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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 février 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 621) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« L'administration communale de Mariakerke demande la révision de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des distributeurs des postes dans la province de Liège demandent que leur position soit améliorée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le sieur Normand demande l'établissement d'une caisse de pension pour les anciens notaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dreesen, soldat à la première compagnie des travailleurs aux fortifications d'Anvers, demande un congé. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Gheel demande des modifications à la loi sur les logements militaires. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lœuze demande la suppression des mesures administratives auxquelles sont soumis les employés de la douane pour contracter mariage, et réclame pour eux la faculté de pouvoir disposer annuellement de deux jours de congé à leur choix. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Deridder et Bilsen demandent l'abolition de la peine de mort. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du Code pénal.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 116 exemplaires du rapport de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels sur les comptes fournis par ces associations pour l'exercice 1860. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Nothomb, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Rapports de pétitions

M. Sabatier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie sur une requête de M. Letoret, relative aux machines à traction directe.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1862

Discussion générale

La discussion générale continue.

M. de Theux. - Messieurs, je regrette que M. le ministre des affaires étrangères n'ait pas dans la pratique suivi la déclaration si gouvernementale qu'il a faite en terminant son discours dans la séance d'hier. L'honorable ministre nous disait :

« Quand on rencontre des hommes capables, on les nomme ; lorsqu'ils sont en fondions, on les maintient. Je désire qu'il continue d'en être ainsi. »

Messieurs, je ne puis que m'associer à ces belles paroles. Malheureusement, je dois reconnaître que ces paroles n'ont pas été mises complètement en pratique. Je me bornerai à citer deux cas particuliers dans un canton qui m'est parfaitement connu.

Un bourgmestre nommé, je pense, à peu près depuis l'époque de la révolution, confirmé dans ses fonctions par M. Rogier en 1848, confirmé dans ses fonctions en 1856, par M. Piercot, vient d'être éliminé par prétérition, bien qu'il eut obtenu à peu près l'unanimité des suffrages.

C'était un homme d'une bonne position sociale dans la commune, administrant avec beaucoup d'impartialité, ne montrant aucune passion politique, à tel point que plusieurs prétendent que cet honorable bourgmestre ne votait pas même pour celui qui a l'honneur de vous parler. Et cependant cet homme, sans aucun motif connu, s'est trouvé remplacé par un jeune homme à peine majeur pour occuper les fonctions de bourgmestre.

Dans une autre commune, un bourgmestre en exercice depuis 18 ans ayant obtenu l'unanimité des suffrages, se trouvant identiquement dans les mêmes conditions, est remplacé cette fois, non par un libéral, car il n'y en avait pas dans le conseil, par un homme modéré, j'en conviens, mais qui, quoique très honnête homme, n'avait guère autant de capacités administratives, n'ayant jamais eu occasion de les exercer, et n'ayant pas les mêmes connaissances que celui qu'il a été appelé à remplacer.

D'autres bourgmestres, en petit nombre, il est vrai, dans le même canton, ont vu leur nomination suspendue pendant un temps très considérable.

Lorsque les nominations ont paru et que l'on a vu celles de ces bourgmestres tenues en suspens, un étonnement général s'est produit. Des personnes appartenant constamment au parti libéral même, m'ont à moi-même témoigné leur étonnement et m'ont dit que si le gouvernement éliminait ces bourgmestres, il commettrait une très grande faute et perdrait beaucoup dans l'opinion publique.

J'ai remarqué, messieurs, que pour la nomination des bourgmestres en général, il y a eu, au dernier renouvellement, des retards très considérables dans un grand nombre de communes ; à quoi attribuer ce retard dans les nominations, surtout en ce qui concerne d'anciens bourgmestres qui étaient prêts à accepter le renouvellement de leur mandat ? C'est évidemment à l'idée de les remplacer ou de chercher à leur donner des successeurs.

Et cependant, je dois le dire, en 1848, l'honorable M. Rogier avait eu l'occasion de faire de grandes épurations, puisque, à la suite de la dissolution des conseils communaux, tous les bourgmestres et tous les échevins avaient été à sa nomination, et qu'il n'avait pas manqué d'appliquer le système d'épuration.

Plus tard un renouvellement a été fait par les soins de l'honorable M. Piercot et je ne pense pas qu'on puisse lui reprocher d'avoir trop favorisé l'opinion conservatrice dans ces nominations.

Je ne parlerai pas davantage de la nomination des bourgmestres en particulier ; il me semble que ces observations peuvent suffire et que l'opinion publique est d'ailleurs suffisamment éclairée ; dans le pays chacun sait à quoi s'en tenir, et à ce point de vue nos discussions sont pour ainsi dire superflues. Mais je dois toucher quelques points soulevés dans la discussion. On a parlé de la grande modération du ministère lorsque, en 1848, il a ôté au Roi la faculté illimitée de nommer le bourgmestre en dehors du conseil ; et on a fait un grief à la majorité d'alors d'avoir introduit cette faculté de nommer le bourgmestre en dehors du conseil.

Mais les honorables membres de la gauche qui ont produit cette observation et ceux qui y ont applaudi, n'ont pas remarqué qu'ils critiquaient leur chef et de la manière la plus amère.

Effectivement le projet de loi de 1832 sur l'organisation communale, présenté par l'honorable M. Rogier, contenait identiquement la même disposition et de plus laissait au gouvernement la faculté de dissoudre les conseils communaux et finalement laissait au Roi et aux gouverneurs des provinces la faculté de révoquer ou de suspendre les bourgmestres et les échevins, sans donner aucun motif à l'appui de cette mesure.

Evidemment, messieurs, ce projet n'est pas comparable à la loi de 1842 ; mais en ce qui concerne la loi de 1842, je dois faire remarquer que sur ma proposition elle a précisément atténué la nomination en dehors du conseil, en prolongeant la durée du mandat des administrateurs communaux. Et la portant de 6 à 8 ans, c'est-à-dire en l'augmentant d'un tiers, d'une part on diminuait ainsi la fréquence des luttes électorales dans la commune et d'autre part on rendait ces fonctionnaires plus indépendants au point de vue des élections générales. Or c'est là le point capital de la discussion en matière de nomination de bourgmestres et d'échevins.

En supprimant la faculté de choisir en dehors du conseil, on a aussi réduit la durée du mandat de 8 à 6 ans. Je ne vois dans cette disposition rien de bien libéral, rien qui ait ajouté à l'indépendance des fonctionnaires municipaux.

On a parlé aussi du système proposé par l'honorable M. Malou, et qui (page 622) consistait à nommer le bourgmestre en dehors du conseil et à déclarer ces fonctions incompatibles avec celles de conseiller.

Cela a paru exorbitant, cependant on doit reconnaître qu'au point de vue des élections, la position des bourgmestres, dans ce système, eût été plus indépendante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Les bourgmestres eussent été nommés sans limite de terme comme les autres fonctionnaires de l'Etat. Il aurait donc fallu une destitution formelle pour les priver de leur emploi.

Or, des destitutions formelles de bourgmestres et d'échevins, faites surtout sur une échelle assez vaste, eussent été impossibles ; il y aurait eu dans les deux Chambres un tollé général contre le ministère qui se les serait permises.

Du reste, je ne veux pas aujourd'hui préconiser ce système, il y a eu parité de suffrages, et je ne pense pas qu'il soit question de remettre le système sur le tapis. J'ai seulement voulu justifier mon honorable ami, M. Malou, au point de vue politique, au point de vue d'une influence excessive prétendue qu'il aurait eu l'intention d'attribuer au gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur s'est plaint dernièrement de la déconsidération qu'on jetait sur les diverses fonctions publiques. Il a aussi parlé de l'intervention intolérante du clergé en matière d'élections.

Quanta la déconsidération qui atteindrait les fonctions publiques, je crois que ce n'est pas une circonstance spéciale à la Belgique ; je pense que c'est là une tendance générale en Europe depuis assez longtemps ; et qu'aujourd'hui il n'est pas un pays en Europe où les fonctions publiques n'obtiennent la considération dont elles jouissaient dans les temps antérieurs.

Une observation que j'ai faite depuis longtemps et que je crois devoir communiquer à la Chambre et au pays est celle-ci : c'est que, par cette division en deux partis, en parti catholique et en parti libéral, on s'imagine que le parti libéral, voulant se maintenir et se fortifier, est amené, dans toutes les occasions où il peut agir, à restreindre l'influence naturelle de la religion, influence qu'elle puise dans son essence, et qu'elle a le droit d'exercer, en vertu des principes consacrés par la Constitution.

D'un autre côté, le parti conservateur aurait une tendance à être exclusif. Voilà, je crois, comme les choses sont généralement comprises.

Eh bien, si l'on se reporte à l'époque où cette division des partis n'existait pas de la même manière - je ne parle pas de la discussion de quelques articles de la Constitution où le parti catholique et le parti libéral se sont trouvés en présence : je parle de la situation générale du pays, alors que le principe de l'union contractée sous le royaume des Pays-Bas, existait encore - si l'on se reporte, dis-je, à cette époque, nous voyons le clergé voter pour plusieurs libéraux unionistes avec tout le zèle qu'ils auraient mis à voter pour les hommes les plus dévoués au culte, quoique certains de ces libéraux unionistes ne pratiquassent pas.

C'était la mise en pratique de notre Constitution dans son esprit ; car véritablement la situation actuelle est anomale.

Dans l'esprit de notre Constitution, il y a liberté pour toutes les opinions ; il y a liberté pour tous les cultes.

Que faut-il donc pour maintenir l'harmonie entre les opinions et les cultes ? Il faut de commun accord porter ses choix sur les hommes les plus capables, les plus honorables, les plus dévoués aux intérêts du pays. Il ne faut que de la tolérance.

