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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 janvier 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 419 procède à l'appel nominal à deux heures.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des secrétaires communaux du canton de Brée déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 21 décembre dernier. »

« Même déclaration des secrétaires communaux dans les arrondissements de Verviers et d'Alost. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants, industriels et commerçants à Châtelineau, prient la Chambre d'accorder au sieur Lebeau la concession d'un chemin de fer direct de Charleroi et Châtelineau à Bruxelles avec embranchements industriels. »

- Même renvoi.


« Quelques militaires pensionnés demandent une augmentation de pension ou une gratification annuelle. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vandamme, à Gand, demande remise d'une condamnation dont il est l'objet. »

- Même renvoi.

« Des habitants de Nil-Saint-Vincent-Saint-Martin, appellent l'attention de la Chambre sur la nécessité de prendre des mesures de surveillance et de protection en faveur des Belges qui ont émigré en Amérique. »

- Même renvoi.


« La dame Paul demande que son frère soit renvoyé du service militaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dumarteau, ancien militaire, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Meganck soumet à la Chambre un projet de loi pour améliorer la position des arpenteurs. »

- Même renvoi.


« Le sieur Zandy-Verger, négociant à Liège, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs blessés et combattants de septembre prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Bolesmes-Harlue présentent des observations en faveur du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, dont la concession est demandée par le sieur Delstanche. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à ce chemin de fer.


« Les bourgmestres et des propriétaires fermiers éleveurs et négociants de Frasnes, Baisy-Thy, Loupoigne, Genappe, Vieux-Genappe, Glabais, Plancenoit et Waterloo, présentent des observations contre la construction d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles dont la concession est demandée par le sieur Blanc, et prient la Chambre d'accorder aux sieurs Wavring la concession du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Azenbergh, pharmacien-droguiste à Louvain, demande que le projet de loi sur la falsification des substances alimentaires soit étendu aux substances médicinales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Daven présente des observations sur le projet de loi relatif à la falsification des denrées alimentaires. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestres de Membre, la Forêt, Bohan, Orchimont, Nafraiture, Houdremont, Sugny, Vresse, Chairière, Mouzaine, Alle, Grosfays, Monceau et Petit-Fays, prient la Chambre de voter les fonds nécessaires pour la construction du pont à établir sur la Semois à Membre. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du département des travaux publics.

Proposition de loi relative à la récusation des magistrats

Rapport de la section centrale

M. Tesch. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la proposition de loi de MM. Lelièvre et autres collègues relative à la récusation des magistrats.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suits de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif aux dons et legs charitables

Retrait

Projet de loi relatif à l'organisation des établissements de bienfaisance

Retrait

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, un arrêté royal en date du 25 de ce mois, m'a autorisé à retirer les projets de lois relatifs aux dons et legs charitables et à l'organisation des administrations de bienfaisance dont la Chambre était saisie.

Projet de loi relatif à l'organisation des établissements de bienfaisance

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Un arrêté royal en date du même jour m'a autorisé à présenter à la Chambre un projet de loi sur les établissements de bienfaisance.

J'ai l'honneur de déposer ce projet sur le bureau.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.

M. Delfosse. - Je demande que chacun de nous soit averti en temps utile du jour où le projet de loi qui vient d'être présenté sera examiné dans les sections. On suivra sans doute, pour l'examen de ce projet, la marche qui a été suivie pour l'examen des projets retirés.

On avait d'abord imprimé et distribué ces projets et les pièces à l’appui, on nous avait donné le temps de les étudier et ensuite on avait fixé le jour pour l'examen en sections.

Je demande que la même marche soit suivie pour l'examen du nouveau projet.

M. de Theux. - Ne pourrait-on pas, dès à présent, arrêter le jour de l'examen en seciions, en le fixant, par exemple, à quinze jours ? Ce délai suffirait pour l'impression et l'étude que chacun de nous peut vouloir faire.

M. Delfosse. - Ce n'est que quand les pièces auront été imprimées et distribuées qu'on pourra savoir si le délai proposé par M. de Theux est suffisant.

Je demande qu'on se borne dès à présent à ordonner l'impression et la distribution et qu'on ajourne la fixation du jour de l'examen en seciions.

M. de Theux. - Je retire ma proposition.

M. le président. - Le projet de loi et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués. Le jour de l'examen en sections sera ultérieurement fixé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1856

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Non, M. le président.

M. le président. - La discussion s'ouvrira sur le projet du gouvernement.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai remarqué, dans le rapport que la section centrale ni les sections n'avaient eu de discussion générale dans l'examen du budget de l'intérieur. Voilà pourquoi je n'entrerai pas dans de grands détails aujourd'hui ; je me réserve de prendre la parole sur les articles.

Toutefois j'aurai une question à adresser à M. le ministre de l'intérieur. C'est relativement à la répartition des 800 mille francs de subsides que nous avons votés en faveur des petits employés du gouvernement.

Il y a plus d'un grand mois que cette somme a été votée par les deux Chambres.

Dans le pays tout le monde le sait, les petits employés ont de grands besoins. Je désirerais savoir si on s'est empressé de faire cette répartition, et si ceux qui en ont le plus besoin maintenant que plus tard, recevront prochainement la légère gratification qui leur est destinée ; si on ne la leur donne qu'au printemps prochain, le voeu de la législature ne sera pas rempli.

Je désire qu'on accélère autant que possible cette distribution, qu'eu y apporte la plus grande activité ; dans les ministères on doit savoir à quoi s'en tenir, si ceux qui ont une nombreuse famille peuvent avoir l'espoir de recevoir bientôt quelque chose.

Je désire que M. le ministre veuille bien me répondre sur ce point. Je n'en dirai pas davantage dans la discussion générale, réservant pour la discussion des articles les autres observations que j'ai à présenter.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, les travaux préparatoires pour la répartition du crédit de 800,000 fr. sont à peu près terminés. Il ne me manque plus que quelques renseignements pour un seul département. J'attends ces renseignements au premier jour ; aussitôt que je les aurai reçus, le travail sera achevé. Les secrétaires généraux se sont réunis pour en déterminer les bases. Un rapport m'a été fait à ce sujet et je pense que dans le courant du mois de février l'indemnité pourra être touchée par les employés que la chose concerne.

M. Rodenbach. - C'est très bien.

M. Lelièvre. - Messieurs, à l'occasion du budget dont nous nous occupons, je crois devoir soumettre à la Chambre et au gouvernement quelques observations qui se rattachent à divers objets d'administration intérieure.

Aux termes de la législation en vigueur, les députations permanentes des conseils provinciaux sont appelées à se prononcer sur les affaires qui leur sont soumises, en vertu des lois existantes (article 106 de la loi provinciale de 1836).

(page 420) Les députations ont ainsi qualité pour statuer dans les causes qui touchent à des intérêts privés, par exemple, en matière de cours d'eau non navigables et non flottables.

Il en est ainsi d'autres hypothèses du même genre qui peuvent léser des droits privés.

Or, d'après les lois anciennes qui, en ce point, n'ont pas été abrogées, les intéressés avaient droit de se pourvoir vis-à-vis de l'autorité administrative supérieure, c'est-à-dire près du gouvernement, et aucun terme fatal n'était prescrit pour ce recours.

Cependant le gouvernement prétend ne pas pouvoir statuer sur semblable pourvoi, lorsqu'il n'est pas formé dans le délai prescrit par l'article 87 de la loi provinciale.

A mon avis, c'est là une erreur. L'article 87 ne concerne que le recours formé par le gouverneur de la province dans l'intérêt général. Il n'est relatif qu'au pourvoi d'office, dirigé contre les décisions des députations qui sont contraires aux lois ; mais il est étranger aux recours formés par les citoyens dans un intérêt privé, pourvoi qui, d'après la législation antérieure, n'était soumis à aucun délai fatal.

On confond ainsi le recours formé par un citoyen contre une décision qui lèse ses droits avec celui formé d'office par le gouverneur pour faire respecter les lois d'intérêt général.

J'appelle l'attention du gouvernement sur cette question que je recommande particulièrement à son examen. En ce qui me concerne, je suis convaincu qtt on veut faire prévaloir une jurisprudence erronée, contraire au texte et à l'esprit de l'article 87 de la loi provinciale.

Il est un autre objet qui souvent a été, dans cette enceinte, signalé à M. le ministre de l’intérieur, c'est la nécessité d'assurer une position meilleure aux employés des gouvernements provinciaux. Depuis longtemps on attend des dispositions nouvelles améliorant l'état de choses actuel.

Le gouvernement a nommé une commission chargée de proposer les mesures nécessaires en ce qui concerne les fabriques de produits chimiques et d'autres établissements de même nature. Je désire savoir si le ministère entend, dans un bref délai, arrêter en cette matière des dispositions dont la nécessité ne peut être contestée.

Le gouvernement commettrait une grande faute, qui pourrait avoir les plus funestes conséquences, s'il perdait de vue les réclamations adressées aux Chambres par de nombreuses populations qui attendent avec impatience la décision de l'autorité supérieure.

Plusieurs professeurs de l'enseignement moyen qui, lors de l'organisation de 1851, n'ont pas été investis de fonctions nouvelles, se trouvent aujourd'hui dans une position précaire qu'on ne peut maintenir avec justice. Quelques uns ne jouissent pas même d'un traitement d'attente.

Je prie le gouvernement de ne pas perdre de vue le sort de fonctionnaires qui ont rendu des services à la chose publique, services qu'on ne saurait oublier sans ingratitude.

Je désire aussi connaître ce qui a été fait à l'égard de l'Académie de médecine dont les statuts devaient être révisés. Si l'on s'obstine à maintenir un état de choses dont on ne voit pas d'exemple dans les autres sociétés savantes, il me sera impossible de voter l’allocation ordinaire énoncée au budget. J’espère que M. le ministre nous donnera à cet égard des explications satisfaisantes.

Enfin, messieurs, avant la session actuelle, il s'est passé un fait qui a besoin d'être justifié par le gouvernement.

Un de nos anciens et estimables collègues, l'honorable M. Delescluse, dont les sentiments modérés sont connus de tous, n’a pas été continué dans ses fonctions de bourgmestre de la ville d’Ath, au mépris du vœu des électeurs. On est allé jusqu’à choisir le bourgmestre hors du conseil communal qui, cependant, était composé d’hommes honorables, en position de remplir dignement les fonctions dont il s’agit.

A mon avis, le ministère a violé les principes de nos lois organiques qu’à une autre époque, M. Dedecker avait si énergiquement défendus.

Nous attendrons les explications de M. le ministre de l’intérieur sur cet acte administratif qui a blessé vivement les amis de nos institutions libérales.

Nous nous réservons d’apprécier le smotifs qui seront déduits pour justifier la mesure dont il s’agit.

M. Vander Donckt. - Messieurs, c’est avec un sentiment pénible que j’ai lu les discussions qui otn eu lieu au sein du Sénat au sujet du crédit supplémentaire demandé par M. le ministre de l’intérieur pour les commissions médicales.

On a incriminé ce que la section centrale avait dit dans son rapport à la Chambre, et l’on ma personnellement attaqué au sein du Sénat. Je demande à donner quelques explications à la Chambre, principalement pour justifier la section centrale. Car, quant à moi personnellement, il importe peu.

Messieurs, je comprends que l’honorable ministre de l’intérieur ait éprouvé quelque embarras à laver ce qu’on est convenu d’appeler le linge sage de son prédécesseur. Mais ce n’était pas un motif pour porter dans une autre enceinte des attaques injustes, des insinuations qu’il aurait bien tort d’apporter ici. C’est-à-dire que l’on a fait notre procès, on nous y a jégé, et pour me servir de l’heureuse expression de notre honorable collègue, M. Delfosse, on nous y a condamnés par contumace.

Messieurs, examinons brièvement ce que j'ai eu l'honneur de dire ce sujet dans la séance du 6 décembre :

« Messieurs, qu'il me soit permis de dire quelques mots sur le troisième crédit, celui qui concerne les commissions médicales. De ce chef encore on a dépassé annuellement les crédits alloués au budget de plus de 6,000 francs.

