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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 947) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Tack lit le procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Péruwelz demande que la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai soit mise en demeure d'exécuter le tracé désigné au plan primitif de cette ligne. »

M. Allard. - Messieurs, je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

La Chambre se rappellera les nombreuses requêtes, accompagnées de plans, que nous avons reçues relativement au chemin de fer de Saint-Ghislain vers les Flandres ; or, il paraît déjà constaté aujourd'hui que ces plans ne seront pas exécutés. Ainsi, la station de Péruwelz qui, suivant les plans communiqués à la Chambre par les demandeurs en concession, devait se trouver entre le canal et l'agglomération de Péruwelz, se trouve déjà portée aujourd'hui au-delà du canal d'après les jalons qu'on a plantés pour le tracé du chemin de fer. Ce sera la ruine de la ville de Péruwelz si on élève la station en cet endroit, car dans ce cas le chemin de fer ne lui sera d'aucune utilité. J'appelle toute l'attention de la commission sur la pétition dont il s'agit.

M. de Rasse. - Pour les motifs indiqués par l'honorable M. Allard, je me joins à lui pour demander que la commission soit priée de faire un prompt rapport.

- La proposition de M. Allard est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur Félis, maître de chapelle du Roi, directeur du conservatoire royal de musique de Bruxelles, prie la Chambre d'accepter la dédicace du Te Deum en plain-chant qu'il a écrit pour la solennité nationale du 21 juillet 1856 et qui a été exécuté pendant la cérémonie de ce même jour. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Dubois, ancien ingénieur, fait hommage à la Chambre de 130 exemplaires des questions qu'il a posées à M. le ministre des affaires étrangères, relativement à la navigation transatlantique. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de section

M. le président. - Les bureaux des sections du mois de mars ont été composés ainsi qu'il suit :

Première section

Président : M. Coomans

Vice-président : M. Wasseige

Secrétaire : M. Janssens

Rapporteur de pétitions : M. Landeloos


Deuxième section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. de Moor

Secrétaire : M. Crombez

Rapporteur de pétitions : M. Licot de Nismes


Troisième section

Président : M. Coppieters t’ Wallant

Vice-président : M. Grosfils

Secrétaire : M. Tack

Rapporteur de pétitions : M. Calmeyn


Quatrième section

Président : M. Matthieu

Vice-président : M. Magherman

Secrétaire : M. Maertens

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Cinquième section

Président : M. Lelièvre

Vice-président : M. Allard

Secrétaire : M. de Perceval

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Sixième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Van Iseghem

Secrétaire : M. Laubry

Rapporteur de pétitions : M. de Paul

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Légion d'honneur et croix de fer

Discussion générale

M. Maertens, rapporteur (pour une motion d'ordre). - Messieurs, vous avez, dans votre séance d'hier, renvoyé à la section centrale deux amendements déposés par les honorables MM. de Perceval et Dumortier. La section centrale s'en est occupée ce matin, mais elle n'a pas achevé son examen, parce qu'elle a cru devoir demander quelques renseignements à M. le ministre de l'intérieur. Je propose, en conséquence, à la Chambre d'ajourner à une autre séance la discussion du chapitre X.

- Cette proposition est adoptée.

Chapitre XI. Agriculture

La Chambre passe au chapitre XI (Agriculture).

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. de Lexhy. - Messieurs, on a signalé à diverses reprises les défectuosités nombreuses qui existent dans la législation rurale. Ces lois constituent un véritable chaos ; elles sont insuffisantes, incomplètes, surannées, et portent un certain cachet de féodalité et de moyen âge qu'il importe de faire disparaître.

Il est donc urgent qu'on s'occupe immédiatement de la réforme de cette législation.

Je sais qu'une commission a été nommée pour élaborer un projet sur cette matière. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien prier la commission de hâter son travail de manière qu'il puisse nous être soumis dans la prochaine session.

J'appellerai également l'attention de M. le ministre sur la loi de 1851 sur les vices rédhibitoires des animaux domestiques. Cette loi présente de très nombreuses défectuosités ; les cultivateurs s'en plaignent vivement.

Si le gouvernement ne nous présentait pas un projet de loi dans un avenir plus ou moins prochain, j'userais de mon droit d'initiative pour proposer des modifications à la loi actuelle.

M. Lelièvre. - Le rapport de la section centrale énonce que la deuxième section a proposé le rétablissement de la Bibliothèque rurale. Je m'associe pleinement à cette proposition. Je suis l'un de ceux qui ont vu avec peine la suppression de cette institution qui produisait tes meilleurs fruits et avait pour résultat de répandre dans les campagnes des connaissances utiles. Je regrette vraiment que pour réaliser une économie insignifiante l'on ait sacrifié une institution favorable à la science et qu'on ait posé un acte que les amis du progrès ne peuvent que déplorer.

Comme mon ami M. de Lexhy, je crois devoir appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité de réformer nos lois rurales. Aujourd'hui les maraudages de récoltes se commettent en bande et la nuit, et des faits aussi graves ne sont punis que de peines insignifiantes. Le Code de 1791 frappait ces délits d'une peine qui pouvait être élevée jusqu'à trois mois ; la loi française de 1832 prononce un emprisonnement de quinze jours à deux ans. Chez nous au contraire le maximum de la peine est huit jours d'emprisonnement et deux cents francs d'amende, pénalités insuffisantes pour réprimer des faits qui peuvent, dans certaines circonstances, avoir un caractère sérieux de gravité. L'agriculture n'est pas suffisamment protégée par une semblable législation. Aussi de tous côtés s'élèvent à cet égard les plaintes les plus légitimes. Il est temps de revenir à un système qui sauvegarde efficacement des intérêts importants.

Enfin, messieurs, je crois devoir signaler la nécessité de s'occuper d'un projet de loi relatif à la police sanitaire des animaux domestiques. En 1855, le projet présenté en cette matière par l'honorable M. Piercot a été rejeté par la Chambre. On le considérait comme trop sévère. Eh bien, le rejet que j'ai vivement regretté, a eu pour conséquence de maintenir le régime du Code pénal qui est bien plus rigoureux que le projet qui a été repoussé.

Il y a peu de temps, un cultivateur qui avait négligé de dénoncer à l'autorité que son cheval était atteint d’une maladie contagieuse, s'est vu condamné à un mois d'emprisonnement. Je pense donc que le gouvernement ferait chose utile, s'il s'occupait des mesures propres à réviser la législation actuelle en cette matière.

M. Maertens, rapporteur. - Si j'ai bien compris l'honorable M. Lelièvre, il a exprimé le regret que la section centrale eût demandé la suppression de l'école d'agriculture de Rollé. Je dois faire observer que cela n'est pas tout à fait exact, car on s'est borné à demander quelques éclaircissements sur les motifs qui avaient empêché cet établissement de marcher avec toute la régularité qu'on était en droit d'en attendre.

Après avoir pris communication de la réponse du ministre, la section centrale a adopté purement et simplement l'article 58, tel qu'il était proposé par le gouvernement.

M. Lelièvre. - J'ai parlé de la suppression de la Bibliothèque rurale.

M. Maertens, rapporteur. - Il paraît que je n'ai pas bien saisi la portée des observations de l'honorable membre, puisqu'elles s'adressaient à la suppression de la Bibliothèque agricole. Mais là encore la section n'a pas proposé la suppression d'un crédit que le gouvernement lui-même n'avait pas jugé convenable de reproduire au budget. On n'a fait que consigner au rapport le vœu exprimé par une section de voir rétablir cette allocation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Lelièvre vient de relever l'importance que semble prendre le maraudage dans nos campagnes. Ce fait n'est malheureusement que trop exact. Aussi, la sollicitude des autorités a-t-elle été éveillée à diverses reprises sur les moyens les plus propres à réprimer ces délits.

A ce sujet l'honorable M. de Lexhy a demandé au gouvernement d'activer les travaux des commissions chargées de préparer un projet de Code rural.

Le gouvernement, comme vous le savez, a nommé des commissions dans chaque province pour examiner cette question importante au point de vue des intérêts et des usages de chaque province ; leurs (page 948) travaux devront être ensuite coordonnés et servir d'éléments à une future codification.

Ce travail, comme vous pouvez le penser, est extrêmement important. Les commissaires des diverses provinces s'occupent de l'examen de toutes les questions qui se rattachent à la rédaction d'un Code rural. Dernièrement plusieurs de ces commissions ont demandé au gouvernement de se procurer dans les pays étrangers les travaux législatifs qui se rapportent à la même matière.

En effet, la police rurale a été réglée par des mesures législatives ou administratives qui ont été prises, depuis quelques années, dans diverses parties de l'Europe.

Le gouvernement s'est empressé de déférer au vœu qui lui a été exprimé. Ces documents officiels sont demandés aux divers gouvernements. Aussitôt qu'ils nous auront été transmis, ils seront adressés aux diverses commissions pour qu'elles puissent les utiliser pour l'achèvement de leur travail.

L'honorable M. Lelièvre regrette la suppression du crédit pour la Bibliothèque rurale. Cependant deux motifs doivent rendre ses regrets moins vifs.

C'est que, d'abord, de l'aveu des personnes qui s'occupaient le plus activement de cette bibliothèque, qui prenaient un intérêt réel à son succès, la série des ouvrages d'un intérêt général en matière d'agriculture était à peu près épuisée au moment de la suppression du crédit alloué pour cet objet.

Il eût été difficile de faire encore quatre ou cinq publications vraiment utiles, à moins de traiter des sujets d'un intérêt secondaire, et les publications des ouvrages les plus essentiels concernant les diverses branches de l'agriculture ont eu lieu dans les deux langues.

Ensuite il serait inexact de prétendre que le gouvernement ait perdu de vue cet objet. La bibliothèque rurale ne se public plus sous le patronage direct du gouvernement ; nuis il a annoncé vouloir indirectement encourager la publication d'ouvrages utiles qui peuvent être considérés comme la continuation de la bibliothèque agricole. Une publication de ce genre a paru récemment ; le gouvernement y a souscrit pour un grand nombre d'exemplaires qui sont distribués aux comices agricoles.

L'honorable M. de Lexby vous a parlé des modifications que réclame la loi sur les vices rédhibitoires des animaux domestiques. L'honorable membre ferait chose utile en complétant ses indications et en les rendant plus précises. J'en tiendrais compte et je les examinerais avec le désir sincère de contribuer à l'amélioration de la législation sur la matière.

L'honorable M. Lelièvre demande que l'on présente une loi sur la police sanitaire des animaux domestiques. L'honorable membre n'ignore pas que cette loi a été discutée il n'y a pas longtemps et rejetée après une discussion. Je ne sais si l'on peut convenablement, après un aussi court intervalle, représenter un projet de loi rejeté par la Chambre. Je ne saurais prendre aucun engagement en ce sens.

M. de Smedt. - Messieurs, en ce qui concerne le maraudage, je ne crois pas que la pénalité soit trop peu sévère ; mais je crois que ce qui y donne surtout naissance, c'est que l'on n'a pas assez de soins des classes pauvres. Ce sont elles qui maraudent, et quand elles ont de quoi se nourrir, elles ne le font pas.

Nous en avons eu l'expérience dans le pays d'Alost ; on a eu grand soin des pauvres ; on leur a donné du pain, et il n'y a pas eu de maraudage.

Il faut donc que l'on engage surtout les administrations communales à prendre soin de la classe pauvre, à lui donner du travail. Ce sera le meilleur moyen répressif du maraudage.

On a parlé des épizooties. Je crois que la législation à cet égard est suffisante. Mais où est le vice ? C'est qu'on attend trop longtemps avant de déclarer les épizooties, avant d'abattre les animaux malades et surtout d'indemniser. On espère de guérir les animaux malades et l'on ne se hâte pas de les déclarer.

Je crois qu'on devrait engager les administrations communales à veiller à ce que, aussitôt qu'une maladie se déclare, on fasse les déclarations voulues et l'on abatte les animaux malades. C'est le seul moyen de prévenir la propagation des épizooties. C'était l'usage de l'administration ancienne. Nous avons vu, dans le pays d'Alost, en 1777, une épidémie, et l'on a dépensé des millions, parce que, aussitôt qu'un animal était malade, on l'abattait.

En cette matière donc, il ne faut pas être parcimonieux. Il faut indemniser et veiller à ce que les éleveurs et les engraisseurs fassent connaître immédiatement les animaux qui deviennent malades.

Je ne puis assez attirer l'attention du gouvernement sur cet objet qui est de la plus haute importance pour l'agriculture. J'engage donc l'administration à le surveiller et surtout, comme je viens de le dire, à ne pas être difficile à complètement indemniser tes agriculteurs, qui doivent abattre du bétail, car qu'on le sache bien, quand les abatages seront convenablement indemnisés, les éleveurs n'omettront pas de dénoncer les cas de maladie qui pourront se présenter dans leurs étables.

M. de Lexhy. - Pour faire disparaître les défectuosités que j'ai signalées comme existant dans la loi de 1851 sur les vices rédhibitoires des animaux domestiques, il faut un travail d'ensemble que je me réserve de faire à l'appui de la proposition que je présenterai à la Chambre.

- La discussion est close.

Articles 51 à 57

« Art. 51. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 150,000. »

- Adopté.


« Art. 52. Service vétérinaire : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 53. Traitements et indemnités du personnel du haras : fr. 36,000. »

- Adopté.


« Art. 54. Traitement et indemnité de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 55. Matériel du haras, frais de voyage du personnel et achat d'étalons : fr. 102,000. »

- Adopté.


« Art. 56. Amélioration de la race chevaline indigène ; exécution des règlements provinciaux sur la matière ; exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race bovine ; amélioration des espèces bovine, ovine et porcine : fr. 98,500. »

- Adopté.


« Art. 57. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; subside pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ; achat d'instruments aratoires nouveaux, destinés à servir de modèles ou à être distribués par l'entremise des commissions d'agriculture ; dépenses diverses : fr. 88,000. »

- Adopté.

Article 58

« Art. 58. Enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; traitements de disponibilité : fr. 79,000

« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »

M. Lesoinne. - A propos de l'article 58, je vois, dans le rapport de la section centrale, que l'école d'agriculture de Rollé n'est pas supprimée, mais que les cours y sont suspendus.

