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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1603) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone fait l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Les membres du conseil communal de Cortenaeken réclament l'intervention de la Chambre pour qu'il soit pris une décision sur la nomination du secrétaire de telle commune qui a eu lieu en mars 1858. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion des articles

Chapitre I. Abolition des droits d’octroi et attribution d’un nouveau revenu aux communes

Article 3

M. le président. - La discussion continue sur l'article 3.

M. de Naeyer. - L’honorable ministre des finances soutenait hier que le mode de partage que je propose serait préjudiciable aux communes rurales de plusieurs provinces. Comme il avait annoncé cet argument en quelque sorte d’avance, j’avais cru que c’était un argument assez sérieux. Mais toute réflexion faite, j’ai constaté qu’il encore l’honorable ministre avait jugé convenable de se placer à côté de la question.

De quoi nous occupons-nous en ce moment à l'article 3 ? Du partage général entre les communes à octroi et les communes sans octroi. Or, quel est le résultat du mode de partage que je propose ? Le voici eu deux mots : au lieu de 45 p. c. pour les communes sans octroi, vous aurez 55 p. c. Je demande comment ce système peut être défavorable aux communes rurales. Evidemment, il vaut mieux pour elles d'avoir 55 p. c. au lieu de 45 p. c.

Mais voici ce qui a probablement induit l'honorable ministre en erreur. Il a appliqué le mode de partage que je propose à son système qui consiste à exercer un préciput énorme au profit des villes à octroi et à réduire d'abord toutes les communes rurales à la mince pitance de 3 millions.

Eh bien, en appliquant mon mode de partage à son système, il peut y avoir quelques différences assez insignifiantes. Mais vous comprenez que ce sont là les conséquemes du système du ministre, et je ne puis assumer la responsabilité de son œuvre. Dans mon système, la quote-part attribuée aux communes rurales est beaucoup plus considérable, et par conséquent s'il y avait de légères différences dans la sous-répartition entre les communes rurales seules, elles seront compensées au double et au triple, par la participation à une somme beaucoup plus forte.

Messieurs, j'ai dit hier une vérité qui me paraît incontestable : c'est que, pour connaître la consommation des objeis qui seront frappés par les augmentations d'impôts que nous avons votées, il y a des renseignements utiles et très concluants à puiser dans la statistique des octrois. Toujours, quand on a voulu connaître la consommation des villes, on a puisé dans la statistique des octrois des renseignements qui ont été considérés comme la base des discussions, et l'honorable ministre, lui-même, quand il est venu nous citer un chitffre énore représentant la consommation du vin dans la ville de Paris, où avait-il puisé ce renseignement ? Evidemment dans la statistique des octrois.

Pour atténuer les conséquences à tirer de ces renseignements, on a dit : Voyez, nous avons donné un tableau des moyennes, et voyez les énormes écarts qui existent ; pouvez-vous en conclure quelque chose ? N'est-ce pas une impossibilité évidente de puiser aucun renseignement concluant dans la statistique des octrois ?

Ces moyennes, je les ai lues et examinées ; et si le gouvernement le veut, je lui concéderai facilement ceci : c'est que ces moyennes touchent de très près à l'absurde. Mais ces moyennes, ce n'est pas la statistique de l'octroi. Ce sont des raisonnements qu'on en a tirés et il arrive à tout moment que d'une statistique qui peut fournir des renseignements utiles, on tire des conclusions fausses, des conclusions déraisonnables, complètement dénuées de fondement.

Il y a, dans ces moyennes, des calculs évidemment erronés. Ainsi, un des grands écarts qu'on y remarque, c'est ce qui existe pour la consommation des bières à Diest. On porte cette consommation à 8 hectolitres par habitant. Cela ne résulte pas de la statistique des octrois. En effet, s'il en était ainsi, il faudrait que la consommation de Diest, qui a une population de 7,000 et des habitants, s'élevât à 63,000 hectolitres de bière.

Eh bien, comme cette ville perçoit un franc sur chaque hectolitre livré à la consommation locale, elle aurait dû percevoir 63,000 fr. Elle n'a perçu que 18,000 fr. Evidemment il y a là une erreur manifeste.

Je dirai la même chose pour Dinant. Là encore il y a un écart qui paraît énorme. On attribue à cette ville une consommation de 34 litres de genièvre par tête et dans un autre renseignement donné à la page 61 de l’exposé des motifs, on dit formellement que le taux du droit n'a pas été renseigné. Si ce taux n'a pas été renseigné, comment voulez-vous établir une moyenne ?

Ensuite, il y a une confusion déplorable entre une foule de formalités qui doivent être placées dans des catégories complètement différentes et qui sont ici jetées pêle-mêle. Ainsi, il y a des localités qui n'ont pas d'enceinte d'octroi, qui sont complétement ouvertes. Quel renseignement utile pouvez-vous tirer de moyennes combinées d'une manière aussi fautive ? Aucun.

Ce qu'il faut faire ici, comme dans toutes les statistiques, ce n'est pas de grouper les chiffres ; il faut les peser, il faut les apprécier et s'attacher à des faits que j’appellerai types et qui peuvent servir de base.

C'est en procédant de cette manière que je crois être arrivé à démontrer que cet excédant de consommation sur lequel le ministre se base pour justifier son mode de partage, n’existe absolument nulle part, pas même dans les grands centres de population, et s’il n’existe pas là, comment voulez-vous le trouver ailleurs ?

Vous supposez (c’es la base de votre système) qu'un habitant de ces 78 communes à octroi, qu'un de ce million et autant d'habitants consomme autant que 3 et demi habitants des communes sans octroi. Voilà la base de votre système. Eh bien, si cela ne se vérifie pas même à Bruxelles, à Liège, à Gand, à Anvers, dans tous nos grands centres de population, comment voulez-vous que cela soit vrai ailleurs ? Or, je viens vous démontrer à la dernière évidence, par la statistique des octrois, que ce prétendu excédant de consommation, qui forme toute la base de votre système, est introuvable partout, même dans nos quatre plus grands centres de population. Ainsi il résulte des observations que j'ai présentées dans la séance d'hier que la statistique des octrois établit clairement qu'en ce qui concerne la bière, la consommation dans nos quatre grandes villes de Bruxelles, Gand, Anvers et Liège, est incontestablement inférieure à 600,000 hectolitres de cuve-matière ; or, cela ne fait pas la sixième partie de la consommation totale du pays, et cependant, suivant le système de partage proposé par le gouvernement, on attribue à ces quatre grandes villes à peu près le tiers du fonds communal et cela dans la situation normale et définitive. Je ne parle pas ici des faveurs exorbitantes résultant du régime transitoire.

Je viens de dire qu'en ce qui concerne la bière, le maximum de la consommation à Bruxelles, Gand, Anvers et Liège est inférieur à 600,000 hectolitres de cuve-matière ; la population de ces quatre villes étant de 475,000 habitants, cela ne fait qu'un hectolitre vingt-six litres de cuve-matière par tête. Or, si en exagérant évidemment la consommation des autres communes à octroi, nous appliquons cette moyenne à la population totale de ces communes, qui est de 1,222,991 habitants, nous aurons 1,518,938 hectolitres de cuve matière pour la consommation des communes à octroi, et la consommation totale du pays étant de 3,708,500 hectolitres de cuve, il referait pour les communs sans octroi 2,189,562 hectolitres. La proportion serait 41 p. c. pour les communes à octroi, 59 p. c. pour les autres, par tête d'habitant, un hectolitre 26 litres dans les communes à octroi et 64 litres dans les communes sans octroi. Nous serions donc bien loin du système du gouvernement, qui est basé sur la supposition qu'un habitant des communes à octroi consomme autant que 3 1/2 habitants des autres communes ; nous n'arrivons pas même au double, là où le gouvernement jusqu'à 3 1/2, et cependant, pour arriver à notre proportion indiquée ci-dessus, nous avons évidemment exagéré la consommation des villes, puisque d'après les principes mêmes du gouvernement, la consommation dans nos quatre plus grandes villes est proportionnellement plus considérable que dans les autres communes à octroi. La moyenne de l’hectolitre 26 litres par tête devrait donc être beaucoup réduite quand on l'applique aux 78 communes à octroi, de manière que l'injustice du système proposé est ici évidente.

Pour les eaux-de-vie, les résultats sont même plus concluants ; toutefois ici nous ne pouvons pas, comme pour les bières, tirer un indice de la fabrication, parce que les distilleries ne sont pas disséminées dans tcut le pays, en vue de pourvoir avant tout aux besoins de la consommation locale. Il y a des brasseries dans toutes les communes à octroi, à l'exception de Hornu et la Bouverie et elles travaillent avant tout pour la consommation locale.

Il n'en est pas de même des distilleries. Nous avons 42 communes à octroi où il n'y a pas de distilleries ; les distilleries urbaines qui ont de l'importance sont établies dans une dizaine de villes, et travaillent principalement pour l’exportation, c'est à-dire pour la consommation dans les autres communes du pays.

C'est ainsi, par exemple, que la ville de Hasselt fabrique jusqu’à 4 ou 5 millions de litres de genièvre par an. Ce n'est pas sans doute pour la consommation locale.

(page 1604) La ville de Huy fabrique 1 million et demi de litres de genièvre ; la consommation locale n'entre dans le débit de cette fabrication que pour une bien faible partie. Il est donc évident qu'on ne peut tirer aucune induction de ce qu'on fabrique plus de genièvre dans les villes que dans les communes rurales.

Voyons maintenant ce que nous apprend la statistique des octrois pour la consommation des villes de Bruxelles, d'Anvers, de Gand et Liége.

Eu forçant toutes les fractions, de manière à augmenter la consommation, voici les résultats constatés par les documents annexés au projet de loi quant à la consommation ces eaux-de-vie :

Bruxelles, 2,000,000 litres.

Gand, 800,000 litres.

Anvers, 800,000 litres.

Liège, 1,400,000 litres.

Total, 5,000,000 de litres.

Il est assez remarquable qu'en général là où la consommation du genièvre est plus forte, la consommation de la bière est proportionnellement plus faible. Ceci se vérifie notamment pour Liège.

La consommation totale de ces quatre villes est donc de 5 millions de litres. Cela ne fait pas même la septième partie de la consommation totale du pays, laquelle s'élève à plus de 36 millions de litres.

On contestera peut-être ces résultats, en disant que le rendement réel est plus considérable que le rendement légal. D'abord, il est évident qu'on exagère la différence qui peut exister entre le rendement réel et le rendement légal. Mais, si cette observation est vraie, elle l'est dans tout le pays et alors les quantités consommées devraient être proportionnellement augmentées partout, et la conclusion serait la même, donc l'objection porte avec elle sa réfutation.

J'arrive donc à des conclusions plus contraires encore au système du gouvernement.

En eifet, selon le mode de partage du gouvernement, les quatre villes dont j'ai parlé absorberaient à peu près le tiers du fonds communal ; tandis qu'en raison de la consommation de la bière, elles n'auraient droit qu'à un sixième, et à raison de la consommation du genièvre, elles n'auraient droit qu'à un septième.

Et si j'applique ici les calculs que je viens de faire pour les bières, j'arrive à cette conséquence que la consommation des eaux-de-vie serait de 11 litres environ par tête d'habitant dans les communes à octroi, et de 6 7/10 litres dans les autres communes, c'est-à-dire qu'un habitant des villes ne consommerait guère que comme un habitant et demi des campagnes. Nous sommes donc encore plus loin du système du gouvernement, basé sur la proportion véritablement inadmissible de 1 à 3 1/2, et cependant nous avons encore une fois appliqué à toutes les communes à octroi la moyenne de la consommation constatée dans nos quatre grands centres de population ; impossible donc de justifier le système du gouvernement, même en exagérant évidemment la consommation des communes à octroi en général.

Maintenant peut-il en être autrement pour le café ? Ici la statistique des octrois ne nous apprend rien. Mais n'est-il pas de notoriété publique que le café, comme le genièvre et les bières, est un objet de consommation générale dans les classes moyennes et surtout dans la classe ouvrière ?

N'est-il pas de notoriété que là cette denrée se consomme même souvent dans des proportions plus considérables que la bière et le genièvre ? N'y a-t-il pas une foule de gens qui ne consomment ni genièvre, ni bière, et qui boivent du café trois ou quatre fois par jour, surtout dans la classe ouvrière ?

Il n'y a donc aucune raison de prétendre que la proportion que je viens d'indiquer, pour les bières et pour le genièvre, n'existerait pas également pour le café.

Eh bien, ces trois objets, c'est presque tout le fonds communal, c'est plus de 80 p. c. de ce fonds.

Or. pour ces trois objets, il vous est impossible de trouver les prétendus excédants qui forment toute la base de votre système ; vous prétendez qu'un habitant des villes consomme comme trois et demi habitants des campagnes, et la statistique constate qu'en ce qui concerne les objets véritablement importants pour la question en discussion, il n'est pas même vrai de dire qu'un habitant des villes consomme comme deux habitants des campagnes ; il est donc évident que je fais une concession beaucoup trop grande en demandant qu'un tiers seulement du fonds communal soit partagé par tête d'habitants. Je resterais au-dessous de la vérié résultant des documents qui nous ont été distribués, si je proposais que le partage par tête s'applique à la moitié du fonds communal.

Je le répète donc, vos prétendus excédants de consommation qui forment toute la base de votre système, sont introuvables. Ils n'existent, ni à Bruxelles, ni à Liège, ni à Gand, ni à Anvers. Voulez-vous les trouver dans les villes de second ou de troisième ordre, ou même dans les villages qui ont jugé à propos d'avoir des octrois ? Ce serait absurde.

Je ne veux pas entrer dans trop de détails, mais les recherches auxquelles je me suis livré constatent qu'en ce qui concerne la consommation par tête, il y a diminution dans les villes de second ordre relativement à Bruxelles, Gand, Anvers, Liége, et que cette diminution devient plus sensible encore dans les villes d’un rang inférieur ; tout le système du gouvernement repose donc sur un fait formellement contredit, positivement erroné, sur une véritable chimère.

Voici maintenant ce qui est plus fort. Prenons la consommation des vins. C’est là un objet de luxe dont la consommation doit surtout avoir de l’importance dans les grandes villes comme Bruxelles, Liége, Anvers et Gand.

Eh bien, même pour les vins, vous ne pouvez justifier votre système. Je vais vous le prouver directement. Je dirai même que sous ce rapport je remplis un rôle qui ne devrait pas être le nôtre. C'est à ceux qui réclament un préciput à raison d'un excédant de consommation a prouver que cet excédant existe ; or, cette preuve, ils n'ont pas même essayé de la faire.

Nous prouvons, nous, que cet excédant n'existe pas. Nous allons donc au-delà de ce que nous devons faire. Pour Bruxelles, la consommation de vin est de 11,383 hectolitres ; pour Liège de 7,330 hectolitres, pour Anvers de 5,100 hectolitres et pour Gand de 4,070 hectolitres. Total pour les quatre villes, 27,891 hectolitres.

Cela ne fait pas même le quart de la consommation locale, et vous leur donnez le tiers du fonds communal, dans la situation normale bien entendu ; car je ne palie pas ici du régime transitoire qui consacre des faveurs plus exorbitantes encore.

Ainsi, lors même que tous les impôts qu'il s'agit de distribuer proviendraient exclusivement des vins, votre système serait encore injuste.

Maintenant, n'est-il pas évident qu'en ce qui concerne les vins, appliquer la moyenne de la consommation par tête dans la ville de Bruxelles et dans nos trois autres grandes villes, appliquer, dis-je, cette moyenne à toutes communes à octroi, ce serait là une énormité qui n'aurait pas de nom.

Si vous prenez les sucres, il est évident que j'exagère encore une fois en faveur de votre système, en admettant que la consommation a lieu dans la même proportion que pour les vins. Eh bien, malgré toutes ces concessions, l'injustice de votre système est encore évidente.

Remarquez d'ailleurs, messieurs, que les vins et les sucres ne figurent dans le fonds communal que pour une faible part, pour un million et demi, tandis que la grosse part vient de ces objets de consommation dont je viens de parler, de ces objets de consommation en quelque sorte vulgaire et pour lesquels il y a une exagération énorme dans la consommation attribuée aux villes.

Mais M. le ministre paraît avoir un moyen expéditif pour tout rétablir et tout justifier. C'est la poste.

Je ferai remarquer d'abord, que d'après les observations que je viens de présenter, la proportion adoptée dans mon amendement, c'est-à-dire le partage d'un tiers par tête d'habitant est évidemment au-dessous de la vérité.

Si l'on se basait sur les renseignements fournis de la manière la plus claire par la statistique des octrois, il faudrait probablement mettre dans la loi la proportion contraire, c'est-à-dire, le partage de deux tiers par tête d’habitant. Mais c'est par esprit de conciliation que je me suis arrêté à la proportion indiquée dans mon amendement, et cette seule considération suffirait déjà pour réfuter complètement toutes les conséquences vraiment étranges qu'on veut tirer de la concussion du revenu du service des postes. En outre, j'ai prouvé dans la séance d'hier, qu'avant de donner au fonds communal le produit de la poste, vous prélevez déjà sur les genièvres et les bières à peu près un million, de manière que du chef de la poste il ne vous reste qu'un bon demi-million ; et c'est avec cette somme que vous voulez tout justifier.

Mais on a dit et répété à satiété, sans pouvoir obtenir une réponse sur ce point, que cette concession du revenu de la poste est arbitraire, que vous pouviez tout aussi bien abandonner une autre branche de revenu provenant plus particulièrement des campagnes, et que dès lors il est impossible de soutenir que vous puissiez ainsi arbitrairement changer les conditions du partage.

Il est d'ailleurs évident que le revenu de la poste n'est pas un impôt, mais la rémunération d'un service que vous rendez, vous gouvernement.

Je dis que le bénéfice que vous réalisez de ce chef doit profiter au pays tout entier et que vous n’êtes pas fondés à l'attribuer aux villes, car en admettant que les villes l'aient payé plus particulièrement, c'est parce que la poste leur a rendu plus de services.

Mais j'ai encore prouvé que, même en raisonnant dans votre système, dont je viens de démontrer l'erreur, il ne pourrait être question que de revenu net proprement dit, parce que tout ce qui n'est pas ici revenu net proprement dit est évidemment un prélèvement sur les ressources générales du trésor ; or ce que vous appelez ici revenu net porte un faux nom, parce, que c'est le produit net dans le sens de la loi de 1849, mais en négligeant une foule de frais et de dépenses qui devraient être portés en compte pour avoir un résultat sérieux et régulier.

