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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 26 avril 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 957) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Cornu demande qu'il soit donné une interprétation directe à la première partie de l'article 1728 du Code civil ; que le locataire de jardins et terres dépendantes de propriétés bâties soit traité sur le même pied que le fermier sortant ; qu'il soit permis de se défendre sans constitution d'avoué devant le tribunal de première instance ; qu'il soit pris des mesures relativement aux avances à rembourser aux avocats et à leurs honoraires ; que les actes de non-conciliation relatent les motifs du refus de transiger ; que les 25 lignes dans les expéditions des actes publics soient de 15 syllabes environ ; que les procédures contre les insolvables soient gratuites ; qu'il y ait un maximum de frais d'avocats jusqu'à la première audience inclusivement ; que les notaires ne puissent se charger d'intenter ou diriger des actions en justice. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Lelièvre. - Je ne partage pas l'avis du pétitionnaire sur plusieurs observations par lui émises. Toutefois la pétition a quelque rapport avec le tarif des avoués qui est attendu depuis longtemps avec une légitime impatience. Cet objet ayant un caractère évident d'urgence, surtout depuis la loi sur l'expropriation forcée, promulguée le 15 août 1854, je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition esi adoptée.


« Le sieur Wineart demande la révision de la loi sur la sophistication des denrées alimentaires. »

- Même renvoi.

M. Rodenbach. - Je demande que la commission soit également invité à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Par trois pétitions, plusieurs habitants des districts liniers de Lokeren, Saint-Nicolas, Termonde, Malines, Gand, Bruges, Courtrai, Roulers, Ypres, Ath et Tournai, réclament l'intervention de la Chambre pour que la douane permette la libre exportation du déchet de lin. »

- Même renvoi.


« Plusieurs notaires de l'arrondissement de Nivelles demandent que les fonctions de notaire soient déclarées incompatibles avec celles de bourgmestre ou d'échevin. »

- Même renvoi.


« Le sieur Falisse demande une loi qui interdise le commerce aux fils ou filles de magistrats, au moins dans la commune où ces derniers exercent leurs fonctions. »

- Même renvoi.


« Le sieur Clément transmet à la Chambre une copie de sa pétition à M. le ministre des travaux publics, relative à l'insuffisance du matériel roulant sur le chemin de fer de l'Etat. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Les sieurs Regnier-Poncelet, Gelis et autres membres du bureau de la réunion des constructeurs mécaniciens du pays, prient la Chambre de ne plus renouveler la loi qui autorise rentrée en franchise des droits de machines inconnues eu Belgique. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à l’entrée des machines.

M. Manilius. - La réclamation des fabricants constructeurs de mécaniques est renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'entrée des machines, mais cette section centrale n’existe pas, le projet de loi n'est même pas encore à l'ordre du jour des sections. Cependant on a fait hier la distribution des pièces. Je demande le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur lequel on devra faire un prompt rapport pour le discuter le plus tôt possible. Toutefois je ne m'oppose pas au renvoi à la section centrale.

M. Rodenbach. - Je ne m'oppose pas à la demande de l'honorable préopinant, mais il me semble qu'il serait plus rationnel de renvoyer la pétition à la section centrale qui pourrait faire un rapport spécial sur cette pétition et sur le projet de loi dont nous devrons nous occuper prochainement, car, si je ne me trompe, la loi qu'il s'agit de proroger expire le 24 mai.

M. le président. - La demande de M. Rodenbach rentre dans celle de M. Manilius.

S'il n'y a pas d'opposition, je la déclare adoptée.


« M. Van Remoortere, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Formation du bureau de la chambre

Allocution du nouveau président

M. le président. - Messieurs et chers collègues, en prenant place au bureau où vous m'avez fait l'honneur de m'appeler hier en mon absence, mon premier devoir est de vous exprimer ma profonde gratitude.

Je ne me dissimule pas combien il sera pour moi difficile de concilier les devoirs de la présidence avec les devoirs de l'administration d'une grande cité qui m'a donné trop de preuves de bienveillance et de sympathie pour que je ne me dévoue pas entièrement à ses intérêts. Mais en présence d'une session qui sera nécessairement courte, et ne voulant pas renouveler l'épreuve qui a eu lieu hier, je n'ai pas cru devoir reculer devant la manifestation de la majorité.

Je regrette, comme chacun de vous, la retraite de mon honorable prédécesseur qui dans les fonctions de la présidence a fait preuve de talents et d'une impartialité qui l'ont placé bien haut dans l'estime de ses concitoyens ; je regrette, dis-je, qu'avec de pareils antécédents, il ait cru devoir renoncer à la présidence. A défaut de talent, je ferai preuve d'impartialité ; mon dévouement vous est acquis ; comme lui je tâcherai de maintenir intactes les prérogatives et la dignité du parlement. Pénétré de l'esprit qni a présidé aux travaux du Congrès dont je suis fier d'avoir fait partie, je ne perdrai pas de vue que c'est aux sentiments d'union et de conciliation que nous devons la Constitution la plus libérale dont jouisse une nation.

Je m'efforcerai de maintenir parmi vous ces sentiments, bien convaincu que seuls ils nous permettront de surmonter les dangers qui pourraient menacer notre nationalité.

Projet de loi modifiant l’article 216 du Code de commerce

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de modifications à l'article 216 du Code de commerce.

M. Van Iseghem, rapporteur. - La commission s'est réunie aujourd'hui, elle n'a pas pu terminer son examen ; lundi la commission se réunira de nouveau et je tâcherai alors de présenter de suite mon rapport sur les amendements de M. Sinave ; de manière que la discussion ne pourra jamais être reprise avant la semaine prochaine.

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Demande d'ajournement

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je demande l'ajournement du projet de loi sur le tarif des douanes à la session prochaine.

Le temps nécessairement assez court dont nous pouvons disposer d'ici à la clôture de la session devra être consacré presque entièrement à nos délibérations sur plusieurs projets de loi urgents, indispensables à la marche des services publics.

La discussion du projet de loi sur le tarif des douanes, à en juger par l'importance de son objet et par le nombre d'articles dont il se compose, pourrait nous occuper à elle seule jusqu'à la fin de la session actuelle.

Cette considération suffirait, messieurs, pour motiver l'ajournement que je demande. Il en est d'autres cependant que je m'empresse d'exposer à la Chambre.

Les membres du cabinet sont d'accord sur le principe d'une prudente réduction des droits protecteurs et de la simplification du tarif des douanes ; mais on le comprendra sans peine, ils n'ont pu, depuis sa constitution, se livrer à une étude assez détaillée, assez approfondie des articles spéciaux du tarif pour pouvoir assumer sur eux la responsabilité de mesures d'une aussi haute gravité. D'un autre côté, nous pensons qu'il est désirable que la révision du tarif soit générale et simultanée. Les intérêts engagés nous paraissent avoir entre eux une telle connexité, qu'il y aurait injustice à séparer la cause des différentes industries du pays. Notre intention est de continuer, dans l'intervalle des sessions, le travail commencé par nos honorables prédécesseurs.

Indépendamment des lumières que le gouvernement recueillera des avis des corps constitués, il cherchera à s'éclairer par voie d'enquête sur la véritable situation de nos industries. L'instruction sera faite au triple point de vue du consommateur belge, de la concurrence des produits étrangers et du revenu du trésor.

Les industries qui sont en cause seront entendues par l'organe des chefs de leurs principaux établissements ; des questions appropriées à chaque spécialité seront posées ; les réponses auxquelles elles donneront lieu seront consignées dans des procès-verbaux ; ceux-ci comprendront, en outre, les observations qui seront produites à cette occasion par les intéressés, ainsi que les objections auxquelles elles auront pu donner lieu.

Nous espérons, messieurs, que le gouvernement et les Chambres parviendront, par ces moyens combinés, à résoudre avec toute la maturité nécessaire et de la manière la plus conforme aux intérêts du pays, des questions qui se rattachent si intimement à la richesse nationale, aux ressources de l'Etat et au sort de nos travailleurs. Du moins, rien de ce que nous conseillent la prudence et l'amour du bien public n'aura été négligé pour atteindre ce but.

J'espère par ces considérations que la Chambre voudra bien prononcer l'ajournement à la session prochaine du projet de loi dont il s'agit.

M. Osy. - Messieurs, j'apprécie les raisons que vient de nous donner l'honorable ministre des finances pour demander l'ajournement à la (page 958) session prochaine de la discussion du projet de loi modifiant le tarif des douanes.

Mais je prierai M. le ministre des finances de nous dire s'il ne serait pas possible de détacher de ce projet de loi l'article relatif à la nationalisation des navires.

Vous le savez, messieurs, depuis trois ans le gouvernement n'accorde plus de primes pour la construction des navires.

A cette occasion, il nous a promis d'abaisser les droits d'entrée sur les matières premières nécessaires à la construction des navires. Le gouvernement a satisfait à cette promesse par le projet qu'il nous a soumis ; le droit d'entrée sur les navires étrangers est également abaissé.

Je conçois qu'il n'est pas possible de distraire de ce projet tout ce qui se rapporte à la construction des navires. Mais je demande seulement de distraire l'article relatif aux navires étrangers qui demandent la nationalisation. Le droit actuel est de 15 fr. ; on propose de le réduire à 5 fr.

Ce projet de loi nous a été présenté il y a un an. Plusieurs armateurs ont, sur la foi de ce projet, acheté des navires étrangers, croyant que la discussion était prochaine et qu'ils pourraient après le vote faire entrer ces navires dans le pays.