Qu'on ne cherche en aucune circonstance, par des lois, par des actes administratifs, par des discussions, à ôter au clergé l'influence morale qu'il doit avoir dans l'exercice de son ministère. Qu'on laisse les cultes se développer librement comme on laisse les loges se développer librement, comme on laisse l'opinion libérale se développer librement, et peu à peu l'irritation qui s'accroît aujourd'hui de jour en jour diminuerait et finalement l'on arriverait à une situation éminemment désirable pour le pays.

M. le ministre de l'intérieur a attribué surtout au parti conservateur les causes de cette situation.

Je répondrai à l'honorable ministre que c'est le parti conservateur qui a provoqué et a fait passer une loi qui garantit la famille royale des offenses dont se rendait coupable la petite presse antinationale. Cette loi a été un grand acte suivant l'esprit de la Constitution qui déclarait le Roi inviolable. C'est un hommage rendu aux sentiments du pays qui vénère la famille royale.

Quant aux discussions concernant toutes les autres personnes, elles sont parfaitement libres.

Chacun apprécie les actes comme il lui convient, et nous n'avons pas le droit de censurer ces appréciations.

S'il s'agissait de faire une loi, nous aurions à discuter, mais aussi longtemps qu'il n'y a pas de loi à faire, c'est au public à les censurer.

Je fais seulement une remarque, c'est qu'on aurait grand tort de croire qu'on affermit le respect dû aux autorités civiles et politiques en abaissant le respect dû au clergé, aux autorités du culte. Ce serait une grande erreur. Le mépris de l'un entraîne le mépris de l'autre et réciproquement.

Je dis donc que de part et d'autre, l'on a intérêt à professer le respect des institutions et des autorités tant spirituelles que politiques et civiles.

Je ne veux point exagérer, dans l'état actuel de la société, l'importance de ces faits.

Chacun est connu dans le pays. Les opinions de chacun sont appréciées et jugées plus ou moins suivant le parti auquel nous appartenons, et ainsi je crois que ce serait en pure perte qu'on chercherait à jeter la déconsidération sur le clergé.

Une chose, messieurs, est résultée de nos luttes, c'est que la pratique de nos institutions constitutionnelles a pénétré davantage dans le pays. A ce point de vue il y a peut-être un bien.

Nos institutions avaient surpris la nation ; elles étaient nouvelles pour elle. Des fautes ont pu être commises ; bien des négligences ont eu lieu dans l'usage du droit constitutionnel.

Maintenant le parti libéral, je dois le dire, avait dans la pratique des moyens que la Constitution mettait à sa disposition plus d'énergie, plus d'habileté que le parti conservateur. Je n'en disconviens pas.

Le parti conservateur était, par caractère, porté à la jouissance paisible de ces droits et ne cherchait pas à réclamer d'une manière énergique. Peu à peu, cependant, la nécessité de la défense a introduit et introduirait plus encore dans nos mœurs, si les luttes continuaient de part et d'autre, le plein exercice des droits que la Constitution met à la disposition de chacun. Finalement, il y aurait compensation à ce point de vue.

L'honorable M. Lebeau disait dernièrement qu'on avait tort de blâmer les divisions dans les gouvernements constitutionnels.

Il a raison, grandement raison s'il entend qu'aucun parti ne doit être négligent quant à ses droits : chaque parti doit les défendre avec énergie, avec persévérance et ne doit point se laisser dominer par l'autre.

Dans cet ordre d'idées, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable orateur, ancien membre du Congrès national comme moi.

Mais je cesserais d'être d'accord avec lui, s'il pensait que le gouvernement fait bien de fomenter ou d'étendre les luttes de partis. Je crois que quand un dissentiment profond agite une nation ou une classe spéciale de la société, l'autorité qui peut exercer le plus d'influence fait bien d'user de cette influence pour modérer l'action quelquefois violente des partis.

Je termine ici mes observations, messieurs, car si je les développais davantage, je rentrerais dans la discussion générale de la question de confiance soulevée par l'adresse au Roi. Je me serais même abstenu complètement de parler, si M. le ministre de l'intérieur ne m'y avait provoqué en me demandant de faire connaître mon opinion.

MpVµ. - M. Thibaut, rappelé chez lui par la maladie d'un de ses enfants, m'a fait demander un congé de quelques jours.

- Ce congé est accordé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ferai la même déclaration que l'honorable préopinant : je me serais abstenu de prendre part à cette discussion, si lui-même avait gardé le silence. Mais, comme il l'a reconnu tout à l'heure en terminant, il est venu côtoyer le terrain de la discussion générale, du débat politique qui avait absorbé déjà un temps assez long dans la discussion de l'adresse, et cela, messieurs, pour faire, comme il convient, le panégyrique du calme, de l'impartialité, de la modération qui ont toujours animé l'honorable membre et le parti qu'il représente, et pour montrer, en même temps, que le parti qui est au pouvoir, est au contraire, un parti exclusif, intolérant, violent.

Messieurs, je me suis demandé quand, en quels temps, en quelles circonstances et dans quelles positions, l'honorable M. de Theux et son parti ont montré ce calme et cette modération dont ils réclament le monopole exclusif ; je me demande quand ils se sont montrés opposés au développement de l'esprit de parti. Est-ce lorsqu'ils étaient au pouvoir ? est-ce lorsqu'ils formaient la majorité ? est-ce lorsqu'ils constituaient l'opposition ? Eh bien, je suis profondément convaincu que, dans aucune de ces positions, dans aucun de ces rôles qu'ils ont été successivement appelés à remplir comme parti, ils n'ont fait preuve d'aucune de ces qualités qu'ils préconisent avec un zèle si ardent dès qu'ils ne sont plus au pouvoir.

(page 623) Messieurs, comme vous l'avez remarqué tout à l'heure, l'honorable M. de Theux a remonté assez haut dans l'histoire ; il a été rechercher des principes qui se trouvaient consignés dans des propositions faites, si je ne me trompe, en 1832, et il y trouve la preuve, selon lui, que certains de nos amis n'auraient pas, à cette époque, professé des principes conformes à ceux qu'ils défendent aujourd'hui relativement au rôle des bourgmestres et des échevins.

Je me bornerai, pour faire apprécier la valeur de cette objection de M. de Theux, à prendre ses propres projets, ses propositions, et à examiner quelques-uns de ses actes.

En 1836, il a été appelé à défendre le projet de loi sur l'organisation communale ; deux opinions étaient alors en présence : l'une, qui voulait faire la part plus large à la liberté communale, l'autre, qui voulait étendre un peu plus l'action du gouvernement. L'honorable M. de Theux, en soutenant cette seconde opinion, qu'il a fait prévaloir contre quelques-uns de ses honorables amis qui devinrent depuis ses collègues, et contre quelques membres de la gauche, défendait l'opinion la plus favorable au pouvoir. Lui-même adoptait le principe déposé dans la loi de 1836, en vertu duquel le Roi avait la nomination des bourgmestres et échevins dans le sein du conseil.

Deux membres du cabinet, MM. Ernst et d'Huart, dont les opinions étaient différentes sur ce point de celles de leurs collègues, votèrent contre la proposition soutenue par l'honorable M. de Theux, alors chef du cabinet. L'honorable membre savait fort bien ce qu'il voulait ; le but auquel il tendait était très manifeste, très apparent à ses yeux ; il avait le pouvoir ; par conséquent, il comprenait que c'eût été laisser échapper de ses mains un moyen d'action dont il appréciait parfaitement toute l'importance pour son parti, que de renoncer à la nomination des bourgmestres et échevins.

Sans doute on établissait, dans la discussion, que ce n'était pas dans des vues politiques que ce principe était défendu. Mais c'étaient là de vaines déclarations, faites tout au plus pour sauver les apparences. L'honorable M. de Theux savait parfaitement qu'il serait chargé de la première exécution de la loi de 1836, et c'est dans cette exécution que nous allons le voir à l'œuvre ; nous allons voir combien il est impartial, modéré, tolérant, absolument étranger à tout esprit de parti, et surtout profondément pénétré de ces grands principes d'union et de concorde, qu'il vient encore de préconiser aujourd'hui.

Eh bien, messieurs, la stricte vérité m'oblige à dire que, dans la première exécution de cette loi, l'honorable M. de Theux s'est montré systématiquement hostile à l'opinion libérale ; il fit, en cette circonstance, des razzias complètes comme on dit aujourd'hui ; il y eut des destitutions en masse.

Je ne veux parler que des faits qui me touchent d'assez près, dont j'ai gardé le souvenir, qui se sont accomplis dans mon arrondissement ; et pourtant je ne serais pas en peine de citer sept, huit exclusions, uniquement dictées par l'esprit de parti, dans ce beau temps d'union, où catholiques et libéraux s'adoraient, comme chacun le sait. Les bourgmestres de ce temps-là avaient été élus sous le régime de la loi antérieure à celle de 1836, de cette loi qui attribuait directement aux électeurs la nomination des bourgmestres, et à laquelle on semble vouloir revenir aujourd'hui, je dirai tout à l'heure pourquoi. Ces hommes avaient été réélus en 1836, comme membres des conseils communaux, les uns à la presque unanimité, les autres à de très fortes majorités.

L'honorable M. de Theux, aujourd'hui si plein de respect pour les décisions du corps électoral, ne tint aucun compte de cette circonstance, et ces anciens bourgmestres furent éliminés, uniquement pour cause de libéralisme.

Ce fut une des preuves significatives de la modération de l'honorable M. de Theux.

Mais qu'arriva-t-il immédiatement ? C'est que le désordre s'introduisit, dans toutes ces communes. L'administration y devint impossible, et nous savons telle et telle commune dans lesquelles on ne put dès lors faire marcher l'administration qu'à l'aide d'un commissaire spécial, en quelque sorte en permanence.

Voilà des actes de l'honorable membre.

