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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 5 mars 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 395) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 3 heures et quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

< Le sieur Raoux, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la Chambre pour que le temps de ses services militaires en France soit porté en ligne de compte dans sa pension, et demande le payement des arrérages dus à raison de ses services. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Blaise, ancien instituteur à la section préparatoire de l'école moyenne de Visé, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Seraing demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires. »

« Par 24 pétitions, des habitants de Charneux, Momignies, Laer, Glons, Grand-Bigard, Emine, Carlsbourg, Neufchâteau, Marchin, Bachtce-Maria-Leerne, Lanaeken, Biesme, font la même demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Des instituteurs du canton de Florenville prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. de Moor. - Je demanderai que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport. Des pétitions ayant le même but ont été déposées sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur. Elles ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur. Je crois que si la commission nous faisait un prompt rapport sur cette requête, elle pourrait être également renvoyée à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications.

M. Pierre. - J'appuie la demande de l'honorable M. de Moor. Il est incontestable qu'il y a quelque chose à faire pour l'amélioration du sort des instituteurs.

- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport est ordonné.


« Le sieur Joseph Barrachin-Saddet, ramoneur à Tongrinne, né à Serravalle (Savoie), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Nicolas Schmidt, sapeur-pompier à Louvain, né à Burmerange (grand-duché de Luxembourg), demandé la grande naturalisation. »

- Même renvoi.


« Le sieur Duray, ancien préposé des douanes, demande la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par trois messages, en date du 4 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté les .projets de loi suivants :

« Budget du ministère des finances pour 1858 ;

« Budget du ministère de l'intérieur pour 1858 ;

« Budget du ministère des affaires étrangères pour 1858. »

- Pris pour notification.


« Par message de la même date, le Sénat informe la Chambre qu'il a rejeté la demande de naturalisation ordinaire du sieur Ferdinand Doley, garde particulier à Howardries (Hainaut). »

- Pris pour notification.


« Par message de la même date, le Sénat informe la Chambre qu'il ne sera donné aucune suite à la demande de naturalisation ordinaire du sieur M.. Nothomb, propriétaire à Arlon, attendu le décès du pétitionnaire. »

- Pris pour notification.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique

Rapport de la section centrale

M. de Renesse. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 30,000 fr. au budget de la dette publique pour l'exercice 1857. »

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il figurera à la suite des objets à l'ordre du jour

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1858

Rapport de la section centrale

M. d'Hoffschmidt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics pour l'exercice 1858.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la Chambre veut-elle fixer la discussion ?

- Des membres. - A jeudi !

- D'autres membres. - A mardi !

M. d'Hoffschmidt. - Je crois que le rapport ne pourra être distribué que lundi soir.

M. Coomans. - Ne pourrait-on attendre, pour fixer le jour de la discussion, que le rapport nous ait été distribué, ainsi que le veut le règlement et j'ajouterai le bon sens ?

- La Chambre décide qu'elle fixera le jour de la discussion après la distribution du rapport.

Projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de la guerre un crédit extraordinaire de 158,000 fr. Ce crédit offre un certain caractère d'urgence. Quelques sommes qui y sont comprises ont pour objet de payer les dépenses relatives aux digues d'Ostende qui ont été endommagées par suite des récents ouragans. Je prie donc la Chambre de vouloir s'en occuper promptement.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué.

- La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Rapport sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Sugny, le 15 février 1858, des habitants de Sugny demandent que les sections de Pussemange et de Bagimont, dépendantes de Sugny, soient érigées en commune.

Même demande des membres du conseil et d'autres habitants de Sugny.

La commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi a M. le ministre de l'intérieur.

M. de Moor. - Messieurs, sous l'administration de l'honorable M. Sylvain Vande Weyer, la Chambre a déjà été saisie d'un projet de loi portant séparation des sections de commune de Bagimont, de Pussemange et de Sugny. C'est à la suite d'une étude approfondie et d'une enquête très sérieuse que le gouvernement de l’époque a été amené à proposer la séparation de ces trois sections. Le conseil provincial a émis un vote favorable par 25 voix contre 8. Aujourd'hui, messieurs, que les trois sections sont complétement d'accord puisqu'elles ont chacune successivement demandé leur séparation, je crois que M. le ministre de l’intérieur pourrait être invité à donner des explications sur la pétition qui lui sera renvoyée. Les explications seraient très faciles ; il n’y aurai qu’à déposer le projet de loi que l’un de ses prédécesseurs avait présenté à la Chambre.