En retardant encore de six, huit ou dix mois le vote de cette disposition, nous faisons un tort infini aux personnes qui ont acheté des navires étrangers pour les faire venir dans le pays aussitôt que la loi serait adoptée.

Comme cette question est excessivement simple, qu'il s'agit uniquement d'abaisser les droits de 15 à 5 fr. par tonneau, je demanderai à M. le ministre des finances s'il y a quelque inconvénient à distraire cet article du projet de loi et à le mettre à l'ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je comprends l'intérêt que l'honorable membre vient de défendre ici. Mais je ne puis m'empêcher d'exprimer la crainte que si l'on entame la discussion d'un article, d'autres demandes de même nature ne viennent à se produire.

Je désire que la Chambre ne prenne pas de décision à cet égard dans cette séance. Le gouvernement réfléchira à la demande qui vient d'être faite, et s'il juge qu'il est possible de distraire du projet l'article que l'honorable M. Osy a indiqué, il en fera la proposition a la Chambre

J'ajoutcrai que plusieurs honorables membres de la Chambre, sachant que j'allais proposer l'ajournement du projet de loi, m'ont exprimé le désir que quelques articles autres que celui dont vient de parler l'honorable M. Osy, fussent distraits du projet pour être discutés dans cette session ; je dois donc mettre beaucoup de circonspection dans ma réponse à l'honorable membre.

M. Osy. - Je n'ai pas fait la proposition de conserver à l'ordre du jour l'article que je viens d'indiquer. J'ai seulement demandé à M. le 'ministre des finances s'il ne croirait pas convenable de s'en occuper immédiatement.

Le gouvernement nous promet d'examiner la question ; j'attendrai le résultat de cet examen.

M. Sinave. - M. le ministre vient de déclarer à la Chambre qu'il retirait le projet de loi sur le tarif des douanes...

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Non, j'ai demandé l'ajournement à la session prochaine.

M. Sinave. - Je suis parfaitement de son opinion sur ce poiut.

Il a ajouté que l'intention du gouvernement est d'abaisser successivement les tarifs. Je n'approuve pas, pour ma part, ce système. Je désirerais au contraire, puisque la loi est ajournée, que le gouvernement avisât à nous présenter un système complet.

Voilà vingt cinq années que la Belgique existe. En ce qui concerne les douanes, il faut le dire franchement, nous n'avons eu qu'un système bâtard, pas autre chose. Nous le modifions presque tous les ans.

Il convient de partir d'un principe bien arrêté. Le gouvernement a déjà supprimé les primes pour la construction des navires, pour l'exportation des toiles. Il serait convenable, puisque l'on est entré dans ce système, de supprimer toutes les primes. Nous sommes en préscuce de primes que j'appellerai monstrueuses ; ce sont les primes que l'on accorde à l'industrie des sucres. Si je me rappelle les antécédents de l’honorable ministre, il est d'opinion qu'il faut supprimer le drawback sur le sucre raffiné ; je crois même qu'il a proposé à cet effet un amendement avec l'honorable M. de Brouckerc et moi. Si l'on veut conserver l'exportation des sucres, je ne demande pas mieux ; mais je veux que les raflineurs soient obligés de travailler en entrepôt, comme cela se fait en Angleterre et dans d'autres pays. Car aujourd’hui, il faut bien le dire, les contribuables payent annuellement au moins deux millions pour faire prospérer d'une manière factice ces sortes de fabriques.

Je demande à M. le ministre des finances de prendre mes observations en considération, et de comprendre, dans le projet d'ensemble qu il nous annonce, la question des sucres.

M. Manilius. - Je prends la parole pour demander le contraire de ce que demandent les honorables préopinants. Depuis longtemps nous sommes dans l’espoir de discuter un système commercial. Depuis longtemps on hésite ; depuis longtemps on touche successivement à toutes les parties de notre système, sans savoir où nous allons.

Dans ces derniers temps nous avons surtout insisté pour que le gouvernement voulût nous faire connaître son système, pour qu'il voulût nous dire sur quelles bases il entendait appuyer les modifications à introduire. On a hésité.

Aujourd'hui vous venez d'entendre le nouveau ministre des finances vous dire qu'il fera une enquête, qu'il entendra les différents intéressés, qu'il tiendra compte de tous les intérêts ; qu'il veut faire un ouvrage d'ensemble, un ouvrage parfait. Eh bien, je vous en supplie, tenez-vous-en à cette promesse que vous fait le gouvernement de vous donner un ouvrage d'ensemble ; qu'il ne scinde pas d'avance cette œuvre, qn'il ne s'engage à rien, qu'il entende les intéressés et qu'il vienne une bonne fois nous dire ce qu'il veut, à quoi le commerce et l'industrie peuvent s'attendre.

J'espère que le gouvernement sera assez ferme pour ne plus marcher à tâtons.

M. de Renesse. - Messieurs, l'ajournement que vient de proposer l'honorable ministre des finances, de la discussion du projet de loi sur la révision du tarif des douanes, est un véritable ajournement indéfini, puisqu'il paraît que le gouvernement veut relier la révision partielle du projet présenté par le ministère précédent, au projet de révision générale de notre tarif douanier ; or, la session prochaine devant nécessairement être courte, par suite de la réélection de la moitié des membres de la Chambre, il y aura réellement impossibilité de discuter un projet aussi important, qui donnera lieu à une longue instruction ; en attendant l'on maintiendra les hauts droits protecteurs en faveur de certaines industries privilégiées, au détriment de la masse des consommateurs, qui sont toujours appelés à payer les nombreuses charges de l'Etat, sans pouvoir obtenir des compensations par la réduction de certains droits exagérés de douanes.

Je dois donc protester au nom de ces consommateurs contre cet ajournement indéfini de la première partie de révision de notre tarif douanier ; ce projet aurait pu être discuté, parce que l'honorable ministre des finances ayant été le rapporteur du projet, était très en état de la défendre actuellement devant la Chambre.

M. Loos. - J'avais demandé la parole pour témoigner les mêmes regrets qui viennent d'être exprimés par l'honorable M. de Renesse. Il me semble que le projet de loi qui nous est soumis et dont l'honorable ministre des finances a été rapporteur, que ce projet devait lui être plus facile à discuter qu'à tout autre. L'ajournement, si je ne me trompe, avait déjà été proposé à l'ouverture de la discussion, et la Chambre l'a rejeté. Il me semblait donc que ce projet était le premier objet dont nous eussions à nous occuper. Je regrette qu'on vienne aujourd'hui parler d'un nouvel examen et d'une nouvelle enquête. Une nouvelle enquête, nous savons tous ce que c'est ; c'est un ajournement indéfini, comme l'a fort bien dit l'honorable M. de Renesse, c'est un renvoi à trois ans peut-être et cela au grand détriment des consommateurs.

Messieurs, je serais, pour ma part, tout disposé à appuyer la proposition faîte par l'honorable M. Osy, de détacher du projet de loi actuel le droit d'entrée sur les navires étrangers ; évidemment il en résulterait un grand bien pour notre marine qui pourrait ainsi réparer quelques pertes qu'elle a éprouvées en dernier lieu ; mais, d'un autre côté, je trouverais très injuste de permettre l'introduction des navires étrangers, alors que les constructeurs de navires continueraient à payer des droits très élevés sur les matières premières qu'ils emploient. Ainsi, à moins que M. le ministre des finances ne veuille proposer en même temps l'abaissement des droits sur les matières premières, le fer, le cuivre et autres objets qui entrent dans la construction des navires, il me serait impossible de donner mon assentiment à une réduction des droits sur les navires étrangers.

Je termine en manifestant de nouveau mes regrets de voir le Cabinet proposer l'ajournement d'un projet aussi important, projet que deux membres du cabinet ont étudié et dont M. le ministre des finances a été rapporteur. Les chambres de commerce du pays ont toutes été consultées ; à quoi bon dès lors une nouvelle enquête ? Veut-on s'éclairer sur le point de savoir si les chambres de commerce persistent dans leur opinion ? Ou bien l'intention de M. le ministre des finances est-elle de consulter tous les intéressés, les industriels, les commerçants ? Ce serait le moyen de ne jamais se mettre d'accord. Je regrette infiniment, pour les consommateurs, la résolution qui a été prise par le cabinet.

M. Desmaisières. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour adresser une interpellation à M. le ministre des finances.

Dans l'exposé des amendements présentés par le prédécesseur de l'honorable ministre actuel, on lit ce qui suit ;

« Par cette mesure (la libre entrée des grains et des graines en gerbes ou en épis) on fera cesser en même temps les réclamations que quelques Belges, propriétaires de terres limitrophes en Hollande, ne cessent de faire parvenir au gouvernement depuis plusieurs années au sujet de l'interprétation d'une disposition de l'article 5 de la loi générale de perception du 26 août 1822, qui admet la libre entrée des récoltes provenant des terres exploitées par des Belges à l'étranger dans un rayon de 5,500 mètres de la frontière. »

Je demande à M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire si, à raison de l'ajournement, les personnes dont il s'agit ici ne se trouveront pas lésées dans leurs intérêts, qui sont très importants.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion qui a été exprimée par mes honorables amis, MM. de Renesse (page 959) et Loos. Je crois avec eux que le projet de révision du tarif des douanes peut être parfaitement discutée dans la session actuelle ; je n'ajouterai rien aux motifs qu'ils ont présentés avec tant de lucidité à l'appui de leur opinion. Cependant, si la Chambre était d'avis d'ajourner l'examen du projet, je m'opposerais fortement à ce qu'il fût scindé. Le projet a été présenté dans son ensemble, il doit être discuté ainsi ; toutes les parties s'enchaînent les unes aux autres ; c'est donc sur le tout, et non sur tel ou tel article, que nous devons émettre un vote.

