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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 3 février 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 627) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Zéphir Fontaine, maréchal des logis au 3ème régiment d'artillerie, né à Clairfontaine (France), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Antoine Van Boecksel demande que les agents de l'administration respectent la volonté des négociants qui se font adresser des marchandises sur un entrepôt de la douane. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Prompts rapports de pétitions

(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Roulers, le 21 janvier 1860,1a veuve Dubois, ouvrière à Roulers, demande que son fils Charles-Louis, incorporé au 8ème régiment en qualité de substituant d'un milicien servant en sus du contingent de la levée de 1850, obtienne son congé définitif.

Il paraît, messieurs, que ce milicien a été obligé de marcher alors que le contingent de la commune était complet. La veuve Dubois demande que son fils reçoive son congé définitif. Votre commission, messieurs, sans être à même d'apprécier les motifs que la pétitionnaire fait valoir, vous propose, néanmoins, le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre.

(page 627) M. Rodenbach. - Messieurs, c'est moi qui ai demandé un prompt rapport sur la pétition de la veuve Dubois. J'ai reçu des renseignements de la ville de Roulers même ; un membre du conseil de milice m'a donné l'assurance que le contingent était complet sans le fils Dubois, substituant, et cependant on l'a fait marcher.

Je ne connais pas d'autres détails, mais je dois m'en rapporter aux notables qui ont recommandé cette requête. Je propose à la Chambre de renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications.

M. Allard. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Rodenbach vous a dit que c'était lui qui avait réclamé un prompt rapport. Cela fait voir l'inconvénient qu'il y a de passer près du bureau pour demander de prompts rapports. On n'entend pas et on laisse passer sans observations ces motions, qui très souvent ne sont pas motivées.

Qu'y avait-il dans la pétition de la veuve Dubois qui pût motiver un prompt rapport ? Nous avons plusieurs feuilletons de pétitions où se trouvent analysées des pétitions de nombreuses mères et veuves sollicitant le renvoi dans leurs foyers de leurs fils engagés sous les drapeaux, et l'on n'a pas demandé un prompt rapport sur ces pétitions ; pourquoi celle préférence pour la pétition de la veuve Dubois ?

Voyons d'ailleurs la position du milicien dont il s'agit dans ce moment. L'individu est un substituant et il a reçu une somme quelconque pour avoir été substitué à un autre, il est donc militaire volontairement !!

Après avoir reçu de l'argent pour servir en place d'un autre, sa mère vient maintenant demander qu'on le renvoie dans ses foyers ; mais s'engage-t-elle en même temps à rendre l'argent ? Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur cette pétition.

(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, le motif qui a engagé la commission à vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, c'est que déjà cette veuve s'est adressée, à trois reprises différentes, par requête, au département de la guerre dont elle n'a pas obtenu une solution favorable.

Maintenant elle s'adresse à la Chambre afin que M. le ministre de la guerre veuille bien examiner la question de savoir si réellement son fils servait en sus du contingent. C'est à ce point de vue que la commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

(page 627) M. Rodenbach. - Messieurs, je répondrai à l'honorable M. Allard que la question d'argent ne nous concerne pas, qu'elle n'est pas de notre compétence, qu'elle concerne exclusivement les deux personnes intéressées. Mais pour nous, il s'agit de savoir si on a le droit de faire marcher un substituant, lorsque le contingent était complet. Or, M. le président de la chambre de commerce, qui est en même temps membre de la commission, m'écrit qu'il est certain que c'est à tort qu'on a fait marcher le fils Dubois ; ce dernier serait donc en droit de demander son congé.

M. J. Jouret. - Messieurs, je viens appuyer les observations qu'a présentées l'honorable M. Allard. Il est positif qu’il y a, dans la manière dont se fait ordinairement l'analyse des pétitions adressées à la Chambre, un abus très grave et qu’il me semble absolument nécessaire de faire disparaître. Cette analyse se fait toujours au milieu de l’inattention générale et du bruit qui se fait dans la Chambre.

Je pense qu’à cet égard il y a lieu d’exécuter le règlement. Il n’est personne de nous qui n'ait eu, dans différentes occasions, à regretter d'avoir laissé passer des pétitions sans avoir fait valoir les observations que nous avions à faire. M. le président se rappellera qu'il est arrivé souvent que cette manière irrégulière de présenter l'analyse des pétitions a obligé des membres de la Chambre à demander le lendemain par motion d'ordre, à présenter des observations sur des pétitions qui avaient échappé à leur attention.

Cette manière de procéder me paraît parfaitement regrettable. Je prétends qu’elle porte atteinte à des garanties précieuses inscrites dans la Constitution ; elle porte atteinte à l’article 21 qui consacre le droit de pétitions, puis à l’article 33 qui consacre la publicité des séances de la Chambre. Ceux de nous concitoyens qui adressent des pétitions à la Chambre, de même que les représentants de la presse, ont parfaitement le droit, des tribunes qui leur sont réservées, d'entendre l'accueil qui est fait à ces pétitions.

Il est positif, que dans une certaine mesure, la manière dont se fait l'analyse des pétitions porte une atteinte à ces deux garanties consacrées par la constitution.

Au reste, l'article du règlement est formel ; il suffit d'en donner lecture à la Chambre pour qu'elle en soit convaincue. L'article 18 s'exprime ainsi :

« Aucun député ne peut parler qu'après s'être fait inscrire ou qu'après avoir demandé de sa place la parole au président et l'avoir obtenue. »

Et plus loin :

« L'orateur ne peut s'adresser qu'au président ou à l'assemblée. Les députés parlent de leur place ou de la tribune et debout. »

Vous voyez que cela est clair et qu'il est très convenable d'exécuter ce que le règlement prescrit à cet égard.

En appuyant donc les observations de M. Allard, je pense qu'il suffira d'avoir signalé ces faits à M. le président pour qu'à l'avenir il fasse exécuter le règlement ; nous aurons tous à y gagner ; les députés aussi bien que nos concitoyens qui assistent à nos débats dans les tribunes et les représentants de la presse qui ont le droit d'entendre tout ce qui se dit et de voir tout ce qui se fait dans cette enceinte.

M. Rodenbach. - J'appuie les observations de l’honorable préopinant, mais j'appuie en même temps le renvoi de la pétition de la veuve Dubois au ministre de la guerre.

(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Il y a une autre lacune ou inobservance dans le règlement en ce qui concerne les pétitions. Les membres qui font partie de la commission se plaignent de ce que les rapports ne sont jamais présentés à la Chambre à jour fixe, comme le veut l'article 65. Quand un membre de la commission a préparé ses rapports et les à soumis à la commission qui en a adopté les conclusions, ces formalités remplies, il doit conserver ses pièces dans son tiroir pendant trois ou quatre semaines avant d'être admis à présenter son rapport à la tribune.

Il y a à cela un très grave inconvénient ; celui qui a étudié son dossier, élaboré un rapport, se trouve souvent appelé à l'improviste ou même en son absence à les présenter à la Chambre, alors qu'il a perdu de vue l'objet d'une pétition dont le peu d'importance ne mérite souvent pas de fixer son attention soutenue et continuée pendant des mois entiers. C’est cet inconvénient dont se plaignent amèrement tous les membres des commissions des pétitions et qu'on ne fera cesser qu'en établissant un jour fixe où les rapports de pétitions seront régulièrement présentés, conformément à l'article 65 du règlement.

(page 627) M. le président. - Sur le rappel au règlement de M. J. Jouret, je dois présenter la défense du bureau.

Le bureau, par un usage qui s'est introduit au sein de la Chambre depuis un temps plus qu'immémorial, a commis le crime d'accorder la parole à des membres qui la demandaient sans être à leur place.

Le bureau, après cet aveu, n'a pas l'intention de montrer le moindre endurcissement dans le péché, et le règlement sera désormais exécuté à la lettre. Mais le bureau croit que revenir à l'exécution stricte du règlement, n'est pas le moyen qui permettrait le mieux d'atteindre le but que se propose l'honorable M. Jouret.