Mais en élaborant la loi de 1836, l'honorable M. de Theux, qui ne manquait pas assurément de perspicacité politique, s'était dit qu'il ne suffisait pas de réserver au gouvernement la nomination des bourgmestres et des échevins ; il savait parfaitement qu'il y a dans les communes un personnage dont le rôle a parfois une assez grande importance, et qu'il pouvait dès lors être utile à son parti que ce personnage fût également, même pour une fois seulement, à la nomination du gouvernement ; c'est le secrétaire communal. On fit donc décréter, on ne saurait dire pourquoi, sinon par un motif politique, que le secrétaire communal serait nommé pour la première fois par le gouvernement.

Et qu'arriva-t-il encore, messieurs ? Les choix de l'honorable membre furent tellement modérés, tellement impartiaux, si fort en harmonie avec l'esprit qui régnait dans les communes ; il avait si peu le dessein d'imposer un homme politique aux administrations locales, qu'un bon nombre de conseils communaux se mirent à révoquer leurs secrétaires le jour même où on leur notifiait la disposition royale qui les avait nommés. Et ce fait ne se produisit pas dans des villages obscurs ; ce fut jusque dans des villes que cette pression de l'honorable M. de Theux fut exercée, et c'est ainsi que l'on compromit la dignité du gouvernement et la signature royale dans de véritables actes de parti.

Messieurs, l'honorable M. de Theux, après tant d'actes significatifs, fut cependant renversé. Par qui le fut-il ? Pour une bonne part, par ses amis mêmes. Si je ne me trompe, c'est à une motion émanant de l'honorable M. Dumortier que la chute de l'honorable M. de Theux doit être attribuée.

Jusqu'à présent, vous le voyez, je vous ai montré l'honorable membre et son parti dans le rôle de la majorité ; mais maintenant, c'est le rôle de l'opposition qui va commencer.

L'honorable M. de Theux ne pouvant rester au pouvoir, un nouveau ministère est constitué.

Ce ministère est composé d'hommes assurément très modérés. Eh bien, que fait l'opposition, toujours si calme, si impartiale, si tolérante, si peu exclusive, qui donne de si bons conseils aux autres ? Cette opposition devient mesquine, haineuse, tracassière ; elle ne s'attaque pas aux grands faits de la politique, mais elle s'occupe des plus minimes détails d'administration pour susciter des querelles et des embarras au gouvernement.

Un fonctionnaire, un ancien fonctionnaire, homme des plus honorables, des plus recommandables, se trouve par malheur décoré par ce ministère, et cette décoration donnée à un fonctionnaire public en récompense de services rendus au pays, devient le thème d'une immense discussion dans la Chambre. Cette décoration est signalée comme une preuve de l'esprit le plus dangereux qui règne dans le sein du cabinet. De misérables questions de douane, des questions relatives à je ne sais quelle affaire de foin, donnait lieu aux débats les plus graves, aux attaques les plus passionnées contre le cabinet. Le ministère d'alors proposait un subside pour la voirie vicinale : cet acte ne pouvait être admis ; la politique s'y opposait. Unanimement, des bancs de la droite, surgit une opposition absolue à cette motion. L'honorable M. Dechamps, comme vous le savez le plus modéré parmi les plus modérés, trouvait que la seule existence de ce ministère, où l'on comptait M. Rogier, M. Leclercq, M. Liedts, M. Mercier, jetait la plus profonde irritation dans le pays.

En vain des manifestations nombreuses et imposantes eurent lieu eu faveur de ce ministère nouvellement constitué ; en vain de nombreuses pétitions arrivèrent de la part des communes les plus notables du pays, il était démontré à l'opposition que ce ministère était un danger pour la nation. Cependant il obtint la majorité dans cette Chambre. Et voici que des conservateurs, des hommes modérés, qui ne sont pas du tout imbus de l'esprit de parti, vont susciter dans le Sénat une opposition réellement sans motifs contre ce ministère, et y provoquent une manifestation des plus graves et des plus irrégulières, qui amène le renversement du cabinet.

Eh bien, messieurs, je crois n'étonner personne en proclamant que ce rôle de l'opposition ne me paraît pas le moins du monde en harmonie avec les principes que l'on défend d'un air si convaincu de l'autre côté de cette Chambre, et surtout qu'il ne me paraît pas le moins du monde conforme aux saines traditions du gouvernement représentatif.

Cependant un nouveau ministère se forme.

Ce nouveau ministère parle d'union, de transaction et de conciliation. Comment est-il accueilli par ce côté de la Chambre ? Oh ! celui-ci ne va pas pousser directement à son renversement. Mais, comme on le disait à cette époque, il l'honorait de la tiédeur de son appui ; il l'abandonne dans toutes les circonstances décisives ; il lui inflige les humiliations les plus pénibles, les affronts les plus sanglants. Chaque fois que ce ministère, au nom de cet esprit de modération et de conciliation dont on parle, vient soumettre à la législature (page 624) quelque mesure qui paraît, à certains points, donner une satisfaction quelconque à l'opinion libérale, immédiatement il est écrasé sous l'opposition de la droite, et l'on voit jusqu'à des membres du cabinet, représentant plus particulièrement la droite, déserter les bancs ministériels pour venir combattre les propositions de leurs collègues.

Il est bien entendu, messieurs, que tout cela est toujours la conséquence de la modération et de la conciliation que nous connaissons. La droite n'est pas du tout animée par l'esprit de parti, quand de tels actes sont posés !

Mais son appui est assuré à ce ministère, quand il s'agît véritablement de mesures de parti qu'on lui impose. Ainsi il s'agissait (et c'est pour rester sur le terrain électoral, car je pourrais parler de beaucoup d'autres mesures) il s'agissait des élections communales ; elles étaient prochaines. On avait fait l'expérience de la loi de 1836 ; on comprenait qu'il fallait quelque chose de plus dans un intérêt de parti. Deux mesures sont proposées : la loi du fractionnement, et la loi qui confère au gouvernement le pouvoir de nommer le bourgmestre en dehors du conseil.

La loi du fractionnement est morte sous le ridicule ; les électeurs en ont fait justice. Mais vous avez obtenu le vote de la loi qui autorisait la nomination du bourgmestre en dehors du conseil. Or, cette loi, qui devait être appliquée uniquement au point de vue administratif, comment l'a-t-elle été réellement ? De la manière la plus partiale, la plus révoltante, tellement qu'elle constituait dès lors un grief dans le pays et qu'il a été impossible de la maintenir.

Nous avons vu (je parle encore de faits que je connais parfaitement), nous avons vu dans des communes, non pas un fait isolé, mais des faits nombreux du même genre, nous avons vu dans des communes ou le bourgmestre sortant avait été éliminé par les électeurs, lui et toute sa liste, nous avons vu le bourgmestre ainsi éliminé être imposé comme bourgmestre pris en dehors du conseil. Nous l'avons vu imposer à ce conseil uniquement, ne l'oubliez pas, par modération, par esprit de conciliation ! Si ce n'est point par cet esprit, c'était peut-être par respect de la liberté communale ! Je pourrais citer de nombreuses communes qui ont été placées dans cette situation, de nombreuses communes dans lesquelles le désordre plus grave a persisté aussi longtemps que cette situation intolérable a été maintenue.

Cependant, à son tour, ce ministère succombe, une tentative nouvelle est faite par une administration qui se constituait au nom de l'union, et qui se dissout bientôt en faisant éclater les exigences de la droite ; M. de Theux reparait un instant au pouvoir pour succomber enfin devant les vœux réitérés du corps électoral, qui avait exprimé son opinion d'une manière non équivoque en 1842, en 1845 et en 1847.

Que fait, messieurs, entre autres choses, l'honorable M. de Theux, dans ces circonstances ? Renversé par les électeurs, démissionnaire, il pourvoit à des nominations de la plus haute importance, afin de s'assurer des positions politiques vis-à-vis du cabinet qui allait lui succéder. On le voit ainsi aller jusqu'à nommer à un poste diplomatique des plus importants un homme tout à fait dévoué à la politique de la droite.

Il faut nécessairement, on le comprend, que le ministère qui arrive fasse disparaître incontinent cet acte inouï, qui n'avait d'autre but que de conserver des positions politiques en opposition avec le pouvoir. Le ministère substitue à cet agent diplomatique un homme d'un caractère élevé, qui occupait une des plus hautes, une des plus grandes positions dans le pays, un homme généralement, universellement respecté, un homme parfaitement religieux. Et qu'arrive-t-il, messieurs ? On le dénonce à Rome comme un personnage dangereux, et on ne craint pas d'aller jusqu'à provoquer, de la part de la cour de Rome, le refus d'agréer l'honorable M. Leclercq comme ambassadeur de la Belgique ! Toujours, ne l'oubliez pas, par esprit de modération et de conciliation !

Et cependant, messieurs, quand des actes si violents eurent été posés, après que des faits si graves eurent été révélés au pays, quelle croyez-vous que fut l'attitude des honorables membres de la droite ? Mais ils se mirent de nouveau à prêcher la concorde, à prêcher l'union. L'honorable M. Dechamps découvrit qu'il n'y avait entre nous qu'un simple malentendu, que nous devions être facilement d'accord. (Interruption.) Ce n'est pas en 1848, c'est en 1847, à l'avènement du ministère libéral ; c'est alors que vous nous avez démontré, si mes souvenirs sont fidèles, qu'il fallait une politique d'union et de rapprochement. Je viens de dire comment vous nous y aviez préparés.

Mais on s'aperçoit bientôt que la politique libérale est quelque chose de sérieux, qu'elle a des principes à appliquer, à faire prévaloir, qu'elle les applique dans les lois, dans l'administration. Dès ce moment une guerre à mort est déclarée au cabinet. Elle fut longue et rude. On ne négligea aucun moyen d'ébranler ce cabinet ; je ne sais pas même si certains appels, à l'étranger, du moment qu'ils pouvaient porter atteinte à la constitution du ministère libéral, n'obtenaient pas la chaleureuse approbation de la droite. Malgré tant d'efforts, on ne réussit pas encore à enlever la majorité au cabinet libéral ; mais on eut recours alors à l'un de ces moyens qui ont été trop souvent pratiqués par la droite, à cette espèce de corruption politique, la plus dangereuse, la pire de toutes, celle qui consiste à attirer à soi des adversaires en leur décernant certains honneurs, en leur concédant certains avantages. Le cabinet tomba devant la défection de libéraux... « indépendants », et la première dignité de la Chambre fut le prix de la défection.