En conséquence, je m'oppose à la proposition de l'honorable M. Osy, proposition que M. le ministre des finances semble vouloir accueillir.

J'ajouterai que si nous entrons dans cette voie d'exceptions, il n'y a pas de motifs, par exemple, pour que nous, qui représentons plus spécialement les Flandres, nous ne venions demander qu'on détache de la loi la question des fers et celle des houilles. Je le répète, le projet de révision doit être discuté et voté dans son ensemble ; il ne faut pas qu'à propos de ce projet et alors que le système de droits différentiels semble avoir fait son temps, nous créions des privilèges différentiels en faveur de telle ou telle industrie.

M. Rodenbach. - J'appuie l'ajournement de la discussion du projet de loi. A moins que la Chambre ne veuille siéger pendant une partie de l'été, elle ne peut accueillir la proposition qui lui est faite, de se livrer immédiatement à cette discussion. Le projet de loi se compose de 55 articles ; il nous occupera au moins pendant trois semaines ; car il paraît qu'il y avait, lors de la première discussion qui a déjà eu lieu, un grand nombre d'orateurs inscrits. Or, vous avez des projets de loi très urgents ; ou nous a demandé des crédits pour les travaux publics ; on en a demandé aussi pour la guerre ; on nous a annoncé encore deux projets de loi très urgents et très importants ; outre cela, nous avons quelques budgets à voter. Il ne reste plus à déposer qu'un seul des budgets, celui de l'intérieur. Ce budget est trop long ; je ne pense pas qu'on pourra le discuter cette année, il n'est même pas encore présenté ; mais nous avons le budget des dotations, le budget de la dette publique, celui des affaires étrangères ; nous avons donc plusieurs budgets à discuter. Si vous voulez encore vous occuper de lois comme celle dont il s'agit, vous devrez rester ici deux grands mois. Si vous voulez siéger une partie de l'été, je consens à ce qu'on discute maintenant le tarif des douanes.

Je dois faire observer qu'il n'y a pas péril en la demeure, le pays n'a pas pâti, que je sache, du retard apporté à la réforme de notre tarif de douanes, car si je suis bien instruit, nos exportations aussi bien que nos importations ont augmenté dans une proportion considérable.

En conséquence j'appuie l'ajournement.

M. Orts. - La demande d'ajournement qui vient d'être présentée est une chose fâcheuse au point de vue d'intérêts très respectables. La réforme douanière dont il s'agit intéresse en effet, avant tout, les consommateurs ; cette réforme a d'autant plus d'importance qu'elle porte principalement sur la réduction des droits dont sont frappées les matières premières. Or, nous ne sommes pas dans une position où l'industrie et le consommateur soient médiocrement préoccupés de la question de savoir si la matière première sera à bon marché, oui ou non, dans le pays.

J'avoue que je me rends difficilement compte de la demande d'ajournement formulée par M. le ministre des finances.

Le cabinet nouveau a parmi ses membres le rapporteur qui proposait, il y a deux mois à peine, la discussion immédiate et l’adoption du projet. Un autre ministre a certainement à se préoccuper, à. son tour, des réformes douanières, c'est le ministre des affaires étrangères, puisqu'il possède le commerce dans les attributions de son département. Mais M. le ministre des affaires étrangères était le président de cette même section centrale, qui proposait naguère l'adoption immédiate du projet de réforme douanière, dont le cabinet veut aujourdhui l'ajournement.

Les membres du cabinet tout précisément ceux parmi tous les membres de la Chambre qui connaissent le mieux le projet et sont le mieux préparés à le discuter. Maintenant dira-t-on que MM. les ministres des affaires étrangères et des finances n'ont pu faire prévaloir leurs doctrines commerciales près de leurs collègues ? qu'il y a désaccord au banc ministériel sur la politique commerciale du pays ? Pareille allégation ne saurait être sérieuse. Je ne puis admettre non plus que ces honorables membres, en changeant de banc, auraient aussi changé d'opinion en matière de douane.

Cependant en dehors de ces deux suppositions que je reconnais absurdes, où est le motif avouable, sérieux à une demande d'ajournement ? C'est la question que je pose au cabinet. Si on me donne une réponse tant soit peu satisfaisante, je tâcherai de me convaincre ; jusque-là je ne comprends pas la nécessité, la justification d'un ajournement quelconque.

La session, dit-on, sera courte ; on ne peut la prolonger. Et pourquoi ? Les sessions parlementaires ne doivent-elles plus être proportionnées aux besoins du pays, et faut-il les mesurer désormais aux convenances de quelques membres ? Nous n'avons pas le droit, en conscience, de nous proclamer cette année fatigués de notre besogne parlementaire.,

La session actuelle est certes l'une des moins laborieuses parmi celles auxquelles j'ai pris part depuis 1848, que j'ai l’honneur de siéger dans cette enceinte.

Quels travaux excessifs avons-nous accomplis à partir de novembre dernier ? Si les intérêts du pays exigent que nos séances se prolongent trois semaines de plus, est-il un seul d'entre nous qui recule devant cette récessité ? ;

On a donné comme motif devant empêcher la continuation de la session les élections futures qui ont pour objet le renouvellement partiel de l'autre Chambre. Nous sommes étrangers à ces élections, chacun de nous au jour du vote, ira remplir son devoir d'électeur, soit. Mais voilà un jour ou deux de congé à prendre et rien de plus ; ce n'est pas un motif pour clore la session.

Je demande que l'ajournement soit tout au plus de quelques jours si M. le ministre des finances a besoin de se préparer comme ministre à cette discussion, qu'il consentait à aborder comme rapporteur, mais que la Chambre ne se sépare pas sans avoir donné satisfaction à des intérêts en souffrance qui sollicitent à bon droit notre concours.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, en demandant l'ajournement j'ai exposé plusieurs motifs pour justifier cette proposition. D'abord j'ai fait remarquer que c'est une nécessité, par la raison toute simple que le temps nous manque pour la discussion, qui sera nécessairement longue à en juger par son importance et le grand nombre d'orateurs inscrits ; elle peut se prolonger plus d'un mois. Toutefois ce n'est pas la seule considération que j'ai présentée ; j'ai ajouté que le gouvernement désirait former un projet d'ensemble ; plusieurs honorables membres viennent d'exprimer le même vœu ; la chambre de commerce d'Anvers l'avait antérieurement émis.

Deux membres du cabinet, dit-on, doivent être en mesure de discuter la loi dont il s'agit ; mais il est un autre membre du ministère que cet objet intéresse au plus haut point, c'est le ministre de l'intérieur qui a l'industrie dans ses attributions. On n'en a pas parlé, c'est cependant l'industrie qui est ici principalement en cause. Il est utile de procéder à une enquête, non précisément sur les articles compris dans le projet soumis à la Chambre, mais plus particulièrement sur ceux qui n'ont pas encore été étudiés.

En demandant l'ajournement, je fais une proposition basée sur la justice ; ce serait agir contre ce principe que de voter des mesures qui frapperaient certaines industries et maintiendraient une protection exagérée en faveur des autres.

Une enquête approfondie et un projet d'ensemble, sont les seuls moyens d'arriver à un résultat équitable pour tous.

Un ministère en présence de la mesure la plus importante peut-être que le gouvernement puisse avoir à traiter, mesure qui lui impose une si grande responsabilité, ne doit pas être entravé dans son action. S'il pense qu'il faut un projet complet, il me paraît peu convenable de vouloir le forcer à discuter un projet partiel.

L'ajournement que j'ai proposé est pleinement justifié ; je ne doute pas que la Chambre ne le reconnaisse.

J'ai ajouté, au surplus, que le gouvernement avait à présenter des projets urgents, nécessaires à la marche des services publics. Vous en serez saisis sans rtlard ; il sera indispensable que la Chambre s'en occupe immédiatement ; c'est une raison de plus eu faveur de l'ajournement que je réclame.

M. Dechamps. - Il me paraît que l'ajournement est justifié par la position du ministère et par l'intérêt de la question elle-même. Quant au ministère, je crois que toutes les convenances disent que quand un ministère est entré hier aux affaires, il a le droit de demander et d'exiger que pour une question aussi importante que celle dont il s'agit, on lui laissât le temps de réfléchir, de discuter en conseil le point de savoir s'il maintiendra, s'il modifiera, s'il complétera le projet dont la Chambre est saisie.

On répond à cela que M. le ministre des finances était rapporteur de la section centrale, et qu'un autre membre du cabinet présidait la section centrale. D'abord une question aussi importante ne peut être résolue qu'en conseil des ministres ; tous les ministres ont le droit et le devoir d'examiner et de prendre part à la délibération.

M. le ministre des finances vient de dire que le ministre de l'intérieur a l'industrie dams ses attributions, et que son opinion doit être d'un grand poids dans la décision qui sera prisé,

J'ajouterai, puisqu'on a mis à tort, selon moi, des noms propres en cause, qu'il y a eu dans la section centrale une majorité et une minorité, et si je ne me trompe, l'honorable ministre des finances, rapporteur de la loi, s'est trouvé, sur des points essentiels, dans la minorité. J’ajouterai encore que l'honorable ministre des finances a commencé le rapport qu'il a présenté au nom de la section centrale, par exprimer le regret qu'un projet de réforme douanière n'eût pas été préparé à un point de vue d'ensemble. Lui-même, comme rapporteur, a signalé la lacune, le défaut du projet de loi.