Je me rappelle que dans le temps on réclamait de toutes parts des écoles d'agriculture. On croyait qu'il était de l'intérêt du pays de propager la science agricole et on réclamait avec beaucoup d'instance la création d'écoles dans plusieurs parties du pays.

Ces écoles ont été fondées ; mais avec les éléments dont on disposait alors, elles ne pouvaient pas rendre immédiatement les services qu'on en espérait. On ne pouvait pas improviser, surtout d'une manière aussi générale, une enseignement agricole selon les besoins de toutes les localités du pays. Ces écoles n'ont donc pas répondu à l'attente générale.

Je crois cependant que si l'on avait voulu améliorer ce qui existait, on aurait pu arriver, non pas à avoir des écoles parfaites sur tous les points du pays, mais à avoir une école spéciale qui aurait pu rendre de grands services au pays. Il a paru, il y a quelque temps, une brochure dans laquelle on donnait les plans d'un établissement de ce genre. Je ne me prononce pas à cet égard ; mais je demande quelles sont les intentions du gouvernement. Je le prie de nous dire s'il a abandonné complètement l'idée d'avoir un institut agricole ou si son intention est de fonder cet établissement.

Quant à moi, je crois qu'un établissement agricole bien monté, réunissant tout ce qui est nécessaire pour donner un enseignement agricole complet, pourrait rendre d'assez grands services.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, la Chambre se rappellera qu'il y a trois ans une discussion approfondie a eu lieu dans cette enceinte relativement à l'organisation de l'enseignement agricole.

La Chambre, après avoir entendu l'expression d'opinions contradictoires relativement à l'organisation de cet enseignement, a fini par conclure dans le sens de la conservation des écoles existantes jusqu'à l'expiration des contrats passés par le gouvernement pour la création de ces établissements.

Le gouvernement, messieurs, est resté fidèle, dans la pratique, à l'expression de ce vœu manifesté par la Chambre. Là où le gouvernement n'était pas lié par des contrats pour un certain nombre d'années et où l'organisation laissait à désirer ce qui était le cas pour un certain nombre d'écoles, elles ont été successivement supprimées. Le gouvernement n'a conservé que deux écoles d'agriculture proprement dites, l'une pour les provinces flamandes, l'autre pour les provinces wallonnes, et surtout pour les Ardennes où le système de culture doit nécessairement reposer sur des principes autres que ceux qui sont appliqués pour les provinces flamandes.

On avait donc conservé Rollé dans le Luxembourg, et Thourout dans les Flandres, et non seulement conservé, mais amélioré et complété.

Ainsi, l'école de Thourout a été complétée par l'adjonction d'une section flamande ; d'un autre côté, des professeurs, disponibles par la suppression d'autres écoles, ont été envoyés à Thourout et l'enseignement y est aujourd’hui beaucoup plus complet qu'il ne l'était il y a quelques années.

Pour ce qui concerne Rollé, cette école à laquelle vient de faire allusion l’honorable M. Lesoinne, le gouvernement a été dans la nécessité d'en suspendre momentanément les cours.

Vous le savez, messieurs, l'une des grandes difficultés que présente (page 949) l'organisation des écoles d'agriculture, c'est de savoir s'il faut réunir dans les mêmes mains l'école proprement dite et l'exploitation qu'en général il faut y joindre pour que l'enseignement soit complet. On est d'accord sur la nécessité d'attacher à l'école une exploitation où se donne l'enseignement pratique, mais la réunion de os deux branches engendre de grandes difficultés.

A Rollé l'exploitation et l'école se trouvaient entre les mains du même directeur. L'exploitation laissait malheureusement à désirer.

Le gouvernement a donc, au mois de juillet dernier, suspendu les cours ; depuis lors, j'ai été, à diverses reprises, en négociation avec le directeur pour tâcher de terminer, avec le moins de préjudice possible, une affaire où le gouvernement a encore un certain capital engagé.

Récemment encore ces négociations ont été reprises et on était sur le point d'arriver à une conclusion favorable au maintien de l'exploitation et à la reconstitution de l'école, soit au nom particulier du directeur, soit avec l'intervention de la province. C'étaient des choses à régler ultérieurement, mais enfin le gouvernement avait l'espoir de conserver l'établissement à la province de Luxembourg. Des difficultés de détail sont venues entraver cette dernière négociation.

Le gouvernement prendra toutes les mesures possibles, tout en sauvegardant les intérêts de l'Etat, pour conserver une institution qui pourrait avoir de l'utilité pour la province de Luxembourg, surtout si l'on y donnait une certaine direction à l'enseignement mis en rapport avec l'élément forestier qui constitue la principale branche de l'agriculture dans cette province.

L'honorable M. Lesoinne demande quelles sont les intentions du gouvernement relativement aux propositions qui lui ont été faites pour l'établissement d'un institut agricole central à Gembloux.

Messieurs, lorsqu'il y a trois ans la Chambre s'est livrée à une discussion assez approfondie sur l'organisation de l'enseignement agricole, l'idée de la création d'un institut central à Gembloux a semblé réunir beaucoup de suffrages dans cette enceinte.

Cette idée y avait été, du reste, éloquemment défendue par quelques membres.

Le gouvernement a donc accueilli avec quelque faveur le projet d'un institut à Gembloux.

Une fois l'idée admise, il faut avouer que peu de localités se présentent plus favorablement que Gembloux pour un semblable établissement. Vous connaissez tous les excellentes conditions dans lesquelles se trouve cette ancienne abbaye de Gembloux. Les bâtiments en sont dans un état parfait de conservation ; la majeure partie en a été occupée récemment par un pensionnat ; toutes circonstances qui semblent rendre ces locaux éminemment propres à une école d'agriculture. Une vaste exploitation y est annexée, composée de terrains arables et de prairies dont la culture est excellente.

Cependant le gouvernement n'a pas pu et n'a pas voulu s'engager plus avant dans cette affaire, parce qu'il n'était pour ainsi dire autorisé par la Chambre qu'à maintenir les établissements existants jusqu'à l'expiration des contrats en vertu desquels ils existent. Sans un mandat nouveau de la Chambre, je n'eusse pas pris sur moi de changer quelque chose à l'organisation actuelle de l'enseignement agricole.

Mais si la prudence m'a imposé cette conduite, d'un autre côté je crois de mon devoir de faire entrevoir à la Chambre la nécessité de faire quelque chose avant quatre ou cinq ans d'ici, époque à laquelle doit expirer le dernier contrat.

La Chambre veut-elle que le pays reste dépourvu de tout enseignement agricole ? Je ne puis le croire. Si on ne le veut pas, comme les contrats actuels vont cesser en 1861 ou en 1862, il faudra que le gouvernement et les Chambres prennent leurs mesures pour qu'un beau jour le pays ne se trouve pas complètement dépourvu de toute espèce d'enseignement agricole. J'appelle l'attention sérieuse de la Chambre sur ce point.

Si la Chambre était d'avis qu'il y eût lieu d'opérer une transition et de se préparer à un état de choses dont j'ai fait entrevoir les conséquences pour une époque assez rapprochée, si la Chambre montrait quelque préférence en faveur d'un institut agricole, elle devrait se résoudre à accorder sur le chiffre alloué actuellement pour l'enseignement agricole une augmentation dont le chiffre serait d'une quarantaine de mille francs.

C'est à cause de ce sacrifice nouveau imposé au pays, à cause aussi de la difficulté que présentait la condition de la durée de l'établissement que j'aurais eu à accepter, d'après les offres qui m'étaient faites ; c'est à cause de ces motifs que le gouvernement a ajourné toute décision.

Les écoles d'agriculture n'ayant plus, d'après les décisions de la Chambre, que quatre ou cinq ans d'existence, je ne pouvais pas m'engager, au nom du gouvernement, à créer un institut pour dix ou douze ans ; d'un autre côté, il était très difficile que les personnes très honorables, et très compétentes en matière d'enseignement agricole, qui voulaient se mettre à la tête de cet institut, se contentassent d'une existence provisoire de quatre ou cinq ans.

Du reste, le gouvernement avait fait soigneusement étudier le projet d'institut agricole central par un homme très entendu, par M. Bidaut, inspecteur des écoles d'agriculture.

Messieurs, le gouvernement vient par mon organe de vous exposer les considérations qui l'ont déterminé à ajourner l'organisation de cet institut. Si, plus tard, la Chambre croyait utile de songer à la création d'un institut central, peut-être alors l'examen de ce projet pourra-t-il être repris. Je ne sais cependant pas si dans quelques années les choses seront encore dans l'état où elles se trouvent aujourd'hui.

Le gouvernement, de son côté, n'a encore aucun parti pris. Il a examiné ce projet sous l'empire de cette préoccupation bien légitime, qu'on ne peut pas laisser le pays sans enseignement agricole et qu'il importe de prévoir dès aujourd'hui l'éventualité de la suppression des écoles actuelles d'agriculture.

J'ai voulu rendre la Chambre attentive à un état de choses qui est digne, me semble-t-il, de la sollicitude la plus vive de la législature.

M. de Renesse. - Messieurs, je crois que le meilleur encouragement à accordera l'agriculture, est le subside accordé annuellement pour la voirie vicinale ; je voudrais qu'une forte partie des 814,000 fr. portés au chapitre de l'agriculture pût être reportée au chapitre suivant, de la voirie vicinale ; c'est en améliorant et eu accélérant les travaux des chemins vicinaux que réellement l'on fera chose utile aux intérêts agricoles, puisque en établissant de bons moyens de communication, l'on facilite le transport des produits de l'agriculture. et des engrais si nécessaires pour le progrès de cette grande industrie. Jusqu'ici les écoles d'agriculture n'ont guère produit un résultat profitable à l'agriculture. C'est ainsi que l'on a dépensé, depuis quelques années, une somme de plus d'un million pour ces écoles, en pure perte ; il ne peutd onc être question de former un grand établissement d'instruction agricole, comme on l'a proposé au gouvernement ; le gouvemement, ce me semble, a déjà assez d'établissements sous sa direction, sous sa surveillance ; ce serait encore étendre le nombre des fonctionnaires publics, il n'y eu a déjà que trop. D'ailleurs, les institutions dirigées par le gouvernement coûtent presque toujours plus cher à administrer que ceux appartenant à des particuliers. Si donc une société veut fonder un grand établissement d'instruction agricole, qu'elle le fasse à ses propres frais, sans l'intervention directe du gouvernement.

Je dois encore déclarer que le meilleur encouragement à accorder à l'agriculture, est celui pour la voirie vicinale ; il serait à désirer que le subside annuel pût être porté soit à un million, soit même à douze cent mille francs.

M. Julliot. - Représentant d'une province éminemment agricole, je crois devoir dire quelques mots sur la question dont il s'agit, d'autant plus qu'il paraît que le gouvernement n'est pas encore décidé sur ce qu'il convient de faire.

Je pense, et mon opinion est celle du pays que je représente, je pense que l'enseignement agricole a trop mal réussi jusqu'ici pour qu'on puisse en espérer grand-chose dans l'avenir. On a créé avec les meilleures intentions, je le reconnais, cet enseignement agricole.

On a pensé avec raison que, bien organisé, cet enseignement aurait dû prendre dans nos campagnes ; mais les jeunes gens qui sortaient de ces écoles auraient dû avoir des terres à exploiter et la plupart n'en avaient pas. C'étaient des gens sans terre et se trouvant, par conséquent, sans moyen d'appliquer leur science, ils ne trouvaient pas même à se placer : ne pouvant s'occuper chez leurs parents, ils ne trouvaient personne qui eut assez de confiance dans leur habileté pour leur abandonner l'exploitation d'une propriété.

Quelques jeunes gens, sortant de ces écoles, se sont adressés à moi ; je me suis donné beaucoup de peine pour les placer ; un seul, je crois, a pu l'être et je ne sais ce que les autres sont devenus.

Le gouvernement trouvera toujours un propriétaire disposé à lui louer un domaine à un prix double de celui que lui donnerait un fermier ; de même, il trouvera toujours des hommes honorables et des hommes capables disposés à accepter une place de professeur contre un traitement convenable.

On peut laisser marcher les écoles qui existent pendant trois ou quatre ans et voir ce qui arrivera, mais je n'ose rien espérer de la continuation de l'expérience commencée ; dans trois ou quatre ans nous reconnaîtrons, je pense, que ce n'est pas de là que nous devons attendre le progrès de l'agriculture. L'agriculture est évidemment en progrès, mais ce n'est pas aux écoles qu'on le doit. J'ai parcouru plusieurs exploitations agricoles, je suis exploitant moi-même depuis 26 ans et je puis dire que partout on s'occupe de l'amélioration des races et des perfectionnements introduits dans l'agriculture ; tout le monde cherche à produire mieux et davantage et ce n'est pas aux établissements d'enseignement agricole qu'on va puiser ses inspirations. Ce qu'on peut faire de plus utile pour l'agriculture, c'est d'entretenir avec soin tous les cours d'eau petits et grands.

M. Vander Donckt. - L'honorable ministre semble faire un appel à la Chambre et nous convier à faire connaître notre intention quant au renouvellement des institutions d'enseignement agricole ; je tiens à déclarer que, pour ma part, il me trouvera toujours l'adversaire du rétablissement de ces écoles.

Voici les motifs qui me guident :

Du moment que le gouvernement institue une école d'agriculture et y convie les jeunes gens, fils de cultivateurs qui ont quelques ressources, ces jeunes gens, quand ils ont étudié dans ces écoles, ordinairement ce qu'ils veulent le moins, c'est s'appliquer à l'agriculture.

Ils désertent cet état modeste qui ne satisfait plus leur ambition, ce sont des savants ou qui prétendent l'être ; il leur faut faire tout autre chose que ce que leur père leur a appris. Le gouvernement ne doit pas (page 950) ériger à grands frais des écoles agricoles. Toute ferme est une école ; là, le fils apprend l'agriculture sous les yeux de son père, et je crois que si le père est un peu clairvoyant, il trouvera assez de bonnes publications sur l'agriculture qui, jointes à son expérience, le mettront à même de suivre tous les vrais progrès.

Nous avons, fait depuis un siècle des progrès considérables en agriculture et cependant nous n'avions pas eu d'écoles, car nous n'en avons eu que dans ces derniers temps ; la ferme était la seule école où l'on apprenait l'art de l'agriculteur par l'expérience. Si des innovations se produisaient, on les appliquait quand on les trouvait bonnes, et c'est ce qu'il y a de mieux à faire.

Je ne m'oppose pas systématiquement à tout enseignement agricole, mais ces écoles qu'on a eu la malheureuse idée de créer en trop grand nombre, outre qu'elles sont une charge pour les contribuables, ont pour effet de détourner les jeunes gens de l'état d'agriculteur et de les pousser dans d'autres carrières qui flattent leur ambition, et leur procurent un rang plus élevé dans la société.

Le gouvernement pourrait se borner à ce qui est ; j'admets qu'il fasse, s'il veut, quelques expériences encore ; mais quant à la création d'écoles en grand, ce système a fait son temps ; il est plutôt nuisible à l'agriculture «t aux véritables agriculteurs.

M. de Kerchove. - Messieurs, on n'a pas suffisamment répondu, ce me semble, à l'espèce de requête que M. le ministre de l'intérieur nous a adressée pour savoir si l'intention de la Chambre est de faire de nouveaux essais en matière d'enseignement agricole. Je crois, pour ma part, que tous les essais faits jusqu'ici ont été malheureux ; ils n'ont abouti qu'à prouver, je pourrais dire l'impuissance du gouvernement quand il veut s'immiscer dans des affaires d'intérêt privé.

Je connais des localités où il y a eu des écoles qu'on a supprimées ; ces écoles étaient pourvues d'instruments aratoires nouveaux et de toute espèce. Quand l'établissement a été supprimé, on a mis ces instruments en vente ; eh bien, la vente n'a pas produit la valeur du vieux fer ; les cultivateurs de la province n'en ont pas voulu au prix du vieux fer.

Ce qu'on vous a dit tout à l'heure est rigoureusement vrai ; dès le principe, ces établissements ont eu très peu d'élèves et on les a vus diminuer tous les ans ; pourquoi les a-t-on supprimés ? La plupart sont mort-nés ; on les a fermés à défaut d'élèves ; et là où il y en avait, le nombre des professeurs était aussi grand que celui des élèves.

Le pays demande une administration ferme ; on nous a dit naguère que la besogne administrative augmentait d'une manière effrayante ; on a demandé des simplifications ; la première, c'est que le gouvernement ne se mêle que de ce qui est absolument de sa compétence.

Dans notre pays l'agriculture peut se suffire à elle-même, quanta l'instruction à donner aux jeunes gens qui veulent s'y livrer.

Les moyens pour la favoriser sont, comme l'a fort bien dit mon honorable collègue, l'amélioration des chemins vicinaux, quelques petits avantages accordés, de temps en temps, à des engrais nouveaux et a des innovations.

Mais le gouvernement se faisant maître ès arts en agriculture ne réussira jamais. Les jeunes gens qu'il forme ne peuvent s'utiliser. Il en est peu qui parviennent à se former un état. Je demande donc que l'on décide positivement qu’à l’expiration des contrats les écoles d'agriculture cesseront d'exister.

M. le ministre de l'intérieur a demandé si l'intention delà Chambre était de continuer dans cette voie. Jusqu'à présent on n'a pas répondu à cette demande. Je crois que ce silence prouve qu’on ne doit pas continuer dans la voie fausse où l'on est entré, et qu'il faut biffer une grande partie de ce chiffre du budget. C'est ainsi qu'on diminuera les dépenses.

Il n'y aura de réclamations de la part d'aucune province contre une pareille décision.

M. Rodenbach. - Je pense avec plusieurs honorables préopinants que nous avons assez d'écoles d'agriculture en Belgique. Comme on l'a dit, les écoles sont tombées ; elles n'ont pu se soutenir, parce que les élèves qui en sont sortis n'ont pu devenir agronomes ; ils ont dû se faire solliciteurs, demander des places dans l'administration du chemin de fer, ou dans la douane.

Ou pourrait d'ailleurs adjoindre à l'école vétérinaire de Bruxelles, dirigée par un homme de talent, un cours théorique d'agriculture, indépendamment des établissements que nous avons à Thourout.

Je crois devoir faire remarquer que les étrangers qui viennent étudier l'agriculture ne vont pas visiter les écoles ; ils s'établissent dans les fermes. C’est ainsi qu'il en est qui sont restés pendant plusieurs semaines dans les fermes de l'ai raidissement de Courtrai où l'agriculture est très avancée.

Des fils d'agronomes, de grands agriculteurs de l'Allemagne, sont restes un an ou deux à Lichtervelde (arrondissement de Roulers). Enfin le célèbre Fellemberg, qui a eu Suisse des établissements agricoles célèbres à juste titre, est resté pendant plusieurs semaines chez M. Degraeve, aux environs de Dixmude. Ce qui se conçoit parce que l'enseignement théorique de l'agriculture n'a aucune valeur s'il ne se joint pas à une étude pratique qui ne peut être faite que sur le terrain.

M. de Brouckere. - Je regrette que M. le ministre de l'inférieur soit venu poser la question de l'enseignement agricole devant la chambre, avant de s'être formé à lui-même une opinion sur cette question. Il me semble que le gouvernement abdique un peu son initiative et cherche à la donner à la Chambre. Sans doute, il serait plus commode pour le gouvernement, avant de présenter un projet, de connaître l'opinion de la Chambre sur ce point. Mais comment la Chambre fera-t-elle connaître son opinion ?

Evidemment, M. le ministre de l'intérieur ne connaîtra que l'opinion individuelle de quelques orateurs qui voudront bien répondre à son appel. Cela me paraît incontestable. Ainsi, jusqu'à présent, nous n'avons entendu que des orateurs qui se sont prononcés ou contre toute espèce d'établissements agricoles, ou contre toute augmentation de dépense, soit pour développer les établissements existants, soit pour en créer de nouveaux ou à côté ou en remplacement de ceux qui existent.

Mais du silence que gardent d'autres membres nous ne pouvons inférer que tout le monde soit d'accord, qu'il n'y a rien de mieux à faire que ce qui existe aujourd'hui.

En réalité, la discussion ne peut aboutir à rien.

Quand tous les membres de la Chambre prendraient la parole, ce qu'ils diraient ne les lierait pas pour l'avenir. Je dois le déclarer, à mon avis c'est du temps très mal employé que celui que nous donnons à cette discussion qui ne peut aboutir à aucune décision. Pour le moment, la Chambre ne peut faire autre chose que voter le chiffre porté au budget et attendre les propositions qui pourront être faites, soit l'année prochaine, soit dans l'exercice suivant.

Le gouvernement, après s'être entouré de tous les renseignements qu'il pourra recueillir, viendra déposer une proposition qui résumera son opinion formelle. Alors nous discuterons en présence de conclusions que nous combattrons, que nous appuierons ou que nous pourrons modifier.

Je crois que ce serait agir d'une manière bien plus sage que d'entrer dans la voie où l'on veut nous entraîner, et où, pour ma part, je ne veux pas entrer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. de Brouckere me reproche de consulter la Chambre, sans avoir d'opinion arrêtée sur l'organisation à donner à l'enseignement agricole. Si l'honorable membre a assisté au commencement de la discussion, il doit se rappeler que je n'ai pas pris l'initiative de cette discussion. Je n'ai fait que répondre à une interpellation qui m'a été directement adressée par l'honorable M. Lesoinne. Je ne suis donc pas responsable de cette discussion qui dure depuis une demi-heure.

Je suis, au fond, d'accord avec l'honorable préopinant, en ce sens qu'une telle discussion ne peut immédiatement aboutir. Mais l'exemple de mon honorable prédécesseur doit m'engager à être extrêmement circonspect en matière d'organisation de l'enseignement agricole. La Chambre, appelée à se prononcer sur un projet de réorganisation de l'enseignement agricole, présenté par le cabinet de l'honorable M. de Brouckere, ne l'a pas admis. Elle a décidé qu'elle ne voulait prendre sous son patronage l'application d'aucun système particulier, mais qu'on tolérerait, jusqu'à l'expiration des contrats, l'existence des écoles actuelles.

Comme quatre ou cinq ans nous séparent encore de cette époque, le gouvernement a tout le temps devant lui pour réfléchir.

Quant à moi, je ne suis pas du tout d'avis de donner immédiatement suite au projet qui a été soumis au gouvernement. Je me réserve le bénéfice du temps, comme tout le monde. Nous verrons si l'expérience que nous aurons acquise d'ici là ne pourra pas nous fournir quelques lumières nouvelles pour la solution du problème de l'organisation de l'enseignement agricole.

Voilà la position qu'entend prendre le gouvernement. J'espère que l'honorable M. de Brouckere ne verra là aucun motif à regret ni à reproche.

M. Laubry. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand j'ai entendu contester l'utilité et l'importance de l'enseignement agricole. S'il est vrai de dire que l'agriculture est avancée, dans certaines contrées de notre pays, il reste encore beaucoup à faire.

On ne peut, messieurs, laisser l'agriculture abandonnée à elle-même ; c'est en marchant avec la direction de la science qu'elle peut progresser.

Dans la plupart des pays de l'Europe on a fondé des écoles agricoles, nous avons suivi leur exemple. Il importait à notre pays que l'agriculture, la principale branche de notre industrie, ne restât pas stationnaire, alors que tout marche et avance autour de nous.

Si, comme on vous l'a dit, nos écoles n'ont pas toutes répondu à l'attente du gouvernement, si on a dû en supprimer une partie, il n'en est pas moins vrai qu'elles ont produit certains bons résultats en faisant taire bien des préjugés et des préventions.

Ce que je tiens à constater, c'est que j'ai connu des cultivateurs qui, autrefois, étaient contraires à toute espèce d'enseignement agricole, et qui sont aujourd'hui revenus à d'autres sentiments et sont les premiers à le préconiser parce qu'ils en ont reconnu les bons effets.

Mais, dit-on, M. le ministre de l'intérieur n'a pas d'opinion arrêtée, il ne dit pas ce qu'il veut. Messieurs, l'honorable ministre est d'accord avec ses prédécesseurs qu'il faut un enseignement agricole ; il veut le maintenir, lui donner même plus d'importance et, à cet effet, il croit devoir consulter la Chambre sur le projet d'un institut à Gembloux.

Comme il ignore si l'on conservera certaines des écoles existantes au-delà de quatre à cinq années, il demande si l'on ne ferait pas bien de saisir l'occasion qu'on nous offre.

(page 951) Mais il ne fait pas de proposition. Pour moi, messieurs, je suis partisan d'un institut supérieur établi dans les conditions de celui projeté à Gembloux, parce que là les fermiers riches, les propriétaires enverraient leurs fils qui, rentrés chez eux, pourraient au moins y expérimenter les nouveaux procédés et les bonnes méthodes, et je pense qu'un établissement bien dirigé, avec un personnel enseignant capable, pourrait rendre de grands services au pays.

M. de Brouckere. - Nous sommes d'accord, M. le ministre et moi. Il n'y a pour le moment en discussion que le chiffre qui figure au budget et rien autre chose. Il est bien entendu que M. le ministre maintient ce qui est, qu'il cherche à améliorer au moyen de l'allocation portée au budget et qu'il ne crée rien de nouveau.

Je vous avoue, messieurs, que je n'aurais pas pris la parole, si M. le ministre de l'intérieur, répondant à l'interpellation de l'honorable M. Lesoinne que j'avais parfaitement entendue, s'était borné à dire que son opinion n'était pas formée. Mais M. le ministre doit se souvenir qu'il a été plus loin ; il a dit : Mon opinion n'est pas formée, mais je voudrais connaître l'opinion de la Chambre.

C'est alors que j'ai demandé la parole, pour faire remarquer que cette espèce d'enquête parlementaire ne pouvait aboutir à rien, ne pouvait rien apprendre à M. le ministre de l'intérieur que l'opinion individuelle de quelques membres.

Quoi qu'il en sort, nous sommes donc d'accord. Il n'y a en discussion que le chiffre qui figure au budget, et quant à ce chiffre je le voterai volontiers.

M. de Kerchove. - Je crois que nous sommes près d'être tous d'accord. Mon opinion est que ces établissements sont mort-nés ; et puisqu'ils ont encore cinq ans à vivre, laissons-les mourir de leur belle mort. Mais un conseil que je donnerai à M. le ministre de l'intérieur, c'est d'être le plus économe possible, d'augmenter le moins possible la dépense, et l'on verra que quand l'année 1860 s'ouvrira, ces établissements auront cessé.

M. Rogier. - Comme l'honorable membre paraît interpréter le silence que gardent quelques membres de cette Chambre dans cette singulière enquête parlementaire, comme une approbation des observations qu'il nous a faites contre l'enseignement agricole, je dois déclarer que mon silence ne signifie pas du tout que j'approuve les idées de l'honorable préopinant.

Dans tous les pays civilisés de l'Europe on reconnaît l'utilité d'un enseignement agricole, l'utilité de la science agricole. Si cette utilité était ici contestée, je pense que ce ne serait qu'en Belgique que ce phénomène se produirait. Les écoles agricoles existent dans tous les pays de l'Europe.

M. Coomans. - Le gouvernement ne les subsidie pas.

M. Rogier. - Ecoles tantôt dirigées par le gouvernement, tantôt dirigées par les particuliers avec le concours du gouvernement. Ces messieurs croient que la Belgique seule possède la science agricole innée, qu'elle n'a pas besoin d'un enseignement spécial pour cette branche si importante de la prospérité publique. Permis à eux d'avoir cette opinion.

Mais je doute que dans une Chambre belge, quelle que soit sa composition, il se rencontre jamais une majorité qui déclare l'enseignement agricole une chose, non seulement inutile, mais mauvaise. Je ne pense pas que jamais la Chambre arrive à une majorité qui descende aussi bas.

Au surplus, je ne sais sur quelle proposition roule la discussion. Le chiffre n'est pas contesté.

Il a été question d'un institut agricole à établir à Gembloux. M. le ministre de l'intérieur paraît ne pas encore avoir des idées arrêtées sur cet établissement. Il reconnaît, je pense, et il est trop éclairé pour ne pas la reconnaître, l'utilité, la convenance d'un enseignement agricole. Mais il n'est pas encore fixé sur la question de savoir s'il faut un institut agricole supérieur, comme beaucoup de membres l'ont demandé autrefois.

Eh bien, quand M. le ministre de l'intérieur sera fixé sur ce point, voici le simple conseil que je lui donne : c'est de venir faire une proposition à la Chambre. S'il a des vues sur l'enseignement agricole, il doit désirer de les faire prévaloir et dès lors il doit apporter un projet à la Chambre.

Jusque-là, je pense que la Chambre n'a qu'à maintenir ce qui est. Et ce qui est n'est pas aussi exécrable qu'on veut bien le dire. Je suis bien convaincu que si l'enseignement agricole avait reçu les encouragements de tous les membres de la Chambre, s'il n'avait pas été chaque année l'objet de récriminations injustes, d'accusations exagérées, l'enseignement agricole serait dans un meilleur état qu'il ne se trouve actuellement.

Mais cet enseignement ne se trouve pas dans une situation fâcheuse. Les écoles qui ont survécu sont bonnes ; j'espère que M. le ministre de l'intérieur en fera la déclaration. Ces écoles ont des élèves. L'école de Turnhout, l'école d’horticulture de Gand, l'école d'arboriculture de Vilvorde, celle de Haine-Saint-Pierre, ont des élèves. Pourquoi jeter la pierre à ces établissements7 Quel mal ont-ils fait au pays ?

M. Coomans. - Ils coûtent cher.

M. Rogier. - Je prie M. Coomans de ne pas.n'interrompre. Je ne puis parler enseignement agricole sans exciter la bile de l'honorable M. Coomans.

Je soutiens, messieurs, que nos écoles ont rendu des services et continuent d'en rendre ; qu'elles sont fréquentées par un nombre suffisant d'élèves. Que peut-on exiger de plus ? C'est un enseignement qui commence ; il a fallu former des professeurs ; on ne crée pas un enseignement tout nouveau du jour au lendemain ; c'est une œuvre de temps, de patience, de sollicitude persévérante.

Aussi longtemps que vous aurez à la tête des affaires un homme sympathique aux progrès intellectuels et matériels du pays, ces écoles ne courront pas de danger ; sous ce rapport j'ai confiance en l'honorable ministre de l'intérieur et, à ce point de vue, je désire que longtemps encore il puisse présider à la direction des affaires du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je crois devoir dire deux mots relativement à la situation actuelle des écoles d'agriculture qui ont été conservées.

Je disais tout à l'heure que deux écoles ont été conservées, celle de Thourout et celle de Rollé. Celle de Rollé peut être, de jour à autre, réorganisée ; celle de Thourout est dans un état très prospère. Elle compte un grand nombre d'élèves nationaux et un grand nombre d'élèves étrangers, ce qui prouve que dans les autres pays on apprécie parfaitement cette institution.

Il y a ensuite trois écoles spéciales, celle de Haine-Saint-Pierre pour la construction des instruments aratoires, l'école d'horticulture de Gand et l'école d'arboriculture de Vilvorde.

Ces trois institutions sont aussi dans un état très florissant. Les rapports des jurys chargés de faire les examens de sortie des élèves, sont des plus favorables et prouvent que l'enseignement y est au niveau de ce qu'il est dans les institutions analogues des autres pays. J'ai fait insérer au Moniteur des extraits de ces rapports qui sont très rassurants pour l'avenir de l'enseignement agricole en Belgique.

- L'article. 58 est mis aux voix et adopté.

Article 59

« Art. 59. Service des défrichements en Campine : fr. 22,400. »

- Adopté.

Article 60

« Art. 60. Service du drainage : fr. 9,000. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, depuis la présentation du budget il s'est produit un fait qui nécessitera une augmentation de 700 francs sur cet article.

Le directeur du service du drainage a été promu au grade d'ingénieur de troisième classe, sur la proposition de mon honorable collègue M. le ministre des travaux publics. Pour que la position pécuniaire de M. Leclerc correspondît au rang qu'il vient d'obtenir, il fallait qu'une augmentation de traitement lui fût accordée. Cette augmentation lui a été accordée au mois de septembre dernier, et c'était de toute justice.

Vous le savez, messieurs, le directeur du service du drainage est un fonctionnaire actif et intelligent. L'avancement qu'il a reçu est une légitime récompense des services rendus par lui au pays.

L'augmentation de 700 fr. portera son traitement à 3,200 fr.

- L'article est mis aux voix et adopté avec l'augmentation proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Article 61

« Art. 61. Mesures relatives au défrichement des terres incultes : fr. 20,000. »

M. de Moor. - Je demande la permission à la Chambre de présenter quelques observations, à l'occasion de l'article en discussion et qui se rapporte au défrichement.

Depuis longtemps, tous les bons esprits réclament avec insistance une simplification dans les rouages administratifs et une diminution dans les écritures. Ces principes d'une incontestable vérité, auxquels on paraît être prêt à se conformer, sont cependant tous les jours méconnus ; j'en puise la preuve dans l'arrêté du 8 décembre 1856 décrétant l'organisation d'un service pour le défrichement des terrains incultes dans le Luxembourg. Ainsi 4 agents suffisaient largement, deux auraient pu suffire au besoin, l'arrêté en crée 9 ! Pourquoi ? On serait fort embarrassé de le dire.

A moins que ce ne soit par hostilité contre le Luxembourg, ce que, pour ma part, je ne veux pas croire, on est obligé de reconnaître que depuis quelques années le département de l'intérieur a la main malheureuse lorsqu'il veut bien s'occuper de l'agriculture de notre province.

En effet, messieurs, presque toutes les mesures prises par la division de l'agriculture en matière de défrichement soulèvent dans le Luxembourg les critiques les plus fondées, les plus unanimes. Il ne me sera pas difficile de vous en donner la preuve : Naguère, lorsqu'il s'agissait de la distribution de la chaux à prix réduit, le gouvernement demanda l'avis de la députation permanente ; le conseil provincial émit lesbien ; en un mot, toutes les autorités consultées furent unanimes pour demander le rétablissement du crédit. Mais le gouvernement, au lieu de le maintenir au projet de budget, a pris l'initiative de le supprimer et a combattu, l'année dernière encore, (page 952) la proposition que d'honorables collègues et moi avons faite, par voie d'amendement, pour le rétablir.

Si au lieu de prendre les conseils des autorités provinciales pour ne pas les suivre, si au lieu de nous combattre, M. le ministre de l'intérieur, à l'exemple d'un de ses prédécesseurs, mon honorable ami M. Rogier, à qui le Luxembourg en aura une éternelle reconnaissance, si le gouvernement, dis-je, nous avait secondés l'an dernier, l'agriculture ardennaise eût vu, jusqu'à l'achèvement de notre voie ferrée, rétablir ce modique encouragement, et le pays tout entier en eût, par une augmentation de récolte, ressenti les bienfaisants effets.

Aujourd'hui nos populations ont fait leur deuil de la distribution de la chaux à prix réduit, car elles savent que si nous faisions de nouveau une proposition elle n'aurait nulle chance d'avoir l'appui du gouvernement actuel ; aussi toute la responsabilité retombe-t-elle sur celui-ci.

La manière de procéder du gouvernement n'a pas été différente en ce qui concerne l'arrêté du 8 décembre dernier, que je vous citais en commençant : la réorganisation du service du défrichement qui touche également de fort près aux intérêts de l'agriculture luxembourgeoise a été mise à l'étude : l'autorité provinciale, qui seule est bien placée pour apprécier sainement et complètement les exigences d'un pareil service et des conditions dans lesquelles il peut devenir utile, a fait connaître son avis au gouvernement ; elle a fait plus ; avertie qu'un projet arrêté d'avance au département de l'intérieur, et auquel elle ne pouvait, en aucune façon, donner son adhésion, était sur le point d'être adopté, elle a réclamé énergiquement auprès du gouvernement ; plusieurs de ses membres se sont rendus à Bruxelles et, accompagnés de quelque députés du Luxembourg, ils firent une démarche auprès de M. Dedecker pour obtenir qu'il ne mît pas ce projet, si critiquable, à exécution. De fortes influences bureaucratiques avaient très probablement décidé qu'il devait en être autrement, car le Moniteur publia, peu de jours après notre visite l'arrêté qui concerne ce projet et qui confie un service important à des hommes dont l'aptitude et la compétence sont généralement contestées ; il fallait des agriculteurs et ce sont des forestiers que l'on a choisis. Je n'entends en aucune façon faire tort à leurs capacités en matière forestière et mettre en doute leur dévouement à la chose publique, mais il m'est permis de croire, messieurs, qu'en fait de défrichement par la mise en culture des terrains incultes ces agents sont, en très grande majorité, incompétents.

Si j'en crois les renseignements qui me viennent de tous les points de la province de Luxembourg, cette mesure y a été accueillie avec un vif mécontentement.

La loi du 25 mars 1847, surtout par la manière dont elle est appliquée, est très impopulaire dans nos communes, et la mesure que l'on vient de prendre la rend bien plus antipathique encore à nos populations ardennaises.

Et cependant c'est à des mains presque toutes inhabiles qu'on a confié la mission si importante de la mise en culture des terrains vagues et incultes qui constituent, en très grande partie, le domaine de nos communes. Ou me demandera ce qu'il fallait faire ? Selon moi, et, en cela, je suis d'accord avec tous les hommes pratiques, il fallait, comme pour la Campine, créer un service spécial et nommer comme agents de défrichement des agronomes actifs, intelligents. Je connais, pour ma part, des élèves excessivement capables sortis de l'école d'agriculture de Rollé qui auraient fait d'excellents agents de défrichement. Et qu'on ne vienne pas me dire que l'organisation d'un service spécial de défrichement eût entraîné le gouvernement dans de grandes dépenses ! Du reste se montre-t-on si parcimonieux lorsqu'il s'agit de la Campine ? Avec la somme allouée pour indemnités et frais de voyage aux agents forestiers, on aurait pu rémunérer convenablement deux agents spéciaux, et il n'en fallait pas davantage pour assurer la régularité du service tout en faisant une énorme économie de papier et d'encre.

L'expérience ne peut tarder à prouver ce que le système consacré par l'arrêté du 8 décembre 1856 à de défectueux et M. le ministre de l'intérieur, aux intentions droites duquel je ne plais à rendre hommage, verra qu'on l'a engagé dans une fausse voie. J'aime à croire qu'à l'avenir M. le ministre, qui a toujours paru faire grand cas des corps électifs, attachera un plus grand prix aux avis des députations permanentes et, en général, à ceux des autorités provinciales et communales.

M. de Smedt. - Messieurs, je suis partisan des crédits demandés pour le défrichement, mais je désire que ces crédits soient employés utilement. Il faut, avant tout, examiner si les terres qu'on veut défricher sont susceptibles de défrichement. Il en est de même du dérodage ; on a dérodé beaucoup de forêts qu'il a fallu repeupler ensuite. Quand nous allouons des fonds en faveur de l'agriculture, il faut aussi que, de son côté, l'administration publique, dans ses actes, fasse du bien à l'agriculture, et cependant ceci n'a pas toujours lieu ; on voit parfois que des actes administratifs sont contraires aux intérêts de la culture. Le gouvernement ne fait pas tout ce qu'il peut pour conserver la bonne culture ; ainsi on voit souvent employer pour les plantations des routes des essences qui font un tort immense aux terres riveraines ; je veux surtout parler du peuplier du Canada.

Les rivières ne sont pas non plus bien tenues ; nous avons dans la Flandre orientale une contrée entre le district d'Audenarde et celui de Gand, où les récoltes sont annuellement détruites par les inondations, sur des centaines d'hectares de terre. Ces débordements pourraient être prévenus par les soins de l'administration des ponts et chaussés. Quand on fait des dépenses pour les défrichements, il faudrait au moins ne pas négliger des mesures qui ne coûtent rien et qui pourraient améliorer beaucoup la culture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. de Moor s'est livré à une critique assez vive de l'arrêté du 6 décembre 1856, pris par mon département pour organiser dans le Luxembourg le service du boisement et du défrichement.

Je pense, messieurs, qu'il suffira de quelques mois d'explication pour prouver à la Chambre que la critique de l'honorable membre n'est pas fondée et que le gouvernement a posé un acte de bonne administration.

Messieurs, la loi de 1847 a voulu favoriser dans le pays le défrichement des terrains incultes.

Le gouvernement, sous sa responsabilité, doit se préoccuper de l'exécution complète de cette loi.

Vous n'ignorez pas que ces défrichements ne sont pas également populaires dans toutes les provinces. Vous n'ignorez pas que dans le Luxembourg les administrations communales ne sont pas en général très sympathiques à cette mesure, que le défrichement est peu populaire dans cette province.

M. de Moor. - Impopulaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Eh bien, c'est précisément dans ces dispositions, qu'on avoue aujourd'hui et que le gouvernement connaît par expérience, c'est dans ces dispositions qu'il faut chercher le secret de l'arrêté dont on se plaint.

Voici ce qui arrivait. L'instruction des affaires relatives au défrichement traînait très souvent en longueur, au point qu'on m'a cité des instructions de demandes de défrichement qui ont duré trois ans. D'autre part, il ne suffit pas que le gouvernement ait fait instruire les demandes de défrichements qui aboutissent à un acte de concession, il faut encore que le gouvernement, pour sauvegarder sa responsabilité, sache quelles suites ont eues les actes de concession.

Or, le gouvernement, depuis deux ou trois ans, est sans renseignements officiels sur les conséquences des actes qu'il a posés ; depuis deux ou trois ans, le gouvernement demande qu'on lui donne une connaissance exacte de l'état actuel des défrichements dans le Luxembourg. Il n'est pas parvenu jusqu'ici à connaître, d'une manière positive et complète, si les conditions posées aux actes de concession ont été rigoureusement remplies.

Pour organiser la partie de l'administration relative aux défrichements, le gouvernement avait adopté deux systèmes différents. Dans les provinces d'Anvers, de Limbourg et de Liège, il avait formé des comités de boisement et de défrichement. Dans ces comités dominait l'élément forestier ; les chefs et les secrétaires, c'est-à-dire les chevilles ouvrières de ces comités, étaient des agents de l'administration forestière. On s’est parfaitement bien trouvé de ce régime. Dans les provinces où cette organisation existe, on s'applaudit tous les jours de voir ce service confié à des agents de l'administration forestière.

J'ai voulu appliquer le même système au Luxembourg.

Dans cette province on n'avait pas établi de comité de boisement et de défrichement. Ou y avait nommé cinq agents pour le boisement et pour le défrichement. De ces cinq agents, l'un avait été récemment déplacé ; un autre s'était retiré ; il n'en restait plus que trois.

Je ne dis pas que ces personnes n'aient pas rempli convenablement leurs devoirs, mais elles n'avaient fait aucune étude préalable de ces sortes de questions.

Eh bien, dans l'intérêt même du Luxembourg, surtout dans l'intérêt du défrichement, le gouvernement a cru nécessaire d'établir ce service d'une manière plus sérieuse.

Pour arriver à ce résultat, il a décidé que le service du boisement et du défrichement dans le Luxembourg se ferait par les agents généraux de l'administration forestière qui sont au nombre de neuf dans cette province.

Messieurs, si l'on veut l'exécution sincère de la loi sur le défrichement, il faut féliciter le gouvernement d'avoir remplacé trois fonctionnaires qui jusqu'à présent avaient donné peu de signes d'activité, par neuf agents qui, à raison même de leurs fonctions, sont tous les jours en contact avec les communes et sont en état de fournir au gouvernement toute espèce de renseignement sur le défrichement.

C'est moins pour l'instruction préalable des demandes de concessions que pour le contrôle à exercer sur l'exécution des actes de concession, que ces agents sont nécessaires. S'il y a des renseignements préalables à donner sur les demandes de concessions, l'administration ordinaire peut les fournir. Mais ce qui manque, surtout dans le Luxembourg, c'est le contrôle sur les concessions accordées. Je le répète, le contrôle n'y existait pas d'une manière sérieuse.

Après cela, est-on autorisé à dire que, dans cette réorganisation il y ait même une apparence d'hostilité contre le Luxembourg ?

A moins qu'on ne se préoccupe exclusivement des intérêts particuliers au Luxembourg, je dirai même des préjugés qui y règnent, on doit applaudir à la réorganisation que le gouvernement vient d'opérer.

L'honorable M. de Moor paraît appréhender les conséquences financières de cette réorganisation.

Il ne résultera de ce chef aucune nouvelle dépense pour l'Etat.

(page 953) Les trois agents que le gouvernement a remplacés par neuf agents de l'administration forestière, coûtaient 2,400 francs ; cette dernière somme sera employée par le gouvernement à indemniser les agents de l'administration forestière pour le service spécial dont on les a chargés.

Messieurs, le système que le gouvernement vient d'appliquer par l'arrêté du 6 décembre dernier, la province de Namur vient de l'adopter. La députation permanente a fait connaître au gouvernement, il y a quelques jours, qu'elle accepte pour la province de Namur l'organisation qui a été créée dans le Luxembourg.

Je pense qu'il suffira de ces observations pour faire voir à la Chambre que j'ai posé un acte utile au Luxembourg lui-même, un acte utile à l'intérêt général, au point de vue du défrichement des terrains incultes, en réorganisant le service du boisement et du défrichement dans le Luxembourg.

Cette réorganisation était une nécessité ; car si le gouvernement ne tient pas d'une manière très ferme à l'exécution de toutes les conditions auxquelles sont subordonnées les concessions pour le défrichement des terrains incultes, nous verrons se renouveler ce qui s'est produit vers le milieu du siècle dernier.

On avait, alors aussi, décrété des lois nouvelles pour favoriser le défrichement. Les dispositions de ces lois ont été négligés, on n'a pas tenu d'une manière rigoureuse à ce qu'elles fussent ponctuellement exécutées, et grâce à l'hostilité sourde des administrations communales qui ne se prêtaient pas au défrichement, ces lois sont restées une lettre morte. Je désire pour mon pays que la loi que nous avons faite en 1847, pour favoriser le défrichement, ne soit pas une lettre morte ; je désire au contraire qu'elle puisse produire pour la Belgique les résultats qu'on est en droit d'en attendre.

M. Tesch. - Messieurs, je commence par déclarer que la question du défrichement des bruyères n'intéresse en aucune manière l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte. Cet arrondissement n'a pas de terrains incultes, et du défrichement des bois il se s'agit pas en ce moment. M. le ministre de l'intérieur peut donc être convaincu qu'en prenant la parole dans ce débat, je ne viens défendre ni préjugés, ni intérêt particulier et que je suis dans les conditions de la plus parfaite impartialité.

M. le ministre nous a dit que vers le milieu du siècle dernier, on avait fait en Belgique des lois pour favoriser le défrichement et que ces lois n'avaient été exécutées nulle part. Je ne sais à quelles provinces M. le ministre a voulu faire allusion. Si c'est du Luxembourg que M. le ministre a entendu parler, il est dans une erreur profonde.

Les mesures décrétées dans le siècle dernier, vers la fin du régime autrichien, ont produit de bons résultats ; les terrains partagés entre les habitants des communes ont été défrichés, tout au moins dans la partie du Luxembourg que j'habite.

Maintenant, quant à l'organisation que vient de décréter M. le ministre, je suis assez fort d'avis qu'on ne se rend pas bien compte à Bruxelles de ce que c'est que le défrichement, de ce qui doit faire l'objet principal de l'instruction des demandes en concession de bruyères. En cette matière, selon moi, ce sont les questions préalables aux concessions, aux ventes, aux partages qui sont les principales. Quant à l'exécution des contrats passés, des conventions faites, je ne comprends pas la nécessité d'un service spécial.

Le gouvernement a suffisamment d'agents à sa disposition, depuis le gouverneur de la province jusqu'aux bourgmestres des communes pour le renseigner, il n'a pas besoin de créer un service spécial pour savoir si les clauses et conditions de vente ou de partage sont exécutées.

Les gouverneurs sont là pour donner au gouvernement tous ces renseignements, toutes ces informations.

Ainsi que je l'ai dit plus haut, quand une concession de terrains incultes est demandée par des particuliers, la question importante, capitale, sera celle de savoir si ces terrains sont propres à être défrichés, si les communes n'ont pas un intérêt sérieux, réel, à ce que la concession ne soit pas accordée, si la commune conserve d'autres terrains en suffisance pour ses besoins, si, à raison du développement de la population, il ne serait pas préférable de partager ces terrains entre les habitants ; il y a bien d'autres circonstances encore à prendre en considération, et toutes ces questions à résoudre, tous ces faits à examiner ne me semblent pas de la compétence des agents forestiers.

Du moment où l'on voulait un service spécial, ce qu'il fallait faire, c'était nommer quelques personnes capables auxquelles on aurait confié l'examen de tomes ces questions et qui auraient pu être chargées en même temps de renseigner le gouvernement sur l'exécution des conditions des concessions, des partages, conditions qui, je le répète, sont choses secondaires qui peuvent même être surveillées, examinées, contrôlées par les agents que le gouvernement a à sa disposition.

Si les bourgmestres, les commissaires d'arrondissement, les gouverneurs refusent de répondre quand on leur demande des renseignements, que le ministre envoie un commissaire spécial.

M. David. - M. Je ministre vous a dit qu'à la fin du siècle dernier on avait fait des lois de défrichement qui n'avaient pas été exécutées. Je lui ferai observer qu'il ne suffit pas de faire de ces lois pour obtenir que des défrichements s'opèrent ; la raison en est qu'on n'improvise ni les bras, ni les engrais, ni les voies de communication. C'est là ce qui a arrêté les défrichements au siècle dernier et ce qui les arrêtera maintenant dans les provinces de Liège et de Luxembourg. Ensuite, vouloir défricher sans tenir compte du climat, de l'élévation des montagnes, de la nudité du sol et de sa qualité, c'est vouloir lancer dans une fausse voie et ruiner les communes auxquelles on imposerait ces défrichements.

Dans des localités que je connais, on a voulu amener quelques communes à vendre des terrains vagues, servant maintenant de pâturages communs, pour qu'ils fussent défrichés et cultivés en grains.

Eh bien, comment arriver à ce résultat, comment vouloir produire du froment, de l'épeautre, là où l'avoine, qui parmi les céréales est celle qui mûrit le plus facilement, ne mûrit que deux fois en cinq ans ? Le seigle même n'y viendrait pas. C'est ainsi que sur nos hautes fanges, à Bocquay, Barouher, hameau dépendant de la commune de Francorchamp, par exemple, et il y a une infinité de localités dans la même position, les habitants ne cultivent à peu près le seigle que pour obtenir la paille nécessaire à la couverture de leurs maisons. Généralement ils achètent leurs grains au dehors ; ceux qu'ils récoltent ne produisent au moulin, pour ainsi dire, que du son et une fort petite proportion de farine.

Vouloir défricher les parties hautes de nos fanges, c'est vouloir faire jeter l'argent à ceux qui l'entreprennent, et ruiner les communes où ces terrains servaient à faire paître le bétail et surtout des moutons avec profit pour les laborieux habitants de ces contrées.

Ces localités sont éloignées du terrain calcaire, il est impossible jusqu'à présent de s'y procurer de la chaux pour l'employer à l'amendement et à l'amélioration des terrains.

Le ministre ne peut comprendre les résistances qu'il rencontre et il les qualifie de préjugés ; cependant on lui répond très sagement : Vous voulez nous imposer une chose impossible. Il prétend que l'on cède à des préjugés.

Il me paraît certain d'un autre côté, que partout où il existait du terrain fertile et cultivable, il a été mis en culture.

Les villages et hameaux de ces contrées des Ardennes ont toujours été fondés là où le sol était de meilleure qualité ; les habitants avant de s'établir à un endroit ont toujours choisi ce qu'il y avait de mieux parmi ces immenses terrains, et ce qui en reste est généralement aridement schisteux ou marécageux, avec son sol d'une argile imperméable ; quand les arbres que l'on plante dans ce dernier genre de terrain arrivent à une certaine hauteur, un fort coup de vent suffit pour les renverser ; ils tombent alors et leurs racines entraînent avec elles toute la terre végétale qui recouvre le sol d'argile, et l'on peut voir alors que les racines n'ont pu pénétrer cette argile qui se trouve à une très faible profondeur ; comment donc même penser à reboiser en masse, au moyen de futaies, nos fanges des Ardennes ?

M. le ministre a dit qu'il avait nommé des commissions de défrichement dans le Luxembourg à l'image du comité de boisement de la province de Liège, qu'elles avaient les mêmes attributions ; j'ai fait partie d'un conseil communal qui a été en relation très active avec le comité de boisement de Liège, et je puis assurer à l'honorable M. Dedecker que ce comité ne s'occupait nullement du défrichement, mais seulement de mesures de repeuplement des forêts, du reboisement des terrains vagues dans les fanges. Les questions de défrichement, pour la mise en culture étaient traitées par le commissaire d'arrondissement qui se mettait en rapport avec les communes.

J'ai indiqué tantôt les obstacles qui s'opposent au défrichement en grand des terrains vagues servant de pâturage commun en Ardenne, et je dirai que l'exécution du repeuplement ou reboisement ne présentait pas non plus de grandes chances de réussite ; pour arriver à quelques minces résultats, il eût été nécessaire de choisir les essences d'après les espèces de terrains ; mais à une certaine époque, dans le principe de la mise à exécution delà loi de 1847, on a donné la préférence presque exclusive à la seule essence résineuse, nommée pin sylvestre, qui est précisément la plus mauvaise de toutes les espèces de résineux ; on plaçait les jeunes plants à une certaine distance les uns des autres ; ils ne produisaient que des arbres crochus et rabougris, qui n'avaient absolument aucune valeur, même comme bois à brûler. Malgré de malheureuses expériences faites dans les vagues de certaines forêts de l'Etat, on voulait forcer les communes à faire des dépenses de plantations qui ne devaient donner que de mauvais résultats.

Voilà pourquoi il n'est pas étonnant que la loi soit devenue impopulaire ; par les plantations on supprimait des pâturages utiles et avantageux ; aux habitants des Ardennes qui devaient réduire le nombre de leurs bestiaux, produisaient ainsi moins d'engrais pour la culture de leurs terres et perdaient chaque année en bien-être.

Dans le Luxembourg, les choses se sont passées comme chez nous ; là, comme dans les Ardennes de la province de Liège, on n'a pas eu à se louer de la loi de 1847.

Depuis qu'elle a été votée, on a fait autant d'opposition que possible. Moi-même, comme membre du conseil communal d'une commune menacée des effets de cette loi, j'ai fait tous mes efforts pour l'en préserver.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Tesch dit qu'à voir ce qui se fait on serait porté à penser que le gouvernement (page 954) à Bruxelles ne sait pas ce que c'est que le défrichement dans le Luxembourg.

Le gouvernement a regretté de ne pas être d'accord, pour la réorganisation de ce service, avec la députation permanente de cette province. Mais parce qu'il la consulte, parce qu'il serait heureux de se ranger à son avis, il n'en résulte pas qu'il doive nécessairement s'y conformer. Il est évident qu'il a le droit de se réserver son libre arbitre, surtout dans une question comme celle-ci où il y va de la responsabilité du gouvernement. Car, vous venez de le voir, il est évident par les paroles qui terminent le discours de l'honorable M. David, que la loi de 1847 est impopulaire dans le Luxembourg, il ne faut pas se le dissimuler.

Quant au gouvernement, placé comme il l'est au point de vue de l'intérêt général du pays, il doit vouloir, non pas imposer le défrichement, mais le faire accepter, le faire exécuter là où on le demande. (Dénégations de h part de M. de Moor).

Le gouvernement n'impose pas les défrichements. Lorsqu'il y a une demande de défrichement, le gouvernement tient compte des observations faites par les administrations communales ; mais il ne saurait tolérer qu'elles y opposent un obstacle éternel et souvent peu justifié. Je crois que le gouvernement est dans son droit, et qu'il remplit un devoir en agissant comme il le fait.

Mais si le gouvernement a prouvé qu'il ne sait pas ce que c'est que le défrichement, comment se fait-il que, dans d'autres provinces, on trouve excellente la mesure qu'on critique si vivement dans le Luxembourg ? Pourquoi n'accepterait-on pas, dans le Luxembourg, ce qu'on accepte dans d'autres provinces où l'on sait tout aussi bien ce que c'est que les défrichements. Car je ne pense pas que le Luxembourg ait la prétention de savoir seul ce que c'est que les défrichements et les moyens les plus convenables pour les opérer.

Messieurs, le service du boisement et du défrichement a un double but : l'instruction préalable à la demande en concession, et le contrôle sur l'exécution de l'arrêté des concessions. L'honorable M. Tesch dit que l'instruction préalable à la demande en concussion est la partie essentielle de ce service. Je ne suis pas de cet avis, car cette instruction peut se faire par les agents ordinaires de l'administration.

Dans l'instruction préalable des demandes en concession, il y a deux questions à examiner : d'abord celle que M. Tesch considère comme la plus importante, celle de savoir si dans tel cas désigné, il y a lieu de faire opérer le défrichement. Est-ce un agent du défrichement qui doit décider cela ? Ce sont les administrations communales, les commissaires d'arrondissement qui peuvent parfaitement renseigner le gouvernement sur la situation financière et économique des communes, sur l'utilité ou le danger qu'il peut y avoir à procéder ou à ne pas procéder au défrichement.

Voilà une question qui est du ressort des commissaires d'arrondissement, bien plus que du ressort des agents du défrichement.

La seconde question est celle de savoir si le terrain est propre au défrichement. M. Tesch conteste, pour la solution de cette question, la compétence des agents de l'administration forestière ; je crois, au contraire, qu'ils sont le plus compétents pour l'apprécier.

Ils ont fait une étude courante de la nature du sol. Personne ne la connaît mieux qu'eux. Remarquez que les agents spéciaux ont passé des examens, qu'ils présentent donc des garanties de science que l'on ne peut demander des agents qui n'ont pas fait des études spéciales dans ce but.

Voilà pour l'instruction préalable des demandes de concessions pour les défrichements. En ce qui concerne le contrôle du gouvernement sur les suites données aux arrêtés de concessions, c'est à-dire sur la réalité des défrichements opères, la nouvelle organisation offre évidemment plus de garanties.

Je persiste donc à croire que ce que le gouvernement a fait est dans l'intérêt général et dans l'intérêt bien entendu de la province du Luxembourg.

On dit ; Pourquoi ne pas avoir comme pour la Campine un service spécial confié à deux ou trois agents ? Mais il n'y a de service spécial dans la Campine que pour les irrigations. Le reste appartient au comité de boisement, c’est-à-dire, en définitive, aux mêmes agents qui sont chargés du défrichement dans le Luxembourg. Il n'y a donc pas lieu de créer un service spécial dans le Luxembourg, et je ne pense pas que la Chambre se montre fort disposée à créer cette nouvelle dépense.

L'organisation décrétée pour le boisement et le défrichement dans le Luxembourg pourra se faire avec les 2,400 francs, qui se dépensent aujourd'hui et, qui au lieu d'être attribues a 2 ou 3 agents seront répartis entre 9 agents de l'administration forestière.

Je le demande, que pouvait-on attendre de 3 agents chargés d'un service dans une province si étendue et ne recevant que de mêmes traitements comme ceux qu'on leur allouait ?

Ne vaut-il pas mieux d'avoir à sa disposition des agents déjà rétribués pour d'autres services, des agents répandus sur tous les points de la province, des agents qui sont tous les jours en contact avec les administrations communales qui connaissent parfaitement la nature du sol, et qui peuvent éclairer le gouvernement sur ce qu'il convient de faire dans l'intérêt général des défrichements ?

C'est là, en définitive, au point de vue de ma responsabilité ce qui me préoccupe le plus. Je suis chargé de l'exécution de la loi de 1847. Je veux pour autant qu'il est en mon pouvoir, que cette loi amène pour le Luxembourg les conséquences que nous sommes en droit d'en attendre.

M. de Moor. - Je n'ai nullement entendu nier que la réorganisation du service du défrichement fût nécessaire. Mais j'ai dit que la réorganisation qui a été faite est détestable, j'ai dit que là où deux agents intelligents et capables eussent suffi, on s'était cru obligé d'en créer neuf ! J'ai dit que c'était un mauvais acte d'administration, et je maintiens ce que j'ai avancé. L'avenir, du reste, prouvera que je n'ai pas tort. J'attends M. le ministre de l'intérieur à deux ou trois ans et même plus tôt.

M. le ministre de l'intérieur a cru ne pas devoir suivre l'avis de la députation permanente. Il était évidemment dans son droit, mais a-t-il bien fait ? Là est la question. M. le ministre n'a pas eu plus de confiance dans l'avis que lui a donné le premier fonctionnaire civil de notre province. En effet, M. le gouverneur du Luxembourg avait également donné un avis défavorable.

Je sais de source certaine qu'en députation permanente il a été interpellé sur le point de savoir si les décisions prises par le gouvernement et inscrites dans l'arrêté du 8 décembre 1856, l'avaient été sur sa proposition. Il s'est cru obligé de répondre au sein de la députation, que non seulement ce n'était pas sur sa proposition, mais qu'il avait même déclaré et écrit au département de l'intérieur que dans son opinion le nouveau système était mauvais.

L'honorable ministre de l'intérieur, au lieu de répondre à mes observations, s'est mis à côté de la question. Il fallait établir un contrôle sérieux, dit-il, et le gouvernement l'a établi. Sans doute ; mais je dis, moi, qu'il l'a mal établi et je crois l'avoir prouvé.

On m'a reproché, j'aime à croire dans la chaleur de l'improvisation, de défendre des intérêts particuliers. Je proteste contre cette allégation et je prie la Chambre comme M. le ministre d'être convaincus que c'est très consciencieusement que je défends les intérêts du Luxembourg, sans me préoccuper ni de près ni de loin d'intérêts individuels ; et qu'il me soit permis de le dire, en le faisant je suis en excellente compagnie. En effet, messieurs, je me trouve en complète conformité avec MM. les membres de la députation et M. le gouverneur de notre province.

M. le ministre prétend que les agents forestiers sont ceux qui conviennent spécialement et uniquement pour le service du défrichement ; il me permettra de ne pas partager son opinion, et il voudra bien admettre avec moi qu'une partie de l'instruction des demandes en partage à titre onéreux, entre les habitants des communes, ainsi que beaucoup de demandes en concession, doit nécessairement être faite sur le terrain ; or, pendant une très grande partie de l'hiver ces sortes d'opérations sont impossibles. Lorsque le printemps arrive, les agents forestiers sont absorbés par l'exploitation des coupes, le balivage, le martelage, etc., etc.

Il leur sera bien difficile, si pas impossible, de trouver le moment de s'occuper de leur nouveau service, et les agents supérieurs de l’administration forestière ne pouvant se rendre sur le terrain à cette époque, M. le ministre de l'intérieur se verra obligé de livrer aux agents du plus bas étage de l’administration forestière les questions d'aliénation de biens communaux, questions qui touchent à l'avenir de nos communes et les intéressent par conséquent au plus haut point.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il n'est jamais entré dans mes intentions de dire que l'honorable M. de Moor s'est constitué le défenseur d'intérêts particuliers, c'est-à-dire d'intérêts personnels. J'ai voulu dire qu'il s'est, dans cette question, constitué le défenseur des intérêts particuliers de la province de Luxembourg, tels du moins qu'elle les comprend.

M. Tesch. - J m'occupe de cette question avec la même impartialité que si je n'appartenais pas à la province de Luxembourg ; je prie M. le ministre de l'intérieur de le croire.

Je n'appuie pas les préjugés qui peuvent exister dans la province de Luxembourg à l'endroit du défrichement ; mais ces préjugés, si préjugés il y a, prennent précisément leur source dans la mauvaise exécution qui a été donnée à la loi de 1847 ; et on les fortifie, on les légitime, en soutenant, comme le fait M. le ministre de l'intérieur, que les questions préalables au défrichement sont des questions secondaires et que la question du contrôle en ce qui concerne l'exécution de certaines conditions imposées aux concessions, est la chose principale.

Je suis partisan de la loi de 1847 dans une certaine mesure. Mais lorsqu'on a demandé des concessions dans des communes où les terrains étaient déjà assez rares, les communes ont fait une opposition très vive et, à mon avis, très légitime.

Et on n'a pas toujours suffisamment tenu compte de la question de savoir si l'augmentation de population dans un temps donné, si la quantité des terrains qui restaient encore à défricher, si la nature de ces terrains, si les besoins de ces communes, si leurs ressources militaient ou non en faveur du défrichement, si l'opposition des communes était raisonnable ou ne l'était pas. Et c'est ce qui a amené dans le Luxembourg une opposition, une irritation très forte contre la loi de 1847.

Je suis d'avis que dans certaines circonstances où l'on a ordonné le défrichement, il n'aurait pas dû être ordonné ; que dans d’autres circonstances où il a été refusé, il aurait pu être accordé. Ainsi, je comprends que dans une commune qui possède 1,400, 1,500 ou 2,000 hectares de bruyère, qui se trouvent à une grande distance des habitations, dans une commune où la population est peu nombreuse et ne se (page 955) développe que lentement, je comprends que lorsqu'une concession est demandée et que la commune fait opposition, l'intervention du gouvernement force cette commune à vendre afin d'arriver au défrichement.

Mais ce n'est pas seulement dans de semblables circonstances que la vente a été ordonnée et c'est ce qui a ameuté ces populations contre la loi de 1847.

Je crois donc qu'il faut faire en sorte que toutes les questions préalables qui se rattachent au défrichement soient très bien examinées, soient examinées avec beaucoup d'intelligence, avec beaucoup d'impartialité ; c'est de cette manière seule que vous parviendrez à faire exécuter la loi de 1847 ; que si vous continuez à procéder comme on l'a fait jusqu'ici, vous mécontenterez les populations, vous les rendrez hostiles au gouvernement, ce qui est toujours une mauvaise chose.

Quant aux conditions d'exécution des concessions, ce sont des questions accessoires. Il est probable que quand celui qui a obtenu la concession, qui a acheté, a fait une bonne affaire, il défrichera. Si au contraire il a fait une mauvaise affaire, je ne sais pas l'intérêt qu'il y aurait a le ruiner un peu plus qu'il ne l'est par son commencement d'opération.

Quant aux communes, il y en a qui, pour se soustraire au défrichement, ont pris le parti de partager. Il y a peut-être là une surveillance plus active à exercer pour voir si ce partage n'est pas fictif et si, dans le délai fixé, les habitants mettent réellement la main à l'œuvre. Mais cela peut également se faire par les agents qu'a le gouvernement.

Je ne fais pas même d'opposition à ce qu'il y ait d'autres agents encore, si l'on pense que les commissaires d'arrondissement, les bourgmestres que le gouvernement a à sa disposition ne sont pas suffisants ; mais je dois dire, cependant, que je suis partisan d'un service spécial pour le défrichement dans le Luxembourg. Ce que je désire, je le répète une dernière fois, c'est que les questions préalables soient bien examinées, c'est qu'on ne violente pas les communes mal à propos, c'est qu'on ne les dépouille pas de leurs biens, lorsque ceux-ci sont peu nombreux, lorsqu'on peut prévoir que dans un avenir rapproché les.habitants eux-mêmes pourront défricher.

Je n'ai pas blâmé M. le ministre de ne pas avoir suivi l'avis de la députation permanente.

Je sais très bien que le gouvernement peut ne pas suivre l'avis de la députation lorsqu'il est d'une opinion contraire. Je suis convaincu que les députations permanentes donnent souvent de bons avis. Mais comme elles sont composées d'hommes, il est positif qu'elles en donnent quelquefois qui ne sont pas aussi bons. Mais je crois que les idées que l'on a ici sur le défrichement ne sont pas justes, exactes, et j'ai cru devoir dire quelques mots pour appeler la sérieuse attention de M. le ministre dont je ne suspecte pas la bonne intention, sur ce qui est véritablement important dans l'instruction d'une demande en concession et l'exécution de la loi sur le défrichement.

M. Wasseige. - Messieurs, je pense que le gouvernement doit être excessivement prudent dans l'exécution de la loi de 1847. Je suis d'avis que si cette loi peut produire de bous résultats, elle peut aussi en produire de très mauvais, et que le défrichement quand même n'est pas bon.

C'est parce que je suis de cet avis que j'approuve complètement M. le ministre de l'intérieur d'avoir confié aux agents forestiers l'étude des questions dont l'examen doit précéder l'ordonnance des défrichements par déboisement.

Je crains que si, lorsqu'un défrichement est demandé, les études sont confiées à des agents spéciaux ou à l'administration provinciale, on ne se préoccupe beaucoup plus d'un bénéfice présent à réaliser que d'une bonne opération à faire pour l'avenir.

Quand le défrichement n'est pas fait dans des conditions excellentes, dans des terrains propres à la culture, c'est une mauvaise opération qui peut, dans certains moments, donner des résultats avantageux, mais qui devient bientôt l'objet d'une déception et une opération ruineuse pour la commune où il a été ordonné.

Je pense donc que les agents forestiers sont ceux qui, par leurs expériences, par leurs études, sont le plus à même de voir les choses au véritable point de vue où elles doivent être envisagées, c'est-à-dire au point de vue de savoir si le terrain est assez bon pour être convenablement défriché ; que, lorsque ces agents forestiers ont donné un avis favorable, le gouvernement peut considérer sa responsabilité comme à couvert et être certain que les terrains seront utilement défrichés. On pourrait craindre l'excès en sens contraire, on pourrait craindre que des agents forestiers ne donnent un avis défavorable au défrichement, lorsqu'on pourrait encore y procéder avec quelque utilité. Mais c'est là un petit inconvénient à nos yeux.

Il vaut mieux que quelques défrichements ne soient pas ordonnés lors même qu'ils pourraient être utiles jusqu'à certain point, que d'en voir ordonner qui pourraient être regrettables.

C'est pourquoi je crois que le gouvernement ne pouvait pas mieux faire que de confier l'étude de ces questions aux agents forestiers et je l'en félicite sincèrement.

M. de Theux. - On n'a parlé que de la loi de 1847. Cependant ce n'est pas elle qui me semble être le plus en cause dans la discussion. Je crois que la discussion roule principalement sur le défrichement des bois (Non, non !)

M. de Moor. - C'est une erreur.

M. de Theux. - Nous envisagerons la question sous les deux points de vue.

Quant au défrichement des bois, le gouvernement en général ne l'autorise que sur l'avis conforme des agents de l'administration forestière ; c'est eux qu'il consulte sur l'utilité de conserver les bois, et les agents de l'administration forestière sont généralement portés pour la conservation des bois, tandis que les communes sont généralement portées pour leur défrichement et que les députations aussi penchent pour l'avis des communes.

Ceci est tout à fait étranger à la loi de 1847.

Quant au défrichement des terrains incultes, c'est-à-dire quant à la vente forcée des terrains incultes en vue du défrichement, les garanties stipulées dans la loi me paraissent complètement suffisantes. Un premier projet avait été élaboré, d'après lequel le gouvernement aurait pu diviser ou prescrire la vente des terrains communaux.

J'ai trouvé l'enquête faite sur ce projet. J'ai proposé que cette prescription du gouvernement ne pourrait avoir lieu que sur l'avis conforme de la députation permanente du conseil provincial. Lorsqu'une demande d'acquisition de terrains communaux se produit, si le conseil communal y est contraire, et si la députation permanente y est favorable, le gouvernement a à choisir entre l'avis du conseil communal et l'avis de la députation ; il n'est pas lié, il s'éclaire. Eh bien, la députation permanente qui a la pratique de ces affaires depuis un grand nombre d'années, depuis dix ans que la loi est votée, qui est entourée de tous les avis qui peuvent l'éclairer, doit nécessairement exercer un grand poids sur les décisions du gouvernement.

La loi est d'intérêt général, car c'est en vue de l'intérêt général qu'on a autorisé le gouvernement à prononcer la vente forcée des biens communaux aux conditions déterminées par la loi. De tout temps il a été reconnu qu'il est utile que les biens communaux ne demeurent pas en friche et plus la population du pays augmente, plus cet intérêt devient grand.

Je pense donc, messieurs, que quand la députation permanente, tutrice naturelle des communes, produit de l'élection, entourée tous les ans du conseil provincial, dans lequel les intérêts des communes sont bien représentés, que quand la députation permanente donne un avis favorable et qu'elle l'appuie de bonnes raisons, le gouvernement, en thèse générale, a des motifs suffisants pour suivre cet avis.

M. Thibaut. - Messieurs, je craignais qu'on ne pût conclure des discours prononcés par les honorables préopinants qu'ils confondent, quant aux mesures à prendre ou à blâmer, les trois modes de défrichement : le défrichement des bruyères, le reboisement et le déboisement. Quant au déboisement, je ne pense, pas que ces messieurs, non plus que l'honorable ministre de l'intérieur surtout soient d'avis qu'il faut s'en rapporter à l'opinion des agents forestiers.

Comme vient de le dire l'honorable comte de Theux, ces agents donnent presque toujours un avis défavorable au déboisement et on en comprend trop facilement la raison ; ils craignent, sans doute que, les bois diminuant, on ne trouve le personnel qui les administre et les surveille trop considérable et qu'on n'en supprime une partie.

Je crois donc que les avis des agents forestiers, bien qu'il puissent être consultés utilement, ne peuvent pas cependant être considères comme ayant autant de valeur que les avis des autorités communales et de la députation permanente, lorsqu'ils ne concordent pas. Je crois, au contraire, que ce sont ces derniers qui doivent toujours l'emporter.

Je connais un assez grand nombre de communes qui ont demandé et obtenu l'autorisation de déboiser et j'affirme qu'elles ont obtenu les meilleurs résultats.

Je pourrais citer des localités où des terrains boisés, qui rapportaient excessivement peu de chose, sont aujourd'hui convertis en excellentes campagnes.

Dans le pays, tout le monde s'accorde à dire que ces terrains, livrés à la culture, rapportent au moins dix fois ce qu'ils rapportaient avant le déboisement.

M. Lelièvre. - Lorsqu'il s'agit d'une demande de défrichement formée par une commune, le gouvernement, avant de rendre une décision, prend l'avis de la députation permanente du conseil provincial, de même que celui de l'administration forestière. S'il y a dissentiment entre les autorités, le gouvernement examine les raisons qui sont déduites de part et d'autre et il adopte l'avis qu'il juge le mieux fondé. C'est là une question d'appréciation que le gouvernement résout en justice, sans donner la préférence à un avis plutôt qu'à l'autre, si ce n'est d'après la valeur des motifs qui sont allégués à l'appui des diverses opinions.

Il y a quelque temps, la commune d'Andenne sollicitait l'autorisation de défricher une partie de bois. La députation permanente du conseil provincial de Namur appuyait cette demande qui n'avait pas l'assentiment des agents forestiers. Le gouvernement a partagé l'avis de la députation, et je pense qu'il a bien jugé. Il n'est pas impossible de donner à l'opinion des agents forestiers une autorité qu'on dénierait à l'avis des députations. C'est une question de fait qui doit être résolue d'après les circonstances.

- Le chiffre de 20,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 62

« Art. 62. Personnel enseignant, administratif, et gens de service de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat : fr. 55,800. »

M. Rodenbach. - Messieurs, je voterai le chiffre demandé pour (page 956) l’école vétérinaire, d'autant plus que cet établissement d'instruction produit d'excellents élèves. Le directeur, M. Didot, qui est à la tête de cette institution, est un homme d’un grand mérite ; c'est un spécialité qui fait l'honneur du pays. Naguère on a mis sous nos jeux un opuscule qu'il a publié et qui est intitulé, je pense : Trois jours de séjour à Hasselt. M. Didot s'est tendu à Hasselt où il a visité les étables pour étudier l'épizootie qui a fait tant de ravages en Belgique, et il s'est assuré que l'inoculation inventée par M. le docteur Willems a produit un bien considérable.

Vous savez, messieurs, qu'à Hasselt et dans la banlieue il y a environ 3,000 têtes de bétail.

Eh bien, M. Didot déclare dans son ouvrage que le procédé de M. Willems a complètement extirpé la pleuropneumonie. Je pense, messieurs, que quand un pareil résultat est attesté par un homme aussi transcendant, le gouvernement devrait aussi faire connaître les rapports des commissions qui ont été nommées jour étudier la découverte du docteur Willems.

En Hollande, où cette maladie règne constamment, à cause de l'humidité du sol, tous les rapports ont été complètement favorables à l'inoculation du docteur Willems, et le roi des Pays-Bas lui a même décerné une récompense honorifique.

En France, des professeurs des plus distingués de l'école d'Alfort ont publié des rapports qui sont également on ne peut plus favorables. Chez nous on ne fait rien. Je ne sais s'il y a, parmi les praticiens qui sont chargés d'examiner cette question, des préjugés, de la prévention ; mais le fait est que l'invention de M. Willems est plutôt dénigrée que préconisée par certains vétérinaires de notre pays.

Je désirerais savoir de M. le ministre de l'intérieur où en est cette question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, une première commission a été nommée, il y a quelques années, pour étudier la question de la pleuropneumonie et apprécier les résultats de l'inoculation.

Cette commission a fait un rapport qui a été communiqué à la Chambre l'année dernière. La conclusion en est que la question n'est pas résolue, qu'il faut des expériences ultérieures.

Le gouvernement a nommé une nouvelle commission, et, à la demande même de l'inventeur du système qu'il s'agit d'apprécier, on a adjoint à l'élément scientifique de cette commission des hommes pratiques, des éleveurs, des engraisseurs, des personnes qui connaissent parfaitement le rôle pratique de la question. Cette commission se livre à des expériences sur tous les points du pays. Un des membres de la commission a même été envoyé en Hollande pour étudier la maladie dans un foyer où elle régnait tout particulièrement, il y a quelque temps.

Jusqu'à présent je n'ai pas reçu de rapport. Je puis donner à la Chambre et au pays l'assurance que les travaux de la commission se poursuivent en dehors de toute espèce de préoccupation, de tout intérêt particulier ; et, s'il y a moyen d'établir l'efficacité de ce nouveau système, je ne doute nullement qu’elle ne s'estime heureuse de pouvoir proclamer ce résultat, qui sera glorieux pour la Belgique.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 62 est mis aux voix et adopté.

Articles 63 et 64

« Art. 63. Matériel de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat ; travaux d'entretien, de réparation, de construction ; jury vétérinaire : fr. 60,200.

« Charge extraordinaire : fr. 12,500. »

- Adopté.


« Art. 64. Subside à la société d'Horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 65

« Art. 65. Encouragements pour l'amélioration de la voirie vicinale : fr. 495,000.

« Charge extraordinaire : fr. 200,000. »

M. Van Renynghe propose de porter le crédit de l'article 65 à 900,000 fr.

M. Van Renynghe. - Messieurs, ma proposition n'a pas besoin de développements pour être appréciée par la Chambre, car il n'y a aucun de nous qui ne reconnaisse la grande utilité d'une bonne voirie vicinale, parce que nous sommes convaincus que sans elle toutes les autres améliorations effectuées ou à réaliser dans l'intérêt de l'agriculture sont paralysées, ou même, en certaines circonstances, rendues pour ainsi dire impossibles.

Je sais, messieurs, qu'aucun membre de cette assemblée ne reculerait devant la majoration de crédit que je propose, si l'on n'était effrayé d'avance d'un surcroît de dépenses. Mais ces dépenses, dussent-elles être augmentées pour l'objet si important en question, devraient-elles nous arrêter, alors que le pays s'impose tant de sacrifices pour des objets qui n'ont qu'une utilité indirecte et souvent problématique ?

On m'objectera ce qu'allègue la section centrale dans son rapport, et c'est l'argument le plus sérieux, que le gouvernement ne contribue que pour une part dans les dépensés de cette nature ; que, par conséquent, son intervention est nécessairement calculée sur les sacrifices proportionnels que s'imposent les communes et les provinces et que le chiffre proposé a suffi pour se tenir à la hauteur de l'initiative prise par celle-ci, de telle manière que, jusqu'à présent, des travaux reconnus utiles, n'ont pas dû être ajournés par le défaut de subsides de la part de l'Etat.

Ceci peut être exact jusqu'à un certain point. Mais on ne mentionne pas, dans ce rapport, les nouvelles dépenses que plusieurs communes doivent s'imposer pour que de pareils travaux ne soient pas différés. Après avoir fait des sacrifices au-dessus de leur force, elles sont obligées, pour se tirer, le plus tôt possible, de l'état d'isolement dans lequel elles se trouvent, de faire des avances pour le gouvernement, en empruntant, à des intérêts élevés, les sommes à avancer, eu attendant que celui-ci effectue les payements auxquels il s'est engagé.

Je vous le demande, messieurs, cela est-il loyal, cela est-il généreux ? Des faits semblables ne doivent-ils pas diminuer l'élan des administrations, les décourager ? Pour ce seul motif, le crédit dont il s'agit devrait être majoré.

Messieurs, je dois l'avouer, on a beaucoup fait pour l’amélioration de la voirie vicinale, et j'en félicite la Chambre et le gouvernement. Mais pour cet objet on doit continuer dans une voie large et généreuse, car le bienfait qu'il procure, quoique modestement et sans le moindre éclat, sera un des avantages les plus notables que notre régénération politique aura procurés à nos populations.

M. de Lexhy. - J'avais demandé la parole sur le chapitre XII pour dire à la Chambre que j'avais formé le dessein de la saisir, lors de la formation du budget de l'exercice 1858, d'une proposition d'augmentation du crédit pour la voirie vicinale. Il m'avait paru qu'une semblable proposition, faite actuellement à propos du budget de 1857, aurait pu être considérée comme une surprise et rejetée à cause de ce prétendu grief. J'avais l'intention de me borner à vous annoncer que je proposerais de porter le crédit de la voirie vicinale au chiffre d'un million de francs au budget de 1858 et je voulais, en faisant cette annonce, pousser vos esprits vers l'examen approfondi de cette grave question. Mais l'amendement que vient de formuler M. Van Renynghe est venu troubler mes combinaisons, et à ce point de vue, je regrette qu'il ait été produit.

Je crains que l'honorable membre, en voulant témoigner de trop vives sympathies à la cause que nous défendons, ne nuise à son succès, en sollicitant la Chambre d'adhérer à une proposition à laquelle on ne manquera pas de reprocher d'être née inopinément.

La pensée qui a dicté cet amendement me paraît éminemment juste, et je n'ai pas besoin de dire que je m'y associe de toutes mes forces. Les bienfaits qui découlent de l'amélioration de la voirie vicinale sont considérables. Je pense que l'amélioration de la vicinalité est le moyen le plus énergique et le plus puissant de favoriser le progrès de l'agriculture.

Je suis donc complètement sympathique au principe de l'amendement, mais je regrette qu'il soit produit dans des circonstances aussi défavorables. On va objecter, sans nul doute, que l'on ne peut pas venir, à la légère et sans un long et sérieux examen, apporter la perturbation dans l'économie d'un budget. Je crois que, dans l'intérêt même de la cause que nous défendons, il serait prudent de retirer l'amendement, afin de nous épargner une défaite. Quoi qu'il en soit, s'il est maintenu, j'émettrai un vote favorable.

M. Julliot. - Messieurs, il est évident qu'après les chemins de fer, la voirie vicinale est le plus important de tous les moyens de communication dont on se sert encore en Belgique. Le mouvement général peut se résumer dans les chemins de fer et dans la voirie vicinale. On ne se sert presque plus des grandes routes pavées...

- Un membre. - Le produit des barrières prouve le contraire.

M. Julliot. - Je ne puis cependant pas appuyer la proposition de l'honorable M. Van Renynghe, tendante à augmenter le crédit de la voirie vicinale jusqu'à concurrence de 900,000 francs ; je ne puis pas appuyer cette proposition, parce que le gouvernement a déclaré à la section centrale que toutes les communes qui avait sollicité des subsides en avaient obtenu. Le crédit actuel est donc suffisant, et je ne suis pas d'avis de jeter l'argent à la tête de gens qui n'en demandent pas.

Mais, chose étrange ! dans les mêmes provinces, on fait encore aujourd'hui, à la fois de la voirie vicinale et des grandes routes. Le ministre des travaux publies y fait concurrence a son collègue de l'intérieur.