« Il est vrai que le ministère avait demandé une allocation plus forte ; mais la Chambre a cru qu'elle ne devait pas l'accorder. Chaque année on est venu demander des crédits supplémentaires et dans la discussion qui a eu lieu à ce sujet dans la section centrale, on a fait valoir que la Chambre avait assez complaisamment accordé des crédits supplémentaires, que par conséquent, on s'était cru en droit de faire la dépense.

« Cette circonstance, messieurs, est une nouvelle preuve qu'il ne faut pas accorder trop légèrement des crédits supplémentaires ; car la facilité avec laquelle vous les votez est cause qu'on en abuse.

« Je dois d'ailleurs faire une réflexion générale sur cette institution des commissions médicales : c'est que tant que la loi sur l'art de guérir ne sera pas soumise à nos délibérations, l'institution des commissions médicales ne remplira que très imparfaitement son but.

« Je vous prie toutefois de ne pas vous méprendre sur le sens de mes paroles. Je ne veux incriminer ni accuser aucun des honorables membres qui font partie de ces commissions. Mais j'ai le droit d'attaquer l'institution même, cette institution qui date encore du roi Guillaume, qui est émanée d'un simple arrêté royal, qui n'est nullement en harmonie avec les institutions libérales par lesquelles nous sommes régis, qui est repoussée par le public et plus encore par le corps médical.

« Il est de toute urgence, messieurs, que cette institution, de même que toute la matière sur l'art de guérir soient réglées de par la loi et par une loi conforme à la Constitution qui nous régit. Ce que l'on demande surtout, c'est que les commissions médicales soient électives. En général tous les autres corps constitués sont électifs. Les chambres de discipline des avocats, celles des avoués et des notaires sont le résultat de l'élection. Le seul corps médical continue à végéter dans une ornière vicieuse, sous l'empire des arrêtés despotiques du roi Guillaume. C'est là une position intolérable pour le corps médical.

J'ajoutai encore :

« Messieurs, si je me suis un instant écarté de l'objet en discussion, c'est que je suis obligé de me prononcer contre l'institution des commissions médicales, pour lesquelles on réclame une somme que, selon moi, il ne faut pas accorder. Je le répète, c'est une institution déplorable, une institution entachée d'irrégularités graves et qu'il faut modifier avant d'accorder de ce chef des augmentations de crédit. Il ne faut pas accorder de nouveaux subsides pour une institution dont les membres ne sont pas en état de remplir dignement leur mission. »

Je vous le demande, messieurs, y avait-il là de quoi justifier les attaques et les insinuations dont j'ai été l'objet dans le sein du Sénat ?

Maintenant, voici la discussion qui a eu lieu au sein de cette assemblée.

Un honorable sénateur a prononcé ces paroles :

« Lors de la discussion au sein de la section centrale (séance du 4 décembre 1855) du ciétlitde 8,427 fr. 61 c. demandé par M. le ministre de l'intérieur pour acquitter des dépenses des commissions médicales provinciales se rapportait aux exercices de 1852, 1853, 1854, un membre de la section s'est opposé à l'adoption de ce crédit, en s'appuyant sur des considérations qui sont de nature à jeter de la déconsidération sur des corps composas d'hommes honorables.

« Je viens vous démontrer le peu de fondement de ces assertions.

« Venons aux faits : Il y a, dit le membre de la section centrale, tendance des commissions médicales à l'entraînement général, d'enlever un trésor public la plus grande part possible, en grossissant leurs mémoires par les frais de route et des marches et contre-marches inutiles ei non justifiées, comme le prouvent ces mémoires scrupuleusement examinés. »

Plus loin il ajoute :

« On dit encore, dans le document que je cite, que les commissions ne satisfont pas aux vœux du public, ni du corps médical, auxquels elles ne rendent pas les services que, dans une bonne organisation, elles pourraient leur rendre. »

Immédiatement après, il ajoute :

« Est-ce leur faute si, depuis quelques années, on morcelle leurs attributions, si, par des créations nouvelles, on usurpe leurs fonctions ? Est-ce leur faute si des conflits d'attributions viennent les réduire à l'impuissance ?

« Je partage entièrement l'avis de la section centrale, quaud elle dit « que les vices sont inhérents à l'organisation des commissions médicales, laquelle est appelée à subir de profondes modifications par la loi sur l'art médical, dont la Chambre est à la veille d'être saisie ; et en effet, ces corps laissent beaucoup à désirer et ne satisfont aux vœux ni du public, ni du corps médical, auxquels ils ne rendent pas les services que, dans une bonne organisation, ils pourraient leur rendre. Ils ne seront réellement utiles que lorsque ces fonctions seront électives, comme le sont les conseils de discipline des avocats, des avoués, notaires, etc., jusqu'aux huissiers ! »

« En cela, la section centrale a été au-devant de tous nos vœux et nous attendons avec une bien vive impatience que la loi sur l'art de guérir, depuis si longtemps promise, soit bientôt discutée.

(page 421) « Le cabinet précédent avait promis formellement de s'en occuper ; tous les matériaux sont prêts, et je réitère aujourd'hui la demande que j'ai faite l'année dernière, que le cabinet actuel nous présente, sans retard, cette loi si nécessaire, si importante.

« Je crois être ici l'interprète de tout le corps médical, en priant l'honorable ministre de l'intérieur de mettre à exécution ce qui nous a été tant de fois promis par ses prédécesseurs. »

Je suis heureux de constater ici que l'honorable sénateur partage entièrement les opinions de la section centrale et les miennes à cet endroit.

Vous voyez que l'honorable sénateur est parfaitement d'accord avec la section centrale pour dire que cette institution est entachée d'irrégularités et de vices auxquels il est très urgent de remédier.

L'honorable ministre de l'intérieur, répondant à l'honorable sénateur lui dit :

« Messieurs, quand le crédit extraordinaire, demandé pour le département de l'intérieur, a été soumis à la Chambre, il est arrivé qu'un membre de cette assemblée a saisi cette occasion pour attaquer d'une manière acerbe le crédit demandé pour les commissions médicales. »

L'honorable ministre ajoute encore :

« On a accusé les commissions médicales de grossir à plaisir leurs états d'honoraires, de faire des marches et des contre-marches dans le but d'augmenter le chiffre de leurs indemnités. Rien de tout cela n'est fondé. »

Messieurs, ici il faut que je m'arrête un instant et que je donne à la Chambre les motifs qui ont dicté à la section centrale le passage incriminé et par l'honorable sénateur et par l'honorable ministre.

Ces expressions de marches et contre-marches qui se retrouvent dans le rapport de la section centrale ont été motivées par le dossier qui a été communiqué à la section centrale, et dans lequel il s'est trouvé la preuve que des membres des commissions médicales, venant le vendredi au chef-lieu de leur province, se sont rendus dans une direction opposée à leur domicile, sont retournés le samedi, passer le dimanche chez eux, sont revenus de nouveau le lundi au chef-lieu se rendant de là dans les communes où ils devaient terminer leurs affaires. Ce fait est prouvé à toute évidence par les mémoires des commissions médicales.

Il y a donc une espèce de tendance à grossir leurs mémoires par des marches et des contre-marches. Nos observations peuvent ainsi se justifier par le dossier même.

L'honorable ministre dit encore :

« D'un autre côté les commissions médicales ne peuvent pas grossir à plaisir leurs mémoires, attendu que toutes leurs dépenses sont tarifées : les frais de vacation relèvent par jour à 12 fr. et les frais de route à fr. 1 50 par chemin de fer et à 3 fr. par routes ordinaires.

« Il n'y a donc, dans les dépenses que peuvent faire les commissions médicales, absolument rien qui prête à l'arbitraire ou qui soit conventionnel : elles remplissent les missions dont on les charge et elles reçoivent de ce chef des indemnités dont le montant est officiellement tarifé.

« Il est donc parfaitement inutile de défendre contre d'injustes attaques les membres des commissions médicales qui, pour la plupart, appartiennent à la catégorie des praticiens les plus distingués et quelques-uns même au corps professoral. C'est pour ce motif que, dans une autre enceinte, je n'ai pas pris la parole pour les défendre, les croyant au-dessus des atteintes de pareilles insinuations.

« Je n'ignore pas que le langage tenu dans une autre enceinte a causé une certaine émotion parmi les membres des commissions médicales et je le comprends parfaitement. Aussi, je suis heureux de joindre ma voix, au nom du gouvernement, à celle de l'honorable baron Seulin, pour venger ces honorables membres de toutes les accusations auxquelles on s'est livré à leur égard. »

La section centrale, dans ses observations, s'est maintenue dans les strictes convenances parlementaires, nous n'avons fait allusion à aucun honorable membre de ces commissions, pas même à aucune province, libre à l'honorable sénateur de justifier cette du Brabant, qu'il a l'honneur de présider, c'était son droit.

Ici, messieurs, je dois donner lecture d'un passage d'une lettre qui se trouvait également au dossier d'un gouverneur de province et dans laquelle la section centrale a remarqué les phrases suivantes :

« 8 septembre 1854.

« Monsieur le ministre,

« Ainsi que vous l'avez fait remarquer, ces pièces contenaient, lorsqu'elles vous sont parvenues, de nombreuses et graves irrégularités, etc., etc. »

Est-ce la section centrale, est-ce moi qui le dis ? C'est l'honorable ministre qui le dit et le gouverneur le lui répète : ces pièces renfermaient de nombreuses et graves irrégularités. Les observations de la section centrale sont donc bien justifiées par les passages de cette lettre.

Voici un autre passage :

« Aucune distance n'a été calculée par chemin de fer ; ils peuvent parfois s'en dispenser, mais alors il convient d'en indiquer les motifs. Je n'ai pas cru devoir montrer à cet égard plus de rigueur que les années précédentes. »

C'est-à-dire qu'aucune distance n'a été calculée par chemin de fer, c'est-à-dire que toutes les distances ont été taxées à raison de 3 fr., et M. le gouverneur, répondant à M. le ministre, lui dit : « Je n'ai pas cru devoir être plus rigoureux que les années précédentes. »

Ainsi jusqu'à présent on ne s'est pas conformé à la loi, on ne s'est pas conformé au tarif que M. le ministre a cité dans une autre enceinte.

Si l'honorable ministre avait voulu se donner la peine d'examiner ces mémoires, il se serait convaincu de l'existence des irrégularités signalées par la section centrale et il ne se serait pas livré dans une antre enceinte à des insinuations et à des attaques qui sont de nature à décourager les sections centrales ; je dis que quand une section centrale remplit un pénible devoir en signalant à la Chambre et au gouvernement des irrégularités graves, M. le ministre ne devrait pas porter ses plaintes dans une autre enceinte et jeter du blâme sur cette section centrale qui, après tout, est une émanation de cette Chambre.

Voilà, messieurs, les observations que j'avais à faire et s'il s'élevait le moindre doute sur les documents que j'ai indiqués, que M. le ministre veuille bien déposer le dossier sur le bureau de la Chambre ; chacun de nous pourra se convaincre alors de l'exactitude des renseignements donnés par la section centrale et qui la justifient des attaques dont elle a été l'objet dans une autre enceinte.

J'ai dit.

(page 444) M. Verhaegen. - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre, dans les quelques paroles qu'il vient de prononcer, af'ait allusion à un fait que je ne puis passer sous silence dans la discussion générale du budget de l'intérieur. Je ne me bornerai pas, comme lui, à demander des explications à M. le ministre. Les faits sont assez connus pour que je puisse dire, sans aller trop loin, que l'acte dont il s'agit me paraît injustifiable.

Après de longues hésitations le gouvernement, cédant à de hautes influences dictées par de mesquines rancunes, a posé un de ces actes qui caractérisent mieux que tout autre ce qu'on este cnvenu d'appeler un ministère de conciliation.

Contrairement à l'esprit de la loi, sans s'enquérir près des élus de la commune, à l'exception d'un seul (du refus duquel, d'ailleurs, on était assuré d'avance), il a nommé le bourgmestre de la ville d'Ath en dehors du conseil.

M. Lor, chef du parti clérical dans la localité, lui qui malgré les fonctions de juge de paix dont il est revêtu, n'a pu se faire élire membre du conseil communal bien qu'il se fût plusieurs fois mis au nombre des candidats, est celui sur qui est tombé le choix du cabinet.