Lorsque la discussion première a été ouverte, j'ai demandé, non pas l'ajournement, comme le suppose l'honorable M. Loos, mais la disjonction. L'honorable député d'Anvers a ajouté que l'ajournement a été rejeté. C’est une erreur ; la proposition n'a pas été mise aux voix. A cause de la retraite du ministère, la discussion a été ajournée.

Je rappellerai que, dans la discussion, presque tous les orateurs ont critiqué le projet de loi, à ce point de vue que ce n'est pas un travait d'ensemble ; qu'on se préoccupait d'une distinction arbitraire et peu fondée entre les matières premières et manufacturées. '

On faisait à quelques grandes industries du pays, à la houille, au fer, par exemple, un sort distinct du sort réservé à d'autres industries ?

(page 960) Presque tous les orateurs ont signalé ces défauts de la loi et ont exprimé le vœu qu'avait déjà exprimé la chambre de commerce d'Anvers que le gouvernement fît pour la réforme douanière un travail d'ensemble comprenant tous les grands intérêts du pays, qu'on ne fît pas aux uns un sort distinct de celui des autres, parce qu'en demandant à certains intérêts des sacrifices on pouvait leur réserver des compensations.

L'honorable M. Vermeire et autres ont demandé une enquête. Il est impossible qu'une question de ce genre soit résolue par la Chambre sans que, d'après les précédents parlementaires, une enquête sérieuse ait eu lieu.

Aussi l'honorable ministre des finances n'a fait que suivre l'impulsion donnée par cette discussion, en demandant l'ajournement et en annonçant qu'une enquête serait faite. Cette marche de procéder est la seule qui soit logique ; elle est utile au point de vue de la question qu'il s'agit de résoudre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Lorsque, au sein du conseil des ministres, il a été question, pour la première fois, de l'examen du projet de révision du tarif des douanes, une remarque nous a frappés tout d'abord. C'est l'espèce de confusion qui a régné au début de la discussion à laquelle ce projet de loi a donné lieu, confusion résultant du caractère restreint de la loi. La plupart des orateurs regrettaient qu'aucun système ne fût dans son ensemble présenté aux discussions de la Chambre. On proposait de décider des intérêts de certaines industries, en tenant en réserve telles autres industries ; on réglait ce qui concernait les matières premières, sans rien faire entrevoir du régime qu'on réservait aux produits fabriqués. Nous nous sommes donc dit que, pour rester dans le vrai et dans le juste, pour appliquer à toutes les industries une règle égale, il fallait un système plus étendu, comprenant non pas seulement les matières premières, mais encore les produits fabriqués.

Cette première observation nous a paru tellement grave que nous n'avons pas osé prendre sur nous de continuer la discussion dans les termes où elle était commencée. Nous avons pensé que, pour résoudre une question si grave, si étendue, si compliquée, il fallait procéder, comme on l'a toujours fait dans ce pays, par voie d'enquête.

Je ne rappellerai pas tous les précédents de notre histoire ; toujours nos ancêtres, pour les moindres modifications au tarif des douanes, ont considéré comme un droit que le commerce fût consulté et entendu. C'était le gouvernement du pays par le pays en matière de commerce.

A diverses reprises, il y a eu des protestations énergiques, dans notre pays, contre les gouverneurs étrangers ou représentant des gouvernements étrangers, qui faisaient subir à l'industrie tel ou tel traitement qui n'était pas en rapport avec les vœux du pays. Et certes, si des gouverneurs étrangers ont dû se conformer à la volonté du pays, à plus forte raison ce devoir existe-t-il pour un gouvernement national.

Pour cela, il ne suffit pas de l'avis des chambres de commerce. Certainement, les chambres de commerce sont composées d'hommes respectables, en mesure de défendre les intérêts qui leur sont confiés.

Mais chaque fois qu'il s'est agi de modifications importantes du régime des douanes, vous vous rappelez qu'il y a eu demande de renseignements aux intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire une enquête.

Lorsqu'il s'est agi d'introduite le système des droits différentiels qu'on veut démolir aujourd'hui, il y a eu non seulement une enquête parlementaire, mais en même temps une enquête gouvernementale ; c'est-à-dire qu'il y a eu enquête et contre-enquête. A cette époque, je ne sache pas que quelqu'un ait critiqué cet excès de précautions pour connaître les vœux du commerce et de l'industrie.

C'est qu'en effet une enquête est non seulement utile, mais nécessaire, chaque fois qu'il est question d'introduire des modifications dans le régime des douanes. On ne réfléchit pas assez aux bouleversements nombreux que la moindre de ces modifications entraîne pour la fortune des citoyens.

On parle de l'intérêt du consommateur. Certainement, cet intérêt est très respectable. C'est, pour ainsi dire, le seul intérêt qu'il faudrait consulter, puisque les producteurs mêmes sont aussi en définitive des consommateurs ; mais cet intérêt des consommateurs, qui est si respectable et que nous respectons, souffrira-t-il d'un retard de quelques mois ? Il ne s'agit pas de deux ou trois ans de retard, moins encore d'un ajournement indéfini.

Il ne saurait être question, après tout, que de continuer encore pendant cinq ou six mois un régime qu'on a toléré depuis un quart de siècle.

Soyons francs. Ce n'est pas la défensc de l'intérêt du consommateur qui est le mobile principal de l'opposition que semble rencontrer la demande d'ajournement. Pour moi, tout en me préoccupant de l'intérêt du consommateur, je crois qu'il y a des motifs suffisants pour que l'ajournement qui a été demandé soit prononcé. Aussi bien, le gouvernement doit se préoccuper à la fois des intérêts de l'industrie, du commerce et du consommateur. C'est à ce triple point de vue que la Chambre, comme nous, doit examiner toutes ces questions que soulève la révision de notre législation douanière.

M. Loos. - J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur se permettre une insinuation extrêmement malveillante à mon égard. (Interruption.)

J'ai dit que c'était de l'intérêt du consommateur que je me préoccupais. M. le ministre de l'intérieur n'est pas autorisé à dire que c'est un autre intérêt qui me guide. Je crois pouvoir être cru sur parole tout autant que M. le ministre de l'intérieur.

J'ai parlé de l'intérêt du consommateur. Je vais vous prouver que c'est cet intérêt seul que j'ai en vue. Comment ! Quand il s'est agi d'abaisser les droits sur les denrées alimentaires, on vous a dit ; Vous voulez sacrifier un seul intérêt, l'intérêt de l'agriculture, l'intérêt de cette grande industrie du pays !

A cette époque nous vous avons répondu que nous demandions aussi, que nous étions prêts à voter un abaissement de tarif sur les produits des autres industries.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je l'ai répondu avec vous.

M. Loos. - L'honorable ministre de l'intérieur l'a répondu avec nous. Eh bien ! devons-nous, oui ou non, tenir parole à l'agriculture ?

N'ya-t-il pas d'autres articles qui pèsent aujourd'hui sur le consommateur ? Le charbon, le fer ne donnent-ils pas lieu à une charge énorme pour le pays ?

Je crois que, dans l'hiver qui vient de finir, la population a presque autant souffert de la privation du combustible que de celle des denrées alimentaires.

On vient nous dire que nous nous préoccupons d'intérêts autres que ceux du consommateur. Je ne sais à quels intérêts M. le ministre de l'intérieur fait allusion. Quant à moi, je me déclare impatient de voir introduire dans notre tarif des modifications en l'absence desquelles nous resterons injustes à l'égard de l'agriculture. Nous ne soulageons pas les consommateurs. C'est là le seul intérêt qui me préocccupe.

Le gouvernement dit qu'il faut faire une enquête, que nous sommes habitués aux enquêtes, on en a fait une, pour arriver à la loi sur les droits différentiels. C'est parce que je me rappelle ces enquêtes qui ont duré, non quelques mois, comme le dit M. le ministre de l’intérieur, mais des années, que je vois dans la proposition qui nous est faite un ajournement indéfini.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, c'est au nom de la prérogative royale et de la dignité du gouvernement que j'appuie l'ajournement de la discussion du projet de loi.

En effet, c'est le gouvernement, c'est le ministre des finances qui, au nom du Roi, a présenté à la Chambre un projet de loi très important.

Maintenant, qui la Chambre a-t elle devant elle ? Elle a, dans ma personne, le président de la section centrale, qui a combattu, dans cette section centrale, le projet de loi qui a été présenté ici par ordre du Roi. Elle a devant elle un ministre des finances qui a été rapporteur de cette même section centrale, et qui a fait un rapport que le ministre qui avait présenté le projet de loi n'approuvait pas.

Il y avait, il y a un mois, dans cette Chambre, un gouvernement qui était disposé, un ministre des finances qui était disposé à combattre le projet de la section centrale, à combattre les propositions que j'avais fait, par l'appoint de ma voix, triompher dans le sein de la section centrale ; je le demande à la Chambre, serait-il digne de la représentation nationale d'obliger le président de la section centrale, d'obliger le rapporteur de la section centrale à défendre ici devant elle... quoi ? Un projet qu'ils ont combattu dans la section centrale !

Il n'y aurait plus personne ici pour défendre l'œuvre élaborée par ordre du Roi dans son conseil des ministres. Cela n'est pas possible. Nous ne pouvons pas accepter cette position. Elle n'est digne ni du gouvernement ni de la Chambre.

Nous demandons que le gouvernement ait le temps de discuter, de peser le projet de loi qui vous est soumis, de le retirer ou de l'amender. J'appuie l'ajournement.

M. Frère-Orban. - Après les explications que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères, il est évident, - et d'ailleurs on avait pu le constater préalablement, - qu'il n'y a pas accord entre les membres du cabinet sur le projet de loi qui a été proposé par les prédécesseurs des ministres actuels. Il n'y aurait donc pas lieu à demander l'ajournement de la discussion de ce projet de loi ; mais il faudrait le retirer. Lorsque le gouvernement aura suffisamment étudié le système de réforme à introduire, il présentera un projet de loi.

