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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Orts, deuxième vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 993) M. Crombez, secrétaire, procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Calmeyn, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes.

« Les agents forestiers de la brigade de Sugny demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit pour augmenter le traitement des employés inférieurs de l'Etat.


M. le ministre de l'inférieur adresse à la Chambre 108 exemplaires de l'Annuaire de l'industrie, du commerce et de la banque de Belgique, par M. E. Romberg.

- Distribution aux membres de la Chambre.


M. le président. - Hier la Chambre a chargé le bureau de nommer la commission à laquelle elle a renvoyé l'examen de la réclamation du conseil communal de Cappellen sur la proposition de M. Vandenpeereboom.

Le bureau a composé cette commission de la manière suivante : MM. Orts, Vandenpeereboom, Maertens, Malou, de Paul, de Theux et Vanden Branden de Reeth.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction publique. Enseignement primaire

Articles 99 à 101

« Art. 99. Inspection civile de l'enseignement primaire et des établissements qui s'y rattachent. Personnel : fr. 34,000. »

- Adopté.


« Art. 100. Ecoles normales de l'Etat, à Lierre et à Nivelles. Personnel : fr. 66,700.

« Charge extraordinaire : fr. 1,100. »

- Adopté.


« Art. 101. Traitements de disponibilité pour des professeurs des écoles normales de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 3,500. »

- Adopté.

Article 102

« Art. 102. Dépenses variables de l'inspection et frais d'administration. Commission centrale. Matériel et dépenses diverses des écoles normales de l'Etat. Ecoles normales adoptées. Service annuel ordinaire de l'instruction primaire communale ; subsides aux communes ; constructions, réparations et ameublement de maisons d'école ; encouragements (subsides et achats de livres pour les bibliothèques des conférences d'instituteurs) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; subsides aux caisses provinciales de prévoyance ; encouragements aux recueils périodiques concernant l'instruction primaire ; subsides pour la publication d'ouvrages destinés à répandre l'enseignement primaire ; secours à d'anciens instituteurs (article 54 du règlement du 10 décembre 1852) ; frais des conférences agricoles des instituteurs primaires ; subsides à des établissements spéciaux ; salles d'asile et écoles d'adultes, etc. : fr..1,226,879 25 c. »

M. le ministre, par un amendement qu'il a déposé, a demandé une augmentation de 73,953 fr. 29 c. d'une part au litt. C, et 25,000 francs au litt. D. Ce qui porterait le chiffre de l'article à 1,325,832 fr. 54 c.

La section centrale a adopté cette proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Dans les développements de l'article 102, nous avons, sous le littéra a, les dépenses variables de l'inspection pour lesquelles il y a une allocation 69,000 francs. je prie la chambre l'augmenter 9,000 francs.

Voici à quel sujet... (Interruption.) Je vais en exposer les motifs. La Chambre, après les avoir entendus, verra si elle doit renvoyer cette augmentation à l'année prochaine.

Dans une réunion de la commission centrale des inspecteurs provinciaux, il a été prouvé à toute évidence que ces honorables fonctionnaires, avec le traitement qu'ils ont aujourd'hui et les indemnités pour frais de bureau, ne peuvent pas organiser leurs bureaux d'une manière convenable. Ils sont obligés de faire eux-mêmes l'office de commis et de perdre en écritures le temps qu'ils devraient consacrer aux inspections.

Chaque inspecteur reçoit un traitement de 3,000 francs et 1.000 fr. pour frais de bureau.

Le résultat de l'état actuel des choses, c'est que ces fonctionnaires ne peuvent remplir les fonctions pour lesquelles ils sont institués, c'est-à-dire l'inspection. Au lieu de consacrer à cette inspection le temps convenable, ils sont obligés de sacrifier en partie leur mission essentielle, qui est l'inspection, pour rester dans leur bureau et suffire aux écritures qui sont considérables.

C'est donc dans un intérêt du service que j'ai cru devoir augmenter non pas leur traitement, mais les émoluments pour frais de bureau, parce qu'il leur est impossible de suffire à leur besogne d'inspecteurs.

Si cependant la Chambre juge convenable de renvoyer cette augmentation à l'année prochaine, je tâcherai de trouver la somme nécessaire sur l'ensemble de l'article 102. Mais je puis garantir que cette dépense est parfaitement nécessaire. Je n'insiste pas, je représenterai une demande l'année prochaine.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 103

« Art. 103. Subsides en faveur d'établissements de sourds-muets et d'aveugles : fr. 16,000. »

- Adopté.

Chapitre XVIII. Lettres et sciences

Article 104

« Art. 104. Encouragements ; souscriptions ; achats ; subsides aux dames veuves Weustenraad et Van Ryswyck ; subsides à des élèves de l'enseignement supérieur libre ; prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845 et du 6 juillet 1851 ; publication des Chroniques belges inédites ; table chronologique des chartes, diplômes, lettres patentes et autres actes imprimés concernant l'histoire de la Belgique ; publication de documents rapportés d'Espagne ; exécution et publication de la carte géologique : fr. 63,800.

« Charge extraordinaire : fr. 19,200. »

La section centrale propose de réduire le chiffre des charges extraordinaires et temporaires à 13,200 francs.

M. Vander Donckt. - Messieurs, le gouvernement nous propose une allocation spéciale pour encourager l'exécution d'une description géographique et historique du royaume de Belgique. La section centrale n'a pas trouvé bon d'admettre la somme de 6,000 fr. que le gouvernement demande pour cette dépense, parce qu'elle ne pouvait apprécier dès à présent le mérite scientifique de ce travail, dont elle ne conteste cependant pas l'utilité.

Il s'agit, messieurs, d'encourager les sciences et les arts et de contribuer par un léger subside à la confection d'un ouvrage d'une utilité réelle et incontestable ; dans cette circonstance, je crois devoir appuyer la demande du gouvernement.

En effet, messieurs, les deux jeunes savants (MM. Jules Tarlier et Alphonse Wauters), comme nous le dit M. le ministre de l'intérieur, avec lesquels le gouvernement s'est mis en relation pour l'exécution de ce travail, mi semblent devoir inspirer à la Chambre et au gouvernement toute espace de confiance. Tous les jours le gouvernement accorde des encouragements pour des ouvrages légers, des poésies, des brochures, etc. Je ne l'en blâme pas. Mais en général, parmi ces ouvrages nous n'en trouvons pas de ceux qu'on appelle des ouvrages importants, des ouvrages de longue haleine. Or, ce que les jeunes savants se proposent d'exécuter, c'est un travail de longue haleine, c'est un ouvrage qui exige non seulement beaucoup de connaissances, mais encore une grande aptitude, beaucoup d'activité, de fatigue et de nombreux déplacements.

Messieurs, il me paraît qu'il faut un peu tenir compte ici de l'honorabilité des auteurs de ce projet. Il faut tenir compte du dévouement de ces hommes qui veulent entreprendre un pareil travail, non dans un but de spéculation ou de lucre, mais par leur amour de la science. Leur honneur est ici un sûr garant que le travail qu'ils se proposent d'exécuter répondra complètement à l'attente du gouvernement et des Chambres. Je crois qu'il faut encourager des ouvrages de cette importance ; ces ouvrages sont de nature à faire l'honneur de la Belgique comme celui de leurs auteurs.

Je crois donc devoir me joindre au gouvernement et insister pour que la Chambre veuille admettre cette augmentation de crédit.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, la Chambre aura pu remarquer, par la lecture du rapport, que la section centrale a été dominée à peu près par les mêmes idées que vient d'exprimer l'honorable M. Vander Donckt.

D'abord il n'est entré dans la pensée de personne de contester l'utilité d'un travail aussi incontestablement national et patriotique que celui de faire connaître toutes les richesses historiques que renferme notre pays et qui, jusqu'à présent, sont restées enfouies dans nos archives provinciales et communales. L'intention qui a guidé les honorables auteurs de la proposition est certainement on ne peut plus louable. Tout le monde doit souhaiter que les trésors de notre histoire soient mis au jour pour en doter le pays.

(page 994) Personne ne s'est refusé à reconnaître l'honorabilité et le parfait savoir de ceux qui veulent entreprendre l'ouvrage en question.

L'un d'eux est un professeur distingué, l'autre est un jeune publiciste qui s'est déjà fait remarquer par des ouvrages du plus haut mérite, notamment l'histoire de la ville de Bruxelles et surtout l'histoire des environs de Bruxelles, qui est un travail identique à peu près à celui que l’on voudrait entreprendre pour le pays entier.

Le gouvernement, du reste, a déjà accordé à l'un de ces savants la récompense due à son mérite.

On n'a pas davantage mis en doute leur désintéressement, auquel l'honorable M. Vander Donckt a fait allusion. Car, ayant cédé la publication et la vente de leur ouvrage à un éditeur, les 6,000 francs qu'ils demandent sont uniquement destinés à payer les frais de recherche. Or. on comprendra facilement que pour faire un travail de cette nature, les recherches sont immenses. Il faudra parcourir toutes les communes du pays, explorer toutes nos archives si volumineuses ; de manière que l'indemnité n'est peut-être pas proportionnée au travail qui incombe à ceux qui voudront mener cet ouvrage à bonne fin.

Tout cela, messieurs, n'a pas été contesté, mais la majorité a considéré l'entreprise comme tellement grande, tellement gigantesque, qu'il serait peut-être utile de commencer par un essai. Elle a engagé M. le ministre à le subsidier sur les fonds ordinaires. Si plus tard on voit des résultats satisfaisants et de nature à mériter un subside plus considérable, le gouvernement pourra faire une proposition à la Chambre.

Ainsi, messieurs, la section centrale n'a été déterminée à prendre sa résolution que par la crainte de s'engager dans une voie dont l'issue n'est pas bien indiquée.