C'est l'ingénieur en chef de la province qui propose au ministre la construction de telle ou telle grande route dans les dépenses de laquelle les communes doivent contribuer.

Or, la plupart de ces grandes routes, ne produisent que peu ou point de revenus ; j'en connais qui ne produisent pas même assez pour payer le salaire des cantonniers. Tous les jours on décrète encore de nouvelles routes de ce genre.

Je vois ici au budget l'article : Inspection des chemins vicinaux et des cours d'eau. Voilà l'administration qu'il faudrait développer. Je n'hésite pas à dire que parmi tous les agents inscrits au budget, il n'en est pas un qui soit plus utile au pays, parce qu'il produit le bien dans, toutes les communes du royaume. Je voudrais, c'est un désir que j'ai exprimé depuis longtemps, voir élargir ses attributions.

Mais comment nous y prendre pour arrivera ce résultat ? Nous nous heurtons toujours au corps des ponts et chaussées.

Je désirerais une bonne fois que M. le ministre des travaux publics (page 957) nous dît s'il compte toujours faire concurrence à M. le ministre de l'intérieur en fait de création de routes.

Je crois que celui qui doit céder le pas, est celui qui a fait son temps c'est-à-dire le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je crois que l'honorable M. Julliot se trompe en ce qu'il confond deux catégories de travaux bien différentes. Jamais le département des travaux publics n'intervient dans la construction de routes, qu'on peut considérer comme routes vicinales, et il se réserve uniquement pour les routes à longue distance qui doivent être considérées comme desservant, non des intérêts locaux, mais des intérêts généraux, pour les routes destinées à poursuivre les routes de l'Etat actuellement existantes ou à les relier entre elles, pour les routes destinées encore à mettre des localités qui étaient privées de moyens de communication, en relations plus directes avec le chemin de fer ou avec les grandes routes existantes. Ainsi il n'y a aucune concurrence et les deux administrations satisfont à des besoins entièrement différents.

Il y a une autre légère inexactitude dans le discours de l'honorable membre.

C'est quand il prétend que ce qui se fait par le département des travaux publics se fut exclusivement avec les deniers de l'Etat sans l'intervention de la province, de la commune ou des particuliers ; car pour la plus grande partie des routes construites par le département des travaux publics, c'est le contraire qui a lieu, et dans l'emploi de la somme de 900 mille francs mise la disposition du département, presque aucune construction de route ne se fera sans le concours de la province, des communes ou des particuliers intéressés.

Il n'y a à craindre aucune espèce de concurrence ou d'opposition entre les deux administrations de l'intérieur et des travaux publics, elles satisfont à des besoins différents, elles le font du mieux qu'elles peuvent. Je prie l'honorable membre d'examiner la question de plus près et il se convaincra qu'il y a quelque exagération dans les paroles qu'il vient de prononcer.

M. Magherman. - Je crois, ainsi que l'a observé mon honorable ami M. Julliot, que l'allocation portée au budget des travaux publics, pour construction de routes, doit finir par disparaître ; et que dès à présent elle doit diminuer d'une manière sensible d'année en année. Les chemins de fer aujourd'hui absorbent presque toute la circulation ; on ne peut plus dire qu'on puisse construire en Belgique des routes d'un intérêt réellement général ; les routes construites maintenant par le département des travaux publics ne présentent qu'un intérêt secondaire et le plus souvent même ce sont des routes purement agricoles.

Je voudrais que l'allocation du budget de l'intérieur pour la voirie vicinale pût être augmentée, mais pour autant que le ministre des travaux publics consentît à la réduction équivalente sur son budget.

Il est vrai que depuis l'année dernière M. le ministre a fait un pas ; l'année dernière l'allocation portée à son budget pour construction de routes était de 1,300,000 fr., cette année elle est réduite à 900,000 fr. J'engage M. le ministre à entrer plus avant dans cette voie.

Il est certain qu'en augmentant au budget de l'intérieur l'allocation pour la voirie vicinale, la même somme allouée en subsides aux communes permettra d'exécuter plus de travaux que si elle était employée par le département des travaux publics, les communes construisant à moins de frais que l'Etat ; les constructions communales sont plus modestes sans être moins utiles.

En entrant dans cette voie, ou atteindra encore un autre résultat : c'est qu'on régularisera le mode de construction des voies de communication en le rendant uniforme dans les différentes provinces, ce qui n'existe pas aujourd'hui ; il est telle province où l'on considère comme étant d'intérêt général ce que dans d’autres on considère comme d'intérêt purement local. De là des injustices.

Ces injustices proviennent des appréciations différentes des diverses autorités provinciales et des agents des ponts et chaussées qui dirigent les travaux dans les provinces.

Il est un autre point sur lequel je veux appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur ; c’est qu'il arrive quelquefois que des travaux considérables sont exécutés par les communes avec l'intervention de la province et de l’Etat et que ces travaux ne sont pas suffisamment surveillées.

Du moment que l'intérêt de l'Etat est en jeu, il appartient au gouvernement de faire examiner si les conditions du cahier des charges sont remplies par les entrepreneurs. Les communes n'ont pas toujours les moyens de surveillance nécessaires pour s'assurer si les concessionnaires remplissent les conditions du cahier des charges et si les travaux sont exécutés d'après les règles de l'art.

Il en résulte souvent des charges très lourdes pour les communes, parce que si les constructions sont mal faites, elles donnent lieu à de grands frais d'entretien qui tombant à la charge des communes.

C'est un point que je signale à l'attention de M. le ministre, car il est à ma connaissance qu'il se commet des abus de ce genre.

M. Maertens, rapporteur. - L'augmentation proposée par l'honorable M. Van Renynghe, l'avait été par une des sections ; par conséquent la section centrale a eu à s'en occuper. Vous avez pu remarquer qu'elle n'a pas cru pouvoir l'adopter, et s'est ralliée au crédit porté au budget. Comme cette résolution pourrait laisser planer sur elle le soupçon d’être antipathique au développement de la voirie vicinale, je crois devoir vous indiquer les motifs qui justifient sa détermination. Tous les membres de la section ont unanimement témoigné de leur sympathie pour un service qui a une action si puissante sur le développement de la prospérité générale, puisque les voies de communication sont évidemment un des éléments les plus certains de progrès pour l'industrie agricole.

Mais avant de mettre à la disposition du gouvernement un crédit plus considérable, elle a pensé qu'il convenait de s'enquérir de la nécessité d'une pareille augmentation. Il est à remarquer, en effet, que ce n'est pas l'Etat qui prend l'initiative des dépenses et que son intervention se calcule strictement sur celle de la commune et de la province. D'après les renseignements fournis par le gouvernement, il est constaté que jusqu'à présent aucune demande de subside n'a été refusée par l'insuffisance des crédits dont il dispose, de sorte qu'aucun travail de ce genre n'est resté en souffrance, à défaut de son intervention.

Il résulte donc de cet état de choses que si nous adoptions l'amendement de l'honorable M. Van Renynghe le gouvernement aurait probablement entre les mains des sommes considérables qui resteraient sans emploi.

En effet, nous n'avons aucun droit de forcer les communes à construire des routes ; ce sont elles qui doivent consulter leurs intérêts, examiner les ressources dont elles disposent, avant de s'engager dans des dépenses souvent considérables. Au reste, si dans l'avenir il nous était démontré que la somme portée au budget est insuffisante, je suis persuadé que la Chambre ne se refusera en aucune circonstance à augmenter un crédit qui mérite à tant de titres sa vive sympathie.

M. Julliot. - D'après ce qu'a dit M. le ministre, les abus que j'ai signalés n'existeraient que dans mon imagination.

Puisqu'il m'y convie, je présenterai les faits. Je citerai (erratum, page 968) la route de Hasselt à la Meuse par Lanklaar, c'est une grande ligne, car elle a sept à huit lieues de parcours, elle a coûté 780,000 francs, la dépense d’entretien est de 8,000 francs par an et le produit des barrières n'est que de 1,300 fr.

Maintenant on fait, en Campine, de petites lignes qui se croisent en tous sens. L'honorable prédécesseur du ministre actuel en a fait. L'honorable M. Dumon en a fait d’autres. La province, il est vrai, a concouru à ces travaux.

Il serait à désirer que l'on se bornât à construire des chemins vicinaux aux frais des communes arec le concours de l'Etat et des provinces.

M. Faignart. - Les observations qu'a présentées l'honorable rapporteur de la section centrale et qui me paraissent très justes et très logiques me dispenseront d'entrer dans de longs développements.

Je ne puis, pour ma part, donner un voie approbatif à la proposition, de l'honorable M. Van Renynghe. La somme portée au budget me paraît, comme le dit le rapport d'après les indications données par le gouverneur, devoir suffire pour satisfaire à tous les besoins.

Ce serait un très mauvais précédent que de vouloir donner de l'argent à ceux qui n'en demandent pas.

Si l'allocation était plus élevée, il y aurait des communes riches qui ne se feraient pas faute de faire des sacrifices : elles voteraient des fonds et demanderaient de subsides pour profiter de cette allocation.

Si le gouvernement veut suivre une autre marche que celle qui a été suivie jusqu'à présent et accorder des subsides aux communes privées de ressources et ne pouvant par conséquent contribuer pour une part, dans la dépense, ce sera différent. On pourra examiner si l'on veut entrer dans cette voie. On pourrait alors majorer la somme. Mais je doute fort que le gouvernement et la Chambre veuillent adopter ce système, car il y aurait beaucoup plus de communes pauvres, attendu que chacun voudrait l'être.

Je pense donc que l'allocation portée au budget est suffisante. Pour le budget prochain, des demandes pourront se faire. Si, après qu'on les aura examinées, on reconnaît qu'il y a lieu de majorer le crédit, alors, dans l'intérêt de la voirie vicinale que je considère comme un puissant levier de la fortune publique et dans l'intérêt de l'agriculture, j'y donnerai mon assentiment.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne sais si l'honorable auteur de l'amendement tient à le soumettre au vote de la Chambre. S’il en est ainsi, je dirai quelques mois pour expliquer pourquoi le gouvernement ne s'y rallie pas.

Messieurs, nous avons fait beaucoup en Belgique pour le développement de la voirie vicinale. C'est un titre d'honneur pour le gouvernement et pour la législature qui ont si bien senti que la voirie vicinale est le principal élément de prospérité pour l'agriculture. Cela a été parfaitement compris par le gouvernement.

Hâtons-nous d'ajouter que les provinces el les communes se sont associées généreusement à cette pensée.

Les travaux qui s'opèrent ou se sont opérés depuis 1841 sont considérables. On dresse la carte des communications, qu'on peut considérer comme la conséquence des crédits alloués pour la voirie vicinale par les communes, par les provinces et par l'Etat. Lorsque cette carte aura été dressée, on pourra se faire une idée des travaux qui ont été faits depuis seize ans, en matière de voirie vicinale.

Nous pourrons être fiers de ce résultat ; car je ne pense pas qu'aucune nation puisse offrir rien qui y soit comparable.

Je ne prétends pas dire qu'il n'y ait plus, après si peu d'années, rien à faire pour la voirie vicinale. Mais il ne faut pas précipiter les choses. Agissons comme une nation qui a le temps devant elle.

(page 958) Remarquez, d'ailleurs, que le crédit alloué, en y joignant les subsides des communes et des provinces, permet de construire des routes pour plus d'un million par an, et que, l'année dernière, sur le crédit alloué pour les classes nécessiteuses, plus de 600,000 francs ont été employés à l'amélioration de la voirie vicinale.

L'honorable M. Magherman a appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité de faire bien surveiller les travaux pour lesquels des subsides sont accordés. Ce point n'a pas été perdu de vue. C'est même en grande partie le but de la création de l'inspection des chemins vicinaux, qui figure dans deux articles plus loin.

L'honorable fonctionnaire chargé de cette inspection, a pour mission de faire d'abord l'examen des devis tels qu'il sont présentés par les communes ; car vous n'ignorez pas que les communes ont intérêt à augmenter le chiffre des dépenses, puisque le gouvernement y concourt dans la proportion d'un tiers. Si elles obtiennent le tiers d'une dépense dont le chiffre a été exagéré, il en résulte que la somme à payer par les communes ne représentera plus le tiers de la dépense réellement faite.

De ce chef seul, l'examen de ces devis fait par l'inspecteur de l'agriculture a amené une économie de 319,000 fr. Il y a eu une réduction de 319,000 fr. sur les devis présentés par les communes. Or, c'est là un résultat obtenu par l'intervention intelligente de l'inspecteur des chemins vicinaux.

En outre, lorsque les communes font construire les chemins vicinaux, cet honorable fonctionnaire surveille la construction, l'emploi des subsides accordés par le gouvernement. Cette partie de sa mission est également remplie par lui avec un dévouement éclairé.

Messieurs, à propos de voirie vicinale, il y a une autre question que jusqu'à présent l'on avait un peu perdue de vue ; c'est l'entretien des routes. Beaucoup de communes avaient généreusement construit des routes ; mais malheureusement il est arrivé souvent, au grand détriment de ces voies de communication, qu'on en a complètement négligé l'entretien. L'inspecteur a donc reçu ordre de surveiller particulièrement l'entretien de la nouvelle voirie vicinale. Il a été fait, dans le même but, par la députation provinciale du Hainaut, un règlement que le gouvernement a jugé utile de communiquer à toutes les administrations des autres provinces. Ce règlement paraît offrir de sérieuses garanties pour le bon entretien des routes.

Il aura de plus cette utilité qu'il attirera les regards des autorités intéressées sur la nécessité d'assurer un entretien convenable des routes ; car, sans cet entretien, les sacrifices faits si généreusement par l'Etat, par les provinces et par les communes, seraient bientôt rendus inutiles et l'un des plus grands intérêts de l'agriculture serait compromis.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Van Renynghe tendant à porter à 900,000 fr. le chiffre du crédit de la voirie vicinale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

- L'article 65 est adopté.

Articles 66 et 67

« Art, 66. Salaires des agents temporaires attachés à ce service, confection de plans, impressions et travaux spéciaux. (Article supprimé par le gouvernement.) »


« Art. 67. Inspection des chemins vicinaux, des cours d'eau et de l'agriculture : fr. 13,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.