivement rares, tandis que nous rencontrons à chaque instant dans les journaux l'usage du droit de réponse ; je vois que sur un procès intenté, il y a au moins cent fois l'usage du droit de réponse.

Je conclus de là que le droit de réponse est la garantie sinon la plus grave, du moins la plus usuelle des citoyens, et ce droit, je veux le conserver dans son entier, je veux lui laisser toute son efficacité, en sorte qu'il ne me paraît pas désirable que l'on puisse le moins du monde y porter atteinte.

Je pense que ce droit de réponse, si juste puisqu'il est la réciprocité, si direct puisqu'il s'adresse aux lecteurs mêmes du journal, si rapide puisqu'il suit de près l'agression, doit être entier, doit être complet, pour celui qui en fait usage. Ce droit est tellement sacré à mes yeux, que je ne puis croire qu'il soit possible à l'éditeur d'un journal de s'établir juge de la réponse et de l'écarter lorsqu'il lui plaît, et tel a toujours été l'avis de cette Chambre. Car celui qui fait la réponse, devant nécessairement la signer, c'est à lui qu'incombent et la responsabilité de cette réponse et les peines qui peuvent résulter de ce chef, en sorte que l'éditeur qui a encouru par son fait l'application de la loi, ne peut, sous aucun prétexte, se soustraire à son application, ni se prétendre juge de la réponse.

C'est assez vous dire, qu'à mes yeux ce droit est une grande garantie, une garantie peut-être moins capitale, mais plus forte sans doute que la pénalité.

Vous avez, il est vrai, le moyen, quand vous êtes invectivé, injurié, calomnié dans un journal, de lui intenter un procès. Mais qu'est-ce que l'expérience nous dit ? Vous intentez un procès. Eh bien, il y aura là un avocat stipendié qui viendra vous traîner dans la boue, et trop souvent un tribunal pour la laisser dire ; et voilà la garantie que vous avez de plus clair en matière de presse, de nouvelles injures à accumuler aux injures qui font naître le procès.

Vous avez un procès ; vous obtenez une condamnation. Eh bien, vous devez commencer, si vous obtenez une amende, par en payer le droit d'enregistrement. Ce droit, il est acquis ; le trésor public le percevra. Mais il arrive souvent alors que celui qui a fait l'article, n'a rien pour payer. Vous devez donc payer pour obtenir justice sans avoir jamais d'indemnité. Voilà, messieurs, les chances d'un procès de presse.

Mais on vous accordera ensuite le droit d'emprisonnement. Eh bien, si vous faites emprisonner le calomniateur, vous devez le nourrir à vos frais aussi longtemps qu'il vous plaira de le tenir en prison.

Voilà donc les avantages que nous procure une condamnation en matière de répression pénale, et je conçois qu'avec une loi pareille, le droit de réponse soit une garantie plus grande, bien autrement utile que le droit de faire des procès. Ce droit, je le regarde donc comme la garantie la plus efficace, la plus usuelle de toute la loi.

Mais précisément parce que j'ai cette opinion, quant au droit de réponse, je veux qu'il soit efficace, qu'il ait toute son efficacité ; et si j'entends qu'il doit être efficace, je veux aussi qu'il reste dans les limites de l’égalité devant la loi ; c'est-à-dire qu'il comporte ses deux éléments de souveraine justice, l'efficacité dans l'égalité. Or, dans, le système de l'interprétation qui vous est proposée, vous devez arriver fatalement à l'un de ces deux résultats : ou bien de tuer l'efficacité, ou bien de tuer l'égalité ; vous devez, comme je vais le démontrer, ou bien établir que le droit de réponse devient inefficace, ou bien établir qu'il crée une inégalité devant la loi, deux choses qu'il est impossible d'admettre.

En effet, voici un journal qui paraît le dimanche ; le même jour un lecteur trouve un article calomnieux contre lui ; à l'instant même il fait une réponse et en demande l’insertion. Je prends le texte de la loi dans le sens du projet d'interprétation ; que doit faire l'éditeur du journal ? « Cette réponse, dit la loi, sera insérée au plus tard le surlendemain du jour où elle aura été déposée au bureau du journal. » Ainsi, messieurs, il faut impérieusement que le mardi la réponse soit insérée sous peine de 10 florins d'amende par jour de retard. Si le journal est quotidien, rien de plus facile que de satisfaire à la loi ; mais s'il est hebdomadaire, il ne paraît pas le mardi, il ne paraîtra que le dimanche suivant. Le dimanche arrive, l'éditeur du journal imprime la réponse.

Eh bien aux termes de la loi interprétée dans ce sens qu'un jour signifie vingt-quatre heures, pour avoir publié la réponse le premier jour où cela lui était possible, le premier jour où son journal paraissait, l'éditeur était passible d'une amende de 100 florins, car il s'est écoulé cinq jours entre le surlendemain du jour où la réponse a été déposée et le jour où elle a été publiée.

Dans l'ordre de cette interprétation que j'appellerai judaïque, vous devez, pour ne pas rendre la loi absurde, admettre la possibilité à l'éditeur de se libérer par un supplément ; or, les suppléments en pareille matière, c'est le déni du droit de réponse, c'est rendre ce droit illusoire, inefficace, car au moyen du supplément on étudera la loi : le supplément l'enverra-ton ? parviendra-t-il ?

Le supplément c'est donc la loi éludée, c'est la garantie précieuse du droit de réponse annulée. Les cours paraissent l'avoir très bien compris puisqu'elles ont écarté la possibilité à l'éditeur de se libérer par les suppléments, mais aussi pour écarter les suppléments dont les dangers en cette matière sont manifestes, on en arrive à ce résultat de faire dire à la loi précisément ce qu'elle ne dit pas ; car ainsi que l'a dit avec beaucoup de talent l'honorable préopinant, le système soutenu par le ministère revient à ceci, que les mots : « la réponse sera insérée au (page 644) plus lard le surlendemain du jour où elle aura été déposée au bureau du journal, signifie, pour un journal hebdomadaire, que la réponse sera insérée au plus tard dans le numéro qui suivra le jour où elle aura été déposée. Pour lui, le surlendemain, signifie huit jours. Voilà donc, messieurs, la loi complètement refaite, amendée, révisée, changée dans ses termes et dans son esprit.

Ce n'est plus là interpréter la loi, c'est la refaire. Or, en matière d'interprétation, vous n'avez pas le droit de refaire la loi. Quand vous êtes saisis d'une loi interprétative, vous devez vous renfermer dans les termes de la loi et vous n'y pouvez rien changer, vous manqueriez à vos devoirs si vous révisiez la loi lorsqu'il s'agit de l'interpréter.

C'est pourtant ce qu'on veut vous faire faire, car on veut vous faire dire que pour un journal hebdomadaire le surlendemain du dimanche signifie le dimanche suivant.

Pourquoi, messieurs, veut-on arriver là ? Parce qu'on veut éviter une première chose, à savoir le supplément, qui serait le déni du droit de réponse ; parce qu'en second lieu on reconnaît dans quel abîme on se jette en reconnaissant que l'éditeur d'un journal hebdomadaire qui s'exécuterait en toute franchise, serait passible d'une amende de cent florins, chaque fois qu'une réponse lui serait envoyée.

Or, je le demande, est-il possible que le Congrès ait voulu une chose aussi essentiellement absurde ? Il faut donc de deux choses l'une : ou admettre que pour les journaux hebdomadaires le mot « jour » signifie « jour de publication », ou bien, pour être fidèle à la loi du Congrès, admettre le système des suppléments, sous peine d'admettre une loi qui frappe celui qui l'exécute.

Quant à moi, messieurs, ce système je n'en veux à aucun prix, et c'est pour cela que je ne voterai point pour la proposition du gouvernement.

Mais, messieurs, ce n'est pas tout, avec le système qu'on propose où allez-vous ?

Un journal qui paraît le dimanche n'insère pas le dimanche suivant une réponse qui lui a été envoyée, mais le lundi l'éditeur a un remords ; il ne peut pas publier un supplément, vous ne le voulez pas et vous avez parfaitement raison ; il ne peut donc l'exécuter que huit jours plus tard. Eh bien ! il sera passible d'une amende de 7 fois 20 florins, tandis que le journal quotidien qui éprouvera un semblable remords publiera immédiatement la réponse et ne sera passible de l'amende que jusqu'au jour ou il se sera repenti. Ainsi l'égalité devant la loi n'existe plus. Or, la première chose que le Congrès a voulue, celle qui domine tous ses débats, c'est l'égalité de tous les Belges devant la loi.

Lisez son histoire, lisez toutes ses discussions, tous ses actes, lisez tous les articles de la Constitution et vous verrez que tout repose sur l'absence de privilèges. Eh bien, la loi, telle qu'on veut l'interpréter, constituerait un privilège énorme pour les journaux quotidiens contre les journaux hebdomadaires. Il y a donc erreur et, messieurs, la chose est facile à expliquer. Si ma mémoire ne m'est pas infidèle, à l'époque ou le décret sur la presse a été présenté au congrès le 19 mai 1831, il n'existait dans notre pays que des journaux quotidiens.

M. Vilain XIIII. - Il y avait le « Méphistophéles ».

M. Dumortier. - Le « Méphistophéles » est venu après, mais, je pense, lorsque le décret a été présenté par M. Barthélémy, il n'existait que des journaux quotidiens.

Je tiens ici la liste des journaux politiques et autres qui existaient à cette époque et tous les journaux politiques étaient quotidiens.

Il y avait, le « Journal de la Belgique », le « Courrier », le « Belge », l' « Emancipation », le « Catholique », etc.

Vous voyez que ce sont tous journaux quotidiens.

Quant au « Méphistophéles » je crois qu'il n'a été créé qu'après la présentation du projet de loi ; ce projet est resté longtemps sans être examiné, sans être discuté, et le Congrès s'en est occupé, quand ? Précisément dans la nuit qui a précédé sa dissolution, dans la nuit qui a précédé l'inauguration du Roi.

