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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 4 avril 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Rousselle, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1030) M. Ansiau fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Joseph Croquet, brigadier au 2ème régiment de chasseurs à cheval, demande de recouvrer la qualité de Belge, qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »

- Renvoi au ministie de la justice.


« Les administrerons communales de Lede, Wanzele, Impe, Smetlede, Nieuwerkerken, Meire, Ottergem, Erondegem, Vleckem, Hofstade et Gysegem demandent la révision des lois sur le domicile de secours et sur les dépôts de mendicité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Havard demande une modification à la loi sur les pensions en faveur des veuves qui se remarient. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Cleemputte, ancien officier des volontaires, demande que le projet de loi relatif à la pension des officiers qui ont pris part aux combats de la révolution lui soit rendu applicable ou que du moins sa position soit prise en considération par le gouvernement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des habitants de Flobecq prient la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte vers Courtrai par Enghien, les Acren ou Lessines, Flobecq, Ellezelles et Renaix. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemins de fer.


« Les membres du conseil communal, des industriels et commerçants de Mont-Ste-Aldegonde prient la Chambre d'accorder à la société de Baussy-Rasquin la concession d'un chemin de fer de Marchienne à Jurbise. »

- Même renvoi.


« Les sieurs de la Roche, Warocqué et autres exploitants de charbonnages du bassin du Centre, présentent des observations sur le projet de concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw et prient la Chambre, si elle ne donne pas la préférence aux lignes proposées par les sieurs Dupont et Boucquiau, de garantir l'exécution d'un chemin de fer de Braine-le-Comte aux Acren et d'accorder à la société de Haussy-Rasqnin la concession d'une ligne de Charleroi à Jurbise. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Cogen, Vuylsteke et Detal demandent que l'épreuve sur la langue flamande soit obligatoire pour les élèves appartenant aux provinces flamandes, que l'histoire de la littérature française soit remplacée par les éléments de l'histoire de la littérature universelle dans l'examen de candidat en philosophie et lettres, et que des cours de littérature française et flamande soient donnés aux universités de l'Etat. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les jurys d'examen pour la collation des grades académiques.


« M. de Muelenaere, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Ce congé est accordé.


M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Je viens d'apprendre que M. le ministre de l'intérieur a donné les explications qui lui ont été demandées sur la pétition des professeurs du conservatoire royal de musique de Liège. Je demande que ces explications et les quatre annexes qui les accompagnent, soient imprimées comme pièces de la Chambre. Un jour pourra être fixé ultérieurement pour la discussion.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1857

Rapport de la section centrale

M. Vander Donckt. - J'ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de budget des dotations, pour l'exercice 1857.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée du 20 décembre 1855, les administrations communales de Bourseigne-Vieille, Javingue, Bourseigne-Neuve, Beauraing, Felenne, dernandret la construction d'une route de Beauraing à Willerzies, se raccordant avec le chemin de fer à Vireux.

Messieurs, cette route serait d'une grande utilité pour ces localités. Les pétitionnaires se plaignent surtout du prix élevé de la chaux et des difficultés qu'ils ont à se la procurer au prix ordinaire. Ils demandent la construction de cette route dans un but surtout agricole.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Lesoinne. - Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne soit pas en ce moment à son banc. J'aurais désiré recommander cette affaire à son bienveillant accueil. Cette route est destinée à mettre une partie de l’Ardenne en communication avec le chemin de fer de Charleroi à Vireux. La dépense ne serait pas forte, et les particuliers et les communes offrent de céder gratuitement le terrain. Ce n'est pas un chemin de fer, comme l'a dit l'honorable rapporteur, c'est une route ordinaire que les pétitionnaires demandent.

Je pense que le gouvernement pourrait en faire faire les études et, comme vient de le dire l'honorable rapporteur, cette route aurait une influence heureuse sur l'agriculture de ce pays.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Philippeville, le 26 février 1856, l'administration communale de Philippeville demande que les terrains militaires de la place soient cédés à la ville purement et simplement.

Messieurs, la position qui a été faite à la ville de Philippeville par la suppression de ses fortifications est réellement désastreuse. Cette ville demande comme indemnité qu'une partie des terrains des fortifications lui soient accordés.

Votre commission conclut au renvoi à MM. les ministres de la guerre, de l'intérieur et des finances.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, les griefs et les réclamations exposées dans la pétition des habitants de Philippeville ne sont que trop bien fondés. Cette ville est traitée avec une rigueur et un mépris pour ses intérêts que je m'abstiens de qualifier, de peur d'avoir à le faire trop sévèrement. Une place conquise ne serait pas ruinée plus complètement par un vainqueur implacable. Le principe seul de la loi de 1854, en la condamnant au démantèlement, la faisait déjà déchoir de son rang de forteresse, de ville de garnison. Elle perdait par là toute son importance. La manière dont la loi a été mise à exécution lui a fait perdre ses ressources financières et jusqu'au moyen de s'assurer la conservation du peu qui lui reste. Elle n'a pu obtenir ni compensation pour sa garnison supprimée, ni mur d'enceinte pour la garantir contre la fraude des droits d'octroi, ni les terrains dont elle a demandé la concession, ni le placement dans sa triste agglomération d'un établissement public quelconque, dont les dépenses pussent alimenter son commerce local et relever un peu le chiffre de son octroi déjà diminué des deux tiers.

A toutes les demandes, à toutes les propositions, le gouvernement n'a répondu que par le silence ou par des fins de non-reeevoir ; tous les travaux de démantèlement ont été entrepris sans examen sérieux sur les lieux, d'après un rapport élaboré dans les bureaux ; on ne s'est pas donné la peine d'interroger les habitants, ni l'administration communale, sur les besoins nouveaux qu'on allait leur créer, sur les réparations qui leur seraient dues, et quand ils ont élevé la voix pour les faire connaître, on a fait la sourde oreille, comme si l'on eût tenu à s'interdire tout d'abord la voie des compensations ; on a prescrit et exécuté la vente des bâtiments militaires, dont une partie pouvait être abandonnée à la ville comme dédommagement, et on l'a fait avec une hâte et une précipitation qui eussent pu faire croire que les rôles (page 1031) étaient renversés, et que le domaine seul allait être ruiné et ne pouvait perdre une heure, pour sauver son bien ; on n'a pas même songé un instant à la dépréciation qui serait la conséquence inévitable d'une opération ainsi gaspillée, et l’on ne paraît pas s'émouvoir le moins du monde en voyant les excellents marchés qu'elle a procurés aux acquéreurs, dans de telles conditions.

Pourtant, messieurs, le gouvernement n'a pas été partout aussi rigoureux ; d'autres places condamnées au démantèlement ont reçu tout ou partie des compensations qu'elles réclamaient et des garnisons. Dira-t-on que Philippeville a été moins prompt à pétitionner que les autres places démantelées ? Messieurs, quatre pétitions se sont suivies de 1852 à 1855, et c'est en désespoir de cause que la cinquième est adressée aujourd'hui à la représentation nationale, par voie d'appel contre un déni de justice dont je ne connais pas d'exemple.

En résumé, la ville demandait la conservation d’une portion de ses murailles pour assurer ia perception de l'octroi ; refusé ! Elle demandait qu'on lui laissât ses portes monumentales ; refusé ! On les a vendues à vil pris. On pouvait prendre, sur les fonds affectés aux frais de démolition, la faible somme nécessaire pour couvrir la dépense d'une palissade qui eût suffi à fermer l'enceinte de la ville si on ne lui conservait ses murailles ; on ne l’a pas fait ; parmi les établissements militaires aujourd'hui vendus, il y avait quatre casernes, une infirmerie, une boulangerie, un arsenal, un manège et de beaux et considérables magasins ; ces bâtiments se prêtaient à toutes sortes d'usages plus ou moins différents de leur destination. On eût pu y créer quelque institution publique qui eût dédommagé les habitants de la perte de la garnison ; ainsi que je viens de le dire, j'avais suggéré l'idée d'y fonder une des colonies agricoles que le gouvernement veut substituer aux dépôts de mendicité. A défaut de la colonie, un de ces dépôts y eût été également bien placé. Pour unique réponse, je le répète, on a mis tous les locaux en vente, à l’exception de deux, qui ont été abandonnés à la ville annonçant ainsi implicitement qu’on renonçait d’avance à tout moyen de l’indemniser de ce côté.

Messieurs, ce qui me paraît surtout grave dans cette déplorable affaire, c'esti qu'elle est de nature à engager fortement la responsabilité ministérielle, en raison de la violation des formes. Il était facile d’envoyer sur les lieux des hommes compétents, attentifs, une commission mixte, spéciale, qui eût examiné consciencieusement ce que l'exécution de la loi devait avoir de ruineux pour les intérêts locaux ; ce qu'il serait possible de faire, soit pour éviter le mal, soit pour y remédier après coup. Les dires et les renseignements recueillis de la bouche même des habitants eussi fourni plus de lumières certaines au gouvernement que n'en a pu faire assurément le rapport sorti des bureaux du ministère, qui a seul servi de base à toutes les mesures prises à l'égard de la place de Philippeville. En présence de tant de moyens d'action, l'inaction du gouvernement est impardonnable. Aussi, pour toutes ces raisons et pour beaucoup d'autres que je m'abstiens de développer, pour ne pas tomber dans des redites, je crois devoir demander instamment le renvoi de la pétition aux ministres de l'intérieur, de la guerre et des finances

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, que la position de la ville de Philippeville soit fâcheuse par suite du démantèlement de ses fortifications et le la privation d'une garnison, c'est ce dont ou ne peut disconvenir. Mais qu'il y ait eu déni de justice de la part du gouvernement envers cette ville, c'est ce qui n'est pas exact.

La loi de 1854 a été mise à exécution de la manière la plus large possible. En faisant un pas de plus, le gouvernement sortait de la légalité. Les reproches de l'honorable comte de Baillet ne sont donc pas fondés.

L'honorable membre dit que le gouvernement a répondu par le silence aux réclamations de la ville de Philippeville, qu'il n'a rien fait. Or, j’ai reçu maintes fois des personnes qui m'ont entretenu des intérêts de cette localité, j'ai reçu des députations de Philippeville ; tout ce qui était permis par la loi a été fait, et si le gouvernement n'a pas été plus loin, c'est qu’il avait épuisé ses pouvoirs.

D'un autre côté, si le gouveruemeut venait proposer des mesures exceptionnelles pour cette localité, il serait à craindre qu'il ne fût immédiatement entraîné à en proposer pour d'autres villes qui se trouvent dans des circonstances analogues. J'ai devant moi le tableau des diverses concessions qui ont été faites, et si j'avais un reproche à craindre de la Chambre, ce serait que le gouvernement a dépassé peut-être ce qu’il pouvait faire, en se tenant rigoureusement dans les termes de la loi.

Ainsi il a cédé à la ville de Philippeville :

Des bâtiments nommés « les fours », pour y établir une école pour les enfants des familles indigentes, et un logement pour l'instituteur ;

Des bâtiments pour le service et les opérations de la garde civique, et les réunions électorales ;

Un local pour les aliénés ;

Des remises pour les pompes à incendie ;

Des terrains pour un chemin de ronde de dix mètres de largeur sur tout le pourtour de la place.