J'ai cru devoir soumettre ces réflexions à la Chambre pour repousser le reproche qu'on pourrait nous adresser, d'avoir négligé les intérêts de la science, alors surtout qu'il s'agissait d'une œuvre nationale, d'une œuvre qui devait avoir pour but de faire mieux connaître la Belgique et son histoire.

D'un autre côté, messieurs (et je fais cette réflexion en mon nom personnel), je suis excessivement sympathique à un pareil travail et je crois que M. le ministre ferait très bien, quand il use des crédits que le budget met à sa disposition, de ne subsidier que des ouvrages de cette nature.

De semblables travaux ne peuvent pas couvrir leurs frais parce que, pour me servir d'un terme familier aux économistes, les consommateurs leur manquent. On peut difficilement les placer à l'étranger, et s'ils s'éditent dans une proportion un peu large, on les place à grande peine dans le pays.

Le gouvernement doit tenir compte de ces circonstances, il doit indemniser la science des sacrifices qu'elle fait pour doter le pays d'œuvres destinées à le glorifier.

La section centrale n'a donc repoussé le crédit que parce qu'elle a craint désengager dans une voie trop dispendieuse ; elle n'a pas voulu engager l'avenir. C'est la seule pensée qui l'a dominée.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je crois devoir dire quelques mots pour faire apprécier la portée du crédit qui est demandé. Il s'agit messieurs, d'un crédit spécial et nouveau, qui n'est, en ce moment, que de 6,000 fr., mais qui, par cela même qu'il forme un crédit spécial, constitue un engagement pour l'avenir.

C'est un engagement de continuer pendant dix ans le même subside, c'est-à-dire qu’il s'agit de charger les finances de l'Etat d’une nouvelle dépense s'élevant à 60,000 fr. au moins.

M. Coomans. - Sans les queues.

M. de Naeyer, rapporteur. - Oui, sans les queues, qu'on placera naturellement à la fin.

Ne perdons pas de vue, messieurs, que ce budget de l'intérieur prend un développement très considérable ; depuis deux ans il est augmenté d'environ 600,000 fr. (Interruption ) Les chiffres sont là, le budget pour l'exercice 1855 a été voté au chiffre de 7,200,000 fr. sauf quelques petites fractions et le budget pour cet exercice dépassera certainement 7,800,000 fr.

Il y a donc une augmentation bien positive de 600,000 francs à peu près en deux ans. Je crois qu'en présence de ces faits, il importe de ne pas adopter légèrement de nouvelles dépenses.

Messieurs, je ne conteste pas le mérite de la nouvelle publication ; cependant, je ne puis pas m'associer dès aujourd'hui à tous les éloges que vous venez d'entendre ; pour louer l'ouvrage, j'attendrai que je sois a même de le juger, et ce n'est pas d'après quelques pages que je puis me former une idée exacte, raisonnable même, d'un ouvrage qui sera composé de 9 ou 10 volumes ; je veux bien le louer, mais je ne veux pas le jouer par anticipation ; je le louerai quand j'aurai pu l'apprécier. C'est la seule marche avouable aux yeux du bon sens.

Quant aux savants qui annoncent cette publication, tout le monde est disposé à rendre dommage à leurs talents et à leur zèle pour la science ; mais enfin, rien jusqu'ici ne nous garantit complètement l’exécution de cette œuvre.

D’ailleurs, je crois qu’il importe d'éviter d'accréditer dans le pays cette malheureuse idée, que quand on fait quelque chose de bon et d’utile, il faut nécessairement passer par les mains du gouvernement ; que ce quelque chose de bon et utile doit recevoir non seulement le baptême, mais encore la confirmation du budget.

Voilà une idée que je ne puis pas admettre. Si l'ouvrage qui nous occupe est réellement utile, il trouvera un débit dans le pays, c'est là le véritable encouragement pour ce genre d'entreprises ; et s'il n'a pas de débit, c'est signe que les pompeuses promesses qu'on fait retentir dans cette enceinte n'auront pas été réalisées.

Maintenant, s'il faut absolument à cet ouvrage des encouragements budgétaires, est-ce que le ministère se trouve dans l'impossibilité d'en accorder.

Il y a au budget une dotation annuelle de 44,000 fr. pour encouragements, souscriptions, achats d'ouvrages. Eh bien, que M. le ministre prenne sur ce crédit une somme pour la nouvelle publication ?

Mais à quoi emploie-t-on ces 44,000 fr. ? Les emploie-t-on en général en faveur d'ouvrages d'un mérite réel, qui fassent honneur au pays ? J'en doute ; je crois qu'il y a une foule de bagatelles littéraires qui sont l'objet des encouragements du gouvernement.

On invoque la gloire littéraire du pays. Eh ! mon Dieu, cette gloire littéraire est le vœu de tous les Belges ; mais il ne faut pas perdre de vue que ce n'est point la quantité qui constitue ici la richesse. On peut publier dans le pays une masse de petites brochures qui font une apparition éphémère dans le monde littéraire, et qui font ensuite enterrées (c'est le mot propre) dans les bibliothèques publiques et privées.

Mais ce ne sont pas ces publications qui seront la réputation de la Belgique. Je veux que les 44,000 francs soient employés aux publications vraiment utiles, par exemple, à la publication dont il s'agit.

Je ne vois pas la nécessité de mettre un crédit spécial à la disposition du gouvernement, par cela même qu'il dispose déjà du crédit de 44,000 fr.

On emploie cette dotation générale à encourager de petits ouvrages ; et quand il y a un ouvrage d'un mérite réel, comme le sera très probablement celui qui est annoncé ici, que fait-on ? On le met en relief, on demande un crédit spécial ; ce qui permet toujours d'employer les 44,000 fr. pour favoriser les publications d'une utilité très problématique.

Voilà ce qui s'est pratiqué jusqu'ici, voilà les antécédents que M. le ministre de l'intérieur actuel juge à propos de suivre, et je crois, que c'est à cet état de choses que nous devons mettre un terme.

L'ouvrage dont il s'agit peut être encouragé avec les crédits ordinaires du budget ; le ministre n'a pas besoin d'un crédit spécial. Le vote d'un crédit spécial aurait cette signification que chaque fois qu'il y aurait un ouvrage vraiment digne d'encouragement, on demanderait un crédit spécial ; les crédits ordinaires serviraient à encourager les médiocrités qu'on passe sous silence pour d'excellents motifs. Je me borne à ces considérations pour justifier mon opposition à la nouvelle augmentation de dépenses proposée par l'honorable M. Dedecker.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je constate avec bonheur que les orateurs qui se sont fait entendre jusqu'à présent dans cette discussion reconnaissent l'utilité intrinsèque de la Description géographique et historique du royaume de Belgique, dont le gouvernement veut encourager la publication. Je crois en effet qu'il serait difficile de contester cette utilité, au point de vue littéraire, d'abord, mais surtout au point de vue national.

En effet cette publication est destinée à nous faire connaître notre pays ; car vous savez que, malheureusement, il n'arrive que trop souvent qu'on ne connaît pas son pays. Une publication qui a pour but de nous faire connaître la Belgique, de nous révéler, pour ainsi dire, à nous-mêmes, cette publication doit être considérée comme éminemment nationale, en ce qu'elle nous fera apprécier de mieux en mieux l'importance de notre patrie.

Des ouvrages de ce genre ont été publiés dans tous les pays, en Hollande, en Angleterre, en Italie, en Espagne et dans les diverses contrées de l'Allemagne. Tant il est vrai qu'on reconnaît, dans tous les pays, ce que de pareils travaux ont de réellement utile, soit sous le rapport de la marche de toutes les administrations, soit sous le rapport des relations industrielles et commerciales.

Voilà donc pour la pensée en elle-même. Quant au plan, il a été adopte par la commission de statistique, qui a introduit quelques modifications au projet des auteurs. Tel qu'il a été arrêté, il a donc reçu l'approbation des hommes les plus compétents en ce genre de travaux.

Les auteurs ? Ils vous sont connus. Ce sont des travailleurs intelligents, actifs,, dévoués à la science, comme on en trouve peu ; leurs publications ont été appréciées par le pays tout entier. Aussi, voudra-t-on bien me permettre de ne pas m'arrêter un instant à faire leur éloge. Mais, dit l’honorable L. de Naeyer, nous attendrons que ces messieurs aient publié leur travail pour le louer ; on ne peut pas l'apprécier par anticipation. Soit ; mais on peut apprécier, par leurs succès passés, les chances de leurs succès futurs. Ils n'en sont plus à devoir faire leurs preuves. Je concevrais l'objection, si les auteurs de ce vaste projet étaient des jeunes gens inconnus n'ayant aucun titre à l'estime du monde littéraire ; mais on sait et l'on avoue qu'il n'en est pas ainsi et que ces auteurs ne sont nullement des hommes inconnus.

D'ailleurs ne pouvait-on pas faire la même objection quand le gouvernement a demandé un premier subside pour la confection de la carte géologique de la Belgique ? Alors aussi, l’on a été obligé d'apprécier à l'avance. Alors aussi, il a fallu avoir confiance dans la science de l'honorable auteur du gigantesque travail. Si, à cette époque, on était laissé aller à ces considérations qu'on vient de nous opposer, (page 995) nous n’aurions pas, en ce moment, à nous glorifier de l’achèvement de ce monument de la science contemporaine, l'un des plus beaux assurément que possède l'Europe et dont le mérite éminent a été solennellement reconnu à l'exposition universelle de Paris. Ce monument dont nous sommes fiers aujourd'hui, nous ne le posséderions pas si nous n'avions pas eu assez de confiance dans la science de son illustre auteur pour y consacrer une somme de près de 200 mille francs.

Je demande que, dans cette circonstance, la Chambre ait confiance aussi dans des hommes qui ont fait leurs preuves dans, les lettres et qui s’offrent de doter le pays d'un ouvrage qui, lorsqu'il sera convenablement achevé, aura aussi les proportions d'un monument.