Le bureau croit que les pétitions pour lesquelles on demande de prompts rapports seront mieux connues du public et de la Chambre, si la Chambre voulait bien s'imposer le devoir de garder le silence pendant l'analyse des pétitions. Ce serait là un moyen plus efficace de savoir ce qui se passe que d'exiger des membres qu'ils se rendent à leur place pour demander la parole sur une pétition.

M. de Theux. - Je me permettrai de faire une autre observation qui explique l'abus dont a parlé l'honorable M. Jouret et qui est vrai. Souvent l'analyse des pétitions a lieu avec rapidité et à voix basse ; ceux qui ont intérêt à recommander une pétition s'approchent de la tribune pour être sûrs de bien entendre celui qui fait l'analyse, afin de demander un prompt rapport ou de faire telle autre proposition qu'on juge à propos.

Je demande qu'à l'avenir la lecture de l'analyse des pétitions soit faite à haute voix et d'une manière intelligible.

M. J. Jouret. - Je n'ai pas besoin de me défendre de l'idée que M. le président m'a prêtée d'avoir voulu attaquer le bureau. Mes observations ne s'adressaient nullement au bureau. Mais je trouve peu convenable que lors de l'analyse des pétitions nous allions tour à tour marmotter au pied de la tribune quelques mots parfaitement inintelligibles pour le reste de la Chambre, et que M. le président lui-même et MM. les sténographes ont presque toujours beaucoup de peine à saisir.

Quant à l'observation qu'a faite M. le président, elle abonde dans mon sens ; la Chambre doit garder le silence, et je crois que les membres, en parlant de leurs bancs, seront mieux à même d'attirer l'attention de la Chambre et d'en obtenir le silence.

M. le président. - Le règlement sera exécuté à l'avenir, mais le bureau espère que la Chambre voudra bien contribuer à sa bonne exécution en gardant le silence pendant l'analyse des pétitions.

Je mets aux voix l'ordre du jour proposé par M. Allard.

M. Allard. - Je retire ma proposition.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de h guerre, avec demande d'explication, proposé par M. Rodenbach, est mis aux voix et adopté.


(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Schedewindeke en décembre 1859, des habitants de Scheldewindeke se plaignent de ce que le collège des bourgmestre et échevins reste incomplet, et présentent des observations contre un arrêté de la députation permanente du conseil provinciale de la province de la Flandre orientale, en date du 19 juin 1858, ordonnant l’envoi d’un commissaire spécial dans cette commune.

Messieurs, lorsque la loi communale a été portée par la législature, le droit d'élire les bourgmestre et échevins était accordé aux comices électoraux. Par des raisons d'une haute importance, cette loi a été modifiée et on a réservé au gouvernement le droit de nommer les bourgmestre et échevins. Mais à cette époque il n'est pas entré dans l'intention du législateur que des communes restassent veuves de leurs bourgmestre et échevins.

Votre commission n'a pas examiné si la députation permanente était dans son droit en envoyant dans une commune un commissaire spécial contre lequel les habitants et le conseil communal de Scheldewinckele réclament. Elle se borne à vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explication.

M. B. Dumortier. - Messieurs, l'affaire dont il est ici question présente à mes yeux un véritable caractère de gravité, en ce sens que depuis le renouvellement des conseils communaux, c'est-à-dire depuis deux ans et demi la commune qui se plaint est sans bourgmestre et sans échevin eu remplacement de celui qui était sorti.

Comment cela se fait-il ? a-t-on donné au gouvernement par la loi communale le droit de nommer le bourgmestre et les échevins d'une commune, afin de laisser cette commune sans ses principaux fonctionnaires ? Je pense que, si, à cette époque, on était venu dire à la Chambre que quand il plairait à un ministre quelconque de ne pas nommer un bourgmestre et des échevins dans une commune, il en agirait ainsi, on n'aurait probablement pas accorde au gouvernement le droit de (page 628) nommer des magistrats qui, en 1830, n'appartenaient pas à son élection, mais qui étaient nommés par le peuple

Comment !, on laisse une commune pendant deux ans et demi sans bourgmestre et sans échevin ! Mais que deviennent les libertés communales ? Quand il n'y a plus d'administration complète, où est donc alors le collège échevinal ? Le collège échevinal n'existe plus ; vous êtes tombés dansl'e régime des maires français. Eli bien, je dis que c'est là un abus criant contre les libertés communale» !!

Je sais fort bien qu'il y a dans la loi un article qui prévoit le cas où le bourgmestre manquera et qui indique les moyens de le remplacer. Mais je ferai remarquer qu'évidemment, dans l'esprit de cet article, il s'agit de vacature momentanée, mais non pas de laisser un conseil échevinal sans nomination pendant l'espace de deux ans et demi. Cela est, messieurs, intolérable, et je dois dire que c'est, à mes yeux, une véritable illégalité !

Je sais bien qu'il peut arriver des circonstances, des circonstances solennelles dans lesquelles le gouvernement a des devoirs nationaux à remplir. Ainsi, par exemple, si un conseil échevinal était composé de gens qui s'avoueraient nettement les ennemis de la nationalité du pays, qui voudraient le retour de l'étranger, je concevrais et j'approuverais la conduite d'un ministre qui dirait : Je ne subis pas de pareilles exigences, parce que ces exigences sont contraires à un intérêt supérieur à tous les autres, au salut de la nationalité.

Mais de quoi s'agit-il ? Le conseil communal de la commune de Scheldewindeke a été réélu à l'unanimité. Il n'y a donc pas de contestation dans cette commune. Mais si je suis bien informé, toute l'affaire git dans ceci ; c'est que la figure de la personne que le conseil communal désigne comme bourgmestre, et qui est un honorable sénateur, ne convient pas au gouvernement. Ce n'est pas, du reste, le seul. Car non loin de là, un autre honorable sénateur, qui est aussi conservateur, a également une figure qui ne plaît pas au gouvernement et ou ne nomme pas le bourgmestre.

Certes, des hommes qui ont été nommés du conseil communal de leur commune, qui sont investis en outre du mandat de siéger dans une assemblée législative, paraissent offrir des garanties désirables pour être bourgmestres. Mais ils n'appartiennent pas à l'opinion ministérielle. Voilà tout le grief.

Eh bien, je demande si c'est dans ce but que la loi a conféré au gouvernement la nomination des bourgmestre et des échevins ! Je dis que si c'est ainsi qu'on l'attend, il est évident que ces nominations se trouvent condamnées par le fait.

C'est un très grand mal que de vouloir faire des agents communaux, des agents administratifs, des êtres créés à l'image et à la ressemblance de MM. les ministres.

Messieurs, que résulte-t-il de cette situation ? Il en résulte une véritable anarchie administrative dans cette commune. Le conseil communal ne se réunit plus. On envoie des commissaires extraordinaires, très illégaux sans doute, dans la commune. Les listes électorales, les fera-t-on ? Les actes de l'état civil, qu'en arrivera-t-il ?

Que celui qui est actuellement nommé vienne à mourir, comment se feront les actes de l'état civil ? Voyez quelle perturbation cela peut jeter dans l'état social des habitants !

Mais si vous ne voulez pas prendre un bourgmestre dans le conseil, la loi communale vous donne un droit : de commun accord avec la députation permanente vous pouvez nommer en dehors du conseil. Mais il faudrait pour cela un avis motivé et il n'y a pas moyen de formuler un avis motivé.

C'est pour cela qu'on laisse une commune sans bourgmestre, je dis que c'est là une chose déplorable, et si cela doit être maintenu que l'on supprime la loi communale et qu'on rétablisse en Belgique le régime des maires de l'empire ! La Chambre a voulu faire les plus grands sacrifices pour ne pas tomber tous le régime d'un seul, elle a voulu le régime des collèges échevinaux, parce qu'il y a dans l'existence d'un collège beaucoup pins de garanties que dans l'administration d’une seule personne ; elle a voulu laisser l'administration à des collèges, suivant l’ancien droit public du pays-.