- Le renvoi avec demande d'explications est mis aux voix est adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de St-Josse-ten-Noode, le 20 février 1858, le sieur Fafchamps, inventeur de la machine à vapeur à traction directe, demande une récompense nationale.

Dois-je, messieurs, vous répéter encore ce que déjà, à quatre reprises, différentes, plusieurs honorables membres de cetre Chambre vous ont dit avec bien plus d’éloquence et de talent que je ne saurais le faire ?

A plusieurs reprises d'honorables membres ont exposé tous les titres du pétitionnaire à la reconnaissance de la Chambre et du pays. Il est l’inventeur de la machine d’exhaure à traction directe, qui a fait gagner des millions aux propriétaires de mines ; ce sont les vices de la législation sur les brevets qui ont privé cet honorable ingénieur des bénéfices qu'il aurait dû retirer de son invention.

Messieurs, ce fait est incontestable et il nous a été confirmé à plusieurs reprises par les honorables MM. Mathieu, Brixhe, Rodenbach, Lesoinne et par tous ceux qui ont vu fonctionner la machine d'exhaure de M. Fafchamps. Eh bien, messieurs, je crois qu'il est un temps où l'on ne peut plus sans une injustice criante éconduire un homme qui a contribué à enrichir son pays par une invention que je n'hésiterai pas à qualifier d inappréciable.

M. Fafchamps a donc été obligé de s'adresser aux tribunaux, parce que, par suite du défaut d'accomplissement de certaines formalités qu'il aurait négligé de remplir pour obtenir un brevet d'invention, sa découverte était prétendument tombée dans le domaine public.

II n'est pas douteux, messieurs, que M. Fafchamps aurait gagné son procès s'il avait des ressources suffisantes pour le poursuivre.

Ce n'est donc qu'à défaut de moyens pécuniaires qu'il s'est vu dans l'impossibilité de retirer aucun fruit de ses intelligents travaux ; tandis que de nombreux industriels se sont emparés de son invention et l'ont appliquée à leurs usines, sans même songer à lui en témoigner la moindre reconnaissance.

Antérieurement déjà, messieurs, on a renvoyé d'autres réclamations de M. Fafchamps à M. le ministre de l'intérieur avec des recommandations toutes spéciales de la part de la commission des pétitions, recommandations que la Chambre a bien voulu appuyer, et si les explications qui ont été demandées à M. le ministre de l'intérieur en lui transmettant la dernière n'ont pas été fournies, c'est à cause de la dissolution de la Chambre des représentants.

(page 396) En attendant, voici un respectable vieillard, qui, parvenu à l’âge de 75 ans, se trouve dans le besoin alors qu'il jouirait certainement des bienfaits de la fortune, s'il avait pu retirer de ses travaux tous les fruits qu'il avait le droit d'en espérer.,

Eh bien, je dis qu'il ne serait pas digne d'une nation qui sait récompenser si généreusement ceux de ses enfants qui ont contribué soit à sa gloire, soit à sa défense, de ne pas venir en aide à cette honorable infortune.

Nous avons donc espéré que le gouvernement et les Chambres partageront ces sentiments, et nous proposons en conséquence le renvoi de la requête de M. Fafchamps à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.

M. Rodenbach. - J'ai effectivement soutenu trois ou quatre requêtes qui ont été adressées à la Chambre par cet honorable ingénieur. Non seulement, M. Fafchamps a rendu d'éminents services par son invention ; mais c'est encore un des hommes qui se sont le plus distingués à l'époque de notre révolution, notamment au siège d'Anvers ; et la décoration de la croix de Fer qui lui a été accordée est le meilleur éloge qu'on puisse faire de sa conduite comme patriote. Il est dont extrêmement désirable que le gouvernement prenne sa demande en considération. J'appuie la proposition de renvoi de sa requête à M. le ministre de l'intérieur qui le connaît et qui n'ignore pas que M. Fafchamps est digne de notre sollicitude.