Quel mode fallait-il adopter pour encourager cette publication ? Le gouvernement a adopté le mode le plus simple, celui qui permet d'apprécier, de prime abord et d'un seul coup, l'étendue des sacrifices à faire. Si le gouvernement était intervenu dans les détails de la publication, il eût été impossible de calculer les dépenses auxquelles il aurait pu être entraîné.

Aujourd'hui nous savons parfaitement à quoi nous nous engageons. Pour effrayer la Chambre, l'honorable membre lui dit : Vous aurez à payer cette somme de 6 mille francs pendant dix ans. Le gouvernement n'a pas dissimulé la portée du crédit qu'il a cru devoir demander et qu'il a même demandé sous forme d'un crédit spécial. Le mode adopté, je le répète, est le plus simple, c'est-à-dire celui qui permet le mieux de voir les dépenses à faire. Le gouvernement repousse toute intervention dans les éventualités de la publication ; il propose de donner annuellement, pendant dix ans, 3,000 francs à chacun des deux auteurs, 2,000 francs pour indemnité des études et de la rédaction et 1,000 francs pour voyages à faire dans toutes les localités du pays. Et, comme le disait l'honorable rapporteur, quand on considère l'étendue des recherches à faire, on s'étonne que ces deux jeunes savants osent entreprendre un pareil travail avec si peu de ressources. Il faut vraiment un entier dévouement à la science, pour ne pas craindre de s'engager dans une si vaste et si longue opération.

On objecte les augmentations incessantes du budget.

Messieurs, au fond il n'y aura pas augmentation au budget de ce chef, en ce sens, que le hasard veut que cette publication vienne prendre au budget la place de la carte géologique, récemment achevée. On substituera ainsi à ce monument dont nous sommes fiers, le travail nouveau qu'il s'agit de faire, et qui en sera comme la continuation. En effet, la carte géologique nous a fait connaître le sol et le sous-sol de notre pays ; la description géographique et historique de MM. Tarlier et.Wauters a pour but de constater quelles sont les richesses matérielles qui couvrent ce sol et les mille souvenirs qui s'y rattachent. C'est vraiment une coïncidence remarquable que ces travaux viennent succéder l'un à l'autre, pour se compléter.

Ce n'est pas, après tout, une chose si extraordinaire que vient demander le gouvernement.

N'avons-nous pas d'autres publications que nous avons été heureux d'encourager et qui tournent à l'utilité générale de la Belgique ?

Ainsi le dépôt de la guerre demande depuis bien longtemps un crédit annuel de 100,000 francs pour la confection de la carte topographique du pays. Le travail qu'il s'agit d'encourager encore une fois aujourd'hui sera le complément de cette carte. Tous ces travaux se tiennent ; ce sera un vaste ensemble.

Je vous citais tout à l'heure la carte géologique de M. Dumont.

Nous portons au budget un crédit spécial pour la collection de chroniques belges que public la commission d'histoire. Nous dépensons depuis nombre d'années 14,000 francs pour la publication de ces anciens monuments de notre littérature et de notre histoire. Eh bien, y a-t-il quelqu'un qui, aujourd'hui, oserait entreprendre la critique d'une pareille dépense ? Qui n'applaudit hautement des dépenses dont le résultat est de doter le pays de ces importantes publications qui développent la science historique et qui recommandent le nom belge à l'étranger ?

Je puis invoquer encore, comme on me le fait observer à mes côtés, les 6,000 francs que nous donnons depuis vingt ans pour l'achèvement des Acta sanctorum par les bollandistes. C'est là encore un monument qui fait honneur au pays. Personne ne conteste l'utilité d'un pareil subside. Et cependant, nous ne savons même pas qui achève ce travail. Vous êtes arrêtés ici, dites-vous, parce que vous ne savez pas si l'ouvrage sera bon et si les auteurs offrent assez de garanties. Or, vous accordez, et je m'applaudis depuis longtemps d'avoir contribué à une pareille dépense, vous accordez 6,000 francs aux bollandistes sans savoir même le nom de ceux qui vont achever ce monument.

En présence de pareils précédents, ce serait une chose incroyable que de refuser 6,000 francs pendant dix ans pour l'achèvement d'une œuvre que je considère comme grandiose, comme destinée à marquer dans les annales du pays.

Messieurs, on voudrait engager le gouvernement à trouver de quoi encourager cette publication nouvelle sur les crédits ordinaires alloués pour encouragements aux lettres el aux sciences. Messieurs, vous devez tous savoir que cette dotation des lettres et des sciences montant à 44,000 francs, est presque dérisoire, et il suffit d'avoir passé quelques mois à l'administration pour savoir combien un chiffre comme celui-la est insuffisant pour donner quelques encouragements sérieux aux lettres et aux sciences. Il est impossible de distraire quoi que ce soit de ce crédit. L'honorable préopinant dit qu'on ne sait pas à quoi ce crédit est consacré. Mais presque chaque année la Chambre demande quel est l'emploi de ce crédit. Si aucune note n'a été déposée cette année sur le bureau, c'est parce qu'elle n'a pas été demandée.

Mais cet emploi n'est un mystère pour personne. Nous savons tous que ce crédit est destiné à encourager la littérature française comme la littérature flamande et les publications de nos jeunes savants ; et en général je me laisse guider, comme mes honorables prédécesseurs, dans la distribution des subsides par les considérations que vient de faire valoir l'honorable M. de Naeyer ; autant que possible, je donne les encouragements à des travaux qui ont un caractère sérieux, qui révèlent un talent d'avenir. Du reste ces allocations s'accordent sous le contrôle d'hommes compétents. D'après un usage très louable qui a été introduit dans l'administration centrale, ces subsides sur le crédit des lettres et des sciences ne s'accordent que lorsqu'une personne compétente ou un corps compétent a été consulté sur l'utilité de ces subsides. Ainsi l'arbitraire du ministre est pour ainsi dire impossible.

Messieurs, je ne veux certainement pas exagérer l'intervention du gouvernement en matière de littérature. Mais ce que je veux aussi, c'est que pour un ouvrage sérieux comme celui dont il s'agit, pour un ouvrage de longue haleine qui exige de grands sacrifices de temps el d'argent et qui demande beaucoup de recherches, le gouvernement puisse accorder un encouragement qui soit proportionné à la grandeur du dévouement que montrent les honorables auteurs du projet qu'il s'agit de réaliser.

Lorsque deux jeunes écrivains pleins de sève, pleins d'avenir (j'ai le droit de le dire, parce que leurs ouvrages sont là), viennent offrir au gouvernement d'élever un monument à la Belgique, un monument digue d'un autre âge, je dis que le gouvernement manquerait à son devoir s'il n'encourageait pas ces écrivains dans l'exécution d'un pareil travail.

Comment ! messieurs, l'autre jour on parlait du dépérissement de l'esprit scientifique. On regrettait que cet esprit scientifique semblât s'éteindre ; et quand il jette quelque flamme, vous allez l'étouffer. Quand il veut se manifester, quand vous rencontrez quelques hommes qui veulent se dévouer à la science, vous allez les décourager au premier pas et comprimer leur élan !

Messieurs, soyons conséquents et disons qu'en Belgique toujours il y aura des encouragements sérieux pour les hommes qui savent se dévouer d'une manière sérieuse à la glorification du pays.

L'autre jour l'honorable M. Dumortier demandait l'encouragement par le gouvernement des publications nationales. Eh bien, voici venir une grande, une magnifique publication nationale, et lorsqu'il s'agit de l'encourager, vous vous rejetteriez sur les nécessités pour notre gouvernement d'être prudent, de ne pas s'engager par anticipation à encourager un travail dont, nous dit-on, on n'est pas certain que le succès est assuré. Ce n'est pas ainsi, messieurs, que l'on se conduit. Si vous voulez des publications nationales, si vous voulez le développement sérieux de la littérature, il faut que le gouvernement sache faire les sacrifices nécessaires pour atteindre ce grand but.

M. Vander Donckt. - Je n'ajouterai que quelques mots. Je suis heureux de constater que l'utilité et l'importance du travail dont il s'agit sont généralement reconnues dans cette Chambre.

On est d'accord, et l'on désire que le gouvernement accorde le subside aux auteurs du projet, mais qu'il le prenne sur les ressources ordinaires de ce chapitre ; on s'arrête devant une dépense peu importante...

- Un membre. - 60,000 fr.

M. Vander Donckt. - On dit que c'est 60,000 fr. Oui, mais 60,000 fr. en dix ans.

Quant aux craintes que l'on a manifestées, je désire que la Chambre ne s'engage à rien. Nous votons le budget tous les ans, et si le travail ne répond pas à notre attente, nous repousserons les crédits qui nous serons ultérieurement demandés.

Je ne comprends donc pas pourquoi la Chambre refuserait de faire ce léger sacrifice pour un ouvrage d'une aussi haute utilité, pour un ouvrage de longue haleine qui est appelé à rehausser la nation belge à ses propres yeux comme aux yeux de l'étranger, et dont il n'y a réellement que des hommes spéciaux qui soient capables. Comme l'honorable ministre l'a parfaitement bien dit, une occasion vous est offerte. Vous l'accepterez, messieurs, alors on connaîtra ce que la Belgique possède de richesses naturelles, artistiques et historiques, alors seulement on possédera les éléments d'une histoire nationale vraiment complète.

J'ai, quant à moi, confiance dans le mérite de ces modestes savants. J'ai confiance dans l'honorable chef du cabinet, qui, lui aussi, est un homme de lettres de grand mérite, qui, lui aussi, est compétent. J'engage la Chambre à avoir un peu plus de confiance dans l'homme qui est aujourd'hui à la tête du département de l'intérieur ; il est mieux à même que tout autre pour juger de l'utilité et de l'importance de ce travail. Il s'est entouré des conseils de la commission de statistique, des conseils d'hommes savants, avant de prendre un engagement et de vous proposer l'allocation de ce subside.