Maintenant, dans cette commune, depuis deux ans et demi tout est abandonné à un seul homme, c'est un échevin seul qui est à la tête de l'administration, et la commune réclame pour que la loi communale reçoive son exécution. Eh bien, je dis, pour mon compte, que la commune a parfaitement raison et qu'il n'est pas possible que le gouvernement laisse une commune pendant aussi longtemps sans bourgmestre et échevins.

On me dira sans doute qu'il y a des résistances, du mauvais vouloir ; th bien, messieurs, tout cela ne serait pas arrivé si, après les élections, on avait nommé un bourgmestre. Pourquoi n'a-t-on pas fait cette nomination ? Parce que la personne que la commune désignait ne plaisait pas au gouvernement, parce qu'elle ne navigue pas dans les eaux du pouvoir !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il paraît que la Chambre, qui s'attendait apparemment à de plus grandes discussions, va assister à des débats beaucoup plus restreints, à des débats d'un intérêt beaucoup moins général. Hier, nous avons eu à nous occuper longuement de la commune de Bleid ; aujourd'hui nous aurons à nous occuper de la commune de Scheldewindeke. Eh bien, messieurs, j'accepte le débat, même sur ce terrain, et je m'y sens aussi à l'aise que si l'on avait bien voulu le transporter dans des régions supérieures.

Voici, messieurs, les faits tels qu'ils se sont passés et voici la situation de la commune de Scheldewindeke.

Au mois d'octobre 1857 ont eu lieu les élections communales ; les élections, on se le rappelle, eurent pour conséquence de jeter le désarroi dans le gouvernement du pays ; le ministère, qui, depuis le mois de mai, était resté aux affaires très paisiblement, ne crut pas pouvoir continuer sa mission à la suite des élections communales du mois d'octobre 1857. Un honorable sénateur, qui n'est pas de nos amis politiques, fut nommé conseiller communal dans ces élections Nous arrivâmes au pouvoir ; l'honorable sénateur fit partie d'une association d'électeurs qui publia un manifeste. L'honorable sénateur et les électeurs étaient parfaitement dans leur droit.

Ce manifeste, messieurs, se distinguait par sa violence entre les plus violents et il y en eut de la plus extrême violence.

On accusait le ministère de tous les crimes, de toutes les fautes et on menaçait le pays de tous les malheurs. On traitait le gouvernement avec le plus grand mépris et pour résumer en un mot ce manifeste électoral signé par l'honorable sénateur, il se terminait ainsi « cette politique est antinationale, elle est antichrétienne. »

Lorsque vient le moment de nommer les bourgmestres arriva, il ne me vint pas à la pensée que l'honorable signataire d'un pareil manifeste pût oublier sa dignité au point de vouloir accepter des mains d'un cabinet antinational et antichrétien, un mandat de bourgmestre. De mon côté, j'étais très peu disposé à offrir ce mandat à un conseiller communal qui nous traitait de la sorte ; mais l'eussé-je désiré, je n'aurais pas cru pouvoir sans manquer à sa dignité, lui dire : « Voulez-vous représenter dans la commune un gouvernement antinational, antichrétien ?

Il ne fut donc pas nommé non, comme on le dit, que sa figure me déplût (je n'ai rien à reprendre à sa figure), mais sa conduite me paraissait inconciliable avec l'occupation du mandat de bourgmestre et même avec l'offre qu'on lui en aurait faite.

Que fit ce conseiller ? Il paraît que, reconnaissant l'impossibilité d'occuper les fonctions de bourgmestre, il employa cependant tous ses efforts pour empêcher qu'elles ne fussent acceptées par d'autres.

Le gouvernement nomma un échevin. Cet échevin, très brave homme, se montra fort disposé à accepter ; mais par des moyens d'influence que je ne veux pas faire figurer ici, on obtint qu'il se désistât. Des démarches furent faites auprès de divers autres conseillers communaux subissant les mêmes influences, mais tous refusèrent. Il en résulta qu'un seul échevin en titre demeura pour administrer la commune, non sans être assailli de difficultés. Voilà, messieurs, la situation.

Le gouvernement, dit-on, manque à tous ses devoirs en ne nommant pas. Le gouvernement a fait tous ses efforts pour nommer, mais en vain. Il ne s'est pas adressé à l'honorable sénateur dont on parle ; j'en ai dit les motifs. Je ne sais pas s'il accepterait, mais je sais parfaitement qu'à sa place, je considèrerais mon honneur comme intéressé à ne pas accepter.

Est-ce à dire que l'administration soit impossible dans la commune ? Pas le moins du monde. Si on voulait y mettre de la bonne volonté, l'administration pourrait parfaitement marcher.

Messieurs, il y a des exemples antérieurs à mon entrée au ministère. Je pourrais citer des communes qui sont restées pendant 4 ou 5 ans sans bourgmestre. On a fini par nommer des bourgmestres en dehors du conseil, lesquels, (par parenthèse), ont été renversés, aux élections suivantes, par le corps électoral. Quant à moi, je n'ai pas eu recours jusqu'à présent à ce moyen extrême de proposer des bourgmestres en dehors du conseil, précisément pour échapper à ce reproche de mettre de la violence dans mes actes administratifs. J'ai peut-être eu tort, et je commence à le regretter.

Quoi qu'il en soit, l'administration communale est confiée à un seul échevin en titre qui remplit avec zèle son office, et il n'est pas seul. La loi communale a été faite par des hommes pratiques : elle n'a pas supposé le cas où une commune se trouverait sans administration. En cas de vacance ou de décès d'un échevin ou d'un bourgmestre, la loi y pourvoit ; ce sont les plus anciens conseillers qui doivent en remplir les fonctions. C'est ce qui doit avoir lieu dans la commune dont il s'agit, à moins encore que par cette pression qu'on exerce sur tous les conseillers communaux, on ne veuille empêcher les conseillers communaux, désignés par la loi, de remplir leurs fonctions.

Quant au conseil communal, s'il refuse de remplir son devoir, par exemple, d'arrêter sou budget, de régler les rôles d'impôts, que doit faire l'administration supérieure ? Elle n'est pas désarmée ; la loi communale a prévu le cas, et en même temps qu'elle refusait au pouvoir exécutif le droit de dissoudre les conseils communaux, elle veillait à ce que les affaires communales ne pussent pas être suspendues par le mauvais vouloir d'une administration communale ; elle prescrit que chaque fois qu'une administration communale manque à son office, le gouverneur ou la députation permanente enverra un commissaire spécial aux frais des administrateurs qui négligent de remplir leurs devoirs. C'est ce qui s'est fait. L'administration communale, toujours sous l’influence que j'ai signalée, a déclaré qu'elle ne ferait plus rien, aussi longtemps qu'on n'aurait pas nommé un bourgmestre ; qu'elle n'arrêterait plus le budget, qu'elle ne réglerait plus les rôles de (page 629) contributions. Qu'a fait la députation permanente de la Flandre orientale ? Elle a envoyé un commissaire aux frais des conseillers communaux récalcitrants ; le budget a pu être fait, et le rôle des contributions a pu être arrêté.

Messieurs, il n'est pas question, comme on l'a dit, de soumettre le pays au régime de l'empire. Il n'y a pas très longtemps que ce régime-la ne faisait pas trop d’horreur ; aujourd’hui on commence à ne plus vouloir de ce régime ; nous n'en avons jamais voulu ; nous ne voulons pas du régime des maires de l'empire, et la loi communale n'en veut pas.

Chose bizarre ! L'honorable M.B. Dumortier qui, dans un de accès démocratiques, demandait la nomination des bourgmestres et des échevins par les électeurs, ne s'aperçoit pas que ce qui existe aujourd'hui à Scheldelwindeke est précisément le régime qu'il demandait, il y a quelques années avec tant d'ardeur. Ce sont les magistrats élus qui administrent, en l'absence des magistrats nommés par le Roi.

L'honorable membre ne doit donc pas trop s'effrayer de ce régime-là.