Messieurs, je n'ai pas dans l'occurrence à m'occuper de questions de personne ; je n'ai pas à m'étonner que M. le ministre n'ait pas maintenu à la tête de l'administration communale d'Ath l'honorable M. Delescluse qui a siégé longtemps dans cette enceinte et qui a occupé pendant de longues années, à la satisfaction de tousses administrés, les fonctions d'échevin et puis celles de chef de l'administration communale ; je comprends bien que le gouvernement ait eu le droit de ne pas le maintenir dans sa position quoiqu'il eût pour lui les attestations les plus flatteuses émanant de M. le gouverneur du Hainaut ; je le comprends, car le gouvernement est libre, et je ne lui conteste pas cette liberté, de ne pas choisir des hommes qu'il ne considère pas comme ses amis politiques. Je laisse donc hors de cause l'honorable M. Delescluse ; il ne s'agit pas de lui dans la discussion actuelle.

Ce que je veux exposer à la Chambre se borne à une question de principe ; c'est une question qui se rattache à nos franchises communales qui ont toujours été si chères aux Belges et pour lesquelles l'honorable M. de Decker a dans toutes circonstances montré tant de sympathies.

Messieurs, nous n'avons guère d'exemples de nominations de bourgmestres en dehors du conseil, car de semblables nominations, aux termes de la loi de 1848, ne peuvent se faire que dans des cas excessivement rares, pour des motifs d'une gravité extrême, en d'autres termes, alors seulement qu'il est démontré que pas un homme dans le conseil n'est capable d'être bourgmestre ou ne veut accepter les fonctions qui se rattachent à cette qualité.

Messieurs, on a attendu très longtemps avant de prendre un parti sur la nomination du bourgmestre d'Ath ; on a hésité pendant cinq mois ; mais enfin on a eu la main forcée ; on a voulu en finir, et qui a-t-on nommé ? Un homme qui est l'adversaire politique de tous les membres du conseil communal, le chef du parti catholique dans la localité.

On a posé l'acte le plus fâcheux auquel un gouvernement puisse se laisser entraîner : on a jeté l'injure, à la tête du corps électoral ; on a nommé un homme qui, une première fois, il y a longues années, était parvenu, sous le masque dout il s'était couvert, à se faire élire conseiller communal, mais qui, connu depuis des électeurs, est tombé d'abord aux élections de 1845, et ensuite à trois autres élections successives, car, nonobstant tous les moyens qu'il a mis en œuvre et l'influence que lui donnaient ses fonctions de juge de paix, il n'a jamais pu réunir une majorité ; et c'est cet homme désavoué par les électeurs qu'on a eu la malheureuse idée de mettre à la tête de l'administration lorsque dans le conseil on pouvait trouver plus d'un membre qui eût formé un très bon bourgmestre et qui eût accepté. Si j'établis ces faits, il sera bien clair que le gouvernemeut s'est mis en opposition avec l'esprit de la loi de 1848.

Je le disais tantôt, les libertés communales nous ont été toujours chères. La loi de 1836 avait concilié deux principes qui auraient pu se froisser, et cette conciliation s'était faite en donnant la nomination du bourgmestre au gouvernement, mais dans le sein du conseil. Au commencement de notre régénération politique le bourgmestre était nommé directement par les électeurs ; en 1836 on a permis au gouvernement de le nommer, mais dans le sein du conseil.

En 1842, sous le ministère Nothomb, on nous présenta un projet de loi qui était destiné à mettre de côté les dispositions de la loi de 1836, beaucoup de membres s'en émurent dans cette enceinte, et l'honorable M. de Decker lui-même établit à cet égard, dans un discours remarquable, les vrais principes.

Je ne suis pas tâché de rappeler iei ce discours.

En 1842 le ministère signalait pour la nomination des bourgmestres dans le sein du conseil des inconvénients administratifs et des inconvénients politiques.

L’honorable M. de Decker a démontré que ces inconvénients n’étaient qu’imaginaires.

« D'abord le ministre vous a fait entendre qu'obligé de choisir le bourgmestre dans le sein du conseil, le pouvoir central était souvent humilié.

« Messieurs je vous avouerai que ce langage ne me paraît pas fort constitutionnel, je trouve étrange que l'on vienne dire que le pouvoir central est humilié parce qu'il doit respecter l'un des autres pouvoirs constitués du pays.

« Tout pouvoir qui s'exerce régulièrement et en vertu des lois est respectable. Quoi ! le pouvoir central est humilié d'être obligé de s'en référer aux décisions de l'opinion publique, de devoir admettre pour agents des hommes que la majorité d'une commune a investis de sa confiance !

« Supposons cependant que le gouvernement ait été humilié jusqu'à présent, croirait-on que par les modifications proposées il cesse de l'être ? Je voudrais me tromper, mais je crois qu'il se prépare pour le pouvoir central une autre série d'humiliations Qu'arrivera-t-il ? Dans toutes les communes vous allez envoyer ce que vous appelez des commissaires du Roi, il faudra bien les recevoir, les accueillir, mais la commune se dira : Puisque le gouvernement me traite ainsi je vais opposer défiance à défiance. Et la commune nommera tout un conseil hostile d'une manière systématique et permanente à l'homme envoyé par le gouvernement.

« Dans chacune des séances publiques de ce conseil, la lutte s'engagera, chacune de ces séances présentera l'aspect d'un champ de bataille où le gouvernement, dans la personne de son agent, sera vaincu par la commune et traité comme tel le lendemain par les journaux qui exploiteront cette victoire au profit de leurs rancunes locales. »

M. de Decker répond encore avec énergie à d'autres inconvénients signalés par le ministre, et puis il dit :

« Messieurs, non seulement les modifications proposées à la loi communale ne feront pas disparaître les inconvénients qui existent, inconvénients de détails en tous cas, mais ces modifications en vont créer de bien plus graves, de bien plus sérieux.

« Et d'abord, je dis que la proposition du gouvernement tend à détruire, à discréditer le principe de l'élection. Messieurs, cette remarque est de la plus haute gravité. Toutes nos institutions politiques reposent sur le dogme politique de l'élection. Tout ce que l'on fait pour détruire ce dogme influe sur le reste de notre organisation politique. Aussi, tout, ce qu'on a dit pour défendre le projet du gouvernement, toutes les observations de l'honorable comte de Mérode, par exemple, portent bien plus haut qu'il ne l'a voulu lui-même. Toutes ses réflexions sont parfaitement applicables à d'autres pouvoirs que celui de bourgmestre.

« Messieurs, vous commencez par faire un appel généreux à l'opinion publique ; quand elle vous a répondu, vous ne voulez plus vous en référer à sa réponse. Il me semble que cela n'est ni logique ni adroit. Tout pouvoir qui confère des mandats doit être nécessairement entouré d'un prestige d'infaillibilité.

« Ces attaques me paraissent d'autant plus graves qu'elles ont lieu dans un pays où la royauté elle-même a été élective, dans un pays où nous disons : le Roi de notre choix. »

L'honorable M. de Decker démontre ensuite :

1° Que le gouvernement, sous prétexte de sceller entre les communes et l’Etat une alliance plus intime, plus directe, va provoquer les dissentiments, un divorce ;

2° Que la proposition du gouvernement tend, sinon à détruire la vie communale, du moins à l'entraver singulièrement, et il entre à cet égard dans de longs et énergiques développements.

Il termine ainsi :

« Messieurs, au résumé je ne puis en conscience, voter pour les modifications proposées par le gouvernement, bien que j'aime à croire que le gouvernement a dit vrai lorsqu'il nous a annoncé que c'était dans un but purement administratif qu'il les proposait. Eh bien, les inconvénients administratifs qu'il a signalés je ne puis les admettre et dès lors je ne puis admettre non plus que les remèdes qu'il propose soient nécessaires. »

Voila bien les vrais principes sur la matière. Nous développions aussi, de notre côté, ces mêmes principes, mais nous succombâmes sous les voix de la majorité d'alors ; la loi fut adoptée.

En 1848, il s'agissait de faire disparaître ce que l'on considérait comme le résultat d'une réaction, il s'agissait de faire taire de justes susceptibilités, de faire droit à des réclamations qui avaient surgi de toutes parts dans le pays ; on proposa donc de rétablir la base de la loi de 1836, et de ne faire qu'une exception, une seule exception au principe fondamental, exception qui devait toujours, d'après l'opinion du gouvernement et de tous les orateurs qui ont pris la parole, être circonscrite dans d'étroites limites. Ce ne pouvait être, d'après eux, que pour des cas très graves et de l'avis conforme de la députation permanente qu'une mesure aussi exorbitante était abandonnée au gouvernement.

On rappela de nouveau à cette occasion les principes quant aux libertés communales, et je trouve dans la discussion des paroles remarquables sorties de la bouche de mon honorable ami M. Delfosse.

« Messieurs, disait cet honorable membre, le bourgmestre a deux espèces d'attributions : il est chargé des intérêts communaux ; il est chargé de l'exécution des lois. Au premier point du vue, il doit surtout (page 445) avoir la confiance des habitants de la commune ; au deuxième point de vue, au point de vue de l'exécution des lois, il doit surtout avoir la confiance du gouvernement.

« La nomination du bourgmestre par le Roi, mais dans le sein du conseil, était une transaction acceptable entre les divers principes, entre les divers intérêts ; c'était une combinaison destinée à les concilier.

« Ils ont donc été bien mal inspirés ceux qui, en 1842 ont donné au Roi le droit de nommer les bourgmestres en dehors du conseil ; ils ont porté par là une grave atteinte aux droits des communes ; ils ont froissé un des sentiments les plus vifs du pays....

« Je n'ai plus guère du reste le courage d'adresser des reproches aux hommes de l'ancienne politique ; ils sont assez punis de leurs fautes, etc., etc. »

L'honorable M. Delfosse cependant et avec lui plusieurs de ses amis (je suis de ce nombre) admirent une exception à la règle qui avait sa base dans les franchises communales, le cas où par des motifs très graves et de l'avis conforme de la députation permanente, le gouvernement se trouverait dans l'impossibilité de nommer dans le sein du conseil. Mais il fut bien entendu par nous tous (et je fais appel à cet égard aux souvenirs des membres de la majorité d'alors) que cette exception devait être circonscrite dans des limites très étroites et qu'il ne pourrait jamais être question de nommer en dehors du conseil que pour autant qu'il n'y aurait pas dans le conseil un seul homme capable de remplir les fonctions de bourgmestre ou que tous sans exception refuseraient.

D'autres membres ne voulurent pas même de cette exception, et parmi ces derniers, je signalerai l'honorable M. Castiau dont les paroles méritent encore de fixer aujourd'hui votre attention ; car il avait prévu plusieurs de ces inconvénients que je signalais tantôt, et qui ne manqueront pas de se reproduire, chaque fois que le gouvernement, sans qu'il y ait nécessité absolue, fera fléchir le principe général.

« J'ai dit, disait M. Castiau, que la proposition du gouvernement, tendant à faire nommer bourgmestre en dehors du conseil, même de l’avis conforme de la députation permanente, était à la fois inutile et dangereuse ; j'ai dit que cette prérogative exceptionnelle était inutile, parce que le gouvernement était armé d'attributions assez nombreuses pour diriger, contenir et, au besoin, dominer les administrations communales : droit de nomination, droit de révocation, droit d'approbation, droit d'annulation. N'eût-il pas toutes ces attributions, qu'il lui suffirait de recourir, en cas de négligence ou de mauvais vouloir, au droit exorbitant que lui confie l'article 88 de la loi communale et d'envoyer aux frais personnels des administrateurs, dans les communes récalcitrantes, des espèces de proconsuls ministériels qui se mettent en lieu et place des administrations communales ? Que faut-il craindre encore, armé d'une prérogative aussi exorbitante ?