Le décret est du 20 juillet et c'est le lendemain qu'a eu lieu l'inauguration du Roi. Ce décret a été voté avec une excessive rapidité, la discussion n'a pas duré une heure. Or, le Congrès n'a jamais eu la prétention de faire en une heure une loi parfaitement mûrie et, comme la rapporté l'honorable préopinant, il a décidé que la loi serait révisée dans la session suivante. On venait de nommer le Roi, le but que l'on avait était de le mettre à l'abri des attaques de l'orangisme, voilà ce que le Congrès a voulu faire ; c'était une loi de circonstance, mais il ne lui est pas venu à l'idée de faire une œuvre complète en si peu de temps et la preuve, c'est qu'il a ordonné à la législature suivante de réviser la loi.

Mais celle législature s'est trouvée, elle, encombrée de travaux ; elle a eu d'abord les protocoles et les 24 articles ; elle a eu l'organisation de l'armée, tous les budgets, dont le Congrès avait été dans l'impossibilité de s'occuper ; elle a eu la loi sur l'organisation judiciaire, et une foule de lois organiques, et dans sa session, qui a duré onze mois, il ne lui a pas été possible de réviser la loi sur la presse.

Qu'arriva-t-il alors ? C'est qu'au dernier jour, la veille de la séparation, on fit une loi transitoire pour autoriser encore pendant une année l'exécution de la loi sur la presse. Mais on comprenait qu'il fallait la réviser. L'année suivante, les mêmes difficultés se sont présentées ; c'était toujours la question nationale, la question des protocoles ; c'était la loi d'organisation provinciale et la loi d'organisation communale, la tarification douanière, et la révision de la loi s'est toujours fait attendre. Voilà comment je m'explique que cette loi est incomplète tous certains rapports.

J'admets volontiers qu'il y a d'excellentes vues dans les textes qui vous sont présentés, mais vous ne pouvez pas refaire la loi en l'interprétant ; qu'il faille la refaire, c'est un fait, à mes yeux, aussi clair que le jour.

Le système qu'a indiqué tout à l'heure mon honorable et savant collègue M. Vervoort me paraît de beaucoup préférable à celui qui a été adopté en cette matière.

Mais nous ne sommes pas occupés à refaire la loi, nous nous bornons à l'interpréter ; or, pour l'interpréter, nous devons admettre de deux choses l'une, ou, comme le veut le gouvernement, que le mot « surlendemain » signifie une semaine, ou bien que le mot « jour » signifie le jour où paraît le numéro ordinaire.

Pour moi je déclare que c'est cette dernière acception à laquelle je donne mon adhésion, car, je le répète, le système contraire, quoi qu'on en dise, amène nécessairement, fatalement, si vous voulez l'égalité devant la loi, la faculté de publier un supplément. Or, je voudrais que dans aucun cas, la réponse, ce droit sacré de la défense, accordé au citoyen attaqué dans son honneur ou sa considération ; la réponse, dis-je, pût être publiée dans un supplément ; et cependant, dans votre système si vous n'admettez pas le supplément, vous admettez l'inégalité devant la loi.

Force nous est donc d'interpréter la loi ; je me décide, pour ma part, à l'interpréter dans le sens des cours d'appel de Liège et de Bruxelles ; mais j'ajoute qu'une loi, non pas interprétative, mais positive, est nécessaire pour faire disparaître à l'avenir ce que la loi de 1831 présente d'incomplet ; que la loi interprétative que nous avons à faire, ne suffira pas et qu'il faudra une loi nouvelle. Il est nécessaire que le gouvernement comprenne qu'il faut arriver à la révision du décret du 20 juillet 1831 sur la presse ; tel est le seul moyen de résoudre la difficulté.

M. Verhaegen. - Messieurs, les deux derniers discours que vous venez d'entendre ont établi les véritables bases de la discussion ; mais, ils devaient amener une autre conséquence ; c'est celle que j'ai formulée dans l'amendement dont M. le président vient de donner lecture.

Il est évident pour moi que le décret du 20 juillet 1831 sur la presse n'est applicable à tort ou à raison qu'aux seuls journaux quotidiens. Les considérations qu'on a fait valoir le démontrent ; je me permettrai d'y en ajouter quelques autres.

Avant tout, fixons-nous bien sur la mission que nous avons à remplir. Il s'agit d'une interprétation par voie d'autorité à donner par le législateur. Ne croyez pas que nous ayons simplement à combler une lacune. Nous avons d'abord à juger un procès, nous allons, par notre vote, disposer du bien d'autrui.

Nous remplissons les fonctions de juges. L'interprétation que nous donnerons devra servir de guide pour condamner ou absoudre le journaliste inculpé. Il y a quelque chose à faire pour les journaux non quotidiens, je suis le premier à le proclamer. Que M. le ministre de la justice nous présente un projet de loi destiné à remplir la lacune ; le projet ne sera pas difficile à faire, et nous l'aurons bientôt discuté. (Interruption.)

Mais la loi qui fait l'objet du débat actuel, va juger un procès ; nous sommes ici pour interpréter la loi par voie d'autorité. (Interruption.)

Jugez dans mon sens, me dit M. le ministre de la justice ; mais cela n'est pas sérieux ; je dois juger en mon âme et conscience ; je dois me mettre au point de vue du législateur de 1831, car savez-vous ce que c'est qu'interpréter par voie d'autorité. Je dois dire au nom du législateur de 1831 ce que le législateur de 1831 a voulu ; voilà le rôle que j'ai à remplir ; et la décision législative qui interviendra sera la règle d'après lequelle les tribunaux se guideront dans l'avenir, et en même temps jugeront le procès qui a donné lieu à la loi interprétative. Notre décision aura donc la force d'un arrêt définitif auquel tout le monde devra obéissance ; elle aura pour résultat qu'on prendra dans la poche d'un journaliste telle somme au lieu de telle somme.

Eh bien, messieurs, moi en âme et conscience, et quelle que soit mon opinion sur la nécessité d'atteindre les journaux non quotidiens, je dois déclarer que d'après le texte et l'esprit du décret de 1831, il ne s'agit que des journaux quotidiens. L'honorable M. Dumorlier vous a rappelé comment ce décrét a été voté. La loi a été faite en une heure ; il fallait en finir, et on n'avait évidemment en vue que les journaux quotidiens. Le texte n'est pas douteux. Qu'est ce en définitive qu'un journal ? D'après la signification ordinaire du mot, c'est un écrit qui paraît tous les jours. Je sais bien qu'on a étendu cette signification aux journaux non quotidiens, ceux par exemple qui paraissent hebdomadairement ; mais c'est une extension donnée à la signification primitive du mot.

Maintenant, si tout le reste de l'article 13 est en rapport avec la signification ordinaire du mot « journal », il ne pourra pas y avoir de doute.

Eh bien, tous les autres termes sont en rapport avec cette idée.

« Toute personne citée dans un journal (dans un écrit de tous les jours, d'après la signification ordinaire), soit nominativement, soit indirectement, aura le droit d'y faire insérer une réponse... Cette réponse sera insérée, au plus tard, le surlendemain du jour où elle aura été déposée au bureau du journal... »

Messieurs, remarquez les termes « le surlendemain du jour » ; on l'a démontré à la dernière évidence ; ces termes ne peuvent pas s'appliquer aux journaux non quotidiens ; on ne pourrait le faire qu'en les violentant, qu'en les détournant de leur sens propre.

Les mots « le surlendemain par chaque jour de retard » n'ont été employés, qu'en vue de la feuille qui paraît tous les jours.

(page 645) Ainsi que l'a dit mon honorable ami, M. Orts, dans le remarquable discours qu'il a prononcé dans la première séance, il y a, messieurs, dans la loi française des termes qui vous démontrent à la dernière évidence que là on a voulu atteindre autre chose, d'autres écrits que ceux que la loi de 1831 a atteints par son article 13, et ceci est digne de fixer toute votre attention.

Voyez l'article 11 de la loi du 23 mars 1822, il porte :

« Tout journal ou écrit périodique », on a retranché ces derniers mots dans la disposition du décret ; plus loin on lit : « dans les trois jours ou dans le plus prochain numéro », ces mots ne figurent pas non plus dans l’article 13 du décret.

Ainsi vous voyez que dans la loi de 1823 on trouve précisément ce qu'il faudrait avoir dans le décret du Congrès, pour que l'opinion présentée par le gouvernement puisse avoir la préférence sur la nôtre ; il y a « écrit périodique » ajouté au mot « journal » et après les mots « dans les trois jours de la réception ceux-ci » : « ou dans le plus prochain numéro s'il n'est pas publié dans les trois jours ».

Dans le décret il n'y a rien de semblable ; aussi est-il clair que ceux qui ont fait le décret de 1831 n'ont pas songé aux journaux non quotidiens, s'il en existait (je ne veux pas affirmer qu'il n'en existait pas, quoiqu'on le dise à mes côtés ; je n'en sais rien). Les termes du décret y sont contraires ; il en est de même de son esprit.

Maintenant on a jugé à propos, parce que le besoin s'en faisait sentir, d'appliquer cette disposition à des journaux non quotidiens ; on est sorti du vrai ; quand on sort du vrai, on est toujours fort embarrassé. De là les différentes interprétations formulées : la cour de cassation a pensé de telle manière, les cours d'appel ont pensé d'une autre manière, le gouvernement propose une rédaction différente, la section centrale en propose une autre encore, le gouvernement la modifie, l'honorable M. Orts en propose une sixième qui n'a d'autre but que de dire par interprétation ce qu'a voulu le Congrès le 20 juillet 1831.

L'objet de mon amendement est de faire déclarer tout bonnement que le Congrès n'a songé qu'aux journaux quotidiens, et que son décret n'est applicable qu'aux journaux quotidiens. Ce qu'il y a de remarquable et ce qui prouve que mon opinion est la seule vraie, c'est que moi je ne dois rien changer au texte du décret.

Je le prends tel qu'il est, je ne retranche rien, je ne modifie rien, je n'ajoute rien, je n'explique aucun terme. Je détermine seulement une conséquence en partant des prémisses posées par mes honorables amis, MM. Vervoort et Dumortier, à savoir que l'article 13 n'est applicable dans l'esprit du législateur de 1831 qu'aux journaux quotidiens, sauf au gouvernement à présenter le plus tôt possible une disposition pour rendre applicable dans une certaine mesure la disposition aux journaux non quotidiens.