Messieurs, il semble que dans ce pays de liberté et d'indépendance il faudrait se féliciter qu'il n'y ait pas plus de conflits ; il est étonnant qu'avec l'indépendance et la liberté de nos institutions, avec l'indépendance, il faut le dire, des caractères ; il est étonnant, dis-je, que le gouvernement ne rencontre pas un plus grand nombre de difficultés dans le maniement si considérable des affaires communales.

Il y a plus de sept mille magistrats municipaux à nommer. Il devrait y avoir là une source de difficultés et de conflits très fréquents. Eh bien, ces conflits sont la très rare exception ; il n'y a pas aujourd'hui dans le royaume quatre communes, je pense, qui donnent lieu à des difficultés de ce genre, et sous ce rapport, je pense que mes honorables prédécesseurs n'ont pas eu la même bonne fortune que moi.

Messieurs, voilà les explications que j'avais à donner relativement à la pétition. Je ne pourrais que les reproduire par écrit, si la pétition m'était renvoyée par la Chambre.

Je crois donc que ce renvoi sera inutile ; je me réserve, au surplus de donner des explications ultérieures, s'il est nécessaire.

Je ferai observer en passant qu'il n'y a pas deux ans et demi que dure cette situation. La situation date du 1er janvier 1858, en supposant que le gouvernement eût été en mesure de faire des nominations pour le 1er janvier 1858. Il est manifeste que tout se passerait dans l’ordre, que l'anarchie qui règne dans la commune disparaîtrait immédiatement, si les auteurs de cette situation, au lieu d'exercer leur influence pour rendre toute administration impossible, voulaient bien appliquer leurs influence conservatrice à ramener l'ordre dam la commune, en n'exerçant pas une pression illégitime sur les honnêtes conseillers communaux dont plusieurs ne demandent pas mieux que d'accepter le mandat de bourgmestre ou d'échevin, pour autant qu'on veuille bien leur garantir ceci, qu'on ne leur enlèvera pas les biens qu'ils ont en location ;que tel industriel ne perdra pas ses pratiques, et qu'on retira d'autres menaces encore, sous le poids desquelles on opprime, depuis deux ans, les candidats qui ne demanderaient pas mieux que de faire acte de bon vouloir à l'égard du gouvernement ; car ils ne sont pas de ceux qui considèrent le gouvernement comme antichrétien, antinational ; ces honnêtes campagnards seraient très disposés à servir le gouvernement, s'ils n'étaient pas sous l'influence qui ne leur laisse pas leur liberté d'action.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour combattre la pétition : c'est ce que vient de faire M. le ministre de l'intérieur. J'attendrai donc que l'honorable M. B. Dumortier ait répliqué à l’honorable ministre, avant de prendre, à mon tour, la parole.

M. B. Dumortier. - Messieurs, ce n'est pas sans surprise que j'ai vu M. le ministre de l'intérieur reléguer les questions d'intérêt communal sur ce qu'il appelle le petit terrain. Le petit terrain, pour nous, c'est le plus grand. Le pays ne s'occupe pas énormément de nos luttes de partis ; mais ce dont s'occupe le pays, c'est de la conservation de ses libertés communales.

La Belgique est un pays communal par excellence et la liberté communale est pour lui la plus chère de toutes parce qu'elle est traditionnelle. Loin d'être le petit terrain du débat, c'est, à mes yeux, le grand terrain du débat. Hier mon honorable ami, M. Moncheur, signalait un fait excessivement grave qui s'était passé dans la commune de Bleid où des adresses réclamant toute espèce de justice du gouvernement....

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comment !toute espèce de justice !

M. B. Dumortier. - Mais M. le ministre l'a reconnu puisqu'il donne tort au bourgmestre, il n'y a pas à se récrier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'avais pas à rendre toute espèce de justice.

M. B. Dumortier. - Certainement que si, puisque vous avez reconnu que le bourgmestre n'avait pas le droit de convoquer le conseil communal chez lui à une distance considérable du centre, alors qu'il y avait une maison communale. Il y avait là une justice qu'on aurait dû rendre depuis deux ans.

Aujourd'hui il s'agit d'un autre fait, il s'agit de nomination de bourgmestre et d'échevins, il s'agit d'une commune où depuis deux ans et quatre mois... (Interruption.)

Voulez-vous deux ans ? Soit, c'est une question de savoir si le gouvernement peut laisser une commune perdant deux ans sans représentant de l'autorité communale.

Je demande si c'est pour cela qu'on a donné au gouvernement le droit de nomination des bourgmestres et des échevins ; la même chose existe dans une autre commune ; et tout cela pour une seule cause, parce que deux honorables sénateurs appartiennent à l’opinion conservatrice, on ne e ut pas les nommer alors que ces communes veulent les avoir pour bourgmestres.

Agir de la sorte, n'est plus faite de l'administration, c'est moitié l'esprit de parti, l'esprit d'exclusion partout, c'est contraire aux mœurs du pays, à tout ce que veut le pays ! Quand vous avez un conseil communal libéral, que vous nommiez bourgmestre un conseiller libéral, rien de plus juste ; mais quand vous avez un conseil conservateur, il faut bien nommer un bourgmestre conservateur.

Mais, direz-vous l'honorable sénateur a signé une pièce où il est dit que le gouvernement est antinational et antichrétien ? C'est là un acte politique ; n'a-t-on plus le droit d'occuper une fonction publique, parce qu'on ne partage pas l'opinion du gouvernement ? Est-ce que le gouvernement veut exclure de toute fonction publique quiconque n'appartient pas à son opinion ? Qu'il le dise. Que devient alors cet article de la Constitution : tous les Belges sont égaux devant la loi ? La grosse moitié des Belges sera en dehors de la loi.

il importe peu que le bourgmestre d'une commune rurale n'ait pas approuvé la formation d'un cabinet, cela n'est pas un obstacle à ce qu'il remplisse des fonctions administratives Mais, dit le ministre, le sénateur a oublié sa dignité en consentant à représenter un gouvernement qu'il déclarait antinational, antichrétien...

- Plusieurs voix. - Eût oublié.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On ne lui a pas fait d'ouverture à cause de cela.

M. B. Dumortier. - Raison de plus. Je pense qu'on peut très bien nommer bourgmestre d'une commune rurale un conseiller qui ne partage pas l'opinion du gouvernement. Combien d'entre vous, de la gauche comme de la droite, ont été bourgmestres sous un ministère d'une opinion différente de la leur ! Je pourrais même citer des gouverneurs et beaucoup de commissaires de district qui ne dérogeaient pas à leur dignité en conservant ces fonctions sans partager les opinions du gouvernement dont ils étaient les agents.

Il n'y a donc là aucune dérogation à la dignité ; ce n'est pas surtout quand il s'agit de communes rurales et de bourgmestres qu'on peut invoquer une pareille raison. Car depuis quand les bourgmestres sont-ils les agents du gouvernement ? C'est l'antipode de la loi communale. Les bourgmestres ne sont pas les agents du gouvernement, mais les exécuteurs de la loi dans leur commune ; le bourgmestre, agent du gouvernement, c'est le régime des maires de France, que nous avons tous repoussé, que la Belgique entière repousse !

Le bourgmestre est chargé de faire exécuter les lois ; or, les lois sont les mêmes pour tous, elles n'ont pas de couleur ; le bourgmestre est l'agent administratif du gouvernement ; c'est présenter les choses sous un jour inexact que de prétendre que les bourgmestres sont les agents du gouvernement. Ils ne le sont pas.

M. le ministre rejette sur la loi communale qui dit qu'en cas de vacance il y a lieu de faire administrer la commune par les conseillers les plus anciens. Ce n'est pas cela qui se trouve dans la loi. En effet que porte l'article 107 de la loi communale ? « En cas d'absence ou d'empêchement du bourgmestre et jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par le gouvernement...» (Interruption.)

Remarquez ces mots « en cas d'absence ou d'empêchement »... (Interruption.) J'admire beaucoup ces espèces de rires ! Est-ce qu'il entrait dans vos esprits de laisser les communes trois ou quatre ans sans bourgmestre ? Dite -le franchement ; aucun de vous n'oserait le dire ! Vous aimez trop vos libertés communales ; vous voulez l'application de ce système quand il s'agit de vos amis, mais vous ne l'admettrez pas en principe.