Je crois, messieurs, que nuas manquerions à notre devoir si nous ne saisissions pas cette occasion de doter le pays d'un ouvrage éminemment national et d'une haute importance.

Quant au crédit de 44.000 francs, notre honorable collègue nous (page 996) dit qu'il est employé à encourager des publications légères, qui n'ont aucune importante. Mais nous sommes appelés à le discuter, et tous les ans nous le votons. Si l'on trouve qu'il est mal employé, qu'il est mal appliqué, qu'on en retranche une partie. L'honorable membre peut proposer une réduction sur cet article comme sur d'autres. Nous le discuterons, et alors, peut-être il reconnaîtra tardivement que ses réclamations ne sont pas fondées ; mais je ne me refuse nullement à examiner.

Ce à quoi je tiens, ce à quoi je convie la Chambre, c'est à profiter de l'occasion qui lui est offerte et à vouloir allouer le crédit de 6,000 francs qui lui est demandé.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je vous prie de nouveau de fixer un moment votre attention sur la progression constante des dépenses du ministère de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur paraissait faire un signe négatif, lorsque je disais tout à l'heure que depuis deux ans il a augmenté de 600,000 fr. le budget de l'intérieur. Mais je suppose qu'il a reconnu que mon assertion était incontestable, car il a été assez adroit pour éviter de la rencontrer dans son discours.

Messieurs, ce qui m’effraye le plus, c'est que M. le ministre de l'intérieur n'a pas dit son dernier mot en fait de nouvelles dépenses ; il nous a annoncé chaleureusement une foule de projets d'amélioration ; il veut améliorer le sort de tout le monde, excepté le sort des contribuables, qu'il considère, à ce qu'il paraît, comme étranger à ses attributions.

Messieurs, si on continue à poursuivre cette énorme prétention que le gouvernement doit être le guide de l'agriculture, le flambeau de l'industrie, le phare du commerce, le soleil qui illumine le monde artistique, intellectuel et moral, nous irons loin en fait de dépenses. Et où arriverons-nous avec cette tutelle administrative qui s'étend à tout ? Nous aimerons à faire de notre Belgique une nation de pupilles. Ce rôle, je ne l'accepterai jamais pour mon pays ; et je combattrai toujours ceux qui s'arrogeront la mission d'une providence gouvernementale qui dévoie les ressources du pays.

Messieurs, je crois que dans les paroles que j'ai prononcées, il n'y a absolument rien de blessant pour les deux savants qui sont ici plus ou moins en cause. S'il en était autrement, je retirerais à l'instant des paroles qui auraient exprimé infidèlement ma pensée. J'ai la plus profonde estime pour leur talent comme pour leur caractère, pour leur dévouement à la science. Mais je dis et je répète qu'il faut au moins attendre la production de leur œuvre pour la proclamer admirable. Je crois que, dans leur propre intérêt, il faut s'abstenir de ces éloges anticipés. Ils peuvent se contenter d'éloges justement mérités par les œuvres qu'ils ont déjà produites.

On a parlé d'une foule d'autres publications pour lesquelles on accorde des encouragements au budget.

Messieurs, on peut tirer de ce fait deux conclusions ; les uns en concluent (et M. le ministre est du nombre) qu'il faut encore étendre ce genre d'encouragements.

Mais on peut aussi en tirer la conclusion que puisque l'on fait déjà tant pour les lettres et les sciences, il est permis de s'arrêter parce que les sacrifices imposés au pays doivent être renfermés dans certaines limites, parce que l’impôt qui doit alimenter tout cela est un mal qui ronge les véritables forces du pays.

On a parlé notamment du subside de 6,000 francs accordé aux bollandistes. Je crois que c'est encore à l'honorable ministre actuel que nous devons l'augmentation qu'a éprouvé ce crédit. L'honorable M. Rogier, si je ne me trompe, l'avait réduit à 4,000 francs. C’est l'honorable M. Dedecker qui, l'année dernière, l'a rétabli a 6,000 fr. Messieurs, j'ai voté l'année dernière eu section centrale contre cette augmentation, parce que j'applique mes principes à tout le monde, sans distinction de personne. J'ai voté l'année dernière contre ce chiffre et s'il était encore mis en question, je voterais de nouveau contre.

On a parlé de la carte géologique de M. le professeur Dumont, dont nous regrettons si vivement la perte. Il n'y a pas analogie complète entre cette œuvre et celle qui nous occupe. Par cela même que cette carte était une œuvre purement de science, elle ne pouvait espérer un débouché considérable dans le pays. Mais il s'agit ici d'un ouvrage qui aura un mérite littéraire qui s'adressera à une classe d'hommes beaucoup plus nombreuse et qui trouvera des amateurs dans le pays, s'il justifie les conditions du prospectus.

Je ferai la même observation pour la carte topographique publiée par le département de la guerre. C'est une œuvre qui ne sera recherchée que par un nombre de personnes assez peu considérable, parce que c'est une œuvre qui a un mérite purement scientifique qui n'a pas l'attrait d'un ouvrage littéraire s'adressant à un grand nombre de lecteurs.

Vous voyez donc que les arguments qu'on invoque militent plutôt contre que pour le crédit nouveau.

Messieurs, il y a ceci à remarquer dans cette proposition ; c'est qu'elle a une très grande portée pour l'avenir.

Comme je le disais tout à l'heure, nous avons une dotation permanente et normale au budget pour encourager la publication des œuvres littéraires. Eh bien, si cette dotation normale n'est employée qu'à des ouvrages d'un mérite très ordinaire, sinon médiocre, chaque fois qu'il y aura une œuvre un peu hors ligne, il faudra un crédit spécial.

Je crois que c'est là qu'on veut en venir. On trouve alors moyen de prononcer des paroles très éloquentes, cela n'est pas difficile, en faveur de ces allocations spéciales. Quant au crédit normal, on l'obtient parce qu'il est entré dans les habitudes de la Chambre de le voter. On n'y fait plus attention. Tout le monde a pu vérifier qu'une fois qu'un crédit a pris possession au budget, il est en quelque sorte inattaquable. Mais s'il se présente une dépense qu'on peut justifier par des considérations d'une utilité plus grande, on en fera l'objet d'une demande spéciale destinée à augmenter le budget qui ne fera ainsi que croître et embellir.

C'est parce qu'on fait des crédits ordinaires un usage sinon inutile, du moins d'une utilité très contestable, que lorsqu'il y aurait un usage réellement utile à en faire, on vient nous demander des crédits spéciaux.

Je le répète, messieurs, je ne veux pas empêcher M. le ministre d'accorder des encouragements à la publication qui nous occupe.

Mais ce que je demande, c'est qu'il se contente de son crédit ordinaire. Qu'il élimine plutôt des ouvrages d'une utilité moins réelle. Voilà tout ce que j'ai demandé.

Maintenant, messieurs, les hommes qui s'occupent de cette publication ont fait preuve d'un grand talent et d'un zèle ardent pour la science, mais il n'en est pas moins vrai que l'entreprise reste soumise à bien des chances et bien des éventualités ; ainsi notamment bien des accidents peuvent mettre obstacle à ce que cette œuvre considérable soit menée à bonne fin.

Et cependant, messieurs, M. le ministre est déjà en extase devant un monument ! Je vous avoue que je ne me laisse pas entraîner par une telle puissance d'imagination quand il s'agit de déterminer les charges des contribuables.

Je me résumé, messieurs, je ne m'oppose nullement à ce que le gouvernement encourage cette œuvre, mais je crois qu'il doit le faire au moyen du crédit ordinaire.

Il y aurait danger à voter un crédit spécial, car si vous entrez dans cette voie, le crédit ordinaire sera absorbé par des publications souvent médiocres et chaque fois qu'il s'agira de quelque chose de vraiment utile, il faudra allouer de nouveaux crédits et grossir le budget.

La Chambre verra si elle veut entrer dans cette voie et augmenter constamment les charges du pays.

M. Osy. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. de Naeyer. Je crois que le budget ordinaire est très généreux Nous votons pour les publications une somme de 44,000 fr. ; il me semble qu'on pourrait encourager sur cette somme l'ouvrage dont il s'agit, sauf à écarter ou à retarder d'autres dépenses. En Angleterre, en Hollande, dans d'autres pays, ou fait également des publications, très importantes et le budget n'intervient pas, cela se fait pour le compte des particuliers.

Je voterai contre le crédit demandé, et j'engage le gouvernement à prendre la somme dont il a besoin pour encourager l'ouvrage dont il s'agit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je crois qu'il est impossible d'insister longtemps sur la défense de la proposition faite par le gouvernement ; vous en comprenez parfaitement l'importance.

Je dois déclarer qu'il est impossible de donner à la publication dont il s'agit un subside suffisant sur le crédit si restreint alloué pour l'encouragement des lettres et des sciences.

L'honorable M. Osy a dit que dans d'autres pays ces sortes de publications se font pour le compte des particuliers. Cela est inexact pour quelques-unes ; mais dans les grands pays d'Europe, il y a un grand marché à exploiter, garantie de succès qui n'existe pas dans un petit pays comme le nôtre.

Je ne vous le dissimule pas, messieurs, j'attache le plus haut prix à. ce que le travail de MM. Tarlier et Wauters puisse commencer le plus tôt possible et, quoi qu'il advienne, je serai toujours fier d'avoir eu l'honneur de proposer à la Chambre un crédit pour encourager cette œuvre véritablement nationale.

M. Vandenpeereboom. - Il me semble, messieurs, que nous sommes d'accord sur un point, sur l'utilité de la publication projetée ; mais, si je comprends bien les différents orateurs, plusieurs d'entre eux pensent que la Chambre ne doit pas engager sa responsabilité dans de pareilles questions de détail, qu'elle ne peut préjuger le mérite d'un ouvrage qu'elle ne connaît pas encore ni s'engager à payer annuellement 6,000 francs pendant dix ans. La Chambre, c'est mon opinion, ne peut pas s'occuper du point de savoir si telle publication spéciale doit être ou ne pas être encouragée. D'autres membres ont engagé l'honorable ministre de l'intérieur à encourager la publication dont il s'agit, au moyen du crédit ordinaire, et M. le ministre répond que les crédits ouverts à son département sont insuffisants pour faire face à ce surcroît de dépenses.