M. Vermeire. - Je n'ajouterai rien, messieurs, aux éloges qu'on vient de faire de l'invention de la machine à traction directe pour extraire le charbon. Nous savons tous que cette invention a rendu de grands services au pays. Pour ma part donc, j'appuie de toutes mes forces le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur. Cet honorable ministre avisera à ce qu'il y a lieu de faire.

Cependant, messieurs, je crois qu'au point de vue du trésor, il est très dangereux de poser le principe des récompenses nationales pour des inventions déterminées, car l'adoption d'un semblable principe pourrait nous conduire beaucoup plus loin que nous ne voulons aller.

Je pense qu'il serait de l'intérêt même de ce vieillard respectable que ceux qui ont principalement profité de son invention se cotisassent pour lui accorder la récompense qu'il demande au gouvernement. (Interruption.)

Je ne crois pas que ces industriels qui profitent tous les jours de cette invention voulussent, comme on semble le faire voir, éconduire l'inventeur. D'autre part, au point de vue de l'intérêt de M. Fafchamps lui-même, cette démarche me paraît devoir lui profiter plus tôt que celle qu'il attend de la récompense nationale, récompense qui peut se faire attendre encore assez longtemps.

M. Lesoinne. - Messieurs, comme dans des sessions précédentes, je viens me joindre aux honorables MM. Rodenbach et Vermeire, pour recommander la demande de M. Fafchamps à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur.

Les services que l'invention de M. l'ingénieur Fafchamps a rendus à l'industrie du pays sont incontestables et incontestés.

Je crois donc que cet ingénieur aurait droit à une récompense nationale, dût-on même imposer aux charbonnages qui profitent de cette invention, une taxe spéciale pour cet objet, et pour ma part, comme exploitant de charbons, je prendrai volontiers part à cette souscription, si elle était ouverte.

Je recommande donc la demande de M. Fafchamps à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je ne prends la parole que pour répondre quelques mots à 1 honorable M. Vermeire.

L'honorable M. Vermeire ne doit pas le perdre de vue, c'est surtout à cause des vices de l'ancienne loi sur les brevets d'invention que M. Fafchamps a été privé du bénéfice qu'il retirerait nécessairement de son invention, s'il avait fait cette découverte sous l'empire de la nouvelle loi. Le gouvernement a donc une mesure quelconque à prendre de ce chef. Je me joins, par conséquent, aux honorables préopinants qui ont tous pris la parole en faveur de M Fafchamps, pour le recommander à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur.

M. Vermeire. - Messieurs, je crois, comme je l'ai dit tantôt, que cette invention a rendu des services signalés au pays et surtout à ceux qui se servent de la machine inventée par M. Fafchamps ; je pense d'autre part, comme je l'ai également déclaré, qu'il serait peut-être plus avantageux pour cet ingénieur de recevoir une récompense de ceux qui profitent de son invention.

Si le gouvernement doit proposer une loi, cela pourra traîner en longueur, parce que la Chambre pourra hésiter à admettre un principe qui, une fois posé, pourrait nous mener excessivement loin.

Du reste, dans mon opinion, le pétitionnaire mérite toute la bienveillance du gouvernement et des Chambres.

M. Malou. - Messieurs, déjà la Chambre a renvoyé à M. le ministre de l'intérieur des pétitions analogues.

Je crois que cette fois-ci, il faudrait demander des explications au gouvernement sur des faits.

Est-il constant, oui ou non, que l'ingénieur Fafchamps est l’inventeur de la machine dont il s'agit et qu'à raison de l'imperfection de la loi sur les brevets d'invention, le fruit de cette découverte a été perdu pour lui ? Si ce fait était établi, je dirais immédiatement qu'il y a lieu de faire pour l'ingénieur Fafchamps ce qu'on a fait pour d'autres personnes qui ont rendu des services au pays et qui n'ont pas pu en retirer l'utilité qu'ils avaient droit d'en espérer. Si, dis-je, ce fait était établi, il y aurait lieu, de la part de la Chambre, d'user de son initiative pour qu'une récompense proportionnée au service rendu fût accordée à l'ingénieur Fafchamps.