Moi je prends la loi pour tous, pour vous comme pour nous ; nous avons fait l'article 107 dans le but unique de pourvoir aux cas d'absence ou d’empêchement, bien entendu jusqu'à ce que l’élection soit faite et que le gouvernement y ait pourvu ; on comprend que le gouvernement ne peut pas faire, toutes les nominations en un jour ; mais il s'agit de deux ans et de deux communes où l'opinion publique désigne deux sénateurs pour les fonctions de bourgmestre ; on ne veut nommer ni l'un ni l'autre. C'est un véritable abus.

Cette anarchie disparaîtrait, dit M. le ministre, si les personnes qui en sont les auteurs secondaient le gouvernement. Singulière manière de raisonner !

Vous voulez que ceux que vous repoussez et que l'opinion publique désigne, vous viennent en aide. Si quelqu'un est cause de l'anarchie qui existe, c'est le gouvernement ! Plus vous tarderez à répondre au vœu de la population, plus vous vous exposez à avoir l'anarchie dans la commune ; vous vous trouvez en présence d'une force d'inertie contre laquelle vous n'avez pas de moyen d'agir. Le tort appartient au gouvernement qui n'a pas fait de nomination.

(page 630) Et je dis pour mon compte, que c'est un véritable abus que de laisser une commune sans bourgmestre pendant plusieurs années, alors qu'on n'a pas de motifs excessivement graves, qu'on a seulement une raison politique pour s'opposer à la nomination.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, la pétition qui nous est soumise soulève deux questions : une question d'administration et une question de légalité.

M. le ministre de l'intérieur vient vous expliquer par quelles difficultés le gouvernement a été empêché, jusqu'à présent, de nommer un bourgmestre à Scheldewindeke. Vous pouvez vous faire une idée de la position dans laquelle s'est trouvé le gouvernement vis-à-vis de l'esprit d'anarchie qui s'est introduit dans cette commune. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler.

Ces pétitionnaires, comme le conseil communal, ne se sont pas seulement attaqués au gouvernement, ils se sont attaqués à la députation permanente, dont ils accusent les actes d'être « illégaux et inutiles ». Je ne suis pas tout à fait du même avis, et pour vous prouver que je suis en droit d’émettre mon opinion, je vais vous dire quelques faits qui se sont passés dans cette commune.

Il est fâcheux que ceux qui se plaignent aujourd'hui ne l'aient pas fait plus tôt. Je crois que ce serait une affaire vidée depuis longtemps. Car, à mon avis, le gouvernement, loin d'avoir fait trop, a fait trop peu.

Il aurait dû commencer par casser quelques délibérations qui ont été prises dans cette commune ; et ensuite entendre l'avis de la députation permanente pour voir s’il n'y avait pas lieu de nomme un bourgmestre hors du conseil. Peut-être que, par ce moyen, on aurait fini par vaincre les résistances.

Je me bornerai donc à examiner le point légal.

Vous avez vu, messieurs, la pétition en quatre pages qui nous a été adressée, par un certain nombre d'habitants de Scheldewindeke, que j'ai le malheur de ne pas connaître, mais que je tiens honorables et même instruits, puisqu'ils nous adressent une pétition motivée, ils se plaignent d'abord de ne pouvoir être convoqués, parce qu'il n'y a pas de collège.

C'est une grande erreur au point de vue de la loi, puisqu'il y a toujours un collège. II y a un échevin, et lorsqu'il n'y a pas de second échevin et de bourgmestre, ce sont les deux conseillers les plus anciens en rang qui font fonction d'échevin et l'échevin remplace le bourgmestre. C'est là la règle. Car la loi n'a pas pu vouloir qu'une commune fût sans administration et elle a fort bien fait de rédiger cet article 107, puisqu'il peut servir dans des circonstances comme celle-ci. Mais, en fait, le conseil communal de Scheldewindeke s'est réuni ; mais savez-vous ce qu'il a fait ? Il a pris une délibération par laquelle il décidait que, aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de bourgmestre nommé, le conseil communal ne se mêlerait pas des affaires de la commune.

C'était là une délibération qui devait être cassée d'emblée ; et je ne pardonne au gouvernement de ne pas l'avoir fait, que parce que je pense qu'il n'a pas eu connaissance de ce qui s'était passé. Mais s'il en avait eu connaissance, il devait immédiatement casser cette délibération. Jamais les articles 86 et 87 n'auraient été plus justement appliqués.

Pourquoi un conseil communal est-il établi ? C'est pour délibérer sur les intérêts de la commune, pour faire les affaires de la commune ; et le premier acte que pose le conseil communal de Scheldewindeke, c'est de dire ; Je ne ferai rien. Imaginez-vous, messieurs, un tribunal qui déclarerait ne pas vouloir rendre la justice ? une Chambre qui déclarerait ne pas vouloir discuter les lois ? Mais pourquoi donc ces corps sont-ils établis ?

C'était donc un acte illégal, une délibération illégale et qui devait être cassée. On ne doit pas, on ne peut pas tolérer une pareille anarchie. Ma s enfin, le conseil communal est convoqué, le 5 mai 1858 ; et il était nécessaire qu'il se réunît, puisqu'il n'y avait pas de rôle d'imposition arrêté pour l'année précédente et qu'il n'y avait pas de budget pour l'année courante. Il est convoqué plusieurs fois et il décide qu'il ne délibérera pas ; il se sépare sans avoir rien fait, si tant est qu'il se soit réuni.

En présence d'un tel acte anarchique. (car s'assembler pour dire qu’on ne fera rien, j'appelle cela de l'anarchie, et de l'anarchie de la pire espèce), la députation permanente prend un arrêté motivé, que vous avez sous les yeux ; et déclare qu'elle va envoyer un commissaire spécial, pour faire dresser le rôle d'imposition. Car enfin, il fallait que les services publics pussent marcher. On ne pouvait laisser une commune sans fonds ; et pour qu’elle ait des fonds il faut qu'on arrête un rôle d’imposition. On a notifié à la commune cet arrêté de la députation permanente, qui porte la date du 19 juin 1858.

Le conseil communal s'assemble ; il fait une protestation contre cet arrêté ; mais mieux conseillé, se ravisant, il voit qu'il frise un peu le procureur du roi, il s'assemble de nouveau et dresse le rôle, tout en protestant et en insérant sur son registre une protestation contre la députation permanente, protestation que vous avez dans la pièce déposée.

Le fondement de cette protestation est celui-ci ; on dit : un commissaire spécial ne pouvait pas être envoyé au conseil ; il n'y avait pas de bourgmestre et d'échevin ; on ne pouvait l'envoyer qu'au collège.

Messieurs, c'est tout bonnement ne pas avoir lu la loi communale, que de soutenir pareil système Le texte de l'article 88 est celui qui a été invoqué par la députation permanente ; et alors que le conseil communal affirme qu'un commissaire spécial ne peut être envoyé que pour faire exécuter les mesures arrêtées par le conseil et qui ne seraient pas exécutées par le bourgmestre ; alors qu'il affirme qu'un tel commissaire ne peut être envoyé que contre le collège, il est assez étonnant que cet article 88 se trouve sous la rubrique du titre II, chapitre premier, qui est ainsi intitulé : « Des attributions du conseil communal. » Il est donc question du conseil communal à l'article 88 ; cet arrêté est donc fait contre le conseil communal.

Mais il suffit de lire cet article, pour être assuré qu'il en est ainsi et qu'il doit en être ainsi.