Mais, dira-t-on peut-être, quelques mots prononcés tantôt par M. le ministre de la justice me le font penser, il est souverainement jugé que le décret est applicable aux journaux non quotidiens et spécialement aux journaux hebdomadaires.

Je tiens à répondre d'avance à l'objection. La question soulevée par le ministre est excessivement grave. Si l'opinion de M. le ministre pourrait être admise, il en résulterait que quand nous interprétons, nous sommes à la remorque du pouvoir judiciaire.

Personne plus que moi ne tient à maintenir l'indépendance des pouvoirs. C'est précisément parce que je tiens à maintenir l'indépendance des pouvoirs, que je ne pourrai jamais admettre l'opinion du ministre de la justice sur ce point. Car c'est à celui qui fait la loi à l'interpréter, et à celui-là on viendra dire : Sur un point donné il y a chose jugée, vous prendrez cela pour base et prenant cela pour base vous déciderez seulement la question accessoire que les juges se sont posée. S'il en est ainsi, je n'interprète plus librement, je suis à la remorque du pouvoir judiciaire. Ce rôle ne convient pas au pouvoir législatif.

Quand j'interprète, qu'est-ce que je fais ? Je dis à ceux qui ont établi le doute par des arrêts contradictoires : ce que j'ai voulu je vais vous le dire. C'est à moi à interpréter ce que j'ai fait.

Dans l'espèce on accorderait au pouvoir législatif la faculté d'interpréter ce qu'il faut entendre par « jour de retard » quand il s'agit de journaux non quotidiens, et cela en rapport avec le décret de 1831, et on lui refuserait d'examiner la question préalable à toutes autres, si le décret de 1831 est bien applicable à ces journaux non quotidiens ! Ce serait absurde.

Le pouvoir judiciaire prend pour base que le décret de 1831 est applicable aux journaux non quotidiens ; et moi, législateur, qui ai le droit d'interpréter la loi, je dis au pouvoir judiciaire : Vous vous êtes trompé, et je crois qu'il ne reste qu'à faire une loi supplémentaire pour qu'à l'avenir on puisse faire à ces journaux l'application d'une pénalité.

J'arrive donc à cette conséquence que je n'admets, en définitive, ni l'opinion des cours d'appel, ni celle de la cour de cassation ; parce que, selon moi, les cours d'appel et la cour de cassation se sont trompées sur un point spécial, à savoir qu'elles ont cru que le décret de 1831 était applicable aux journaux non quotidiens ; tandis que ce décret est exclusivement applicable aux journaux quotidiens. Et pour en finir, messieurs, avec ce que j'appellerai une exception de chose jugée, j'aurai l'honneur de rappeler quelques précédents à M. le ministre de la justice.

Ce n'est pas la première fois qu'une question semblable s'est présentée devant les Chambres : naguère a surgi, en effet, cette grande question de droit commercial relative à l'ouverture de la faillite.

Il y avait divergence d'opinions entre les cours d'appel et la cour de cassation sur la date de l'ouverture d'une faillite ; les premières jugérent qu'il y avait faillite du moment où il y avait cessation de payement ; la cour de cassation au contraire décidait qu'il n'y avait faillite que du jour où la déclaration de faillite avait été prononcée par le juge compétent.

A la suite de deux arrêts de cassation rendus, le dernier chambres réunies, nous avons eu, messieurs, à interpréter la disposition du Code de commerce ; et nous n'avons suivi ni l'opinion des cours d'appel ni l'opinion de la cour de cassation : la loi interprétative que nous avons votée a décidé que le dessaisissement datait du jour de la cessation de payement ; mais elle a ajouté que néanmoins les actes faits de bonne foi avec le failli dans l'intervalle étaient valables, chose dont il n'avait été question ni devant les cours d'appel ni devant la cour de cassation.

Nous sommes donc maîtres souverains, nous ne sommes pas liés par des arrêts, nous avons seulement à juger ce que nous avons voulu faire par la loi qu'il s'agit d'interpréter.

Nous disons en d'autres termes qu'à tort ou à raison, nous n'avons songé qu'aux journaux quotidiens et le décret sur la presse n'est applicable qu'à ces journaux.

De cette manière j'ai suffisamment expliqué, je pense, mon amendement ; je le considère comme le seul moyen de sortir de la difficulté d'une manière convenable, car remarquez-le, messieurs, toutes les rédactions qu'on propose, ce sont autant de projets de loi nouveaux : le gouvernement en a présenté un ; maintient-il la disposition de l'article 13 ? Non, il s'en écarte.

La section centrale maintient-elle la loi ? Non ; elle s'en écarte également ; elle présente une disposition nouvelle. Il en est de même des auteurs des différents amendements qui ont été successivement présentés.

Voici l'honorable M. Malou qui, contrairement à ce qui est dit dans l'article, propose de décider que la réponse sera insérée, non le surlendemain, mais dans un autre délai.

Je ne dis pas, messieurs, que je ne pourrais pas voter l'une ou l'autre de ces dispositions, s'il s'agissait de projets présentés pour l'avenir ; je l'adopterais peut-être avec quelques petits changements sur lesquels nous pourrions nous entendre ; mais je ne puis pas les voter maintenant, parce que en le faisant je touche à des droits de tiers, car nous remplissons les fonctions d'une cour d'appel.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point. La question m'a paru mériter quelques développements, parce que je crois qu'elle a réellement une haute importance.

- L'amendement est appuyé.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Avant d'aborder certains arguments spéciaux qui se rattachent au texte même du projet en discussion, je crois devoir combattre l'amendement qui vient d'être proposé par l'honorable M. Verhaegen, auquel il a ajouté des développements, et qui a pour effet de s'écarter complètement du projet proposé par votre commission. Il est donc logique, me semble-t-il, de commencer par combattre cet amendement.

J'y oppose deux séries d'objections. Les premières sont tirées de la chose jugée ; l'honorable membre m'a fort bien compris quand j'en ai parlé : les autres sont tirées de l'interprétation du sens réel du décret sur la presse, de l'article 13 qui est en débat.

L'honorable membre vous propose d'introduire dans l'article 13 du décret un seul mot, le mot « quotidien » après le mot « journal », dans la première ligne de l'article ; de cette façon, les journaux non quotidiens sont mis hors du cercle des pénalités comminées par l'article.

Je dis, messieurs, qu'en proposant cet amendement, l'honorable membre est sorti des attributions qui sont dévolues au pouvoir législatif dans le cas actuel.

Je prie la Chambre de considérer cette question comme excessivement grave et méritant d'attirer toute son attention. Je crois être dans le vrai quand j'oppose au système de l'honorable M. Verhaegen celui qui je vais avoir l'honneur de développer.

L'article 28 de la Constitution pose en principe que l'interprétation des lois par voie d’autorité n’appartient qu’au pouvoir législatif. Ce principe abstrait et général a été réglé par l’organisation judiciaire de 1832. Voici, messieurs, les dispositions relatives à l’exercice de ce pouvoir d'interprétation par voie d'autorité.

« Art. 25. Lorsque, après une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la cause est portée devant les chambres réunies, qui jugent en nombre impair ; si la cour annule le second arrêt ou jugement, il y a lieu à interprétation.

« Art. 24. Le procureur général transmet le jugement ou arrêt au gouvernement, qui provoque une loi interprétative.

« Art. 25. Jusqu'à ce que cette loi ait été rendue, il est sursis au jugement de la cause, par la cour ou par le tribunal auquel elle est renvoyée. Les cours et les tribunaux sont tenus de se conformer à la loi interprétative dans les affaires non définitivement jugées. »

Ainsi, messieurs, si la cour annuel le second arrêt ou jugement, il y a lieu à interprétation. C'est en vertu de l'arrêt rendu, chambres réunies, par la cour de cassation que l'affaire arrive devant le pouvoir législatif.

Le pouvoir législatif, saisi par l'arrêt rendu par les chambres réunies, doit consulter ce que cet arrêt à jugé, et sa mission est de définir, (page 636) de dissiper le doute qui a été proclamé pat les divers arrêts qui ont été prononcés sur le point en litige.

Or, messieurs, voici comment s'exprime l'arrêt de la cour de cassation qui a prononcé la nécessité d'une interprétation législative, qui en définitive, saisi le pouvoir législatif :

« Considérant que la seule question soumise à la cour par le pourvoi consiste à décider si dans le cas prévu par la disposition pépale de cet article, les jours de retard ne sont que les jours où le journal paraît sans contenir la réponse, ou bien sont indistinctement tous les jours, depuis l'omission d'insérer jusqu'à l'insertion effective, même ceux où le journal ne paraît pas. »

Voilà la question, telle qu'elle a été posée par la cour de cassation, chambres réunies.

Remarquez bien, messieurs, que toute autre question se trouvait dès lors hors du débat, c'est-à-dire que le point de savoir si le décret sur la presse est applicable aux journaux non quotidiens comme aux journaux quotidiens, avait été souverainement jugée, si même elle a été mise en débat.

En second lieu, que le point de départ pour le calcul des jours de retard, était le numéro paraissant utilement dans l'ordre de publication le surlendemain du jour qui a suivi le dépôt de la réponse.

Ces points-là, messieurs, ne sont pas en débat devant la Chambre, parce qu'ils n'étaient pas en débat devant la cour de cassation. Ces points étaient souverainement jugés. La cour de cassation, chambres réunies, n'a pas eu à se prononcer sur eux. L'arrêt y est resté complètement étranger. Lorsque la cour de cassation a prononcé le renvoi devant le pouvoir législatif, elle n'a pu renvoyer autre chose que ce dont elle était saisie et elle eût commis un abus de pouvoir criant, elle se fût mise au-dessus de la loi et en dehors de toute espèce de légalité en renvoyant au pouvoir législatif autre chose que le point sur lequel elle avait à se prononcer. Aussi ne l'a-t-elle pas fait. Elle a déterminé le seul point qu'elle eût à juger. Sur ce point il y avait dissentiment entre les cours. Elle n'a été saisie par le pourvoi du ministère public que de cette question. Et vous-mêmes, messieurs, je vous adjure de le bien remarquer, car, suivant moi, c'est une question très importante d'attributions et de séparation de pouvoirs, vous n'êtes saisi par la cour de cassation que du seul point sur lequel la cour de cassation pouvait juger.