Il me semble qu'on pourrait concilier les scrupules d'une partie de l’assemblée avec ce que nous devons à l'encouragement des lettres. Ne pourrait-on augmenter, par exemple, de 3,000 à 4,000 francs, le crédit de l'article 104 ?

De cette manière nous ne voterions pas un crédit spécial pour un travail que nous ne connaissons pas, et le gouvernement aurait un peu plus de latitude pour encourager cette publication Je demanderai à M. le ministre si ce moyen de transaction ne lui semble pas admissible.

M. Julliot. - Messieurs, l'honorable M. Vandenpeereboom nous fait une proposition nouvelle. L'honorable membre, pour concilier les (page 997) différentes opinions, dit-il, nous propose de comprendre la somme de 6,000 fr. dans le crédit global et de les effacer comme crédit temporaire. C'est-à-dire que le crédit de 44,000 francs serait augmenté de 6,000 francs d'une manière permanente. Mais évidemment ce remède serait pire que le mal, nous ne voulons pas de cette somme temporairement et pour nous apaiser on nous propose de l'accepter définitivement.

M. Vandenpeereboom. - Dans la colonne des charges extraordinaires.

M. Julliot. - Je pense que tous nous avons compris qu'en confondant la somme dans le crédit global l'allocation par ce fait devenait permanente et alors l'honorable orateur ne s'est pas très clairement expliqué ou nous n'avons pas bien compris.

Messieurs, j'ai vu le temps où l'honorable M. Dedecker attaquait avec talent, avec éloquence et souvent avec succès le développement du budget de l'intérieur, alors que l'honorable M. Rogier était ministre ; dans ces occasions j'étais à côté de l'honorable M. Dedecker pour l'encourager, je parlais dans le même sens et je votais toujours avec lui ; aussi quand l'honorable ministre actuel a pris les affaires, je me suis promis beaucoup de son arrivée et beaucoup trop, car je complais au moins voir diminuer quelques-unes de ces dépenses sans nom que nous qualifiions assez durement l'un comme l'autre, à cette époque ; mais à mon grand regret c'est le contraire qui a lieu.

Résumons-nous ; tout le monde paraît d'accord sur le fond de la question. Le gouvernement et la section centrale déclarent que la publication qui est en discussion est la plus importante pour le pays, qu'elle est supérieure à toute autre publication que l'on pourrait encourager.

Eh bien, messieurs, en admettant cela comme vrai, il en résulte qu'on applique le crédit annuel de 44,000 fr. à des publications bien moins importantes qui n'ont pas un but d'intérêt général, et je crois pouvoir dire que ces fonds souvent sont alloués à des points de vue personnels ou locaux, mais qu'en général ces subsides ne s'adressent pas à des travaux d'une grande élévation. Que reste-t-il alors à faire ? Mais cela paraît fort simple, ce n'est pas d'inscrire de nouvelles charges au budget ; mais c'est de subsidier sur le fonds normal du budget ce grand travail qui intéresse le pays tout entier, et d'élaguer en proportion des travaux secondaires beaucoup moins importants ; c'est ainsi qu'on trouverait la somme dont on a besoin, sans frapper de nouveau à la porte du contribuable auquel on ne laisse plus de repos.

Je repousserai donc ce nouveau crédit par mon vote, et j'adopterai le chiffre normal en attendant mieux.

M. Verhaegen. - Le gouvernement propose d'ajouter à l'article 104, dans la colonne des charges temporaires, un crédit de 6,000 francs, destiné à la rédaction d'une description géographique et historique de notre pays.

La section centrale ne conteste pas l'utilité d'un pareil travail et reconnaît les garanties que présentent les connaissances spéciales de MM. Tarlier et Wauters, auteurs de cet ouvrage ; mais elle pense que le gouvernement peut encourager cette entreprise en imputant le subside de 6,000 francs sur les sommes déjà allouées à l'article 104.

Je ne saurais partager cette manière de voir.

Je ne m'attacherai pas à démontrer l'utilité d'un travail auquel tout le monde applaudit, ou le mérite de deux savants qui ont fait leurs preuves depuis longtemps. Mais je demanderai pourquoi, lorsque l'occasion se présente de venir en aide à une œuvre éminemment nationale, la chambre se montrerait moins généreuse qu’elle ne l’a toujours été à l’égard d’une publication d’une utilité beaucoup plus contestable. Depuis plus de vingt ans, un article spécial du budget (114) alloue à l'Association des Bollandistes, autrement dits Jésuites, un subside annuel de 6,000 francs pour la continuation des Acta sanctorum.

Or, sait on combien de volumes on a publiés en échange de la somme de 120,000 francs ? Deux volumes (les tomes VII et VIII d'octobre), et encore l'un des deux est-il consacre exclusivement à la vie de sainte Thérèse. Je ne parle pas de trois autres volumes (les tomes IV, V et VI d'octobre) publiés par le même éditeur, attendu qu'ils sont la réimpression de l'édition originale d'Anvers et qu'ils constituent une spéculation de librairie plutôt qu'une entreprise littéraire.

Il me semble que si la Belgique est assez riche pour payer 60,000 francs une biographie de sainte Thérèse, elle peut bien accorder un encouragement analogue au travail si patriotique que patronne le gouvernement.

Qu'arriverait-il, d'ailleurs, si l'on adoptait la proposition de la section centrale et si l'on obligeait M. le ministre de l'intérieur à prélever 6,000 francs sur les diverses allocations de l'art. 104 ? C'est qu'indirectement on retirerait cette somme à d'autres publications ou aux sociétés savantes qui honorent notre pays.

Loin de trouver la somme de 6,000 francs exagérée, je serais plutôt tenté de la déclarer insuffisante ; et puisque la carte géologique figure pour la dernière fois au budget, je pense que le gouvernement aurait pu attribuer les 10,000 francs qui y étaient affectés à la description de la Belgique par MM. Tarlier et Wauters : ce ne serait point trop rétribuer les fatigues et le talent de deux savants qui vont sacrifier les plus belles années de leur vie à réunir en un faisceau les gloires présentes et passées de notre belle patrie.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a eu l'air de dire, quoique d'une manière implicite, que nous sommes opposé au progrès des sciences ; que nous ne voulons pas que le niveau des sciences se relève. Je répondrai à l'honorable membre que je suis tout aussi ami des sciences que lui-même ; mais.il y a entre lui et moi cette différence : c'est que l'honorable membre, qui est libéral, n'a foi que dans le budget, tandis que moi, qui n'ai pas l'honneur d'être nommé libéral, j'ai une confiance pleine et entière dans la liberté.

L'honorable M. Verhaegen nous parle des dépenses très considérables, qui sont faites pour d'autres publications. Que signifie cet' argument ? Il signifie ceci :

« Votre budget est déjà chargé énormément, il faut le charger encore davantage. »

Car l'honorable membre appuie les nouvelles dépenses, sans proposer aucune réduction sur celles qui forment cette riche collection de crédits de tout genre, connue sous le nom de budget de l'intérieur. (Aux voix ! aux voix !)

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, avant que la Chambre passe au vote sur le chiffre, je dois lui faire observer qu'un changement de rédaction a été apporté au libellé du litt. A des développements. Le gouvernement propose la rédaction suivante : « Subsides et encouragements, souscriptions ; voyages et missions littéraires, scientifiques ou archéologiques ; fouilles et travaux dans l'intérêt de l'archéologie nationale ; sociétés littéraires et scientifiques, dépenses diverses ; secours à des littérateurs ou savants qui se trouvent dans le besoin, ou aux familles de littérateurs ou savants décédés. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - C'est la même rédaction que celle qui est proposée au chapitre des beaux-arts.

M. le président. - D'après les précédents, les modifications au libellé des littéras des développements sont convenues entre le gouvernement et la section centrale, et elles ne font pas l'objet d'un vote de la Chambre.

Si personne ne demande plus la parole, je mets aux voix l'article 104, avec le chiffre le plus élevé, qui est celui du gouvernement.

- Ce chiffre est adopté.

Articles 105 à 119

« Art. 105. Bureau de paléographie, annexé à la commission royale d'histoire ; personnel : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 106. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; publication des anciens monuments de la littérature flamande el d'une collection des grands écrivains du pays : fr. 40,000.

« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 107. Observatoire royal ; personnel : fr. 17,800. »

- Adopté.


« Art. 108. Observatoire royal ; matériel et acquisitions : fr. 6,200. »

- Adopté.


« Art. 109. Bibliothèque royale ; personnel : fr. 26,680. »

- Adopté.


« Art. 110. Frais de la fusion des trois fonds de la bibliothèque royale et frais de la rédaction du catalogue général ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 111. Bibliothèque royale ; matériel et acquisitions : fr. 33,320. »

- Adopté.


« Art. 112. Musée royal d'histoire naturelle ; personnel : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 113. Musée royal d'histoire naturelle ; matériel et acquisitions : fr. 7,000.

« Charge extraordinaire : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 114. Subside à l'association des Bollandistes pour la publication des Acta sanctorum ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 115. Archives du royaume ; personnel : fr. 24,250.

« Charge extraordinaire : fr. 1,800. »

- Adopté.


« Art. 116. Archivés du royaume ; matériel : fr. 2,600. »

- Adopté.


« Art. 117. Archives de l'État dans les provinces ; personnel : fr. 16,725. »

- Adopté.