« Après deux avertissements consécutifs (ces deux avertissements avaient été donnés), constatés par la correspondance, le gouverneur ou la députation permanente du conseil provincial peut charger un ou plusieurs commissaires de se transporter sur les lieux, aux frais personnels des autorités communales. » Le conseil communal est compris dans les autorités communales, et je le répète, c’est sous la rubrique des attributions du conseil communal que se trouve cette disposition. « En retard de satisfaire aux avertissements, à l'effet de recueillir les renseignements ou observations demandés, ou de mettre à exécution les mesures prescrit s par les lois et règlements généraux, par les ordonnances du conseil provincial, etc. »

Ce commissaire spécial a été envoyé pour l'exécution de la loi générale qui est tout bonnement la loi communale, laquelle dit à quelle époque les conseils communaux doivent s'assembler, pour prendre telle ou telle disposition, dans l'intérêt de la commune. Par conséquent, les pétitionnaires ont beau vous donner toute une page, pour vous expliquer comment le commissaire spécial ne pouvait se rendre dans la commune, que contre le collège échevinal, il est clair pour moi que ce commissaire pouvait y aller aussi contre le conseil, pour forcer celui-ci à remplir les devoirs qui lui sont prescrits par la loi générale, c'est-à-dire par la loi communale.

Messieurs, s'il en était autrement, il ne serait plus possible de faire exécuter la loi. On appelé cela le refus du budget d'une commune. Nous aussi nous avons le droit de refuser le budget. Mais lorsque nous refusons le budget, le ministère a le droit de dissoudre la Chambre et d'en appeler au corps électoral. Or, la loi communale ne donne pas le droit le droit de dissolution des conseils ; et si vous n’aviez pas cet article 88 qui permet à la députation permanente (cette autorité ordinairement si respectée et si respectable) d’envoyer un commissaire spécial, vous auriez anarchie partout.

J'ai été membre d'une députation provinciale ; j'ai été commissaire d'arrondissement et je n'ai jamais vu que des communes se révoltassent contre les décisions d'une députation permanente, dans de pareilles circonstances et avec cette déplorable persévérance.

La députation permanente est composée de personnes qui représentent tous les intérêts, les intérêts des communes, du plat pays, des villes ; elle exerce une autorité paternelle, toujours respectée, et comment l'appelle-t-on ici ? Qu'est-ce qu'on dit d'elle ? C'est le conseil lui-même qui insère une qualification injurieuse, dans un acte public, consigné dans ses registres. Le conseil proteste ; il qualifie l'arrêté de la députation permanente « d'acte de violence à la fois illégal et inutile. » C'est un peu osé, d'inférieur à supérieur.

Voilà une belle chose ! Une commune, qui a le droit de s'adresser au Roi pour faire rectifier les décisions de la députation permanent dont elle croirait avoir à se plaindre, ne trouve rien de mieux à faire que d'insulter cette autorité que tout le monde respecte. Eh bien, je dis. que ce sont là des actes inouïs tels que je n'en ai jamais vu.

M. Allard. - Ce sont des conservateurs.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je n'impute pas ces actes à ceux qui ont été les instruments égarés de cette anarchie ; j'attribue leur conduite à des influences mauvaises, à des influences intéressées et je dois dire aveugles, puisque les personnes qui commettent ces violences n'ont peut-être pas une connaissance parfaite de la loi.

Mais pour vous prouver combien il nous serait impossible de tolérer une telle conduite, je vous dirai : Supposez que ce qui s'est passé à Scheldewindeke se passe à Bruxelles ? Au bout de quatre ou cinq jours, vous avez la plus effroyable anarchie, la plus effroyable révolte qui se soit vue. P.us aucun service public, plus de budget, plus de caisse ouverte, personne pour donner des ordres. Voici ce qui est arrivé dans la commune de Scheldewindeke ; les pauvres arrivent ; ou leur répond : II n'y a pas de budget, donc, il n'y a pas d'argent, et. on les renvoie à l'échevin qui n'épouse pas la cause des mécontents.

Mais que cela se passe à Bruxelles, ou même dans une ville de moindre importance, et vous aurez bientôt l'anarchie la plus complète, suivie de troubles sérieux.

Je dis donc que je regrette que nous n'ayons pas été plus tôt saisis de cette plainte, parce que par des explications sur ces faits, nous aurions montré à la commune de Scheldewindeke que ce n'est pas là la conduite qu'elle doit tenir pour le bien public, pour la bonne réputation du pays.

Messieurs, j'aime plus que personne la fermeté chez les individus et dans les corporations ; mais c'est à une condition, c\st qu'elle s’appuie sur la justice, sur le droit, sur la légalité. Hors de là, la fermeté n'est plus pour l'individu qu'entêtement. pour les corporations qu'esprit de révolte, et jamais on ne me verra soutenir de mon vote un tel esprit.

Je n'ai pas voulu animer le débat. J'aurais pu vous donner des détails (page 631) vraiment criants ; je n'ai pas voulu le faire ; je ne le ferai pas. Mais je propose à la Chambre, et la Chambre fera bien, je crois, de suivre mon conseil, de passer à l'ordre du jour sur cette pétition. Le gouvernement pourra aviser ultérieurement aux mesures à prendre, pour faire cesser ce que je ne crains pas de nommer un véritable scandale administratif.

La qualification n'est pas trop forte, appliquée à une administration communale qui se met en rébellion contre un échevin, faisant fonctions de bourgmestre ; contre le commissaire d'arrondissement, le gouverneur, la députation permanente, le ministre lui-même. J'ai trop bonne opinion de son patriotisme, pour ne pas croire que, revenue des erreurs qu'on lui a fait commettre, elle ne se soumette pas à ce que va décider la majorité de cette Chambre. Je propose formellement qu'il soit passé à l'ordre du jour sur la pétition de Scheldewindeke.

M. de Theux. - Ainsi que l’a dit l'honorable préopinant, il y a ici deux questions, une question d'administration et une question de légalité.

Je suis d'accord avec l'honorable membre qu'il n'y a aucune lacune dans la loi communale ; qu'ainsi l'article 88 qui autorise l'envoi d'un commissaire spécial, pourrait être appliqué dans une commune, à cause de la résistance du conseil communal. Mais ici ce n'est pas le cas. Pour que l'article 88 soit applicable, il faut qu'il n'y ait aucun membre du conseil communal qui consente à appliquer la loi, à exécuter la loi. Mais ici vous avez un conseiller communal qui est échevin, qui remplit les fonctions de bourgmestre en l'absence du bourgmestre. C'est à lui à convoquer le conseil communal, et à défaut de réunion du conseil communal à la troisième convocation, il en remplit les fonctions. L'article 64 est très positif et très net à cet égard. Le conseil délibère, quel que soit le nombre des membres présents, après la troisième convocation. Je pense donc que l'échevin pouvait remplir toutes les fonctions que la loi attribue au collège des bourgmestre et échevins et au conseil communal.

Je pense donc que les conseillers communaux ne sont pas tenus de payer les frais du commissaire spécial. Je crois que dans ce cas il y a eu mal-jugé lorsqu'on a voulu mettre à la change des conseillers communaux qui ne se sont pas présentés, les frais de l'envoi de ce commissaire spécial.

Ainsi la loi peut être parfaitement exécutée dans la commune de Scheldewindeke, dans la situation même où se trouve l'administration centrale. La plupart des conseillers se trouvent en désaccord avec le conseiller, échevin, bourgmestre, conseil, si vous le voulez, et collège tout à la fois. Mais c'est là l'application rigoureuse de la loi.

Vient maintenant la question administrative. Je crois que, surtout à une époque où il y a une grande division politique dans le pays, le gouvernement, quel qu’il soit, qu’il appartienne à la gauche ou à la droite, fera bien de ne pas faire attention aux questions de politique générale, lorsqu’il s’agit de composer l’administration centrale. En agir autrement conduirait à des conséquences souvent extrêmement préjudiciables.

M. le ministre nous dit : Mais comment un homme, qui s’est montré l’adversaire décidé de la politique ministérielle, pourrait-il honorablement accepter les fonctions de bourgmestre ? A cela il n'y a qu'une réponse possible. C'est que cela s'est toujours fait sans aucune difficulté dans toutes les provinces.

Et en effet, l'on peut très bien différer avec le cabinet sur la politique générale et remplir très consciencieusement et très loyalement les fonctions de bourgmestre qui consistent, en définitive, à appliquer la loi, à être fidèle au Roi et à administrer avec zèle les intérêts communaux.