« J'ai dit que la disposition était dangereuse ; en effet, l'assentiment de la députation permanente fera-t-il cesser l'hostilité qui existera nécessairement entre ce bourgmestre, ce commissaire royal, nommé en dehors du conseil communal, et le conseil communal lui-même ? L'intervention de la députation permanente donnera-t-elle la consécration populaire à ce bourgmestre ? Le choix fait en dehors du conseil communal ne sera-t il pas en définitive une espèce d'injure et au conseil communal lui-même et au corps électoral et à toute la population de la commune ?

« Eh bien, un pouvoir qui se présente ainsi déconsidéré, ainsi flétri d'avance, ce pouvoir est impuissant pour faire le bien et pour administrer ; l'homme qui est frappé dans la commune d'un tel discrédit qu'il n'a pu arriver aux modestes fondions de conseiller communal, verra s'affaiblir et s'avilir dans ses mains l'autorité dont vous allez le revêtir. Il y aura là un conflit perpétuel, un principe permanent de lutte et de déchirement.

« L'avis conforme de la députation permanente n'empêchera pas ces conflits de naître entre ce bourgmestre imposé à la commune par le gouvernement et le conseil communal appuyé sur les électeurs et souvent sur la population entière. »

Ce fut l'honorable M. Henri de Brouckere qui répondit à l'honorable M. Castiau, et les paroles prononcées à cette occasion par cet honorable membre, qui avait été gouverneur de la province d'Anvers, et qui était à même d'apprécier les circonstances, prouvent assez que s'il admettait l'exception qui était proposée, ce n'était que pour des cas excessivement rares, que pour le cas où il aurait été impossible de trouver dans le conseil un homme capable ou qui voulût accepter.

« Messieurs, disait-il, l'opposition que fait l'honorable M. Castiau au projet du gouvernement est fondée sur cette considération que dans tous les conseils communaux, on trouvera toujours au moins un homme capable d'être bourgmestre et disposé à accepter ces fonctions. Il est donc complètement inutile, d'après l'honorable membre, de prévoir le cas où, dans l'intérêt du bien public, il faudrait prendre le bourgmestre en dehors du conseil.

« Messieurs, je puis déclarer à la Chambre que dans ma carrière administrative, j'ai rencontré des cas où il y avait impossibilité absolue de trouver parmi les conseillers communaux un bourgmestre, ou capable, ou qui voulût accepter ; et si l'honorable M. Castiau veut en avoir la preuve, je le prie de relire l'enquête qui a été publiée en 1842 ; il y trouvera une lettre du gouverneur de la province d'Anvers, datée de 1841, et par laquelle il signalait au gouvernement une commune où le conseil communal était au complet et où aucun membre de ce conseil ne voulait accepter les fonctions de bourgmestre. « Aucun de ces membres, dit cette lettre, ne veut accepter les fonctions de bourgmestre, et cela sans qu'ils donnent, pour les refuser, d'autres motifs que leur éloignement pour les affaires publiques ou leur prétendue incapacité. »

« Et remarquez-le bien, messieurs, le gouverneur s'était lui-même rendu dans la commune, il avait fait des instances près des membres du conseil, individuellement, et chacun avait persisté dans sa résolution. Il y avait donc impossibilité de donner à cette commune un chef définitif, un chef tel que la loi veut qu'il y ait dans chaque commune. »

Il est évident, d'après toute cette discussion (je tenais à bien constater cela), que, si en 1848 on a admis cette exception, elle devait être restreinte dans les limites les plus étroites, pour des cas excessivement rares, par des motifs excessivement graves et qu'il n'est pas permis au gouvernement de donner aujourd'hui de l'élasticité à cette disposition et de l'étendre suivant les besoins de sa politique.

Lès principes étant posés, voyons maintenant quelle était la position du gouvernement ? Le conseil communal de la ville d'Ath se compose de onze membres parmi lesquels se trouvaient l'ancien bourgmestre, deux échevins et huit conseillers appartenant tous à la classe aisée et intelligente de la société.

On n'a pas voulu de l'ancien bourgmestre. Je le comprends. On avait le droit de l'écarter comme adversaire politique ; je le veux bien. Je ne fais pas de cette affaire une question de personne. Je mets hors de cause la personnalité de l'honorable M. Delescluse. Je n'admets pas qu'elle soit en question dans la discussion actuelle. Mais ce que je dis au gouvernement, c'est que s'il ne nommait pas M. Delescluse bourgmestre, il y avait deux échevins et huit conseillers parmi lesquels il pouvait faire son choix. Qu'a-t-on fait ? On s'est adressé à un seul conseiller. (Il faut bien que je prononce un nom propre ; car il n'y a pas moyen de se faire comprendre sans cela.) On s'est adressé au notaire Willame, à celui dont d'avance ou connaissait le refus.

Et il y avait cependant dans le conseil sept membres qui eussent accepté et que l'aueien bourgmestre avait lui-même engagés à accepter, pour que le pouvoir communal ne passât pas dans les mains d'un adversaire.

Messieurs, quand je parle de faits et de faits qui me paraissent graves, je ne me borne pas à des assertions.

J'ai la preuve des faits ; je les ai par écrit et je vais vous les communiquer.

Voici une déclaration de deux échevins et de cinq membres du conseil communal, ainsi donc sept membres, conçue dans les termes suivants :

« Nous, soussignés, échevins et conseillers communaux de la ville d'Ath, déclarons qu'aucune démarche quelconque n'a été faite près de nous pour nous offrir les fonctions de bourgmestre de la ville a défaut de l'honorable M. Delescluse tant regretté, ou même seulement pour sonder nos intentions à cet égard, et que, si des démarches avaient été faites, nous n'aurions pas hésité un seul instant à accepter, avec d'autant plus de raison que l'honorable M. Delescluse nous avait engagés à faire le sacrifice de nos répugnances, dans l'intérêt bien entendu de la ville, en acceptant le mandat s'il venait à nous être offert et en nr le laissant pas passer dans les mains d'adversaires politiques.

« Ath, le 5 novembre 1855.

« Signé, J.-B. Themont, Delmotte, F. Deneubourg, J.-B. Bourdeau, J. Wuesten, Desmet-Patte, E. Themox-Dessy. »

Ces sept conseillers sont-ils, par hasard, des hommes dont on ne pouvait pas faire un bourgmestre ? Je viens de vous lire, messieurs, leur déclaration ; mais il faut que vous connaissiez les individus.

D'abord, parmi ces sept conseillers se trouve un ancien colonel M. Wuesten qu'on a nommé, si je ne me trompe, depuis lors échevin. Si l'on avait voulu s'adresser à lui, il eût été bourgmestre d'Ath. Pourquoi donc ne s'esl-on pas adressé à lui ? On l'a trouvé bon pour en faire un échevin. N'était-il pas suffisamment bon pour en faire un bourgmestre ?

M. Delmotte est un échevin. C'est un homme qui a à peine cinquante ans. C'est un brasseur jouissant de l'estime et de la considération de ses concitoyens. Il est conseiller depuis 1844 ; il est officier de l'état civil depuis 1848, et c'est, d'après les renseignements qu'on me donne, un administrateur très zélé, très actif. M. Delmotte, d'après la déclaration que je viens de lire, aurait accepté les fonctions de bourgmestre si on les lui avait offertes.

M. Themont, l'autre échevin, est docteur en médecine. C'est un homme très instruit, très intelligent, doué d'une rare activité. Il a rendu d'importants services à la ville d'Ath, surtout en 1817, lors de l'invasion du choléra. Il organisa un hôpital spécial. Il ne fut aidé que par un médecin militaire ; et il vint au secours de beaucoup d'indigents. Homme actif, instruit et zélé, il eût accepté (sa déclaration en fait foi) les fonctions de bourgmestre. On ne s'est pas adressé à lui.

M. Deneubourg est un médecin vétérinaire d'un grand mérite, élève de l'école d'Alfort où il fit de brillantes études, il est certainement un des plus capables du pays. On ne s'est pas adressé à lui.

M. Bourdeau est un négociant d'une grande activité et d'un zèle à toute épreuve ; ancien instituteur primaire et actuellement receveur du (page 446) bureau de bienfaisance, il est aussi membre du conseil communal ; il eût accepté la place de bourgmestre, on ne s'est pas adressé à lui.

M. Desmet-Patte, brasseur, jouit également de l'estime de ses concitoyens, c'est un excellent conseiller de même que M. Themon-Dassy, qui se trouve exactement dans la même position et auxquels on ne s'est adressé pas plus qu'à tout autre.

Le gouvernement pouvait-il donc se placer dans l'exception de la loi de 1848 ? Etait-il vrai qu'il n'y eût pas dans le conseil un seul membre capable ou un seul membre qui voulût accepter ? Je prouve par ce que je viens de dire, d'abord qu'il y avait plus d'une capacité dans le conseil communal d'Atb, et que parmi les conseillers il y en avait au moins sept qui eussent accepté, si on leur eût offert la place, et qu'on ne leur a fait aucune offre. On voulait donc absolument nommer M. Lor qui était juge de paix de la localité etci qui jusqu'à présent paraît ne pas avoir donné sa démission. Je n'ose pas affirmer le fait, mais d'après les renseignements qui m'ont été transmis, il paraît que dans ce moment il exerce encore ses fonctions judiciaires par personne interposée ; à tel point que récemment une enquête s'est ouverte et que M. Lor a présidé à cette enquête. Nous aurons à cet égard des explications à demander à M. le ministre de la justice. Car on ne peut pas, pour avoir le plaisir de nommer un bourgmestre en dehors du conseil et pour ne pas contrarier ce bourgmestre, on ne peut pas laisser la place de juge de paix vacante.

On nomme donc ce M. Lor, et qui est ce M. I.or ? En tout et pour tout il est électeur ; c'est la seule qualité qu'on puisse lui donner. Un jour il était entré au conseil communal ; on ne connaissait probablement pas à cette époque ses opinions, mais à l'œuvre on a reconnu l'ouvrier.

Il a siégé pendant quelque temps, pendant quelques années, si l'on veut, au conseil communal. Mais une moitié du conseil communal devait sortir en 1845. La lutte a lieu et M. Lor reste sur le carreau. Les électeurs n'en veulent plus. J'ai ici le procès-verbal des élections qui constate son échec. Il s’agissait de procéder au remplacement de cinq membres parmi lesquels se trouvait M. Lor, et le résultat du scrutin donne dans les différents bureaux, savoir :

A MM. Jenaert 279 voix, Delescluse 264, Defacq 242, de Ghouy 237, Van Snick 206 et M. Lor tombe à 151 voix, de sorte que M. Lor, qui, avait été conseiller communal jusqu'en 1845, est éliminé par les électeurs, et que sur 300 voix il y a une différence de 100 voix entre lui et ses compétiteurs.

M. Lor se présente de nouveau en 1848 et il obtient 137 voix lorsque M. Delescluse et ses autres compétiteurs en obtiennent 332, 320, 302, 301 et 275.

Il se présente ensuite à l'élection de 1851, il use de l'inlluence que lui donnent ses fonctions de juge de paix ; il échoue pour la troisième fois. Il n'obtient que 195 voix, tandis que ses compétiteurs en réunissent près de 300.

Enfin aux élections de 1854, il n'obtient que quelques voix perdues.

Et c'est cet homme qu'en 1855 on nomine bourgmestre eu dehors du conseil.

Je le demande, messieurs, n'est-ce pas une injure gratuite faite au corps électoral ? Comment ! le corps électoral repousse un homme quatre fois de suite et le gouvernement n’a pas d'autre individu à opposer à l'ancien bourgmestre !

El c'est ainsi qu'on applique la loi, c'est ainsi qu'on donne les garanties promises en 1848 !

Il est vrai qu'on a eu l'avis conforme de la deputation permanente, mais on ne prétendra pas, sans doute, que chaque fois qu'il y a avis conforme de la deputation permanente, le gouvernement soit déchargé de toute espèce de responsabilité. Je ne sais pas comment cet avis conforme a été donné, dans quelles circonstances il s'est produit, mais le gouvernement a sa responsabilité engagée ; nous avons à compter avec lui, et il a à nous dire pourquoi, à raison de quelles circonstances il a nommé bourgmestre en dehors du conseil un homme que les électeurs avaient repoussé quatre fois de suite.

Il a à nous dire pour quel motif il a fait ce choix en dehors du conseil, alors qu'il y avait dans le conseil sept hommes capables, qui eussent accepté si on leur avait offert les fonctions de bourgmestre.