Des terrains pour le prolongement des rues de la Roche, de l'Eglise, de l'Arsenal et du Moulin, de l’Abreuvoir, des Religieux et de l’Hôpital ;

Des terrains pour la création de pépinières et de plantations ;

Des terrains pour foires et marches au bétail ;

Des terrains pour une voie de circulation, derrière l’ancienne caserne ;

Des terrains pour l'école communale et ses dépendances ;

D'autres terrains encore à l'usage des écoles de garçons et de filles ;

La cession des abreuvoirs, puits et pompes, et enfin, d'autres terrains, pour dépôts de décombres et de fumiers.

Après avoir exécuté la loi d'une manière libérale, le gouvernement, en considération de la situation particulière dans laquelle se trouvait cette ville, lui a accordé un subside tout à fait extraordinaire sur le crédit de 1,500,000 fr. ; ce subside forme au moins huit fois ce qui a été accordé à d'autres communes de la même population.

Je trouve donc, messieurs, que, eu égard aux pouvoirs qu'avait le gouvernement, la ville de Philippeville a été traitée avec toute la bienveillance possible, et surtout qu'il a été fait de la loi de 1854 uae application aussi large que le comportent ses dispositions.

M. de Baillet-Latour. - Je suis vraiment étonné de la réponse de M. le ministre des finances au sujet de ce qui aurait été fait pour PhHippevilie. Mais, messieurs, après avoir démantelé cette ville, après l'avoir, pour ainsi dire, percée à jour, il fallait bien lui accorder quelque chose. Elle a réclamé des chemins de ronde, des chemins qui pussent la faire sortir du monde renversé où elle se trouvait ; on lui a accordé deux bâtiments qui s'appellent « les fours » et l'hôpital ; ces bâtiments avaient uue destination, mais les ressources de l'administration communale étant considérablement réduites, il lui a été impossible de réaliser les projets qu'elle avait en vue.

Messieurs, ou a vendu tous les terrains à vil prix par saiie de l'empressement que le gouvernement a mis à s'en défaire

Je crois que tous les terrains n'ont produit que 90,000 francs, tandis qu'us avaient coûté des millions. C'est déplorable !

Aujourd'hui, messieurs, la ville de Philippeville est privée de tout, elle n'a plus ni garnison ni revenus. Je vois dans les journaux que M. le ministre de la guerre a donné à certaines villes, dans la même position que Philippeville, des garnisons qui sont toujours une petite compensation ; pour Philippeville on n'a rien fait, car tous les terrains dont M. le ministre des finances vient de parler, et qu'il a énumérés avec hésitation, sont des parcelles sans importance.

Messieurs, quand on prend à un particulier un bien qui lui appartient, on doit l'indemniser ; il me semble que la justice exige que l'on agisse de la même manière envers les villes.

Philippeville n'a rien obtenu : on avait demande la conservation de portes monumentales, elles ont été vendues à vil prix et achetées par des particuliers qui en ont orné leurs châteaux.

J'engage le gouvernement à prendre en sérieuse considération la pétition de Phillippeville ; tout en restant dans la loi de 1854, le gouvernement peut bien trouver un moyen de ne pas plonger cette ville dans la misère, car enfin ses revenus sont réduits, pour ainsi dire, aux deux tiers, ainsi que chacun de vous a pu s'en assurer, par le budget qui se trouve joint à la pétition, et ce sont des chiffres irrécusables.

Je remercie M. le ministre de l’intérieur de l'allocation de 3,000 fr. qu'il a bien voulu accorder à la ville de Philippeville sur le crédit de 1,500,000 fr. voté pour la voirie vicinale. J'espère que ses honorables collègues voudront bien aussi faire quelque chose de sérieux pour cette malheureuse ville.

M. Thiéfry. - Il ne s'agit aujourd hui que de se prononcer sur les conclusions du rapport tendant au renvoi de la pétition à MM. les ministres de la guerre et des finances.

Lorsque en 1851, il a été question du démantèlement des forteresses, MM. les ministres, sur les observations de quelques membres de la Chambre, ont promis de céder une partie des terrains des villes démantelées, pour indemniser ces villes des pertes qu'elles devaient éprouver, par les dépenses que nécessiterait la perception des droits d'octroi. Je crois que Philippeville est dans une position bien plus déplorable que les autres villes démantelées, en ce sens qu'elle est privée de toute sa garnison, et c'est là une grande perte pour elle. La Chambre pourrait adopter les conclusions de la commission des pétitions et MM. les ministres examineront cette pétition avec la bienveillance promise par leurs prédécesseurs.

- Des membres. - Aux voix ! Aux voix '.

M. de Mérode. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire. Je ne suis pas représentant de Philippeville ; je n'ai aucun'intérêt dans les environs de cette ville ; mais je reconnais qu'elle est dans une position tout à fait particulière : elle a été construite uniquement comme forteresse ; en lui ôtant ses fortifications, on l'a réduite absolument à rien ; à l’époque où la ville a été fondée, on a forcé les habitants d'un village voisin de venir s'y établir.

A l'égard de bien des villes le démantèlement est un avantage pour les habitants. Anvers, par exemple, ne demanderait pas mieux que d'être débarrassée de ses fortifications, non pas dans l'intérêt national, mais dans son intérêt urbain. Quant à Philippeville, c'est le contraire.

Je ne pense pas qu'il y ait dans tout le pays une seule localité qui ait été aussi maltraitée par la suppression des fortifications que celle de Philippeville ; c'est pourquoi je me joins volontiers à l'honorable M. Thiéfry pour prier MM. les ministres d'examiner la pétition avec une bienveillance spéciale motivée par des circonstances exceptionnelles.

- Les conclusions de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi relatif à la cession du chemin de fer de Contich à Lierre

Discussion générale

(page 1032) M. Van Hoorebeke (pour un fait personnel). - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable rapporteur de la section centrale a affirmé que le projet de loi en discussion était un héritage laissé par son prédécesseur à l'honorable ministre des travaux publics. Je viens réclamer contre cette allégation qui est complètement inexacte ; je viens, en un mot, rétablir les faits tels qu'ils sont.

La convention sur laquelle la Chambre est appelée à émettre un vote est un acte auquel je suis complètement étranger, auquel je n'ai concouru ni directement, ni indirectement, et pour lequel je n'ai fourni aucune espèce d'instruction qui puisse m'être opposée dans ce débat.

La Chambre a pu voir, par la pièce qui est annexée au rapport de la section centrale, dans quels termes se trouvait la position du chemin de fer de Lierre à Turnhout, par rapport à la section de Lierre à Contich. La convention conclue à la date du 2 juin 1853 réservait au gouvernement le droit d'imposer à la compagnie de Lierre à Turnhout la reprise de la section de Lierre à Contich. Il y avait une condition à l'exercice de ce droit, c'est que d'abord l'annuité serait augmentée ; d'autre part, le gouvernement prenait l'engagement d'exercer son droit dans le délai stipulé à l'article 5, c'est-à-dire à la date du 1er mars 1854.

Comme ministre des travaux publics, je n'ai pas cru devoir faire usage de ce droit, non pas que je fusse, en principe, contraire à la cession du chemin de fer de Lierre à Contich, mais parce qu'après examen des faits il m'a semblé que la condition était trop onéreuse pour le gouvernement.

Je n'ai pas pensé que j'eusse à faire usage du droit que je m'étais réservé en 1853. Les choses en étaient là quand de nouvelles négociations s'ouvrirent. A la date du 15 avril 1854 les délégués de la compagnie de Lierre à Turnhout furent entendus par le comité permanent des travaux publics ; pour la première fois se fit jour la prétention de faire circuler les convois de la compagnie d'Anvers à Lierre.

Cette prétention fut écartée par le comité permanent sur cette raison décisive que cette prétention ne pourrait être prise en considération qu'autant que le comité en serait régulièrement saisi par une demande de la compagnie de Lierre à Turnhout.

Je tiens en main l'extrait du procès-verbal de la séance du 13 avril 1854 où le comité fit remarquer que la proposition ne pourrait être examinée que si elle était faite au nom de ta société.

M. de Perceval. - Par qui est signé ce procès-verbal ?

M. Van Hoorebeke. - Par le président du comité permanent des ponts et chaussées.

Voilà quelle éiait la situation au 14 avril 1854 ; et jusqu'à l'époque ou je suis sorti du ministère aucune proposition, émanant de la société et ayant pour objet les bases de la convention actuelle, ne m'avait été directement adressée.

Les négociations ont continué sans doute ; mais elles ne devaient porter, dans ma pensée, que sur la question de reprise de la section de Lierre à Contich, dégagée des conditions qui n'ont fait qu'ultérieurement la base de la convention.

A la date du 30 mars 1855, jour de ma sortie du département des travaux publics, ‘ ignorais le résultat de cette négociation, à laquelle je demeurai étranger.

Le rapport du fonctionnaire chargé de la négociation doit être parvenu à mon successeur, le jour ou le lendemain de son arrivée au département ; c'est, je crois, le 31 mars 1855, que le fonctionnaire auquel je fais allusion, a dû adresser son rapport la négociation de cette affaire.

Dans l'intérêt de la vérité, j'ai dû faire cette déclaration que je me serais, du reste, abstenu de faire sans l'allégation de l'honorable rapporteur de la section centrale que la convention soumise à la Chambre était pour le ministre actuel un héritage de son prédéceseur.

J'accepte très volontiers la responsabilité de tous les actes que j'ai posés pendant plus de quatre années de mon administration, mais on ne trouvera pas mauvais que je décline la responsabilité des actes auxquel je suis étranger.

M. Prévinaire, rapporteur. - Je m'applaudis d'avoir provoqué les explications qui viennent d’être données par l’honorable M. Van Hoorebeke ; je suis heureux d'apprendre que l'acte sur lequel nous délibérons n'a pas été posé par lui.

Si j'ai indiqué que cet acte était un héritage du ministère précédent, c'est parce que l'honorable M. Dumon à qui je succédais venait de déclarer qu'il n'avait pas pris l’initiative de la mesure, qu'il avait trouvé cette question, à son arrivée au département, dans l'état où elle a été présentée à la Chambre. C'est à M. Van Hoorebeke et à M. Dumon à se mettre d'accord ; M. Van Hoorebeke en repousse la responsabilité, M. Dumon déclare qu'il n'en a pas pris l'initiative.

Voilà donc l'explication de mon allégation.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne conteste à aucun point de vue la déclaration de l'honorable M. Van Hoorebeke.

Je dis que l'initiative ne vient pas de moi. L'honorable M. Van Hoorebeke reconnaît qu'il a donné l'ordre de traiter.

Le rapport du négociateur sur la marche de la négociation et le projet de convention sont arrivés au département le lendemain du jour où l'honorable M. Van Hoorebeke l'a quitté.