Je n'en dirai pas davantage. Mon opinion est donc qu'il ne faut pas, lorsqu'on s'expose à laisser une commune pendant longtemps sans administration convenable, s’arrêter aux dissentiments politiques qui peuvent exister entre les membres du conseil et le gouvernement ; que d’autre part ce n'était pas ici le cas d'envoyer un commissaire spécial, et je pense que si les conseillers se refusaient à payer, on se trouverait embarrassé d'exécuter cette partie de la décision à leur charge.

M. E. Vandenpeereboom. - L'honorable M. de Theux vient de dire qu'on ne pouvait envoyer un commissaire spécial que pour autant que le seul membre du collège qui était en fonctions aurait néglige d'exécuter la loi, et que, dans ce cas, c'était à ce membre qu'il fallait s'adresser.

L’honorable M. de Theux a oublié que le conseil s'était constitué et avait délibéré ; c'était donc lui qui était défaillant ; c’était contre lui que devait exercer le commissaire spécial. Dans le cas présent, en agir autrement, c'eût été frapper le fonctionnaire courageux et fidèle à la loi ; c'eût été épargner le conseil, qui s'était, si pas sciemment, effectivement du moins, placé dans l'illégalité. Ce n'est point là une règle de morale et d'administration que je pourrai suivre.

Mais laissons là un moment, la légalité ; et voyons le côté pratique des choses.

Dans la pratique, que demandez-vous à eu seul membre ?

Vous voulez qu'il prenne sur lui la responsabilité de ce qu'il y a de plus délicat dans l'administration communale ; vous voulez que lui seul fasse les rôles de cotisation. Mais c'est là un acte qui est souvent d'une grande difficulté pour tout un conseil communal. Savez-vous ce que vous auriez obtenu ? C'est que cet homme, lui aussi, aurait donné sa démission et que vous auriez eu un état de choses pire encore que celui qui existe à présent. Vous ne trouveriez pas, dans une ville, un homme qui eût assez d'énergie pour accepter une semblable tâche ; et vous voulez que, dans une commune rurale, un simple fermier, qui ne connaît pas parfaitement les lois, vienne dire : « Je vais, à moi seul, imposer toute la commune ! »

Mais, messieurs, c'est une impossibilité, le législateur n'a pas voulu édicter des mesures absurdes, et il ne l'a pas fait. Après examen, je tiens l'arrêté de la députation permanente de la Flandre orientale pour très légal ; et je persiste à croire qu'on a mal fait de ne pas s'y conformer, comme le dictaient et la voix de la raison, et les règles de la hiérarchie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je commencerai par faire observer à l'honorable M. de Theux, que le gouvernement n'a pas du tout professé la doctrine qu'il n'y avait pas lieu, pour lui, de nommer bourgmestre d’une commune un adversaire politique. Loin de là, messieurs ; je professe et je pratique la doctrine contraire. Divers membres de l'une et de l'antre Chambre en sont la preuve vivante. Il y a notamment dans la Flandre orientale plusieurs bourgmestres qui appartiennent notoirement à l'opposition.

Mais il y a opposition et opposition, et certes l'honorable M. de Theux ne voudra pas condamner un ministère, fût-ce un ministère libéral, à subir la loi d'un conseiller communal, fût-il sénateur et ultra-conservateur qui l’aurait publiquement et violemment outragé. Eh bien, voilà la question, je la soumets à l'honorable M. de Theux.

Voilà la position qu'on fait au gouvernement ; il faut qu'il passe par la haute volonté, je ne dirai pas du seigneur de l'endroit, mais du grand propriétaire de l'endroit ; c'et1, messieurs, ce que le gouvernement n'a pas voulu faire et c'est ce qu'il ne fera pas aussi longtemps que je serai au ministère.

Si ce propriétaire voulait bien laisser la liberté à tous ces braves campagnards, nous aurions demain une administration complète dans cette commune.

Mais il convient à ce propriétaire de se mettre en opposition violente avec le gouvernement. Le gouvernement ne veut point passer par ses conditions, et voilà pourquoi l'anarchie règne dans la commune.

Je dis que l'honorable M. de Theux aurait agi de la même façon que nous. Il doit se rappeler que de son temps il y eut aussi des communes récalcitrantes. Que faisait l'honorable M. de Theux ? Il nommait des bourgmestres en dehors du conseil. Il pense que la politique ne doit entrer pour rien dans ces sortes de nominations et cependant l'honorable M. de Theux est connu pour avoir nommé des bourgmestres en dehors du conseil, alors que ceux qu'il aurait eu à nommer dans le sein du conseil appartenaient à l'opinion libérale et sans qu'ils eussent infligé à M. de Theux les outrages publics que nous avons reçus du conseiller communal dont il est question dans ce débat.

Si la situation actuelle doit se prolonger, je l'avoue, messieurs, elle n'est pas sans inconvénients ; elle ne serait pas tolérable dans une commune de quelque importance, l'honorable M. Vandenpeereboom l'a parfaitement expliqué et il faudra alors que le gouvernement avise à un autre moyen

La loi communale permet de nommer le bourgmestre en dehors du conseil, mais jusqu'ici j'ai reculé devant la mesure. J'aurais voulu que les choses pussent s'arranger à l'amiable, en quelque sorte. Il faudra peut-être finir par la nomination en dehors du Conseil, mais il vaudrait mieux que les influences qui s'exercent là sur un petit théâtre voulussent bien modérer un peu leur opposition locale, sauf à la reporter plus violente sur le ministère.

Je conseille à l’honorable M. Dumortier et à ses amis d'intervenir auprès de celui que je considère comme l'auteur et le fauteur de l'anarchie dans cette commune.

Maintenant, messieurs, il y a un autre bourgmestre qui est aussi sénateur et signataire du manifeste électoral que j’ai cité ; celui-là n'a pas été jusqu'ici revêtu d'un nouveau mandat, mais il n'a pas été remplacé, et aussi longtemps qu'il n'est pas remplacé et continue à exercer ses fonctions. Je ne sache pas qu'il se soit plaint de n'avoir pas reçu de nouvelle investiture.

En général, messieurs, lorsque les bourgmestres administrent avec impartialité et modération, le gouvernement n'a pas égard à leurs opinions politiques.

Naturellement, quand nous avons de nouvelles nominations à faire, nous tenons compte, à titre égal, des opinions politiques des candidats, mais personne de vous n'oserait dire qu'il n'agirait pas de la même manière.

En général, je le répète, nous nommons les bourgmestres eu égard aux services qu’ils rendent à la commune, eu égard à leur capacité administrative... (interruption.) Je pourrais, sous ce rapport, établir une comparaison entre mon administration et l'administration de mes prédécesseurs. Qu'on me cite des faits de préférence injuste, je suis prêt à accepter la discussion sur ce terrain.

(page 632) Messieurs, nous avons un grand respect pour les libertés communales. Nous avons été heureux, à notre retour aux affaires en 1847, de ramener dans la loi communale un principe qui en avait disparu quelques années auparavant : Je veux parler du principe de la participation des électeurs à la nomination des magistrats communaux. Vous savez qu'à une autre époque, sous d'autres hommes, la loi communale avait subi de graves atteintes, en ce sens que le pouvoir exécutif avait réclamé et obtenu pour lui la faculté de nommer les bourgmestres en dehors du conseil. L'administration avait usé et abusé de cette faculté par des raisons politiques, à tel point qu'en. 1847, il a fallu revenir sur cette disposition et enchaîner en quelque sorte les prérogatives du pouvoir exécutif, en déterminant qu'à l'avenir il ne pourrait faire de choix en dehors du conseil que de l'avis conforme de la députation permanente, c'est-à-dire pour des raisons administratives. Je bornerai là mes observations.

- La discussion est close.

M. le président. - Il y a deux propositions, celle de M. E. Vandenpeereboom qui demande l'ordre du jour, et celle de la commission des pétitions, qui conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, avec demande d'explications. Je mets d'abord aux voix la proposition de l'ordre du jour.