Le cabinet veut formuler un projet d'ensemble. Il vient de nous l'annoncer.

C'est à peu près comme s'il nous annonçait qu'il renonce à toute réforme douanière ; on le sait parfaitement, si l'on présente un projet de loi qui touchera à la fois à tous les intérêts industriels et commerciaux, il est à présumer qu'il y aura assez de dissentiments pour qu'un semblable projet soit rejeté dans un vote sur l'ensemble.

Je m'étonne que le ministère prenne une pareille position. Autrefois, lorsque l'un des ministères précédents a soumis, par exemple, le projet de réforme douanière, en ce qui touche les denrées alimentaires, quelle a été l'objection d'un grand nombre de membres de cette Chambre ? C'est que l'on devait proposer un système d'ensemble ; c'est qu'il fallait régler en même temps le sort de toutes les industries. Ainsi parlait l'honorable comte de Liedekerke.

Mais que répondait l'honorable M. de Decker, aujourd'hui ministre de l'intérieur ? Il répondait que ces questions devaient être réglées séparément, qu'il n'y avait pas entre elles une suffisante connexité de principes ; que des règles différentes devaient être appliquées au régime douanier, relativement aux céréales et relativement aux autres branches d'industrie ou de commerce. On objectait, d'autre part, qu'il y (page 961) avait une ressemblance parfaite, et que si le pain devait être à bon marche, la houille devait être à bon marché ; ainsi parlait l'honorable M. Coomans.

Cela ne détermina pas à cette époque, et je partageais l'opinion de l’honorable M. de Decker, à proposer en même temps un système complet applicable à toutes les industries. Un peu plus tard, on nous fit la même opposition et les mêmes objections lorsque nous commençâmes la démolition des lois de navigation. Et à ce propos, je demanderai si l’on a l'intention de comprendre dans un même projet ce qui est relatif aux lois dont je viens de parler. Si le ministère est d'accord sur le principe qu'il convient de suivre en cette matière ; si, par exemple, le système des droits différentiels doit être rétabli ? M. le ministre de l'intérieur vient d'y faire allusion en laissant supposer qu'ils devaient être rétablis.

Il y aurait encore sur ce point, je pense, des dissentiments assez graves entre les honorables membres du cabinet. L'honorable comte Vilain XIIII ne m'a paru, à aucune époruc, avoir une bien grande affection pour le système des droits différentiels. M. le ministre de l'intérieur, au contraire, et son collègue des finances ont été autrefois des défenseurs chaleureux de ce système. Quelle est l'opinion qui va prévaloir ? Il est d'autant plus intéressant de le savoir que M. le ministre de l'intérieur vient, tout à l'heure, de faire un grief des réformes qui ont été introduites dans ce système.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le projet de loi sur le tarif des douanes qui vous est soumis, peut très bien être modifié sans être pour cela retiré. Ce projet a déjà fait l'objet d'une étude assez approfondie. Il pourra être discuté avec ou sans amendements, lorsqu'un autre projet sera présenté comme complément de celui-ci.

J'avais, comme membre de la section centrale, proposé d'émettre le vœu que, tout en discutant cette loi, le gouvernement prît l'engagement de ne pas la promulguer avant de nous avoir soumis un projet complémentaire qui aurait été publié en même temps.

Je reste dans cet ordre d'idées, je veux un système d'ensemble ; que le projet déjà présenté soit maintenu ou modifié ou qu'il soit fondu dans un autre projet embrassant tous les articles du tarif, le résultat sera le même, du moment qu'on admet que le même principe doit régner dans toutes les parties du tarif général.

Je pense que le meilleur parti à prendre est d'ajourner le projet à la session prochaine, époque à laquelle le complément du tarif aura été étudié ; si j'avais pris le parti de le retirer purement et simplement, c'est alors qu'on aurait jeté les hauts cris, qu'on nous aurait accusés d'abandonner sans retour les intérêts du consommateur.

Sans nous engager à soutenir ce projet tel qu'il est, à ne rien y changer, nous n'hésitons pas à déclarer que nous sommes partisans des droits modérés ; il n'y a pas, à cet égard, de dissentiment parmi nous, et je dois le dire en passant, les articles spéciaux n'ont pas été discutés dans le conseil, les membres du cabinet n'ont pu les examiner en commun, d'une manière approfondie, dans le court espace de temps qui s'est écoulé depuis sa constitution.

Quant au principe, l'opinion du gouvernement est connue, je l'ai exposée au début de la séance. Nous voulons la réduction des droits, mais nous voulons marcher dans cette voie avec prudence. Nous ferons une enquête, nous consulterons les vœux du pays et nous viendrons présenter des propositions de nature à y faire droit.

On dit que sur un projet d'ensemble, il y aura assez de dissentiments pour le faire rejeter. Eh bien, nous pensons que dans tous les cas, le vœu du pays doit être entendu et que si, contre mon attente, le pays ne voulait pas la réduction des droits, le gouvernement ne pourrait vouloir lui imposer ce système. (Interruption.)

Du reste, nous consulterons les industriels pour nous éclairer et non pour suivre aveuglément leurs avis ; tous les intérêts seront entendus, ce sera à l'intelligence du gouvernement et des Chambres à discerner ce qui convient au pays.

Le gouvernement ne veut pas employer cette tactique qui consisterait à vaincre successivement les uns par les autres ; je ne considère pas ce système comme le plus loyal ; il me semble qu'il vaut infiniment mieux amener une transaction entre les divers intérêts ; cela me paraît plus conforme à la justice et à la dignité du gouvernement.

Messieurs, les intentions du gouvernement ne peuvent pas être méconnues ; elles ont été expliquées ; nous désirons la réduction des droits dans une mesure limitée, en évitant de porter le trouble dans nos industries ; nous chercherons à nous éclairer par tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour atteindre le seul but que nous avons en vue ; l'intérêt du pays.

Un honorable député de Bruges a fait quelques observations relativement à la législation des sucres ; le gouvernement s'occupe déjà de la révision de la loi existante, il n'est pas arrêté sur ce qu'il y a à faire ; divers avant-projets ont été étudiés, aucune résolution n'a encore été prise. Dans la session prochaine, la Chambre aura à s'occuper de cet objet.

L'honorable M. Desmaisières m'a interpellé sur ce que ferait le gouvernement à l'égard des récoltes faites par des Belges sur le territoire étranger, dans un rayon déterminé par la loi générale ? L'honorable membre sait que nous ne pouvons rien changer à la loi ; mais je puis lui donner l'assurance que toutes les facilités compatibles avec son exécution seront accordées aux intéressés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, je dois quelques mots de réponse à l'honorable M. Frère.

L'honorable membre m'a fait un reproche d'avoir autrefois insiste pour discuter isolément la question des céréales contre d'honorables amis qui trouvaient plus convenable de discuter aussi l'ensemble des intérêts, du pays, de ne pas sacrifier l'intérêt agricole, mais d'accorder des compensations au cultivateur en dégrevant aussi les produits fabriqués dont il a besoin. Il n'y a là aucune espèce de contradiction ; J'ai dit à cette époque et je répète aujourd'hui que la question des céréales est une question tellement spéciale qu'elle doit être réglée par une législation particulière. C'est moins une question d'intérêt qu'une question d'humanité et d'ordre public. Aussi, chez nous comme chez toutes les nations, la législation concernant les céréales a-t-elle toujours eu un caractère spécial, en dehors des principes ordinaires de la législation douanière.

L'honorable M. Frère trouvait à cette époque que j'avais raison. Je pouvais donc parfaitement dire que j'entendais défendre d'une manière tout à fait spéciale la question des céréales et je puis, sans la moindre inconséquence, dire aujourd'hui que pour l'ensemble des autres industries il faut un système complet.

L'honorable membre a demandé quelle est ma manière de voir quant aux droits différentiels. Je serai très franc. J'étais autrefois l'un des partisans les plus convaincus du système des droits différentiels et j'avais, pour moi, à cette époque, l'exemple des nations les plus puissantes en matière commerciale, notamment de l'Angleterre qu'on nous cite si souvent et qui voguait alors à pleines voiles dans les eaux de la protection.

J'étais donc bien excusable de croire avec la majorité de cette assemblée que le régime des droits différentiels était conforme aux intérêts du pays. Mais profitant de l'expérience (et je crois avoir le droit d'en profiter comme tout le monde), je n'attache plus au système des droits différentiels la même importance. Je pourrais dire que beaucoup de négociants prétendent que si le système des droits différentiels avait été appliqué d'une manière plus efficace, il aurait produit de tout autres résultats, mais je ne veux pas même de cette échappatoire. Je reconnais, que l'expérience a été faite et qu'elle a été, en général, défavorable au système des droits diiférentiels.

Ensuite, autour de nous il s'est produit des faits nouveaux qui ont dû exercer et qui exercent sur la Belgique une influence incontestable. Profitant de l'expérience qui a été faite, cédant à l'exemple des nations voisines et obéissant à la marche générale du monde vers le système de la liberté, la Belgique doit tendre vers le même but, mais elle doit le faire avec beaucoup de prudence et de ménagements.

Comme nous le disions hier, il faut se préparer à la liberté ; il ne faut pas l'introduire d'emblée et sans que personne nous imite, mais 'il faut s'y préparer, et c'est le but que industriels et législateurs doivent avoir constamment devant les yeux.