Il y a même, messieurs, quelque chose de plus ; il y a un certificat du gouvernement provincial qui prouve que, non seulement M. Delescluse, dont on ne voulait plus, mais même les échevins qui, avec lui, composaient le collège, étaient des hommes qui jouissaient de la confiance générale et qui remplissaient leurs fonctions avec zèle, probité et exactitude : au mois de novembre 1852, le collège de la ville d'Ath avait donné sa démission ; il y avait eu certains tiraillements et les bourgmestre et échevins voulaient s'en aller pour laisser le champ libre à d'autres. Soit dit en passant, on a adressé à certains des administrateurs communaux des reproches qui n'étaient pas mérités ; on a dit qu'ils avaient donné leur démission parce qu'on n'avait pas voulu grossir le chiffre de leurs appointements ; eh bien, savez-vous ce qui en était ? C'est que quelques années auparavant, par suite de certaines menées, ou avait diminué ce chiffre, et que plus tard, lorsque l'erreur avait été reconnue par tout le monde, on avait demandé le rétablissement de ces appointements à leur ancien taux.

Mais, messieurs, les administrateurs n'avaient aucune espèce d’intérêt dans cette question, car je tiens ici une pièce dont il résulte que le montant des appointements avait été versé dans la caisse du bureau de bienfaisance pour venir en aide à la classe nécessiteuse Le certificat du gouverneur du Hainaut, auquel je faisais allusion tantôt, porte la date du 27 novembre ; il est en forme de missive adressée aux membres du collège. En voici la teneur :

« Mons, le 27 novembre 1852.

« Messieurs,

« Consulté par M. le ministre de l'intérieur sur votre demande de démission, j'ai fait part à ce haut fonctionnaire des motifs qui vous ont engagés à résigner vos fonctions.

« M. le ministre m'a témoigné le regret qu'il éprouverait qui ces motifs, auxquels votre collège a pu donner une signification qu'ils n'ont réellement pas, pussent avoir pour effet de priver la ville d'Ath d'administrateurs qui jouissent de la confiance de la grande majorité des habitants dans l'exercice du double mandat qu'ils tiennent des électeurs et du gouvernement du Roi ; il a donc jugé utile de ne pas donner suite à votre décision et il m'a chargé de vous donner avis de cette décision.

« Le gouverneur,

« Signé, Troye. »

Eh bien, messieurs, si on ne voulait pas de M. Delescluse, comme Ath en avait le droit, il y avait au moins deux hommes à côté de lui, qui faisaient partie du collège et sur lesquels aurait pu tomber le choix du gouvernement ; il y avait en outre cinq conseillers qui étaient dignes de la confiance du cabiuet, comme ils étaient dignes de la sympathie des électeurs

Maintenant, messieurs, vous comprenez les tiraillements qui ont été la conséquence de tout cela. Tout ce qu'avait prévu l'honorable ministre de l'intérieur, dans la discussion de 1842, tout ce qu'avait indiqué comme probable, en l848 l'honorable M. Castiau est arrivé ; le nouveau bourgmestre, choisi en dehors du conseil, a été tellement mal accueilli, qu'il y a eu une protestation de la part de tous les membres du conseil, protestation qui, si mes renseignements sont exacts, donne lieu, en ce moment, à des poursuites devant les tribunaux de répression. Ensuite il y a opposition continuelle entre le conseil et le bourgmestre ; il faut envoyer des commissaires spéciaux ; il faut venir en aide à cet homme qu'on a improvisé bourgmestre, et pour cela il faut jeter l'irritation dans tous les esprits.

Et ce M. Lor, qui était juge de paix, paraît avoir conservé ces fonctions, car j'aî cherché en vain sa démission, dans le Moniteur. Je demanderai à cet égard dès renseignements à M. le ministre de la justice.

Il est possible que mes recherches n'aient pas été complètes, mais ce que je sais, c'est que M. Lor agit encore aujourd'hui comme juge de paix dans certaines circonstances, qu'il préside à des enquêtes, qu'il remplit, en d'autres termes, ses anciennes fonctions par l'intermédiaire du suppléant, qui est un boutiquier. Je voudrais savoir de M. le ministre de la justice s'il nommera immédiatement un juge de paix en remplacement de M. Lor, car enfin les fonctions de juge de paix sont certes bien incompatibles avec celles de bourgmestre.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'incompatibilité est écrite dans la loi.

M. Verhaegen. - C'est un motif de plus pour remplacer M. Lor tout de suite.

Nous voilà, messieurs, tout à la fois en présence et de M. le ministre de la justice et de M. le ministre de l'intérieur, voilà un fonctionnaire de l'ordre judiciaire qui devient fonctionnaire de l'ordre administratif et qui de fait continue à exercer ses premières fonctions quoiqu'elles soient incompatibles avec les secondes. M. le ministre de la justice empiéterait-il sur les attributions de son collègue de l'intérieur en tolérant, lui, ce cumul ?

Et ce n'est pas la première fois que M. le ministre de la justice se serait permis pareil empiètement, car dernièrement, à notre grand étonnement, nous avons vu le chef du département de la justice intervenir dans une affaire réservée exclusivement au département de l'intérieur.

Il s'agissait de l'annulation d'une délibération d'un conseil communal, et qui propose cette annulation ? Vous croyez que c'est M. le ministre de l'intérieur. Pas du tout, c'est M. le ministre de la justice ; vous croiriez que c'est M. le ministre de l'intérieur qui contresigne l'arrêté royal ; pas du tout ; c'est M. le ministre de la justice. (Interruption.) Il s'agit de l'affaire du conseil communal d'Olne ; la proposition a été faite par M. le ministre de la justice qui a contresigné l'arrêté royal sous la date du 8 décembre 1855. Je demande si ce n'est pas là, de sa part, un empiétement sur les attributions de son collègue, M. le ministre de l'intérieur.

Maintenant que j'ai exposé les faits, j'attendrai les explications de MM. les ministres.

(page 421) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, les divers orateurs que vous venez d'entendre ont appelé l'attention du gouvernement sur différents objets d'administration qui ressortissent au département de l'intérieur.

Je commencerai par l'affaire qui paraît avoir plus particulièrement attiré l'attention des honorables MM. Lelièvre et Verhaegen, je veux parler de la nomination du bourgmestre de la ville d'Ath en dehors du conseil.

L'honorable M. Verhaegen a eu raison de dire que les franchises communales m'ont toujours été chères. En effet, dans toutes les occasions où j'ai pu, comme député, défendre les libertés de la commune, je l'ai fait. Aujourd'hui encore je maintiens à cet égard tous les principes que j'ai défendus dans toute ma carrière parlementaire, et je considère nos institutions communales et provinciales comme un des traits principaux de notre caractère, comme une des bases de la nationalité belge.

Lorsque en 1842 on avait proposé la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, je me suis opposé à ce projet dans toute la sincérité de mes convictions ; mais à cette époque il était question de faire voter par la Chambre la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, sans aucune espèce de garantie contre l'arbitraire ministériel. En 1848, on a proposé de subordonner la nomination des bourgmestres en dehors du conseil à l'avis conforme de la députation permanente.

Voyons, messieurs, si, dans le cas actuel, il a été fait un usage convenable du droit dont le gouvernement se trouve investi ; car comme ministre de l'intérieur, je n'ai plus à examiner s'il y avait lieu ou non d'admettre dans la loi la faculté pour le gouvernement de nommer un bourgmestre en dehors du conseil ; cette faculté, le gouvernement la possède aujourd'hui. Il s'agit de savoir si le gouvernement a fait, dans le cas actuel, un usage convenable de ce droit qu'on ne lui conteste pas.

Messieurs, les élections communales ont eu lieu la dernière fois au mois d'octobre 1854. L'honorable bourgmestre Delescluse a été réélu à une très forte majorité. Déjà, dès le 6 décembre, M. le gouverneur du Hainaut proposa la nomination de M. Delescluse, en même temps que celle des bourgmestres d'autres villes de la province.

Quelques jours après, M. Delescluse vint dire à M. le gouverneur qu'il lui était impossible d'accepter un nouveau mandat, parce qu'on ne voulait pas, au préalable, rétablir le traitement du bourgmestre de la ville d'Ath au taux de 1,700 francs auquel il avait été pendant quelques années. C'est en 1850, si je ne me trompe, que, sur la proposition du conseil communal, ce traitement avait été réduit à 1,000 fr. L'honorable M. Delescluse n'a cessé de protester contre cette réduction qui avait été ratifiée par la députalion permanente. De là étaient nées des collisions constantes entre l'honorable bourgmestre de la ville d'Ath et les membres de la députation permanente.

Après la déclaration verbale faite par M. Delescluse, qu'il ne pouvait pas accepter un nouveau mandat tant qu'on ne serait pas revenu sur la réduction de son traitement, l'honorable gouverneur du Hainaut jugea plus convenable de laisser sans suite immédiate la question de la nomination du bourgmestre de la ville d'Ath. Cependant, pour couper court à cette difficulté, la députation permanente, de commun accord avec M. le gouverneur, fit droit à la réclamation de l'ancien bourgmestre, en rétablissant le traitement au taux primitif de 1,700 fr.

C'était au mois de février. Au mois de mai, M. le gouverneur du Hainaut demanda derechef à M. Delescluse si quelque chose s'opposait encore à son acceptation des fonctions de bourgmestre. M. Delescluse vient cette fois avec d'autres conditions ; il dit à M. le gouverneur qu'il ne pouvait pas accepter ces fonctions tant que le gouvernement n'aurait pas fait droit à certaines demandes de la ville d'Ath, tendant à obtenir la cession de terrains et bâtiments des anciennes fortifications et à faire augmenter l'importance de la garnison de cette ville. M. le (page 122) gouverneur fut surpris de voir surgir de nouvelles conditions, et l’afaire en resta de nouveau là.

Au mois d’août je demandau à M. le gouverneur du Hainaut où en était la question de l’acceptation des fonctions de bourgmestre de la ville d’Ath par M. Delescluse ; je le priai en même temps de me donner un nouvel avis sur la convenance de cette nomination.

J'exprimais dans ma lettre l'étonnement que j'éprouvais de voir des conditions mises par M. Delescluse à son acceptation. Je trouvais cette conduite peu digne en elle-même et peu convenable à l'égard du gouvernement. M. le gouverneur du Hainaut en jugea de même ; il me fit savoir que, d’&ccord avec la députation permanente, il ne croyait plus devoir insister sur la première présentation de M. Delecluse comme candidat aux fonctions de bourgmestre. L'affaire en était donc là. Il n'était pas du tout question encore du candidat qui, depuis, a été préféré.

De bonne foi, de ma part, et de bonne foi, de la part de M. le gouverneur du Hainaut et de la d »putation permanente, j'en suis convaincu, on s'adressa à un autre membre du conseil communal.

Je ne connais, personnellement ni même de vue, aucun des membres de ce conseil ; mais, d'après tous les renseignements qui me sont parvenus, c'éiait le seul candidat, à tous égards, convenable pour exercer les fonctions de bourgmestre dans la ville d'Ath. Cet honorable conseiller communal, qui est le notaire Willame, se rendit, à la prière de M. le gouverneur, dans le cabinet de ce fonctionnaire. M. le gouverneur lui offrit les fonctions de bourgmestre ; M. Willame crut devoir refuser.

Du moment que Ion sut à Ath que la place de bourgmestre avait été offerte à M. Willame, tous les conseillers adressèrent à Sa Majesté une lettre collective où ils protestaient de leur désir de voir M. Delescluse nommé bourgmestre et de ne voir nommer que lui.

L'impression de cette démarche sur M. le gouverneur, sur la députation permanente et le gouvernement avait été la même ; c'était que toutes démarches auprès des membres du conseil seraient des démarchés inutiles qui n’auraient d’autre résultat que d’humilier le gouvernement par une suite de refus. Voilà l’impression nette que fit cette protestation sur les autorités qui ont connu cette affaire.