Nous sommes d'accord sur ce point : la négociation a eu lieu sous l'administration de mon prédécesseur ; mais il n'a pas conclu la convention. La responsabilité de l'initiative lui appartient. Mais la responsabilité de l'exécution m'appartient entièrement. Mon honorable prédécesseur ne doit assumer la responsabilité d'aucune des condition de la cession. Il n'a la responsabilité que de l'initiative. La lettre par laquelle il a délégué M. l'inspecteur général des ponts et chaussée pour traiter avec la compagnie porte la date du 23 décembre 1854. Il charge ce fonctionnaire de négocier, et le rapport sur les négociations est arrivé le lendemain de mon arrivée au ministère. Donc, je le répète, j'assume la responsabilité des termes de la convention qui a été négociée au nom du département des travaux publics.

M. Van Hoorebeke. - Il faut se mettre d'accord en fait.

Je conteste que j'aie pris la responsabilité de cette convention qui règle les conditions de la cession par l'Etat de la ligne de Contich à Lierre.

Je n'ai pas exercé le droit que je m'étais réservé par la convention du 2 juin 1853 parce qu'après examen j'ai pensé que les conditions de la cession étaient trop onéreuses. Mais je n'ai pas voulu repousser systématiquement la cession de la ligne de Contich à Lierre.

Celle affaire dépend des conditions qu'on y attache. En d'autres termes, si la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout avait consenti à reprendre la section de Contich à Lierre aux conditions auxquelles j'ai cédé la section de Landen à Hasselt, conditions que la Chambre a ratifiées, j'eusse été prêt à les octroyer, parce que ces conditions sont bonnes.

Mais je nie avoir donné des instructions qui puissent servir de base à la convention qui est en délibération aujourd'hui.

M. le président. - L'incident est clos.

La parole est à M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Le débat qui vient de se clore me donne à moi la conviction que le traité soumis à l'approbation de la Chambre est tellement mauvais, tellement véreux que personne n'en veut plus la paternité.

Elle est tellement lourde cette paternité que tout le monde la répudie.

C'est à décider entre deux ministres qui a eu l'initiative de cette mauvaise idée. L'honorable M. Van Hoorebeke n'en veut pas, et je pense qu'il a raison.

L'honorable ministre actuel dit qu'il a exécuté le projet élaboré par d'autres et que, comme exécuteur, il ne peut pas répudier la responsabilité, mais que quant à l'idée même il la repousse.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne dis pas cela.

M. Verhaegen. - Je crois que c'est ainsi que les choses se sont passées.

M. de Perceval. - Ou à peu près.

M. Verhaegen. - Oui, ou à peu près. Il y a même quelque chose de plus.

L'honorable M. Coomans, à la fin de la séance d'hier, si ma mémoire est fidèle, nous a dit qu'il avait été fortement surpris de voir le gouvernement présenter un projet de loi à la législature pour accorder à une compagnie la faculté de parcours sur le railway de l'Etat, que c'était un pouvoir que le gouvernement avait en lui-même et qu'il pouvait parfaitement se passer de l'autorisation de la législature.

Messieurs, la convention est tellement mauvaise que le gouvernement, alors qu'il a le pouvoir de la conclure, n'a pas voulu user de ce pouvoir et que c'est à la Chambre qu'il veut laisser la responsabilité de cette conclusion.

Voilà où nous en sommes.

Ainsi ni l'honorable ministre des travaux publics, ni son honorable prédécesseur ne veulent pas de la responsabilité de l'initiative, et c'est en dernière analyse sur la Chambre qu'on veut la faire peser. La Chambre consentira-t-elle à accepter ce fardeau ? Eh bien, il est de la dignité de la Chambre, il est de l'honneur du parlement belge de ne pas entrer dans cette voie et de répudier une responsabilité aussi lourde.

Prenons-y garde, tout le monde est pur, j'en suis convaincu ; mais prenons garde qu'au-dehors on ne soupçonne le parlement de servir trop certains intérêts privés, d'obéir à certaines influences et de compromettre les intérêts généraux. Du jour où les intérêts prives trouveront des défenseurs trop zélés dans cette enceinte, le parlement perdra de son prestige et l'honneur national se trouvera engagé.

Messieurs, je tiens, moi, à nos chemins de fer, à nos chemins de fer, qui nous ont coûté tant de millions, et qui, bien exploités, pourraient nous rapporter un bel intérêt. Je tiens à l'exploitation des chemins de fer par l’Etat et je m'opposerai toujours à toutes les mesures quelconques qui pourraient porter atteinte à cette propriété nationale.

Déjà par plusieurs concessions, accordées à des particuliers, il ne faut pas nous le dissimuler, nous avons nui à notre railway national, en permettant qu'on établisse des lignes parallèles ou presque parallèles.

Maintenant nous entrons dans une autre voie, nous allons faire des conventions avec des compagnies particulières, favoriser ces compagnies, et cela encore une fois au détriment du railway de l’Etat.

(page 1033) En dernière analyse, si l'on continue dans cette voie, nous n'aurons bientôt plus, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Vandenpeereboom, qu'un squelette de chemin de fer qui ne sera plus digne de nos sympathies et dont nous ne pourrons plus nous débarrasser qu'avec des pertes énormes.

C'est ce que je veux éviter dans l'intérêt de mon pays.

C'est pour cela que, chaque fois qu'il s'agira de conventions de nature à diminuer la valeur de notre railway, chaque fois je refuserai mon vote et ferai de l'opposition.

Messieurs, je demanderai tout d'abord pourquoi la convention, dont on demande l'approbation à la Chambre ?

Cette convention est-elle nécessaire surtout dans les circonstances où nous nous trouvons ? Y a-t-il quelque urgence, dans tous les cas, à la ratifier.

S'agit-il de l'intérêt de l'Etat ? De l'intérêt des voyageurs ? Ou bien s'agil-il de l'intérêt de la compagnie.

M. Coomans. - Du tout. Pas le moins du monde.

M. Verhaegen. — L'honorable M. Coomans me dit : Pas le moins du monde. Moi je dis oui et je vais le prouver.

Si j'ai bien entendu ce que disait hier mon honorable interrupteur, il se serait apitoyé sur le sort des concessionnaires, qui auraient fait une mauvaise affaire et qui devraient se repentir de l'initiative qu'ils ont prise, et par une conséquence toute naturelle, c'est pour ce motif qu'il faut venir à leur secours.

Messieurs, je crois qu'au lieu d'avoir fait une mauvaise affaire, s'ils pouvaient obtenir la convention dont on nous demande la ratification, les concessionnaires feraient une affaire d'or au détriment de l'Etat.

S'agit-il de l'intérêt de l'Etat ou de l'intérêt des voyageurs ? Nullement.

Je suis à me demander depuis hier, après avoir entendu toute la discussion, où et comment l'intérêt de l'Etat pourrait être engagé dans la cession dont on nous demande la ratification ?

L'intérêt de l'Etat est d'exploiter ce qui lui appartient et de l'exploiter convenablement. Qu'il y ait des convois directs d'Anvers à Lierre et vice versa et l’Etat y trouvera son bénéfice. Cela ne conviendra pas à la compagnie ; c'est possible.

Nous avons garanti à la compagnie un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur la ligne de Lierre à Turnhout, nous exécuterons nos obligations, et quant à moi, je ne crains nullement les conséquences de la responsabilité que nous avons prise, nous garantirons les 4 p. c. du capital engagé et nous aurons rempli nos obligations. Mais d'autre part aussi nous exploiterons notre ligne, nous l'exploiterons directement de Lierre à Anvers et d'Anvers à Lierre et nous profiterons des circonstances.

Où donc, encore une fois, l'intérêt de l'Etat peut-il être engagé ?

Si vous ne ratifiez pas la convention, nous dit-on, la compagnie pour l'exploitation du chemin de fer de Lierre à Turnhout sera en perte. Si, au contraire, vous ratifiez la convention, les pertes seront compensées par les avantages.

Mais que je paye d'une manière ou d'une autre, je n'en aurai pas moins payé. Si je dois, à mon détriment, vous accorder certains avantages qui compensent les pertes que je ferais d'une autre manière, ma position reste la même ; et le motif que vous invoquez n'est qu'un prétexte.

Je vais, messieurs, dessiner tout de suite la position de la société.

J'exploiterai moi, Etat, et d'une manière directe, la ligne de Lierre à Anvers et vice versa ; et vous exploiterez, vous compagnie, votre chemin de fer de Lierre à Turnhout comme vous l'entendrez, dans les termes de la concession.

Si vous ne faites pas vos 4 p. c. d'intérêt, je devrai vous les payer. Mais aussi, si l'affaire n'est pas bonne, vos actionnaires ne pourront jamais espérer plus que ces 4 p. c.

Voilà l'Etat en présence de cette compagnie. Cette compagnie qui se trouve ainsi placée dans la position de réduire ses actionnaires à 4 p. c. d'intérêt, devra bien faire à l'Etat des conditions et des conditions plus raisonnables que celles qu'elle nous offre.

Il faudra bien qu'elle arrive à s'entendre avec l'Etat pour que les actionnaires ne soient pas perpétuellement réduits à 4 p. c. Il faudra qu'on vienne à résipiscence et qu'on fasse des propositions raisonnables.

Je me tiens donc dans cette position vis-à-vis de la compagnie. Je lui dis : Exploitez votre chemin de fer. Si vous ne faites pas 4 p. c. d'intérêt, je vous les garantis. Mais moi, Etat, j'exploite au mieux de mes intérêts, et je ferai des bénéfices qui compenseront la perte qui pourra résulter pour moi de la garantie du minimum d'intérêt.

Je ne vois par suite aucun avantage pour l'Etat à entrer dans la voie qu'on nous propose. J'y vois d'autant moins d'avantages qu'il s'agit dans un avenir peu éloigné de donner la main à une nouvelle opération, à la construction d'une ligne directe sur Hasselt. N'y eût-il que la possibilité de l'établissement de cette ligne, même dans un avenir éloigné, ne serait-ce pas le cas d’attendre ? Y a-t-il péril en la demeure ? Faut-il céder immédiatement ce tronçon de chemin de fer à la compagnie pour lui être agréable ? L'intérêt public exige-t-il cela ? Nullement.

Mais non, on ne veut pas attendre, on veut en finir immédiatement et céder un tronçon de chemin de fer qui dans la suite des temps aura une valeur considérable pour l'Etat.

M. Coomans. - Vous le reprendrez.

M. Verhaegen. - Nous examinerons tout à l'heure cette faculté.

Il n'y a donc pas d'intérêt actuel pour l'Etat à faire ce qu'on veut lui faire faire.

Mais l'intérêt des voyageurs ? Messieurs, ce n'est encore qu'un prétexte. Car il ne se fait pour cette ligne que ce qui se passe pour plusieurs autres lignes et pour des lignes beaucoup plus importantes. Ainsi si je veux aller de Liège à Anvers, même avec le convoi de grande vitesse, il faut qu'à Malines je descende de la voiture qui m'a amené de Liège et que j'en prenne une autre pour aller à Anvers.

Les voyageurs de Turnhout doivent-ils donc être dans une meilleure position que les voyageurs qui vont de Liège à Anvers et qui payent le prix maximum d'un convoi de grande vitesse ?