Voilà pourquoi j'ai dit de prime abord, car cela m'a saisi lorsque j'ai entendu la lecture de l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, qu'il y avait chose jugée et que l'honorable M. Verhaegen, en présentant une loi nouvelle sur un point qu'il ne s'agit pas d'interpréter, faisait sortir la Chambre de sa mission de juge interprétatif souverain d'une question spéciale qui a été mise en doute et sur laquelle le doute a été proclamé par le dissentiment des cours d'appel avec la cour de cassation.

Messieurs, en commençant les développements de son amendement, l'honorable M. Verhaegen s'est attaché à dire qu'il y avait une interprétation forcée, que vous deviez prononcer, que vous deviez décider le point qui est soumis à votre approbation.

Pourquoi, messieurs ? Parce que le ministère public qui a saisi la justice, qui a saisi le pouvoir judiciaire a le droit, reconnu par la loi, de faire juger le procès ; parce que le procès doit être jugé, parce que le débat dont le pouvoir judiciaire est saisi, doit se terminer d'une façon ou de l'autre, soit par l'admission de l'interprétation des cours d'appel, soit par l'admission de l'interprétation de la cour de cassation. Mais vous ne pouvez pas priver le ministère public de ce qui lui a déjà été acquis par les décisions judiciaires, de ce qui peut-être n'a jamais été mis en contestation contre lui vis-à-vis des tribunaux ; c'est un point que vous soulevez ici d'office, et que vous ne pouvez soulever d'office, je le répète, sans renverser le sage principe de la séparation des pouvoirs et sans dépouiller le ministère public du droit acquis que lui ont conféré les cours et les tribunaux dans les points qui se sont plus contestés.

Voilà, messieurs, pourquoi je dis qu'il y aurait violation de votre pouvoir d'interprétation, si vous alliez au-delà de ce qui a été mis en contestation devant le pouvoir judiciaire. Il n'y a qu'un point de contestation et vous en créez un nouveau !

Vous venez dire : la loi ne s'applique qu'aux journaux quotidiens. Mais le pouvoir judiciaire a dit le contraire dans la cause qui est actuellement en débat et sur laquelle vous devez vous prononcer. Dans cette affaire la question de savoir si les journaux non quotidiens sont compris dans le décret, n'est pas dans le débat. Ce point, il est acquis et il est à l'abri de toute contestation.

Que demain un procès semblable soit commencé devant les tribunaux. Eh bien, les tribunaux pourront juger, s'ils le croient juste, que le décret sur la presse ne s'applique pas aux journaux non quotidiens. Ce sera une autre affaire. Le pouvoir judiciaire sera régulièrement saisi de cette question, et sur ce point, s'il y avait dissentiment ultérieur entre les cours d'appel et la cour de cassation, vous seriez saisis de ce point et vous pourriez faire ce que l'honorable M. Verhaegen proposé aujourd'hui. Mais, dans le cas actuel, vous ne pouvez pas le faire ; sinon, à propos d'un point qui est en dissentiment devant le pouvoir judiciaire, vous pourriez créer un corps complet de législation.

En effet, si vous êtes en droit de vous prononcer sur la question de savoir si le décret de 1831 est applicable aux journaux non quotidiens, je ne vois pas pourquoi vous n'auriez pas le droit de vous prononcer sur d'autres questions qui se rattacheraient plus ou moins au point en débat ; et ainsi, à propos d'un point précis, libellé en termes exprès par la cour de cassation, qui seule a pu vous saisir, vous feriez une loi nouvelle et vous pourriez renverser des choses jugées.

Messieurs, permettez-moi d'attirer votre attention sur la gravité de ces mots : « chose jugée ». La chose jugée, messieurs, c'est l'attribut essentiel du pouvoir judiciaire. C'est lui seul qui a le droit et la prérogative de créer une chose jugée, au même titre et avec la même force que vous avez le droit, vous pouvoir législatif, de créer une loi. Une chose jugée est une loi particulière à laquelle vous ne pouvez pas plus porter atteinte que le pouvoir judiciaire ne peut porter atteinte à une loi votée par vous dans l'exercice régulier de vos attributions.

Eh bien, messieurs, c'est afin de préserver la chose jugée de toute atteinte de votre part, de toute atteinte que vous pourriez y porter sous prétexte de souveraineté législative que je m'efforce de vous prémunir contre l'entraînement auquel vous pourriez obéir par cette faussé idée que vous êtes pouvoir souverain. Sans doute, messieurs, vous pouvez faire ce qui vous plait dans cette enceinte, vous pouvez supprimer les arrêts et opprimer les tribunaux ; vous pouvez dire que le droit acquis par les jugements et arrêts n'aura point son effet, et vous arriverez ainsi à exercer le pouvoir législatif devant lequel on devra s'incliner, auquel on devra obéir ; mais alors, messieurs, vous aurez créé l'anarchie.

Lorsqu'on a attribué aux pouvoirs certaines prérogatives, on a compté sur la sagesse, sur les lumières, sur la modération de ces pouvoirs ; on a dit que plus un pouvoir aurait de puissance, plus il s'attacherait à se renfermer dans les limites de ses attributions et à respecter celles des autres pouvoirs. Eh bien, messieurs, la chose jugée qui est la formule du pouvoir judiciaire, oppose une barrière infranchissable au système développé par l'honorable M. Verhaegen.

L'honorable membre cédant à cette pensée que vous exercez ici un pouvoir souverain, s'écrie avec indignation qu'il ne veut pas voir le pouvoir législatif à la remorque du pouvoir judiciaire. C'est là, messieurs, une grande phrase qui n'a aucune espèce de signification.

Comment ! messieurs, vous seriez à la remorque du pouvoir judiciaire parce que, régulièrement saisis d'une question à décider par une loi interprétative, vous devez vous borner, par la nature des choses, à résoudre la question que le pouvoir judiciaire vous a indiquée comme douteuse !

Mais vous n'êtes à la remorque de personne ; vous êtes souverains dans l'exercice de vos attributions, mais vous devez rester dans les limites que la loi vous a imposées jusqu'à ce que vous ayez changé la loi : vous êtes liés par elle comme le plus simple citoyen, et une branche du pouvoir législatif ne peut pas violer une loi sous prétexte de souveraineté.

Vous êtes liés par la loi, qui charge la cour de cassation de vous indiquer en termes formels ce que vous avez à faire relativement à l'interprétation de tel ou tel texte de loi, et c'est la cour de cassation qui connaît à fond les éléments du débat, qui vous dit sur quoi porte le dissentiment. Cette indication est souveraine et vous ne pouvez pas la modifier, sous prétexte que vous êtes souverains, vous ne pouvez pas changer les termes du débat, ni modifier ce que j'appellerai votre saisine : vous n'avez pas autre chose à voir que ce que la cour de cassation vous a indiqué.

Je le répète, messieurs, agir contrairement à ces principes ce serait agir souverainement, mais ce ne serait pas agir régulièrement, et si la souveraineté peut tout faire, tout ce qu'elle fait n'est pas toujours juste.

Je n'ai pas besoin d'insister sur la vérité de ces maximes. On a cité un exemple tiré de la question du dessaisissement du failli.

Il y a un certain nombre d'années, la question du dessaisissement du failli a été extrêmement débattue. Elle a été débattue devant cette Chambre et devant le Sénat.

Trois ou quatre fois la loi interprétative a fait la navette entre les deux Chambres et l'on en est arrivé à une rédaction sur laquelle les deux branches du pouvoir législatif se sont enfin mises d'accord. Eh bien l'honorable M. Verhaegen ne peut pas dire que la Chambre a agi souverainement dans cette question car la Chambre ni le Sénat ne sont jamais sortis de la question précise du dessaisissement.

La question était de savoir à quelle époque le failli était dessaisi de l'administration de ses biens ; c'est ainsi qu'elle était formulée par la cour de cassation, et la Chambre ne s'est jamais occupée d'autre chose. Ce point précis a été décidé par la loi interprétative dans la limite où il avait été soumis à la législature.

Ici, au contraire, après que la cour de cassation a eu soin de préciser la question qu'elle avait à juger, vous sortez de cette question et vous attaquez une autre partie de la loi sur laquelle il n'y a pas eu de dissentiment, qu'il ne s'agit pas de juger.

Sans doute, plusieurs rédactions sont proposées pour résoudre la difficulté relative au sens des mots « jour de retard », mais il en a été tout à fait de même pour la question du dessaisissement ; là aussi plusieurs rédactions avaient été proposées. La Chambre jugera laquelle des rédactions qui lui ont été soumises dans la question actuelle est la plus conforme au texte et à l'esprit du décret du 31 mai, elle ne peut pas aller au-delà et s'occuper de rédactions qui franchissent les limites du point en (page 647) contestation, et tranchent des questions en dehors de celle qui lui est soumise.

Je termine sur ce point, messieurs, parce que je pense que ce que l'honorable M. Verhaegen a appelé « une exception de chose jugée » mérite un nom plus relevé, celui d' « une exception de séparation de pouvoirs » : je crois l'avoir justifié de manière à ne pas craindre de réfutation fondée sur ce point.

Pour ce qui concerne, messieurs, le fond de l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, le point de savoir si le décret sur la presse s'applique aux journaux non quotidiens comme aux journaux quotidiens, je pourrais me borner à dire : «Vous êtes incompétents, je n'ai pas à m'expliquer sur cette question ; » mais l'honorable M. Vervoort a invoqué l'opinion du Congrès, il l'a fait en termes très éloquents, qui nous ont tous émus et il vous a conviés à rester dans la voie tracée par cette illustre assemblée.

Mais, messieurs, je voudrais savoir sur quelle autorité l'honorable M. Vervoort s'appuie pour dire que le congrès national et les législatures subséquentes qui ont révisé le décret du 20 juillet 1831, n'ont pas compris les journaux quotidiens dans les termes généraux de l'article 13.