« Art. 118. Frais de publication des Inventaires des archives ; frais de recouvrement de documents provenant des archives tombées dans des mains privées ; frais d'acquisition ou de copies de documents concernant l'histoire nationale ; dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; subsides pour, le classement et pour la publication des inventaires (page 998) des archives appartenant aux provinces, aux communes, aux établissements publics ; dépenses diverses relatives aux archives. Recouvrement d'archives restées au pouvoir du gouvernement autrichien ; frais de classement, de copie et de transport, etc. : fr. 7,000 fr.

« Charge extraordinaire : fr. 11,550. »

- Adopté.


« Art. 119. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre XIX. Beaux-arts

M. Rogier. - J'ai quelques observations à faire qui se rattachent aux beaux-arts en général ; cependant je ne crois pas devoir ouvrir une discussion générale sur les beaux-arts, je demande à pouvoir présenter mes observations à l'article 130, qui concerne la colonne du Congrès.

- Cette demande est admise.

Article 120

« Art. 120. Subsides à de jeunes artistes pour les aider dans leurs études ; encouragements à de jeunes artistes qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages dans le pays et à l'étranger pour les aider à développer leurs talents ; missions dans l'intérêt des arts ; secours à des artistes qui se trouvent dans le besoin ou aux familles d'artistes décédés ; encouragements à la gravure en taille-douce, à la gravure en médailles, aux publications relatives aux beaux-arts ; subsides ; souscriptions ; acquisitions d'œuvres d'un intérêt artistique ou archéologique ; subsides aux sociétés musicales, aux sociétés instituées pour l'encouragement des beaux-arts, aux expositions locales, etc. ; commandes, acquisitions d'œuvres d'artistes vivants ou dont le décès ne remonte pas à plus de dix ans ; subsides aux établissements publics pour aider à la commande ou à l'acquisition d'œuvres d'art ; dépenses diverses ; académies et écoles des beaux-arts autres que l'Académie d'Anvers ; encouragements pour la composition musicale, la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure ; pensions des lauréats : fr. 139,000. »

La section centrale propose une réduction de 4,500 fr., ce qui réduit le chiffre à 135,500 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, le gouvernement a demandé à cet article une augmentation de 10 mille fr. pour réformer ou plutôt pour compléter l'organisation des académies de dessin érigées dans les diverses villes du pays.

En 1852 une commission composée des hommes les plus compétents a été chargée d'indiquer les réformes à introduire dans l'enseignement des arts graphiques et plastiques. Elle a reconnu que l'enseignement, tel qu'il est organisé aujourd'hui, laisse beaucoup à désirer, surtout en ce qui concerne l'application de l'art à l'industrie.

Vous le savez, messieurs, avec les progrès de l'industrie et la concurrence que se font les nations industrielles, la question de l'art appliqué à l'industrie a acquis la plus haute importance. C'est à la suite des expositions internationales de Londres et de Paris que toutes les nations ont pu apprécier le bienfait du développement des arts industriels. Ce bienfait a été compris aussi chez nous, puisque à Bruxelles même une association a été formée par voie de souscriptions particulières, il y a trois ans, dans le but d'encourager les arts industriels.

On a constaté que dans la plupart de nos villes l'application des arts à l'industrie laisse beaucoup à désirer.

On a constaté aussi qu'au point de vue de l'art même, l'enseignement laisse un grand nombre de lacunes ; qu'il serait désirable de pouvoir introduire certaines mesures pour établir plus d'uniformité dans l'enseignement de l'art, dans la plupart de nos villes. Le gouvernement accorde des subsides, mais il n'exerce aucune espèce de surveillance sur l'emploi de ces crédits et sur l'organisation de l'enseignement artistique dans la plupart des villes du pays.

Il a donc paru à la commission de 1854 qu'il était temps de songer à donner une organisation uniforme à la plupart des académies du pays.

On a cru qu'il y avait lieu d'appliquer à cet enseignement les principes appliqués à l'enseignement littéraire et à l'enseignement scientifique. On a cru qu'il serait utile d'établir des concours entre les élèves des diverses divisions des académies.

Aujourd'hui, il n'y a de concours qu'entre les élèves de chaque académie. On les stimulerait davantage en établissant le concours entre toutes les divisions des diverses académies du pays, à des conditions à stipuler dans un règlement organique.

Pour provoquer l'organisation uniforme de l'enseignement de l'art dans la plupart de nos villes, on avait cru convenable, non de nommer un inspecteur, comme semble le croire la section centrale, mais d'accorder une indemnité pour frais de voyage à des hommes compétents, fonctionnaires de l'administration centrale ou artistes éminents, qu'on chargerait de vérifier de temps en temps l'état de l'enseignement de l'art dans les diverses parties du pays.

Il ne faut pas croire que si ce crédit est demandé au chapitre des beaux-arts, il ne doit avoir pour objet que l'art considéré en lui-même, c'est l'art appliqué à l'industrie que nous avons en vue d'encourager.

C'est la tendance que le gouvernement voudrait voir donner à l'art ; dans la plupart de nos villes les deux tiers au moins des jeunes gens qui fréquentent les académies se destinent à l'industrie.

Eh bien, il n'y en a peut-être pas même le quart qui poursuivent la route de l'art proprement dit. Il faudrait donc organiser l'enseignement de l'art de telle manière que dans la première division, celle des commençants, il y eût un enseignement uniforme qui serait encore commun aux jeunes gens qui se destinent soit à l'industrie, soit à l'art proprement dit. C'est seulement dans la division supérieure que la bifurcation s'établirait et qu'on appliquerait le système en vigueur à Anvers, où il y a, à l'Académie, un cours spécial pour les jeunes gens qui se destinent à l'industrie.

Voilà, en quelques mots, quelle serait la destination que le gouvernement voudrait donner aux 10,000 fr. d'augmentation qu'il demande. Voilà la pensée qu'a inspirée cette demande.

La Chambre appréciera l'utilité de cette dépense. Elle a pu voir dans les développements qu'elle a sous les yeux la donnée principale qu'il s'agit de réaliser et les moyens auxquels on aurait recours pour réformer l'organisation actuellement incomplète et plus ou moins défectueuse de l'enseignement des arts plastiques et graphiques dans nos académies.

M. Maertens, rapporteur. - Comme vous l'avez remarqué, messieurs, le gouvernement demande 10,000 fr. pour encourager les beaux-arts dans les villes autres que celle d'Anvers. La section centrale a complètement approuvé la pensée qui a guidé M. le ministre, en demandant ce crédit. Ainsi que l'observation en a été faite dans le rapport, les beaux-arts se lient de plus en plus aujourd'hui à l'industrie dans ses différentes productions ; il importe donc de les propager partout. Aussi, sous ce rapport, il n'y a pas eu d'opposition.

Il n'y a qu'un seul point du crédit qui ait été contesté ; et cette contestation repose sur ce que M. le ministre, pour faire un partage équitable de ce crédit, veut faire faire l'inspection de toutes les écoles et qu'il en distrait plus du tiers pour le donner à un inspecteur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Non pas à un inspecteur, mais à différentes personnes.

M. Maertens, rapporteur. - Peu importe ; plus du tiers de la somme, je le répète, sera distribué en frais d'inspection. Or, la section centrale n'a pas pu se rallier à ce principe, et elle a même chargé son rapporteur de protester contre un tel projet, car elle a cru que c'était un moyen de distraire d'une allocation déjà très faible eu égard à l'importance de son objet, une partie notable pour créer de nouvelles places sans la moindre utilité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il n'est pas question de cela.

M. Maertens, rapporteur. - En définitive, messieurs, toute la question se réduit à savoir sur qui tombe le choix du gouvernement quand il s'agit de question d'art.

r, la plupart du temps, son choix se porte sur des gens qui se prétendent artistes et qui ne sont que des employés, des buralistes, n'ayant pas la moindre notion pratique et tout à fait incapables, par conséquent, d'émettre un jugement judicieux sur une question appartenant au domaine de l'art.

D'un autre côté, vous le savez, messieurs, rien n'est et ne doit être plus libre que l'art ; et je ne puis pas comprendre que le gouvernement, ait la prétention de lui servir de guide et de lui imprimer l'impulsion qui lui convient.

Je ne puis pas comprendre que le gouvernement ait la prétention de créer une école gouvernementale, d'imposer un pinceau gouvernemental, une couleur gouvernementale.

L'art, je le répète, doit être abandonné à ses libres inspirations ; l'artiste doit jouir de la plénitude de sa liberté et de son initiative ; et s'il est une chose dans laquelle l'intervention du gouvernement est impossible, c'est certainement en cette matière.

Je comprends qu'en fait d'arts industriels le gouvernement se réserve une certaine direction ; mais même à ce point de vue je ne puis admettre le principe de l'inspection. Ce sont les communes qui font les sacrifices les plus considérables pour établir des écoles industrielles et elles savent donner à ces institutions l'impulsion nécessaire pour qu'elles progressent. C'est ainsi que dans nos principales communes ont été érigées des écoles très florissantes dans lesquelles la partie industrielle est enseignée par d'excellents professeurs et cela tout à fait en dehors de l'action gouvernementale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Elles reçoivent des subsides.

M. Maertens, rapporteur. - Oui, sans doute ; mais ce sont les communes qui ont fait les dépenses les plus considérables ; ce sont elles qui ont pris l'initiative de la fondation de leurs écoles et les 10,000 fr. que le gouvernement mettrait dans la balance des sacrifices réciproques seraient évidemment insignifiants.

Je crois donc, messieurs, que, de même que les communes ont pris (page 999) l'initiative de la fondation de leurs écoles, il faut leur en laisser la direction exclusive, parce qu'elles sont les premières intéressées à la prospérité de ces institutions.

Ces critiques ne s'adressent pas directement à M. le ministre, qui, je pense, n'a pas conçu l'idée contre laquelle je m'élève ; car je tiens à rendre hommage à sa parfaite intelligence de l'art, à laquelle tous nos artistes n'ont cessé d'applaudir ; je le reconnais trop judicieux appréciateur pour qu'il n'admette pas avec moi que le gouvernement ne peut pas prétendre imprimer à l'art une impulsion quelconque.