L'intérêt des voyageurs n'est donc qu'un prétexte et rien de plus.

Messieurs, à en croire l'honorable ministre des travaux publics, la convention, telle qu'elle nous est présentée aujourd’hui, ne devait plus rencontrer de difficultés, car aux objections qui avaient éié faites contre la première convention, il a été fait droit : la compagnie n'aura plus, comme dans la première convention, le droit de parcours sur une ligne de l'Etat ; car dans le traité nouveau, article 13, on réserve au gouvernement le droit de dénoncer la convention qui renferme cette faculté.

Je ne sais pas, messieurs, si cette observation est sérieuse ; car ce que l'on a substitué à la première convention par la deuxième, est, d'après moi, beaucoup plus mauvais encore que ce qui existait d'abord. Il suffit de lire :

« Art. 13. Les stipulations relatives au droit de parcours entre Contich et Anvers pourront être dénoncées par chacune des parties en prévenant six mois à l'avance. »

« Le cas échéant, il est dès à présent convenu que l'Etat devra faire remorquer constamment et avec célérité entre la station de Contich et celle d'Anvers et l'entrepôt, et réciproquement, les convois venant de la ligne de Turnhout à Contich ou en destination de cette ligne, de manière à éviter tout transbordement à Contich et à assurer la marche régulière et continue des convois d'Anvers ou vers Anvers, comme si la compagnie les transportait elle-même en exécution du droit de parcours ci-dessus stipulé. »

D'abord, messieurs, savez-vous ce que c'est que cet article ? Une mine à procès. Il renferme vingt procès pour un, et je défie le gouvernement, quelles que soient les précautions qu'il veuille prendre dans l'exécution, ayant affaire à des administrateurs d'une compagnie qui désirent procurer aux actionnaires les plus grands bénéfices possible, je défie le gouvernement de ne pas avoir, à chaque pas qu'il fera, des difficultés avec ces administrateurs.

Quoi ! vous avez répondu aux objections qui avaient surgi dans la première discussion ! Mais qu'est-ce qu'il y a donc de changé ? Il n'y a de changé que ceci : c'est que, d'après la première convention, la compagnie parcourait librement la partie du chemin de fer de l'Etat dont il s'agit, la parcourait librement avec ses waggons, diligences, chars à-bauns, etc., et avec ses locomotives, tandis que maintenant la compagnie va parcourir cette partie de la ligne encore avec ses voitures, mais que le gouvernement sera obligé de les remorquer avec ses locomotives à lui, c'est-à-dire que le gouvernement devra toujours être prêt avec une locomotive allumée à grands frais pour prendre toutes les voitures de la compagnie à chaque arrivée d'un convoi.

M. Coomans. - C'est le gouvernement qui règle les heures.

M. Verhaegen. - Il serait vraiment curieux que le gouvernement ne réglât pas même les heures.

Mais il aura beau régler les heures, il n'y en aura pas moins un grand encombrement dans une station qui est déjà beaucoup trop restreinte pour les convois de l'Etat.

Ainsi, messieurs, la seule différence entre le contrat nouveau et le contrat ancien, c'est que, d'après le contrat nouveau, ce sera le gouvernement qui fera allumer ses locomotives et les mettra au service de la compagnie qui viendra, avec son matériel, parcourir le chemin de fer de l'Etat.

C'est donc, qu'on me permette l'expression, une mauvaise plaisanterie que de venir dire que la nouvelle convention fait droit aux objections doul la première convention a été l'objet. Au lieu de faire quelque chose de mieux, on a fait quelque chose de beaucoup plus mauvais La position du gouvernement, loin d’être améliorée, se trouve considérablement empirée.

Et, messieurs, il ne suffit pas encore que la compagnie ait le droit de parcourir cette partie de la ligne de l’Etat, il faudra même que les locomotives du gouvernement conduisent le matériel de la compagnie jusqu'à l'entrepôt. Et puis, on va même, dans un autre article, jusqu'à s'occuper du droit de séjourner dans les stations moyennant une certaine redevance. Il ne manquerait plus que de conduire les voyageurs chez eux, de mettre des omnibus à leur disposition au moment où ils descendent du convoi.

Il y a, messieurs, dans tout cela une si tendre sollicitude pour les intérêts de la compagnie que je m'effraye des soupçons que cette manière de faire doit éveiller dans le pays.

Je disais, messieurs, qu'il y a matière à quantité de procès rien que dans cet article 13, et chose qui va vous étonner peut-être, c'est qu’on (page 1034) ne voit pas même à quel prix le gouvernement donnera l’usage de sa locomotive.

Je vois bien qu'il est établi dans certains articles que pour user de tout ou partie d'une station, on payera un certain droit qui n'est pas bien déterminé toutefois, mais pour faire usage de la locomotive qui doit remorquer le convoi de la compagnie, je ne vois pas ce que la compagnie payera de ce chef au gouvernement.

On dit qu'on fera une convention particulière, mais si cette convention-ci est adoptée il n'y a plus à faire de convention particulière sur ce point-là.

Remarquez bien, messieurs, que c'est pour le cas de résiliation que l’on donne à la compagnie ce droit de parcourir la ligne de l'Etat et de faire remorquer son matériel par les locomotives du gouvernement.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si, dans le cas où la convention recevrait son exécution, les convois de la compagnie prendraient des voyageurs à Vieux-Dieu et à Contich, et vice-versa. (Interruption.)

Oui, sans doute, me dit-on ; dans ce cas, je comprends les avantages qui vont compenser les pertes de la compagnie : c'est que celle-ci prendra, aux stations de Vieux-Dieu et de Contich, ce qui devrait entrer dans la caisse de l'Etat.

- Une voix. - C'est ainsi.

M. Verhaegen. - J'avoue franchement que je ne croyais pas qu'il en fût ainsi.

La compagnie ne devait s'attendre qu'à transporter les voyageurs qui vont à Turnhout ou qui de Turnhout vont ailleurs, sur le parcours seulement de la route dont la concession lui aura été accordée.

Quel avantage voulez-vous que je fasse à la compagnie ? Dois-je faire autre chose que de la mettre à même de transporter les voyageurs de Turnhout à Lierre et de Lierre à Turnhout ? Non, à coup sûr, non.

Mais elle ne se contente pas de cela ! Elle veut encore venir prendre la route de l'Etat aux stations de Contich et de Vieux-Dieu. Voilà, messieurs, le véritable état de la question. On aura beau dire et beau faire, il est incontestable qu’on ne veut soigner ici que les in-térêts d’une société ; on wwww$ sur le sort de la compargne prétendûment malheureuse et wwww$ définitive des bénéfices considérables, et l’on néglige les wwww$ de l’Etat.

Et si, par impossible, le contraire devait arriver, si la compagnie devait faire des pertes, cela ne nous regarde pus ; elle devait apprendre à calculer, avant de se mettre à l'oeuvre ; si elle doit faire des pertes, l'Etat n'a pas à s'en préoccuper ; il y a tant de compagnies qui font de si gros bénéfices, qu'on peut bien en trouver une qui ne suive pas la même voie.

Mais indépendamment de l'article 13, il en est un autre qui n'est pas moins important, c'est l'article 15 qui est ainsi conçu :

« Art. 15. L'administration des chemins de fer de l'Etat sera tenue de faire opérer la traction des voitures, tant à charge qu à vide, de la compagnie depuis la station d'Anvers jusqu'à l'entrepôt et réciproquement.

« Les prix et conditions, auxquels ladite traction devra être opérée seront réglés ultérieurement, de commun accord avec le département des travaux publics et la compagnie, mais ne pourront pas être moins favorables à la compagnie que ceux déterminés ou à déterminer par le« conventions existantes ou à intervenir sur le même objet, entre le département des travaux publics et la compagnie d'Anvers vers Rotterdam. »

Vous voyez, messieurs, l'étendue de l’obligation que l'Etat contracte. L'Etat a besoin de toutes ses locomotives : on sait que le matériel est presque toujours insuffisant ; or, en vertu de l'article 15, il faudra mettre à la disposition de la compagnie une partie de ce matériel. Encore une fois, ce sera la compagme qui sera favorisée au détriment de l’Etat.

Vient ensuite l'article 21, il porte :

« La présente convention pourra être résiliée par le gouvernement, dans le cas où il concéderait ou construirait un chemin de fer qui emprunterait, en tout ou en partie, la ligne de Contich à Turnhout.

« Et, par la compagnie, dans le cas où le gouvernement concéderait ou construirait un chemin de fer partant d'Anvers ou d'un point quelconque de la ligne d'Anvers vers Malines, et aboutissant à un point de la ligun de Contich à Turnhout. »

Mon honorable ami, M. Prévinaire, a fait voir hier combien cette clause était encore contraire aux intérêts de l’Etat ; on ne l'a pas compris ou l'on n'a pas voulu le comprendre, car on s'est mis complètement à côté de la question. L'objection de mon honorable ami est celle-ci :

Dans le cas de résiliation, on restitue à la compagnie, au moment où la résiliation a lieu, tout ce que ce chemin de fer a coûté. Mais la compagnie, si elle a exploité pendant dix ans, a déjà mis en poche le capital ou une grande partie du capital qu’elle aura engagé ; car chaque année d’exploitation porte avec elle son amortissement. Si vous stipulez donc à l’article 21 qu’en cas de résiliation, vous payerez à la compagnie tout le coût du chemin de fer, la compagnie pourra avoir deux fois cette somme. Voilà l’objection qu’a faite mon honorable ami et à laquelle on n’a pas répondu.

Le grand cheval de bataille de nos adversaires a été la convenance d'éviter le transbordement des voyageurs et des marchandises. L'honorable M. Malou a même été jusqu'à dire, que ne pas éviter cet inconvénient ce serait revenir au moyen âge ! Voilà un bien grand mot !

Déjà mon honorable ami, M. Vandenpeereboom, a réduit à sa plus simple expression ce fameux inconvénient du transbordement, auquel du reste le système de la section centrale pourvoit complètement.

L'honorable M. Malou se récrie aujourd'hui contre le transbordement, tant il est préoccupé de l'intérêt privé qu'il défend en cette occasion, que naguère, à propos de l'intérêt de la compagnie de Dendre-et-Waes, il soutenait la thèse du transbordement et trouvait tout simple que des marchandises en destination d'autres parties du pays pussent être transbordées dans les stations de Dendre-et-Waes afin d'augmenter les profits de la société.

Savez-vous, messieurs, ce qui serait réellement un retour au moyen âge ? Ce serait de voir les hauts barons de l'industrie se substituer aux hauts barons féodaux ; ce serait de voir leurs représentants se substituer aux représentants du pays pour peser sur le gouvernement, pour l'absorber ou le traîner à la remorque.

Oh ! alors le danger serait grand, bien grand, car ces institutions qui depuis 25 ans fonl l'orgueil de la Belgique ne seraient plus qu'un fantôme, je me trompe, ils seraient un dangereux instrument mis aux mains de l'intrigue et des exigences de l'intérêt privé.