(page 1605) Mais enfin, si vous donnez le produit net de la poste au fonds communal pour justifier votre système de prélèvement, votre système de partage, faites une chose plus simple. Donnez-le tout d'un coup aux villes, et le fonds communal sera ainsi débarrassé d'un misérable prétexte mis en avant, pour arriver à un partage profondément injuste.

Messieurs, je pense que ces observations sont plus que suffisantes pour prouver que le système du gouvernement qui consiste à attribuer 55 p.c. du fonds communal aux 78 communes à octroi en ne laissant que 45 p. c. aux 2,453 aux autres commîmes, est injustifiable, et contraire à l'évidence des faits.

Mais toutes les raisons qu'on a données et qu'on pourrait donner encore doivent venir se briser contre une idée fixe qu'on nous a dévoilée et qui consiste à affranchir les communes à octroi d'une obligation formelle pour faire aux contribuables de ces communes en général, un magnifique cadeau de 7 à 8 millions, avantage qui sera nul pour les villes d'un rang inférieur, mais qui sera considérable pour les grandes villes et qui pour Bruxelles, Gand, Anvers et Liège s'élèvera à cinq millions au moins.

M. E. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.

M. de Naeyer. - Tout a été admirablement combiné, je le dis à regret, dans ce but. C'est dans ce but qu'on a évidemment déprimé le produit probable des genièvres et des bières, afin de mettre ainsi en relief le fameux revenu du service des postes, ce grand prétexte inventé pour sauver les apparences.

M. le ministre disait hier que j'avais exagéré mes calculs, en ce qui concerne les produits probables de l'augmentation du droit sur les genièvres et les bières, produits qui s'élèveront incontestablement à plus de 10 millions ; or, mes évaluations sont basées sur des réalités, sur la moyenne des recettes constatées des exercées antérieurs, tandis que M. le ministre ne veut admettre que les évaluations de son budget peur 1860, qui pourraient bien avoir été faites ad commoditatem causae, car ces évaluations ne reposent sur aucun fait antérieur, et elles sont formellement démenties par les résultats du premier trimestre de l'exercice 1860.

Il y a pour les bières et le genièvre un excédant de recette de près d'un demi-million sur un seul trimestre.

Je suis donc plus près de la vérité en m’appuyant sur les résultats des années antérieures qu'en me basant sur des évaluations tout à fait arbitraires et tout à fait en contradiction avec le passé et le présent.

C'est encore dans ce but que tout a été confondu dans l’article 2, afin de rendre moins apparente la part contributive des communes rurales. C'est dans ce but qu'on nous propose le mode de partage qui est maintenant en discussion, et qui a pour objet d'attribuer aux villes une part évidemment exagérée, ainsi que cela a été clairement démontré, quoique tous les renseignements paraissent avoir été donnés par le gouvernement, avec l'intention de faire croire qu'il est impossible d'y voir clair ; enfin l'article 14 couronne l'oeuvre, il dit aux communes rurales, qu'elles auront un jour ce qui leur revient. Sera-ce dans vingt ans ou cinquante ans ? On n'en sait rien. Et, d'un autre côté, 1 article 3 répond que ce ne sera jamais, puisque le mode de partage proposé pour la situation normale et définitive est profondément injuste à l'égard des communes rurales.

Voilà le système dans son ensemble, et pour le défendre on a réellement eu recours à des arguments, à des subtilités incroyables. Ainsi on dit que l'abolition des octrois a lieu surtout dans l'intérêt des communes rurales, que les habitants des villes n'y sont intéressés que d'une manière secondaire. Mais, messieurs, n'est-il pas de notoriété que les 9/10 ou plutôt les 19/20 des habitants des campagnes ne sont jamais ou sont rarement en contact avec les octrois, tandis que les habitants des communes à octroi ne peuvent, pour ainsi dire, sortir de chez eux, sans rencontrer ces barrières gênantes et vexatoires, et puis ne sont-ce pas ces derniers qui supportent en définitive ces impôts odieux ? On nie même cette vérité évidente, et on évalue à trois millions la part contributive des campagnards dans le produit des octrois, mais on se contente de déclarer que cela est, et que cela est indiscutable.

Eh bien, permettez-moi, messieurs, de faire observer que les campagnards ne sont pas assez simples pour ne pas avoir soin de porter en compte aux consommateurs des villes, non seulement les taxes qu'ils payent, mais encore les tracasseries et les vexations, et les pertes de temps qu'on leur fait subir. Impossible, dit-on, la concurrence y met obstacle. Mais bon Dieu, que peut faire la concurrence pour atténuer les charges dont il s'agit, alors que tous les concurrents sont à cet égard placés absolument dans les même conditions et que tous par conséquent font peser ces mêmes charges sur les consommateurs ?

Mais, dit-on, il va résulter de l'abolition des octrois un bienfait immense pour les campagnes, en ce sens que la production agricl'e va prendre un développement, une extension considérable.

Cet argument est encore loin d'avoir l'importance qu'on y attache. On ne fait pas attention à ce fait signalé par M. Michel Chevalier, que nous sommes arrivés en Belgique, de même que cela a lieu pour l'Angleterre, à la troisième époque de la vie des nations, à l'époque du déficit quant à la production agricole. A moins d'un cataclysme, cette situation ne se modifiera plus.

Aujourd'hui grâce au développement de notre industrie, grâce au développement de la prospérité publique, l'agriculture nationale est impuissante pour satisfaire aux besoins de la consommation du pays.

Nous ne devons pas désirer que cet état de choses se modifie parce qu'il ne pourrait être modifié que par un véritable temps d'arrêt dans le progrès de la civilisation.

Cela est démontré dans les articles remarquables écrits par l'économiste que je viens de citer. Ces articles ont été reproduits dans leMoniteur belge il y a quelques années.

Qu'en résulte-t-il ? C'est que l'accroissement de consommation qui pourra résulter de l’abolition des octrois sera surtout dans l’intérpet du consommateur, mais dans une très faible proportion en faveur de l’agriculture nationale qui, loin d’être à la recherche de débouchés nouveaux, est incapable de satisfaire aux débouchés qu’elle a devant elle.

Ou a dit encore ceci : Mais voyez quelle magnifique position vous allez faire aux communes rurales ; elles vont toutes être rentrées ; elles n'auront plus de subsides à demander pour construire des écoles, pour améliorer leur voirie !

Mais messieurs, il y a un proverbe flamand qui s'applique parfaitement à ce qu'on dit de cette prétendue amélioration de position pour les communes rurales ; ce proverbe porte : « Iemand met zyn eygen vel smeeren. » Je ne puis le traduire d'une manière convenable en français, mais il revient à dire : faire un cadeau à quelqu'un en prenant une somme double dans sa poche.

M. Rodenbach. - Cela veut dire : nourrir quelqu'un de sa propre graisse.

M. de Naeyer. - Voici, je pense, la vérité, les octrois sont certainement un mal immense, ils vicient profondément l'organisme du pays, ils paralysent le mouvement des hommes et des choses, ils gênent horriblement la circulation de cette sève vivifiante de l'industrie et du commerce qui doit pouvoir se répandre partout pour porter partout la prospérité et la civilisation.

Tout le pays en souffre. Voilà ce qui est vrai et voilà pourquoi il faut accepter franchement un sacrifice pour tout le pays, niais dans des conditions raisonnables, sans vouloir persister dans cette idée injuste d’affranchir de toute obligation spéciale les contribuables actuels, les consommateurs des villes qui payent aujourd'hui légitimement les impôts, dont le produit est employé à couvrir les dépenses faites dans leur intérêt. Il ne s'agit pas de leur imposer de nouvelles charges, mais de remplacer, pour une faible partie seulement, ce qu'ils payent aujourd'hui par des impôts beaucoup moins considérables et d'après un mode de perception beaucoup moins gênant et vexatoire. Quoi de plus juste et de plus légitime ? En abolissant les octrois, est-il donc possible d'abolir le principe d'éternelle justice qui veut que les dépenses locales soient supportées spécialement par ceux qui en profitent ?

Voilà pourquoi il y a justice à exiger, au moins dans certaines proportions, le concours spécial des villes. Je ne suis pas trop exigeant sous ce rapport, mais je tiens au maintien du principe d'après lequel les dépenses communales doivent être couvertes, au moins en partie, par des impositions réellement locales, votées par les administrations communales.

Eh bien, le gouvernement repousse ce système. J'ai peu d'espoir de le voir faire sous ce rapport une concession quelconque. Hier, M. le ministre des finances avait l'air de dire que j'abandonnais les concessions que j'avais faites. Je n'ai rien abandonné, je n'ai rien retiré. Je suis entré franchement dans la voie des concessions. J'ai dit que je voulais aller très loin ; eh bien, on n'a pas fait un pas pour se rapprocher de moi.

Je viens de démontrer, je pense, à la dernière évidence, que le système qu'il s'agit de consacrer est injuste, profondément injuste ; il y a, en définitive, une grande réforme s'appuyant sur une faveur exorbitante pour les grandes villes et sur une criante injustice à l'égard des campagnes ; pouvons-nous l'accepter dans ces conditions ? On nous a parlé au nom de la patrie, au nom de l'unité nationale, pour nous rallier au projet de loi et pour imposer, en quelque sorte, silence à nos réclamations en faveur de l'égalité devant la loi.

Eh bien, je crois que ceux qui nous ont tenu ce langage personnifient bien mal la Belgique, que nous connaissons et que nous aimons de tout notre cœur ; il y a un sacrifice que notre chère patrie ne nous demandera jamais, qu'elle repousserait même, c'est le sacrifice de nos convictions, c'est le sacrifice qui consisterait à faire mentir nos consciences en gardant le silence sur une injustice qui est pour nous évidente et palpable.

La Belgique ne nous demandera pas ce sacrifice parce que c'est un pays de loyauté et de sentiments honnêtes ; ce sacrifice louserait nuisible parce qu'elle doit puiser sa grande force dans la justice et le bon droit, parce qu'elle sait que, dans ces conditions, le dévouement le plus absolu et le courage inébranlable de tous ses enfants lui sont acquis, parce qu'elle sait que dans ces conditions elle peut demeurer calme et sereine au milieu de toutes les tempêtes qui pourraient gronder autour d'elle.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a protesté contre la tentative qui pourrait être faite de lui demander le sacrifice de ses opinions. Il me semble que, (page 1606) jusqu'ici, personne de nous n'a rien tenté de semblable. L'honorable membre a examiné la question avec le plus grand soin ; il en a fait un examen profond et laborieux, mais je ne pense pas que personne lui ait demandé le sacrifice de ses convictions, ni que personne ait cherché à lui imposer silence. Aucun membre et le ministère lui-même n’ont pas autant de temps, pour motiver leur opinion.

Messieurs, deux questions ont été soumises à la section centrale, pour servir à la solution de l'article 3 : on a proposé à la section centrale, de la part des sections, la base des fonds non bâtis et la base nouvelle aussi de la population. Du fonds non bâti, on n'en a plus parlé ; on a donc abandonné ceite base. Mais on tient encore, et l'honorable membre particulièrement, à la base de la population. Eh bien, messieurs, qu'il me soit permis de vous dire, en quelques mots, pourquoi l'on n'a pas admis la population, comme base nouvelle de la réparation à faire.

Toute l'argumentation de l'honorable membre tend à prouver que les trois bases établies par le projet de loi sont trop favorables aux villes, en d'autres termes, que les villes sont favorisées au détriment des campagnes.

Eh bien, après avoir discuté cette question dans les sections et en section centrale, nous avons cru de très bonne foi que, par le système actuel, les villes n'étaient pas avantagées, mais qu'elles faisaient au contraire un sacrifice très grand, en vue d'arriver à la grande réforme que nous poursuivons.

Nous avons cru très sincèrement que les décomptes présentés par le gouvernement étant admis, les villes éprouveraient une perte très considérable dans leurs revenus ; et que, en définitive, c'étaient elles qui allaient éprouver les plus grands sacrifices de la réforme que nous cherchons à réaliser. Cette conviction nous a été inspirée par l'examen des revenus actuels des villes. C'est ce qui vous a été exposé à la page 45 du rapport, oh il est dit : « Le produit des octros s'est élevé de 1850 à 1859 de 9,157,000 fr. à 11,250,000, d’où il résulte qu'il y a eu 2 1/2 p. c. d'augmentation moyenne annuelle de revenu des villes à octroi ? »

Eh bien, que faites-vous aujourd'hui ?

Vous expropriez les villes ; vous leur enlevez la possession légale d'un revenu dont elles jouissent ; revenu qui a une mauvaise source et que, pour ce motif, nous leur enlevons.

Vous faites plus : vous leur enlevez en même temps l'accroissement considérable que ce revenu éprouvait chaque année. Et, en effet, messieurs, faites-vous du communisme, comme le disait l'honorable M. Pirmez, et tenez-vous compte aux villes à octroi de ce qu'il leur faudra désormais pour pourvoir à leurs besoins futurs ?

Nullement : vous leur donnez une somme fixe et vous ne leur promettez rien, pour tenir compte de l'accroissement de produit que les octrois leur auraient rapporté.

Voilà ce que vous faites et l'on viendra soutenir, après cela, que nous sacrifions les communes rurales aux villes !

En vérité, messieurs, on peut sans suivre l'honorable préopinant dans tous les détails où il est entré, éprouver des doutes très grands sur le sort futur des villes ; et vous avez pu lire à cet égard, à la page 8 du rapport, une note qui a dû vous impressionner et dont l'auteur (je crois pouvoir le faire connaître sans commettre d'indiscrétion) est l'honorable M. Devaux. Cette note se préoccupe, avec beaucoup de raison, du sort futur des villes ; elle établit que ce sort sera très exposé et très précaire, et que l'on aurait dû ménager les éventualités de l'avenir par des dispositions légales. Nous aurions pu avoir égard à cette observation, parce que nous avion aussi la conviction qu'il y a là un danger réel pour les villes ; mais nous ne l'avons pas fait, parce que nous n'avons pas voulu aggraver les reproches que nous pressentions devoir être formulés de la part de ceux qui prétendent être seuls ici les défenseurs des communes rurales.

J'espère qu'un jour ces communes reconnaîtront que nous, les partisans de la loi, nous les représentons fort bien en ce moment.

En agissant comme nous l'avons fait, nous croyons avoir proposé tout ce qui était réellement possible en faveur des communes rurales ; c’est-à-dire, en faisant les proportions acceptées par le gouvernement, pour augmenter le fonds commun. C'est là ce qui doit assurer le bien-être des communes rurales dans l'avenir, et comme ce fonds, que nous avons admis, est composé d'éléments susceptibles d'un grand accroissement, il doit en résulter que, pendant de longues années, les communes rurales vont profiter de cet accroissement avant que beaucoup de villes à octroi puissent récupérer les avantages de leur position actuelle. (Interruption.)

Cela est évident, messieurs ; il est incontestable qu'il faudra peut-être dix ans avant que le sort de beaucoup de villes à octroi commence à s'améliorer. Et vous ne tenez pas compte de cela. Eh bien, sans entrer dans tous les détails de la question, come vient de le faire l’honorable préopinant, sans me préoccuper du point de savoir combien on boit de bière, à un litre près, dans les villes et dans les campagnes, ce qu'il n'est pas possible, d'ailleurs, d'établir avec quelque exactitude, je dis que le système, pris dans son ensemble, offre des avantages réels pour les communes et impose un sacrifice considérable aux villes ; et j'ai la conviction très profonde que si la loi s'exécute dans ces conditions, avant 5 ou 6 ans les communes rurales béniront la loi, tandis que beaucoup de villes auront à pourvoir à des déficits considérables et devront recourir à un moyen que vous combattez en principe, c'est-à-dire, aux capitations.

Oui, messieurs, beaucoup de villes devront avoir recours à ce système d'impôt et décréter des sacrifices de tout genre, pour parer à leurs besoins, tous les jours croissants.

Sans doute, il eût été plus facile de se borner à cette simple formule : « Les octrois sont abolis, » et de laisser les villes s'arranger comme elles l'auraient pu. Mais vous, qui avez occupé si souvent le pouvoir et qui avez si souvent blâmé les octrois, auriez-vous osé proposer une telle solution ? Non, messieurs, personne n'eût osé la proposer.

Ce sera l’éternel honneur du parti libéral, que ce soient ses représentants au pouvoir, ses représentants dans cette Chambre qui ont conçu, formulé et réalisé la formule pratique de cette fructueuse réforme.

Par le projet, que fait-on aujourd'hui ? On surprend en quelque sorte les villes ; on présente le projet de loi sans les avoir averties, sans qu'elles aient pu se préparer à la mesure qui était projetée ; sans qu'elles aient pu établir une situation financière, jusqu'à un certain point factice. On leur dit : « Voilà ce que vous avez fait, non pas en prévision de la réforme, mais parce que vos besoins vous y avaient obligées. » On les prend ainsi à l'improviste ; et, quand le gouvernement a suivi une marche aussi équitable, on vient nous dire qu'on ne peut pas accorder, avec justice, aux villes le montant de leur revenu de 1859, qui ne représenta que la somme de leurs besoins actuels, sans dol, ni fraude.

L'honorable membre vient de l'avouer, le système actuel des octrois est un très grand mal, c'est une grande gêne.

Il faut l'ôter à tout prix. Je suis aussi de cet avis, Je ne veux cependant pas dire que notre système soit parfait, que le partage que nous faisons soit mathématiquement exact, comme si on prenait un sac d'écus, dont on donnerait à chacun ce qui lui revient. Mais c'est un partage équitable, fait de bonne foi, qu'on ne peut pas taxer d'être inique et partial a priori ; peut-être y a-t-il quelques applications qu'on pourra trouver inégales, comme il en serait de votre système.

Car admettons le système de l'honorable M. de Naeyer, appliquons-le et examinons le résultat ; nous verrons aussi qu'il est entaché de quelques inégalités : pourquoi ? Parce que, dans 2,500 communes, il y a des positions différentes, exceptionnelles ; les unes profitent, les autres éprouvent une perte.

Mais on n'a pas été averti, on n'a pas pu établir de position financière en vue de la loi.

En prenant la position financière des villes, telle qu'elle était, on a pu penser qu'on était dans la vérité. Les bases adoptées par le projet satisfont aux conditions d'un équitable partage, autant qu'on peut le faire, dans une si colossale opération.