M. Lesoinne. - Je ne blâmerais pas le ministère de demander du temps pour examiner le projet soumis à la Chambre par l'administration précédente, mais il se prononce déjà pour la présentation d'un projet de loi ayant un caractère d'ensemble et c'est là ce que je regrette. Le projet dont la Chambre est saisie avait reçu l'approbation de la plupart des chambres de commerce et des industries intéressées ; il avait, par conséquent, subi une instruction suffisante. Il avait, eu outre, l'avantage d'offrir une espèce de réparation à l'industrie agricole pour les produits de laquelle on avait diminué les droits auparavant. Il avait aussi l'avantage de rassurer les autres industries pat l'exemple qu'elles auraient eu sous les yeux, des bons résultats de la liberté commerciale sagement appliquée.

Messieurs, l'honorable M. Dechamps nous a dit, dans la discussion qui a eu lieu précédemment, qu'il ne voulait pas de protection exagérée ou inutile. Eh bien, le projet qui nous avait été proposé avait précisément pour résultat d'abolir sur beaucoup de produits nationaux une protection qui était à la fois exagérée et inutile. Je citerai notamment la houille et les fers. Pour la houille, l'épreuve est déjà faite ; les droits sont abolis, à la vérité, d'une manière temporaire ; mais voilà la seconde année que l'épreuve a lieu, et je ne pense pas qu'il en soit résulté un grand danger ou un grand mécompte pour l'industrie houillère ; l'honorable M. Dechamps lui-même ne pourra pas dire le contraire.

Messieurs, quels que soient les hommes d'Etat qui viennent au pouvoir en Belgique, ils doivent bien se pénétrer de la situation du pays. La Belgique est admirablement dotée ; elle possède le plus beau port de l’Europe, elle a la houille et les fers, et un grand nombre de matières premières qui forment la base de beaucoup d'autres industries. Ses habitants sont industrieux, laborieux et énergiques ; il ne leur manque donc rien pour lutter avec les industriels étrangers sur les marchés où ils vont en commun, et ils sauront parfaitement défendre le marché national. Ils en ont fourni depuis longtemps la preuve.

Mais pour que ces avantages puissent produire tous leurs résultats, il est absolument nécessaire de dégager l'industrie des entraves qui la gênent ; il faut pour cela procéder d'une manière prudente ; il ne faut pas alarmer les industries ; eh bien, le projet que le cabinet précédent avait proposé réalisait, selon moi, ce résultat.

J'engagerai donc l'administration actuelle à étudier, à méditer ce projet, et surtout à ne pas prendre la résolution de ne présenter ce qu'elle appelle un système complet, qui retarderait peut-être indéfiniment (page 962) des réformes utiles par la coalition d'intérêts ignorants ; car, on a beau dire, les intérêts sont souvent aveugles ; ils sont prompts à s'alarmer et redoutent le plus souvent des concurrents imaginaires qui ne se présenteront jamais.

Ma conviction est que si le système de la liberté commerciale était adopté demain en Belgique, la secousse ne serait pas forte ; mais je ne veux pas imposer cette conviction aux autres ; je veux qu'on procède par épreuves ; or, c'est en présentant des mesures partielles qu'on pouvait arriver à ce résultat.

J'engage donc, je, le répète, le gouvernement à ne pas abandonner d'une manière absolue le projet de révision qui avait été proposé par le ministère précédent.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je tenais à faire remarquer à la Chambre, et à M. le ministre del 'intérieur qui m'a répoudu avec une certaine vivacité, que j'ai fait quelques simples questions au gouvernement lui donnant un conseil qui me semblait rentrer dans ses vues. Le gouvernement demandait l'ajournement du projet, je lui conseillais de le retirer ; en retirant le projet, il se réservait, après une étude approfondie, après un mûr examen, de présenter ultérieurement tel système qu'il aurait trouvé convenable... (Interruption.) Je prie M. Rousselle de vouloir bien prendre garde que c'est mon opinion seule que j'exprimais.

J'étais, en outre, disposé à approuver le gouvernement. Je voulais le féliciter d'avoir annoncé qu'il voulait marcher d'un pas prudent dans les voies de la liberté commerciale, qu'il voulait réduire autant que possible les droits douaniers. C'était, en principe, la consécration d'une politique dont nous avons eu l'initiative, et qui, annoncé à la Chambre dans les mêmes termes, avec la même modération, y a soulevé autrefois de très grands orages. Nous demandions alors purement et simplement qu'on arrivât graduellement, avec calme et prudence, en ménageant tous les intérêts ; qu'on arrivât, dis-je, à un système plus équitable que celui qui avait prévalu jusque-là.

J'approuverais très fort le gouvernement de persévérer dans cette voie que nous avons inaugurée, s'il a l'intention sérieuse de réaliser ses promesses.

Mais je crains une chose ; M. le ministre de l'intérieur a demandé de la franchise ; je crains que, d'après le système qu'on nous a annoncé, on n'aboutisse pas.

Nous avons un projet de loi qui a été soumis à une enquête approfondie, sur lequel toutes les chambres de commerce ont été consultées qui n'a soulevé, on peut le dire, aucune réclamation (interruption) qui n'a soulevé que des réclamations peu importantes, qui n'en a soulevé aucune quant aux grands intérêts qui y sont engagés.

Le projet de loi est publié depuis très longtemps ; tous les intéressés ont pu se faire entendre ; les sections ont délibéré ; la section centrale a terminé ses travaux ; personne n'a réclamé. (Interruption.) Mon Dieu ! je le sais bien, il y a une vingtaine de réclamations ; il y a des réclamations au sujet du bleu d'outre-mer et d'autres articles de ce genre, il y a des réclamations qui ne tiendraient pas devant les moindres explications données par M. le ministre des finances qui m'interrompt...

M. Coomans. - Il n'y aurait pas vingt voix dans la Chambre pour le projet de loi.

M. Prévinaire. - Qui vous dit cela ?

M. Frère-Orban. - C'est ce qu'on aurait vu. Mais si ce projet qui ne soulève pas de réclamations sérieuses dans le pays, qui est accepté en général par les industriels, qui est réclamé par un grand nombre de producteurs, est destiné à ne pas recevoir vingt voix, suivant ce que nous annonce l'honorable M. Coomans, je demande ce que fera le projet que nous fait espérer le cabinet et qui comprendra tous les articles du tarif des douanes ! Ce sera un projet impossible à discuter que celui qu'on nous annonce, c'est un projet qui ne se réalisera pas ; cest une déception cachée sous une motion d'ajournement ; et il ne restera qu'une déclaration de principes devant laquelle on fuit.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je ne puis laisser passer, sans les relever, les dernières paroles de l'honorable préopinant. C'est avec la plus grande sincérité, et parce qu'il ne connaît pas de meilleur moyen de s'éclairer complètement, que le gouvernement veut procéder à une enquête. Il a annoncé que son système est de marcher dans la voie de réduction des droits prolecteurs ; il persistera dans cette pensée.

L'honorable préopinanl prétend qu'on n'aboutira pas par un système d'ensemble ; je crois tout au contraire qu'on obtiendra d'autant plus facilement les résultats désirés, qu'il y aura plus de justice. Je suis convaincu que la Chambre se montrera équitable envers tous ; qu'elle agira de manière à concilier le mieux possible tous les intérêts. Je ne puis croire qu’elle ne fasse pas un accueil favorable à un tarif général équitablement établi ; c'est à tort, selon moi, qu'on la suppose disposée à voter des mesures partielles, injustes par cela même qu'elles seraient partielles ; non, la Chambre ne voudrait pas sacrifier certaines industries à d'autres qui resteraient privilégiées. Le système le plus rationnel est celui qui embrasse tous les grands intérêts et qui établit entre eux une juste pondération ; c'est, je ne puis en douter, ce système que la sagesse de la Chambre acceptera.

- La discussion est close.

La proposition de M. le ministre des finances, tendant à l'ajournement du projet de révision du tarif des douanes à la session prochaine, est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi modifiant la législation sur les poids et mesures

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je me rallie à quelques-uns de ces amendements ; il en est d'autres auxquels je ne me rallie pas.

M. le président. - En conséquence, la discussion s'établit sur le projet du gouvernement.

M. Rodenbach. - La chambre ne s'attendait pas à discuter aujourd'hui le projet de loi sur les poids et mesures, bien qu'il fût à l'ordre du jour. Cependant, je crois devoir énoncer mon opinion. Je crois que le projet de loi qui nous est soumis contient beaucoup d'améliorations, notamment la disposition concernant les poids employés en pharmacie ; c'est là, selon moi, une amélioration réelle ; j'en dirai autant de la disposition relative aux balances, car les balances jouent un grand rôle dans les transactions journalières ; elles peuvent devenir un moyen de commettre des fraudes nombreuses.

Si la loi est votée avec les améliorations qu'elle introduit dans cette partie du service public, tout ne sera pas fait, il y aura de la part du gouvernement beaucoup à faire encore ; il faudra qu'il apporte beaucoup de vigueur dans l'exécution de la loi, car beaucoup d'abus dont on se plaint n'auraient pas existé si la loi actuelle, toute défectueuse qu'elle est, avait été rigoureusement exécutée. En effet, nous voyons dans les grandes villes, et même dans notre métropole commerciale, les courtiers coter les marchandises en florins et poids de marc.

A Bruxelles même on voit le haut commerce adopter pour ses transactions un système autre que le système décimal ; on ne le poursuit pas, tandis que le chétif épicier est soumis aux visites des agents de l'administration qui viennent contrôler ses poids et ses mesures et lui dressent, quand il n'est pas en règle, des procès-verbaux qui aboutissent à des amendes pour la première fois et à l'emprisonnement en cas de récidive.