Il est évident que si on avait pu prévoir qu'un autre membre du conseil, capable d’exercer les fonctions de bourgmestre, eût accepté, M. Le gouverneur eût fait des démarches auprès de ce membre. C’est parce que le gouverneur et la députation avaient la conviction que le conseil communal d’Ath voulait exercer une pression sur le gouvernement qu’on n’a pas continué à faire des démarches auprès des autres membres du conseil.

Ainsi le grand argument de l’honorable membre vient à disparaître. Aujourd’hui on vient dire qu’on êut accepté.

M. Verhaegen. - La lettre que j'ai lue est du 5 novembre 1855.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Cette disposition de MM. les conseillers était inconnue de tout le monde. Le fait est que le gouvernement provincial et le gouvernement central n'ont pas fait de démarches auprès des autres membres du conseil, uniquement parce qu'on était convaincu de l’inutilité des démarches, uniquement pour ce motif, et de bonne foi.

C'est du reste ce qui résulte aussi du document dont je vais avoir l'honneur de donner lecture, et qui émane de la députation permanente.

La députation permanente du Hainaut doit inspirer toute confiance à l'honorable membre ; elle est composée exclusivement de ses amis politiques ; et sa décision a été prise à l'unanimité.

« La deputation permanente du conseil provincial du Hainaut,

« Ouï le rapport qui a été fait en séance de ce jour par M. le gouverneur du Hainaut, sur la nécessité où se trouve le gouvernement de compléter, au vœu de la loi, le personnel de l'administration communale de la ville d'Ath, rapport duquel il résulte :

« 1° Que M. J.-B. Delescluse, bourgmestre dont les fonctions ont pris fin du 31 décembre dernier, avait été, dès le 6 du même mois de décembre, proposé pour obtenir le renouvellement de son mandat ; que, consulté personnellement sur le choix à faire pour la place d'échevin, également vacante par l'expiration du terme, des fonctions du titulaire, il déclina toute nouvelle nomination, tant pour lui que pour M. Jean-Baptiste Thémont, échevin sortant, avant que la deputation permanente eût fait droit aux réclamations des membres de l'administration communale d'Ath relatives à la réduction des traitements des bourgmestres et échevins, ajoutant par lettre du 16 mai, que d'autres obstacles existaient encore et qu'il désirait ne recevoir de nomination qu'après l'exécution des promesses qui, selon lui, auraient été faites par le gouvernement à l'administration communale, relativement à la garnison, ou après une solution favorable de la demande des terrains et bâtiments de la ci-devant forteresse d'Ath ;

« 2° Que le gouvernement ne croit pas devoir subir une semblable pression, bien que des mesures administratives, prises tant par le gouvernement que par la deputation permanente, aient amené la réalisation de certaines de ces conditions ;

« Attendu que la tentative faite, d'après l'exposé mentionné plus haut, pour arriver à trouver un bourgmestre dans le sein du conseil communal, n'a point abouti, et que toute nouvelle démarche dans ce but serait inutile, ce que prouve d'ailleurs la requête adressée à S. M. par les membres du conseil communal, en faveur du maintien de M. Delescluse dans les fonctions de bourgmestre, et dont copie certifiée a été communiquée à la députation permanente ;

« Attendu que, dans cet état de choses, il devient impossible d'assurer la marche du service administratif de la ville d'Ath sans recourir à la disposition exceptionnelle introduite par la loi du 1er mars 1848, par modification à l'article 2 de la loi communale du 30 mars 1836 ;

« Procédant en vertu de l'article 2 de la loi communale précitée, modifié comme il est dit ci-dessus ;

« Est d'avis qu'il y a lieu de pourvoir à la place de bourgmestre de la ville d'Ath, aujourd'hui vacante, par une nomination hors du conseil communal dans les conditions déterminées par les dispositions en vigueur.

« Fait en séance, à Mons, le vingt et un septembre mil huit cent cinquante-cinq.

« (Signé) Troye, Dujardin, J. Demoriamé, Manfrot, Dequanter, Fr. Defacq, A. Wanderpepen et Dufour.

« Pour expédition conforme : Le greffier provincial du Hainaut,

« (Signé) Dufour. »

Ainsi messieurs, le gouvernement était parfaitement d'accord avec le gouverneur du Hainaut et avec la députation permanente tout entière sur l'existence d'une pression, d'une part, pour forcer le gouvernement de subir toutes les conditions posées par M. le bourgmestre Delescluse, d'une pression de la part du conseil pour forcer la main au gouvernement afin qu'il ne pût trouver aucun candidat acceptant en dehors de M. Delescluse.

En dehors de ces motifs, il y avait encore, messieurs, des raisons pour ne pas renouveler le mandat de M. Delescluse.

Il me répugne de devoir entrer dans un autre ordre de considérations, à l'égard d'un ancien collègue qui a longtemps siégé parmi nous ; mais je suis obligé de le faire, pour justifier l'acte posé par le gouvernement.

Il est évident, pour tous ceux qui connaissent la ville d'Ath, que l'administration de M. Delescluse était une administration qui, à beaucoup d'égards, était extrêmement despotique pour tous ceux qui ne partageaient pas la manière de voir du bourgmestre. Tous ceux qui ont quelques relations avec la ville d'Ath connaissent les difficultés de tout genre que ce bourgmestre a successivement suscitées à toutes les autorités.

On peut le dire, il était en hostilité habituelle et directe avec toutes les autorités : avec le gouverneur, avec la députation permanente, avec le juge de paix, avec le procureur du roi, avec la commission médicale ; je ne veux pas parler de l'autorité religieuse, cela va sans dire. En général, il était en hostilité avec toutes les autorités. De plus, il était en lutte avec les familles les plus notables de la ville. C'était chose parfaitement connue dans la ville d'Ath, que M. Delesciuse avait une grande influence, si pas une influence absolue sur un journal de la localité, qui, dans chacun de ses numéros, consacrait une partie de ses colonnes à jeter l'irritation dans les esprits et à semer la discorde dans les familles. Je ne parlerai pas des faits qui sont venus prouver récemment que M. Delescluse avait, on peut le dire, la direction de ce journal.

Il y avait aussi des griefs administratifs contre M. Delesclusc. Il se passa, dans son administration, des choses qu'on ne peut pas tolérer ; ainsi l'administration de la bienfaisance publique était en plein désarroi. Depuis huit à dix ans, pas un budget n'avait été dressé, pas un compte n'avait été rendu ; toutes les administrations particulières de bienfaisance étaient confondues. On prélevait sur les revenus de l'une pour diminuer le déficit de l'autre, de manière qu'il y avait là une sorte de danger permanent pour l'administration de la bienfaisance. Aujourd'hui l'on est occupé à débrouiller ces affaires.

Il en est de même de l'administration du collège : il faudra probablement nommer une personne spécialement chargée d'examiner les comptes du collège de la ville. Là encore, il y a de grandes difficultés. L'administration actuelle est dans l'impossibilité d'accepter la responsabilité de cette partie du service parce qu'il n'y a pas de point de départ bien défini, bien réglé.

Je ne veux pas m'étendre plus longuement sur les motifs qui ont déterminé le gouvernement à se montrer rigoureux pour M. Delescluse. Je me rappelle que c'est un ancien collègue, et je n'insiste pas. Mais tout ce que je puis déclarer c'est que c'est consciencieusement que le gouvernement a cru faire chose utile à la ville d'Ath, en ne nommant pas M. Delescluse. C'est consciencieusement qu'il ne s'est pas adressé successivement aux divers membres du conseil communal, parce qu'il avait de puissantes raisons de croire qu'il était inutile de poursuivre les démarches auprès d'eux.

Mais qui a-t-on nommé ? dit l'honorable préopinant. Le gouvernement a nommé M. Lor, qui, depuis longtemps, exerçait les fonctions de juge de paix à la satisfaction de tous les justiciables, un homme capable et énergique, un homme parfaitement respecté de toute la ville d'Ath. Je ne ferais pas son éloge avec tant de conviction, si je ne savais que la nomination de M. Lor a été parfaitement accueillie par l'immense majorité de tout ce qu'il y a de familles respectables à Ath.

Pour prouver ce fait, si important à faire apprécier, que la Chambre me permette de m'étendre un peu sur ce qui s'est passé à Ath, à l'occasion de la nomination de M. Lor. (Parlez ! parlez !)

(page 423) Lorsque le nouveau bourgmestre, après avoir prêté serment, est revenu à Ath, plus de deux cents des personnes les plus notables de la ville d'Ath se trouvaient à la station du chemin de fer. Toute la population lui fit un cortège ; toutes les rues étaient ornées ; toute la ville était pavoisée comme à un jour de fête. Huit arcs de triomphe s'élevaient de la station à la place de l'Hôtel-de-Ville.

Toutes les sociétés de la ville étaient accourues pour prendre part à cette manifestation de sympathie. Le soir, il y eut illumination de toute la ville, A l'exception d'une douzaine de maisons. Des sérénades furent données au nouveau magistrat par les trois sociétés musicales de la ville.

Qu'a-t-on vu deux ou trois jours après ? On avait voulu aussi ménager une espèce d'ovation à M. Delescluse. Devant sa porte, on a élevé un arc de triomphe ; le soir il y a eu six à huit maisons illuminées, par les voisins de M. Delescluse.

Une musique étrangère à la ville, la musique des carrières ds Maffles est venue donner une sérénade à M. Delescluse. Autour des musiciens, il n'y avait littéralement (je puis le dire, parce que je parle d'après les rapports officiels), que des gamins, plus trois hommes. L'un de ces trois hommes, celui qui était le meneur de la bande, a subi quatre condamnations ; il était accompagné de deux autres hommes, deux anciens miliciens chassés de l'armée.

Messieurs, je suis fâché de devoir m'étendre sur ces faits qui peuvent paraître insignifiants, mais qui sont de nature à vous donner une idée de la disposition des esprits, dans la ville d'Ath, à l'égard de M. Lor, que M. Verhaegen s'est attaché à blâmer, à discréditer dans cette enceinte.

Depuis lors, dans toutes les occasions, M. Lor s'est vu entouré de l'estime des principales familles d'Ath. Notez bien que je parle des familles libérales, car la ville d'Ath est libérale. Toutes les grandes familles libérales adhèrent parfaitement an choix de M. Lor. Je ne veux pas citer des noms propres. Je pourrais citer huit ou dix familles, connues par leur parfait libéralisme.

M. Verhaegen. - Pourquoi ne l'a-t-on pas élu au conseil communal ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je l'ignore.

M. Verhaegen. - Cela aurait mieux valu que des sérénades !

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - D'autres occasions se sont présentées qui nous permettent d'apprécier l'état des esprits de la ville d'Alh. Le 24 décembre, devait avoir lieu l'élection du commandant de la garde civique. Les sentiments libéraux de la garde civique ne font de doule pour personne. Le candidat du bourgmestre l'a emporté sur le candidat du parti Delescluse.

Ainsi voilà le corps libéral des officiers de la garde civique qui donne deux voix de majorité au candidat de l'administration actuelle, contre le candidat, ami de M. Delescluse et son ancien échevin.

Ce fait est la confirmation de ce que j'ai eu l'honneur de dire à la Chambre que l'acte posé par le gouvernement est parfaitement apprécié à Ath, et que l'homme investi de la confiance du gouvernement est en même temps entouré de l'estime des familles appartenant à l'opinion libérale de cette ville.

Messieurs, en posant l'acte que M. Verhaegen vient de qualifier, le gouvernement croit être resté parfaitement dans la ligne de conduite qu'il s'est tracée. Il s'est annoncé comme devant combattre, partout où il le rencontrerait, l'esprit de parti, surtout dans l'administration. Nous avons l'honneur de dire dans notre programme : « Notre ferme intention est de bannir de l'administration la politique qui ne peut que l'égarer et la compromettre. »

C'est pour se montrer fidèle à cette pensée que le gouvernement a posé l'acte dont il s'agit aujourd'hui.

Je suis convaincu que, parmi les libéraux, tous ceux qui comprennent les véritables intérêts du libéralisme ont approuvé cet acte, parce qu'ils doivent nous savoir gré d'avoir cherché à faire régner dans une ville trop longtemps subjuguée par l'esprit de parti le plus exclusif, ce calme et cette concorde qu'il est nécessaire de maintenir pour l'avenir même de nos institutions.