On va croire sans doute que les hommes qui sont animés de ces sentiments de modération et de conciliation, et qui veulent la pacification des esprits, seront satisfaits ? A entendre leurs paroles, ils le sont en effet. Un ministère modéré, comme le comportaient les circonstances, se présente. Il n'est certes pas agressif ; il ne pose aucun acte hostile, il le déclare lui-même : « Dans la situation des partis il entend administrer. »

Comment se conduit l'opposition, devenue en quelque sorte majorité, ou ayant acquis du moins une grande prépondérance dans cette Chambre ? Comment se conduit-elle vis-à-vis de ce ministère ? Tout le monde s'en souvient : aucun appui ne lui fut donné ; tous ses projets furent repoussés, et il dut enfin abandonner le pouvoir, dans l'impossibilité où il se trouvait de gouverner. (Interruption.)

Ah ! il y avait certainement de l'opposition, à gauche, je ne le méconnais pas. Mais ce que j'entends caractériser, c'est le rôle que vous prétendez jouer, ce rôle d'hommes modérés, conciliants, opposés à tout esprit de parti, amis de l'union et de la concorde ; je vous démontre, au contraire, qu'aussi longtemps que vos exagérations les plus absolues, vos prétentions les plus exorbitantes ne sont pas entièrement satisfaites, vous faites de l'opposition quand même, vous votez comme un seul homme contre tout cabinet qui ne marche pas servilement à votre suite.

Et, en effet, à ce dernier ministère succède cette fois un ministère pris dans le sein de la droite. Les honorables MM. de Decker et Vilain XIIII font partie de ce nouveau cabinet. Ceux-là disent résolument : « Nous voulons être impartiaux, modérés ; nous ne voulons pas d'intolérance ; nous ne voulons pas d'exclusion ! » Comment les avez-vous accueillis ? par qui sont-ils tombés ? Par vous ! (Interruption.)

Je vais vous le prouver. (Nouvelles interruptions.)

M. Coomans. - Sous les pavés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Gardez vos pavés avec leur étiquette ; nous savons ce qu'ils valent.

Je le répète, je vais montrer que ce cabinet, c'est vous qui l'avez tué ; sans vous, sans vos exigences, ce ministère serait peut-être encore aujourd'hui au pouvoir.

Je dis donc que le ministère, pris cette fois dans les rangs de la droite, a la prétention de gouverner, en résistant aux exigences de l'esprit de parti.

Eh bien, il a fait l'aveu dans cette Chambre qu'à cause de cette résistance même, il avait suscité contre lui des haines implacables. (Interruption.)

Des prétentions inouïes s'étaient fait jour dans vos rangs, relativement à l'enseignement ; on avait voulu imposer au gouvernement l'obligation de destituer des professeurs qui avaient enseigné dans leurs chaires des doctrines qu'ils avaient parfaitement le droit d'enseigner, des doctrines que M. Guizot, derrière lequel vous vous retranchez sans cesse aujourd'hui, professait au Collège de France, dans les plus mauvais jours de la restauration. Vous avez été plus loin : vous avez été jusqu'à prétendre imposer à ce ministère l'obligation de destituer un professeur, non pour avoir enseigné telle ou telle doctrine dans sa chaire, mais un savant, pour avoir publié un livre sérieux, grave, un livre de philosophie ! Lorsqu'il a cru devoir résister à de pareilles exigences, et lorsqu'il a été foudroyé par un mandement épiscopal à cause de sa résistance, quel appui a-t-il trouvé auprès de vous ?

.M. Dechamps. - Nous étions d'accord avec le ministère.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'étiez pas d'accord avec le ministère, vous étiez en complète dissidence avec lui.

.M. Dechamps. - J'ai bon souvenir de ce que je dis.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Moi aussi j'ai souvenir de ce que je dis ; votre mémoire vous trompe souvent. Je vais vous rappeler les paroles de l'honorable M. de Decker. L'honorable membre a soutenu qu'il était impossible d'imposer à un professeur l'obligation de se renfermer dans les limites d'un enseignement basé sur un dogme ; l'honorable M. Dechamps a, au contraire, soutenu cette doctrine exorbitante, que l'enseignement ne peut jamais être contraire à un dogme quelconque du culte catholique. (Interruption.)

(page 625) .M. Dechamps. - Nous avons été d'accord sur le principe consigné dans l'adresse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je sais derrière quelle équivoque se retranchait alors l'honorable M. Dechamps ; je sais qu'il essayait de cacher la dissidence qui existait entre ses amis et le cabinet, sous cette étrange formule que la liberté du professeur était limitée par la liberté de conscience de l'élève.

.M. Dechamps. - Nous étions parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Decker.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'étiez pas du tout d'accord ; et j'ai constaté jadis la dissidence dans cette Chambre même : j'ai rappelé que l'honorable M. de Decker lui-même l'avait établie, et qu'une phrase avait été omise dans les Annales parlementaires ; l'honorable membre a reconnu alors qu'il avait prononcé la phrase, qu'il ne l'avait pas effacée des Annales parlementaires, et qu'il la maintenait.

.M. Dechamps. - Je répète que l'honorable M. de Decker et moi étions d'accord.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les honorables MM. de Decker et Vilain XIIII n'ont donc pas trouvé d'appui dans la majorité ; ils ont été attaqués, poursuivis par cette majorité, parce qu'ils entendaient résister à certaines exigences, parce qu'ils voulaient faire preuve de ce qu'ils croyaient être de l'impartialité, de la modération et de la tolérance.

L'honorable M. Dumortier s'est levé plus d'une fois pour dénoncer à la vindicte de la droite l'attitude, les actes des honorables MM. de Decker et Vilain XIIII. Dans le sein du Sénat, vos amis ont tenu le même langage ; ils y ont attaqué également ces honorables ministres.

Il est vrai qu'après cette discussion, l'honorable M. de Decker, nonobstant les déclarations qui avaient été faites dans cette Chambre, a voulu faire une concession à ses honorables amis, non pas en destituant le professeur, mais en le déchargeant, par mesure administrative, du cours qui avait été l'objet des réclamations.

Eh bien, cette concession même ne vous a pas satisfaits. Du fond de la province, comme il l'a dit alors, sont venues fondre sur lui les accusations de lâcheté ; c'est alors qu'il a déclaré dans cette Chambre qu'il reconnaissait qu'un souffle d'intolérance avait passé sur la Belgique.

Enfin pour se venger de ses résistances, on a imposé à ce ministère la mise à l'ordre du jour du projet de loi sur la charité ! Ce n'était pas l'opposition qui vous provoquait sur ce point. L'opposition vous disait alors : « Gardez-vous de discuter ce projet de loi ; il sera fatal ; il troublera le pays ; ne le mettez pas en discussion. »

On a demandé une enquête pour empêcher la discussion du projet. Rien n'y a fait : dans votre intolérance, dans la passion de votre esprit de parti absolu, exclusif, vous avez exigé que le projet de loi fût mis en discussion, mais vous avez vainement tenté de l'imposer au pays.

Donc, ainsi que je viens de le démontrer, vous n'avez jamais été ni modérés, ni conciliants, ni animés d'un esprit de tolérance, à aucune époque ni dans aucune position, soit comme pouvoir, soit comme opposition, soit comme majorité.

Et maintenant, vous qui avez perdu ce dernier cabinet, quoique représentant vos opinions, que faites-vous vis-à-vis de l'administration nouvelle ?

Messieurs, nous sommes arrivés au pouvoir en 1857. Nous avons résolu, dans l'ordre politique, les questions qui étaient la base de la constitution du cabinet ; puis tenant grand compte des circonstances extérieures, nous n'avons soumis aux Chambres aucune mesure irritante, et cela au risque de compromettre notre position, notre popularité et de perdre l'affection de nos amis.

- Plusieurs membres à gauche. - C'est vrai.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Est-ce que vous vous êtes montrés pour cela plus calmes ? Avez-vous répondu à cette modération dont le gouvernement vous donnait l'exemple ? Avez-vous tenu compte, comme lui, des circonstances extérieures ? En aucune façon. Votre opposition, non plus dans le sein de la Chambre, car je ne sais pas sur quoi elle aurait porté, mais votre opposition au-dehors de cette Chambre a été la même que si vous aviez été l'objet des plus violentes persécutions. Il est incontestable que si les étrangers lisaient ce qui s'imprime au nom de l'opinion catholique en Belgique, ils devraient croire que les catholiques y sont l'objet d'incessantes persécutions. Ainsi, cette attitude du cabinet libéral pendant quatre ans n'a pas eu pour résultat de calmer le moins du monde vos anciennes rancunes.

Aujourd'hui, messieurs, que les circonstances sont différentes, car je conviens que ce n'est pas pour faire des avances à la droite que le ministère prenait cette attitude, aujourd'hui que les circonstances sont différentes, et que nous manifestons l'intention d'appliquer les principes du libéralisme, que nous voulons introduire dans l'administration les réformes que nous croyons indispensables pour imprimer aux affaires une marche conforme à l'esprit de nos institutions, quel est donc votre rôle, à vous qui êtes de l'opposition ? Est-ce que vous vous hâtez d'arriver à la discussion de ces projets, pour y défendre vos convictions et vos principes ? Non ! Tout au contraire. Vous réduisez votre opposition aux proportions les plus mesquines, les plus tracassières. N'ayant plus le pouvoir, vous rêvez le bouleversement de nos lois organiques ; vous faites entrevoir des réformes de la loi communale,, maudissant les principes que vous-même avez fait consacrer. Puis vous vous occupez de détails insignifiants, mauvais, déplorables, scandaleux. Tout le temps de la Chambre est absorbé par des discussions qui, s'il faut me permettre l'expression, devraient avoir lieu plutôt au cabaret qu'à la Chambre. (Interruption.) Eh bien, messieurs, c'est vous réduire à un triste rôle. Les grands partis politiques doivent se montrer plus jaloux de leur dignité. Qu'il soit pouvoir, majorité ou opposition, un grand parti doit toujours rester digne vis-à-vis de lui-même comme de ses adversaires.