- Des membres. - L'appel nominal ! Il est procédé à cette opération.

89 membres répondent à l'appel.

55 répondent oui.

34 répondent non.

En conséquence, l'ordre du jour est prononcé.

Ont répondu oui : MM. Neyt, Orban, Pierre, Pirmez, V. Pirson, Rogier, Saeyman, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vervoort, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Manilius, Moreau, Muller, Nélis et Orts.

Ont répondu non : MM. Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Snoy, Tack, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Vermeire, Wasseige, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel. Faignart, Janssens, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier et Moncheur,

M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.

(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Munte, en décembre 1859, les membres du conseil communal de Munte demandent que le collège des bourgmestre et échevins de cette commune soit complété.

Les pétitionnaires exposent que depuis les élections du mois d'octobre 1857 le collège échevinal est incomplet. Peu de temps après, le sieur Joseph Lateur, qui était échevin, a été nommé bourgmestre en remplacement de M. Ch. Lippens. Il y eut à cette époque une vacature. Il y avait donc un bourgmestre et un échevin. Le 30 mars 1859 est venu à décéder cet échevin qui se nommait Vereecken. Depuis ce temps-là, il n'a plus été pourvu à des nominations dans le collège échevinal, et aujourd'hui, le seul homme du collège, c’est le nouveau bourgmestre.

Le sieur Ch. Lippens avait été, cependant, disent les pétitionnaires, réélu à une très grande majorité dans le conseil.

Ils se plaignent de ce que le bourgmestre actuel, qui est industriel et négociant, se trouve la plupart des jours de la semaine absent ; il n'est chez lui que le mercredi et le dimanche.

Par conséquent, eu égard à l'absence de deux échevins dans le collège échevinal, les conseillers communaux de Munte demandent que le gouvernement veuille bien compléter le collège échevinal en pourvoyant à la nomination des deux échevins.

La commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ce renvoi, mis aux voix, est prononcé.


M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, j'arrive maintenant à la pétition datée de Bleid, le 22 janvier 1860, par laquelle des membres du conseil communal de Bleid demandent que les archives de la commune soient réintégrées dans la maison communale, et que les délibérations du conseil y soient tenues.

Je crois, en ma qualité de rapporteur, n'avoir plus rien à dire sur cette pétition, au sujet de laquelle l'honorable M. Moncheur a cru devoir hier prendre les devants de vingt-quatre heures. Nous avions proposé le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications. Ces explications ont été fournies ; par conséquent, nous ne croyons plus qu'il y ait des motifs de faire valoir derechef les arguments que l'honorable M. Moncheur a longuement développés dans la séance d'hier...

- Un membre. - Modifiez dès lors vos conclusions.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je n'ai pas le droit de modifier, de mon autorité, les conclusions de la commission.

(page 632) M. le président. - La commission a-t-elle modifié ses conclusions ?

M. Vander Donckt, rapporteur. - J'ai dit que je ne croyais pas pouvoir, de mon autorité, retirer les conclusions de la commission.

M. le président. - Les conclusions restent : le renvoi au ministre de l'intérieur avec demande d'explication. Mais j'ai entendu à gauche demander l'ordre du jour.

(page 632) M. Muller. - J'ai demandé la parole.

Messieurs, la pétition telle qu'elle est adressée aujourd’hui à la Chambre, ne conduit plus aux mêmes complications que les questions soulevées hier par l'honorable M. Moncheur.

Les pétitionnaires s’adressent à la Chambre pour demander en vertu d'un droit qui appartiendrait au conseil communal de contraindre le collège à réintégrer les archives dans le local de la maison communale.

M. Moncheur. - Et que les délibérations du conseil aient lieu au chef-lieu de la commune, dans la maison communale.

M. Muller. - Quant au premier point, vous ne pouvez pas admettre que les pétitionnaires aient raison ; on a toujours admis, l'article 100 de la loi communale a constamment été appliqué en ce sens ; c'est au collège chargé de la garde des archives, qui en a la responsabilité, à indiquer le lieu du dépôt. Quant à la seconde partie de la pétition que je n'avais pas remarquée, j'admets parfaitement le renvoi au ministre de l'intérieur.

Je me suis expliqué hier d'une manière assez claire pour qu'il n'y ait pas de doute sur mes intentions. Le renvoi peut avoir pour objet d'attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de faire droit à la réclamation du conseil communal de Bleid qui demande que la tenue de ses séances ait lieu dans la maison communale. Quant à la seconde partie, si j'ai pris la parole c'est pour qu'on n'inférât pas de ce qui avait été dit que le conseil communal pouvait se constituer le gardien des archives et déterminer le lieu où elles seraient déposées.

M. de Theux. - Il y a deux faits dans la pétition ; indépendamment du transfert des archives au domicile du bourgmestre, il y a cette autre question de savoir si on peut allouer une indemnité de 100 fr. au bourgmestre pour le placement des archives chez lui quand il y a une maison communale où elles doivent être « naturellement » placées, remarquez que je ne dis pas « absolument. »

Il y aurait double emploi si une commune ayant fait la dépense d'une maison communale où les archives pourraient être placées, parce qu'il conviendrait au bourgmestre de les prendre chez lui, devait lui payer une indemnité pour le local qu'il y affecterait.

Il y aurait là une question très grave à examiner. Pour moi, je crois que cela ne doit pas être. La deuxième question est relative au lieu où le conseil communal doit être réuni. Sur ce point, je crois que nous serons tous d'accord pour renvoyer la pétition à M. le ministre de l’intérieur, avec demande d'explications, malgré celles qu'il a données hier, pour savoir quelle suite il aura été donné à l'affaire, et que cette commune, toute petite qu'elle est, ne puisse pas craindre qu'on la laisse dans l'oubli.

M. Moncheur. - Des explications ont été données, mais pas celles qui sont demandées par les conclusions de la commission. La Chambre verra quelle suite aura été donnée à l'affaire. Ces nouvelles explications pourront consister en quelques lignes d'écriture que M. le ministre voudra bien transmettre à la Chambre.

M. Pirmez. - Messieurs, des explications ont été données hier sur les faits qui se sont passés jusqu'aujourd'hui dans la commune de Bleid ; les explications que l'on demanderait porteraient sur des faits futurs, sur les actes que M. le ministre de l'intérieur croira devoir faire.

Or, ces actes sont dans les droits d'administration du gouvernement, et il me paraît absolument impossible que la Chambre vienne d'avance demander à M. le ministre de l'intérieur de lui rendre compte de ses actes futurs.

Si les mesures qui seront prises donnent lieu à des réclamations, il sera temps seulement d'en saisir la Chambre.

Je crois que, dans cet état de choses, la Chambre ne peut qu'ordonner le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

M. Moncheur. - Je renonce aux explications provisoirement.

- Le renvoi pur et simple au ministre de l'intérieur est prononcé.

M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.


(page 645) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Tubize, le 20 décembre 1859, les secrétaires communaux dans le premier canton de l'arrondissement de Nivelles demandent une loi qui fixe le minimum de leur traitement.

Messieurs, cette pétition est conçue dans les mêmes termes que plusieurs précédentes sur lesquelles des rapports ont été présentés à la Chambre. En présence du projet de loi présenté à la Chambre, qui a pour objet de créer des caisses de retraite pour les secrétaires communaux, votre commission a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

Les pétitionnaires se plaignent surtout du surcroît de travail qu'exigent aujourd'hui et l'administration provinciale et le gouvernement ; ils demandent s'il ne serait pas juste, équitable, pour le cas où les communes ne pourraient pas leur accorder d'augmentation de traitement. que la province ou l'Etat leur vînt en aide de manière à leur permettre d'accorder à leur secrétaire un traitement convenable. Voilà à peu près les principales considérations que les secrétaires communaux du premier canton de l'arrondissement de Nivelles font valoir.

(page 632) - Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

La Chambre décide qu'elle se réunira demain à une heure.

La séance est levée à 4 heures et demie.