Je ne puis m'empêcher, en voyant ce qui se passe à propos du projet de loi qui nous occupe, de me rappeler ce qui est arrivé, pour la création du chemin de fer, quand on a présenté le projet de loi de 1834. Beaucoup de membres articulaient alors les mêmes griefs qu'aujourd'hui. Je ne veux pas les nommer, mais il y en a encore dans cette enceinte ; et, de nouveau, ils sont parmi les opposants.

On avantageait telle ou telle commune ; on expropriait te'le route ; on blessait les intérêts des communes que ces routes traversaient ; on déplaçait un grand courant ; on ruinait des industries considérables. Ces opposants disaient : Vous établissez un chemin de fer entre Bruxelles et Anvers, Malines et l'Allemagne, et vous n'en faites pas pour les Flandres et le Hainaut.

C'était un concert de réprobation ; non seulement les communes étaient sacrifiées aux villes, mais des villes devaient payer pour les chemins de fer, sans en avoir elles-mêmes. En effet, la ville de Tongres a payé depuis vingt-cinq ans pour procurer au pays un bienfait dont elle ne jouit pas jusqu'ici. J'espère, soit dt en passant, que ses griefs cesseront bientôt.

Ces plaintes, formulées à propos du chemin de fer, étaient autrement fondées que celles qu'on fait aujourd'hui. Et cependant, on a bien fait de marcher en avant, malgré les vingt-huit opposants à cette mémorable loi.

Il est impossible de faire une grande réforme, et celle dont nous nous occupons est une immense transformation, il est impossible, dis-je, de faire une grande réforme, sans blesser quelques personnes, quelques localités, quelques intérêts ; la perfection absolue, en pareille matière, est impossible.

Vous appliqueriez tous les systèmes imaginables, que des sacrifices devraient être imposés, d'un côté ou de l'autre.

Mais ce dont, suivant moi, on n’a pas parlé assez, dans cette discussion, c'est de tout ce que la dignité du citoyen gagnera, par cette grande et fructueuse réforme, fallût-il, par-ci par-là, payer un peu plus d'argent. Chaque citoyen pourra aller où il voudra, sans rencontrer d'obstacle, de taxes et de tracasseries ; il entrera, dans chaque ville, comme chez lui. N est-ce rien que cette liberté nouvelle ; ne vaut-elle aucun sacrifice ?

Vous affranchissez chaque citoyen des humiliations qu'il subissait sur sa personne ; et cela ne vaudrait pas qu’il payât quelques centimes en plus sur sa bière et son genièvre ?

Je dis que quel que çoit le système que vous adoptez, vous trouverez (page 1607) des inconvénients ; mais pris dans son ensemble le système du gouvernement fait ce qu'il a été possible de faire ; il donne à chacun ce qu'il apporte approximativement dans le fonds communal ; et vous verrez que, dans l'avenir, les communes rurales seront dans une position très favorable ; tandis que les villes, les grandes villes surtout, pourront voir la leur embarrassée. Je voterai donc pour la proposition du gouvernement et contre l'amendement de l'honorable M. de Naeyer.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Mercier. - Messieurs, je n'abuserai pas des moments da la Chambre. Après le discours de l'honorable M. de Naeyer, j'ai peu d'observations à présenter sur l'article 3, qui est en discussion. Cet honorable membre a clairement établi dans quelles proportions les villes à octroi d'une part, et les autres communes d'autre part, contribuent à former le fonds communal, composé principalement du produit d'impôts frappant des denrées qui sont consommées presque également par toutes classes de la société.

Dès la présentation du projet de loi, j'ai été convaincu de la nécessité d'ajouter une quatrième base, celle de la population, aux bases établies par l'article 3 du projet de loi.

Il suffit de signaler quelques exemples de l'application exclusive de celles-ci pour prouver à que les énormes disproportions, à quels vices de répartition elles donnent lieu.

Il me semble, messieurs, que du moment que l'on a constaté que quatre villes, comprenant ensemble une population de 477,000 habitants, absorbent à peu près la moitié du fonds communal appartenant à tout le pays, c'est-à-dire à 4,600,000 habitants, il me semble qu'il est impossible dè ne pas être convaincu qu'il y a dans le projet une grande erreur à rectifier.

Ces quatre villes sont : Bruxelles, qui prend une part de 2,780,000 fr. ; Liège qui figure dans le tableau pour 1,214,000 fr., Gand pour 1,550,000 fr. et Anvers pour 1,236,000 fr. Ces villes obtiennent donc ensemble 6,820,000 fr.

En outre pour couvrir la dépense qui résultera des pensions temporaires à accorder aux agents de l'octroi, elles recevront pendant plusieurs années de l’Etat un subside de 340,000 fr.

Elles prélèveront donc une somme totale de 7,160,000 fr. sur le fonds de 14,000,000 de fr. C'est-à-dire plus de la moitié de ce fonds.

C'est en vain que l'on objecterait que c'est là un état transitoire, puisque, de l'aveu même du gouvernement, il se passera de longues années avant que l'on arrive à une situation normale.

Aussi, tandis que la ville de Bruxelles va recevoir 17 francs par habitant, celle de Gand 13 fr. 72 c, celle de Liège 13 fr. 72 c, les communes rurales ne toucheront que 80 centimes, et un grand nombre d'entre elles de 40 à 60 ou 70 centimes.

L'adjonction d'une nouvelle base, celle de la population, peut seule, je le répète, porter remède à un système qui produit de tels abus. J'appuie donc de toutes mes forces l'amendement de l'honorable M. de Naeyer. Déjà dans la section dont je faisais partie j'ai signalé cette base à l'attention de mes collègues, qui ont consenti à mentionner au procès-verbal que l'attention de la section centrale serait appelée sur cette proposition.

La section centrale s'en est assez peu occupée ; elle a allégué que les ouvriers agricoles consomment moins qu'une population industrielle ; ce qui peut être vrai à un certain degré, mais ne justifie pas les disproportions excessives qui ont été signalées. Elle a ajouté qu'une base qui ne peut être acceptée en entier ne pouvait l'être ici pour une partie. C'est sans doute pour éviter d’être mise en contradiction avec le projet du gouvernement qu'elle n a pas généralisé son observation, puisque ce projet repose lui-même sur plusieurs bases de répartition.

Lorsque j'ai pris la parole dans la discussion générale, j'ai moi-même 'indiqué un amendement analogue à celui qui a été présenté par l'honorable M. de Naeyer, pour parvenir à un résultat plus équitable.

L'application de cet amendement attribuerait d’abord à toutes les communes du pays un franc par habitant, ce qui, pour l'ensemble des communes sans octroi, formerait une somme de 3,400,000 fr. ; les deux autres tiers restants du fonds communal devant, dans ce système, être répartis d'après les bases du projet de loi, donneraient encore aux communes sans octroi une somme de 1,979,000 francs, formant le 2/3 de la somme de 2,969,055 francs indiquée par M. le ministre des finances, comme revenant aux communes sans octroi dans le système du projet de loi. La disposition transitoire devrait être modifiée, mais elle conserverait une partie de ses effets.

Ces communes recevraient donc une somme totale de 5,377,000 fr. pour une population de 3,400,000 habitants, tandis que les communes a octroi, pour une population de 1,200,000 habitants, obtiendraient 8,621,000 fr. Une pareille répartition me semble équitable. Si elle était adoptée, je voterais de grand cœur le projet de loi, mais tel qu'il est je ne puis lui donner mon assentiment.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je serai très bref ; mais il est impossible que je laisse sans un seul mot de réponse le discours de l'honorable M. de Naeyer.

L'honorable M. de Naeyer tente de grands efforts pour faire admettre la base dz la population et, pour justifier son idée sous ce rapport, il a recommencé toute la discussion générale à laquelle nous nous sommes livrés sur la question des consommations.

M. de Naeyer. - C’est la première fois que j'en parle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais il est certain que c'est là ce qui a occupé principalement dans la discussion générale. Quel est le contingent des villes ? Quel est le contingent des campagnes dans la constitution du fonds communal, et par conséquent les bases du projet proposé sont-elles justes ? C'est là ce qui faisait l'objet de la discussion générale.

Messieurs, je ne puis pas recommencer cette discussion ; je crois avoir apporté dans l'examen auquel je me suis livré, la plus grande condescendance, la plus grande loyauté. J'ai dit sur la question des consommations le pour et le contre sur tous les points.

Dans l'incertitude où l'on se trouve sous ce rapport et dans l'impossibilité pour un seul membre de cette Chambre de m'opposer un fait formel, j'aurais incontestablement pu me borner, à l'aide de quelques éléments, suffisamment décisifs à mes yeux, à affirmer une consommation plus considérable que celle que j'ai concédée. Ce ne sont certainement pas les arguments que fait valoir aujourd'hui l'honorable M. de Naeyer qui m'auraient ébranlé.

L'honorable membre cherche, par exemple, à établir la consommation des bières, en basant ses calculs non pss sur le produit de la cuve-matière, mais sur la cuve-matière elle-même.

M. de Naeyer. - C'est celui qui est imposé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, messieurs, j'ai examiné les diverses hypothèses et je suis arrivé aussi à concéder l'évaluation sur la cuve-matière. Déclarer que le produit de l'accise étant de 45 p. c. dans les villes et de 55 p. c. dans les campagnes et représenter par cette proportion la consommation locale, qu'est-ce donc, si ce n'est adopter comme base d'évaluation la cuve-matière ?

C'est précisément ce que j'ai fait. J'ai constaté que le produit des accises est de 45 p. c. dans les communes à octroi et de 55 p. c. dans les communes rurales ; j'ai compensé, dans les villes, les importations par les exportations... (Interruption.) J'ai dit qu'on pouvait raisonnablement admettre cette compensation... (Interruption.)

Vous pouvez le nier, sans doute ; mais je dis qu'il est raisonnable de l'admettre et je pourrais à cet égard fournir des chiffres assez concluants. J'ai donc pris comme vous, dans une hypothèse donnée, la cuve-matière comme base de mes évaluations, et dans cette hypothèse je trouve 45 p. c. pour les villes et 55 p. c. pour les campagnes.

J’ai fait des évaluations d'un autre genre, en ce qui concerne les genièvres, et quelle a été en définitive ma conclusion ? J'ai reconnu que si le fonds communal se composait exclusivement de ces éléments, comme le voulait l'honorable M. de Naeyer, la proportion, indiquée par le projet de loi devrait être renversée, et que, dans ce cas, l’honorable M. de Naeyer avait raison de demander que l'on admît la base de la population ; car la base de la population admise renverse précisément la proportion ; la base de la population fait que l'on donne 55 p. c. aux campagnes et 45 p. c. aux villes

Mais, comme je l’ai fait remarquer, ce qui serait juste dans l'hypothèse de l’honorable M. de Naeyer devient injuste dans l'hypothèse du projet de loi, devient injuste depuis les résolutions prises par la Chambre, et il m'est dès lors impossible de me rallier à la proposition de l'honorable M. de Naeyer.

En effet, on a introduit d'autres éléments dans le fonds communal et la poste qui y figurera maintenant pour 2 millions, d'après les décisions de la Chambre, rétablit largement l'équilibre. (Interruption.) 40 p. c. du produit brut doivent représenter 2 millions.

M. de Naeyer. - Pas encore.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans trois ans, et ici nous devons envisager ce que la poste produira.

M. Mercier. - Vous avez un produit net. Qu'avez-vous au-delà ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si l’honorable M. Mercier avait suivi la discussion avec attention, il saurait qu'on a substitué au produit net le produit brut.

M. Mercier. - Je ne comprends pas cela. Vous ne pouvez avoir plus que le produit net.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous savez parfaitement qu'il existe une contestation entre d'honorables membres de cette Chambre et moi sur le point de savoir si le produit net de la poste est de deux millions ou s'il est de 1,500,000 fr.

M. Mercier. - J'ai été de votre avis.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez été de mon avis ; j'en suis enchanté. Cela arrive rarement. Mais d'autres ne sont pas de notre avis, remarquez bien : « de notre avis » (interruption), et pour terminer cette contestation et éviter qu'elle ne se reproduise dans cette Chambre, on a établi qu'on percevrait un tantième du produit brut. Ce tantième dû produit donnera en définitive dans trois ans 2 millions.

Cet élément, à concurrence de 2 millions, va figurer dans le fonds commuual et ce produit est donné exclusivement par les villes.

(page 1608) M. de Naeyer. - Pas du tout.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas votre avis, c'est le mien ; je ne suis pas chargé de défendre le vôtre. Si je le partageais, je ne dirais pas ce que dis. Je combats votre opinion.

Vous ne voulez pas admettre la mienne. Mais la Chambre a admis avec le gouvernement que le produit de la poste figurerait dans le fonds communal ; et un décompte étant fai du produit donné tant par les villes que par les campagnes, il est parfaitement juste, il est rationnel de considérer comme produit des villes ce qui est donné par la poste, parce que le service rural est, en définitive, en déficit de 500,000 fr. par an, et par conséquent tout le produit qui est versé au fonds communal est donné par les villes.

Cela étant ainsi décidé par la Chambre, la part contributive des villes dans le fonds communal est de 55 p. c. Or les trois bases de répartition que nous proposons répondent à 55 p. c. pour les villes, et à 45 p. c. pour les campagnes. Voilà comment m»s propositions se justifient.

Cependant l'honorable M. de Naeyer insiste ; l’honorable M. Mercier vient de le faire aussi. Le grand correctif, c'est l'élément de la population et il semblerait que nous n'en avons pas tenu compte.

Est-ce que la population ne figure pas dans la contribution ? Ne sont-ce pas les populations qui donnent les contributions ? En d'autres termes, vous demandez qu'elles y figurent deux fois. Ajoutons encore, dites-vous, la population et nous serons plus justes. Vous ne serez pas plus justes, mais vous vous exposez certainement, par ce double emploi, à commettre une véritable injustice.

Messieurs, un avantage notable résulte du système du gouvernement. On s'est plaint souvent que les contributions étaient inégalement réparties, que telle commune, telle province payait plus qu'elle ne devait payer.

Or, grâce au projet, on restitue aux communes précisément en proportion de leurs contributions, de telle sorte que s'il y a une injustice quelque part, elle se trouve réparée. Ces communes, ces provinces recevront également en proportion de leurs contributions. Il en serait tout autrement d'après le projet de M. de Naeyer.

Messieurs, au lieu de nous livrer à toutes ces discussions relatives aux consommations, nous aurions pu venir vous dire ; Cela est fort obscur ; il est impossible de rien vous indiquer de satisfaisant, rien sur quoi on puisse asseoir une conviction sérieuse. Dans ce doute nous allons à une chose certaine. Ce qui est certain, ce qui est positif, ce qui est irrécusable, c'est le payement des contributions par les communes. Eh bien, décidons qu'une somme proportionnelle aux contributions payées par ces communes leur sera restituée. C'est là, messieurs, tout ce que nous faisons. Et où pourrait être l'injustice d'un pareil procédé ?

Voici trois contributions fournies par toutes les communes, dans une mesure parfaitement connue. Voici, d'autre part, des impôts généraux de l'Etat qui sont perçus dans des proportions qu'il est impossible de déterminer. Eh bien, dans cette incertitude, puisqu'il faut faire une répartition, restituons aux communes dans la proportion de leurs contributions directes.

C'est là, messieurs, ce que fait le projet de loi.

M. Mercier. - Je n'admets pas cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'admettez pas cela, c'est possible. Je ne sais ce que vous admettriez de ce que je proposerais.

Messieurs, j'ai dit à l'honorable M. de Naeyer : La base de la population est préjudiciable précisément aux deux provinces pour lesquele s on voudrait pouvoir faire quelque chose de plus dans la loi actuelle. Cela est indubitable. Si j'avais proposé la base de la population comme le fait l'honorable M. de Naeyer, je tiens qu'elle eût été déclarée injustifiable ; on aurait découvert qu'en ajoutant cette base de la population aux trois contributions, les provinces wallonnes étaient favorisées aux dépens des provinces flamandes ; que les premières allaient recevoir quelque chose de plus que ce qu'elles auraient sans la base de la population. et de là un thème magnifique de déclamation contre moi.

Et aujourd'hui que je repousse cette proposition dans l'intérêt des provinces flamandes et dans l'intérêt de la justice, on y insiste avec une sorte de passion. Et cependant nous sommes en présence de faits qui ne sauraient pas être niés.

M. de Naeyer. - C'est votre système, cela ; ce n'est pas le mien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous demande pardon ; ce n'est pas mon système, c'est le vôtre. Vous êtes dans l'erreur. Si je partage les trois millions...

M. de Naeyer. - Trois millions ; c'est votre système.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vais en supposer six. Je suppose six millions répartis, soit d'après les trois bases des contributions, comme le projet du gouvernement, soit d'après ces trois bases, plus la population, ce qui est bien votre système...

M. de Naeyer. - Il s'agit du partage général entre les villes et les communes ruraies.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - e ne discute pas cela en ce moment. (Interruption.)

Je ne sais si les membres qui m'interrompent comprennent bien l'honorable M. de Naeyer.

L'honorable M. de Naeyer veut me dire que, dans son système, les communes rurales auront immédiatement plus que dans mon système. J'ai fait ressortir à cet égard le vice des évaluations de l'honorable membre et j'ai examiné son plan. Ce n'est pas maintenant de cela qu'il s'agit.

M. de Naeyer. - Oui, c'est de cela qu'il s'agit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, je sais bien que je vous serre d'un peu de près et que vous voudriez bien m'échapper.

La question de savoir si, en définitive, voire système donne plus aux communes rurales que le système du gouvernement n'est pas discuté maintenant.

M. de Naeyer. - Il n’y a que cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a que cela ? Vous vous vous trompez. Voici ce qu'il y a encore. Il faut bien que l'on fasse la sous-répartition ; et il s'agit de savoir si une somme égale étant donnée dans votre système et dans celui du projet du gouvernement, les Flandres auront la même chose dans l'une et dans l'autre hypothèse, ou si vous ne leur préjudiciez pas par votre répartition.

C'est une seconde question, et c'est de cette seconde question que nous nous occupons. La première est hors de doute. Il est hors de contestation que si l'honorable M de Naeyer peut donner 5 millions, il donnera plus aux communes rurales que ceux qui n'en promettent d'abord que 3 ; cela ne fait pas question, mais c'est votre base de répartition que j'attaque. \

J'examine si l'élément de la population que vous introduisez dans les bases de répartition est favorable aux Flandres, et je dis que non. Je dis que les Flandres perdent d'après votre projet et cela est évident.