Voilà, messieurs, pourquoi le projet en discussion, ce premier essai dans la voie pernicieuse de l'abandon de l'intérêt de l'Etat au profit de l'intérêt privé, excite sur les bancs de la gauche une invicibie répulsion à laquelle la droite s'associera, je n'en doute pas, car si je n'ai pas foi dans toutes ses opinions, j'ai du moins foi dans son patriotisme.

M. de Theux. - L'houorabie M. Verhaegen, comme hier l'honorable rapporteur, s'est beaucoup appesanti sur le danger d'établir des lignes en concurrence avec le chemin de fer de l'Etat/ Il est trop tard pour présenter ce système à la Chambre. Déjà par une série de lois, le gouvernement a autorisé la construction d'une grande quantité de lignes, les unes avec garantie d'intérêt, les autres sans garantie d’intérêt, de manière que les lignes concédées forment peut-être un réseau plus considérable que celui de l’Etat.

Quelle injustice n'y aurait-il pas à l'égard des localités qui jusqu'à ce jour ont été privées des avantages du chemin de fer, à adopter ce système ?

Quand les unes sont dotées d'un chemin de fer aux frais de l'Etat, que d’autres en ont obtenu moyennant une garantie d'intérêt accordée aux concessionaires, d'autres moyennant une concession pure et simple, certaines parties du pays après avoir vu les avantages des communications par chemin de fer se répandre sur le reste du territoire, seraient condamnées à l'ilotisme !

J'ai trop de confiance dans l'esprit de justice de la Chambre pour croire que jamais elle admette un pareil système. Indépendamment du droit que toutes les parties du pays ont de participer à la prospérité générale, en examinant la question aux points de vue les plus généraux, les plus vrais, on reconnaît qu’il importe de laisser construire par voie de concession tous les chemins de fer que les compagnies veulent entreprendre à leurs frais, à moins qu'il s'agisse d'une ligne qu'on voudrait construire en fraude des intérêts de l'Etat, qui n'amènerait aucun avantage et serait une pure spéculation.

J'ai vu au nom de l'intérêt de la ville d'Anvers critiquer la concession du chemin de fer de Landen à Hasselt. J'ose dire que cette ligne, qui a été un véritable bienfait pour les localités de la province de Limbourg qu’elle traverse, devient un bienfait pour la généralité du pays ; elle a déterminé à Saint-Trond et dans les environs l'établissement de sucreries de betteraves importantes et elle a permis de conserver les distilleries à Hasselt.

Si Hasselt avait été isolé, les produits de son industrie n'auraient pas pu concourir avec ceux des autres parties du pays ; sans le chemin de fer elle ne pouvait s'approvisionner des matières nécessaires à son industrie, ni transporter le bétail engraissé par ses distillateurs, il est devenu le point de départ de la ligne de Maestricht. On a aussi contesté cette ligne.

C’était cependant un immense bienfait que le gouvernement des Pays-Bas consentit à accorder à la Belgique aussi bien qu'au duché de Limbourg.

Qui aurait espéré que la Hollande eût consenti à établir une tête de ligne d'un chemin de fer de Maestricht à Anvers, qui devait favoriser le port d’Anvers au détriment des ports de la Hollande ?

Lors de la discussion du traité, ou s'est donné beaucoup de peine pour obtenir la construction d'une ligne se dirigeant, par le canton de Sittard, d’Anvers vers Dusseldorf.

La Hollande y a consenti à la demande des puissances signataires du traité. On n’aurait pas osé demander de laisser établir un chemin de fer à travers la place de Maestricht ; eh bien, c'est ce à quoi a consenti le gouvernement hollandais. C'est la conséquence de la construction du chemin de fer de Landen à Hasselt. Ce chemin de Landen à Hasselt qui sera îe chemin de Landen à Maestricht servira de point de départ au chemin de fer de Hasselt à Anvers.

Je pense que les députés d'Anvers ne seront pas d'accord avec MM. Verhaegen et Préviuaire pour trouver qu'il serait préférable de se borner a un abaissement de tarif.

Ce qui m’a étonné, c’est qu'on ait considéré comme une calamité (page 1035) l'éventualité d'un chemin de fer d'Anvers vers Dusseldorf ; ce serait, dit-on, favoriser le transit de la France vers l'Allemagne par la Belgique. Mais la ville d'Anvers serait charmée de voir construire une ligne directe à travers le canton de Sittard.

Je ne pense pas que les appréhensions de MM. Prévinaire et Verhaegen soient admissibles ; M. le ministre des travaux publics a paru opposé à la construction d'un chemin de fer direct d'Anvers vers Hasselt, ce chemin intéresse les provinces d'Anvers, de Limbourg et une partie de la province de Brabant. On pourra dire, le transit se dirigeant en partie par Liège et en partie par Hasselt, qu'il en résulte un préjudice pour Liége.

Mais les hommes éclairés de la ville de Liège savent parfaitement qu'il est bien autrement important d'avoir un débouché nouveau dans le centre de la Campine anversoise et limbourgeoise, une plus grande prospérité pour la ville d'Anvers qui doit servir de lieu d'approvisionnement et d'exportation pour l'industrie liégeoise.

Ainsi, tout se réunit pour ne pas mettre en interdit cette partie du territoire.

Reste à examiner la convention qui nous est soumise.

Dans mon opinion, elle n'est destinée qu'à avoir une durée très courte, parce que je ne puis supposer que le gouvernement néglige la construction de la ligne directe d'Anvers vers Hasselt, soit de Lierre vers Hasselt, parce que, dans cette supposition, le chemin de fer d'Anvers à Lierre peut servir à l'exploitation.

Ainsi dans mon opinion si nous adoptons la loi, nous ne faisons qu'un acte provisoire, temporaire, de 4 ou 5 ans, c'est-à-dire pour le temps nécessaire pour discuter une loi et exécuter le chemin de fer ; car je ne mets pas en doute que cette question ne sera pas différée. Le chemin de fer d'Anvers à Maestrichl va être exploité. L'utilité de cette ligne est tellement grande que la construction ne peut en être différée.

Maintenant quelques mots sur la convention en elle-même. Elle sera suivie de l'exécution de la ligne de Hasselt vers Anvers, ou elle ne le sera pas. Si cette ligne vers Anvers ne se fait pas, il est évident que le gouvernement a le plus grand intérêt à se débarrasser définitivement de cette petite section de Contich à Lierre.

S'il y a une difficulté, elle est relative au parcours de la ligne de Contich à Anvers. Cette clause, à mon avis, devrait être rendue temporaire. Le gouvernement devrait se réserver la faculté de la révoquer.

Elle serait révoquée de plein droit si l'on construisait le chemin de fer d'Anvers à Hasselt.

Mais, aux termes de l'article 13, si cette ligne ne se fait pas, la convention sera définitive, quant à l'exploitation ou au parcours d'Anvers à Contich.

Si cet article 13 était rendu temporaire, je ne pourrais concevoir qu'il y eût une seule objection quelque peu fondée au projet.

On a mis en avant que ce serait la première fois que l'Etat céderait une partie du railway. Mais c'est une plaisanterie de dire que la section de Contich à Lierre fasse partie du railway de l'Etat.

Ce peut tronçon de chemin de fer, a été fait uniquement pour être utile à Lierre. Il a toujours été entendu qu'à la première occasion le gouvernement pourrait s'en débarrasser. En effet, quelle mauvaise exploitation cela ferait-il si le gouvernement devait l'exploiter à ses frais !

Mais dit-on, si, dans votre pensée, cette loi ne doit avoir qu'un effet temporaire, à quoi bon la faire ? Il ne vaut pas la peine de rembourser au gouvernement le capital employé à la construction de ce tronçon de chemin de fer, pour le rendre à la compagnie dans quelques années.

A la vérité, ccue clause de la convention n'a pas à mes yeux une grande importance. Si le gouvernement ne cède pas la ligne, il achèvera la station à ses frais, y mettra 125 à 150 mille francs.

Quant au mode d'exploitation, il est évident que le gouvernement, comme tuteur des intérêts du pays et du trésor, a intérêt à ce que l'exploitation soit la meilleure possible.

Il le doit aux localités et au trésor ; car si l'exploitation est défectueuse, vous payerez entièrement la garantie à la compagnie de Turnhout.

Or, vous devez vouloir que cette charge soit réduite aux proportions les plus minces possible.

Quel est, direz-vous, le meilleur mode d'exploitation ? La section centrale propose que le gouvernement emploie le matériel de la compagnie pour en faire la traction, sauf une base de partage. Reste à savoir jusqu'à quel point la proposition de la section centrale convient à la compagnie.

Vous ne pouvez l'y obliger : elle a toujours ses intérêts assurés.

Si elle ne peut pas avoir un bénéfice qui aille au-delà de 4 p. c, elle n'a aucun motif pour confier son matériel au gouvernement. Il résultera de là que le gouvernement devra pourvoir à cette exploitation. Ce sera un embarras pour l'admininistration du chemin de fer qui a une pénurie de matériel.

Il y aurait peut-être un moyen de concilier tous les intérêts, parce que, dans mon opinion, cette convention n'est que temporaire et que la construction du chemin de fer d'Anvers à Hasselt est prochaine. On pourrait autoriser le gouvernement à conclure avec la compagnie un arrangement toujours révocable, soit d'année en année, soit de 6 mois en 6 mois, en donnant la section de Contich à Lierre en location, moyennant un prix égal à l'intérêt à 5 p. c. du capital d'établissement.

Et de Contich à Lierre l'article 13 de la convention recevrait son exécution, mais n'aurait qu'une durée temporaire.

Quant à moi, je ne fais aucune difficulté de voter le projet tel qu'il est présenté, avec cette seule modification, quant à la durée de la convention, pour le parcours ou la traction.

Si le ministre consent à l'amendement que je viens d'indiquer, je crois que toute objection raisonnable au projet disparaît. Pour moi, je n'en vois pas.

Si l'on veut admettre la location de la section de Contich à Lierre an lieu de la cession révocable, cela m'est indifférent.

Pour moi, je suis convaincu que, quelque parti que nous prenions, nous ne ferons qu'une convention temporaire.

Mais, messieurs, le rejet pur et simple de la loi prolongerait le statu quo indifiniment ou obligerait le gouvernement à revenir avec un nouveau projet et amènerait un nouvel examen en sections qui peut-être ne serait pas même terminé dans cette session. Cependant il est urgent de sortir de cet état.

J'attendrai, messieurs, la suite des observations ; peut-être même que je me déciderai à présenter l'un des deux amendements que j'ai indiqués, soit de rendre l'article 13 révocable annuellement, soit d'autoriser le gouverncment à faire simplement la location de la section de Lierre à Contich à titre également annuel et de faire une convention de parcours, également annuelle, pour la ligne de Contich à Anvers.

M. Rogier. - M. le ministre des travaux publics n'a pas encore répondu à la question qui lui a été faite et qui consiste à savoir si la société avec laquelle il s'agit de passer un contrat, suivant moi complètement inutile, aura non seulement le droit de parcours sur la ligne d'Anvers à Contich, pour les voyageurs et pour les marchandises de sa propre ligne, mais si elle pourra aussi prendre à Anvers des voyageurs et des marchandises en destination de Vieux-Dieu et de Contich.