La section centrale a donc bien fait de proposer la suppression de l'augmentation demandée ; et d'empêcher, autant qu'il est en son pouvoir, la nomination d'une nouvelle classe de fonctionnaires.

Quant à moi, messieurs, j'aime beaucoup les arts et je serai toujours prêt à appuyer de mon vote tout ce qui tendra à leur développement ; aussi je serais disposé à voter l'augmentation demandée si M. le ministre voulait la consacrer exclusivement aux arts ; mais je ne pourrais consentir à ce qu'elle servit à rétribuer des inspecteurs dont je n'admets nullement l'utilité.

- Le chiffre de 139,000 fr. est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

Le chiffre de 135,500 fr. proposé par la section centrale est ensuite mis aux voix et adopté.

Articles 121 à 129

« Art. 121. Académie royale d'Anvers : fr. 29,250. »

- Adopté.


« Art. 122. Idem. Part contributive de l'Etat dans les dépenses d'agrandissement et d'appropriation des locaux, laquelle ne pourra, dans aucun cas, dépasser la somme de trente mille francs. Troisième tiers ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 123. Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province de Brabant et de la ville de Bruxelles, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 124. Conservatoire royal de musique de Liège. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province et de la ville de Liège, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 24,000. »

- Adopté.


« Art. 125. Musée royal de peinture et de sculpture. Personnel : fr. 7,300. »

- Adopté.


« Art. 126. Musée royal de peinture et de sculpture. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue : fr. 23,400.

« Charge extraordinaire : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 127. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 4,800. »

- Adopté.


« Art. 128. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 129. Entretien du monument de la place des Martyrs, des jardins et des arbustes ; salaire des gardiens : fr. 2,000. »

- Adopté.

Article 130

« Art. 130. Quatrième cinquième du crédit de 518,000 francs alloué par la loi du 21 juin 1853, pour l'achèvement de la colonne du Congrès national (charge extraordinaire) : fr. 103,600. »

M. Rogier. - A l'occasion de cet article, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur quelle époque il pourrait assigner à l'achèvement de ce monument national qui a été décrété en 1849, inauguré en 1850, que nous avons vu pendant plusieurs années en quelque sorte abandonné et qui aujourd'hui est encore dans un état incomplet.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à imprimer le plus d'activité possible aux travaux d'achèvement.

Mon observation doit s'appliquer aussi à un autre monument qui a été décrété en 1850. Je veux parler de l'église de Laeken, en mémoire de la Reine. Voilà plus de six ans que ce monument a été décrété et quelques mètres à peine de maçonnerie sortent de terre. J'engage M. le ministre de l'intérieur à s'entendre avec son collègue M. le ministre de la justice, pour activer les travaux.

Messieurs, sous ce rapport la capitale offre un spectacle pénible à voir. Nous y avons un assez grand nombre de monuments inachevés. On commence sur divers points ; on n'achève sur aucun.

A cette occasion, je demanderai où en sont d'autres travaux pour lesquels des fonds ont été votés au budget. Il s'agit de la restauration du palais de la rue Ducale. On prétend qu'après les premières dépenses faites, les travaux ont été suspendus. On n'y fait plus rien et l'on ajoute que l'on n'y fera plus rien. Je voudrais avoir des explications à cet égard.

La station du Nord, et ceci concerne M. le ministre des travaux publics, est en quelque sorte à l'état de ruine.

Depuis un grand nombre d'années rien ne s'y fait, et toute la façade reste à achever.

Je parlerai aussi de l'église de Sainte-Gudule. Ce n'est pas un monument appartenant à l'Etat. Mais, aux termes de la loi communale, le gouvernement a le droit et le devoir d'intervenir dans tous les travaux d'art qui concernent les monuments publics.

Depuis 24 ans, car c'est en 1833 que les premiers subsides ont été votés, nous avons accordé des sommes très considérables pour la restauration de l'église Ste-Gudule. Si je ne me trompe, 8 à 900,000 francs ont été alloués par le gouvernement pour la restauration de ce monument. Eh bien, l'état actuel de la façade de Ste-Gudule offre un spectacle tout à fait repoussant. Je sais que le gouvernement n'a pas la direction de certains travaux, mais je l'engage à exercer son influence pour que le spectacle dont nous sommes affligés, vienne à cesser le plus tôt possible.

Puisque j'en suis aux églises, j'ai encore un vœu : ce serait de voir le gouvernement agir libéralement vis-à-vis d'une église qui promet de devenir un des plus beaux monuments du pays. Je veux parler de l'église Sainte-Marie qui se fait voir à l'extrémité de la rue Royale, et pour laquelle les communes de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek s'imposent des sacrifices ; pour laquelle aussi le gouvernement a accordé des subsides ; mais ils sont insuffisants, et voilà encore un monument qui reste abandonné.

De manière que le capitale de la Belgique n'offre partout que monuments inachevés.

J'engage M. le ministre de l'intérieur, ainsi que ses honorables collègues, à bien vouloir faire activer les travaux qui les concernent, de telle manière que nous puissions successivement jouir de la vue de monuments achevés dans le sein de la capitale.

Je sais fort bien qu'en architecture, comme en beaucoup d'autres choses, le moyen de faire bien n'est pas toujours de faire vite. Mais il y a une mesure à la lenteur. Allez lentement ; mais au moins arrivez ; achevez quelque chose ; ne laissez pas tous nos monuments publics dans un état d'abandon ou de délabrement qui blesse la vue, qui blesse, je ne crains pas de le dire, le sentiment public.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, il y a, dans les observations que vient de présenter l'honorable M. Rogier, quelque chose qui certainement est très fondé. Tous nous sommes frappés du spectacle qu'offrent, sur divers points de la capitale, les monuments inachevés.

Messieurs, j'exposerai tout à l'heure quelques motifs qui sont de nature à expliquer ces retards qu'éprouve l'achèvement des monuments dont a parlé l'honorable membre. Nous devons, messieurs, nous pénétrer de cette vérité : c'est que des monuments d'une certaine importance ne peuvent pas être et n'ont jamais été achevés en peu d'années. Si l'on pouvait comparer le temps qu'on met aujourd'hui à achever un monument avec le temps qu'il a fallu pour achever la plupart des anciens monuments qui font aujourd'hui l'orgueil de la Belgique, vous seriez étonnés de la supériorité qu'offre l'époque actuelle.

M. Rogier. - Il n'y avait pas anciennement des fonds au budget.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Non ; mais nous n'accordons que des subsides.

Je veux seulement constater qu'ici comme en beaucoup d'autres occasions, nous sommes un peu pressés d'arriver au but et de voir se compléter les choses afin de pouvoir en hâter la jouissance.

Ce n'est, du reste, qu'une remarque générale que je fais à propos des observations de l'honorable M. Rogier ; mais je n'en suis pas moins d'avis que le gouvernement doit, autant qu'il est en lui, provoquer l'achèvement de tous les monuments.

Aussi, est-ce ce que le gouvernement a fait. C'est ce qu'il a fait d'abord pour le monument de la place du Congrès.

L'honorable membre me demande quelle époque je puis assigner à l'achèvement de ce monument. Il me serait très difficile d'affirmer quelque chose à cet égard. Tout ce que je puis dire, c'est qu'une de mes premières démarches, à mon entrée aux affaires, a été d'engager la commission à presser les artistes chargés de la construction de ce monument, de l'achever dans le plus bref délai possible.

C'est une des premières lettres que j'ai écrites, c'est que j'attachais, quant à moi, la plus grande importance au prompt achèvement de ce monument national.

Aussi, messieurs, suis-je allé jusqu'aux mesures de rigueur contre l'entrepreneur qui était en retard, et c'est seulement sur la proposition de la commission qui a examiné et légitimé les causes du retard, que j'ai fait grâce à l'entrepreneur des sommes que je pouvais le forcer à payer, aux termes des conventions existantes.

Déjà, l'année dernière, j'ai confié à certains artistes les travaux d'art proprement dits, c'est-à-dire les ouvrages de sculpture.

Ils ont été confiés aux premiers artistes de la capitale ; et, depuis dix mois, ces messieurs s'occupent de la composition des modèles des diverses statues. Pour qu'on puisse apprécier l'effet que ces ouvrages doivent produire et pour en coordonner le style, des modèles ont été faits sur une échelle réduite et, il y a un mois à peine, la commission a été (page 1000) réunie pour apprécier ces modèles. Le résultat de l'appréciation a été «favorable, sauf quelques détails, et tout permet de croire que, pendant la bonne saison de cette année on pourra avancer d'une manière très sensible dans l'achèvement des œuvres d'art proprement dites.

Vous, savez, messieurs, que les statues devront être coulées en bronze, et, d'après les arrangements déjà pris, c'est à la fonderie de Liège, par conséquent dans le pays même, que nous espérons pouvoir achever cette partie du monument.

Quant à l'achèvement complet de l'ensemble du monument, il me serait difficile d'en déterminer positivement l'époque.

Tout ce que je puis promettre, c'est d'insister, tant auprès de l'architecte que des artistes, pour que tout le monde se donne la main afin d'arriver promptement au terme de ce travail important.

Quant à l'église de Latken, messieurs, cette affaire a traîné, à cause de la difficulté qu'on éprouve à se procurer la pierre convenable. Diverses négociations ont été commencées tant pour des pierres d'Allemagne que pour des pierres du pays ; maintenant, en dernier lieu, on a donné la préférence à la pierre de France. Les commandes ont été faites dans les environs de Paris ; mais leur exécution, bien que commencée régulièrement, a subi quelques retards par suite des grands travaux qui ont été exécutés dans ces derniers temps pour l'embellissement de Paris.

Du reste, messieurs, cette affaire se traite en ce moment au ministère de la justice, c'est du ministère de la justice que relève la commission qui se trouve chargée de l'achèvement de l'édifice. Tout porte à croire que la question des matériaux étant maintenant décidée, on pourra poursuivre activement les travaux.