Je sais que plusieurs fois des allocations ont été portées au budget pour accorder des pensions, à titre de récompenses pour services rendus, à des littérateurs ou à des poètes, dont je suis loin de contester le mérite ou la gloire. L'inventeur de la machine à vapeur à traction directe aurait des droits plus puissants à une récompense de la part des Chambres.

Renvoyer cet inventeur aux charbonniers pour recevoir sa récompense, c'est véritablement l’éconduire. Il est impossible qu'il aille de charbonnage en charbonnage demander l'aumône à raison de cette invention tombée dans le domaine public.

Je modifierai les conclusions de la commission, en ce sens que la pétition serait renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications, qui porteraient surtout sur la question de savoir si l'invention de la machine à traction directe appartient réellement au sieur Fafchamps et s'il a été empêché de tirer parti de cette invention, à raison des vices qui existaient alors dans la loi sur les brevets d'invention. Je fais cette proposition formelle.

M. Coomans. - Je ne viens pas m'opposer au renvoi proposé par mon honorable ami, M. Malou ; mais je ferai observer, pour l'honneur de la Belgique et de son gouvernement, que l'ingénieur Fafchamps n'a pas été complètement abandonné ; il a reçu à diverses reprises des secours pécuniaires assez importants. J'ai fait cette déclaration par la raison que je viens d'indiquer, et non pour m'opposer à la proposition faite par plusieurs membres.

- Le renvoi proposé est ordonné.

Projet de loi prorogeant le terme fixé pour la réduction du personnel des tribunaux de première instance de Tournai et de Charleroi

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la commission qui a examiné le projet de loi soumis à votre délibération m'a fait, quant à certains tribunaux, des recommandations auxquelles je crois devoir répondre en quelques mots.

Le devoir du gouvernement est d'assurer une bonne et prompte justice et de mettre par conséquent le personnel des tribunaux en rapport avec le nombre des affaires qui leur sont soumises.

J'ai si bien compris ce devoir que, dès mon entrée au ministère, je me suis occupé de cette partie de mon administration. Pour le tribunal de Charleroi une instruction a été commencée ; peut-être les rapports sont-ils déjà rentrés. Quant aux autres tribunaux pour lesquels on réclame une augmentation de personnel, j'ai demandé la situation des affaires, la statistique indiquant le nombre des causes en retard.

Je me propose également de commencer très prochainement une instruction quant aux différents tribunaux où l'on a signalé une insuffisance de personnel et un arriéré considérable. Dès que cette instruction sera faite ; dès que j'aurai acquis la conviction que c'est au défaut de personnel qu'est dû le retard qu'éprouve la solution de nombreux procès qui y sont pendants, je m'empresserai de soumettre à la Chambre les dispositions que je croirai nécessaires pour porter remède à l'état actuel des choses ; et, le cas échéant, j'en saisirai encore la Chambre dans le cours de la présente session.

M. Jouret. - Messieurs, on nous propose de maintenir, jusqu'au 15 octobre 1862, la loi du 25 mai 1848, qui a augmenté le personnel du tribunal de première instance de Tournai. Le délai fixé primitivement pour la durée de cette loi a déjà été prorogé deux fois et nous allons le prolonger encore.

Le gouvernement exprime la conviction qu'avant l'expiration de cet terme additionnel, il interviendra un vote définitif sur la nouvelle organisation judiciaire.

Cependant nul ne peut répondre que ces prévisions seront réalisées. Malgré les bonnes intentions du ministère et de la Chambre, il n'est pas impossible que cette troisième période s'écoule, comme les autres, sans que nous soyons sortis du provisoire, et nous devrons alors faire une quatrième fois ce que nous faisons aujourd'hui, c'est-à-dire renouveler la prorogation.

Dans l'incertitude où nous sommes de l'avenir, il serait, me semble-t-il, plus simple et plus convenable, ne fût-ce que pour gagner du temps, de maintenir, dès à présent, la loi du 25 mai 1848, jusqu'à la mise à exécution de la nouvelle loi organique.