Messieurs, ne confondons pas le vrai libéralisme avec certain libéralisme qui voudrait s'imposer par la violence et dominer par la passion et la haine. Je suis convaincu que j'ai rendu service à la vraie liberté, au vrai libéralisme de la ville d'Ath, en l'arrachant au joug d'une coterie et en nommant M. Lor bourgmestre.

Du reste, messieurs, je ne sais pas quelles sont les convictions politiques de M. Lor. Il se peut qu'il appartienne à ce qu'on est convenu d'appeler l'opinion catholique. Mais le fait est que M. Lor sait parfaitement qu'il est appelé à administrer une ville libérale, qu'il doit administrer libéralement, et c'est, pour ma part, ce que j'ai eu soin de lui dire. Voici un passage de la lettre que je lui ai écrite pour sa direction au moment de sa nomination :

« Pour entrer dans les vues du gouvernement, tous vos efforts doivent tendre à placer l'autorité communale en dehors, au-dessus de l'action des partis. Au lieu d'irriter et de diviser, votre mission est d'apaiser et de concilier. Comme juge de paix, vous êtes habitué à pacifier ; eh bien, transportez dans le domaine administratif les traditions de votre carrière judiciaire. Que la justice et la paix soient le caractère distinctif de votre administration, qui doit rester absolument étrangère à toute pensée de vengeance et de réaction !

« La ville d'Ath veut une administration libérale : soyez donc loyalement et vraiment libéral. Oubliez le passé, et montrez-vous l’homme de tous, sans acception de personnes ou de partis ! »

J'ai communiqué à la députation permanente, par la voie de M. le gouverneur, ces instructions que je venais de donner. M. le gouverneur me répondit quelques jours après, par ces mots qui me prouvaient que j'avais bien compris la pensée de l'administration provinciale :

« La députation, m'écrivit-il, par sa dépêche du 9 novembre, a vu avec satisfaction que, dans la règle de conduite que vous avez tracée au nouveau bourgmestre de la ville d'Ath, vous avez rencontré et exprimé avec force et dignité les sentiments qui ont guidé ce collège, dans cette affaire comme dans toutes les autres, et dont il ne se départira jamais, j'en ai la conviction. »

Messieurs, j'arrive à quelques autres questions qui ont été soulevées par les honorables préopinants.

L'honorable M. Lelièvre a d'abord démontré en quelques mots la nécessité d'améliorer la position des employés provinciaux. Bientôt, à l'occasion de l'administration provinciale, nous aurons occasion de traiter cette matière plus longuement.

L'honorable député de Namur a demandé aussi ce que le gouvernement comptait faire à l'égard des fabriques de produits chimiques. Le gouvernement a reçu tous les rapports il y a six jours. Ces rapports sont extrêmement volumineux. Ils sont déjà analysés.

Je suis déjà en correspondance avec mon collègue, M. le ministre de la justice, sur les mesures législatives qu'il y aura à prendre pour faire disparaître, autant que le permet l'état actuel de la science, les inconvénients que présentent ces établissements. D'ici à très peu de temps par voie législative ou par voie administrative, le gouvernement prendra les mesures nécessaires.

L'honorable M. Vander Donckt s'est plaint de ce que dans une autre enceinte, j'ai adressé quelques réflexions un peu acerbes à son endroit du chef des attaques qu'il avait dirigées contre les commissions médicales. L'honorable membre s'est plaint d'avoir été attaqué là où il lui était impossible de se défendre. Or, ses attaques, à lui, avaient été précisément dirigées contre les commissions médicales qui, elles, ne pouvaient non plus se défendre dans cette enceinte.

L'honorable membre aurait donc dû commencer par s'appliquer les observations qu'il vient de m'adresscr. Nous aurons, du reste, l'occasion de traiter plus au long cette question, lorsque nous arriverons à l'article du budget qui concerne les commissions médicales et où j'ai demandé une augmentation de crédit en faveur de ces institutions.

(page 446) M. Orts. - L'honorable ministre de l'intérieur s'est très habilement tiré de la situation que lui faisaient les interpellations de mon honorable collègue et ami M. Verhaegen en transformant, contre l'intention de l'auteur des interpellations, la question dont il s'agit en une (page 447) question de personnes. L'honorable M. Verhaegen avait protesté d'avance contre cette tactique et déclaré qu'il ne voulait soumettre à la Chambre qu'une question de principe. Messieurs, à quoi bon nous dire que le gouvernement a eu de justes et légitimes motifs de ne plus continuer M. Delescluse dans ses fonctions de bourgmestre ? Le gouvernement eût-il seulement raison pour le quart dans ce qu'il vient de nous exposer par son organe, a mille fois bien fait de ne pas renommer cet ancien fonctionnaire.

Etait-il besoin, pour répondre à l'honorable M. Verhaegen, d'insister davantage sur le caractère de la personne qu'on est allé prendre pour remplacer l'ancien bourgmestre ? Je concède très volontiers l'honorabilité du magistrat dont le nom a été prononcé. Je ne lui conteste pas plus son caractère que je ne lui conteste ses arcs de triomphe et ses sérénades.

Mais la question n'est pas de savoir si M. Delescluse méritait des sérénades ou n'en méritait pas ; la question n'est pas de savoir si l'on a mieux fait de dresser un arc de triomphe devant la porte de M. Lor plutôt que devant la porte de M. Delescluse. La question est de savoir si le gouvernement a bien fait de prendre le successeur de M. Delescluse en dehors du couseil communal d'Ath. C'est en effet là le grief que l'honorable M. Verhaegen a fait à M. le ministre de l'intérieur. Il vous a dit : Je vous abandonne la personnalité de l'ancien bourgmestre ; il y avait un fonctionnaire dont vous ne vouliez plus ; vous l'avez remplacé. Ce droit, je ne le conteste pas. Mais je ne vois pas qu'il y ait eu nécessité ni même convenance., je ne vois pas qu'il y ait eu application de la loi conforme à son esprit, à aller prendre ce successeur ailleurs que dans le sein du conseil.

Sous ce rapport, et malgré les explications que nous a données l'honorable M. de Decker au nom du gouvernement, je ne puis que partager la conviction de mon honorable ami, M. Verhaegen. Malgré les explications que nous avons entendues, je ne comprends pas comment le gouvernement, et surtout le gouvernement représenté par M. le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui a pu penser à faire application de la disposition exceptionnelle de la loi de 1848. Je dis que cela m'étonne de la part du gouvernement représenté par l'honorable M. de Decker. En effet, le premier acte de la carrière administrative de l'honorable M. de Decker, au point de vue des affaires communales, devait être, d'après les précédents qu'il nous a rappelés et bien d'autres encore, non pas le choix d'un bourgmestre en dehors du conseil, même avec les tempéraments que la loi de 1848 apporte à l'exercice de cette prérogative, mais bien la proposition du retrait de cette loi de 1848, pour nous représenter la loi de 1836 dans toute sa pureté, pour nous ramener à l'origine de la loi communale elle-même.

Eu effet, non seulement l'honorable M. de Decker a combattu les modifications proposées à la loi communale en 1842, alors qu'on voulait donner au Roi le pouvoir de nommer, sans contrôle aucun, le bourgmestre en dehors du conseil ; mais en 1848 l'honorable M. de Decker avait condamné à l'avance la loi proposée alors et qu'il applique aujourd'hui. Il n'en voulait pas, et il ne l'a pas votée. Il est vrai qu'il n'assistait pas à la séance, et qu'il n'a dès lors voté ni dans un sens ni dans l'autre ; mais les paroles qu'il a prononcées à une époque très voisine de la discussion, ne permettent pas de doute sur ses principes. Permettez-moi de vous rappeler les faits pour vous démontrer combien peu nous devions nous attendre à la mesure qui a été prise.

Le ministère de 1847, qui s'était annoncé comme l'inaugurateur d'une politique nouvelle, avait écrit, dès le début, dans son programme, la loi de 1848, c'est-à-dire le tempérament qu'il apportait à la prérogative illimitée qu'accordait la loi de 1842. L'honorable M. de Decker, dans la discussiou de l'adresse, en 1847, disait :

« Le ministère propose une autre réforme à la loi communale, celle de soumettre à quelques garanties nouvelles le choix du bourgmestre en dehors du conseil. Messieurs, dans cette question si importante, je vais bien plus loin que le cabinet : je suis heureux de pouvoir rappeler à la Chambre que, lorsque l'honorable M. Nothomb a proposé, il y a cinq ans, de nommer les bourgmestres en dehors du conseil, j'ai été un de ceux qui ont le plus énergiquement protesté contre cette proposition. A cette époque, j'ai voté contre, comme désormais encore, si la question se représente, je voterai contre cette violation de nos libertés communales. Je reste fidèle à mes convictions, et je ne veux pas plus aujourd'hui qu'alors accorder au Roi le droit de nom ner les bourgmestres en dehors du conseil. »

C'était la loi de 1848, avec son tempérament, qui était la violation de la loi communale.

Et comme ces déclarations, allant si loin au-delà de ce que proposait le ministère libéral, paraissaient causer une certaine émotion dans la Chambre, l'honorable ministre de l'intérieur, s'adressant à la majorité nouvelle, s'écriait :

« Je suis fatigué de m'entendre calomnier aux yeux de mes concitoyens.

« Oh ! messieurs, je vous porte un défi dans l'avenir : nous verrons qui perdra le premier haleine dans cette marche de progrès et de liberté. Nous verrons qui sera le dernier sur ta brèche, pour la défense des principes constitutionnels. »

Après ce fier langage, j'avais donc raisou de dire que le premier acte de l’administration de l'honorable M. de Decker devait être bien plutôt le retrait de la loi de 1848, que son application.

Ceci posé, les raisons administratives données par l'honorable ministre de l'intérieur légitimaient-elles l'usage exceptionnel d'un droit dont l'exercice est toujours dangereux, parce qu'il est difficilement conciliaire avec ces pensées de modération et de calme qu'on rappelait tout à l'heure et qu'on a traduites, dans les instructions données au bourgmestre d'Ath, en un très beau, en un magnifique langage ?

On convient qu'avant de procéder à la nomination en dehors du conseil communal, on ne s'est point adressé individuellement à chacune des sept personnes qui déclarent aujourd'hui que si on leur avait fait une offre quelconque elles auraient accepté les fonctions de bourgmestre.

Mais, dit-on, il était inutile de suivre cette marche, car M. Delescluse, ancien bourgmestre, et les échevins avaient déclaré qu'ils n'accepteraient pas, parce que le gouvernement ne voulait point faire, pour la ville d'Ath, cettaines choses que le conseil communal réclamait.

Eh bien, messieurs, cette raison n'est pas toujours suffisante aux yeux d'un ministre pour ne point passer outre et nommer ceux qui paraissent, au premier abord, ne pas vouloir accepter : il y a un an le même cas s'est présenté à Ypres ; le bourgmestre d'Ypres déclarait qu'il ne voulait plus conserver ses fonctions qu'à la condition que le gouvernement fît pour la ville d'Ypres à peu près ce que réclamait la ville d'Ath ; on n'a pas tenu compte de cette déclaration, on a donné un nouveau mandat à l'ancien bourgmestre et, une fois nommé, il a accepté.

D'un autre côté y avait-il urgence à pourvoir à ce poste ? Y avait-il nécessité absolue de placer immédiatement un bourgmestre à la tête de l'administration communale d'Ath ?

Ne voyons-nous pas le gouvernement suivre une tout autre marche dans une localité plus importante ? La ville de Malines n'a pas de bourgmestre, et il paraît que ses intérêts ne s'en portent pas plus mal, au moins de l'avis du gouvernement, car il ne songe pas à combler cette lacune.

Quoi qu'il en soit, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas suivi la marche qu'indiquait déjà l'honorable M. de Brouckere lorsqu'il était gouverneur de Liège ? Là aussi les membres d'un conseil communal avaient déclaré d'avance qu'ils n'accepteraient pas les fonctions de bourgmestre, et qu'a fait l'honorable M. de Brouckere ?