Vous savez parfaitement sur quel terrain nous avons à combattre. Vous savez parfaitement quels sont les principes que nous avons à défendre. Pourquoi ne vous hâtez-vous pas pour que ces lois que nous avons annoncées puissent être mises en discussion ? Vous usez d'une espèce de tactique pour prolonger des débats insignifiants, de manière à arriver la fin de la session actuelle, sans qu'il y ait possibilité de discuter encore les projets que nous avons annoncés au pays.

- Plusieurs membres à gauche. - C'est cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et vous croirez avoir obtenu un magnifique triomphe, lorsque vous aurez ainsi paralysé la Chambre Mais ce triomphe, vous ne l'obtiendrez pas. Je vous avertis que quoi que vous fassiez, nous arriverons à la discussion de nos projets. Lorsque vous aurez suffisamment fatigué le pays de discussions indignes du parlement, nous obtiendrons, avec l'appui de la majorité qui sera sanctionné par l'opinion publique, de pouvoir mettre en discussion les projets de lois que le gouvernement a annoncés et auxquels il attache, non sans raison, une grande importance. Nous nous trouverons alors, messieurs, sur le véritable terrain où doivent se rencontrer des hommes graves, des hommes politiques, et c'est alors que nous pourrons discuter convenablement les grands principes qui font la force de l'opinion libérale dans le pays.

M. le président. - M. Joseph Lebeau a la parole.

M. J. Lebeau. - J'y renonce.

M. le président. - Elle est alors à M. de Montpellier.

M. de Montpellier. - L'observation que j'ai à faire est relative au discours qu'a prononcé hier l'honorable M. de Moor ; je demande à la produire quand il sera présent..

M. de Theux. - Messieurs, il n'aura pas échappé à votre attention que M. le ministre des finances n'a en aucune manière répondu au discours que j'avais prononcé.

Ce discours était dans l'ordre de nos débats. Nous avons devant nous un ministère responsable. Nous critiquons ses actes. C'est notre droit ; c'est notre devoir.

Que fait M. le ministre des finances ? Il remonte à 1836, il prend à partie tour à tour et isolément les anciens ministres et les membres de la Chambre. Il fait un discours d'apparat.

Cette tactique, messieurs, n'est pas conforme à la pratique du gouvernement constitutionnel.

Tous les faits dont il a parlé ont été discutés dans leur temps. En ce qui me concerne, je n'ai jamais reculé devant aucune explication des actes que j'ai posés.

Il n'y a qu'à consulter le Moniteur, on y verra que mes actes et ceux des autres ministres ont été expliqués et l'on pourra juger en même temps de l'importance des discussions qui ont eu lieu. Je pourrais donc purement et simplement opposer la prescription. Plus de 25 ans se sont écoulés depuis la première organisation communale. C'est plus qu'il n'en faut pour appliquer la prescription aux actes politiques, surtout à une époque où les événements sont si mobiles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais il y a quinze ans que vous ne gouvernez plus.

M. de Theux. - Je répondrai en peu de mots sur tout à ce qui me concerne personnellement.

En 1836, dit-on, j'étais déjà exagéré ; lors de la discussion de la loi communale il s'est produit un dissentiment dans le sein du cabinet. Oui, un dissentiment a existé.

MM. Ernst et d'Huart croyaient que l'élection des échevins devait être directe et que l'on ne pouvait en déférer la nomination au Roi en admettant la nomination des bourgmestres hors du conseil.

Cette opinion n'était pas la mienne ; elle n'était pas non plus celle de la majorité des Chambres.

(page 626) L’événement l'a prouvé. Plusieurs votes successifs en sont la preuve. Mais dans la discussion de la loi communale, ai-je soutenu des opinions exagérées ? En aucune manière.

J'ai voulu faire attribuer au Roi le droit de nommer le bourgmestre dans le conseil ou en dehors du conseil.

La Chambre a accordé la nomination du bourgmestre dans le conseil, et exceptionnellement hors du conseil sur la proposition de la députation permanente, mais pour la nomination du bourgmestre en dehors du conseil, j'étais d'accord avec peut-être autant de membres de la gauche que de la droite.

J'ai repoussé le système qui avait été proposé dans cette Chambre de donner l'administration exclusivement au bourgmestre comme on la donne en France aux maires.

J'ai suivi un système plus approprié à nos mœurs. Je n'ai pas maintenu la proposition du projet de l'honorable M. Rogier d'accorder au gouvernement la faculté de révoquer le bourgmestre et les échevins sans motifs déterminés, j'ai repoussé la faculté de dissoudre les conseils communaux.

Vous voyez donc que dans cette discussion j'ai cherché à tenir une position de juste milieu, qualification qui ne me paraît en aucune manière injurieuse.

Mais, dit-on, en 1836, lors du renouvellement des administrations communales pour la première application de la loi qui était aux électeurs l'élection directe du bourgmestre et, des échevins, j'adopte une politique plus partiale.

Je dois le dire, messieurs, les actes que j'ai posés alors ont subi très peu de critiques dans cette enceinte.

Le peu de critiques qui ont été formulées, je les ai discutées avec toute la franchise possible et dans tous leurs détails.

De ce que, dans quelques communes, les nominations du gouvernement ont rencontré de l'opposition, une opposition systématique, violente, s'ensuit-il que le gouvernement ait eu tort ? Le gouvernement avait-il, au contraire, des motifs raisonnables et plausibles d'introduire quelques modifications dans le personnel des magistrats communaux ?

Voilà toute la question.

II ne m'est pas possible de la discuter aujourd'hui, car je n'ai sous la main aucun des éléments qui ont guidé mon opinion à cette époque. Ce que je sais bien, messieurs, c'est que j'ai toujours tâché de me conformer à l'esprit de la discussion de la loi communale.

On donnait la nomination des bourgmestres et des échevins au Roi, pour éviter toute opposition à l'application des lois, des arrêtés et des règlements des autorités supérieures. On la donnait ainsi en vue d'une administration intelligente et pacifique de la commune.

En outre, si, dans quelques communes, il y avait, parmi les administrateurs existant alors une opposition radicale au gouvernement, j'étais parfaitement en droit, suivant la doctrine professée par le ministère actuel lui-même et par les membres de la majorité actuelle, de chercher à les remplacer.

J'admets, messieurs, cette prétention sans aucune difficulté ; lorsqu'il y a une opposition systématique et violente au gouvernement dans l'administration communale, c'est pour le pouvoir une nécessité, un devoir même d'user des droits que la loi lui accorde.

II est des communes où j'ai rencontré une pareille opposition. Je citerai notamment une grande ville où le conseil communal avait résolu d'exiger que le gouvernement nommât comme bourgmestre un homme qui était politiquement hostile à la Belgique indépendante. Je n'ai pas cédé.

Je citerai une autre grande ville encore où j'ai trouvé un autre genre d'opposition. On voulait imposer au gouvernement une charge de douze millions résultant des pillages. Eh bien, messieurs, bien que je comptasse plusieurs amis dans ce conseil, ce conseil, sur mon refus d'obtempérer à sa demande, a donné en masse en démission. Et quand la difficulté a été levée, les anciens fonctionnaires municipaux ont été rétablis dans leur emploi.

En 1840, j'ai fait opposition (et je déclare que c'est moi qui en ai pris l'initiative) au subside pour la voirie vicinale. Mais, messieurs, était-ce par un sentiment d'hostilité envers le ministère ? Etait-ce par hostilité à l'amélioration des chemins vicinaux ?

En aucune manière, messieurs. J'avais pris l'initiative du projet de loi, qui a été adopté par les Chambres, tendant à l'amélioration de la voirie vicinale.

Je disais, et je maintiens que c'était à bon droit, je disais qu'il ne fallait pas accorder des subsides considérables par le budget avant que la loi même fût votée. Voilà ce que je disais.

Je rappellerai à l'honorable M. Frère que j'ai fait une autre opposition ; c'était au crédit qui avait pour objet de salarier les consuls belges à l'étranger.

Je suis encore du même avis aujourd'hui, parce que je ne pense pas que la Belgique, avec ses ressources limitées, peut imiter les grands empires comme la France, qui, par l'immensité de ses ressources peut rémunérer ces sortes d'agents partout à l'étranger. Nous avons dû faire nos choix pour les postes les plus importants ; et, finalement, l'opinion que j'ai défendue alors a prévalu, car, nous sommes encore dans les mêmes errements.

On nous a parlé, messieurs, d'un ministre plénipotentiaire nommé par le gouvernement près la cour de Rome. Je dois déclarer que l'opposition que cet honorable membre du corps diplomatique a rencontrée à Rome, ne me concerne en aucune manière : nous n'avons pas à discuter les motifs pour lesquels une cour étrangère n'aime point à voir accréditer près d'elle telle ou telle personne.

D'ordinaire, d'après les usages diplomatiques, on pressent l'opinion du souverain auquel on veut envoyer un ministre plénipotentiaire ; et, s'il y a quelque opposition de la part de ce souverain, on ne donne pas suite au projet de nomination, ou bien on cherche, par des éclaircissements, par des explications, à lever la difficulté.