Ce n'est pas néanmoins pour proposer un amendement dans ce sens, que j'ai demandé la parole : ce n'est pas non plus pour combattre le projet en délibération.

La mesure proposée est utile ; elle est indispensable dans l'intérêt des justiciables ; et je ne reculerai jamais devant les dépenses commandées par une nécessité de cette nature ; car c'est une économie déplorable et futile, que celle qui se fait aux dépens de la bonne administration de la justice.

Mon but est d'expliquer aujourd'hui mon vote favorable au projet ; je tiens à déclarer formellement que je considère l'adoption de ce projet comme ne préjugeant en aucune manière le maintien définitif de l'état de choses qu'il laisse provisoirement subsister. Cette opinion est bien aussi, je pense, celle de la Chambre et celle du gouvernement. S’il était possible qu'il en fût autrement, je ne saurais me prononcer avec trop d'énergie contre le projet.

(page 397) J'espère, en effet, voir figurer dans l'organisation nouvelle une création qui, peut-être, ne sera pas sans influence sur la fixation du personnel à Tournai, et quand je dis création, le terme n'est pas absolument exact, car il s'agit d'une institution qui a déjà fonctionné au commencement du siècle dernier, et qu'on avait reconnu la nécessité de rétablir vers la fin du régime autrichien.

Je veux parler de l'érection d'un tribunal à Ath, ville qui fait partie de l'arrondissement de Tournai.

Je n'anticiperai pas, messieurs, sur les raisons décisives qui appuient cette mesure et qui me feront prendre l'initiative de la proposition, si le projet de loi ne la contient pas. Je ne vous dirai rien d'une circonscription territoriale bizarre qui fait du nom d'arrondissement une dérision, une véritable ironie ; qui oblige les justiciables à des déplacements onéreux que rien ne compense ; qui, par exemple, relègue à 40 kilomètres environ du siège du tribunal la commune que j'habite. Ces considérations et d'autres qui vous seront exposées en temps opportun justifieront alors ma proposition, comme elles justifient aujourd'hui les réserves que je mets à mon vote.

M. Landeloos. - En prenant part, messieurs, à la discussion qui s'ouvre sur le projet de loi soumis à nos délibérations, je n'entends aucunement combattre le projet. Je déclare, au contraire, l'adopter conjointement avec mon honorable collègue M. Jouret qui vient de prendre la parole.

J'entends purement et simplement appuyer le vœu émis à l'égard du tribunal de Louvain par la commission qui a examiné le projet de loi. Si j'avais été assez heureux d'être en possession des documents statistiques sur lesquels mon honorable collègue M. de Luesemans s'est appuyé quand il a présenté sa réclamation en faveur du tribunal de Louvain, je pourrais entrer dans de longs développements pour démontrer le fondement de cette demande.

Mais, n'ayant pas obtenu ces renseignements, que j'avais demandés, je me bornerai à vous dire, que pendant plus de 30 ans que j'ai exercé la profession d'avocat devant le tribunal de Louvain, j'ai toujours pu constater que tous les magistrats qui ont tour à tour occupé ce siège, ont fait les plus nobles efforts afin de parvenir à vider l'arriéré des affaires qui sont pendantes devant ce tribunal, et que, nonobstant leur bon vouloir ils n'ont pu empêcher que bon nombre de causes ne soient arrivées à leur terme que plusieurs années après avoir été introduites.

Qu'il me soit encore permis d'ajouter un mot relativement à une appréciation qui a été faite à l'égard du tribunal de Louvain.

On a fait entendre, messieurs, que parfois MM. les avocats abusaient de la parole et que c'était peut-être à cette loquacité qu'il fallait attribuer l'arriéré du tribunal de Louvain.

Eh bien, pour ne vous parler que de deux circonstances dans lesquelles j'ai moi-même plaidé, je dirai qu'il est arrivé que les plaidoiries de l'une des deux causes auxquelles je fais allusion ont pris trois audiences devant le tribunal de Louvain, tandis qu'elles ont tenu six audiences devant la cour d'appel de Bruxelles ; l'autre cause, qui avait été plaidée à Louvain en une audience et demie a occupé la cour d'appel de Bruxelles trois audiences.