Je vois que dans le premier arrêt de la cour de cassation sur cette affaire, M. Defacqz, membre actif et très libéral du Congrès national, faisait partie des conseillers qui ont prononcé cet arrêt ; je vois que dans le second arrêt rendu, toutes chambres réunies, M. le premier président de Gerlache, M. le président Van Meenen et M. Defacqz, rapporteur et rédacteur de l'arrêt, ont également pris part à l'interprétation qui vous est soumise ; je vois que dans le premier comme dans le second arrêt, l'honorable M. Leclercq, ancien membre du Congrès national, a également développé ce système avec une force que je considère comnie irrésistible.

Il me semble que ce sont là de puissants interprètes des intentions du Congrès. Je vois encore dans cette enceinte d'autres interprètes de ces intentions, c'est l'honorable comte de Theux, qui a été rapporteur du premier projet sur la presse en 1831 ; c'est l'honorable M. Lebeau qui, membre du Congrès, était également membre de la commission ; je soupçonne, je n'en ai pas la certitude, je soupçonne que l'honorable M. Devaux qui était rapporteur du décret qui nous régit encore actuellement, partage la même opinion. Il me semble que voilà une appréciation des intentions du Congrès qui vaut bien celle, très respectable, je le veux bien, mais un peu hasardée de l'honorable M. Vervoort, qui, comme moi, était à peine né, à cette époque, à la vie judiciaire.

Ainsi, messieurs, les membres du Congrès national qui siègent à la cour de cassation et ceux qui siègent dans cette enceinte sont des interprètes sur l'autorité desquels j'aime à m'appuyer, parce que les auteurs de la loi en sont les meilleurs appréciateurs. On oppose à cette autorité celle de M. Blargnies, conseiller à la cour d'appel de Bruxelles, et de M. Fleussu, conseiller à celle de Liège ; ce sont des appréciations individuelles également respectables ; ce sont d'anciens membres du Congrès.

Mais, s'il faut compter, après avoir pesé les avis, je dirai que l'avis qui a triomphé de l'arrêt de la cour de cassation a pour lui non seulement l'autorité qui se rattache au contrôle exercé par la cour de cassation sur les arguments émis par les cours d'appel, mais encore le contrôle attentif de la commission dans laquelle je rencontre, je le répète, les honorables MM. de Theux et Lebeau. Voilà pour l'interprétation du point de savoir si le décret sur la presse s'applique aux journaux non quotidiens.

Si cette question avait été mise en débat, si elle avait offert du doute, qu'auraient fait les honorables membres du Congrès qui siègent dans les cours d'appel ? Ils auraient provoqué la mise hors cause d'office du journaliste qui était poursuivi par le ministère public, car les tribunaux répressifs ne doivent pas attendre que les prévenus excipent de la non-applicabililé de la loi au cas qui fait l'objet de l'accusation, les tribunaux sont tenus d'office de relaxer tout individu prévenu d'un crime ou d'un délit, si ce crime ou ce délit ne sont pas prévus par la loi pénale.

En pareil cas, le devoir du juge n'est pas de juger, comme en matière civile, entre les divers faits qui lui sont soumis, mais c'est de substituer la volonté de la loi aux conclusions dont il est saisi soit par le ministère public, soit par la défense.

Or, personne n'a songé à relaxer le prévenu, en se fondant sur. la considération, que le décret sur la presse n'est pas applicable aux journaux non quotidiens.

C'est une preuve de plus qu'on a admis sans contestation que les journaux non quotidiens sont compris dans le texte comme dans l'esprit de l'article 13 du décret sur la presse.

Veuillez remarquer que lorsque par la loi du 19 juillet 1832, on a prorogé pour un an, et par la loi du 6 juillet 1833, prorogé définitivement le décret du 20 juillet 1831, on n'a pas mis en doute le point de savoir si ce décret s'applique aux journaux non quotidiens. On a dit qu'en 1831, il n'y avait pas d'autres journaux que les journaux quotidien. Si cela était vrai pour 1831, ce qui serait à vérifier, cela ne l'était plus au 6 juillet 1833 ; lorsque le décret a été prorogé pour la seconde fois, il existait bien certainement des journaux non quotidiens, et l'on n'a pas songé à compléter la loi au point de vue des journaux non quotidiens.

Je crois donc que si, par hasard, l'exception de non-recevoir fondée sur les attributions respectives des grands pouvoirs de l'Etat ne vous paraissait pas fondée, tout au moins vous seriez convaincus que l'amendement de l'honorable M. Verhaegen ne peut pas être admis, parce qu'il n'est pas démontré et qu'il n'est pas mis en débat que le décret sur la presse ne s'applique pas aux journaux non quotidiens.

Messieurs, après avoir rencontré les arguments que l'honorable M. Verhaegen a fait valoir à l'appui de son amendement, je crois devoir entrer dans quelques considérations en réponse à celles que l’honorable M. Vervoort vous a si habilement présentées. Il a développé sa théorie du doute ; il vous a dit qu'évidemment il y avait doute sur l'interprétation des mots : « jour de retard », il vous a lu un extrait du rapport de l'honorable M. Jonet sur la loi judiciaire et dans lequel cet honorable magistrat, alors membre de cette Chambre, a également dit qu'en cas de doute, il fallait que ce doute disparût d'une façon quelconque, qu'il devait disparaître devant un vote de la législature.

Mais, messieurs, ne fait-on pas une confusion ? Evidemment il y a doute sur la décision qui a été prise par les tribunaux, c'est-à-dire que les tribunaux étant en dissentiment dans la hiérarchie tracée par la loi, sur l'applicabilité d'une loi, ce dissentiment doit être dissipé par un pouvoir supérieur qui impose sa volonté aux divers corps judiciaires. Mais, messieurs, vous devez procéder d'après des règles qui ne sont pas même douteuses pour ce qui se rapporte à l'interprétation de la loi.

La cour de cassation dit qu'il n'y a pas de doute sur le calcul des jours de retard dans le décret sur la presse ; elle dit que la cour d'appel en interprétant autrement la loi a procédé d'après des règles d'interprétation fautive. C'est précisément parce qu'il y a eu erreur sur l'emploi des règles d'interprétation qu'il faut que le dissentiment qui en résulte cesse. Mais est-ce qu'il en résulte pour cela un doute sur le sens de la loi tel qu'il faille toujours se prononcer pour l'interprétation la moins sévère en matière pénale ?

En aucune façon, pas plus que quand, devant un simple tribunal correctionnel, il y a différence d'opinion entre le ministère public qui requiert et le tribunal qui refuse de faire droit à ses réquisitions ; dans ce cas, la cour d'appel à laquelle on défère le jugement de l'affaire, reste entièrement libre d'appliquer la loi. Il a pu y avoir doute sur la manière d'interpréter la loi, mais seulement en attendant qu'une autorité supérieure vienne déclarer qu'il y a eu erreur dans le mode de raisonnement de tel tribunal inférieur. Ce qui se fait par rapport à la décision d'un tribunal par la cour d'appel, vous le faites par rapport à deux cours d'appel prononçant daas un sens et la cour de cassation prononçant dans un autre.

Vous venez dire : Vous avez douté ; il n'y avait cependant pas matière à doute, vous avez mal appliqué les règles du raisonnement ; je dissipe le doute en disant que vous avez eu tort, que vous avez mal raisonné.

Si le raisonnement des honorables MM. Vervoort et Orts était valable, il en résulterait que vous ne seriez pas un pouvoir interprétant ou, permettez-moi le mot, un pouvoir interprétateur, vous seriez un bureau d'enregistrement des minimum ou des minima, dans les contestations judiciaires qui toucheraient aux clauses pénales.

On viendrait dire : Il y a doute s'il faut prononcer l'emprisonnement ou la réclusion. Puisqu'il y a doute, c'est la peine la plus douce, l'emprisonnement qu'il faut appliquer. Vous enregistreriez ainsi un des points du débat, sans vous donner la peine d'examiner si on a eu raison de douter. La question n'est pas de savoir si le doute existe, mais si on a eu raison de douter. C'est sur ce point que vous êtes appelés à décider.

Maintenant, les cours d'appel ont-elles eu tort de dire que par jour de retard il ne faut compter que les jours de publication des journaux non quotidiens ? Mon opinion à cet égard est développée dans les documents que vous avez sous les yeux, vous la connaissez tous, il serait fastidieux de revenir là dessus.

Je demanderai à l'honorable M. Vervoort ce qu'il ferait s'il était juge et que la partie, intéressée à obtenir une réparation dans le cas qui nous occupe, fût venue demander des dommages-intérêts civils et ne se fût par bornée à mettre en mouvement l'action publique ? Si M. Cabry s'était porté partie civile et s'il avait demandé des dommages-intérêts, ainsi formulés :

« Je demande vingt-cinq francs de dommages-intérêts pour chaque jour de retard. »

M. Vervoort jugeant le procès aurait-il dit que M. Cabry n'aurait eu droit qu'à 25 fr. par chaque jour de publication ? Probablement M. Vervoort aurait attribué à M. Cabry 25 francs par jour de retard compté physiquement et non fictivement.

Ce qui est vrai pour la peine civile qu'aurait requise et obtenue la partie lésée, est vrai pour la peine répressive que le ministère public a réclamée, en vertu du même droit de réponse, organisé par le décret sur la presse.

Je pense en fait, que s'il s'agissait de faire une loi nouvelle, aucun de ceux qui soutiennent l'interprétation des cours d'appel ne voudrait abonder dans le sens de ces cours. Il résulte de là que l'interprétation de la cour de cassation est loin de constituer une iniquité ou une violation morale, en même temps que judiciaire, de la loi.

Il est vrai de dire, au contraire, que l'interprétation qui a été consacrée par la cour de cassation est conforme à la nature des choses, à la nécessité de sauvegarder le droit de réponse, et, aux termes du décret sur la presse, cette interprétation est donc entourée de tous les éléments possibles de force, puisqu'on peut la considérer comme juste, convenable et légale.

(page 648) Je dirai quelques mots encore sur le droit de réponse. L'honorable M. Vervoort a voulu amoindrir la partie de la disposition qui donne à toute personne diffamée ou seulement mal à propos citée dans un journal le droit de repousser la diffamation ou d'expliquer les faits erronés qui la concernent.

J'ai rappelé déjà que j'étais d'accord avec les commentateurs français de la loi de 1822, en disant que les dispositions de cette loi étaient de l'essence du régime répressif d'une presse libre.

L'amendement a été maintenu sous tous les régimes, en France, depuis qu'il d été introduit dans la loi de 1822, et il a toujours été considéré comme une des garanties les plus puissantes de la moralité de notre presse depuis 1831.

L'honorable M. Dumortier a fait remarquer qu'on use du droit de réponse fréquemment et que, par conséquent, ce droit est utile et qu'on en apprécie toute la valeur.

Ainsi, messieurs, loin de vouloir faire considérer ce droit de réponse comme secondaire dans l'ensemble des moyens répressifs des abus de la presse, il faut le considérer comme je le fais, c'est-à-dire comme un des éléments essentiels de cette répression, et comme un des moyens les plus efficaces de moraliser et de détruire les mauvais effets de la calomnie ou de l'erreur lorsqu'elle atteint un individu qui est intéressé à faire connaître la vérité.

On dit, messieurs, qu'il n'y a pas d'égalité dans l'application de la loi ; que la diffamation qui a paru dans un journal non quotidien subsiste malgré tout, par la force des choses, tant que le journal n'est point arrivé au jour de sa publication ordinaire. Mais, messieurs, c'est, je le répète, la nature même des choses : la loi de 1822, en France, cette loi qu'on a citée avec éloge, que dit-elle ?

Elle dit que la réponse doit paraître dans les trois jours ou bien dans le numéro le plus prochain du journal. On a admis en France les conséquences de la périodicité plus ou moins longue du journal ; mais ce n'est pas un motif pour faire considérer le droit de réponse comme secondaire et pour amoindrir encore ce droit qui est dévolu à celui qu'a attaqué un journal non quotidien.

Supposons, messieurs, une maison de commerce dont un journal conteste la solvabilité et qui doit attendre plusieurs jours pour démentir une telle allégation, non seulement dans la presse quotidienne, dans la presse ordinaire, mais encore aux yeux des abonnés mêmes du journal qui se l'est permise ; supposez qu'indépendamment du retard que la nature des choses lui impose pour sa réponse, cette maison doive encore se voir privée de ce moyen répressif qui consiste à considérer comme jours de retard tous les jours qui s'écoulent depuis le moment où le journaliste a commis la faute de ne pas publier la réponse, qu'il était tenu d'insérer ? Assurément alors, la condition de cette maison de commerce serait des plus fâcheuses.

A cet égard, je vous prie, messieurs, de porter votre attention sur quelques considérants de l'arrêt de la cour de cassation.

« Considérant qu'il y a retard dans l'accomplissement d'une obligation dès que cette obligation a pu et dû être accomplie et ne l'a pas été. »

Voilà un principe fondamental et incontestable, principe qui sert de point de départ à tous les raisonnements de la cour de cassation qui continue ainsi :

« Que cet état de faute, qui commence à l'instant même où il y a contravention à la loi, ne cessant que par l'exécution du fait exigé, il n'est pas un seul des moments intermédiaires qui ne soit un moment de retard ;

« Que, suivant le sens littéral de l'article précité, les jours de retard sont donc tous ceux qui s'écoulent depuis que l'insertion de la réponse a été obligatoire et possible, jusqu'au jour où elle a réellement lieu. »

Ensuite l'arrêt discute les raisons puisées dans le texte et dans les principes, dans la lettre et dans l'esprit de la loi, et il continue ainsi :

« Qu'il en est tout autrement dès que l'insertion, devenue possible, a été négligée ; que la condition des deux éditeurs est alors égale comme leur faute ; que chacun d'eux a dû prévoir, d'après sa position particulière, quelles seraient les conséquences de l'inexécution de la loi, et ne peut imputer qu'à lui-même la peine dont il est frappé. »

Je vous avoue, messieurs, que ces raisonnements sont, d'après moi, sans réplique ; aussi m'ont-ils déterminé à vous proposer d'adopter le système de la cour de cassation.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez pour engager la Chambre à se rallier àu système du gouvernement et de la commission.

Je crois que c'est là le véritable sens, le sens pratique, équitable qu'il faut donner à la loi et que, en adoptant cette interprétation vous ne porterez aucune atteinte à la liberté de la presse, que l'honorable M.Vervoort a défendue en termes très éloquents sans doute, mais d'une manière tout à fait inopportune, parce que cette liberté n'est ici nullement en question.

Il s'agit ici, messieurs, de la presse qui attaque les personnes et qui se livre à des diffamations dont il est juste d'obtenir une prompte réparation ; tout le monde est d'accord sur ce point, même les honorables membres de cette assemblée qui ne partagent pas l'opinion de la cour de cassation. Or, le système du gouvernement tend à assurer une répression d'autant plus juste, dans l'espèce, qu'il s'agit d'un fonctionnaire qui avait obtenu réparation judiciaire d'une calomnie, et qui avait intérêt à faire paraître, dans le journal qui l'avait attaqué, une justification authentique de sa conduite et une réfutation formelle des faits qui lui avaient été imputés.

M. Julliot. - Messieurs, je ne dirai que deux mots pour motiver mon vote ; car je ne pourrais que répéter ce que déjà a été dit.

Je voterai dans le sens des cours d'appel, parce que je pense que si l'interprétation de la loi est faite dans ce sens, on nous présentera sans retard un projet de loi spécial applicable aux journaux et écrits périodiques, ce que je désire.

Je ne puis voter l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, parce que l'objet de son amendement n'a pas été en contestation entre les diverses cours supérieures, toutes sont d'accord sur le point que les journaux périodiques sont soumis à la loi, ce n'est que sur le quantum de l'applicabilité qu'elles diffèrent ; or pour interpréter une loi, la Chambre doit se placer entre les diverses cours, mais non pas à côté de ces cours pour s'occuper d'un point qui n'a été ni soulevé ni contesté entre ces diverses cours.

A mes yeux, l'amendement de l'honorable député de Bruxelles est un projet de modification à la loi et non pas d'interprétation.

La Chambre peut tout, dit-on ; oui, en suivant toutefois la ligne tracée par la Constitution ; mais il me semble que si la Chambre amende une loi, quand sa mission constitutionnelle se borne à l'interprétation, il y a conflit entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Je ne tranche rien, mais je ne suis pas rassuré sur ce que nous allons faire.

M. Malou. - Vous avez entendu dans la séance d'aujourd'hui, messieurs, d'éloquents discours en faveur de l'appelant. Permettez-moi de faire valoir à mon tour les moyens de l'intimé, car l'intimé c'est le public.

Je dirai d'abord un mot en ce qui concerne la liberté de la presse. Ce mot, je l'emprunte à un éminent prélat français : « J'aime trop la liberté quand elle me sert, pour m'en plaindre quand elle me gêne. »

Je l'aime donc non seulement par principe mais encore par intérêt. J'insiste de nouveau sur cette considération : la liberté de la presse suppose la garantie des citoyens contre la licence ou les abus possibles de la presse. De quoi s'agit-il après tout ? Un journaliste attaque à bon droit ou à tort un citoyen ? Il dresse un acte d'accusation devant un tribunal, et quel est le juge ? L'opinion publique. Et ce journaliste, quand il a formulé l'accusation, pourrait impunément ôter la parole à la défense devant le même tribunal de l'opinion ?

Est-ce là, messieurs, le genre de liberté que nous devons développer, la liberté vraie et morale que nous voulons tous maintenir ? Partout, dans toutes les dispositions de nos lois, dans notre règlement même, que trouvez-vous ? Les plus grands intérêts du pays seraient en jeu devant la Chambre, lorsqu'un fait personnel surgit, lorsque l'un de nous croit avoir à répondre à une accusation qui est lancée contre lui, vous interrompez la discussion des intérêts de la nation, parce que le patrimoine le plus précieux de chaque citoyen, c'est son honneur et que partout il doit avoir une protection immédiate.

Et ici l'on veut interpréter une loi de manière à énerver une disposition pénale dont le seul but, après tout, est d'assurer au citoyen le moyen de se faire entendre devant le juge devant lequel on l'a traduit, devant l'opinion.

Dans quelles circonstances encore ? Lorsque tous les avantages de la position sont pour l'attaque. Et, en effet, en donnant la réponse de quelqu'un qui se croit lésé, le journaliste a encore le dernier mot. Il peut continuer ; il peut redoubler.

La plupart du temps, lorsque le droit de réponse est exercé, n'est-ce pas ainsi que les choses se passent ?

Le préjudice pour le citoyen, qu'il s'agisse de son honneur ou de ses intérêts matériels, peut être très considérable.

Je suppose que, dans un journal hebdomadaire, on dise : Telle maison de commerce décline, elle est au-dessous de ses affaires, et qu'à cela on refuse d'insérer une rectification, une réponse. Direz-vous que ce fait, de démolir ainsi le crédit d'une maison de commerce et de ne pas vouloir le réparer, en s'adressant au même public, n'acquiert pas une gravité proportionnelle au temps ? Et ce qui est vrai de l'intérêt matériel, ne l'est-il pas à plus forte raison, lorsqu'il s'agit de l'honneur qui est le premier intérêt, le plus précieux patrimoine de tout citoyen ?

Je partage entièrement sous ce rapport l'opinion de mon honorable ami M. Dumortier. Le droit de réponse immédiate est certainement, pour le citoyen attaqué, la plus puissante, la première, la plus immédiate des garanties, celle que le congrès a voulu assurer à tous et assurer complètement. Les autres moyens sont plus lents, plus dispendieux, souvent même moins efficaces.

Un citoyen est attaqué depuis trois mois ; depuis trois mois on le signale comme voleur et concussionnaire ; il poursuit en justice celui qui l'a injustement attaqué. Au bout de trois mois il obtient un jugement, il demande que, pour toute réponse, les considérants du jugement soient insérés dans le journal et on lui fait encore attendre trois semaines cette réparation. Est-ce là le sens réel, le sens utile, le sens social d'une disposition législative ?