Voilà, messieurs, les usages vraiment diplomatiques, et si l'on a fait différemment, on a agi avec imprudence. Je ne veux, en aucune manière, justifier le refus que l'honorable diplomate auquel on a fait allusion a essuyé de la part de la cour de Rome.

M. Guilleryµ. - Qui est-ce qui a fourni les renseignements ?

M. de Theux. - Ce que je puis affirmer, c'est que je l'ignore complètement.

L'honorable M. H. de Brouckere et son ministère ont, dit-on, rencontré la plus vive opposition sur les bancs de la droite, bien qu'il se présentât comme ministère mixte.

Je commence par déclarer que jamais le ministère de l'honorable M. de Brouckere ne s'est présenté comme ministère mixte, mais bien comme ministère libéral.

M.H. de Brouckereµ. - Et il prétend n'avoir pas changé,

M. de Theux. - Cependant l'honorable membre doit reconnaître que, sauf un désaccord sur la question relative au grade d'élève universitaire, ce n'est pas par la faute de la droite que son ministère a été renversé.

Quant au grade d'élève universitaire, j'avais sur ce point une conviction profonde, conviction que je professe encore aujourd'hui, et qui était partagée notamment par l'honorable M. Verhaegen. Cependant, je ne me rappelle pas même d'avoir parlé ; je me suis borné à voter et je l'ai fait dans le même sens qu'à la dernière session. Au surplus, c'était là une question relativement secondaire et que l'on n'avait pas élevée d'avance à la hauteur d'une question de cabinet.

On en est revenu au ministère de l'honorable M. de Decker et l'on a prétendu que c'est encore nous qui l'avons renversé ; c'est nous qui avons exigé de lui qu'il hâtât la discussion de la loi sur la charité.

Eh bien, messieurs, autant de mots autant d'erreurs.

Le ministère de l'honorable M. de Decker, en arrivant aux affaires, a fait de la question de la charité l'article principal de son programme, et ce n'est pas nous qui l'avons engagé à hâter la discussion de ce projet de loi. Nous n'y avions pas même intérêt, puisque la cour de cassation venait de se prononcer dans notre sens.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout ! du tout !

M. de Theux. - Avant la discussion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sur une question, oui ; mais il y en avait dix autres qui vous intéressaient également.

M. de Theux. - La décision portait sur la question capitale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout ! sur une question secondaire.

M. de Theux - L'arrêt portait interprétation de l'article -4 de la loi communale, et cette interprétation nous donnait pleine satisfaction.

Le projet de loi sur la charité renfermait des formules destinées à satisfaire l'opinion libérale et, si le cabinet avait retiré ce projet de loi, on eût pu croire que nous voulions échapper aux prescriptions du projet devant servir de garantie.

Un des membres de l'opposition m'avait annoncé que l'opposition ferait en sorte que la discussion serait tellement violente, tellement longue, que le projet de loi ne pourrait parvenir au Sénat dans celle même session et j'en ai même averti MM. les ministres.

Dans la discussion a-t-on jamais vu autant de passion ? Je ne le pense pas. S'il y avait des imperfections dans le projet, il était inutile de faire des appels aux tribunes, à la multitude ; il fallait opposer à ce projet de bonnes et solides raisons, tâcher d'amener le gouvernement et les (page 627) Chambres à introduire dans le projet les modifications dont il était susceptible. Je rappellerai qu'à l'arrivée du cabinet de M. de Decker en 1856, le premier projet dont la Chambre eut à s'occuper fut un projet sur les poids et mesures.

Une question d'attributions d'un officier ministériel de très peu d'importance s'éleva avec le ministre de la justice, qui pouvait être dans l'erreur sur un point de droit ; une discussion d'une violence extraordinaire eut lieu pendant trois jours sur ce petit point sur lequel le plus grand jurisconsulte aurait pu se tromper.

Je pourrais multiplier les citations de discussions violentes qui eurent lieu sous divers ministères conservateurs ; je ne parlerai que de ce malheureux Retsin qui est mort des suites de la discussion dont il a fait les frais pendant plusieurs jours.

En 1840, M. d'Anethan était accusé d'avoir été trop facile, trop condescendant dans cette affaire.

Cependant elle était si petite, que je n'ai appris l'affaire que lors de la discussion qui a tant agité le pays, on en avait fait l'objet d'un combat à mort.

Appelé par le Roi après des conférences avec diverses fractions de la Chambre, ne voulant pas laisser le Roi dans l'impossibilité de trouver des ministres, à moins de dissoudre les Chambres, j'ai consenti à accepter le ministère, et j'ai présenté le programme le plus modéré.

Un membre a dit : La couronne s'est trompée il ne faut avoir que des ministères libéraux. Les libéraux sont moins attachés à la patrie que les catholiques qui doivent craindre une réunion à la France. Il ne faut s'inquiéter que de l'opinion libérale.

Je me rappelle avoir dit que c'était une prétention singulière, parce que nous avons un plus grand intérêt à l'indépendance de la Belgique, de vouloir nous exclure de la direction des affaires. J'ai dit que les affaires sont ordinairement confiées à ceux qui ont le plus d'intérêt à ce qu'elles soient bien gérées. Je crois que c'est un point de simple bon sens qui ne peut être l'objet d'une discussion sérieuse.

M. Guilleryµ. - Qui a dit cela ? Nommez-le.

M. de Theux. - Il ne me convient pas de le nommer ; on peut consulter le Moniteur.

On a dit que nous avions voué une haine implacable à MM. de Decker et Vilain XIIII, à propos de l'affaire du professeur Laurent. Je répondrai que ni dans la discussion spéciale, ni dans celle qui eut lieu ultérieurement relativement à cette affaire, je n'ai émis aucun vote hostile ; les votes que j'ai émis concernant l'enseignement supérieur n'étaient pas hostiles, mais simplement contraires au projet de loi. J'étais rapporteur du projet de loi, j'ai soutenu qu'il ne fallait pas rétablir le grade d'élève universitaire ; je n'étais pas non plus d'accord avec le cabinet sur la composition du jury. L'opinion que j'ai soutenue comme rapporteur a été sanctionnée par la Chambre ; le grade d'élève universitaire n'a pas été rétabli, et quant à la composition du jury on en est revenu au système de MM. Devaux et Rogier, amendé par M. de Brouckere, qu'on a trouvé présenter des garanties suffisantes, comme projet temporaire.

Voilà comment les choses se sont passées. Mais on a glissé sur la fin du cabinet de 1856 ; fin à jamais déplorable dans mon opinion, car la violence des discussions parlementaires a ameuté des perturbations dans la rue, des insultes ont été adressées aux orateurs, des énergumènes apostés dans les tribunes ont empêché matériellement la continuation de la discussion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le ministère ne s'est retiré que cinq mois après.

M. de Theux. - L'autorité a été méconnue.

M. Guilleryµ. - C'était aux ministres à faire respecter l'autorité.

M. de Theux. - J'accuse ceux qui ont provoqué ces manifestations de la rue dans plusieurs villes du pays.

Je ne veux pas entrer dans plus de détails. J'ai répondu à grands traits au discours de M. le ministre des finances qui avait préparé son discours depuis que j'ai réclamé hier la parole. J'étais sûr qu'une réplique me serait faite par un de MM. les ministres ; je ne me suis pas préparé à la réplique, je me suis borné à prendre aujourd'hui quelques notes au fur et à mesure que M. le ministre des finances parlait, et ma mémoire a été assez heureuse pour répondre à grands traits aux imputations qu'il a dirigées contre moi et mes successeurs et la majorité à laquelle j'ai appartenu depuis 1830.

M. de Montpellier. - Depuis que je siège dans cette enceinte, je ne me suis jamais levé pour adresser des personnalités blessantes à aucun de mes collègues, pour attaquer l'honneur de personne ; je ne sortirai pas de cette habitude, car, pour moi, cette habitude est un devoir. J'ai été aussi étonné que péniblement ému de l'interprétation donnée par l'honorable M. de Moor à certains passages de l'enquête de Vencimont. (Interruption..)

Je serai très court, je ne dirai qu'un mot. (Interruption.)

Je viens protester contre les soupçons qu'il a, involontairement sans doute, fait planer sur la conduite de l'institutrice, et contre les déductions illogiques qu'il a tirées d'une conduite qui a pu être imprudente, mais non coupable. (Interruption.)

Cette pauvre fille qu'un tribunal a déclarée innocente, cette fille pure, il semblerait, à entendre les paroles de l'honorable membre, que cette fille s'est rendue coupable des plus basses turpitudes, et je n'aurais pas le droit de protester !

Messieurs, les soupçons de l'honorable M. de Moor ne sont pas fondés, parce que les bases sur lesquelles ils reposent sont simplement des on-dit.

Or, comment un homme aussi honorable a-t-il pu se baser sur des simples on-dit.

M. de Moor. - Je suis aussi honorable que vous, monsieur.

M. de Montpellier. - Je le sais, aussi je suis étonné que ces soupçons soient manifestés par vous.

M. de Moor. - Aussi honorable que vous, monsieur.

M. de Montpellier. - Sans doute. C'est parce que je reconnais votre honorabilité que je pense que je n'exigerai pas trop de vous en demandant que vous vouliez bien avouer que, dans la séance d'hier, vos paroles ont dépassé votre pensée et vos intentions. Voilà ce qui prouve que je vous reconnais aussi honorable que moi. Je ne me suis levé que pour vous demander cette rétractation qui est très honorable.

M. de Moor. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. - Vous avez la parole ; mais bornez-vous au fait purement personnel.

M. Coomans. - Ne rentrons pas au cabaret.

M. de Moor. - Je n'ai donné aucun commentaire, lorsque j'ai lu les conclusions du rapport de M. Kleyer. Je n'ai donné aucune interprétation à ce rapport. Je trouve donc l'honorable M. de Montpellier très mal venu à me dire que j'ai interprété l'enquête lorsque je me suis borné à en lire les conclusions.