Ces faits constituent, je pense, une réponse suffisante au reproche que la magistrature de Louvain laisserait abuser de la parole.

Je crois donc pouvoir appuyer vivement le vœu émis par la commission et exprimer l'espoir qu'il se réalisera bientôt.

M. de Luesemans. - J'ai été très heureux, messieurs, d'entendre mon honorable collègue M. Landeloos, racheter un peu le silence qu'il avait gardé dans une de nos dernières séances, par quelques paroles qui prouvent que lui aussi comprend la question comme je l'ai comprise moi-même ; à savoir que le personnel du tribunal de Louvain est réellement trop peu nombreux pour la lourde charge qui lui incombe et que le moment de s'en expliquer était venu.

Mon honorable collègue a expliqué son silence de l'autre jour par cette considération que, s'il avait été assez heureux pour avoir en sa possession les documents statistiques que j'ai obtenus, il se serait alors joint à moi.

M. Landeloos. - J'ai dit que ces documents m'auraient permis d'entrer dans de plus longs développements.

M. de Luesemans. - Ces documents statistiques, messieurs, si je les ai eus, c'est parce que je les ai demandés ; ce n'est ni plus simple, ni plus difficile que cela.

Ayant à parler sur le tribunal de Louvain, j'ai obtenu de ce tribunal même, d'abord certains documents que l'honorable M. Landeloos possède comme moi ; ces documents étant incomplets, j'en ai demandé d'autres qui m'ont été donnés également et je les ai produits devant la Chambre.

Du reste, je suis heureux, à un autre titre encore, de l'intervention de l'honorable membre ; c'est que, dans le camp où il se trouve et où je ne me trouve pas, circule cette opinion que l'on imprime, qu'en portant la question devant la Chambre, j'avais, moi, compromis et pour longtemps le sort du tribunal de Louvain... (Interruption.)

Je ne vous reproche donc pas, mon honorable collègue, d'être intervenu pour défendre la même cause que moi ; je vous en remercie, au contraire ; je constate seulement la manière dont on interprète mes paroles et votre silence.

Maintenant, messieurs, les paroles encourageantes que vient de prononcer M. le ministre de la justice seront, je puis en donner l'assurance, accueillies à Louvain comme une espèce de baume ; elles y seront reçues comme un véritable bienfait, surtout si M. le ministre tient, comme, j'en suis persuadé, la promesse qu'il nous a faite de présenter encore dans la présente session, un projet de loi qui rencontre la demande que j'ai déposée et qui, rendant au tribunal de Louvain la justice qui lui est due, lui permette d'expédier les nombreuses affaires qu'il a dû laisser en souffrance.

M. Vermeire. - Dans une de nos précédentes séances, j'ai eu déjà l'occasion d'appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur la nécessité de créer au tribunal de première instance de Termonde une seconde chambre ou du moins d'en augmenter le personnel.

Lors de la discussion du budget de la justice, dans une autre enceinte, l'honorable comte de Ribaucourt a produit quelques renseignements statistiques qui prouvent combien cette nécessité est évidente et combien il importe d'y satisfaire. Aujourd'hui, je lis dans le rapport qui a été présenté par l'honorable M. Lebeau, que, le tribunal de Louvain excepté, celui de Termonde est le premier dans l'ordre de ceux qui réclament une augmentation de personnel. Il est donc démontré, de nouveau et de la manière la plus évidente, que le personnel du tribunal de Termonde est insuffisant. Je ne puis, du reste, que remercier M. le ministre de la justice de l'engagement qu'il a bien voulu prendre devant la Chambre de présenter un projet de loi qui porte remède à ce fâcheux état de choses.

M. Landeloos. - Messieurs, il est vraiment déplorable qu'à l'occasion d'une réclamation qui a étéé faite dans l'intérêt de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, un de mes honorables collègues ait cru devoir m'adresser des reproches. Je ne pense pas que dans mes paroles se soit trouvée une seule expression dont puisse s'offenser mon honorable collègue ni que j'aie usé de moyens que la loyauté puisse réprouver.