Je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien répondre à cette question.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, la faculté dont il est fait mention dans la convention est une faculté de parcours pur et simple et nullement une faculté de trafic.

La compagnie pourra prendre à Anvers, à Vieux-Dieu et à Contich tous les transports destinés à sa ligne et débarquer à ces mêmes stations de l'Etat tous les transports qu'elle amènera de sa propre ligne. Mais jamais l'Etat ne se dessaisira du droit exclusif des transports d'Anvers à Vieux-Dieu, d'Anvers à Contich et réciproquement, des voyageurs et des marchandises qui de fait appartiennent au trafic de l'Etat.

Je n'ai pas interrompu l'honorable M. Verhaegen, quand il a étayé là-dessus tout un raisonnement ; d'abord parce que je n'ai pas l'habitude d'interrompre ; je ne regarde pas cela comme très poli.

M. Verhaegen. - Cela n'est pas dans la convention.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Non évidemment, eela n'est pas dans la convention. Mais les mots « droit de parcours » n'impliquent nullement le droit d'exploitation ni le droit de trafic. C'est dans ce sens que la convention doit être entendue.

M. Rogier. - Je ne sais pas si la convention sera interprétée par la société dans le sens que lui donne M. le ministre des travaux publics. Mais en supposant que la société accepte cette interprétation, en fait il y aura de graves abus, de graves inconvénients et des conflits très fréquents. La société aura le droit de parcours entre Contich et Anvers ; elle s'arrêtera au Vieux Dieu, pour déposer les marchandises et les voyageurs venant de sa propre ligne. Mais qui pourra l'empêcher de prendre aussi au départ d'Anvers, par exemple, des voyageurs qui mettront pied à terre à Vieux-Dieu ? Qui sera là pour contrôler le débarquement de certaines marchandises, la descente de certains voyageurs qui monteront en voiture à Anvers ?

M. de Mérode. - C'est très facile.

M. Rogier. - Je pense que l'honorable M. de Mérode qui m'interrompt et qui plaide toujours avec tant d'énergie l'intérêt du trésor qui ne veut pas qu'il y ait des transports gratuits, voudra moins encore que le gouvernemenl cède à une compagnie particulière ses voyageurs et ses marchandises.

M. de Mérode. - Il ne le fera pas.

M. Rogier. - Remarquez, messieurs, que le chemin de fer d'Anvers ne finit pas à Anvers. Il se prolonge vers la Hollande. Est-il entendu que les marchandises venant d'au-delà d'Anvers et en destination de Vieux-Dieu et de Contich ne pourront être prises par les convois de la compagnie de Lierre à Turnhout. Si la compagnie ne peut les prendre à Anvers, pourra-t-elle les prendre au moins sur la ligne de la Hollande ? ces marchandises qui payent aujourd'hui le péage sur le parcours d'Anvers à Contich au profit de l'Etat, ces marchandises prises, en ce cas, non pas à Anvers, mais au-delà d'Anvers, sur la ligne de la Hollande, passeront exclusivement à la compagnie de Turnhout : cette compagnie n'a qu'à se mettre d'accord avec la compagnie de Rotterdam, ce qui est fait.

Ainsi, toutes les marchandises qui viendront d'au-delà d'Anvers passeraient sur la ligne de l'Etat d'Anvers à Contich sans profiter à l'Etat.

M. Coomans. - Non ! non !

M. Rogier. - Je ne sais si l'honorable M. Coomans est chargé d'expliquer tout ce que fera la compagnie.

(page 1036) M. Coomans. - Est-ce à moi que vous vous adressez ?

M. Rogier. - Oui, M. Coomans, puisque c'est vous qui avez commencé à vous adresser à moi.

M. Coomans. - Je dis que le bon sens seul suffit pour résoudre ces questions.

M. Rogier. - J'examine ces questions à l'aide du bon sens. Je n'y mets pas de malice. Mais je crois que ceux qui ont fait la convention y ont mis plus de malice que ceux qui cherchent ici à la comprendre.

Messieurs, je dis que le chemin de fer d'Anvers n'est pas fini. Dans le grand nombre de projets qui se présentent, il en est un qui aura une grande importance pour la ligne de Turnhout, et j'en suis bien aise, quant à moi, car je désire que la ligne de Turnhout fasse de bonnes affaires. Je le désire pour elle-même et pour la Campine. Je le désire aussi pour l'Etat qui a garanti un minimum d'intérêt.

Mais on nous parle d'une section nouvelle qui pourrait s'établir entre Contich et Termonde, par exemple, par Boom. Je demande si les marchandises partant d'Anvers pour aller dans la direction de Boom, pourront également profiter à la société de Turnhout.

On les prendra à Anvers ; on les conduira jusqu'à Contich et là elles prendront la direction de Boom et de Termonde. Parcourront-elles la ligne de l'Etat au préjudice et au profil de l'Etat et en profitant à la société ?

De quoi s'agil-il, messieurs ? De deux choses : de céder à une compagnie le tronçon de Contich à Lierre qui a été exécuté aux frais de l'Etat. Il fallait pour cela l'autorisation de la Chambre. Est-il nécessaire, est-il d'intérêt public que l'Etat abandonne ce tronçon à la compagnie, je veux bien l'accorder pour un moment, je veux bien accorder que l'Etat cède à la compagnie, au prix coûtant, la section de Contich à Lierre.

Eh bien, messieurs, une fois cette cession faite, une fois la compagnie maîtresse de toute la ligne de Turnhout à Contich, l'inconvénient du double transbordement, à Contich et à Lierre, vient à disparaître.

Mais le gouvernement doit-il abandonner ce tronçon et ne peut-on pas sans cela faire cesser l'inconvénient de ce double transbordement ?

Le gouvernement peut fort bien avoir des convois directs d'Anvers à Lierre, en nombre suffisant pour répondre à ce qu'exige le mouvement des voyageurs et des marchandises. Vous avez très souvent des locomotives qui restent sur place dans les stations ; eh bien, elles feront une petite promenade, car, ainsi que le disait M. Coomans, d'Anvers à Lierre, il n'y a que 17 kilomètres.

On dit que l'exploitation des petites sections est très onéreuse, je ne sais pas où l'on a découvert cette grande dépense à résulter des exploitations à courte distance ; mais ce que je sais, c'est que l'exploitation des petites distances est très avantageuse, que c'est sur les petites distances qu'il se présente relativement le plus grand nombre de voyageurs ; les petites sections à proximité des grandes villes sont précisément celles qui donnent les meilleurs produits. Ainsi, par exemple un grand nombre de propriétaires et de promeneurs peuvent se faire transporter tous les jours d'été, à Vieux-Dieu, à Contich, à Lierre, puisque en moins d'une demi-heure tous ces parcours peuvent s'effectuer.

Si le gouvernement abandonnait à la société la section de Lierre à Contich, en quoi consisterait pour les voyageurs l'inconvénient du transbordement ? C'est qu'en arrivant à Contich ils mettraient pied à terre pour entrer dans le convoi du gouvernement. Et ce ne sont pas les occasions qui manquent, puisque la route d'Anvers à Matines est excessivement fréquentée ; de même un très grand nombre de convois de l'Etat amèneraient des voyageurs et des marchandises jusqu'à Contich et là la société viendrait prendre voyageurs et marchandises comme le font toutes les sociétés dont les chemins de fer sont en contact avec le railway de l'Etat.

Maintenant, messieurs, reste la question d'avenir, et je crois que c'est celle que la Chambre doit surtout avoir en vue. On dit que plusieurs demandes de concessions sont faites pour abréger le parcours de la route commerciale d'Anvers vers l'Allemagne. Il y a des demandes de concessions qui se préparent ; il y en a même, je pense, qui sont déjà déposées. Eh bien, messieurs, si le gouvernement se décidait soit à concéder, soit à construire lui-même une route qui abrégeât encore le parcours entre Anvers et l'Allemagne, cette section de Contich à Lierre qui, aujourd'hui, nous paraît si insignifiante, deviendrait une section de la plus haute importante, puisqu'elle ferait partie de la nouvelle ligne vers l'Allemagne.

L'honorable M. de Theux qui a probablement reconnu qu'il y a des inconvénients dans le système proposé à la Chambre, l'honorable M. de Theux vient de dire : « Qu'on fasse une cession temporaire. » Mais, messieurs, je demande dans quel but on ferait une cession temporaire ? Pourquoi ne pas laisser les choses dans l'état actuel ? Si les routes projetées ne se font pas, eh bien, le gouvernement pourra alors prendre une mesure, mais je crois qu'aujourd'hui il est plus prudent de rester dans le statu quo.

Sans doute le gouvernement doit procurer à la société de Turnhout à Lierre toutes les facilités désirables ; je suis, quant à moi, très opposé au système qui consisterait à gêner les opérations des sociétés concessionnaires. Il faut que la société de Turnhout à Lierre obtienne du gouvernement toute facilité pour l'exploitation de sa ligne, mais hors de là le gouvernement ne lui doit absolument rien, et je ne conçois vraiment pas que le gouvernement vienne s'enchaîner par une convention dont il n'a nul besoin.

Le gouvernement a besoin d'une autorisation pour céder à la société la section de Contich à Lierre, et si la Chambre veut adopter l'article premier qui consacre cette cession, je le comprends, mais la Chambre commettrait une grande imprudence en se liant par l'adoption de l'article 2. Que le gouvernement procure à la société, par voie administrative, toutes les facilités dont elle a besoin, mais qu'il ne livre pas à une exploitation étrangère cette section si importante, cette artère principale de notre chemin de fer, la ligne d'Anvers à Contich.

Déjà elle est presque insuffisante pour la seule exploitation de l'Etat, pourquoi donc y admettre un concurrent qui viendrait gêner ses opérations, qui viendrait peut-être lui enlever des voyageurs et des marchandises dont il doit se réserver le transport exclusif ?

Quant à moi, messieurs, je n'ai aucun motif pour en vouloir à la société concessionnaire de Turnhout à Lierre ; j'ai voté pour cette concession, j'ai voté la garantie d'un minimum d'intérêt, mais en émettant ces votes j'ai entendu toujours réserver à l'Etat tous ses droits et tous ses avantages. Ces droits et ces avantages, il est de notre devoir de les garantir et de placer en seconde ligne les intérêts d'une compagnie particulière.

M. de Theux. - Messieurs, voici un article additionnel qui me paraît de nature à résoudre les seules objections sérieuses qui ont été produites dans la discussion :

« Les dispositions relatives au parcours de la route de Contich à Anvers, reprises aux articles 11 et suivants de la convention, seront annuellement révocables, en se prévenant trois mois d'avance. »

Veuillez remarquer que je propose de rendre révocables toutes les clauses relatives au parcours et aux transports. Ainsi le gouvernement ne sera obligé à rien du tout envers la compagnie ; il pourra se dégager tous les ans.