M. de Montpellier. - Vous oubliez vos plaisanteries.

M. de Moor. - Je demande à l'honorable M. de Montpellier de bien vouloir préciser quels sont les termes dont je me suis servi et qu'il croit devoir blâmer. Je n'ai fait que lire l'enquête et pas autre chose,

M. de Montpellier. - Vous avez fait des insinuations.

M. de Moor. - Je n’ai pas fait d’insinuations. J’ai simplement lu les conclusions de l’enquête sans faire aucune allusion, et je ne rétracte absolument rien.

M. de Montpellier. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - C'est assez ! c'est assez !

M. le président. - Je prie les honorables membres d'en finir avec cet incident..

M. de Montpellier. - L'honorable M. de Moor m'a demandé de préciser ce que je voulais dire, J'ai fait allusion à ses plaisanteries... (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Assez ! assez !

M. le président. - Je demande à la Chambre si elle veut continuer l'incident de Vencimont ou y rentrer.

- Un grand nombre de membres. - Non ! non !

M. de Montpellier. - Je constate que l'on m'empêche de parler.

M. le président. - M. Guillery, vous êtes le premier orateur inscrit. Est-ce sur l'incident de Vencimont que vous voulez parler ?

M. Guilleryµ. - Non, M. le président.

M. le président. - En ce cas, je crois qu'il vaut mieux terminer cet incident. Quelqu'un demande-t-il encore la parole sur l'incident de Vencimont ? (Silence dans l’assemblée.) Je déclare cet incident clos.

La parole est à M. Guillery.

(page 635) M. Guilleryµ. - Loin de vouloir prendre la parole sur ce que M. le président veut bien appeler un incident, mon premier soin sera de remercier l'honorable M. de Theux d'avoir replacé le débat à la hauteur qu'il n'aurait jamais dû abandonner.

Que la droite discute la politique du gouvernement, qu'elle discute même ses actes administratifs, rien de plus juste. Mais que, sous prétexte de venger telle ou telle personne attaquée, que surtout sans aucun prétexte plausible, on introduise dans nos discussions des débats personnels, c'est ce que je ne pourrai jamais accepter; c'en ce que la Chambre n'approuvera pas et c'est ce que le pays n'approuvera jamais.

J'en viens, messieurs, à la question traitée par l'honorable chef de la droite.

Ce qui m'a engage à prendre la parole, c'est ce qu'il a dit des discussions auxquelles a donné lieu la loi sur la charité.

Suivant l'honorable membre dont toutes les allégations sont graves, la Chambre aurait dû se séparer à la suite de manifestations populaires et parce que des personnes apostées dans les tribunes auraient empêché ses délibérations.

Messieurs, il m'est impossible d'accepter cette manière de traiter l'histoire de 1857 que n'est pas plus fidèle, suivant moi, que ne l'est l'appréciation des œuvres de Voltaire faite par l'honorable M. Thibaut, et je crains bien qu'avant peu on n'enseigne notre histoire parlementaire dans les petits séminaires comme on y enseigne la littérature française.

La loi sur la charité, avez-vous dit, faisait partie du programme du ministère dont l'honorable M. de Decker était le chef. C'est possible, mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'on lui a imposé la discussion de cette loi à la suite de graves dissentiments entre ce ministère modéré et conciliant et les honorables membres de la droite qui n'étaient ni l'un ni l'autre, à la suite de l'attitude indépendante de l'honorable ministre de l'intérieur dans l'appréciation de la conduite d'un fonctionnaire, d'un professeur, à la suite du refus de destitutions politiques auxquelles il a été fait allusion alors dans nos discussions, refus qui était, suivant l'honorable chef du cabinet lui-même, une grande cause des haines qu'on lui témoignait sur vos bancs... (Interruption.)

- Plusieurs voix à droite. - Il n'y avait pas de haine...

M. Guilleryµ. - La grande cause des haines qu'on lui témoignait sur vos francs et à l'expression desquelles l'honorable ministre a répondu avec l'indignation d'un cœur ulcéré, lorsqu'il vous a dit dans cette Chambre que s'il avait voulu écouter certaines rancunes on ne l'attaquerait pas comme vous le faisiez. Et c'est vous qui venez aujourd'hui reprocher aux libéraux d'avoir fait des destitutions politiques ! Si le ministère qui a précédé le ministère actuel, n'en a pas fait davantage, ce n'est pas faute d'y avoir été sollicité par ses amis de la droite .si je puis appeler amis ceux qui l'attaquaient dans cette Chambre avec plus de passion qu'il l'a-jamais été par aucun membre de la gauche.

A la suite de ces dissentiments, le rapport de la section centrale, c'est de notoriété publique, qui ne devait se faire que vers la fin de la session, a été pressé. On a hâté les travaux de la section centrale et l'on est venu imposer au ministère la discussion de la loi sur la charité comme le châtiment de sa modération.

Voilà la vérité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est l'honorable M. Malou qui a demandé la mise à l'ordre du jour de ce projet.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et il a dit qu'il l'aurait, per fas et nefas.

M. Guilleryµ. - En effet, telle est la conduite officiellement constatée, et il y a eu, en dehors de cela, beaucoup de faits qui ne se trouvent pas rapportés aux Annales parlementaires.

Le ministère avait placé la question de la charité dans son programme, c'est possible. Mais il était trop sage, en présence des objections qui étaient faites, pour ne pas tenir compte de l'opposition qui se manifestait dans le pays, s'il n'avait eu la main forcée, et si des passions politiques ne l'avait obligé à passer par où vous avez voulu le faire passer.

Si maintenant, en présence d'une loi réactionnaire, d'une loi dont les conséquences étaient de revenir sur les principes fondamentaux de notre organisation politique et civile, le pays s'est ému, à qui le doit-on ? Est-ce à ceux qui sont venus, dans cette enceinte, éclairer le pays, défendre les véritables principes ? Mais alors, chaque fois qu'un gouvernement menacerait la liberté des citoyens, ce ne serait pas lui qui serait coupable, ce seraient ceux qui, pleins d'indignation, viendraient le dénoncer à l'opinion publique.

S'il y a eu une grande émotion, c'est parce qu'il y a eu une déplorable persistance de la part de la majorité ; c'est parce que, par une majorité qui jamais ne s'est démentie d'une voix, vous avez rejeté toute proposition, tout amendement, toute espèce de conciliation, et que vous avez montré que sur aucun point vous ne céderiez. C’est cette persistance qui a été la plus grande cause de l'exaspération de l'opinion publique.

Mais, messieurs, on n'avait pas besoin d’« aposter » qui que ce soit dans les tribunes. Si les tribunes étaient émues, c'est que le pays était ému ; et ce n'est pas seulement dans la capitale et dans les grandes villes, c'est jusque dans le dernier village, que s'est fait sentir l'émotion produite par votre loi. Cinq mois après, l'émotion n'était pas calmée, lors des élections communales, et le 10 décembre, celte émotion durait encore. Si elle avait été le résultat de discours plus ou moins éloquents, plus ou moins passionnés, aurait-elle survécu à la discussion raisonnée, à l'examen réfléchi qui pouvait se produire dans la presse après la séparation des Chambres ?

La véritable cause de cette émotion, c'est la politique que vous imposiez au ministère, c'est la politique des six Malou que vous vouliez faire triompher. Vous n'avez pas le droit, messieurs, lorsque vous vous prétendez le parti modéré par excellence, vous n'avez pas le droit de vous prévaloir de la politique du ministère de Decker-Vilain XIIII. Cette politique vous a été imposée tant qu'elle a duré, et vous avez été les premiers auteurs du renversement de ce cabinet.

Ce qui est votre politique, ce qui est bien vous-mêmes, c'est cette politique de la fin de ce ministère, c'est aussi cette politique qui faisait nommer les bourgmestres en dehors du conseil, c'est cette politique qui a toujours poussé à la centralisation, qui a fait toujours et partout des nominations de parti, qui a exclu de l'enseignement supérieur les hommes les plus capables pour nommer des professeurs du petit séminaire. Jamais, messieurs, la partialité n'a été portée si loin qu'elle l'a été par M. de Theux dans les nominations pour l'enseignement supérieur.

M. de Theux. - Ces nominations ont été hautement louées à l'époque où je les ai faites.

M. Guilleryµ. - Louées par vos amis, c'est possible, mais jamais on n'a autant méconnu le véritable mérite, jamais on n'a fait des nominations moins justifiées par les titres scientifiques.

C'est la belle époque où l'on faisait d'un mauvais professeur de cinquième un professeur de littérature aussi mauvais dans sa chaire de littérature qu'il l'avait été dans sa chaire de cinquième.

C'est dans cette belle organisation qu'un homme qui avait demandé la place d'appariteur a été nommé professeur d'université.

Voilà, messieurs, ce que vous avez fait lorsque vous avez été au pouvoir lorsque vous avez été vous-mêmes, lorsque vous avez été dans votre toute-puissance.

Si maintenant, nous libéraux, nous sommes devenus majorité, c'est uniquement parce que, dans l'opposition, nous avons éclairé le pays. Si vous avez quitté le pouvoir, si la Chambre a été dissoute, nous n'y sommes absolument pour rien.

J'admets pour un instant qu'il y ait eu nécessité d'interrompre les délibérations de la Chambre, ce que je n'aurais pas fait, je l'avoue, si j'avais été à votre place, mais enfin j'admets pour un instant que la Chambre, en présence de l'émotion publique, ait dû ajourner pendant quelque temps ses délibérations, qu'est-ce qui obligeait plus tard le ministère à quitter le pouvoir?

Mais la tranquillité était rétablie dans le pays après une lettre restée célèbre et qui restera un monument historique. Il n'était pas question, dans cette lettre, du renvoi du ministère, il n'y était question que d'une chose, de l'ajournement de la loi sur la charité.