Qu'ai-je dit, messieurs ? J'ai témoigné le regret de n'être pas en possession des mêmes renseignements statistiques que ceux sur lesquels mon honorable collègue a appuyé sa réclamation dans la séance du 1er février dernier. J'ai ajouté que si j'avais été assez heureux pour les avoir, j'aurais pu, comme lui, entrer aujourd'hui dans de plus longs développements pour démontrer le fondement des réclamations qu'il avait faites.

De ces paroles l'honorable membre déduit que je l'attaque, que j'ai démontré qu'il avait agi d'une manière qui n'était nullement favorable à l'arrondissement qu'il est principalement chargé de défendre, et il trouve convenable de saisir la Chambre de certains reproches qui lui auraient été adressés par d'autres personnes pouvant appartenir au parti que je représente.

Messieurs, je ne puis être responsable des reproches que l'une ou l'autre personne adresse à l'un de mes collègues. Je ne suis responsable que des paroles que je prononce en ma qualité de représentant, et comme tel je suis prêt à donner toutes les explications que mon honorable collègue croirait convenable de me demander. Je ne crains point de faire un appel au souvenir de tous les membres de la Chambre pour leur demander si une parole quelconque qui soit de nature à le blesser dans sa délicatesse ou dans son honneur, est sortie de ma bouche ?

M. de Luesemans. - Je demande la parole pour un fait personnel.

J'ai beaucoup de peine à m'expliquer les paroles que je viens d'entendre. Je ne pense pas avoir adressé à l'honorable M. Landeloos un reproche quelconque, à moins que les expressions ne chargent de signification dans le court trajet qu'elles ont à parcourir pour arriver jusqu'à lui ; il me semble que je l'ai, au contraire, remercié d'être venu enfin à mon secours en intervenant dans une affaire à propos de laquelle on disait, dans un camp où il se trouve et où je ne me trouve pas, que j'avais, en parlant dans une précédente séance, compromis la situation du tribunal de Louvain et que l'honorable M. Landeloos, en se taisant, l'avait favorisée. Or, l'honorable M. Landeloos vient de faire ce que j'ai fait ; il a appuyé ce que j'ai demandé, nous sommes parfaitement d'accord. Je ne vois donc pas ce qu'il peut y avoir d'offensant pour lui dans mes paroles. Je le félicite au contraire d'avoir parlé et, je le répète, je Peu remercie.

M. Ch. Lebeau, rapporteur. - Messieurs, la commission qui a eu à vous faire rapport, n'avait à s'occuper que de deux tribunaux ; celui de Tournai et celui de Charleroi. Mais un des honorables membres de la commission a cru devoir émettre un vœu en ce qui concerne le tribunal de Louvain ; il nous a exposé quelle était la situation de ce tribunal, l'arriéré qui y existe, et après examen, nous avons cru que ce vœu était légitime et nous nous y sommes ralliés. C'est pourquoi nous l'avons consigné dans le rapport.

Quant aux tribunaux de Tournai et de Charleroi, le projet de loi n'a été l'objet d'aucune espèce d'observation. Seulement en ce qui concerne le tribunal de Charleroi, nous avons cru devoir appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité d'augmenter le personnel de ce tribunal qui est évidemment insuffisant.

En appelant l'attention du gouvernement sur ce point, nous n'avons pas eu pour but et il n'a pas été dans notre pensée de stimuler le zèle de M. le ministre de la justice. Nous savons que ce zèle ne nous fera pas défaut ; nous avons dit nous-même dans le rapport qu'il s'occupe de la question, que l'affaire est en instruction. Seulement nous avons voulu lui faire connaître d'avance quelle était notre opinion. C'est l'unique (page 398) but des observations qui se trouvent dans le rapport relativement à l'insuffisance du tribunal de Charleroi.

M. le ministre de la justice nous fait espérer que dans le cours de cette session il présentera un projet de loi qui donnera satisfaction à cet intérêt. Nous sommes heureux d'entendre cette déclaration et nous espérons que rien ne s'opposera à ce qu'il y soit donné suite.

M. Wala. - Messieurs de nombreuses réclamations se sont déjà produites et ont été adressées au gouvernement pour lui signaler l'insuffisance du tribunal de Dinant.

M. Coomans. - Aïe ! aïe ! aïe !

M. Wala. - Aïe ! aïe l aïe ! (Interruption.) Votre exclamation n'empêchera pas la vérité de partir de ma bouche.

Je dis que de nombreuses réclamations se sont déjà produites pour établir l'insuffisance du tribunal de Dinant, qu'il y a là un arriéré considérable, qu'il est urgent qu'un remède soit apporté à cet état de choses.

Cependant, je ne viens pas demander de piano et aujourd'hui qu'il soit pourvu à cette insuffisance.

Mais, Comme M. le ministre de la justice vient de nous dire qu'une instruction est faite dans le but de pourvoir à l'insuffisance de quelques tribunaux, je me bornerai à lui demander si le tribunal de Dinant est compris au nombre de ceux sur lesquels porte cette instruction.

M. Deliége. - Messieurs, au risque de provoquer une seconde exclamation, je dois attirer l'attention du gouvernement sur l'arriéré considérable qui existe au tribunal de Liège. Je puis vous assurer qu'aucun tribunal ne se trouve dans une position semblable. Dernièrement, en ma présence, une personne y arrivait avec une signification et l'avocat lui répondit : Nous parlerons de cette affaire dans deux ou trois ans.

Voilà la situation. Je prie M. le ministre de bien vouloir porter son attention sur tous les tribunaux du royaume et de comprendre dans son travail le tribunal de Liège ; je suis d'ailleurs persuadé qu'il en sera ainsi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne sais si je me suis mal expliqué tantôt ; mais je ne crois pas avoir dit qu'une instruction était déjà commencée quant à tous les tribunaux. Pour rester dans le vrai, je dirai que cette instruction est commencée quant au tribunal de Charleroi.

Quant aux autres tribunaux, je me suis fait faire, comme je l'ai dit, une statistique de la situation des affaires, et d'après l'examen superficiel que j'en ai fait, les tribunaux où les affaires sont le plus arriérées, et où, par conséquent, il me semble qu'une augmentation de personnel deviendra nécessaire, c'est d'abord le tribunal de Charleroi ; après Charleroi vient le tribunal de Termonde, où le nombre est très considérable, ensuite les tribunaux de Louvain, de Dinant, de Liège. Le tribunal de Bruxelles demande également un ou deux juges de plus pour que ses chambres soient complètes.

Voilà, messieurs, de mémoire, les tribunaux sur lesquels portera l'instruction que je me propose de commencer le plus tôt possible ; et dès que j'aurai acquis la conviction qu'une augmentation de personnel est nécessaire pour assurer l'expédition des affaires, je saisirai la Chambre, et probablement encore pendant cette session, des propositions nécessaires pour qu'une prompte et bonne justice soit assurée.

Je pense, messieurs, que ces déclarations suffiront aux honorables membres qui ont pris la parole aujourd'hui et à ceux qui, dans la commission, ont provoqué les explications que je viens de donner.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Le terme fixé par l'article 3 de la loi du 25 mai 1838 pour la suppression successive des places créées près les tribunaux de première instance de Tournai et de Charleroi, par les articles 1 et 2 de cette loi, est de nouveau prorogé jusqu'au 15 octobre 1862. »

Il est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 75 membres présents.

Ce sont : MM. Ansiau, Coomans, Coppieters t Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Roc, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Lexhy, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Magherman, Manilius, Moncheur, Notelteirs, Pierre, Rodenbach, Saeyman, Tack, Tesch, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wala, Wanderpepen et Orts.

Projet de loi révisant le régime du transit

Rapport de la section centrale

M. Moreau dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant révision du régime du transit.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport etl e met à la suite de l'ordre du jour.


M. le président. - A quelle heure la Chambre entend-elle se réunir demain ?

- Plusieurs membres : A mardi.

- La Chambre décide qu'elle s'ajourne à mardi 2 heures.

La séance est levée à 4 heures et demie.