Comment ce fait ne vous a-t-il pas frappé ? L'augmentation de la population dans sept provinces a été de 1846 à 1858 de 10.46 p. c. tandis que la diminution dans les deux Flandres a été pendant la même période de 1 20/100 p. c.

Ainsi, tandis que dans sept provinces il y avait une augmentation de population de 303,303 battants, il y avait une diminution de 17,328 habitants dans les Flandres. Entre les unes et les autres il y a un écart de 11 3/5 p.c.

C'est sur les communes rurales que porte précisément cette décroissance. Dans les communes à octroi de sept provinces, l'augmentation moyenne a été de 16 44/100 p. c. ; dans les communes à octroi des deux Flandres, l'augmentation n'a été que de 5 87/100 p. c.

Soit que vous appliquiez la comparaison aux villes à octroi, soit que vous l'appliquiez aux communes rurales, vous arriverez toujours à un résultat défavorable pour les Flandres.

Pour les communes sans octroi, l'augmentation a été, dans sept provinces, de 8 44/100 p. c. tandis que dans les deux Flandres il y a eu, pour les communes sans octroi, une diminution de 3.54 p. c.

Ainsi, tandis que sept provinces offrent un accroissement de population de 16 1/2 p. c dans les communes à octroi, l'accroissement n'a été que de 6 p. c. dans les communes à octroi des deux Flandres.

Pour les communes sans octroi, l'écart est encore bien plus considérable. Dans les deux Flandres, on constate une diminution de 3 54/100 p. c, et dans les sept autres provinces, au contraire, une progression dent les termes varient entre 4 et 10 1/2 p. c. et dont la moyenne est de 8 1/2 p. c.

Si l'on prend des époques plus rapprochées, si l'on opère sur l'année 1852, par exemple, on a toujours des résultats analogues. De 1852 à 1858, il y a une diminution moyenne dans les deux Flandres de 63/100 p. c, tandis que pour les autres provinces il y a une augmentation de 3 75/100 p. c.

Vous le voyez, messieurs, si cette base était introduite dans le projet de loi, elle serait extrêmement défavorable aux deux Flandres, (interruption.) Je ne conteste, pas que, d'après ses évaluations, l’honorable M. de Naeyer n'ait pour but d'attribuer dans le moment actuel, une somme plus forte aux communes rurales que le système du gouvernement ; mais vous reconnaîtrez sans doute bien qu'il arrivera nécessairement un moment, où les communes rurales recevront, dans le système du gouvernement...

M. de Naeyer. - Nous ne vivrons plus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est possible ; ce temps n'est pas pourtant fort éloigné ; mais enfin, nous discutons un principe ; la loi ne mourra pas avec nous.

Je dis, messieurs, qu'il y a un moment où le système du gouvernement donnera aux communes rurales une somme plus forte que dans le système de M. de Naeyer.

Eh bien, à somme égale à partager, la base de répartition proposée par l'honorable M. de Naeyer sera évidemment défavorable aux Flandres.

Ces considérations, messieurs, me déterminent à repousser la proposition de l'honorable M. de Naeyer.

- La clôture est demandée.

M. de Naeyer (contre la clôture). - Je désirerais répondre deux mots à M. le ministre des finances ; je tiens à prouver que je ne ne suis pas du tout « serré » par son argumentation relative aux Flandres, argumentation qu il me serait bien facile de détruire.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. de Nayerµ. - Maintenant je suis « serré », mais par des arguments.


L'amendement de M. de Naeyer est mis aux voix par appel nominal.

108 membres sont présents.

42 adoptent.

66 rejettent.

(page 1609) En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Tcrbecq, de Theux, B. Dumortier, Henri Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, Le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs. Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.

Ont voté le rejet : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne. de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, Deridder, de Rongé, Devaux, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guullery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pierre, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vervoort et Dolez.


M. le président ; - Je mets maintenant aux voix l'article 3 du projet du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans le premier paragraphe, après les mots : « du principal des cotisations de patentes », i il y a lieu d'ajouter les mots : « établies en vertu de la loi du 21 mai 1810, de la loi du 6 avril 1823 et des articles 1 et 2 de la loi du 22 janvier 1849. »

Je demande aussi qu'on retranche l'addition « déduction faite, pour chacune des contributions, des cotes irrécouvrables imputées sur le fonds des non-valeurs du dernier exercice clos. »

'Nous avons constaté que cette déduction préalable était sans importance et qu'elle donnerait lieu à un travail considérable. La section centrale est d'accord avec le gouvernement pour la suppression du paragraphe.

D'après la résolution de la Chambre, quant à l'article 2 qui attribue le produit brut de la poste au fonds communal, il y a lieu de rédiger le paragraphe 3 de la manière suivante :

« § 3. Le quart présumé est fixé d'après les prévisions du budget des voies et moyens, quant aux accises et aux postes et d'après le produit moyen du droit d'entrée sur le café pendant les trois dernières années, en tenant compte de la situation trimestrielle des recouvrements. »

Si, d'après les recouvrements, il y a plus que les prévisions, on y aura égard ; s'il y a moins, on en fera état pour éviter des mécomptes à la fin de l'année.

M. le président. - D'après ces amendements, l'article3 serait ainsi rédigé :

« Art. 3. § 1er. Le revenu attribué aux communes par l'article 2 est réparti chaque année entre elles, d'après les rôles de l'année précédente, au prorata du principal de la contribution foncière sur les propriétés bâties, du principal de la contribution personnelle et du principal des cotisations de patentes établies en vertu de la loi du 21 mai 1819 et des articles 1 et 2 de la loi du 22 janvier 1849 (Journal officiel, n° 34 et n°14, et Moniteur, n°24).

« § 2. Une somme égale au quart présumé de sa quote-part dans la répartition annuelle est versée au commencement du deuxième, du troisième et du quatrième trimestre à la caisse de chaque commune, à titre d'à-compte.

« § 3. Le quart présumé est fixé d'après les prévisions du budget des voies et moyens, quant aux accises et aux postes et d'après le produit moyen du droit d'entrée sur le café pendant les trois dernières années, en tenant compte de la situation trimestrielle des recouvrements.

« § 4. Le solde du décompte de l'année est payé aux communes, après l'achèvement de la répartition définitive, dans les premiers mois de l'année suivante. »

- Cet article est mis aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal.

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

108 membres prennent part au vote.

69 membres répondent oui.

39 membres répondent non.

En conséquence, la Chambre adopte l'article 3.

Ont répondu oui : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, Deridder, de Rongé. Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Joseph Jouret, Martin Jouret, Julliot, Koeler, Lange. Laubry, Charles Lebeau, Joseph Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pierre, André Pirson, Victor Pirson, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Savart, Tesch, Alph. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vandersticbelen, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vervoort et Dolez.

Ont répondu non : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Decker, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Rover de Behr, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII et de Haerne.

Article 4

M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 4. Mais il n'y a pas lieu de mettre cet article en délibération, le gouvernement ayant consenti, en section centrale, à la suppression de cet article.

Chapitre II. Modifications à quelques droits d'accise

Sucres
Article 10

M. le président. - Nous avons maintenant à revenir sur l'article 10 ; il y avait lieu de formuler en style législatif le principe qui a été adopté par la Chambre à cet article.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, ce serait presque un acte de mauvais goût que de soulever des difficultés à l'occasion d'une question d'un intérêt tout à fait secondaire. La Chambre est fatiguée de cette longue discussion, discussion qui a duré à peu près un mois, sur un seul et même projet de loi. Par ce motif, je déclare que, quant à moi, j'accepte les amendements de M. le ministre des finances, et je déclare même que je les accepte définitivement.

M. le président. - Voici donc la rédaction de l'article 10, telle que la propose M. le ministre des finances.

« Par modification aux lois du 18 juin 1849 et du 15 mars 1856 (Moniteur, n°171 et n°80), le droit d'accise est fixé par 100 kilogrammes sur le sucre étranger à 48 francs et sur le sucre brut indigène à 42 francs. »

M. Muller. - Messieurs, je désire qu'une explication nette ait lieu sur quelques paroles que vient de prononcer l'honorable M. de Brouckere. Le représentant de Mons parle d'un amendement auquel il se rallierait, et qu'il présente comme étant dû à l'initiative de M. le ministre des finances. Or, si je m'en souviens bien, M. Frère-Orban a combattu énergiquement le système de l'honorable M. de Brouckere, système qui a, malheureusement, prévalu lors du premier vote. A moins donc que M le ministre des finances n'ait changé d'avis, et personne d'entre nous n'a lieu de le supposer, cela serait même inconcevable, il ne peut s'agir actuellement d'un amendement de M. le ministre des finances, mais tout simplement d'une rédaction indiquée loyalement par lui comme pouvant traduire en style législatif et en article de loi la proposition d'ajournement de M. de Brouckere, que la Chambre a acceptée, contre l'avis du gouvernement, dans un premier vote.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme j'ai eu l'honneur de le dire, je me suis borné à traduire en style législatif les principes admis par la Chambre dans une séance précédente, et dont je n'accepte en aucune façon la responsabilité ; ce n'est donc pas de mes propositions qu'il s'agit, on n'a pas à statuer sur des propositions du gouvernement.

Je crois aussi qu'il n'y a pas lieu de voter sur les dispositions que vient de lire M. le président, mais seulement de les insérer purement et simplement dans le projet ; c'est au second vote qu'il y aura lieu de les mettre aux voix.

M. le président. - La formule que vous venez d'entendre n'est que l'expression législative d'un vote précédemment émis.

Article 11

« Art. 11. § 1er. Le minimum de la recette trimestrielle, fixé à 1,125,000 francs par le paragraphe premier de l'article 4 de la loi du 15 mars 1856, esf porté à 1,300,000 francs.

« § 2. Lorsque la moyenne de la consommation de trois années consécutives, du 1er juillet d'une année au 30 juin de l'année suivante, est supérieure à 16,690,000 kilogrammes de sucre, le minimum de 1,300,000 francs est augmenté de 45,000 francs par quantité de 500,000 kilogrammes formant l'excédant.

« § 3. A l'expiration du premier semestre de chaque année, un arrêté royal constate cette moyenne, en prenant pour base, d'une part, la différence entre les quantités de sucre brut déclarées en consommation (déduction faite de 3 p. c. pour déchet au raffinage) et, d'autre part, les quantités de sucre exportées ou déposées en entrepôt public avec décharge de l'accise.

« § 4. Cet arrêté détermine le montant du minimum qui doit être perçu à partir du 1er juillet de l'année courante, jusqu'au 30 juin de l'année suivante. »

- Adopté.

Article 12

M. le président. - Pour l'article 12, la Chambre a statué en principe, je viens de lire la rédaction nouvelle résultant du vote émis.

Article 13

(page 1610) « Art. 13. Sont abrogés :

« La loi du 24 décembre 1853 (Moniteur, n°362), sur 1es vins ;

« La loi de la même date, sur les bières et vinaigres ;

« Les articles 3 à 4 de la loi du 30 novembre 1854 (Moniteur, n°335) ;

« Les articles 2 et 4 de la loi du 15 mars 1856 (Moniteur, n°80). »

- Adopté.

Chapitre III. Dispositions transitoires

Article 14

« Art. 14. § 1er. Le revenu attribué aux communes par l'article 2 est fixé au minimum de 12,500,000 fr., pour la première année de la mise en vigueur de la présente loi.

« § 2. La quote-part assignée à une commune par la répartition faite en vertu de l'article 3 ne peut être inférieure au revenu qu'elle a obtenu des droits d'octroi pendant l'année 1859, déduction faite des frais de perception et des restitutions allouées à la sortie.

« § 3. Sont assimilées sous ce rapport aux droits d'octroi les taxes directes perçues pour en tenir lieu dans tes parties extra muros de certaines villes.

M. le président. - Des amendements ont été présentés à cet article, par MM. de Naeyer et Tack.

M. de Naeyer. - Je retire le mien.

M. le président. - L'amendement de M. Tack est ainsi conçu :

« § 1er. Le revenu attribué aux communes par l'article 2 est fixé au minimum de 15,000,000 de francs, pour la première année de la mise en vigueur de la présente loi.

« § 2. La quote-part assignée aux communes assujetties à l'octroi par la répartition faite, en vertu de l'article 3 ne peut être inférieure au montant total des revenus qu'elles ont obtenus des droits d'octroi et des taxes directes perçues pour eu tenir lieu dans les parties extra-muros de certaines villes, pendant l'année 1859, déduction faite des frais de perception et des restitutions allouées à la sortie.

« L'excédant formera la quote-part des communes sans octroi, et leur profitera exclusivement.

« Pendant les trois premières années qui suivront la mise en vigueur de la présente loi, la répartition de la quote-part assignée aux communes à octroi aura lieu entre elles, au prorata du produit net de leur octroi, pendant l'année 1859.

« § 3. La disposition du paragraphe 2 qui précède cessera de sortir ses effets, lorsque le tantième attribue aux communes sur le principal des contributions énumérées à l'article 3 sera le même pour les villes et communes assujetties à l'octroi, comme pour celles où l'on ne perçoit point actuellement cet impôt.

« § 4. S'il arrivait que les ressources affectées au fonds communal par l'article 5 fussent inférieures au chiffre de 15,000,000 de francs, la différence serait répartie entre les 78 communes assujetties à l'octroi, d’une part, et celles sans octroi, d'autre part, respectivement dans la proportion de deux tiers à charge des premières et d'un tiers à charge des secondes. »

M. Tack. - Messieurs, l'article 14, qui est en ce moment en discussion, aussi bien que l'article 3, qui vient d'être voté, sont tous les deux relatifs à la répartition du fonds communal ; l'un est aussi essentiel que l'autre ; tous deux touchent au problème le plus difficile, le plus important que soulevé le projet de loi.

Vous avez décrété le principe de l'abolition des octrois et créé les ressources nécessaires pour les remplacer. Vous avez formé à cet effet un fonds alimenté à l'aide d'impôts généraux, d'impôts de consommation qui frappent sur la généralité.

Vous avez aussi réglé le mode de répartition du fonds communal pour la période définitive qui ne commencera que dans un avenir très éloigné ; il reste à déterminer de quelle manière se fera la distribution du fonds communal pendant la période transitoire qui doit s'ouvrir immédiatement. C'est là une tâche ardue, épineuse. Si nous parvenons à faire une répartition conforme aux lois de la justice distributive et de l'équité, la loi que nous sommes sur le point de voter sera durable ; sinon nous aurons créé une œuvre éphémère, car tout ce qui froisserait la justice n'a pas de chance, dans notre libre Belgique, de prendre racine ni de se perpétuer.

Dans l'étude que j'ai faite du projet de loi, j'ai porté surtout mes investigations sur la répartition du fonds communal; il m'a paru que si le mode de répartition définitive laissait à désirer, le mode de répartition provisoire était davantage encore entaché d'imperfections ; quant à la répartition définitive, j'aurais voulu comprendre dans les bases l'élément de la population, parce qu'il me paraît évident que, pour les communes sans octroi, il y avait un avantage auquel elles ont droit, quoi qu'en ait dit l'honorable ministre des finances.

Mon amendement a pour objet de corriger les vices de la répartition provisoire : je m'attends à ce qu'il sera repoussé comme l'ont été les amendements de l’honorable M. de Naeyer. Il sera enveloppé dans la même réprobation.

Déjà dans une précédente séance l'honorable ministre des finances a prétendu que mon amendement bouleverse son système. C'est fort d’une argumentation pareille que M. le ministre des finances repousse impitoyablement toute modification à son projet de loi.

Mais quand l'honorable ministre vient affirmer que nous détruisons son système, il devrait dire au juste ce que c'est que son système ; s'il entend par son système qu'ii faut assurer envers et contre tout, à tout jamais, au profit de toutes les villes le produit net de leur octroi pendant 1859, oh ! alors, j'ai légèrement effleuré son système par mon amendement.

Si, de ce chef, il doit être répudié, à quoi bon venir nous dire, au début de la discussion : Mon plan n'est pas parfait, apportez-y des modifications pour l'améliorer ; au besoin, je les accepterai. A quoi bon, si on nous repousse toujours par cette phrase stéréotypée :Votre amendement bouleverse mon système ? A moins qu'on ne veuille faire du projet de loi un lit de Procuste sur lequel on entend nous assujettir.

Je serais peut-être fondé à le croire, car toutes nos propositions ont été successivement écartées les unes après les autres. Je préfère, cependant, me persuader que l'appel qui nous a été fait est sérieux, et c'est ce qui m'encourage à développer mon amendement. Je serai naturellement obligé pour cela de comparer mon système à celui du projet de loi.

Restituer à chaque commune la part qu'elle apporte au fonds communal, tel est le principe fondamental de la loi, principe avoué par M. le ministre des finances, et auquel tous nous nous rallions. Ce principe trouve sa formule, d'après l'honorable ministre des finances, dans l'article 3 que la Chambre vient de voter, et qui porte que la répartition, pour être équitable, doit se faire au prorata des contributions payées par chaque commune.

Attribuer à chaque commune du royaume une part calculée d'après sa consommation présumée, donner à chaque commune en proportion de la somme qu'elle paye au fonds communal, assurer aux villes et communes à octroi 55 p. c. du fonds communal, aux communes rurales 45 p. c du même fonds, ou encore garantir 7,700,000 fr. aux villes et 6,300,000 fr. aux campagnes, tout cela est synonyme dans la pensée de l'honorable ministre des finances, et se résume dans la règle de l'article 5 qui consacre le partage au marc le franc des contributions.

Mais M. le ministre fait complètement litière de cette règle qu'il proclame juste et équitable, car à côté de l'article 5 se trouve l'article 14 qui pose une autre règle diamétralement opposée à la première ou plutôt qui consacre une exception qui détruit complètement la règle, qui l'annule, la fait disparaître ; cette exception n'est qu'un expédient ; c'est un moyen de donner aux villes une part plus forte qu'aux communes sans octroi ; elle se traduit par cette disposition, que la part allouée aux communes à octroi ne pourra être inférieure au produit net des taxes communales perçues en 1859.

Soit, je veux bien admettre une exception, mais à la condition que ses effets ne soient que temporaires, n'emportent pas la règle.

Le mécanisme du projet de loi est très compliqué ; pour le comprendre et en saisir les conséquences, abordons un instant le champ de l'application, rapprochons l’article 3 de l’article 14 en discussion.