La loi actuelle, comme je le disais tout à l'heure, contient de bonnes dispositions, mais on ne les a jamais exécutées. Ainsi dans tous les magasins on vend à l'aune au lieu de vendre au mètre. A Tournai l'aune est de 74 centimètres ; à Bruxelles elle est de 70 ; dans d'autres villes elle est de 68, de 72 ou de 73 ; suivant les localités la mesure change ; on ne sait pas, quand on n'est pas d'une localité, quelle est la base du prix qu'on débat quand on veut faire une acquisition. De là des mécomptes. En France on est bien parvenu à établir pour tout le pays une mesure unique, le mètre ; même avec la loi nouvelle, on ne fera rien si on ne tient pas rigoureusement la main à son exécution. Et on ne pourra le faire qu'autant qu'on créera des inspecteurs, car une administration sans contrôle, sans inspection, ne pourra jamais parvenir à faire exécuter la loi d'une manière uniforme dans tout le pays.

Je citerai un fait. Aujourd'hui, à Bruges, les demi-litres en verre ne sont pas poinçonnés, tandis qu'ils le sont dans beaucoup d'autres villes. Si vous n'avez pas d'inspecteur qui veille à l'exécution de la loi, il en sera ainsi de la plupart des dispositions de la loi.

Les balances servent à commettre plus de fraudes que les poids ; elles devraient être vérifiées et poinçonnées ; je pense que cette mesure n'est pas prescrite par le projet de loi ; cependant, c'est d'une très grande importance ; j'ai ouï dire que les marchands, au moyen de quelques coups de lime donnés au fléau, peuvent tromper le consommateur, et que cela arrive souvent.

Il ne faut pas seulement que ce service soit mis sous la surveillance du commissaire d'arrondissement, car ce serait illusoire ; le commissaire d'arrondissement ne peut pas faire de tournées, il faut de toute nécessité un inspecteur ; les appointements qu'on demande pour ces fonctionnaires ne sont pas considérables, en raison du service qu'ils seront appelés à rendre ; car, je le répète, si vous n'avez pas d'agents chargés de s'assurer, au moyen de visites, de la stricte exécution de la loi, le public continuera à être exposé à des fraudes. Je n'en dirai pas davantage.

M. Manilius. - Je viens d'entendre critiquer amèrement la surveillance des poids et mesures, je viens d'entendre dire que cette surveillance se pratique d'une manière défeclueuse ; cet état de choses est regrettable. Il y a un désir à exprimer, c'est que cettle surveillance se fasse à l'avenir partout avec une juste sévérité, mais de la même façon.

L'honorable préopinant a parlé de négociants et de commerçants en gros qui ne sont pas passibles de cette surveillance, c'est une erreur. Partout où des poids sont employés publiquement, ils doivent être poinçonnés, et on dresserait procès-verbal contre ceux qui emploieraient publiquement des poids non poinçonnés.

Mais il y a une différence dans le mode de surveillance suivant la nature du commerce ; ainsi ceux qui s'adressent directement au public, au consommateur, doivent être surveillés avec plus de sévérité et de facilité par les agents, parce qu'ils ont affaire à des acheteurs consommateurs moins capables de surveiller eux-mêmes si on leur donne ce qu'ils doivent avoir en poids ou mesure légale.

Il n'en est pas de même dans le grand commerce. Ce commerce ne se fait pas publiquement, il se fait par des débitants ou de négociant à négociant en privé.

Je pense donc qu'il ne faut pas un inspecteur, mais qu'il suffit d'une circulaire élucidant les principes de la loi, adressée aux 27 vérificateurs des poids et mesures. Au moyen de cet avis général, la surveillance se (page 963) fera de la même manière dans toutes les parties du pays. Ce ne sera pas difficile.

Cette surveillance est d'autant plus diminuée, qu'aujourd'hui le poinçonnage est obligatoire, et qu'on ne saurait s'y soustraire, puisque les négociants, qui payent une patente, doivent payer d'avance le droit de poinçonnage avec la patente. Du moment qu'ils l'ont payé, ils ont intérêt à connaître l'exactitude de leurs poids et de leurs mesures.

Voilà ce que j'avais à dire. Pourquoi faire la dépense d'un fonctionnaire inutile, puisqu'une simple circulaire doit suffire ?

M. Lelièvre. - Le projet de loi qui vous est soumis, en améliorant l'organisation du système métrique décimal et en réunissant dans une même disposition législative les diverses prescriptions relatives à cette matière importante, réalise un progrès auquel il est impossible de ne pas applaudir. Sous ce rapport, la loi en discussion sera accueillie avec faveur. Toutefois plusieurs dispositions doivent, à mon avis, être modifiées, si l'on veut que le projet soit en harmonie avec la législation générale. Ce point important ne peut être perdu de vue par un législateur prudent. Sous ce rapport, il m'est impossible d'adhérer, en ce qui me concerne, au système de la section centrale en ce qui touche la juridiction appelée à connaître de plusieurs contraventions prévues par le projet de loi.

La loi du 1er juin 1849 défère aux tribunaux de simple police la connaissance des infractions relatives aux poids et mesures. Que l'on maintienne cette disposition en ce qui concerne les contraventions proprement dites, je ne puis qu'applaudir à semblable prescription. Mais la section centrale va plus loin ; elle admet la juridiction des tribunaux de simple police en ce qui concerne les contraventions ayant une cause civile. Les amendes dues « ex causa civili » seraient appliquées par les mêmes tribunaux. C'est ainsi que les notaires, qui, contrevenant aux lois sur les poids et mesures, méconnaissent les dispositions de l'article 17 de la loi du 25 ventôse an XI, ne seraient plus justiciables des tribunaux civils, mais uniquement de la juridiction de simple police. A mon avis, c'est là renverser l'économie de la loi sur le notariat, et une dérogation aussi importante ne saurait être établie pour l'objet spécial dout nous nous occupons. Le notaire qui contrevient à la loi sur les poids et mesures, commet une infraction à ses devoirs d'officier public, infraction que la loi frappe d'une peine de cent francs d'amende.

Il me semble évident qu'il faut maintenir à cet égard la juridiction établie par la loi spéciale sur le notariat, juridiction qu'on ne peut abolir, quant à l'objet en discussion, sans introduire des anomalies regrettables dans la législation. Pour toutes les infractions commises dans les actes notariés, la loi de ventôse an XI a institué une juridiction particulière à laquelle il est impossible de porter atteinte en ce qui concerne un point particulier, alors, d'ailleurs, qu'aucun motif sérieux ne justifie le changement.

Ce n'est pas tout ; la loi du 25 ventôse an xXIa eu pour but de sauvegarder l'honneur et la considération des notaires et des officiers publics en ce qui concerne des contraventions résultant de faits qui n'ont rien d'infamant. Une condamnation prononcée par le tribunal civil n'est pas entachée de ce cachet plus ou moins flétrissant qui s'attache toujours aux condamnations prononcées par les tribunaux répressifs. La loi a choisi la juridiction civile dans l'intérêt de la dignité du notarial ; le législateur a suivi le même mode de procédure à l'égard des officiers de l'état civil, et cet ordre de choses a été sanctionné par diverses dispositions de la loi du 10 décembre 1851 sur la réforme hypothécaire. A mon avis, cette législation est sage et doit être maintenue.

Quant aux actes sous seing privé et registres produits en justice, j'estime qu'il serait préférable d'autoriser le juge, saisi de la contestation, à prononcer l'amende comminée par la loi en discussion, que de renvoyer le contrevenant devant le tribunal de simple police. Le juge saisi du débat serait plus à même de reconnaître et d'apprécier l'infraction. Il y aurait économie de frais, et, d'un autre côté, la contravention ayant un caractère purement civil, on conçoit l'exclusion de la juridiction répressive.

Je pense que dans le système du projet il ne peut plus être question de réduire les peines à raison des circonstances atténuantes, mais il est indispensable d'énoncer en ce sens une disposition claire et précise qui fasse cesser la disposition contraire écrite dans la loi du 1er juin 1849.

Enfin, je pense que la section centrale a trop abaissé le minimum de la peine en ce qui concerne les individus qui possèdent ou emploient des poids et mesures prohibés ou non revêtus des marques prescrites. D'un autre côté elle a omis de déterminer la durée de la contrainte par corps pour assurer le payement des frais de la poursuite. Je nie réserve d'indiquer daus le cours de la discussion quelques autres observations.

Du reste, en général, le projet de loi me semble renfermer des dispositions qui méritent de recevoir la sanction de la législature.

M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. Manilius, qui vient de dire que ce qu'a dit l'honorable M. Rodenbach au sujet des grands négociants n'était pas exact. C'est uniquement là la grande pierre d'achoppement. Si le système décimal n'a pas été adopte dans le pays, c'est Anvers surtout qui en est la cause. Les négociants d'Anvers comptent en florins et au poids de marc les marchandises qu'ils expédient aux détaillants du pays. Les détaillants, qui sont fort peu instruits, s'arrangent de manière à vendre les marchandises au même poids et en la même monnaie de compte, d'autant plus que leurs chalands, habitués à compter ainsi, s'y prêtent fort bien. Ils viennent demander une once, et ils reçoivent la marchandise au poids de marc de la ville d'Anvers.

Si les grands négociants étaient obligés de débiter les marchandises coloniales en kilogrammes, la subdivision en grammes se ferait par les petits détaillants qui n'ont pas, comme je l'ai dit, beaucoup de connaissances.

Je crois que c'est le développement de l'idée fort juste que l'honorable M. Rodenbach a émise.