On a fait l'objection que la compagnie pourrait, à Anvers, attirer à elle quelques colis qui devraient naturellement appartenir aux transports de l'Etat.

Eh bien, déjà M. le ministre des travaux publics a donné l'assurance qu'il n'en serait pas ainsi ; mais la meilleure garantie qu'on puisse stipuler, c'est d'avoir avec la compagnie une convention révocable ; la société elle-même sera alors intéressée à exécuter la convention, conformément à la déclaration de M. le ministre des travaux publics, sous peine de voir annuler la clause relative au parcours et aux transports.

Aucun inconvénient ne peut donc se produire.

On a dit que la route de Contich à Lierre peut s'améliorer, si l'on concède un embranchement de Lierre à Anvers ; mais dans ce cas le gouvernement dénoncera la convention et reprendra le chemin de fer de Contich à Lierre.

On dit : « Pourquoi ne pas laisser les choses dans le statu quo ? » Je réponds que vous ne pouvez pas vous dispenser de faire quelque chose ; vous ne pouvez pas laisser, pendant ces quatre ou cinq ans, ce chemin de fer dans une situation déplorable, le gouvernement doit être autorisé à pourvoir aux nécessités du moment ; mais qu'il le fasse d'une manière annuellement révocable, et alors il ne sera jamais engagé à rien d'onéreux.

De pareilles stipulations ont été conclues avec une infinité de compagnies, et je ne vois pas pourquoi l'on n'agirait pas de même dans cette circonstance. L'honorable M. Frère qui, le premier, a fait la critique de la convention, s'est surtout attaché à ce point ; eh bien, je pense que l'article additionnel que je propose suffit à toutes les exigences.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, avant d'aborder l'amendement qui a été déposé par l'honorable M. de Theux, je rencontrerai quelques-unes des objections présentées contre la convention primitive par d'honorables préopinants ; je crois qu'il est indispensable que je le fasse, malgré la longueur du débat, parce que les honorables MM. Verhaegen et Rogier ont fait valoir des arguments qui n'avaient pas encore été produits et qui, dans mon opinion, partent d'un principe faux.

D'après ces honorables membres, la compagnie pourrait prendre une part quelconque, dans différentes hypothèses qu'ils ont posées, au trafic naturel de l'Etat sur sa propre ligne. J'ai déjà eu l'honneur de dire, en répondant à l'honorable M. Rogier, que cette supposition-là était tout à fait contraire à celle qui était posée dans ia convention où l'on stipule le droit de parcours et nullement le droit de trafic. Tous les transports qui, dans l'état actuel des choses, et en l'absence d'une convention, appartiennent à l'Etat, continueront de lui appartenir.

Ainsi l'hypothèse, posée par l'honorable M. Rogier, que la compagnie pourra, en fraude des droits de l'Etat, transporter d'Anvers à Vieux-Dieu ou à Contich des voyageurs ou des marchandises, ne pourra pas se réaliser, parce que l'Etat se réserve tout ce qui lui arrive de plein droit dans ses propres stations.

Ensuite, dit l'honorable membre, vous n'aurez aucun moyen de vous assurer qu'il n'y aura pas fraude dans l'exercice du droit de parcours donné à la société et que celle-ci ne fera pas un trafic qui vous appartient.

(page 1037) Je ferai remarquer à l'honorable membre qu'aucun des points d'arrêt de la compagnie ne sera en dehors des stations appartenant en toute propriété à l'Etat, et que, par conséquent, aucune marchandise ne pourra être embarquée ni débarquée à Contich sans passer sous les yeux des agents de l'Etat.

Du reste, si ce moyen ne suffisait pas, si, contre toute attente, la fraude était possible, une inspection sérieuse pourrait être organisée pour mettre un terme à ce que je n'hésiterai pas à qualifier de graves abus.

Il y a plus : les compagnies à minimum d'intérêt ont un commissaire du gouvernement qui surveille attentivement toutes les recettes, tous les transports, tous les moyens de revenu ; si des transports étaient faits en fraude des droits de l'Etat, ils n'échapperaient pas à la vigilance dn commissaire.

Quant aux compagnies autres que celle de Lierre à Contich, l'Etat conserve tout son droit, car l'Etat ne traite qu'avec une seule compagnie, celle de Turnhout ; tous les transports qui ne viennent pas directement aux stations de l'Etat ne tombent pas sous l'application de la convention que nous discutons.

L'honorable M. Verhaegen pense que la classe relative au droit de parcours sera une cause perpétuelle de procès ; l'honorable membre voudra bien remarquer que ce droit de parcours n'est pas une innovation ; que beaucoup de compagnies en jouissent ; que les éléments d'appréciation des faits relatifs à ce parcours sont parfaitement connus de l’administration de l'Etat, ainsi que des administrations particulières, et que, depuis que ce parcours existe, il n'a pas, que je sache, donné lieu à des difficultés sérieuses, ni à des procès.

Ce droit qui paraît si compliqué l'est beaucoup moins dans la pratique. Dans les environs de Charleroi, il est plusieurs compagnies qui ont le droit de parcours ; eh bien, malgré les conditions variées et compliquées dans lesquelles ce parcours est effectué, les difficultés qui ont pu se rencontrer dans les environs de cette station importante ont presque toutes été résolues à l'amiable par des conventions spéciales.

L'honorable M. Verhaegen voit encore une source d'embarras extrêmement grand pour le gouvernement, dans l'obligation qu'il contracterait par l'art. 15 d'effectuer avec ses propres locomotives le transport du matériel de la compagnie vers l'entrepôt d'Anvers.

Cependant, il faut admettre que la compagnie doit être à même de recevoir de la mer des transports directs, et à moins de l'autoriser à effectuer elle-même la traction, il y a lieu de consentir à la stipulation de l'article 15 ; or on n'ignore pas combien le service se fait difficilement à travers les fortifications d'Anvers, au milieu des voies compliquées qui conduisent à l'entrepôt et à la station : il serait donc d'une imprudence extraordinaire de permettre aux locomotives d'une compagnie de circuler sur ces voies.

L'honorable M. Verhaegen revient sur l'article 21 stipulant les conditions de la résiliation, et il s'étonne qu'on ne tienne pas compte de l'amortissement du prix de la ligne qu'opère la compagnie d'année en année ; mais, en y réfléchissant, il reconnaîtra que, si la compagnie trouve dans ses ressources la possibilité de porter dans ses comptes chaque année une somme pour l'amortissement du prix du chemin dont elle doit être dépossédée au bout d'une certaine période ; le chemin conserve toujours la même valeur, puisque la compagnie est tenue de l'entretenir.

Cet amortissement, s'il s'opère, ne peut être que relatif ; c'est un compte qu'établissent toutes les compagnies concessionnaires. Pour l'Etat qui reprend et doit posséder à perpétuité, le chemin conserve toute sa valeur.

L'honorable M. Verhaegen a perdu de vue la clause de rachat insérée dans le contrat pour le chemin de fer de Dendre-et-Waes ; pourquoi n'a-t-on pas tenu compte de l'amortissement pour le rachat éventuel, et pourquoi voudrait-on en tenir compte pour le rachat du chemin de Lierre à Contich ? Il faut le reconnaître, je me suis renfermé dans des conditions plus favorables que celles qui avaient été précédemment consenties. Le gouvernement rachètera à prix coûtant un instrument qui n'aura rien perdu de sa valeur et qui sera destiné à rester à perpétuité dans ses mains.

L'honorable M. deTheux et l'honorable M. Rogier ont traité la question au point de vue le plus important à leurs yeux, celui du prolongement de la ligne vers l'Allemagne. Tout ce qui peut être dit à cet égard l'a été dans la séance d'hier. Je ne veux pas suivre ces honorables membres dans la discussion de cette éventualité comme devant se présenter prochainement.

Cette question me paraît tellement importante, que je trouve qu'il y aurait danger à la traiter incidemment à propos d'un projet de loi concernant un si petit objet.

Je crois qu'il faut laisser les opinions libres et entières ; tout ce qui peut se rapporter à la loi que nous discutons a été dit. L'avenir n'est engagé en rien, le gouvernement pourra toujours se replacer dans la situation où il est actuellement ; l'honorable M. de Theux pense qu'on pourrait faire disparaître une partie des objections des opposants en remplaçant la cession par un bail.

Je ne crois pas pouvoir me rallier à un amendement dont je n'ai pas pu bien apprécier la portée, et qui nécessiterait une nouvelle négociation avec la compagnie ; je ne puis pas préjuger l'acceptation, par celle-ci d'une proposition semblable, en supposant que, pour mon compte, je n'y trouve pas d'inconvénients.

Quant à l'amendement qui tend à rendre la résiliation applicable à toutes les conditions du parcours, c'est-à-dire non seulement au droit de parcours proprement dit, mais aussi à l'obligation éventuelle pour le chemin de fer de l'Etat d'effectuer la traction, je ne vois aucune difficulté à l'admettre si on le juge utile.

La proposition de l'honorable membre consiste à étendre à une autre hypothèse la condition de résiliation déjà insérée dans le contrat ; je ne puis pas me refuser à y accéder.

M. Verhaegen. - C'est après trois séances qu'on vient nous présenter un amendement, lequel aurait cette signification, qu'au lieu d'un contrat définitif, on ferait un contrat provisoire, lequel serait censé annuellement renouvelé, si trois mois avant l'expiration de l'année on ne venait pas le dénoncer. Ceci ne prouve qu'une chose ; c'est qu'on trouve le contrat mauvais. Or, si le contrat définitif est mauvais, le contrat provisoire l'est également. Ce que vous avez de mieux à faire, ce n'est que l'amendement retourné, c'est d'ajourner.

Qu'y a t-il de si urgent dans cette affaire ? Il y a un singulier spectacle auquel nous assistons. Il semble véritablement que ceux qui sont chargés de défendre les intérêts de l'Etat sont ici les mandataires d'intérêts privés. Ce sont les intérêts de l'Etat qu'on néglige et que nous sommes forcés de défendre ; l'on dit que les défenseurs-nés des intérêts de l'Etat se font les défenseurs des compagnies. Tous les efforts du ministre n'ont pas d'autre but.

Il veut bien accepter un amendement de M. de Theux, parce que, dit-il, il sera plus libre. Il est donc déjà lié. Pourquoi déserter les intérêts de l'Etat dont vous vous constituez les gardiens ? (Aux voix ! aux voix !) Les cris « aux voix » ne m'empêcheront pas de dire ma pensée. Il y a quelque chose de plus grave que la convention qui nous occupe !

Prenons garde qu'on ne dise au-dehors que ce sont les intérêts des compagnies qui sont ici représentés.

Il semble, en effet, qu'on plaide un procès dans lequel on défend les intérêts des compagnies contre les intérêts de l'Etat.

M. Coomans. - Je n'ai jamais plaidé pour des chemins de fer.

M. Verhaegen. - Les avocats peuvent vous donner quelques leçons pour éviter d'être dupes des compagnies, pour éviter les procès. Je désire ne pas en avoir, je désire que l'Etat en ait le moins possible.