Mettons en regard d'un côté le produit net des contributions pour tout le royaume, et de l'autre le fonds communal de 14 millions. Faisons abstraction de la période transitoire ; figurons-nous que la loi fonctionne définitivement. Quelle sera dans cette hypothèse la part, tant des communes à octroi que des communes sans octroi dans le fonds communal ? 83 p. c. du produit des 3 bases de contributions, car 16,735,589 francs (produit des contributions pour tout le pays), sont à 14 millions (fonds communal), comme 100 est à 83.

Ce qui en résultat correspond à ceci qu'il est alloué sur le fonds communal 55 p. c. aux villes et 45 p. c. aux campagnes, ou si l'on veut 7,700,000 francs aux unes, 6,500,000 francs aux autres.

En effet, les contributions payées par les villes s'élèvent à 9,266,187 francs, celles acquittées par les campagnes à 7,487,402 francs. Est-ce d'après ces règles que l'on insère dans la loi que se fait se partage du fonds communal ? Du tout. M. le ministre des finances divise le fonds communal, en vertu de l'article 14, pour la période transitoire dont on ne prévoit pas la fin, en deux parts distinctes, l'une de 11,500,000 francs pour les villes, l'autre pour les campagnes de 2,500,000 francs.

La conséquence de cette division du fonds communal est, qu'en moyenne, les villes recevront 125 p. c. de leurs contributions, les campagnes seulement 31 p. c. es chiffres sont même respectivement 128 p. c. et 25 p. c. pour 1859, si l'on suppose un fonds communal de 14,000,000 de francs. Voulez-vous voir d’une manière saisissante les effets de cette anomalie, de cette disproportion choquante, de ce disparate ?

Supposez un instant que l'on traite les villes sur le même pied que les campagnes, qu'on ne leur alloue que 31 p. c. de leurs contributions, voici ce que recevraient nos quatre grands centres de population :

Liège : 236,627 fr. au lieu de 1,308,793. Différence : 1,072,166 fr.

Gand : 312,995 fr. au lieu de 1,503,355. Différence : 1,190,360 fr.

Bruxelles : 695,727 fr. au lieu de 2,872,914. Différence : 2,177,187 fr.

Anvers : 493,143 fr. au lieu de 1,358,172. Différence : 865,029 fr.

Ensemble : 1,738,492 fr. au lieu de 7,043,234. Différence : 5,304,742 fr.

On nous dit : il faut bien venir au secours des villes, admettre en leur faveur pendant la période transitoire un prélèvement ; mais si on demande à M. le ministre des finances quand finira cette période transitoire, si c'est dans 30, 40 ou 50 ans, M. le ministre répond :« Je n'en sais rien. » Cela est très vrai, il n'en peut rien savoir de la manière dont il a (page 1611) combiné son plan, car il est impossible de prédire dans quelle proportion se développeront les bases de la répartition et quel sera au juste l'accroissement du fonds communal. Savez-vous à quelle somme devrait s'élever le fonds communal pour que l'article 3 dans le système de l'honorable ministre reçût son application ? A 31,900,000 francs. C'est-à-dire qu'il faudrait une augmentation de 17,000,000. On semble le contester, je vais vous le prouver.

Le produit des contributions pour tout le pays est de 16,735,587 fr. Il est telle ville qui reçoit 191 p. c. du produit de ses contributions. Multipliez le produit de 16,753,587 fr. par 191, divisé par 100, et vous arrivez au chiffre de 31,999,354 fr. Ce calcul suppose que le produit des contributions augmentera dans des proportions égales pour les villes comme pour les campagnes, et que la progression aura lieu dans un rapport uniforme quant aux villes entre elles ; mais c'est le contraire qui aura lieu ; on est d'accord que les bases de répartition se développeront plus rapidement dans les grands centres de population, et si l'on va au fond des choses, ce ne seront pas 31 millions qui suffiront, mais peut-être pas même 40 millions. Arrêtons-nous cependant au chiffre de 31 millions.

Je viens de faire observer qu'il est impossible de prévoir mathématiquement quel sera, dans un temps donné, l'accroissement du fonds communal. Essayons d'évaluer approximativement quel sera cet accroissement. L'augmentation du produit de l'accise sur les vins, les eaux-de-vie et les bières, éléments principaux du fonds communal a été pendant une période de neuf ans de 4,790,527 francs ; la Chambre vient de doubler l'accise sur la bière, et d'augmenter l'accise sur les eaux-de-vie ; la population suit une marche ascendante et la richesse publique se développe ; on pourra, à raison de ces circonstances, admettre que désormais, pendant le même espace de temps, l'augmentation sera du double, soit de 9,581,054 fr., si l'on y ajoute pour la 10ème année 418,946 fr. on pourra compter sur une progression de 10 millions en 10 ans, c'est-à-dire un million par an

Nous avons vu que pour que le partage puisse avoir lieu, sur le pied de l'égalité pour tous, le fonds communal devra accroître de 17,000,000 fr. Or pour arriver à cet accroissement de 17,000,000 de fr. il faut une augmentation de 50 millions sur le produit de l'accise, puisque le prélèvement en faveur du fonds communal n'est que de 34 p. c. de ce produit. On attendra donc au moins un demi-siècle, avant que la loi opère, avant que l'article 3 reçoive son application, avant que chacun obtienne une part proportionnelle à ce qu'il paye.

Je sais qu'on a avancé qu'il suffirait que le fonds communal eût atteint 21 millions ; mais c'est là une grave erreur. Oui, si vous appliquiez immédiatement l'article 3 ; mais, avec votre période de transition, vous remettez l’application normale de la loi à une époque indéfinie. Vingt et un millions suffiraient si le système que je préconise était adopté, parce que je fais profiter l'accroissement du fonds communal exclusivement aux communes rurales ; ce qui n'est pas dans la projet de loi. L'honorable M. Frère a pourtant affirmé que l'accroissement du fonds communal profiterait exclusivement aux communes rurales.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit presque exclusivement.

M. Tack. - J'allais précisément dire que, dans la dernière séance, vous avez ajouté le mot « presque ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans tous mes discours. Cela est bien simple d'ailleurs, puisque le tableau l'indique.

M. Tack. - Ainsi vous êtes forcé de le reconnaître, les villes et communes à octroi prendront une part dans l'augmentation du fonds communal et de plus vous leur garantissez à tout jamais et à chacune d'elles le produit net de leurs octrois en 1859.

Je sais que vous êtes venu soutenir aussi que vous ne garantissez pas aux villes le produit net de leur octroi. Non, vous ne leur garantissez pas ce produit net, mais vous leur garantissez davantage, vous leur assurez d'abord le produit net et en outre une double chance d'augmentation, l'une à raison du développement des bases de répartition, l'autre à raison de l'accroissement probable du fonds communal ; ou, ce qui revient au même, vous appliquez aux villes à octroi l'article 14 tant qu'il leur est favorable, vous ne le leur appliquez plus, mais bien l'article 3, quand par hasard celui-ci peut servir leurs intérêts. M. le ministre des finances, oserait-il prétendre que la dépression du fonds communal puisse jamais être telle, qu'il descende au-dessous de 11,500,000 fr. ?

Et dès lors, comment peut-il soutenir qu'il ne garantît pas le minimum de 11,500,000 fr., aux villes à octroi. Si, par impossible, cela arrivait, que resterait-il aux campagnes ? Néant.

Messieurs, c'est une chose assez étrange. L'honorable ministre des finances ne défend son projet qu'en s'appuyant sur des doutes, sur des incertitudes, sur des appréciations vagues. Il n'attache pas grande importance à justifier son système. Mais il dit à ses contradicteurs : Prouvez-moi que j'ai tort. Il se débarrasse ainsi fort lestement du fardeau de la preuve.

Ainsi quand on demande à M. le ministre des finances quelle est respectivement la consommation des villes et celle des communes rurales quant aux objets que frappent les impôts nouveaux, il nous répond : Je n'en sais rien. Je vous fournis à la vérité des tableaux statistiques ; mais des tableaux statistiques d'où vous ne pouvez tirer aucune conséquence, et même je ne vous les ai communiqués que pour établir qu'ils ne prouvent rien. A quoi servent alors les statistiques ?

Demande-t-on à l'honorable ministre des finances quelle est la part que les campagnes supportent dans les octrois communaux ? L’honorable ministre répond : Je n'en sais rien. J'affirme toutefois qu'elles supportent une part considérable ; c'est incontestable. J'évalue cette part à 3 millions. Prouvez-moi que j'ai tort !

Demande-t-on à M. le ministre des finances quel est le fardeau que supporteront les campagnes dans les nouveaux impôts, l'honorable ministre des finances nous répond encore : Je n'en sais rien. Cependant, ajoute-t-il, je suppose que les villes contribueront dans ces impôts nouveaux à concurrence de 55 p. c. et les communes rurales à concurrence de 45 p. c.

Demande-t-on à l'honorable ministre pour quelle époque il assure aux communes sans octroi cette part de 45 p. c, qui nous paraît à nous inférieure à celle à laquelle elles auraient droit ? M. le ministre des finances répond encore une fois : Je n'en sais rien.

Je comprends qu'il est très difficile d'établir mathématiquement toutes ces appréciations. Mais une chose vraie, c'est qu'il est possible d'introduire dans le projet de loi des dispositions telles, que, dans un temps rapproché, d'une manière certaine, l'article 3 produise ses effets, soit appliqué ; c'est ce que ne fait pas le projet de loi ; c'est à quoi tend mon amendement. Je veux que la période transitoire ait une fin, je veux que l'on sache quand le fonds communal sera distribué au prorata des contributions, quand chaque commune du royaume recevra une part proportionnée à sa consommation. Il est possible d'arriver à ce résultat, je dirai plus, il faut y arriver, parce que c'est un cas de nécessité absolue. Il s'agit ici de satisfaire aux exigences de la justice distributive, et ici nous ne pouvons plus rester dans le vague.

L'amendement de l'honorable M. Pirmez conduit à la solution. Celui que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau y conduit également.

Il y a deux manières d'aboutir d'abord. En adoptant le système de l'honorable M. Pirmez qui consiste à réduire successivement d'année en année le préciput accordé aux villes pour le restituer aux communes rurales, ce système est rationnel et logique. Je n'ai pas cru devoir m'y rallier, parce qu'à mon avis, il impose des conditions trop dures aux villes. Il a pour conséquence de placer les villes chaque année devant des déficits de plus en plus considérables, Il creuse constamment le gouffre de leurs dettes. J'ai donc préféré le second mode qui consiste à faire profiter exclusivement les communes rurales de l'accroissement du fonds communal. C'est là le fondement de tout le système que j'ai eu l'honneur d'exposer antérieurement à la Chambre. J'améliore la position des communes rurales. Je fixe un terme certain où la loi doit avoir tous ses effets, un terme où l'article 3 devient une réalité pour toutes les communes indistinctement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quel est ce terme ?

M. Tack. - Je vais vous le dire. J'ai modifié un peu mon amendement ; je m'étais contenté d'abord d'un terme moral, mais que cependant il était aisé de prévoir d'une manière très approximative. Aujourd'hui je le précise : l'article 3 opérera pour les villes, quant à leur part au bout de trois ans ; et pour les campagnes, également quant à leur part immédiatement ; la période transitoire cessera après quinze ans.

Vous allez juger qu'il en est ainsi par les modifications que j'ai cru devoir apporter à l’amendement que j'avais présenté. Je l'ai fait à la demande de quelques-uns de mes honorables collègues, qui ont préféré qu'un terme certain, positif, fût assigné plutôt qu'un terme probable, un terme plus ou moins incertain. Voici mon amendement, tel que je l'ai rédigé définitivement.

« Remplacer les amendements que j'ai proposés à l'article 14, dans la séance du 6 juin 1860, par les dispositions suivantes :

« Art. 14, § 1. Le revenu attribué aux communes par l'article 3 est fixé au minimum de 15,000,000 de francs pour les trois premières années qui suivront la mise en vigueur de la présente loi, de 15,500,000 francs pour la quatrième, de 16,000.000 de francs pour la cinquième, et ainsi de suite en augmentant d'année en année dans la même proportion jusqu'au moment où la disposition de l'article 3 reçoive son entière application.

« § 2. La quote-part assignée aux communes assujetties à l'octroi par la répartition faite en vertu de l’article 3 ne peut être inférieure au montant total des revenus qu'ensemble elles ont obtenus des droits d'octroi et des taxes directes perçues pour en tenir lieu dans les parties extra-muros de certaines villes pendant l'année 1859, déduction faite des frais de perception et des restitutions allouées à la sortie.

« L'excédant formera la quote-part des communes sans octroi et leur profitera exclusivement.

« Les dispositions du présent paragraphe cesseront de sortir leurs effets lorsque le tantième attribué aux communes sur le principal des contributions énumérées à l'article 3 sera le même d’une part pour les villes et communes assujetties à l'octroi, comme d'autre part pour celles où l'on ne perçoit point actuellement cet impôt :

« § 3. Pendant les trois premières années qui suivront la mise en vigueur de la présente loi, il est attribué à chaque commune à octroi (page 1612) une part qui ne peut être inférieure au produit net de son octroi pendant l’année 1859. »

Je viens de donner lecture de mon amendement, j'en explique maintenant l'économie et la portée.

Durant la période transitoire, le fonds communal de 14 millions se divisera en deux parts distinctes ; la part des villes, égale au produit net de leur octroi, augmenté de 5 p. c. en faveur des employés des taxes communales, c'est-à-dire 11,500,000 fr. Cette part de 11,500,000 fr. restera invariable, jusqu'au moment où l'article 3, qui est le principe voté tantôt par la Chambre, reçoive son application.

La part des communes sans octroi sera composée de l'excédant, c'est à-dire de la différence entre la somme de 11,500,000 francs attribuée aux villes et le montant intégral du fonds communal. Elle s'élèvera par conséquent pour la première année, dans la supposition d'un fonds communal de 14,000,000 de fr. à 2,500,000 fr.

Cette part des campagnes augmentera successivement à leur profit jusqu'à ce qu'arrive le moment où elles seront sur la même ligne que les communes à octroi ; en outre, et de même que le projet de loi garantit 55 p. c. aux villes à octroi, je tiens à faire garantir aux communes rurales dans un temps déterminé les 45 p. c. qu'on reconnaît devoir leur être attribués légitimement.

Pour que la loi fonctionne dans l'hypothèse de mou amendement, il faudra que le fonds communal atteigne le chiffre de 21 millions.

En effet, la part des villes qui, comme je l'ai dit tantôt, est de 11,500,000 fr. et demeure invariable jusqu'au moment où l'article 3 sera appliqué dans toute son étendue, correspond à 125 pour cent de leurs contributions.

La part des campagnes qui s'accroîtra incessamment pour correspondre à 125 pour cent de leurs contributions, devra atteindre le chiffre de 9,500,000. Quand ce chiffre de 9,000,000 fr. sera-t-il atteint ? Je l'ai déjà dit, dans quinze ans ; on présume avec fondement qu'après trois ans, la part des communes sans octroi sera de 3,000,000 de francs ; l'Etat garantissant un accroissement progressif de 500,000 fr., il faut ajouter douze années aux trois années écoulées pour arriver aux 9,000,000 fr. Le terme arrivera peut-être plus tôt et voici pourquoi : c'est que les bases des contributions se développeront plus vite, dans les villes à octroi que par suite dans les communes rurales, ce sera peut-être au bout de douze ans que l'égalité sera rétablie.

En résumé donc, messieurs, pour les trois premières années chaque ville recevra le produit intégral de son octroi. Après trois ans, le partage du fonds de 11,500,000 francs se fera entre les villes d'après l'article 3, l'excédant du fonds communal profitera exclusivement aux communes rurales qui se le partageront au prorata de leurs contributions. Au bout de quinze ans il n'y aura plus de distinction, la part des villes et celle des campagnes seront confondues, la période transitoire aura pris fin.

On peut faire à mon amendement trois objections principales ; on peut me dire : Vous occasionnez une gêne considérable dans les finances de certaines villes ; vous attribuez à certaines communes à octroi des sommes qui excèdent leurs besoins ; enfin, vous exposez à d'énormes sacrifices le trésor public.

J'aborde la première objection ; elle est tirée de l'embarras qui résulterait de mon système, principalement pour les finances de quelques grandes villes ; entre autres pour Liège qui devrait fournir un appoint de 376,000 fr., pour Gand, dont l'appoint serait de 161,000 fr. ; et pour Bruxelles, dont je réclame un supplément de 130,000 fr. Où trouvera-t-on ces ressources ? Messieurs, en termes généraux, je réponds, d'abord, que je laisse trois années aux villes pour y pourvoir. Elles ne sont donc pas prises au dépourvu.

Ensuite j'ajouterai, et je prie la Chambre de faire, attention à cette observation, que le sacrifice ne sera pas aussi considérable 'que l'indiquent les chiffres que j'ai cités tantôt, car mes calculs sont faits pour 1858 et il est reconnu par tout le monde que le produit des contributions augmentera plus rapidement dans les grands centres de population où le capital se fixe que dans les villes de moindre importance. L'appoint à fournir par les villes de Liège, Gand, Bruxelles, Anvers diminuera par conséquent d'année en année.

C'est le contraire du système de l'honorable M. Pirmez. Dans le système de cet honorable membre, la position des grandes villes va toujours s'aggravant, tandis que, dans mon système, elle va toujours en s'améliorant. Du reste, je puis répondre à ces grands centres de population avec l'honorable M. de Naeyer : Vous êtes dégrevés d'une somme énorme, ce dégrèvement s'élève à 7 ou 8 millions. La ville de Bruxelles seule est allégée d'un fardeau de 2 raillions, la ville de Gand d'une charge de 1 million 200 mille francs.

Ne pouvez-vous donc rien faire, ne pouvez-vous pas aider le gouvernement à faire réussir la réforme qu'il propose ? Préférez-vous la voir échouer, plutôt que de seconder ses efforts ?

Qu'est-ce donc que ce léger sacrifice qu'on vous demande en présence de toutes les ressources dont vous disposez, en présence des sacrifices qu’on exige de la part des communes sans octroi ?

Enfin, j'ai le droit d’ajouter : De quoi vous plaignez-vous ? Vous recevez 125 p. c. du produit de vos contributions, alors que les communes rurales ne reçoivent que 31 p. c.|

N'est-ce pas là un préciput assez considérable ?

On objecte : « Ne voyez-vous pas que nous exproprions les villes à octroi pour cause d'utilité nationale. » C'est le cas de dire : Comparaison n'est pas raison, car enfin les villes à octroi ont-elles la légitime possession ? Les octrois sont des impôts iniques, on le répète sur tous les tons ; avez-vous dès lors le droit de les faire retomber sur les campagnes ?

Alors même qu'il serait vrai que les campagnes contribuent pour trois millions dans les octrois communaux, comme vous le soutenez sans en fournir la preuve, ce ne serait pas une raison pour perpétuer cette injustice.

Je suis fondé à soutenir en strict droit que puisque les octrois communaux blessent l'intérêt général, nous pouvons, la Constitution à la main, en décréter l'abolition et laisser aux villes le soin de les remplacer. Mais je ne demande rien de semblable : Summum jus summa injuria. Aussi j'accorde qu'il est équitable de venir au secours des villes d'une manière efficace.

Mais votre prétention, à vous, grandes villes, d'être dégrevées complètement, sans aucune espèce de sacrifice de votre part, n'est pas admissible.

Je ferai une observation qui me paraît assez sérieuse. J'ai été fort étonné que les honorables députés d'Anvers aient gardé très longtemps le silence sur le projet de loi ; on peut se demander : De quel droit la ville de Liège reçoit-elle 175 p. c. du montant de ses contributions, Gand 152 p. c, Bruxelles 150 p. c, tandis qu'Anvers ne reçoit que 98 p. c. ?

Quand nous faisons la comparaison entre les villes à octroi et les campagnes et que nous faisons remarquer qu'il n'est pas juste d'allouer aux unes 175 p. c, aux autres seulement 31 p. c sur le produit de leurs contributions, on répond qu'il n'y a pas d'analogie, que les communes rurales n'ont pas les mêmes besoins que les villes ; ici tout cet échafaudage d'objections tombe, car les besoins de la ville d'Anvers sont les mêmes que ceux de la ville de Liège et de la ville de Bruxelles. Dans une précédente séance, l’honorable bourgmestre d'Anvers a rompu le silence que je ne m'étais pas expliqué.

Il a proclamé que le projet de loi lèse les intérêts de la ville d'Anvers, cependant, a-t-il ajouté, comme il s'agit d'un grand intérêt national, je voterai la loi. Je consens à faire un sacrifice sur l'autel de la patrie. Ce sacrifice, l'honorable membre ne l'a fait que sous bénéfice d'inventaire. S'il vote la loi, c'est moyennant une petite réserve. Il vous a rappelé que la ville d'Anvers a repris pour 10,000,000 de francs les terrains à provenir de la démolition des fortifications.

Il en résultera, dans la pensée de l'administration de la ville d'Anvers, une perte qu'elle évalue à 6 millions.

Le service des intérêts et de l'amortissement de ce capital exige une dépense annuelle de 600,000 francs.

Pour faire face en partie à ce besoin nouveau, la ville d'Anvers avait compté très légitimement sur une augmentation des droits de l'octroi d'au moins 300,000 fr., par suite de l'incorporation des faubourgs de Berchem et de Borgerhout dans l'enceinte de ses murs.

Attendons-nous, par conséquent, à ce que la ville d'Anvers vienne nous tenir le langage que voici :

« Vous, Etat belge, vous, législature, qui êtes partie intéressée dans ce contrat bilatéral que j'ai conclu avec vous, vous avez rompu par votre fait les conditions de votre engagement ; libérez-moi en tout ou en partie du payement de la somme de 10 millions que je vous dois. »

Je suis curieux de connaître quel sera le sentiment de M. le ministre des finances lorsqu'il se trouvera en présence d'une pareille réclamation ; pourra-t-il l'écarter ?

Pour ce qui me concerne, je sais, dès à présent quelle sera ma réponse. Je dirai à la ville d'Anvers : « Je vous ai offert 376,000 francs de plus que le produit de votre octroi, vous avez repoussé cette offre d'une juste indemnité ; je ne vous dois plus rien. »

La deuxième objection qu'on pourrait élever contre mon amendement est celle-ci : « Vous donnez à certaines communes à octroi une somme qui excède notablement leurs besoins. » Je réponds que je fais exactement la même chose que fait M. le ministre des finances à l'égard de plusieurs communes qui n'ont pas d'octroi ; car il est telle commune sans octroi, où il semble qu'il n'y a pas de besoins, qui n'a pas de centimes additionnels, qui n'a pas de cotisations personnelles, qui vit de ses revenus ; et cependant elle reçoit sa part dans le fonds communal. Au demeurant cela est équitable ; puisque ces communes contribuent à la formation du fonds communal, il convient qu'elles aient leur part de jouissance.

Au surplus, les communes à octroi à qui j'attribue une part qui excède le produit actuel de leurs taxes communales emploieront très utilement cet excédant à des travaux d'utilité publique, à des travaux de voirie, à des travaux d'hygiène ; elles construiront des hospices, des hôpitaux, les autres des écoles ; il y a pour elles mille dépenses utiles à faire ; elles se débarrasseront de leurs centimes additionnels extraordinaires ; ou même elles feront ce que M. le ministre des finances a conseillé aux communes sans octroi de faire : s'il y a exubérance, elles rachèteront les contributions que leurs habitants doivent à l'Etat.

Quand on jette les yeux sur le tableau que j'ai joint à mon amendement (page 1613), on y découvre des résultats qui paraissent de prime abord être absurdes. Certaines villes reçoivent des sommes beaucoup plus élevées que celles que comportent les recettes de leurs octrois.

Mais si on examine la chose de près, ces résultats ne sont pas aussi choquants qu'on serait tenté de le croire.

Je dois faire remarquer en premier lieu que, dans mon système, le partage au prorata des contributions entre les villes n'est en vigueur qu'après la troisième année ; dans cet intervalle, bien des changements s'opéreront, bien des besoins se révéleront.

Mais venons-en aux faits.

La ville de Dixmude, d'après le projet de loi, reçoit 17,336 fr. ; d'après mon amendement elle recevrait 31,117 fr., donc en plus une somme de 13,781 fr. Admettez-vous que la ville de Dixmude n'emploiera pas utilement cette somme de 13,781 fr.

La ville de Leuze...

- Des membres. - Et Courtrai ?

M. Tack. - Nous y viendrons.

La ville de Leuze, d'après le projet de loi, reçoit 12,377 fr., somme égale au produit de son octroi ; d'après mon amendement, elle recevra 35,093 fr.

Conçoit-on, m'objectera-t-on, un écart aussi énorme ? De telles conséquences ne condamnent-elles pas votre amendement ? Pas le moins du monde. Vous avez entendu les doléances qui ont retenti dans cette enceinte, à propos de la mince part attribuée à la ville de Leuze qui perçoit à l'intérieur une cotisation personnelle qu'on ne lui rembourse pas. On est allé jusqu'à demander une exception pour cette ville, tant elle est lésée par le projet de loi.

- Un membre. - Et Courtrai !

M. Tack. - Oui, la ville de Courtrai recevrait 17,000 francs de plus que le produit de son octroi, en 1858, en fait elle n'obtiendra que 11,000 francs de plus, parce qu'il faut opérer sur 1859.

Eh bien, qu'y a-t-il à redire si cette somme lui revient équitablement ? N'ayez aucune inquiétude, elle le mettra à profit, elle l'appliquera à des dépenses très utiles.

D'après le projet de loi, la ville de Roulers reçoit 25,604 fr. ; d'après mon amendement elle recevra 51,646 fr. c'est-à dire le double. C'est fabuleux, dira-t-on. Oui ; observons cependant que la ville de Roulers, qui compte de grandes usines, se développe admirablement ; ses besoins augmentent tous les jours ; à l'heure qu'il est, ses rues ne sont pas entièrement pavées. En ce moment même, M. le ministre de l'intérieur fait étudier un projet d'assainissement de la Mandel. Rien que pour fournir de l'eau à la ville de Roulers qui en a un si grand besoin, il est constaté qu'il faudra 200,000 à 300,000 fr. L'Etat devra largement intervenir. Si mon amendement était voté, la ville de Roulers ne viendrait rien demander au gouvernement et pourrait exécuter, à elle seule, ce grand travail d'utilité publique.

Messieurs, les anomalies qu'on pourrait signaler disparaissent surtout quand on compare le spécimen de répartition que M. le ministre nous a fourni pour 1858 et celui qu'il nous a communiqué pour 1859.

Comparez ces deux documents entre eux et vous constaterez des écarts analogues à ceux qu'on serait tente de reprocher à mon système.

Ainsi, si les octrois avaient été abolis en 1858, Pâturages aurait reçu 6,833 francs. Et que reçoit Pâturages, parce que la répartition est faite d'après 1859 ? 12,386 francs, c'est-à-dire le double... (Interruption.) Que signifient ces interruptions ?

Je garantis l'exactitude de mes chiffres. Je les ai puisés dans des documents officiels que vous avez sous les yeux.

Quaregnon, d'après la répartition de 1858, aurait reçu 20,905 francs ; d'après la répartition de 1859, il recevra 29,073 francs. Péruwelz, d'après la répartition de 1858, aurait reçu une somme de 12,371 francs ; d'après la répartition de. 1859, il recevra une somme de 20,620 fr. Philippeville, d'après la répartition de 1858, aurait reçu une somme de 3,570 francs, et recevra, d'après la répartition de 1859, une somme de 6,604 francs.

Voici ce qui est plus fort : Dour aurait reçu d'après la répartition de 1858, la somme de 8,936 francs, et d'après la répartition de 1859, elle reçoit 18,548 francs.

Qu'est-ce que cela prouve ? Pourquoi telle petite ville n'a-t-elle pas actuellement un octroi plus considérable ? Parce qu'elle perçoit des centimes additionnels extraordinaires, ou parce qu'elle a établi une cotisation personnelle, comme à Leuze ; ou bien encore qu'elle a mieux aimé proportionner ses dépenses à ses ressources, ajourner même des dépenses utiles plutôt que de recourir à l'impôt ; aujourd'hui que vous votez l'impôt à sa charge sans même la consulter, admettez qu'elle en utilise le produit à son avantage.

En définitive, mon système est la conséquence rigoureuse du principe déposé dans l'article 3, article que nous venons de voter ; il y a cette seule différence entre mon système et celui de l'honorable M. Frère, c'est que j'arrive plus vite à cette conséquence ; or, le plus vite, c'est évidemment le mieux, car la conséquence est bonne en elle-même ; elle aboutit à la répartition au prorata des consommations présumées, au marc le franc de ce que chacun paye, selon le propre aveu de M. le ministre des finances.

Messieurs, la troisième objection qu'on peut faire à mon système, est la suivante : « Vous exposez les finances de l'Etat en exigeant une garantie qui s'accroît d'année en année de 500,000 francs. »

Ce que je demande, c'est un acte de justice distributive. Je ne pense pas que l'Etat puisse se ruiner à être juste.

Mais y a-t-il réellement du danger pour les finances de l'Etat ? Certes non ; il y a telles ressources du trésor que le gouvernement peut facilement augmenter. On les a indiquées. Ainsi, l'honorable M. de Renesse a parlé longuement de l'augmentation de la patente des sociétés anonymes. M. le ministre des finances lui-même a signalé la révision de la contribution personnelle. Qu'on fasse cette révision, et les ressources ne feront pas défaut.

L'excédant de 5 millions constaté dans le budget des recettes de l'Etat, et affecté maintenant aux travaux de fortification de la ville d'Anvers, deviendra disponible pour le moment où il faudra prester la garantie que je demande pour les communes sans octroi ; ce moment ne doit arriver que dans 3 ans.

D'autre part, dans mon système, comme je l'ai fait observer, le gouvernement n'aura pas à décharger en tout ou en partie la ville d'Anvers de la somme de 10 millions qu'elle lui doit.

D'ailleurs, tout n'est pas perte pour le gouvernement en fait d'abolition des octrois. Le gouvernement est lui-même consommateur, et à ce titre il supportait sa part des taxes communales.

On peut évaluer cette part d'intervention à un million. L'Etat pourra restreindre ses faveurs à l'égard des communes qui ont une part excessive ; ce qui sortira de la caisse du trésor d'un côté y rentrera de l'autre. A tout prendre la garantie n'est que fictive ; le produit des accises augmentera rapidement ; l'impôt sur les bières en huit années a donné une augmentation d'un million, le gouvernement ne restitue aux communes sur cet article que 68 p. c. de l'augmentation qu'éprouvera éventuellement l'accise sur les bières ; il garde 32 p. c. devers lui.

En un mot, il donne aux communes sur le produit total de l'accise, des bières, 34 p. c. au lieu de 48 p. c. Ensuite les bases des calculs de l'honorable ministre, quant à l'augmentation de la recette de l'accise, sont plutôt au-dessous de la réalité qu'elles ne concordent avec elle. C'est reconnu.

L'honorable ministre des finances lui-même et la section centrale avec lui affirment que dans trois ou quatre ans le fonds communal sera de 16 à 17 millions, et que, dans un certain avenir, il atteindra la somme de 21 millions-, c'est le chiffre que, pour ma part, je veux atteindre et faire garantir.

Quelle est la portée de la garantie que je réclame ? D'assurer un fonds communal de 15,000,000 de francs pour les trois premières années, de 15,500 mille francs pour la quatrième, de 16 millions pour la cinquième de 17 millions pour la septième.

Or, d'après les prévisions de la section centrale, on aura à partager ce dernier chiffre dès la 4ème ou la 5ème année. J'ai donc raison de soutenir que la garantie est plus fictive que réelle.

Pourquoi dès lors la refuserait-on ?

Au pis-aller s'il arrivait que la charge à résulter de la garantie devint trop onéreuse, cela ne se présentera pas avant sept ou huit ans d'ici. En ce cas nous pourrons aviser pour nous procurer de nouvelles ressources, et le pays, qui aura été dégrevé notablement d'un autre côté, ne se plaindra pas de ce qu'on rétablisse la balance.

Le produit de l'accise, ne manquera-t-on pas d'observer pourrait fléchir dans des moments de crise, et la dépression retomberait entièrement sur le trésor public. Cette dépression n'est pas aussi considérable qu'on le suppose. L'expérience est là pour le prouver.

Messieurs, je ne puis admettre l'amendement qu'a suggéré le ministre des finances, à la section centrale, et en vertu duquel la dépression du fonds communal sera supportée exclusivement par les communes sans octroi. Les communes à octroi, s'il arrivait un moment de dépression, supportent, d'après l'amendement, leur part dans le déficit, mais l'auteur de l'amendement a soin d'ajouter que ce n'est là qu'une avance que devront leur restituer pins tard les communes sans octroi.

Je crois devoir faire remarquer que dans le tableau que j'ai joint à mon amendement il y a quelques erreurs typographiques desquelles il résulte que les résultats ne concordent pas : j'ajouterai que mes calculs ne sont qu'approximatifs ; je me suis arrêté au chiffre de 125 p. c. des contributions ; j'aurais dû ajouter une fraction, mais les opérations ont été déjà assez longues en prenant 125 p. c ; c'eût été interminable si j'avais ajouté les fractions.

Je dois maintenant revenir sur un objet dont j'ai entretenu la Chambre, je veux parler d'une interpellation que j'ai adressée à M. le ministre des finances, à propos du droit d'abattage ; j'ai dit que j'avais la conviction que dans les sommes restituées à titre d'octroi à certaines villes sont compris les droits d'abattage. Je puis me tromper, mais dans le tableau des octrois il y a des indications qui semblent justifier mes prévisions.

Ainsi la population de la ville d'Anvers est de 108,481 habitants, le (page 1614) produit de l'octroi sur la viande est pour Anvers de 145,430 fr. La population de la ville de Gand est de 112,883 habitants, c'est-à-dire qu'elle est sensiblement la même qu'à Anvers ; la différence n'est que de 4 mille habitants, or, on perçoit à Gand sur les viandes 452,331 francs, donc 306,901 fr. de plus qu'à Anvers.

Voici ce qui est arrivé ; la ville de Gand avant qu'elle eût établi son abattoir, faisait la perception sur le bétail à l'entrée en ville et par tête ; depuis l'établissement de l'abattoir, elle perçoit la taxe au poids et au moment de l'introduction du bétail dans l'abattoir.

Je crois qu'à la suite de ces nouvelles mesures on a confondu les droits d'octroi et les droits d'abattage. Comme la consommation de la viande ne peut pas avoir beaucoup changé à Gand depuis l'époque de l'établissement de l'abattoir, il faudrait se borner à lui allouer le droit d'octroi sur cet objet d'après le chiffre constaté avant que l'abattoir existât ; le reste continuerait à être perçu par la ville de Gand comme droit d'abattage ; il est impossible d'admettre que la ville de Gand puisse recevoir sur le fonds communal plus que ses droits d'octroi proprement dits.

Je termine en résumant brièvement les avantages que présente mon amendement.

La loi aura tous ses effets dans un temps déterminé : immédiatement pour les campagnes quant à leur part ; dans trois ans pour les villes quant au fonds de 11,500,000 francs ; dans 15 ans, la période de transition aura cessé.

La loi fonctionnant dans un bref délai, si elle offre des vices on pourra les corriger avant qu'ils soient invétérés et consacrés eu quelque sorte par l'usage. Au moyen de la garantie, que je demande à l'Etat, j'assure l'indépendante des communes ; dans mon système elles sont réellement créancières de l'Etat ; grâce à la garantie nous nous soustrayons nous, législature, à la pression, à l'influence des communes. Nous pouvons aborder, sans crainte de froisser les intérêts des communes, toutes les réformes que nous jugeons utiles, entre autres la réforme postale. Mes propositions sont conformes aux règles de la justice distributive ; je mets les villes à même de faire face à leurs besoins ; si je réclame un appoint aux villes les plus riches, les plus capables de le fournir, c'est le moyen de ne pas les habituer à tout puiser dans les caisses du trésor.

M. le président. - Je prie l'honorable M. Tack de faire parvenir son amendement au bureau.

M. Loos. - L'honorable préopinant, en faisant de la position que j'ai cru devoir prendre dans cette discussion, l'objet de ses commentaires, m'a constamment interpellé comme bourgmestre d'Anvers. J'ai pensé que j'étais ici le représentant de la nation, et c'est à ce point de vue que j'ai cru devoir envisager le projet de loi. C'est qu'il s'agit, en effet, d'une réforme très importante et qui, selon moi, peut faire l'orgueil du pays, et j'ai voulu, pour ma part, contribuer, comme représentant de l'arrondissement d'Anvers, à cette grande œuvre. Je n'ai pas voulu que les intérêts d'Anvers fussent un obstacle à l'adoption d'une grande mesure réclamée dans tout le pays, et j'ai sacrifié ce qu'au point de vue des intérêts d'Anvers j'aurais pu souhaiter voir décider d’une autre manière.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les intérêts d'Anvers ne souffriront pas.

M. Loos. - Si l'honorable membre ne comprend pas que, quoique représentant direct d'une ville qui a un intérêt opposé à l'intérêt général, s'il ne comprend pas que, par patriotisme, l'on fasse le sacrifice d'un semblable intérêt, j'ai lieu de m'en étonner et de le regretter pour lui.

C'est au point de vue de l'intérêt général que j'ai apprécié tous les projets de loi qui ont été présentés depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte.

Quand il s'est agi de grands travaux et de grands sacrifices pour les Flandres, travaux qui pouvaient aussi contrarier l'intérêt d'Anvers, j'ai voté ces travaux et ces sacrifices pour les Flandres. parce que je pensais que toutes les communes du pays étaient solidaires et que lorsqu'un grand intérêt national était en jeu, l'on devait moins songer à son arrondissement qu'au pays.

C'est encore de cette manière, malgré l'appât de 395,000 fr. pour Anvers que m'offre M. Tack, que je me placerai pour repousser son amendement qui n'aurait en définitive pour résultat, s'il était admis que de faire échouer le projet de loi.

Messieurs, j'ai suivi cette discussion avec beaucoup d'attention et je dois avouer que j'ai été très étonné de voir un grand nombre de représentants présenter les communes comme victimes du projet de loi. J'avais pensé que tout le monde aurait compris que c'étaient, au contraire, les villes qui faisaient un immense sacrifice. (Interruption.)

Je ne dis pas que les habitants des villes n'en ressentiront pas les bons effets comme ceux des campagnes, mais je veux parler surtout des caisses communales et des ressources dont les administrations communales ont besoin pour fonctionner.

Comment ! les finances de la ville d'Anvers progressent tous les ans d'une somme de fr. 50,000 environ par suite du revenu croissant des octrois et vous venez proposer de rendre le chiffre de 1859 stationnaire peut-être pendant 12 ans. Vous n'avez donc pas réfléchi à tous les embarras qui vont naître pour les villes de Bruxelles, d'Anvers, de Liège, de Gand et d'autres, d'une pareille situation. Vous ne dites pas, qu'en définitive, vous expropriez pour cause d'intérêt public les ressources dont les villes jouissent et dont elles auraient continué à jouir ! De tout cela vous ne tenez aucun compte.

Je pensais moi, je le dirai franchement, qu'il en eût été en cette circonstance comme en tant d'autres, lorsque de grands sacrifices étaient demandés et qui avantageaient plutôt une partie du pays qu'une autre. Quand il s'est agi de fortifier la ville d'Anvers, tout le monde a compris qu'il était question de la sûreté générale du pays, et le sacrifice qu'on imposait au pays, de ce chef, a été voté.

Quand il s'est agi de créer des canaux dans les Flandres et l'on en a créé beaucoup depuis que je suis dans cette enceinte, les représentants des villes ont-ils fait remarquer qu'il s'agissait là exclusivement de l'intérêt des communes rurales ? Pour tous les grands travaux entrepris depuis 20 ans, vous avez toujours compris qu'il s'agissait des intérêts généraux du pays, et vous n’avez jamais supputé denier par denier si chaque commune y avait sa part.

Je pensais qu'on avait encore pris cette position dans la question qui nous occupe, mais je me suis mépris.

On prétend que les communes sont victimes. Mais je vous demanderai si les villes ne contribuent pas au fonds communal. Il y a aujourd'hui des charges pour les communes rurales comme pour les villes. Si l'on veut abolir les octrois, il faut que tout le pays fasse un sacrifice.

Il semblerait vraiment qu'il est question d'un trésor qui nous serait tombé du ciel et qu'il s'agit de partager ! Oh ! alors il faudrait que chacun eût sa part. Mais pour une mesure qui doit être utile à la généralité du pays, je ne conçois pas qu'on suppute, denier par denier, si chacun y trouve son compte.

L'honorable M. Tack n'a pas admis non plus que la position que j'ai prise fût entièrement désintéressée. Il a dit : Il y a autre chose, vous avez fait vos réserves. Je dirai à cet égard, comme je l'ai déjà dit pour ce qui concerne un autre point, Anvers ne réclamera dans cette circonstance, et ne réclamera jamais que le droit commun, et que l'honorable membre le veuille ou ne le veuille pas, que ce soit avec lui ou sans lui, je suis persuadé que le droit commun Anvers l'obtiendra. La réserve que j'ai faite ne va pas plus loin que de réclamer la justice qu'on accorde à tout le monde.

M. Tack. - Je n'ai pas entendu le moins du monde mettre en doute le patriotisme de l'honorable M. Loos. Il m'a fort mal compris.

J'ai reconnu à la ville d'Anvers le droit de réclamer une indemnité, et cette indemnité j'ai voulu la lui accorder immédiatement par le mode de répartition que j'ai proposé.

L'honorable M. Loos ne méconnaîtra pas que, dans le premier discours qu'il a prononcé, il a fait formellement une réserve en disant : J'espère que le gouvernement viendra plus tard au secours de la ville d'Anvers. Je ne vois en cela rien que de très légitime. L'honorable M. Loos a dû nécessairement faire cette réserve, et mon intention n'a été nullement de l'en blâmer De mon côté, j'ai pu demander quelle sera l'attitude que prendra le gouvernement vis-à-vis de la ville d'Anvers quand elle viendra faire valoir ses droits.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je suis obligé d'être aussi court par égard pour la Chambre que l'honorable auteur de l'amendement a été long.

L'honorable membre a-t-il réussi à expliquer à la Chambre ce qu'il veut, à faire comprendre les motifs de son amendement ?

M. Wasseigeµ. - Nous, nous l'avons compris.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demanderai alors à l'honorable M. Wasseige, qui m'interrompt, de vouloir bien me l'expliquer.

M. Wasseigeµ. - Je crois l'avoir compris et je pense, du reste, qu'une nouvelle explication serait inutile. M. Tack s'est expliqué assez clairement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous êtes heureux d'avoir saisi sa pensée et je vous en félicite.

L'amendement est déposé depuis le 6 juin et je l'ai médité depuis lors. Je me suis dit : Qu'a voulu l'honorable M. Tack ? Quel but d'intérêt s'est-il proposé ? Nous ne le savons pas encore. Quelle est la pensée qui l'a dirigé ?

M. Tack. - Je vais vous la dire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne la sais pas encore, mais je vous dirai ce que j'ai soupçonné.

Je me demandais donc : que veut M. Tack ? Quand on essaye de comprendre une chose, on cherche la raison de cette chose. Impossible de la découvrir. M. Tack, en effet, n'a fait aucun raisonnement. Il a joué aux dés. Le hasard a amené 17.000 fr. pour Courtrai, et il a trouvé que c'était parfait. (Interruption.) Cela est positif. Je ne plaisante pas. Il n'y a aucune espèce de raison justificative de votre amendement. Le mode d'opérer de M. Tack n'a pas été fort compliqué.

M. Tack additionne le produit des octrois. Cela fait 11,500,000 fr. Vous croyez que s'il additionne le produit des octrois, c'est pour le donner aux communes qui seront privées de ce revenu. Pas du tout. Après avoir pris le total du produit des octrois, il trouve que cela fait au profit des villes à octroi 125 pour cent de la contribution ; et il distribue les 11 millions 500 mille francs, à raison de 125 pour cent de la contribution de chacune d'elles. L'opération est faite, mais la raison, le motif, la justification, il n'y en a pas ; il est impossible d'en trouver une autre que celle-ci : Courtrai aura 17,000 fr.de plus, ce doit être excellent.

(page 1615) M. Tack. - Cela est défavorable à d'autres localités faisant partie de l'arrondissement que je représente.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Très bien ; mais la Chambre comprendra, si elle le peut, que parce que, remarquez-le bien, parce que 78 villes ont des octrois qui donnent 11,500,000 francs, il doit en résulter que 50 villes recevront des sommes supérieures au produit de leurs octrois, et les 28 autres des sommes moindres que ce produit ! Parce qu'un certain nombre de villes possèdent ensemble 11,500,000 francs de revenus, il faut diminuer les recettes de certaines villes et augmenter de beaucoup celles de quelques autres ! Est-ce qu'on peut sérieusement présenter à l'assemblée un pareil amendement, et peut-on s'autoriser d'un tel amendement pour incriminer le gouvernement, dire qu'il n'est pas conciliant, qu'il n'est pas modéré, qu'il n'accepte aucune proposition ! Comment pourrions-nous accepter une pareille proposition ?

Si par hasard les octrois donnaient non pas 11,500,000 francs mais 15, mais 20 millions, les communes devraient recevoir non pas 125 p. c, mais 160, 180, 200, 300 p. c. du produit de leur contribution ! Est-ce qu'on peut convier la Chambre à voter un pareil amendement et passer deux heures à le développer ?

Il est vrai que les développements de l'honorable M. Tack ont porté sur tout autre chose que sur l'amendement. Il est revenu sur la discussion générale. Il a parlé des impôts de consommation, de l'accroissement du fonds communal, de la répartition ; il a parlé de tout ; mais de l'amendement, point.

L'honorable M. Tack raisonne toujours comme s'il n'y avait rien en Belgique, comme s'il n'y avait pas de communes à octroi, et comme si l'on créait a priori un fonds de 14 millions au profit des communes, 11 millions pour certaines communes, 3 millions pour certaines autres. Voilà, au fond, tout ce qu'il relève et tout ce qu'il condamne.

Vous reconnaîtrez que ce raisonnement ne peut se soutenir quand on se place en présence de la réalité. Existe-t-il oui ou non 78 communes qui perçoivent 12 millions ? Que ces 12 millions fassent 125 ou 150 p.c. des contributions, qu'importe ? Qui procure ces 12 millions aux 78 villes ? Leur sont-ils tombés du ciel par hasard ? Non, c'est le pays qui les leur donne, partie par les villes elles-mêmes, partie par les autres communes du pays. Le pays dans l'état actuel des choses donne aux communes à octroi ce gros revenu et pas un centime aux communes rurales. Et le fonds communal que nous formons maintient, ne donne pas, ne crée pas seulement le revenu existant, et au lieu de maintenir exclusivement aux villes leurs ressources actuelles, on procure des revenus à toutes les communes du pays. Je le répéterai à satiété, de sorte que l'on arrivera peut-être à comprendre.

M. Wasseigeµ. - Ce n'est que dans 50 ans que les communes rurales en profiteront.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elles en profiteront immédiatement, et d'année en année le fonds grandira à leur profit. Or, voilà cinq siècles que durent les octrois sans qu'il y ait eu une seule réparation au profit des communes rurales.

Il me faudrait recommencer toute la discussion pour suivre l'honorable M. Tack dans la voie où il s'est engagé.

Un mot encore. L'honorable membre demande que l'on insère dans la loi, pour plusieurs années, la garantie en faveur des communes d'un minimum déterminé du fonds communal.

Je prie l'honorable membre de se mettre d'accord avec ses coreligionnaires politiques qui m’ont fait un grief d’avoir engagé les finances de l’Etat, et qui ont déclaré que cela seul, le projet fût-il d’ailleurs parfait, les empêcherait de le voter. Et l’honorable membre veut placer le fonds communal dans une situation exceptionnelle ! Je ne parle pas de la garantie de la première année ; cette garantie s'explique, parce que le produit de l'accise peut ne pas atteindre les prévisions, la fabrication exagérée en vue de l'augmentation de l'impôt se ralentissant ensuite. Mais ce qui ne s'explique pas, c'est qu'on veuille lier pour ainsi dire indéfiniment l'Etat quant au minimum du fonds communal.

Une dernière observation. L'honorable membre demande si dans certaines villes les droits d'abattage ne sont pas compris dans les droits d'octroi. Je n'ai pas pu le vérifier. Je n'en sais rien, ce sera à examiner.

Si le fait est exact, on en tiendra compte, s'il n'est pas exact, on maintiendra le produit de l'octroi tel qu'il est accusé par la comptabilité.

M. Muller. - Dans cette longue discussion, je n'ai pas jusqu'ici pris la parole ; mais le discours de M. Tack me force à dire quelques mots, et je promets à la Chambre de ne point fatiguer son attention.

L'honorable ministre des finances, après une étude approfondie, vient de nous le dire et on peut l'en croire, n'est pas parvenu à comprendre, au fond, l'amendement de l'honorable M. Tack. Il en est beaucoup parmi nous qui sont dans le même cas. Mais j'ajouterai qu'il en est aussi qui ont deviné la portée politique, la tendance de cet amendement ; j'ai assez de franchise pour exprimer ma façon de penser à cet égard. Le résultat que nos adversaires pouvaient espérer de l'amendement, c'est de jeter le désarroi, la division dans les rangs libéraux. Vous n'êtes pas assez forts pour faire échouer la loi, leur répondrai-je, et vous avez cru qu'en alléchant, si je puis m'exprimer ainsi, par l'offre d'un intérêt local, auquel ils sacrifieraient le principe d'une juste et irréprochable répartition entre les villes à octroi, vous jetteriez la division dans les rangs des membres de la gauche.

Mais l'honorable M. Loos vous a répondu avec dignité (lui que vous cherchiez à placer dans une position prétendument embarrassante) qu'au nom du patriotisme belge il répudiait le cadeau de 375,000 fr. que vous vouliez lui faire au détriment de Liège.

Vous avez fait, dites-vous, cette offre tout à fait dans l'intérêt de la ville d'Anvers, et vous le dites après l'avoir menacée, dans l'avenir, du refus de votre concours, si elle ne l'accepte pas ? Mais qu'est-ce donc que notre métropole maritime dans votre système inique de répartition entre les villes à octroi, qui spolie les unes au détriment des autres, et contre lequel toutes sont prêtes à protester, parce qu'elles ne veulent que la justice ? Votre sollicitude pour elle n'est qu'un prétexte.

Vous avez produit devant la Chambre un système, non pour Anvers, maïs pour Courtrai, accidentellement, et dans l'espoir surtout de réussir, à l'aide de cette tactique, qui concorde, au surplus, avec tout ce qui s'est dit, jusqu'ici dans cette enceinte, sur les bancs de la droite, à nous mettre, nous, représentants de la gauche, en hostilité d’intérêts les uns avec les autres !

Mais, j'ose le prédire, vous ne réussirez pas à atteindre ce but, et vous ne réussirez pas davantage à accréditer l'opinion que nous faisons prévaloir les intérêts des villes sur ceux des campagnes. Puisqu'il vous a plu d'attaquer surtout les quatre grandes cités du pays, Bruxelles, Gand, Anvers et Liège, j'ai le droit de vous rappeler que nous ne sommes pas disposés à plus sacrifier les populations rurales, que nous représentons comme vous et aussi bien que vous, que les populations urbaines. Nous ne défendons pas, nous, les unes à l'exclusion des autres.

Le résultat de l'amendement de l'honorable M. Tack serait de creuser une scission profonde et durable entre les villes et les campagnes, et c'est précisément ce que le projet du gouvernement tient à faire cesser. Une autre conséquence, claire, incontestable, ce serait de frapper d'une sorte d'impuissance les administrations urbaines. Malheureusement, l'honorable M. Tack ne comprend pas que si les grandes villes du pays étaient dans la souffrance, si leurs éléments de prospérité et de développements industriels, intellectuels et moraux étaient gravement atteints par suite de la suppression de leurs ressources et de l'impossibilité d'y pourvoir, eu égard à l'excès de sacrifices que nul n'oserait leur demander, les intérêts agricoles seraient aussi profondément atteints.

Sans doute, ces villes seraient des victimes, mais les campagnes eu ressentiraient vivement le contre-coup, car frapper les unes, c'est également frapper les autres, et c'est ce qu'on devrait enfin comprendre.

Voilà la seule réponse que j'avais à faire à l'honorable M. Tack, qui a bien mal compris le sentiment qui guide les membres des grands corps électoraux de la Belgique, lorsqu'il leur fait un reproche d’être prêts à voter en faveur du projet de loi des octrois, projet qui et au moins aussi favorable aux campagnes qu'aux cités populeuses. En terminant, je ne crains pas de dire qu'il ne se passera pas deux années avant que les électeurs ruraux fassent justice des griefs imaginaires que vous, MM. les membres de la droite, vous avez prétendu soulever et contre le gouvernement, qui a eu le courage de présenter une loi nationale et patriotique, et contre la gauche parlementaire qui la soutient avec une énergique conviction.

M. Tack. - Je serai aussi bref que j'ai été long tantôt, au dire de l'honorable M. Frère.

L'honorable ministre des finances a une manière extrêmement commode de discuter et une façon à lui pour réfuter ses contradicteurs. Cela consiste à leur dire : Je n’ai pas compris vos arguments. C'est le moyen dont il s'est servi hier à l'égard de l'honorable M. de Naeyer, c'est celui dont il use aujourd'hui vis-à-vis de moi.

Un second expédient qu'emploie l'honorable ministre pour écraser ses adversaires, c'est de suspecter leurs intentions. Ainsi pour ce qui me concerne, il semblerait que j'aie été guidé uniquement, en présentant mon amendement, par cette considération qu'il fait profiter annuellement à la ville de Courtrai, une somme de 17,000 francs, qui se réduit à 11,000 francs en prenant pour base l'exercice 1859.

Un troisième moyen qu'il appelle à son aide consiste à attribuer à ses adversaires des opinions qui ne sont pas les leurs, à leur imputer des absurdités dont ils ne sout nullement coupables. Ainsi l'honorable ministre des finances, dans un de ses derniers discours, est venu affirmer que j'avais soutenu devant la Chambre que le luxe contribue dans le produit des octrois à concurrence de 7 millions et que j'avais puisé ce renseignement dans une brochure. Je n'ai lu nulle part une assertion aussi ridicule ; et je n'ai non plus rien allégué de semblable dans cette Chambre !

J'ai dit que j'évaluais la part contributive des classes aisées dans le produit des octrois à 7 millions, j'ai ajouté que quant aux articles divers qui figurent dans les tarifs des octrois pour une somme de 4 millions, une grande part était payée par le luxe.

A propos de cela, M. le ministre des finances a parlé de truffes, de homards, comme si les objets de luxe qu'atteignent les octrois ne consistaient qu'en truffes, homards et autres denrées semblables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - -Ce n'est pas là une question personnelle.