Messieurs, l'honorable M. Vervoort vous a parlé, dans une éloquente péroraison, des pensées grandes et généreuses du Congrès. Nous avons ici à rendre au Congrès un hommage plus réel, mais plus modeste : c'est de supposer que le Congrès a fait une loi sage, une loi complète, c'est (page 649) d'admettre qu'il n'a pas été imprévoyant, qu'il a connu les faits qui se passaient en Belgique et qu'il a voulu assurer la répression réelle des abus de la presse.

J'ai entendu beaucoup parler de doute, et je crois que si nous discutions ainsi quelques jours encore, il y aurait peut-être plus de doutes qu'en commençant. Mais le premier principe de l'interprétation en toute matière, de l'interprétation doctrinale comme de l'interprétation législative, principe que j'ai entendu enseigner, est celui-ci : il faut faire au législateur l'honneur de supposer qu'il s'est inspiré à la fois des nécessités sociales et des règles du sens commun.

Tel est l'hommage que je vous demande de rendre au Congrès national, en votant le système de la cour de cassation proposé par le gouvernement et par votre commission.

En effet, messieurs, dans tout autre système, vous devez supposer que le Congrès a voulu établir un privilège pour certaine catégorie de publications, privilège inutile, et qu'il pouvait éviter.

On vous l'a fait remarquer plusieurs fois, il y a déjà, au point de vue des intérêts des citoyens, une inégalité en ce que la réparation est beaucoup plus tardive de la part d'un journal non quotidien. Mais faut-il, parce que cette inégalité existe, en ajouter spontanément une autre et donner un privilège nouveau, de telle sorte que, pour une somme minime, on puisse étuder la réparation que le législateur a voulu, a dû vouloir accorder au citoyen ?

Est-il exact de dire, messieurs, qu'à l'époque où le décrét a été fait, il n'existait en Belgique que des journaux quotidiens ?

M. Dumortier. - J'ai dit que je croyais.

M. Malou. - Je crois que les souvenirs de l'honorable membre qui le premier a affirmé ce fait l'ont mal servi. Car, antérieurement à la révolution de 1830, il existait, notamment dans les Flandres, un bon nombre de journaux politiques qui n'étaient pas quotidiens. J'en nommerai un qui a exercé, dans la lutte contre le gouvernement des Pays-Bas, une très grande influence, le « Vaderlander ». Il n'était pas quotidien. Un honorable ami m'assure qu'il en a connu dix ou douze qui étaient dans ce cas.

Vous devez donc affirmer que le congrès ne connaissait pas les faits qui existaient en Belgique, ou que, connaissant ces faits, il a voulu assurer une impunité relative, ou une impunité absolue, si l'on admet l'amendement de l'honorable M. Verhaegen. Il faut faire plus ; il faut supposer que le Congrès, dans deux articles qui se suivent dans le décret de 1831, a voulu établir le même privilège. Ainsi le mot « journal » se trouve encore à l'article 14 du décret. Le mot « journal » a-t-il le sens que l'honorable M. Verhaegen lui impute ?

S'agii-il expressément de la feuille rigoureusement quotidienne ? Alors il faut dire que la feuille rigoureusement quotidienne est aussi la seule qui doit indiquer le nom de l'imprimeur.

M. Orts. - C'est dans le Code pénal pour lous les écrits.

M. Malou. - Ce serait dans le Code pénal pour tous les écrits, que je serais encore en droit d'invoquer l'argument tiré de l'article 14, puisque le Congrès a fait une législation sur la presse en dehors du Code pénal, et je le répète, si le mot « journal » a le sens restreint que l'on veut lui donner, l'imprévoyance du Congrès devient réellement inexcusable.

Messieurs, le discours de l'honorable M. Verhaegen me paraît composé de deux contradictions. La première consiste à dire : nous sommes juges ; mais nous allons nous placer en dehors des jugements rendus. La seconde consiste à dire : Le mot « journal » ne s'applique qu'aux feuilles qui paraissent tous les jours, et l'honorable membre un peu plus loin ne trouve pas d'autre expression pour désigner certains écrits périodiques, que le mot « journal hebdomadaire ».

Le principe de l'amendement de l'honorable M. Verhaegen soulève une question très grave. Il complique singulièrement la discussion actuelle. Car nous sommes déjà un peu en peine de mettre un terme au dissentiment qui existe entre les corps judiciaires, et d'après l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, il s'agit aujourd'hui d'interpréter notre pouvoir interprétatif.

Je m'abstiens de discuter complètement la question. Mais il me paraît, d'après le texte de la loi de 1832, comme d'après la nature des choses, que nous ne pouvons pas sortir des éléments du procès ; que nous devons juger le dissentiment tel qu'il existe entre les cours et les tribunaux et ne pas prendre une décision nouvelle, faire une loi nouvelle sous prétexte d'une loi interprétative. Car c'est bien le caractère de la disposition proposée par l'honorable membre.

Il a cité un antécédent relatif au dessaisissement en matière de faillite. Si mes souvenirs sont fidèles, la disposition ajoutée à la loi n'était pas en dehors de la question, puisque le dissentiment portait précisément sur le point de savoir quel était le sens du mot « dessaisissement », et que la définition de ce mot a été donnée dans la disposition dont il s'agit.

Je disais tout à l'heure qu’il fallait nécessairement interpréter la loi de manière à ce que le sens en fût complet, logique et utile, en admettant comme point de départ que le législateur n'est ni imprévoyant, ni partial, ni absurde.

Il y a une deuxième règle que l'on perd entièrement de vue, c'est qu'une disposition spéciale doit, au besoin, s'interpréter par les principes généraux du droit, et quel est, messieurs, lorsque en vertu d'une loi ou d'un contrat une pénalité est établie ou stipulée proportionnellement au temps, quel est le principe général du droit ? La pénalité conventionnelle ou légale s'applique par jour.

Ainsi, dans un contrat, un particulier stipule que si, par exemple, une machine n'est pas livrée tel jour, il y aura une amende de 10 fr. par jour de retard ; aura-t-on le droit de dire que les jours fériés ne doivent pas compter ? Aucun tribunal n'admettrait un pareil système. Vous m'avez causé un préjudice le jour où vous n'avez pas posé un fait, vous me devez une réparation proportionnelle au temps pendant lequel vous avez omis de poser ce fait.

Tel est le principe général du droit. Je fais une autre supposition ; il y a, par exemple, tous les 15 jours un départ de Bombay pour Anvers ; un négociant de Bombay s'est engagé à expédier à chaque départ telle quantité de marchandises à peine de 42 francs par jour de retard, il laisse passer un jour ; il cause une lésion à son correspondant d'Anvers ; pourra-t-il dire : Le lendemain du départ du bateau je me suis repenti ; j'ai beaucoup de regret d'avoir laissé partir le navire sans avoir rempli mon engagement. Que m'importe ? vous m'avez causé une lésion proportionnelle au temps, vous me devez ces marchandises depuis 15 jours, la pénalité stipulée par le contrat doit évidemment s'appliquer par jour.

Je n'insiste pas sur ces exemples qui mettent en relief les principes généraux du droit sur les clauses pénales moratoires ; mais je demande quelle est celle de nos lois pénales qui fait la part du repentir ? Un individu en attaque un autre, il lui porte des coups et blessures ; il serait parfaitement non-recevable à dire le lendemain qu'il s'est repenti. Le repentir aurait dû venir la veille. De ce qu'on ne peut pas utilement, en publiant un supplément, réparer la faute commise et dont on connaissait toute la gravité, d'après la nature même de la publication, on viendrait dire qu'on est puni pour l'omission d'un fait qu'on ne peut plus poser.

Est-ce que le dimanche, le jour où l'insertion devait avoir lieu, l'éditeur ne savait pas que pendant 8 jours, pendant un mois la calomnie ou l'injure serait maintenue et la réparation refusée ? Est-ce que la faute n'est pas complète dès ce jour-là et ne comprend-elle pas toute la période pendant laquelle le publiciste s'est mis de son plein gré dans l'impossibilité de réparer le tort qu'il a causé ? C'est là l'argument capital selon moi, c'est ce que j'appelais l'autre jour la raison de décider malgré mille raisons de douter.

Mais, dit-on, le journal était peut être imprimé le jour où la réponse a été remise.

Si l'éditeur venait prouver que le journal était imprimé au moment où il a reçu la réponse, les tribunaux tiendraient compte de ce fait ; mais telle n'est pas l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Il n'est donc pas exact de dire comme l'honorable M. Vervoort, que par l'effet du système de la cour de cassation, le journal qui ne paraît que tous les trois mois, encourrait nécessairement quatre-vingt-dix amendes.

Si le journal ne paraît que tous les trois mois, et s'il reçoit la réponse avant l'impression, il encourra autant d'amendes qu'il s'écoule de jours entre la publication de deux numéros, parce qu'il connaît la gravité de la faute qu'il commet ; mais si la réponse arrive trop tard, c'est à partir du numéro suivant que la nécessité de la réparation commence et que la faute nuit si la réparation n'est pas accordée.

Veut-on envisager l'article 13 du décret, l'amende proportionnelle au temps comme n'ayant pas le caractère d'une pénalité proprement dite, la conclusion est la même. En effet, messieurs, le Congrès a eu en vue un moyen de contrainte autant qu'une pénalité. Si telle a été sa pensée, pouvez-vous admettre un système qui fait disparaître l'énergie, la force même de la disposition en ce qui concerne les journaux non quotidiens ?

Le Congrès a eu en vue autant un moyen de contrainte qu'une pénalité proprement dite ; il avait sous les yeux la loi française de 1822 ; il s'en est écarté en un point essentiel : il a créé cette amende proportionnelle au temps, au lieu d'une amende variable d'après les circonstances, entre 50 et 500 fr., et en établissant cette amende proportionnelle au temps, il pouvait évidemment omettre la distinction entre les journaux quotidiens et ceux qui ne le sont pas.

Telle est, ce me semble, la seule conclusion fondée que l'on puisse tirer de la loi française de 1822. On n'a pas reproduit dans la loi de 1831 la distinction entre les journaux quotidiens et les écrits périodiques parce qu'on a établi, en règle générale, une amende proportionnelle au temps pour toutes les publications.