Il a pris un soin qui aurait tiré le ministre actuel du mauvais pas où il se trouve, il s'est adressé individuellement à tous les membres du conseil communal. Si M. le gouverneur du Hainaut avait fait ce qu’a fait M. de Brouckere en 1842, mon Dieu ! les choses se seraient passées tout autrement, et la loi communale aurait été respectée.

Il est donc certain qu'on n'a point fait de démarches, qu'on n'a pas épuisé tous les moyens d'appliquer la loi communale, conformément aux vues du législateur.

Il est certain qu'on s'est empressé de recourir à l'exception alors qu'on n'avait aucune affirmation personnelle, positive et directe de la part de tous ceux que l'on pouvait nommer en restant fidèle à la pensée du législateur. Là est la faute commise par le gouvernement.

Que m'importe qu'on ait choisi une personne honorable en dehors du conseil ? Ce n'est point là ce que nous avons à examiner et c'est fort mal à propos qu'on a introduit dans ce débat des questions de personnes.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est M. Verhaegen qui a attaqué le nouveau bourgmestre.

M. Orts. - M. Verhaegen a dit une chose que j'aurais peut-être passée sous silence, mais enfin voici ce qu'il a dit, c'est que M. Lor a cherché à faire partie du conseil communal, qu'il a réussi une fois ; que les électeurs l'ont repoussé ensuite ; que dès lors ce n'était pas un homme qui, au point de vue politique, quelque honorable qu'il pût être d'ailleurs, convînt à la population d'Ath. Et, en effet, si la population d'Ath avait pour M. Lor la sympathie politique dont parle M. le ministre de l'intérieur, elle aurait mieux fait de le nommer conseiller communal que de lui élever des arcs de triomphe et de lui donner des sérénades..

Si donc M. Verhaegen avait signalé le fait de la non-réélection de M. Lor, était-ce une raison pour donner au débat un caractère tout à fait personnel quant à lui ? Etait-ce une raison pour introduire une autre question personnelle, beaucoup plus regrettable encore, à propos de l'administration de M. Delescluse ? Et à ce propos permettez-moi une seule réflexion. Si les intérêts de la ville d'Ath avaient été si mal dirigés, comment se fait-il que dans lout le conseil communal il ne se soit pas trouvé un membre qui consentît à réparer le mal fait par M. Delescluse ? Comment le conseil communal avait-il une sympathie si grande perur un administrateur qui n'aurait en aucune manière mérité cette sympathie par sa gestion ?

Vous avez parlé de modération, de calme, d'absence d'esprit de parti ; et sous ce rapport vous prêchez de très belles doctrines ; mais vous avez oublié une chose, c'est que si mes renseignements sont exacts, Vos doctrines sont assez mal appliquées par l’homme que vous avez choisi.

En effet, le jour où il a paru pour la première fois au conseil communal, celui-ci tout entier a protesté contre sa présence, ce qui est tout autre chose que de dresser des arcs de triomphe et d'offrir des sérénades. Puis le nouveau bourgmestre, au nom sans doute de la modération, s'est empressé, pour premier acte de ses fonctions, de provoquer une action judiciaire contre ses collègues signataires de la protestation.

(page 423) M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L’honorable M. Verhaegen m’a tout à l’heure et incidemment interpellé sur deux points qui concernent mon département ; l’un est relatif à la posiiton que M. Lor conserve vis-à-vis du département de la justice ; l’autre se rapporte à l’annulation d’une délibération du conseil communal.

Quant à M. Lor, ma réponse sera bien nette : M. Lor n'est plus juge de paix.

L'honorable M. Verhaegen a demandé comment il se fait que la démission n'a pas figuré au Moniteur ? Je réponds que la démission était inutile.

En effet, il y a incompatibilité absolue entre les fonctions judiciaires et celles de bourgmestre, incompatibilité écrite dans la loi de 1791 et dans la loi communale. Par cela même que M. Lor acceptait des fonctions administratives, il cessait d'être juge de paix. Du moment que je lisais au Moniteur que M. Lor était nommé bourgmestre, et que j'ai su qu'il avait prêté serment en cette qualilé, je n'avais à recevoir ni à accepter aucune démission de ses fonctions judiciaires. Elle existait de plein droitt.

L'honorable M. Verhaegen dit que la justice de paix continue à se rendre à Ath sous les auspices de M. Lor.

J'ignore ce qu'il y a de fondé dans cette allégation ; mais je présume que l'honorable M. Verhaegen est mal informé ; je n'admets pas que M. Lor, dont tout le monde proclame la parfaite honorabilité, qui a toujours si bien apprécié les devoirs d'un magistrat, voulût encore aujourd'hui, dans la position nouvelle où il est, intervenir dans les affaires judiciaires par personne interposée ; je comprendrais encore moins que le magistrat suppléant consentît à subir cette pression, indigne du caractère honorable de l'un et de l'autre.

Messieurs, le service judiciaire dans le canton d'Alh est complètement assuré par deux suppléants. L'un d'eux qui vient d'être nommé est un docteur en droit qui m'a été indiqué par les autorités judiciaires et provinciales.

Enfin, l'honorable membre m'a demandé quand il serait pourvu à la place du tilulaire. A cela je réponds que le gouvernement reste maître de son droit et juge du temps et du moment ; je pourvoirai à la place récemment vacante dans le canton d'Ath, sous ma responsabilité et quand je jugerai le moment opportun.

Messieurs, la seconde interrogalïon de l'honorable M. Verhaegen porte sur un prétendu empiétement que j'aurais commis à l'égard de mon honorable ami et collègue M. le ministre de l'intérieur pour avoir fait annuler une délibération du conseil communal d'Olne.

Je me garde bien d'empiéter sur les affaires de mes collègues, j'ai assez des miennes ; dans le cas actuel, il n'y a pas d'empiétement, et (page 424) l'honorable M. Verhaegen sera, je l'espère, do mon avis, s'il veut bien écouter les ; courtes explications que je vais donner à la Chambre.

Le département de la justice conserve une action directe sur les délibérations des conseils communaux qui ont rapport à la bienfaisance publique. Cela résulte de la loi, ainsi que d'une tradition acceptée par les deux départements depuis nombre d'années.

Or, de quoi s'agissait-il dans l'affaire du conseil communal d'Olne ? D'une délibération du conseil communal relative à la reddition des comptes du bureau de bienfaisance. C'était donc un objet de bienfaisance publique, rentrant comme tel dans les attributions exclusives du ministère de la justice, seul compétent à raison de la matière même. C'est à ce point de vue que j'en ai connu ; de plus, j'ai dû apprécier l'acte à un autre point de vue que je dois faire connaître à la Chambre, puisque l'on m'y a conduit.

La délibération du conseil communal d'Olne infligeait plus qu'un blâme à un honorable magistrat de la province de Liège, à un procureur du roi ; on l'accusait dans des termes inconvenants de n'avoir pas rempli ses devoirs, à l'occasion d'une plainte faite par le conseil communal.

C'était un abus que je ne pouvais pas tolérer, et j'ai été obligé de proposer au Roi d'annuler une délibération qui sortait incontestablement des attributions du conseil communal. Voilà dans quelles circonstances j'ai pris sur moi de provoquer cette mesure. J'ajoute que peut-être, ainsi que cela arrive quelquefois, l'arrêté eût été contresigné par mon collègue et par moi, si j'en avais eu le temps.

Mais je n'ai eu connaissance de la délibération que très tardivement, c'était à la veille de voir expirer le délai fatal, et je n'ai pas voulu faire passer, sans la supprimer, une délibération d'un conseil communal qui attaquait violemment et injustement un magistrat digne d'estime.

(page 448) M. Verhaegen. - Messieurs, je défie M. le ministre de la justice de me citer un précédent pour justifier le contreseing de l'arrêté royal dont il s'agit. L'annulation des délibérations des conseils communaux entre-t-elle, oui ou non, dans les attributions du ministre de l'intérieur ? Il ne peut pas y avoir de doute sur ce point.

Quant au remplacement de M. Lor comme juge de paix, M. le ministre de la justice a dit que le service de la justice était assuré, dans la ville d'Arh, par deux suppléants, dont l'un est un boutiquier et l'autre un jeune avocat, qu'il vient de nommer. Il y a donc deux suppléants, mais il n'y a pas de titulaire ; il y a l'accessoire, mais le principal manque.

M. le ministre de la justice déclare qu'il pourvoira à cette vacance quand il le jugera à propos, et sous sa responsabilité. Mais il appartient aussi à la Chambre de juger l'inaction du ministre et de lui demander des explications pour pouvoir apprécier cette inaction.

Pourquoi laisse-t-il la place vacante ? est-ce pour des considérations électorales ?dans six mois, il y a des élections ; ou bien est-ce pour permettre à M. Lor de continuer à remplir ses ionctions par personne interposée ? Tient-il la place ouverte pour mettre M. Lor à même de donner plus tard sa démission de bourgmestre, lorsqu'on aura un autre candidat pour ces fonctions, et lui rendre dans ce cas son ancienne position ?

Je pense que cela est très probable. Or, ce sont là des combinaisons que nous ne pouvons pas admettre.

Lorsque le gouvernement vient nous dire : « Je fais cela sous ma responsabilité ; je n'ai pas de compte à vous rendre », il se trompe singulièrement car il a à compter avec la Chambre et tout membre a droit de lui demander pourquoi il laisse la place de juge de paix vacante à Ath.

Je demande donc au gouvernement d'une manière formelle s'il a promis à M. Lor de lui conserver sa position de juge de paix et si c'est à cette condition seulement qu'il remplit les fonctions de bourgmestre en dehors du conseil.

J'en viens maintenant à M. le ministre de l'intérieur. Ainsi que l'a très bien fait remarquer mon honorable ami M. Orts, j'avais laissé en dehors du débat toute question de personne ; je n'avais pas même voulu parler de l'honorable M. Delescluse ; j'avais même dit en commençant que le gouvernement avait eu le droit de ne pas le renommer bourgmestre. Qu'a fait M. le ministre de l'intérieur ? Il est venu attaquer la personne et l'administration de l'honorable M. Delescluse qui n'est pas ici pour se défendre ; je me permettrai donc de dire quelques mots pour un ancien collègue qui n'est plus dans cette enceinte, et qu'on a attaqué tout à fait à tort.

Vous inculpez l'administration de M. Delescluse, et cependant vous disiez un instant auparavant qu'on avait fait toutes les démarches auprès de lui pour l'engager à accepter les fonctions de bourgmestre, mais qu'il avait posé de nouvelles conditions que le gouvernement n'avait pas cru pouvoir accepter.

Si M. Delescluse n'avait pas insisté ou si le gouvernement avait accepté ses conditions, M. Delescluse serait donc bourgmestre, et jamais vous ne l'auriez attaqué !

Maintenant vous prétendez qu'il y aurait des budgets du bureau de bienfaisance en souffrance, des comptes non rendus. Mais si cela était vrai, qui donc serait en défaut ? Ce serait la députation permanente qui aurait dû s'enquérir de l'état des choses et faire exécuter la loi.

On a dit qu'il y avait des collisions continuelles entre M. Delescluse et les diverses autorités, notamment entre lui et la députation permanente ; encore une fois si cela était vrai, c'était une raison pour ne pas s'en rapporter aveuglément à l'avis émis par la députation relativement à la nomination du bourgmestre en dehors du conseil ; le gouvernement devait s'enquérir des faits avant de prendre une résolution et c'est ce que le gouvernement n'a pas fait.

Quand on apporte une pièce comme celle dont j'ai eu l'honneur de vous donner lecture, signée par sept membres du conseil déclarant qu'aucune démarche n'a été faite près d'eux et que chacun d'eux eût accepté si la place lui avait été offerte, on peut en conclure que le gouvernement a excédé les limites qu'on a voulu tracer par la loi, qu'il a mal appliqué cette loi, qu'il en a faussé l'esprit.

- Un grand nombre de voix. - (page 424) A demain ! à demain !

M. le président. - Un amendement ayant pour objet de porter au budget une allocation de 75,000 fr. pour distribution de chaux dans le Luxembourg signé de M. de Moor et plusieurs de ses collègues, vient d'être déposé ; il sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 5 heures.