Il est assez singulier d'entendre le ministre dire qu'il est bien entendu que la compagnie ne prendra aucune part au trafic de l'Etat sur sa propre ligne, alors que, dans le rapport de la section centrale, un argument avait été présenté avec beaucoup de force, argument qui consistait à dire que la compagnie pourrait peut-être enlever à l'Etat une partie des revenus qui lui donnent les stations de Vieux-Dieu et de Contich, et jusqu'à présent M. le ministre n'avait pas dit un mot en réponse à ces allégations de la section centrale.

Ce n'est qu'aujourd'hui, à la fin de la discussion, pressé dans ses derniers retranchements, que le ministre vient déclarer qu'il est bien entendu que la compagnie ne prendra aucune part au trafic de l'Etat. Mais est-ce dit dans la convention ? Si un jour les tribunaux ont à statuer dans un différend entre l'Etat et la compagnie, quelle est la décision qui interviendra ? Tout reste dans le vague.

L'amendement présenté par l'honorable M. de Theux est vraiment curieux. Il serait peut-être de nature à faire croire à quelques-uns de nos collègues que ce serait un moyen de concilier les opinions. Mais il n'en est rien. Je ne sais si l'honorable auteur de l'amendement a bien fixé son attention sur l'article 13 de la convention sonmisc à notre approbaiion, et qui a fait l'objet principal de mon argumentation. Cet article 13 donne à chacune des parties la faculté de dénoncer les stipulations relatives au droit de parcours, en prévenant six mois à l'avance. Maintenant l'amendement de l'honorable M. de Theux donne à chacune des parties le droit de résilier annuellement en prévenant trois mois d'avance. Quelle est la différence entre ces deux dispositions ? Je demanderai à l'honorable M. de Theux si avec son amendement il maintient l'article 13.

M. de Theux. - Non !

M. Verhaegen. - Ce n'est pas dit du tout.

L'article 13 a un paragraphe qui porte : « Le cas échéant, il est dès à présent convenu que l'Etat devra faire remorquer constamment et avec célérité entre la station de Contich et celle d'Anvers et l'entrepôt et réciproquement, les convois venant de la ligne de Turnhout à Contich ou en destination de cette ligne. »

L'amendement de l'honorable M. de Theux maintien t-il ce paragraphe, ou laisse-t-il entièrement de côté l'article 13 ? D'après l'amendement, l'une et l'autre parties ont-elles le droit de dire annuellement, en prévenant trois mois d'avance : Je ne fais plus rien. Je ne remorque plus. Tout est fini.

Là-dessus, le ministre répond : C'est une convention nouvelle, à laquelle je ne sais si la compagnie consentira. Nous n'avons pas à faire une convention nouvelle. Nous avons à approuver ou à rejeter la convention.

Savez-vous ce que c'est que cet amendement ? Vous prévoyez que la convention ne sera pas approuvée. En effet, il n'est pas de la dignité de la Chambre de l'approuver, et vous venez avec un petit amendement qui n'aura d'autre résultat que de faire ajourner la discussion.

Voilà tout bonnement le moyen dont vous faites usage.

M. Malou. - C'est déjà la troisième fois dans cette séance qu'on (page 1038) accuse les défenseurs du projet de loi de sacrifier les intérêts de l'Etat à des intérêts privés ; il est de la dignité de la Chambre de permettre qu'il soit fait quelques mots de réponse à ces odieuses accusations.

Nous avons démontré à l'évidence que l'intérêt de l'Etat exige la cession du tronçon de Contich à Lierre.

M. Loos. - Comment cela ?

M. Malou. - Je vous ai bien écouté, M. Loos. Permettez-moi de parler.

Nous croyons avoir démontré que l'Etat avait un intérêt considérable à céder à la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout, l'exploitation de ce tronçon de chemin de fer, parce qu'entre les mains de l'Etat, quelles que puissent être les prétentions de l'honorable membre, l'exploitation de ce tronçon est fatalement onéreuse pour l'Etat : il mettra de l'argent pour le continuer ; il perdra chaque année de l'argent pour l'exploiter. C'est ce que nous ne voulons pas.

M. Loos. - Cela n'est pas.

M. Malou. - Je vous dis que cela est. Mon affirmation et les preuves à l'appui valent bien votre dénégation.

Si nous étions seuls, s'il ne s'agissait que des lumières des honorables MM. Loos et Prévinaire en fait d'exploitation de chemin de fer, je m'inclinerais volontiers. Mais nous avons pour nous toutes les personnes qui se sont occupées de chemins de fer.

M. Prévinaire, rapporteur. - C'est le contraire.

M. Malou. - C'est ainsi, et je m'étonne qu'il faille trois jours de discussion pour une chose aussi claire.

Comment vouloir qu'un parcours de six ou sept kilomètres puisse couvrir les frais d'une exploitation spéciale ? Mais vous feriez croire que vous n'avez jamais vu fumer une locomotive !

Il y a une chose évidente, c'est qu'à trafic égal le bénéfice résulte de la longueur du parcours, et lorsque vous êtes obligés de supporter des frais généraux et des frais d'exploitation pour une étendue de huit ou dix kilomètres, vous aurez de la perte, quelle que soit l'importance du trafic. Cela est démontré mathématiquement par les faits qui se sont passés à Bruxelles et à l'étranger. Je défie qu'on exploite un embranchement comme celui-là sans qu'il en coûte pour les frais d'exploitation plus qu'il ne peut rapporter.

Voilà pourquoi nous sommes convaincus qu'il est de l'intérêt de l'Etat de conclure la convention.

Mais on nous dit : Quelle est l'urgence ? Il y a une chose dont on ne parle pas, c'est le public. Les chemins de fer sont faits pour le public. Voilà que d'ajournement en ajournement on a laissé arriver ce chemin de fer à un état de dépérissement tel, que de Contich à Lierre, on marche plus lentement que la patache d'autre fois.

On ne peut plus y passer qu'au petit pas, dans la crainte de jeter les waggons hors des rails et de provoquer des accidents. Que voulons-nous faire aujourd'hui ? Satisfaire à des droits, à des intérêts légitimes.

Je n'ajouterai qu'un mot. On dit que la disposition relative au parcours donnera lieu à de nombreuses difficultés. Mais les honorables membres ne l'ont pas lue ; elle porte : « La compagnie pourra faire circuler le matériel. »

Qu'est-ce que cela veut dire ? Elle va tricher, la compagnie va prendre des voyageurs à Vieux-Dieu, elle va y déposer des marchandises. Mais a-t-elle des agents à Vieux-Dieu ? Elle est sur le terrain de l'Etat. Il faudrait donc que l'Etat fût son complice, qu'il contribuât lui même à annuler la convention qu'il a faite avec la compagnie.

Cette objection n'est donc pas plus sérieuse que les autres.

Quelle différence y a-t-il entre l'amendement de l'honorable M. de Theux et le projet de convention ? Il y a cette différence que toutes les stipulations de la convention relatives au parcours sont résiliables sans qu'il y ait rien de déterminé après cette résiliation ; en d'autres termes en laissant la compagnie dans le droit commun après cette résiliation, tandis que d'après la convention il y avait un droit pour la compagnie. Ainsi le second paragraphe de l'article 13, si l'amendement est adopté, n'existe plus. (Interruption.)

Messieurs, lisez l'amendement. Que dit-il autre chose, sinon que toutes les dispositions de la convention relatives au parcours peuvent être résiliées ?

Messieurs, je vois présenter à cette discussion, jusqu à la fin, le même caractère. Chaque fois qu'une concession est faite, qu'il est fait droit à une objection, on veut autre chose.

L'honorable M. Verhaegen, lorsqu'on fait droit à la seule objection que l'honorable M. Frère eût produite, dit : Vous présentez un amendement, donc la convention est mauvaise. Je ne sais vraiment pas s'il faut s'arrêter à de pareilles considérations.

On présente un amendement parce que vous avez fait une objection et que nous voulons empêcher que les inconvénients que vous redoutez ne se produisent.

On présente encore l'amendement, pourquoi ? Pour prévenir le rejet. Je suis convaincu, quant à moi, que le projet de loi sera adopté par la Chambre.

- La clôture de la discussion générale est prononcée. La Chambre passe à la délibération sur les articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder le chemin de fer, en partie construit aux frais de l'Etat, de Contich à Lierre, à la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout, aux mêmes clauses et conditions que celles auxquelles ladite compagnie est concessionnaire de ce dernier chemin de fer ; toutefois, pour la section de Contich à Lierre, il ne sera garanti par l'Etat à la compagnie, aucun minimum d'intérêt. »

- Plusieurs membres demandent le vote par appel nominal sur cet article.

En voici le résultat :

70 membres sont présents.

36 votent pour l'article.

32 votent contre.

2 s'abstiennent.

En conséquence l'article est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Coomans, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La coste, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Portemont, de Renesse, de Ruddere deTe Lockeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Faignart, Janssens, Julliot, Landeloos, Lesoinne, Maghermann, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rodenbach, Tack, Van Cromphaut, Vander Donckt et Van Overloop.

Ont voté le rejet : MM. Vervoort, Visart, Ansiau, Anspach, Coppieters t'Wallant, de Baillet-Latour, de Breyne, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Steenhault, Dubus, Goblet, Lange, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Orts, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Sinave, Thiéfry, Thienpont, T Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem et Verhaegen.

Se sont abstenus : MM. de Naeyer et le Bailly de Tilleghem.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je me suis abstenu, parce que n'ayant assisté qu'à une partie de la discussion, j'ai conservé dés doutes sérieux sur la véritable portée des dispostions du projet de loi.

M. le Bailly de Tilleghem. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas de conviction que les intérêts de l'Etat sont suffisamment, garantis et qu'il puisse lui convenir de conclure la convention.

Article 2

« Art. 2. Le gouvernement pourra, en outre, autoriser la Compagnie prémentionnée à faire circuler son matériel sur le chemin de fer de l'Etat entre la station de Contich et celle d'Anvers, et entre cette dernière station et l'entrepôt.

« Les conditions auxquelles cette autorisation sera donnée seront arrêtées de commun accord entre le ministre des travaux publics et la Compagnie. »

- Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article.

68 membres prennent part au vote.

2 (MM. de Naeyer et le Bailly de Tilleghem s'abstiennent.)

36 votent pour l'ensemble.

30 votent contre.

En conséquence l'article est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Coomans, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Faignard, Janssens, Julliot, Landeloos, Lesoinne, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rodenbach, Tack, Van Cromphaut, Vander Donckt et Van Overloop.

Ont voté le rejet : MM. Vervoort, Visart, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wailant, de Baillet-Latour, de Breyne, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Steenhault, Dubus, Goblet, Lange, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Orts, Prévinaire, Rogier, Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Iseghem, Verhaegen et Rousselle.

M. de Naeyer. et M. le Bailly de Tilleghem déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs qu'ils ont fait connaître tout à l'heure.

Article additionnel

L'article additionnel proposé par M. de Theux est mis aux voix et adopté.

Le vote définitif est fixé à mardi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1857

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) présente le budget de l'intérieur pour l'exercice 1857.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen dés sections.

La séance est levée à 5 heures.