Ces principes, messieurs, ont déjà été admis par la cour de cassation dans l'arrêt dont l'honorable M. Orts a fait mention dernièrement. Mais, veuillez-le remarquer, messieurs, lorsque la cour de cassation, incidemment, dans cet arrêt, disait que la pénalité ne s'arrête qu'au jour de l'exécution (la pénalité proportionnelle au temps), si, comme dans l'espèce, elle consiste dans la prestation d'un fait que la personne obligée a pu exécuter, la cour de cassation avait à s'occuper de journaux quotidiens et à décider la question de savoir si la mise en demeure judiciaire faisait cesser la pénalité de 20 florins par jour.

Il était très naturel alors que sans préjuger la difficulté qui nous est actuellement soumise, elle déclarât que malgré la mise en demeure judiciaire la pénalité continuait à être due. L'argument revient donc à dire que la cour de cassation a décidé par prétention, par son silence, en s'occupant d'une affaire qui ne lui était point soumise.

Du reste, la cour de cassation, dans cet arrêt, pose les véritables principes (page 650) en décidant qu'aucun prétexte ne peut faire cesser l'amende proportionnelle au temps jusqu'à ce que l'obligation légale soit accomplie, et c'est là, on ne peut trop le redire, la pensée que le Congrès a formulée dans l'article 13 du décret.

La raison de cet article et de l'interprétation que la cour de cassation y a donnée, peut se déduire d'une autre manière .Lorsqu'il y a une attaque dirigée contre un citoyen, suffît-il que celui qui la publie s'adresse à un autre public ? Non ; pour que la réparation soit efficace, sérieuse, il faut qu'elle s'adresse au public qui a lu l'attaque, et c'est pour cela qu'on ne peut pas se libérer de l'obligation en publiant un supplément qui évidemment ne parvient pas à la même adresse. Là est la seule inégalité qui naisse de la nature même des choses ; mais en bonne interprétation, en logique, comme au point de vue de l'intérêt social, ou ne peut ajouter volontairement à cette inégalité qui résulte de la force des choses, une inégalité par voie d'interprétation législative.

M. Verhaegen. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire en réponse au discours de l'honorable M. Malou, car je ne veux pas, par de longs développements, distraire l'attention de la Chambre des points qui sont réellement en contestation.

D'abord, il est évident pour moi, nonobstant ce qu'on a dit, que le Congrès national n'a songé qu'aux journaux quotidiens. Je ne veux point l'impunité pour les journaux non quotidiens. J'ai reconnu qu'il y a quelque chose à faire ; il y a une lacune à combler et il faut la combler le plus tôt possible.

Aussi n'est-ce pas la question. Il s'agit de savoir si le décret sur la presse est applicable aux journaux non quotidiens.

L'observation de l'honorable M. Malou qui a prétendu que j'étais en contradiction, parce que j'avais parlé de journaux hebdomadaires, tombe d'elle-même ; j'ai parlé des journaux quotidiens et non quotidiens, et parmi ces derniers j'ai cité notamment les journaux hebdomadaires.

J'ai dit que le décret sur la presse ne s'est pas occupé des journaux non quotidiens, que le Congrès national ne songeait pas à ces journaux. M. le ministre de la justice a demandé à mon honorable ami M. Vervoort où il avait trouvé cela. Je réponds que je le trouve dans le texte de la loi.

Je voudrais bien qu'onme démontrât comment les mots « le surlendemain du jour » peuvent s'appliquer à des journaux non quotidiens : Un journal sera tenu d'insérer la réponse dans le numéro paraissant le surlendemain du dépôt de cette réponse... » Cette disposition peut-elle concerner un journal autre qu’un journal quotidien ? Je demande une réponse à M. le ministre de la justice.

Celle première partie de l'article ne peut, évidemment, s'appliquer qu'aux journaux quotidiens, Or, l’article est indivisible, il n'y a qu une seule et même disposition dans l'article 13 ; si la première partie ne peut s appliquer qu'aux journaux quotidiens, tout l'article 13 ne peut s'appliquer qu'aux journaux quotidiens. Cela est logique.

Maintenant tous les amendements présentes changent les termes de l'article 13 ; c'est une loi nouvelle qu'on propose. Je veux bien une loi nouvelle ; elle est nécessaire, je l'ai reconnu, mais je ne la veux pas sous forme de loi interprétative. En effet, j'ai deux missions à remplir ici. D'abord je juge un procès, et je ne puis venir en aide à ceux qui veulent que telle chose soit, par une mesure défavorable qui doit enlever des droits à un tiers. Ce point est donc incontestable.

Reste un autre point qu'on a appelé d'abord « la chose jugée » et qu'on élève maintenant aux proportions d'une question d'attribution de pouvoirs. Je le veux bien, et c'est précisément pour cela que j’appelle à ce sujet toute l'attention de la Chambre. Oui, c'est une question d'attribution de pouvoirs ; les mots « chose jugée » n'étaient pas les termes propres. Sans plaisanterie, ce serait une « chose cassée » et non une « chose jugée » (interruption). Je m'explique.

Pour qu'il y eût chose jugée, il faudrait que la question eût été soumise ; or, la question n'a jamais été soumise ; M. le ministre de la justice l'a dit lui-même : la question n'a pas été soumise, mais on l'a supposée décidée. Autre chose est une question supposée décidée et une question définitivement jugée. Mais je n'ai pas besoin de faire la distinction, elle sera appréciée par vous tous, et notamment par M. le ministre de la justice.

Il n'y a pas chose jugée, parce que la question de savoir si le décret est applicable oui ou non aux journaux non quotidiens n'a pas surgi ; elle n'a pas été décidée, mais on a supposé que cela était ainsi ; on a préjugé, mais on n'a pas jugé. (Interruption.)

Jugé implicitement, me dit-on ; soit, cela n'infirme en rien mon argument ; décidé implicitement, mais pas explicitement, pas positivement.

Eh bien, voyez où vous marchez et comment vous faites beau jeu de nos attributions.

Il y a trois opinions qui se présentent sur une question de droit, il y en a deux mauvaises et une bonne ; les cours d'appel adoptent une des deux mauvaises opinions, la cour de cassation adopte l'autre ; et la troisième, qui est la bonne, la seule que, moi législateur appelé à interpréter la loi, trouve conforme au texte de cette loi, il faut que je la néglige, il faut que j'adopte l'une ou l'autre des deux mauvaises.

Prenons un exemple, pour me faire ainsi comprendre.

Un individu est traduit devant la justice répressive. Une cour d'appel le condamne comme coupable d'un fait qui constitue, d'après elle, un vol ; on casse le jugement ; la cour de cassation dit : c'est une escroquerie ; on renvoie l'individu devant une autre cour d'appel ; cette cour juge comme la première ; la cour de cassation casse de nouveau ; l'on vient me demander d'interpréter la loi, et je trouve qu'il n'y a ni voleur ni escroc.

Je ne pourrai cependant pas sortir de l'une de ces deux décisions, je devrai dire : « C'est un voleur ou c'est un escroc. » Et, d'après moi, l'individu n'est ni l'un ni l'autre, il faut que j'interprète la loi comme les cours d'appel ou comme la cour de cassation ; il faut que je condamne un homme comme voleur ou comme escroc, alors qu'à mes yeux il est innocent. Cela n'est pas admissible.

Messieurs, il y a une singulière contradiction dans le système de M. le ministre de la justice. Si j'ai tenu bonne note, il a dit, pour aller au-devant de l'objection, que la question n'avait pas été soulevée, que les conseillers des cours d'appel et de la cour de cassation devaient d'office faire valoir le moyen de la non-applicabilité de décret. Or, messieurs, nous sommes juges dans ce moment, tout aussi bien que les membres des cours d'appel et de la cour de cassation, et dès lors, pourquoi ne pourrons-nous pas d'office dire que le décret n'est pas applicable aux journaux non quotidiens ?

N'avons-nous pas le droit, comme membre du pouvoir législatif, d'examiner cette question ?

C'est cette question que j'ai examinée et par suite je déclare, par mon amendement, que le décret n'était pas applicable.

Je termine par cette observation en réponse à l'honorable M. Julliot qui prétend que je fais quelque chose de nouveau, que je fais une loi nouvelle ; pas du tout ; ce sont, au contraire, mes honorables collègues qui, par leurs divers amendements, modifient quelque chose au décret ; moi je ne modifie rien, je laisse l'article tel qu'il est, je déclare ce que j'ai le droit de déclarer, que c'est là ce que le Congrès a voulu faire. Je laisse les choses en l'élat. J'ai dit.

- Plusieurs voix. - La clôture, la clôture !

M. Vervoort. - J'ai demandé la parole.

- Une voix. - Parlez contre la clôture.

M. Vervoort. - J'avais demandé la parole pour parler dans la discussion. Sur la clôture, je n'ai rien à dire.

M. Frère-Orban. - Avant de clore, je voudrais faire une proposition ; c'est de renvoyer l'amendement de M. Verhaegen à l'examen de la commission. Cet amendement soulève une question de la plus haute gravité qui mérite d'être examinée ; elle ne l'a été par personne, elle a été produite dans le cours de cette séance ; la prudence exige qu'on la soumette à un examen plus approfondi.

M. Dumortier. - La demande de clôture devient sans objet si le renvoi proposé par M. Frère est adopté.

M. Malou. - Si on renvoie à la commission l'amendement de M. Verhaegen, il faul lui renvoyer les autres également.

M. Orts. - Je désire savoir à quelle commission on veut renvoyer les amendements, car le renvoi à la commission dont M. Malou est l'organe, me paraît tout à fait inutile.

M. le président. - On ne peut pas destituer une commission.

M. Frère-Orban. - M. Malou est le seul membre de la commission qui ait parlé dans la discussion ; on ne connaît pas l'opinion des autres membres. En second lieu, sur la question toute nouvelle, soulevée par l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, personne n'a été appelé à se prononcer.

- Le renvoi de tous les amendements à la commission est ordonné.

M. le président. - Je rappelle à la Chambre que c'est mardi prochain qu'aura lieu l'examen en sections du projet de loi des jurys d'examen.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.