(page 1616) M. Tack. - C'est une question tout à fait personnelle. C'est à moi que s’adressait l'honorable ministre des finances, quand il faisait son numération.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les homards ?

M. Tack. - Dans ces 4 millions, le vin figure pour 800,000 fr. Est-ce là, oui ou non, un objet de luxe ? Et avais-je raison de dire que dans la somme de 4 millions le luxe figure pour une assez grosse part ?

L'honorable ministre des finances s'étonne de ce que je sois entré dans d’aussi grands développements, au sujet de l'article 14 ; mais il s'agit, notez-le, de la question la plus importante que nous ayons discutée jusqu'à présent. Il s'agit de la répartition du fonds communal, pendant la période transitoire, d'après un mode anomal, ainsi que vous l'avez reconnu vous-même.

L'honorable ministre me demande quelle raison j'allègue pour justifier mon amendement. Je l'ai suffisamment exposée, je vais la répéter ; et d'abord : la seule différence entre mon système et celui du gouvernement, c'est celle-ci : C'est que je fais profiter exclusivement les communes sans octroi de tout l'accroissement du fonds communal. Ma rédaction que vous n'avez pas comprise, M. le ministre, c'est la vôtre ; c'est identiquement la même dans ses dispositions essentielles. En voulez-vous la preuve ? Je vais vous donner lecture des deux textes.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Tack. - Messieurs, s'il y a ici quelque chose de compliqué, et tout le monde l'a avoué, c'est le projet du gouvernement, il a fallu à tous une étude approfondie, une étude longue et difficile pour se rendre compte de sou mécanisme, en saisir la signification et la portée.

Maintenant mon but, le seul but que je veux atteindre, et que l’honorable ministre des finances dit qu'il ne comprend pas, c'est de faire cesser la période transitoire dans un temps donné, c'est d'assigner un terme certain à cette période anomale, qui, dans le système de M. le ministre, se prolonge à l'infini ; le moyen par lequel j'y arrive, encore une fois, c'est en faisant profiter exclusivement l'accroissement du fonds communal aux communes sans octroi et en outre en garantissant cet accroissement.

Un seul mot de réponse à l'honorable M. Muller. J'aurais voulu, s'il fallait en croire l'honorable membre, jeter la division dans le camp libéral. Voilà que de nouveau on soupçonne mes intentions. L'honorable membre n'a pas remarqué que du moment que j'admettais le principe de l'accroissement du fonds communal exclusivement au profit des communes sans octroi, c'était une nécessité pour moi de répartir au moins, après un certain terme, la part attribuée aux villes au prorata du produit de leurs contributions. La raison en est manifeste, la voici : C'est que si je n'opérais pas de cette manière, il arriverait qu'au bout de quelque temps, des communes sans octroi recevraient une part beaucoup plus considérable que les petites villes avec octroi qui se trouvent au bas du tableau annexé au projet de loi. Cela doit être évident pour tout le monde, et je ne sais comment 1'honorable M. Muller ne l'a pas saisi tout de suite ; ce qui l'aurait dispensé de chercher ailleurs le mobile qui m'a fait agir.

- La clôture est demandée.

M. B. Dumortier (contre la clôture). - Messieurs, l'article que nous discutons-en ce moment, c'est la loi tout entière ; vouloir étrangler, étouffer la discussion... (Interruption). Vous disiez, il y a quelques années, que vous auriez discuté, jusqu’à extinction de chaleur naturelle, et aujourd’hui, vous voulez clore une discussion à peine ouverte !

Je le répète, messieurs, cet article constitue toute la loi, et de l'aveu de M. le ministre des finances, il peut sortir ses effets pendant 20, 30 ou 50 ans. Un tel article mérite d'être examiné avec soin. Toutes les dispositions votées jusqu'ici n'auront d'effet que plus tard, celle-ci sera appliquée immédiatement et il est possible qu'on n'arrive jamais à voir appliquer les autres.

Eh bien, cette disposition n'a pas été discutée, deux membres seulement s'en sont occupés, M. Tack, auteur d'une proposition et M. le ministre des finances qui lui a répondu quelques mots. Je le demande à la Chambre, est-il sage, est-il convenable de clore la discussion en pareille circonstance et alors que deux amendements sont présentés, celui de M. Tack et celui de M. Pirmez ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'auteur de l'un des amendements pourrait désirer de s'expliquer, et je crois qu'il serait juste d'entendre M. Pirmez. Mais qu'on ne dise pas qu'il s'agit d'étrangler la discussion ; on a discuté surtout l'article 14 depuis que le projet de loi est soumis à la Chambre. C'est cette disposition qui a fait les frais principaux de la discussion générale et on en a encore parlé à l'occasion de plusieurs des articles.

M. Pirmez. - La Chambre est fatiguée, je renonce volontiers à donner à mon amendement de nouveaux développements. J'ai indiqué dans la discussion générale les motifs qui m'ont porté à le présenter.

Qu’il me soit seulement permis d'indiquer les modifications que je crois devoir apporter à mon amendement.

J'avais calculé la diminution du minimum des villes que je proposais de manière à pouvoir n'augmenter l'accise de la bière que d’un franc.

Comme le droit de quatre francs a été voté, je puis maintenant réduire la décroissance du minimum que j'avais d'abord indiquée.

Voici comment je rédige mon amendement :

« Remplacer les paragraphes 2 et 3 par la disposition suivante :

« La quote-part attribuée à une commune, par la répartition faite en vertu de l'article 3, ne pourra être, pour la première année, inférieure à 95 p. c. du revenu des droits d'octroi pendant l'année 1859, déduction faite des frais de perception et des restitutions allouées à la sortie.

« Ce minimum sera successivement, pour chacune des années suivantes, de 92 1/2 p. c., de 90 p. c.. et ainsi de suite, en le diminuant de 2 1/2 p. c. chaque année, jusqu'à ce que la disposition de l'article 3 reçoive son application ou jusqu'à ce que le minimum de la commune ne s'élève plus qu'à 80 p. c. du revenu de l'octroi. »

D'après cet amendement ce ne serait, on le voit, qu'après sept ans que les villes à octroi verraient leur minimum réduit au plus bas, et alors elles n'auraient encore qu'à suppléer à un cinquième du montant du produit de l'octroi.

- La clôture est mise aux voix par appel nominal.

109 membres sont présents.

59 adoptent.

50 rejettent.

En conséquence la clôture est prononcée.

Ont voté l'adoption : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Gottal, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, de Rongé, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Vervoort et Dolez.

Ont voté le rejet : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, Deridder, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Guillery, Hymans, Janssens, Julliot, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Savart, Snoy, Tack, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.


M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Tack.

- Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

109 membres y prennent part.

69 membres répondent non.

40 membres répondent oui.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Terbecq, Devaux.de Vrière, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom ; E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vervoort et Dolez.

Ont répondu oui : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.


L'amendement de M. Pirmez se rapportant aux deux derniers paragraphes de l'article 14 du projet, M. le président met d'abord aux voix le premier paragraphe du projet de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« Art.14, § 1er. La part de 40 p.c. et celle de 34 p.c. allouées aux communes par l'article 2, dans le produit brut du service des postes et dans le produit des droits d'accises mentionnés au chapitre II, sont portées respectivement à 42 p. c. et à 36 p. c. pour les trois premiers années de la mise en vigueur de la présente loi ; et le revenu qui leur est (page 1617) attribué par le même article est fixé au minimum de quinze millions de francs pour la première de ces années.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande que les mots : « pour la première de ces années » qui terminent le paragraphe, soient remplacés par les mots « jusqu'au 31 décembre 1861. »

S'il arrivait que la loi fût mise à exécution au mois de septembre ou au mois d'octobre, le dernier trimestre serait incomplet, d'après la rédaction. Il faut donc, pour exprimer la pensée de la section centrale, dire : « Jusqu'au 31 décembre 1861. »

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je ne m'oppose pas à ce changementµ.

- Le paragraphe premier ainsi modifié est adopté.


La Chambre passe au paragraphe 2.

Ici vient le premier paragraphe de l'amendement de M. Pirmez. Il est donné une nouvelle lecture de cet amendement.

M. le président. - On a fait passer au bureau un amendement qui ne peut plus être reçu, attendu que la clôture a été prononcés.

M. Nélis. - Mon amendement consiste simplement à retrancher les deux dernières lignes du paragraphe.

M. le président. - Il est impossible de présenter un amendement après que la discussion a été close.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Aux termes du règlement, aucun amendement ne peut être présenté après la clôture. Si l'article était amendé on pourrait, au second vote, voir si le nouvel amendement proposé découle des amendements déjà adoptés.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Pirmez au deuxième paragraphe du projet.

- Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

106 membres y prennent part.

69 membres répondent non.

36 membres répondent oui.

1 membre (M. Tact) s'abstient. En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, Deridder, de Rongé, de Terbecq, Devaux, de Vrière, H. Dumortier, Frère-Orban, Frisou, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Neyt, Orban, A. Pirson. V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Snoy, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Renynghe, Vau Volxem, Vervoort et Dolez.

Ont répondu oui : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Theux, B. Dumortier, d'Ursel, Janssens, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Rodenbach, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.

M. le président. - M. Tack, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Tack. - Messieurs, je n'ai pas voté pour l'amendement de l'honorable M. Pirmez, parce qu’il est trop défavorable aux villes ; je n'ai pas voté contre l'amendement, parce que je le préfère au projet du gouvernement.


M. le président. - Je mets aux voix le paragraphe 2 du gouvernement.

M. Nelisµ. - Je demande que l'on vote par division sur le paragraphe 2, en retranchant de ce paragraphe la dernière phrase, ainsi conçue : « mais cette réduction leur sera bénéficiée les années suivantes en proportion de chaque accroissement annuel ultérieur » ; et le mot « momentanément » qui se trouve à la septième, entre les mots « subirait » et « une réduction. »

M. le président. - Je concevrais qu'on proposât de diviser des propositions séparées, mais je ne comprends pas que l'on scinde une seule et même proposition.

M. Nélis. - Le paragraphe2 comprend deux parties bien différentes. La première propose de faire participer les villes à la réduction que pourrait subir le fonds communal par suite de la dépression du tantième des contributions qui lui est alloué.

La fin de ce paragraphe donne à ces villes un droit de reprise pour récupérer ultérieurement ce qu'elles pourraient perdre éventuellement de ce chef. Or, cet avantage que l'on veut donner aux villes à octroi, je ne le crois pas juste.

J'admets donc la plus grande partie du paragraphe 2, dont il n'y aurait, selon moi, qu'à supprimer le mot « momentanément » et la dernière phrase que j'ai indiquée tout à l'heure, pour le rendre complet.

Dans ces termes, il me semble que j'ai le droit de demander la division.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une seule et même idée ; l'une partie est la condition de l'autre. D'après le texte primitif on pouvait croire que toute la réduction tombait à charge des communes rurales parce qu'il y avait un minimum attribué aux communes à octroi.

Que fait le gouvernement, en communiquant sa rédaction nouvelle à la section centrale ? Il concilie les droits des communes et ceux des villes.

Il ne peut y avoir de division de deux membres de phrases qui servent ensemble à exprimer l'idée.

- Le paragraphe 2 est adopté.


M. le président. - Je mets aux voix le paragraphe 3.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande que les mots « sous ce rapport » soient retranchés.

- Le paragraphe 3 ainsi modifié est adopté.


M. de Naeyer. - Je demande l'appel nominal sur l'ensemble de l'article 14.

- Cette demande étant appuyée par plusieurs membres, il est procédé à l'appel nominal.

103 membres y ont pris part.

64 ont voté pour.

36 ont voté contre.

3 se sont abstenus (MM. Nélis, Pirmez et Van Overloop).

En conséquence, l'article est adopté.

Ont voté pour : MM. Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, de Florisone,, De Fré, de Gottal, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Neyt, Orban, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Vervoort et Dolez.

Ou voté contre : MM. Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Decker, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.

M. le président. - Je prie MM, Nélis, Pirmez et Van Overloop de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Nélis. - Je n'ai pas voté pour, parce que je trouve injuste de restituer aux villes à octroi la réduction momentanée qu'elles auraient pu essuyer dans leur part du fonds communal.

Je n'ai pas voté contre, parce que j'ai voté l'abolition des octrois et que je ne veux pas empêcher le gouvernement de mettre cette mesure à exécution.

M. Pirmez. - Messieurs, je reconnais qu'une disposition transitoire est nécessaire pour faciliter aux villes à octroi la transition entre l'état de choses actuel et celui qu'établit le projet. Je n'ai donc pu voter contre l'article. Je n'ai pas voté pour, parce que je trouve le minimum fixé trop élevé.

M. Van Overloop. - Si l'article 14 avait déterminé une époque précise à laquelle les communes sans octroi, auraient équitablement participé à la distribution du fonds communal qu'elles contribueront à former, j'aurais voté pour ; mais, vu l'absence de la fixation de semblable époque, je n'ai pas cru, en conscience, pouvoir, sans violer les règles de la justice, voter de cette manière. D'un autre côté, comme je tiens à arriver à la suppression des octrois, même au moyen de sacrifices, qui me paraissent indispensables, je n'ai pas voté contre l'article. En conséquence, je me suis abstenu.

Articles 15 à 19

« Art. 15. § 1er. Pendant trois années à partir de la mise en vigueur de la présente loi, il pourra être alloué aux communes une indemnité du chef des traitements d'attente à payer éventuellement aux agents du service des octrois qui resteraient sans emploi.

« § 2. Cette indemnité sera prélevée sur le revenu attribué aux communes par l'article 2 et ne pourra excéder 5 p. c. de chaque quote-part dans la répartition. Elle sera fixée par le gouvernement sur l'avis de la députation du conseil provincial.

- Adopté.


« Art. 16. § 1er. Les nouveaux droits d'accise sont applicables, savoir :

« a. Pour les vins, les eaux-de-vie, et le sucre brut, provenant de (page 1618) l’étranger, aux quantités déclarées à l'importation ou à la sortie d'entrepôt à partir du jour où la présente loi sera obligatoire ;

« b. Pour les eaux-de-vie indigènes, aux travaux de fabrication effectués à partir dudit jour ; les déclarations de travail en cours d'exécution cesseront leurs effets la veille à minuit ;

« c. Pour les bières et vinaigres, aux brassins commencés après la mise en vigueur de la présente loi ;

« d. Pour les sucres de betterave indigènes, aux quantités prises en charge à la défécation à partir de la même époque.

« § 2. Les sucres de betterave placés sous le régime de l'entrepôt fictif seront passibles de l'impôt établi au moment où ils ont été emmagasinés, quelle que soit l'époque à laquelle ils seront déclarés en consommation.

« § 3. La décharge des droits en cas d'exportation, de dépôt en entrepôt ou de transcription, sera imputée sur les termes de crédit dont l'échéance est la plus prochaine et sera calculée d'après le taux ancien ou nouveau, selon que la prise en charge aura été établie avant ou depuis le changement du taux de l'accise. »

- Adopté.


Chapitre IV. Dispositions générales

(page 1639) « Art. 17. § 1er. Le gouvernement est autorisé à prendre des mesures ultérieures pour assurer la perception des droits établis par la présente loi.

« § 2. Les contraventions aux arrêtés royaux prescrivant ces mesures seront punies de l'amende fixée par le troisième alinéa de l’article 10 de la loi du 9 juin 1853 (Moniteur, n°172).

« § 3. Ces arrêtés seront soumis aux Chambres législatives avant la fin de la session, si elles sont réunies, sinon, dans la session suivante. »

- Adopté.


(page 1618) « Art. 18 (nouveau). Chaque année, il sera rendu compte, aux Chambres, de la situation du fonds commun et de sa répartition. »

- Adopté.


« Art. 19. Un arrêté royal, exécutoire le lendemain de sa publication, fixera la date de la mise en vigueur de la présente loi. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose une nouvelle rédaction à cet article.

« Par dérogation à la loi du 1er mai 1845, un arrêté royal fixera la date de la mise en vigueur de la présente loi. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Il nous reste maintenant à fixer le jour du second vote.

- Plusieurs voix. - A demain !

- D'autres voix. - A mardi !

- D'autres voix. - A samedi !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer à la Chambre qu'il importe qu'elle ne se sépare pas avant d'avoir délibéré au moins sur deux projets de loi. L'une de ces lois a cessé ses effets depuis le 1er mai, il faut nécessairement la renouveler si l'on veut que les jurys universitaires fonctionnent ; l'autre est la loi sur l'enseignement agricole, qui présente la même urgence ; les rapports sur ces deux projets ont été faits ; je demande que la Chambre décide dès aujourd'hui que ces projets seront mis en tête de l'ordre du jour : ne pourraient-ils pas être discutés entre les deux votes sur la loi concernant l'abolition des octrois ?

M. le président. - Puisqu'il y a opposition, le second vote ne peut avoir lieu au plus tôt que samedi.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! demain.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne fais pas d'opposition à ce que le second vote ait lieu demain, je prends mes précautions pour que des lois indispensables soient votées, pour que la Chambre ne se retire pas après le vote de la loi sur les octrois.

M. le président. - Cela ne fait pas question dans la Chambre.

- La Chambre décide que le second vote sur la loi relative à la suppression des octrois aura lieu demain.

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires aux budgets des ministères de la justice et des travaux publics

Rapports des sections centrales

M. de Boe. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur une demande de crédit supplémentaire pour le département de la justice,

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

M. de Moor. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur une demande de crédit supplémentaire pour le département des travaux publics.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Quatre collègues ont déposé une proposition de loi ; les sections seront convoquées pour demain afin d'en prendre connaissance et d'en autoriser la lecture, s'il y a lieu.

Ordre des travaux de la chambre

M. Hymans. - Je demanderai à la chambre si elle a l'intention de discuter demain le crédit pour l'église de Laeken.

- Plusieurs voix. - Non ! non, à la prochaine session !

M. le président. - Nous aurons demain les jurys d'examen ; quant à l'enseignement agricole, le rapport n'est pas distribué.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le rapporteur me dit qu'il sera distribué ce soir.

M. Wasseigeµ. - Quel est l'ordre du jour de demain ? Commencera- t-on par le second vote sur les octrois ?

M. le président. - La Chambre a décidé qu'on commencerait par le second vote de la loi relative à l'abolition des octrois ; nous aurons ensuite les jurys d'examen et tous les crédits, à l'exception de celui pour l'église de Laeken.

- La séance est levée à 5 heures et demie.