L'honorable membre a demandé aussi où on sont les travaux de restauration du palais de la rue Ducale.

Messieurs, il n'est que trop vrai que des difficultés qui sont survenues récemment ont occasionné une suspension de ces travaux.

Peut-être sera-t-il nécessaire qu'une commission d'hommes de l'art examine la question de savoir s'il y a lieu d'achever les travaux commencés, d'après les projets primitifs.

Dans tous les cas il paraît essentiel en ce moment que des études nouvelles se fassent. Je ne puis dire quel sera le résultat de ces études, mais il est permis d'affirmer que la décision qui interviendra sera conforme aux vrais intérêts du pays.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 131 et 132

« Art. 131. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 132 Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments ; travaux à faire pour la restauration et la conservation de l'ancien phare de Nieuport ; subsides pour la restauration et la conservation d'objets d'art et d'archéologie appartenant aux administrations publiques, aux églises, etc. ; travaux d'entretien aux propriétés de l'Etat qui ont un intérêt exclusivement historique : fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 133

« Art. 133. Commission royale des monuments. Personnel. Frais de copie : fr. 2,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, je dois appeler l'attention du gouvernement sur les restaurations de plusieurs monuments de la Belgique. Il me semble qu'on n'apporte pas toujours dans ces restaurations tout le soin qu'on devrait y donner et que bien souvent les restaurations dégradent bien plus les monuments qu'elles ne les améliorent. Je citerai pour exemple le projet qui parait avoir.été conçu relativement à l'église de Lobbes, un des monuments les plus anciens du pays.

Je citerai encore l'église de Soignies qui est encore très importante par sou ancienneté. Si je suis bien informé, il ne serait question ni plus ni moins que d'abattre le jubé de l'église de Soignies.

En matière de restaurations, les monuments ont plusieurs espèces d'ennemis. Les premiers, qui sont les moins mauvais, sont quelquefois les curés, qui par affection pour le monument, le couvrent de choses inutiles et dégradent le style.

La deuxième catégorie d'ennemis, ce sont les fabriciens et quelquefois les conseillers communaux, qui veulent faire du style joli.

Mais les plus grands ennemis des monuments, ce sont les architectes qui veulent toujours substituer leur idée à l'idée du constructeur. Et malheureusement la commission des monuments est presque exclusivement composée d'architectes.

Nous avons vu des restaurations faites qui étaient de véritables dégradations. On ne sait pas respecter le style primitif du monument, ou bien l'on ne distingue pas ce qui est adjonction de ce qui est primitif.

Du reste, vous aurez, sans sortir de chez vous, une preuve de ce qu'est souvent le haut goût des architectes. Dans cette magnifique salle qui est exclusivement dans le style grec le plus pur, on a mis, autour de la statue du Roi, des ornements du goût de la renaissance. Je justifie ainsi fa classification que je faisais tout à l'heure des divers ennemis des monuments.

Le gouvernement fera bien d'être extrêmement attentif à cet objet. J'insiste pour qu'on se pénètre de cette idée, qu'en matière de restauration des monuments, la première de toutes les règles, c'est, non pas de mettre son esprit à la place de celui qui a construit le monument, mais d'agir servilement, et en suivant ce système, on arrivera à faire une restauration utile.

Voyez la cathédrale de Bruxelles. L'église, de Sainte-Gudule est sans doute un monument très remarquable ; eh bien, dans le siècle dernier, des architectes ont cherché à introduire la modernisation dans ce monument. Tous les chapiteaux du rez-de-chaussée ont été détruits et remplacés par des guirlandes de fleurs.

On était tellement dans ces idées, qu'il existe encore à Tournai un devis des travaux de modernisation d'un des plus importants édifices du pays ; et l'architecte, auteur de ce devis, disait que, pour faire un ouvrage de haut goût il fallait détruire tous les chapiteaux anciens.

Je voudrais que le gouvernement trouvât le moyen de faire rendre à l'église de Ste-Gudule son caractère primitif. Ce ne serait pas une dépense considérable. Je voudrais voir disparaître les guirlandes de fleurs pour faire place aux anciens chapiteaux dont il reste des types. Je voudrais, en un mot, qu'on apportât à ces sortes de choses le soin scrupuleux que le roi Théodoric recommandait à ses architectes, il y a 1,400 ans.

- Personne ne demandant, plus la parole, l'article 133 est mis aux voix et adopté.

Articles 134 et 135

« Art. 134. Commission royale des monuments. Matériel et frais de déplacement : fr. 5,400 »

- Adopté.


« Art. 135. Exposition nationale des beaux-arts (charge extraordinaire) : fr. 25,000. »

- Adopté.

Chapitre XX. Service de santé

Article 136 à 140

« Art. 136. Frais de route et de séjour pour l'inspection des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, et des travaux relatifs à cette inspection (charge extraordinaire) : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 137. Frais des commissions médicales provinciales ; police sanitaire et service des épidémies : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 138. Encouragements à la vaccine ; service sanitaire des ports de mer et des côtes ; subsides aux sages-femmes pendant et après leurs études ; subsides en cas d'épidémie ; impressions et dépenses diverses : fr. 26,300. »

- Adopté.


« Art. 139. Académie royale de médecine : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 140. Conseil supérieur d'hygiène publique ; jetons de présence et frais de bureau : fr. 4,200. »

- Adopté.

Chapitre XXI. Eaux de Spa

Article 141

« Art. 141. Subside pour les établissements publics de la commune de Spa : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre XXII. Traitements de disponibilité

Article 142

« Art. 142. Traitements temporaires de disponibilité (charge extraordinaire) : fr. 10,594 16 c. »

- Adopté.

Chapitre XXIII. Dépenses imprévues

Article 143

« Art. 143. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 9,900. »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l'ensemble du projet

La Chambre décide qu'elle procédera séance tenante au vote définitif du budget de l'intérieur.


Elle confirme successivement les amendements qui ont été introduits, lors du premier vote, dans les articles 37, 48bis, 49, 60, 81 et 120.


L'article unique du texte du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Le budget de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1857, à la somme de sept millions, sept cent cinquante-neuf mille cent onze francs soixante et dix centimes (fr. 7,759,111-70), conformément au tableau ci-annexé. »


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget. Voici le résultat de cette opération.

67 membres sont présents.

62 membres répondent oui.

5 membres (MM. Delfosse, de Man d'Attenrode, de Moor, de Renesse et Pierre) s’abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dedecker, de Haerne, de La Coste, de Lexhy, de Mérode-Westerloo, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portement, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Theux, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Licot de Nismes, Maertens, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Tremouroux, Van Cromphaut, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe et Orts.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Delfosse. - Je me suis abstenu parce que, tout en approuvant la plupart des allocations portées au budget de l'intérieur, je ne puis acquiescer par mon vote à l'accroissement de dépenses qui vient continuellement grossir nos budgets, sans être compensé par des réductions ou des recettes équivalentes. Cette manière de procéder est un moyen fort commode de contenter bien des gens, de se faire des amis ; nais je l'ai souvent dit et ne cesserai de le redire, on prépare par là de graves embarras financiers dont je redoute les conséquences pour mon pays.

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai pas voté le budget, parce que les dépenses s'accroissent d'une manière intolérable.

Je n'ai pas voté le budget, parce que plusieurs crédits sont destinés à favoriser immédiatement des interventions d'autant plus onéreuses aux contribuables qu'elles préparent dans l'avenir des embarras sérieux. Elles préparent une génération dont la moitié à peu près demandera à administrer, à inspecter et à régenter l'autre pour vivre à ses dépens.

D'un autre côté, j'ai éprouvé de la répugnance à refuser les moyens de service de l'administration.

Voilà ce qui m'a déterminé à m'abstenir de voter le budget.

M. de Moor. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai exprimés l'année dernière ; aujourd'hui j'ajouterai : que je n'ai pas voté pour le budget parce que les crédits et subsides vont toujours en augmentant sans que le gouvernement les répartisse d'une manière plus juste, plus équitable entre toutes les provinces. Je n'ai pas voulu voter contre, parce qu'il ne peut entrer dans ma pensée de laisser en souffrance les services publics.

M. de Renesse. - Je n'ai pas voté pour le budget, parce que n'ai pu donner mon assentiment à certaines augmentations de dépenses, allouées sur différents chapitres ; je crois qu'il y a nécessité de restreindre les dépenses de l'Etat, pour ne pas, par suite, devoir encore augmenter les charges déjà assez lourdes des contribuables ; n'ayant cependant pas voulu donner un voie hostile au budget du département de l'intérieur, et, en particulier, envers l'honorable ministre de l'intérieur, j'ai cru devoir m'abstenir.

M. Pierre. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que mon honorable collègue et ami M. de Moor.

M. le président. - MM. Crombez, Tack et de Liedekerke demandent un congé.

- Accordé.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des travaux publics est distribué depuis plusieurs jours. Je pense qu'il est temps de mettre cet objet à l'ordre du jour. Cependant, comme des annexes n'ont été distribuées qu'hier et que quelques membres pourraient désirer avoir un jour de plus pour les examiner, on pourrait employer la séance de lundi à discuter un crédit de 70 mille fr. demandé pour le département des travaux publics et la loi provisoire concernant les jurys d'examen, à entendre des rapports de pétitions et mettre le budget des travaux publics à l'ordre du jour de mardi.

M. de Moor. - Je crois que la Chambre ne peut convenablement, dès à présent, fixer la mise à l'ordre du jour de mardi, de la discussion du budget des travaux publics. Le rapporteur de la section centrale, l'honorable M. de T’Serclaes est retenu chez lui par un douloureux événement de famille.

- Un membre. - M. de T'Serclaes a écrit qu'il serait mardi à la disposition de la Chambre.

M. de Moor. - S'il en est ainsi, je n'insiste pas.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures.