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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 4 décembre 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 149) M. Maertens procède à l’appel nominal à 3 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal d'Audenhove-Sainte-Marie prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand et Terneuzen. »

« Même demande du conseil communal de Segelsem. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Wayard prie la Chambre de statuer sur la pétition des habitants de Namur relative à la réduction des frais de procédure en matière d'expulsion de petits locataires. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition et la réclamation qui en est l'objet. Des réclamations du même genre ne cesseront de parvenir à la Chambre jusqu'à ce qu'on ait fait disparaître l'abus que j'ai souvent signalé. L'objet de la pétition ayant un caractère d'urgence, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport. J'engage, du reste, le gouvernement à faire droit à la juste demande du pétitionnaire.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal d'Opglabbeek prie la Chambre d'accorder au sieur De Bruyne la concession d'un chemin de fer de Bois-le-Duc à Liége par Tongres, Bilsen et Peer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Hubert-Joseph Dehez, ancien préposé des douanes à Saint-Hubert, demande une pension et le remboursement de sa masse. »

- Même renvoi.


« Le sieur Roland, lieutenant pensionné, demande que par extension du projet de loi, relatif à la pension de quelques officiers, il lui soit compté les trente années de services voulues pour obtenir la pension de 900 fr. »

M. Lelièvre. - La pétition de M. Roland me paraît fondée sur les motifs les plus sérieux et j'espère qu'on y fera droit. Je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant les officiers de la révolution, présenté récemment par le gouvernement.

Je demande que la section centrale soit invitée à faire un rapport spécial sur l'objet de la pétition dont il s'agit que je recommande à son attention particulière.

- Cette proposition est adoptée.


« Des armateurs pour la petite pêche de marée à la Panne prient la Chambre de rejeter la proposition d'affranchir le poisson étranger de tout droit d'entrée.

« Même demande d'un grand nombre d'habitants de Blankenberghe intéressés dans l'industrie de la pêche. »

- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi sur les denrées alimentaires.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Rousselle. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant différents crédits supplémentaires au département de l'intérieur pour les exercices 1852, 1853 et 1854.

- Ce rapport, qui sera imprimé et distribué, est mis à l'ordre du jour à la suite des objets qui y sont déjà.

Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur le charbon de terre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter à la chambre deux projets de loi.

Le premier de ces projets tend à proroger jusqu'au 1er janvier 1857, la loi du 31 décembre 1853, qui autorise le gouvernement à abaisser, à suspendre entièrement, ainsi qu'à rétablir les droits d'entrée sur le charbon de terre.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation.de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué,

La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des l'intérieur

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, le second projet de loi tend à accorder au département de l'intérieur un crédit de 2,277 francs pour frais de déplacement des conseillers provinciaux délégués en vertu de l'article 21 de la loi du 8 mai 1850, relative à l'institution de la caisse générale de retraite.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.

La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi fixant le contingent de l'armée pour l'année 1856

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi, fixant le contingent de l'armée pour l'année 1856.

- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.

M. Osy. - Je demande que ce projet soit renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget de la guerre.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt. - Par pétition datée de Liége, le 21 mai 1855, la Chambre des avoués près le tribunal de première instance de Liège demande une loi sur la récusation des magistrats pour cause de parenté ou d'alliance avec les défenseurs des parties.

Par pétition datée de Liège, le 24 novembre 1855, ces mêmes pétitionnaires renouvellent leurs instances. Ils rappellent au souvenir de la Chambre le rapport très favorable qui a été fait sur leur requête antérieure et les paroles bienveillantes de M. le ministre de la justice, l'honorable M. Faider, prononcées dans cette enceinte à cette occasion, ainsi que celles de M. le ministre actuel au sein du Sénat, quand il a dit : « qu'il y avait lieu de faire cesser des abus réels » et que jusqu'à ce jour ces justes doléances sont restées sans aucun résultat ; ils allèguent que ces abus, loin de cesser, n'ont fait que s'aggraver ; que plus que jamais il y a privilège et monopole au point que l'opinion publique s'en émeut et que les garanties dues aux justiciables semblent en souffrir ; qu'enfin les membres de l'ordre judiciaire divisés sur ce point, les uns se récusant et les autres se maintenant résolument sur leurs sièges, donnent un spectacle fâcheux et qui touche de si près à leur dignité ; qu'une circulaire diversement interprétée n'a fait que renforcer et rendre la scission plus éclatante ; ce qui dans l'opinion des pétitionnaires est de nature à exposer la magistrature à perdre de sa considération et du respect qui lui sont si nécessaires pour accomplir sa haute mission sociale.

Ils craignent que s'il faut attendre la discussion du projet d'organisation judiciaire il ne s'écoule un temps fort long, ce qui serait très préjudiciable aux intéressés et vous supplient de détacher du projet général les deux ou trois articles relatifs à la récusation des magistrats pour cause de parenté ou d'alliance avec les défenseurs des parties et d'en décréter la mise en vigueur provisoire par une loi spéciale.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, en la recommandant à l'attention toute spéciale de ce haut fonctionnaire.

M. Verhaegen (pour une motion d'ordre). - Messieurs, pour autant que j'aie pu comprendre, il s'agit d'une affaire assez importante sur laquelle on vient de faire un rapport. Je n'en fais pas un reproche à l'honorable rapporteur ; mais d'après ce qui se pratique, les membres de la Chambre ne sont pas suffisamment informés que des rapports doivent se faire sur tel ou tel objet déterminé, si ce ne sont pas des pétitions comprises dans un feuilleton. C'est le cas aujourd'hui. Je demande que le rapport qui vient d'être fait soit imprimé dans les Annales parlementaires et que la Chambre s'occupe de cet objet dans la séance de demain.

M. Delfosse. - Je me proposais d'appuyer la pétition des avoués de Liège, dont j'ai pris connaissance ; mais la demande de l'honorable M. Verhaegen est trop raisonnable pour que je m'y oppose.

M. Lelièvre. - Je ne m'oppose pas à la fixation de la discussion à demain. L'objet de la pétition intéresse la dignité de la magistrature, et il est indispensable que nous nous en occupions sérieusement.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Il est dans les habitudes de la chambre qu'on présente les prompts rapports dès que la commission a statué, sauf à la Chambre à remettre la discussion à tel autre jour qu'elle trouve convenable.

M. Allard. - Il est effectivement d'usage de faire les prompts rapports à l'ouverture de la séance dès qu'ils sont prêts ; mais personne n'est prévenu de l'objet sur lequel une discussion peut s'ouvrir. Je demanderai qu'on forme un feuilleton spécial des pétititions sur lesquelles un prompt rapport doit être fait et qu'on fixe à l'avance le jour de la discussion. De cette manière, nous ne serons pas exposés à voir surgir des discussions auxquelles personne n'est préparé.

- La discussion du rapport est renvoyée à demain, après impression aux Annales parlementaires.

M. le président. - Nous avons maintenant la proposition de M. Allard.

M. Vander Donckt. - (page 150) La proposition de l'honorable député de Tournai n'a aucun degré d'utilité ; car lorsqu'un prompt rapport est fait, chaque membre a le droit de demander la remise de la discussion à tel jour de la semaine

M. le président. - M. Allard insiste-t-il ?

M. Allard. - Non, puisqu'on ne paraît pas disposé à l'adopter.

M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Couvin, le 10 novembre 18555, le conseil communal de Couvin demande que le gouvernement fasse suspendre les travaux de toutes les fabriques de produits chimiques depuis le 1er avril jusqu'au 1er octobre de chaque année.

Mêmes demandes des habitants de Portillas, de Longchamp, d'Enines, Warisoulx et Velaine, et de quelques habitants de Tournai qui demandent une loi qui oblige les industriels à consommer entièrement la fumée de leurs appareils à vapeur.

Les pétitionnaires prétendent que les émanations des usines sont la cause première de la maladie des pommes de terre et d'autres végétaux et s'appuient sur les motifs développés dans une brochure éditée par le sieur Peeters.

Votre commission, considérant que c'est sans aucun fondement que les pétitionnaires accusent les émanations de produits chimiques d'être la cause de la maladie des pommes de terre et d'autres végétaux tels que la vigne, les légumes et les arbres fruitiers ;

Considérant que l'accueil fait à ces pétitions aurait pour résultat de flatter des préjugés populaires qu'il faut combattre et détruire dans le principe ;

Considérant que ce serait une entrave apportée gratuitement à l'industrie des fabriques ;

A, par ces motifs, l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

M. Lelièvre. - Il m'est impossible de me rallier aux conclusions de la commission, et je demande, au contraire, que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur. Il s'agit d'une question grave, qui doit être examinée par le gouvernement. M. le ministre de l'Intérieur a institué une commission chargée d'examiner tout ce qui concerne les établissements des produits chimiques. Je désire que M. le ministre de l'intérieur, présent à la séance, veuille nous dire ce qui a été fait par la commission qu'il a choisie, et si le gouvernement est prêt à arrêter des mesures sur l'objet en question qui intéresse de nombreuses populations. Il est évident qu'il y a des dispositions à prendre pour prévenir de graves inconvénients.

Il y a donc lieu de renvoyer la pétition au gouvernement, que je prie instamment de s'occuper activement de cette affaire vraiment importante. J'invite, en outre, M. le ministre à nous dire s'il sera bientôt à même de prendre des mesures réglementaires efficaces sur l'objet en discussion. Il est impossible de persévérer plus longtemps dans une inaction qui peut avoir des conséquences déplorables.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je n'éprouve aucune difficulté à dire immédiatement où en est l'examen de l'affaire des fabriques de produits chimiques de la vallée de la Sambre.

La commission qui a été chargée de cet examen s'est divisée en sous-commissions composées d'hommes spéciaux pour la partie de la chimie comme pour celle de la botanique. Ces hommes spéciaux se sont livrés à une étude très approfondie de toutes les questions qui se rattachent aux fabriques de produits chimiques. La semaine dernière, la commission s'est réunie à Namur, sous la présidence du gouverneur de la province. Des conclusions ont été formulées à la suite de la lecture des rapports particuliers de chacun des commissaires, et il a été décidé que le 22 de ce mois, tous les rapports seront coordonnés et déposés entre les mains de l'administration ; les conclusions définitives seront discutées sans interruption ultérieure, puis ratifiées au nom de la commission tout entière.

La fin du mois ne se passera donc pas, il faut l'espérer, sans que le gouvernement soit en possession de tous les documents que la commission est appelée à lui soumettre. Il pourra alors immédiatement examiner les conclusions présentées par les hommes compétents, et prendre des mesures en conséquence.

M. Dumortier. - Messieurs, vous savez qu'on dit et qu'on a écrit depuis longtemps une vérité : c'est qu'on ne tire pas de coups de fusil après les idées. Les idées peuvent être fausses, mais ce n'est pas par des coups de fusil qu'on peut les tuer, et je ne crois pas que nous puissions combattre les idées des pétitionnaires, fussent-elles érronées, au moyen d'un dédaigneux ordre du jour. Je crois que le meilleur moyen de les combattre si elles ne sont pas exactes, c'est par une discussion approfondie, c'est en éclairant les faits, c'est en arrivant à une solution que tout le monde puisse comprendre.

Je sais bien que les pétitionnants se trompent, et se trompent grandement lorsqu'ils s'imaginent que la maladie des pommes de terre provient des émanations des fabriqucs de produits chimiques. Tout le monde comprend qu'une pareille erreur ne mérite pas de réfutation sérieuse.

Cependant il ne faut pas méconnaître que les hommes du peuple qui ont de pareilles idées sont séduits par d'autres faits qui se produisent sous leurs yeux. Ainsi, j'ai connu une fabrique de produits chimiques, située dans la plaine de Mont-Plaisir, près de Bruxelles. Cette fabrique a eu le rare privilège de faire mourir, d'anéantir toute une magnifique avenue d'arbres. Or, quand l'ouvrier voit des végétaux robustes, de vieux ormes, de vieux chênes détruits par les émanations des fabriques de produits chimiques, n'est-il pas facile de comprendre que des hommes peu éclairés en concluent que la maladie des pommes de terre provient des mêmes émanations ? Evidemment, je le répète, c'est une erreur ; mais respectons un peu la faiblesse de ceux qui commettent ces erreurs, et ne repoussons pas, par un dédaigneux ordre du jour, une pétition qui touche à de si graves intérêts. La question des fabriques de produits chimiques est très sérieuse. Je ne veux pas, pour mon compte, qu'on fasse primer l'industrie et ses intérêts sur la santé publique qui est, à mes yeux, un intérêt bien supérieur.

Or, il est un fait incontestable, c'est qu'on ne se joue que trop souvent de la santé publique en matière d'établissements industriels. On néglige beaucoup trop ce qu'on devrait respecter avant tout, la salubrité pour les habitants du voisinage, et l'on a souvent vu que lorsqu'un industriel quelconque obtenait la faculté de créer un établissement désagréable ou insalubre, il avait soin de le mettre le plus près possible de son voisin et le plus loin possible de chez lui, afin de faire bénéficier son voisin de toutes les émanations et de tous les inconvénients de l'industrie dont il bénéficie l'argent et les produits.

Un pareil état de choses, messieurs, ne peut exister, et il est nécessaire que nous arrivions à examiner cette question qui préoccupe si fortement l'opinion, et avec tant de raison, en Belgique.

Loin donc d'admettre l'ordre du jour, je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur examinera la question.

- Plusieurs voix. - On est d'accord.

M. Dumortier. - Mais on n'est pas d'accord avec les conclusions de la commission qui demande l'ordre du jour et c'est à ces conclusions que je m'oppose. Je dis qu'il n'y a rien de plus sage que de renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre vient de nous dire qu'il serait à même, dans quelque temps, de nous faire un rapport, alors nous éclairerons la question.

Mais ce ne sera pas par l'ordre du jour que vous accueillerez une pétition qui touche à une question très grave : le danger pour la salubrité publique d'établissements nécessairement insalubres, car, si ces établissements n'étaient pas insalubres, on ne les qualifierait pas comme tels dans la loi.

M. Wasseige. - Je viens également appuyer la proposition de mes honorables collègues qui demandent le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur pour être soumise à la commission dont le rapport est annoncé.

L'ordre du jour, dans les circonstances où nous nous trouvons, serait une anomalie contraire aux vues mêmes du gouvernement, puisqu'il a cru reconnaître qu'il y avait quelque chose à faire et qu'il nous annonce un rapport.

On veut ne pas flatter les préjugés. On a raison ; mais il y a ici plus que des préjugés ; il y a une irritation réelle dans la province de Namur et je crois qu'un ordre du jour qui pourrait être interprété comme refus d'examiner pourrait faire beaucoup de mal dans ces circonstances.

J'insiste donc de toutes mes forces pour que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Thiéfry. - Je crois que nous sommes tous d'accord pour le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur qui l'accepte. Mais j'ai demandé la parole pour appeler à cette occasion l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les inconvénients qui résultent de la situation, de l'hôtel de la Monnaie au centre de Bruxelles. Hier matin, je passais, rue de l’Evêque, cette rue et les fenêtres de l'hôtel de Suède étaient littéralement couvertes d'une matière noire en quantité vraiment extraordinaire, à tel point, que je crois que l'hôte de cet établissement a dû faire dresser un procès-verbal.

Un pareil état de choses est on ne peut plus désagréable, tout le voisinage s'en plaint, j'engage M. le ministre de l'intérieur à prendre des informations. Il reconnaîtra que cette affaire mérite une prompte décision.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - L'attention du gouvernement a été appelée très sérieusemenl sur la question que vient de soulever l'honorable M. Thiéfry. Cette question a fait l'objet d'une correspondance entre le département de l'intérieur et le département des finances. Des mesures ont été, en dernier lieu, proposées par le département de l'intérieur dans le but de détruire en majeure parlie les inconvénients que présente l'établissement doni il s'agit.

Ces mesures et les considérations à l'appui ont été envoyées, il y a quelques jours, à l'avis du conseil supérieur de salubrité publique qui sera bientôt, j'en ai l'assurance, appelé à les discuter.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je n'insisterai pas sur les conclusions de la commission. Je tiens cependant à justifier la commission. Elle s'est trouvée vis-à-vis d'une pétition qui tendait à faire chômer toutes les fabriques de produits chimiques, du 1er avril jusqu'au 1er octobre, alléguant pour motif que les émanations qui en provenaient, étaient cause de la maladie des pommes de terre, et d'autres végétaux.

(page 151) En présence d'une semblable demande, il me semble que la commission ne pouvait que vous proposer l'ordre du jour.

On a donné des proporiions plus grandes à la question ; on a invoqué la salubrité publique. Dans ce sens je ne m'oppose pas au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Delfosse. - Messieurs, puisqu'il s'agit d'établissements insalubres, je rappellerai à MM. les ministres, qu'un grand nombre de pétitions leur ont été adressées par des habitants de la ville de Liège contre l'établissement de la Vieille-Montagne, qui a pris beaucoup d'extension sans y avoir été autorisé. Le gouvernement a même été mis en demeure de se prononcer par deux résolutions du conseil communal de Liège. Il me semble qu'il serait temps que le gouvernement prît une décision.

Il y a longtemps que cette affaire traîne, qu'elle est à l'instruction. Je le répéte, des pétitions nombreuses ont été adressées au gouvernement ; le conseil communal de Liège a pris deux résolutions extrêmement graves. Le gouvernement ne peut continuer à garder le silence ; il est temps, plus que temps qu'il s'explique.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'affaire dont nous entretient l'honorable député de Liège a suivi la filière ordinaire dans les affaires de cette importance. Une enquête de commodo et incommodo a été faite, et l'avis de la députation permanente a été de permettre la continuation de la fabrication sous certaines conditions.

Le gouvernement, avant de ratifier cette proposition, a voulu s'assurer s'il y avait moyen de remplir les conditions auxquelles la députaiion permanente a été d'avis d'autoriser la continuation de l'exploitation. Une commission a été nommée pour examiner quelles seraient les mesures à prendre pour réaliser ces conditions, et j'attends son rapport, à la suite duquel le gouvernement pourra prendre une décision.

M. Delfosse. - Quoi qu'en dise M. le ministre des travaux publics, il y a dans cette affaire des lenteurs qui ne se justifient point. J'adjure le gouvernement de prendre une décision le plus tôt possible et d'avoir le courage de son opinion, s'il en a une.

- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.

M. Deliége (pour une motion d’ordre). - Messieurs, comme vous venez de l'entendre, nous devons souvent, sans être avertis, traiter ici des plus graves intérêts. Nous venons de nous occuper des deux plus graves intérêts qui existent : l'intérêt de la salubrité publique et, en même temps l'intérêt d'une bonne justice. Je demande qu'une bonne fois il soit décidé que nous serons prévenus. Il y a ici plusieurs membres qui auraient pris part à la discussion s'ils avaient été avertis.

Il en coûterait fort peu de nous dire dans les billets de convocation, quel sera l'objet des prompts rapports.

M. le président. - Faites-vous une proposition ?

M. Deliége. - J'en fais la proposition formelle.

M. Malou. - Il me semble qu'il vaudrait mieux chaque semaine, à un jour donné, consacrer une heure ou une demi-heure aux pétitions urgentes, pour lesquelles on ferait un feuilleton comme on le fait pour les autres.

M. Thiéfry. - Il me semble qu'il serait très facile de concilier la proposition de M. Allard et celle que vient de faire M. Deliége. L'honorable rapporteur de la commission des pétitions vient de lire différents rapports ; ils seront imprimés ce soir dans les Annales parlementaires. La Chambre peut ne se prononcer sur ces rapports que le lendemain. De cette manière chacun sera prévenu ; on lira les rapports, et il ne sera pas nécessaire de les faire imprimer comme documents parlementaires.

M. Deliége. - Plusieurs avis surgissent, ce qui prouve qu'il y a évidemment quelque chose à faire. Je demanderai que la Chambre ne statue pas aujourd'hui ; mais que le bureau nous propose, dans un bref délai, des mesures à prendre pour que nous soyons avertis de l'objet des prompts rapports.

M. Lelièvre. - Je demande que la Chambre veuille bien maintenir le renvoi de la pétition au ministre de l'intérieur. En effet sur ce point nous sommes tous d'accord. Si pour d'autres pétitions il convient de prendre les mesures énoncées à la proposition de M. Deliége, ce ne sera que pour l'avenir qu'il y aura lieu à les arrêter.

M. le président. - Il a été décidé que la pétition sera renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.

- La proposition de M. Deliége est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi accordant des exemptions aux consuls des puissances étrangères

Discussion générale

M. Lelièvre. - Je dois proposer quelques observations que rend nécessaires le rapport de la section centrale. Comme on sait, le projet en discussion exemple du service de la garde civique les consuls belges ou étrangers dans le cas où les mêmes immunités sont accordées par le gouvernement dont ils tiennent leur mandat.

Le rapport estime que c'est au gouvernement et non pas aux conseils de recensement qu'il appartiendra d'examiner si la réciprocité existe Je pense que c'est là une erreur. Le projet en discussion ne porte aucune atteinte à la loi de 1848 en ce qui concerne la juridiction des conseils de recensement et des conseils de discipline. Ce sont donc ces conseils qui continuent d'être investis du droit d'apprécier si tel individu est exempt du service de la garde civique.

On comprend du reste qu'on pourra produire tous documents émanés du gouvernement belge, attestant que la réciprocité existe, et que semblable attestation sera suffisante pour faire prononcer l'exemption. Mais au moins ce sera aux conseils de recensement ou aux conseils de discipline à statuer à cet égard et à apprécier la valeur des pièces produites.

Le projet en discussion ne contient aucune disposition qui déroge à la compétence établie par la loi de 1848 et dès lors il est évident que la juridiction des corps institués par cette disposition législative reste intacte sans aucune modification.

Dans d'autres occurrences, par exemple, lorsqu'il s'agit de la contribution personnelle, ce sont les autorités instituées par la loi, à l'effet de décider si tel individu est exempt de la contribution, qui seront appelées à connaître si la condition d'exemption existe.

Il doit donc bien être entendu que, sous ces différents rapports, il n'est pas porté atteinte à la législation en vigueur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, la loi qui est en discussion ne change rien, n'innove en rien à ce qui existe actuellement. En la proposant, j'ai eu un double but, un buit quant à l'intérieur, et un but quant à l'étranger.

Quant à l'iniérieur, j'ai voulu que la loi donnât sa sanction à des immunités que la loi seule peut autoriser et que l'arrêté du roi Guillaume du 5 juin 1822 ne légalisait pas suffisamment à mes yeux.

J'ai eu un but, quant à l'étranger, c'est de rendre claires et précises pour les pays lointains les immunités consulaires en Belgique, immunités qui restaient dans une espèce de vague obscur dans l'arrêté du roi Guillaume.

Ainsi, messieurs, la loi qui vous est présentée ne change rien, n'innove en rien à ce qui existe, et en particulier elle laisse complètement debout la loi du 8 mai 1848 sur la garde civique.

Pour administrer cette preuve, les consuls doivent naturellmeent s'adresser au ministre des affaires étrangères qui a seul le moyen de contrôler la preuve qu'ils pourraient apporter, et de s'assurer qu'à l'étranger nos consuls sont exempts du service de la garde civique, nationale, bourgeoise, enfin de toute garde qui serait dans les mêmes conditions que notre garde civique.

Quand le consul étranger sera muni de cette pièce émanée du ministère des aflaires étrangères, et constatant qu'il y a réciprocité dans le pays dont il tient ses pouvoirs, il se présentera devant le conseil de recensement avec cette pièce et y fera régulariser sa position.

Le projet de loi ne change donc rien, quant à la garde civique, à l'état actuel des choses, il se borne à le régulariser.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, je suis entièrement d'accord avec l'honorable ministre des affaires étrangères ; le projet de loi qui vous est soumis ne change absolument rien aux dispositions de la loi sur la garde civique. Mais c'est en tout cas le département des affaires étrangères qui doit examiner s'il y a réciprocité. Il faut, avant tout, qu'il y ait une jurisprudence uniforme. Si on laissait ce soin aux députations permanentes, qui jugent en dernier ressort après les conseils de recensement, que pourrait-il arriver ? C'est que, dans des cas absolument identiques, la députation d'une province pourrait prendre une décision différente de celle qui aurait été prise par la députation d'une autre province. Il n'y a aucun doute que c'est le département des affaires étrangères qui doit examiner si la réciprocité existe. Après cela, c'est au conseil de recensement, comme dit l'honorable ministre, à régulariser l'exemption.

M. Lelièvre. - Je suis satisfait des explications de M. le ministre des affaires étrangères qui partage l'avis que j'ai émis relativement au maintien de la législation en vigueur, en ce qui concerne la compétence. Mais l'on conçoit que j'ai dû combattre le rapport de la section centrale qui émettait une opinion erronée en droit.

M. Sinave. - Messieurs, je crois que le gouvernement a eu l'intention d'assimiler les consuls étrangers aux ambassadeurs...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - En aucune façon.

M. Sinave. - Il est donc entendu que les consuls étrangers ne pourront pas introduire leurs meubles, des vins, des liqueurs, avec exemption des droils de douane et d'octroi.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Le projet de loi est formel : « Les consuls qui sont étrangers et qui, outre leurs fonctions consulaires n'exercent aucun commerce ni profession quelconque, seront exempts : 1° de la contribution personnelle au profit de l'Etat, des provinces ou des communes ; 2° du service de la garde civique et de tous autres services personnels locaux ; 3° des logements militaires. »

Le texte est formel. Il est bien évident qu'il exclut l'exemption des droits de douane sur leurs meubles, vins, liqueurs...

M. Lebeau. - Et les droils d'octroi ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Ils le payeront.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.

La Chambre passe aux articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Les consuls des puissances étrangères demeurent soumis, (page 152) lorsqu'ils ont la qualité de Belge, au payement de toutes les contributions qui pèsent ou pourront peser sur les autres Belges. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Les consuls qui ont la qualité de Belge sont exempts du service de la garde civique et de tout autre service personnel local, pourvu qu'ils fournissent la preuve que les Etats, dont ils tiennent leur commission, accordent de semblables immunités aux consuls de Belgique de la même catégorie. »

M. Lebeau. - Messieurs, si une garde civique n'existe pas dans le pays étranger, comment fournira-t-on la preuve qu'il y a réciprocité ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - S'il n'y a pas dans le pays étranger une garde nationale, bourgeoise ou autre, nos consuls dans ce pays seront par là même exempts de fait, et les consuls de ce pays en Belgique seront exempts de droit.

M. Lebeau. - Je n'insiste pas.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 5

« Art. 3. Les consuls qui sont étrangers, mais qui ont établi leur domicile en Belgique de la manière prévue à l'article 13 du Code civil, seront traités, quant aux contributions et aux services personnels locaux, sur le même pied que les consuls ayant la qualité de Belge. »

- Adopté.


« Art. 4. Les consuls qui sont étrangers et qui, outre leurs fonctions consulaires, exercent un commerce ou une profession quelconque, sont tenus au payement de toutes contributions. Ils sont exempts du service de la garde civique et des autres services personnels locaux. »

- Adopté.


« Art. 5. Les consuls qui sonf étrangers et qui, outre leurs fonctions consulaires, n'exercent aucun commerce ni profession quelconque, seront exempts :

« 1° De la contribution personnelle au profit de l'Etat, des provinces ou des communes ;

« 2° Du service de la garde civique et de tous autres services personnels locaux ;

« 3° Des logements militaires.

« Avant de pouvoir jouir des exemptions mentionnées aux paragraphes 1 et 3, ils administreront la preuve que les mêmes immunités sont accordées par le gouvernement dont ils sont les mandataires, aux consuls de Belgique de la même catégorie. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet est adopté à l'unanimité des 65 membres qui ont répondu à l'appel.

Ces membres sont : MM. Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerné, de La Coste, Delfosse, Deliége, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Portemont, Desmaisières, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe et de Naeyer.

- Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - Nous passons au feuilleton des pétitions.

- Plusieurs voix. - A demain ! A demain !

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Il y a à l'ordre du jour un crédit supplémentaire dont le département de la justice a besoin, je prierai la Chambre d'en hâter la discussion dans l'intérêt des fournisseurs vis-à-vis desquels l'administration a des engagements à remplir.

- Plusieurs voix. - On s'en occupera à la séance de demain.

M. le président. - A quelle heure la Chambre veut-elle fixer la séance de demain ?

- Plusieurs voix. - A trois heures.

- D'autres voix. - A deux heures.

- La Chambre consultée fixe la séance à 3 heures.

La séance est levée à 4 heures et demie.