Certainement, la loi est fort mal exécutée, notamment dans les marchés au beurre. En général, dans ces marchés, dont la surveillance appartient à la police locale, le beurre se vend à la livre.

Il serait bien facile cependant d'obtenir que la vente se fît par kilogrammes. Il suffirait que le bourgmestre l'exigeât. C'est ainsi que, dans ma commune, depuis vingt ans, le système décimal s'est établi par la seule volonté du bourgmestre. Les cultivateurs qui apportent le beurre au marché le vendent par kilogrammes et en reçoivent le prix en monnaie décimale, qui coïncide parfaitement. C'est là l'exécution exacte du système décimal. Rien de si facile avec un peu de bonne volonté des autorités communales ; ce serait plus efficace que toutes les pénalités qu'on voudrait infliger pour les contraventions.


M. le président. - Je demanderai à la Chambre la permission d'interrompre un moment la discussion pour appeler son attention sur la nécessité de remplacer dans deux sections centrales M. Dumon, aujourd'hui ministre des travaux publics. Par qui la Chambre veut-elle qu'il soit procédé à ce remplacement ?

- De toutes parts. - Par le bureau.

M. le président. - Dans ce cas le bureau désigne M. Manilius pour le crédit de 1,571,000 fr. au département de la guerre et M. de Mérode-Westerloo pour le crédit de 2,565,000 fr. au même département.

M. Orts. - Il y a une autre section centrale qui est occupée d'un projet de loi important, et qui doit être complétée. C'est la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et aux jurys d'examen. L'honorable M. de Decker en faisait partie.

M. Frère-Orban. - C'est une question pour laquelle il y aura un projet à présenter.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Immédiatement ?

M. Frère-Orban. - Pas le moins du monde. Je constate seulement que c'est une question d'une telle importance, que le gouvernement devra présenter un nouveau projet.

M. le président. - La Chambre entend-elle que la section centrale soit complétée ?

M. Orts. - Je crois qne, pour un projet de cette importance, il conviendrait que la section centrale qui a nommé M. de Decker fût appelée à nommer un autre rapporteur.

M. le président. - La Chambre admet-elle cette proposition ? (Oui !oui !) La section centrale sera convoquée demain.


M. Manilius. - Je regrette de n'avoir pas été bien compris par l'honorable M. Vander Donckt ; car au fond nous sommes d'accord. S'il y a eu des erreurs dans l'application de la surveillance, on peut les redresser partout. Je me suis attaché à faire comprendre à l'honorable député de Roulers que l'exercice de la surveillance des poids et mesures ne peut s'appliquer qu'au commerce public. Tout ce qu'on a dit des grands négociants qui font des affaires avec les tiers, sans les faire publiquement, n'a rien de commun avec les affaires publiques.

C'est une affaire entre les négociants. Quand ils ont besoin de faire peser leurs marchandises, ils n'ont qu'une seule espèce de poids ; c'est le poids légal ; quand ils ont des discussions devant les tribunaux, il ne peut être question que du poids légal, des mesures légales. Mais hors de là on ne peut pas les contraindre a suivre tel système plutôt que tel autre dans leurs affaires privées.

L'honorable membre a dit que dans les prix courants on emploie les désignations anciennes ; je voudrais voir disparaître cet usage, car si le gouvernement ne venait pas à notre aide pour le prix des céréales, par exemple, il serait impossible de s'en rendre compte par les prix courants des différents marchés.

Mais encore une fois le vérificateur des poids et mesures n'a rien à voir dans cette question ; tout ce qu'il doit faire c'est de s'assurer que les marchands aient des poids et des mesures poinçonnés.

Il y a des usages que vous n'extirperez pas. Ainsi dans toutes les communes flamandes il est impossible de faire compter en centimes. Ont compte par cents et on paye avec des pièces de deux centimes. On demande une livre et le marchand pèse avec des poids d'autant de grammes. On achète une aune d'étoffe et on reçoit autant de centimètres. Le vérificateur des poids et mesures ne peut rien à cet égard ; il ne doit s'occuper que d'une chose, c'est de voir si celui qui débite publiquement se sert de poids et mesures poinçonnés.

Je crois qu'une circulaire ayant pour objet de faire comprendre aux poinçonneurs-vérificateurs qu'ils ne doivent pas se mêler d'autre chose, aurait une grande utilité.

(page 964) On pourrait éviter ainsi toutes ces plaintes qu'a reproduites l'honorable député de Roulers. Il a parlé d'amende et d'emprisonnement ; il ne serait plus question de tout cela. Le négociant a intérêt à faire poinçonner ses poids et mesures ; la loi des patentes entraîne l'obligation de payer le poinçonnage, et dans les contestations judiciaires, on doit établir ses comptes en poids, mesures et monnaies conformes au système légal.

Ainsi, messieurs, je suis tout à fait d'accord avec l'honorable préopinant, mais je demande qu'on évité un état-major de fonctionnaires et un luxe de surveillance qui ne sont nullement nécessaires.

M. Rodenbach. - D'après l'honorable préopinant, il ne faudrait que faire poinçonner les poids et mesures, et le commerce devrait être parfaitement libre. C'est-à-dire qu'on peut vendre sur le marché une pierre de beurre, une livre, une demi-livre, tout cela pour tromper le consommateur. Dans la province de l'honorable membre, sur les marchés de Lokeren, de Saint-Nicolas, d'Eecloo, etc., on emploie encore les anciennes mesures ; s'il faut maintenir cela, autant vaudrait déchirer complètement la loi.

Quant au poinçonnage, il ne s'agit pas seulement des poids et mesures ; les balances sont aussi un objet de la plus haute importance. En touchant à ce qu'on appelle le couteau ou la lame, eu y donnant un léger coup de lime, on peut changer notablement l'équilibre de la balance.

Il faudrait donc que les balances fussent également poinçonnées, et qu’on les surveillât d'une manière toute particulière.

En ce qui concerne le haut commerce, ce n'est pas seulement à Anvers que la marchandise est cotée en florins et que les quantités sont désignées en anciens poids et mesures ; partout il y a des mesures différentes, des poids différents ; sur un même marché la manière de coter varie selon les marchandises ; les huiles, par exemple, ne se cotent pas comme d'autres marchandises. C'est à n'y rien comprendre.

Il vaudrait bien mieux suivre l'exemple de la France. C'est là que le système décinal a pris naissance et il y est bien plus généralement appliqué. C'est parce qu'on a reconnu que le consommateur était trompé ; il y avait des hommes qui spéculaient même sur la misère du peuple.

Il ne s'agit pas, messieurs, d'établir des inspecteurs, des contrôleurs à l'infini ; ce n'est pas là ce qu'on demande, on ne demande qu'un seul inspecteur qui aille dans tout le royaume. On demande qu'il y ait un contrôle comme dans toutes les administrations ; il n'existe pas une seule administration où il n'y ait pas de coutrôle.

Ici les commissaires d'arrondissement devraient exercer une surveillance active, mais ils ne le font pas ; avez-vous jamais vu un commissaire d'arrondissement vérifier si la loi des poids et mesures reçoit son exécution ? Il est indispensable de remédier à ce mal, car, je le répète, partout il y a un système différent, et c'est toujours au détriment du peuple ; il n'a pas seulement à lutter contre la cherté des denrées, il a encore à lutter contre la cupidité de ceux qui cherchent constamment à l'exploiter.

M. Osy. - Messieurs, je conviens qu'à Anvers, comme sur d'autres marchés, il se fait encore beaucoup de transactions en anciennes monnaies et en anciens poids et mesures ; mais la loi actuelle a pour but de remédier, autant que possible, à cet inconvénient ; c'est au gouvernement à faire exécuter la loi. Ainsi quand la loi sera votée, le gouvernement dira aux courtiers qui sont ses agents, d'établir leurs prix courants selon le système décimal. Quant aux transactions entre négociants, si l'acheteur et le vendeur sont d'accord pour compter selon l'ancien mode, le gouvernement ne peut rien y faire.

Vous avez vu, messieurs, les mesures qui ont été prises par le bourgmestre de Bruxelles. Il y a peu de temps encore, les grains se vendaient sur le marché de Bruxelles par rasière, le bourgmestre a pris un arrêté, il l'a fait exécuter et aujourd'hui les transactions se font par hectolitre et au poids de 80 kilog. Si partout les autorités étaient aussi fermes, nous verrions bientôt régner l'uniformité. Ce serait un grand bien, car lorsque nous recevons nos journaux et que nous voulons examiner les prix des différents marchés, réellement on ne peut pas en sortir parce que dans toutes les localités la manière de coter est différente

Je pense, messieurs, que la loi produira beaucoup de bien et j'engage fortement M. le ministre de l'intérieur à la faire exécuter par les autorités locales. Certainement ce n'est pas dans les premières années qu'on pourra changer les anciens usages ; voilà cinquante ans que le système décimal est établi et nous ne sommes guère avancés ; mais si les autorités provinciales et communales y tiennent la main avec fermeté, nous pourrons, au bout de quelques années, atteindre au but que nous avons en vue.

M. de Perceval. - Je demande à la Chambre la permission de présenter, dès maintenant, un amendement à l'article 10, pour que mes honorables collègues, ainsi que l'honorable ministre de l'intérieur, puissent en prendre connaissance. Cet amendement formerait un paragraphe additionnel à l'article précité du projet de loi, et serait conçu en ces termes ;

« Les fabricants sont autorisés à faire ajuster leurs poids et leurs balances dans les bureaux du vérificateur, sans qu'aucune rétribution puisse leur être réclamée de ce chef. »

- La Chambre décide que cet amendement sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 4 heures et 1/2.