L'opposition, de son côté, l'opposition la plus passionnée, comme vous le dites, ne demandait qu'une chose, c'était le retrait ou même l'ajournement de la loi, et chacun se rappelle la proposition si modérée de l'honorable M. Henri de Brouckere, qui proposa le renvoi à la section centrale.

Après cela, messieurs, les ministres ont administré le pays aussi tranquillement que jamais il avait été administré, et si mes souvenirs sont fidèles, il y en a même qui ont pris des vacances et qui se sont donné plaisir, très légitime d'ailleurs, de voyager à l'étranger. Cela prouve quel était l'état du pays.

Sont arrivées les élections communales; elles ont eu lieu dans le plus grand ordre. Dans cette manifestation solennelle du vœu des populations, le peuple s'est montré ce qu'il est toujours quand il n'est pas provoqué par une politique imprudente.

Il a exercé ses droits noblement et avec autant de calme que de fermeté.

Après ce vote, le ministère se retire. Est-ce que, par hasard, l'opposition parlementaire, muette comme la majorité, depuis le mois de mai (page 636) est-ce que l'opposition parlementaire y était pour quelque chose ? Est-ce qu'elle a engagé le ministère à donner sa démission ? Qui donc a révélé au cabinet que les élections attestaient un état du pays incompatible avec une majorité catholique ?

Je n'en sais rien, mais je ne pense pas qu'un seul membre de la majorité actuelle ait conseillé au ministère de quitter le pouvoir.

Lorsque le pouvoir s'est trouvé vacant, le parti libéral l'a occupé, rien de plus naturel. Que signifient donc vos accusations? Elles se sont, du reste, bien timidement produites dans cette enceinte, car la droite, provoquée bien des fois à faire valoir ses griefs, s'y est toujours refusée ; ce n'est que dans votre presse, très large, comme on le sait, dans sa polémique, que les expressions « ministère des pavés », « ministère de l'émeute » sont devenues de style.

Quel rapport peut-il y avoir, je vous le demande, entre les pavés qui, d’ailleurs, sont restés parfaitement à leur place... ?

M. Coomans. - J'en ai eu 200 dans ma chambre. (Interruption.)

M. Guilleryµ. - Si l'honorable M. Coomans a eu des pavés dans sa chambre, je le regrette infiniment et je reconnais qu'ils n'étaient pas là à leur place; mais lorsqu'on parle des pavés on insinue l'idée de l'émeute ; on ne suppose pas quelques pavés qui ont pu se trouver là où ils ne devaient pas être.

Dans les articles de journaux et dans les rares discours auxquels je fais allusion, le mot « pavés » forme une figure de rhétorique; si l'on a seulement voulu parler des pavés de M. Coomans je les lui abandonne volontiers.

Je demande, messieurs, quel rapport, quelle relation vous voulez établir entre l'émotion produite dans la capitale et dans le pays entier, par la discussion de la loi sur la charité, et l'avènement du ministère de 1857. Je demande en quoi la liberté des ministres, la liberté du gouvernement a été molestée, a été gênée, a été supprimée depuis la clôture de la session jusqu'au jour où l'honorable M. de Decker et ses collègues ont donné leur démission. Je voudrais savoir sur quel point du pays il y a eu une tentative de violence quelconque.

Voilà, messieurs, le grand grief contre ce parti anarchique qu'on appelle le parti libéral, ce grand grief de la droite que, du reste, je le répète, elle a constamment refusé de développer ici.

En effet, en 1857, lorsque pleine de cette indignation de victime que devaient lui avoir laissée, et l'oppression dont elle se plaignait et surtout l'avènement d'un parti qui, suivant elle, aurait dû rester longtemps encore à l'état de minorité, elle se trouva en présence d'une majorité si libérale et si unie, que fit la droite ? Elle demeura complètement muette. Je ne sais si elle voulait prétendre par-là que la tribune n'était pas libre.

Je me rappelle en effet, qu'on avait commencé à pratiquer ce système, et que la droite, l'honorable M. de Theux en tête, s'est retirée un jour pour protester contre les violences qu'on ne lui faisait pas au sein de cette Chambre contre les expressions du projet d'adresse. Faute d'un meilleur système d'opposition, on a eu recours à celui-là ; on s'est retiré solennellement, en déclarant que la discussion n'était plus libre.

Les pavés étaient encore bien plus éloignés qu'à l'avènement du ministère; tous les griefs se sont réduits à ceci : Silence complot.

Et aujourd'hui, ce grand parti qui a tant de libertés à défendre, qui a un patriotisme tel que, d'après l'honorable M. de Theux, un membre même de la gauche aurait déclaré que le parti catholique doit rester dans l'opposition, parce qu'il est le plus patriotique ; ce grand parti en est arrivé, après bien des réflexions, après bien des douleurs supportées en silence, à discuter pendant quatre ou cinq séances la légitimité de la destitution d'une institutrice et de la nomination d'un bourgmestre ! Voilà où est arrivée sa grande politique, où sont arrivés ses grands griefs.

Je me trompe, il y a eu une discussion bien plus importante, et à laquelle ont pris part l'honorable chef de la droite et d'autres éminents collègues. On a examiné longuement la question de savoir si M. le ministre de la justice n'aurait pas dû payer les 75 francs 83 centimes qu'a coûté le port d'une circulaire adressée par lui aux fonctionnaires publics. Cette discussion avait même pris un caractère très passionné, et a duré à peu près une séance.

Cependant je rappellerai, à ne parler que des deux dernières années, que nous avons eu à discuter les plus graves questions qui puissent occuper un parlement; les intérêts les plus importants du pays ont été mis en jeu. A peine entré dans cette chambre, je me suis trouvé appelé à voter sur la loi des fortifications d'Anvers. Certes, on pouvait défendre cette loi avec conviction, comme on pouvait la combattre avec conviction ; personne plus que moi ne respecte les convictions sincères.

Il s'agissait de savoir, oui ou non, si la Belgique entrait dans un droit public nouveau ; si, oui ou non, elle conserverait sa neutralité ; si, oui ou non, on l'engagerait dans des dépenses inutiles.

Eh bien, messieurs, ce parti si national, si dévoué, qui a une conscience si intime de ses droits et de ses devoirs ; ce parti, à part quelques voix isolées, a gardé, comme parti, le silence le plus complet, il n'a ni attaqué, ni défendu la loi ; il ne s'est pas prononcé, je le constate, sur la plus grave question qui, depuis 1857, se soit présentée au sein de cette Chambre.

Vous êtes restés parfaitement muets, sourds à tous les appels. Quant à moi, quoique nouveau venu dans la Chambre à cette époque, ayant tout à craindre d'une discussion d'un genre si élevé, je n'ai pas hésité, en acquit de mon devoir, à demander l'ajournement du projet de loi, et je n'ai été soutenu par aucun de vos chefs. Or vous pouviez sans doute défendre le gouvernement dans cette circonstance où l'on ne devait écouter que sa conscience ; et si vous n'approuviez pas son projet de loi, vous deviez le combattre ouvertement ; vous pouviez défendre le système des fortifications d'Anvers, ou tout autre système ; mais vous ne pouviez pas voter contre le projet sans l'avoir combattu à la tribune.

M. Rodenbach. - J'ai parlé dans cette circonstance ; je me le rappelle très bien.

M. Guilleryµ. - Je ne reproche à personne son vote dans cette question ; je ne crois pas qu'il soit permis de sonder la conscience de qui que ce soit, surtout dans des votes semblables ; mais je dis que quand on veut rester un grand parti, quand on veut commander le respect au pays, on ne reste pas muet. Comment ! vous avez du temps à dépenser, de l'éloquence à dépenser, du papier, de l'encre, des impressions à dépenser, lorsqu'il s'agit de petites discussions personnelles qui ravalent le niveau parlementaire, qui nuisent à la considération de la Chambre, vous avez alors assez de cœur et d'énergie pour vous livrer à ces discussions ; mais dans les grandes questions, vous avez peur de vous compromettre avec ceci, avec cela ; vous ne voulez pas défendre le ministère, vous ne voulez pas l'attaquer ; vous restez muets.

Je me demande si la droite est encore un parti, elle qui est restée silencieuse dans toutes les grandes questions qui se sont débattues dans cette enceinte ; elle qui n'a recouvré la parole dans la Chambre que le jour où il s'est agi, non plus d'une question de nationalité, d'une question politique, d'une de ces grandes questions qui peuvent nous diviser ; mais d'une question catholique. (Interruption.)

C'est alors que vous vous êtes levés, c'est alors que votre opposition a commencé, opposition que vous vous êtes promis de rendre aussi tracassière, aussi persistante que possible, de faire porter sur tous les points les plus minutieux, au risque de faire baisser le niveau parlementaire. Ah! ne le niez pas ! C'est parce que le ministère a reconnu le roi d'Italie que vous avez retrouvé votre ancienne éloquence.

Tout vous avait laissés sourds ; depuis quatre ans, rien n'avait pu vous émouvoir. Mais un jour on a touché au pape, non pas au pape, chef de la chrétienté, non pas au pape, chef vénéré de l'Eglise, mais au pape-roi, à son pouvoir temporel ; le jour où l'on a touché au temporel de l'Eglise, alors vous avez cru que le silence serait un crime de votre part.

On a touché à celui qui, comme on le rappelait tout à l'heure, a refusé de recevoir un ambassadeur belge qui avait été choisi parmi les sommités les plus considérables de la Belgique ; à celui qui a lancé dans le monde une Encyclique où l'on déclare que le libre examen est un véritable délire, à celui qui, comme roi, n'a jamais eu que de mauvais procédés pour la Belgique ; oh ! alors vous avez retrouvé la parole !

Eh bien, vous pouvez avoir beaucoup de prétentions, avoir de grandes espérances pour l'avenir ; mais je doute que le pays donne son approbation à votre conduite pendant ces quatre dernières années où vous n'avez défendu aucun intérêt national, aucune liberté (interruption) où vous n'avez, je le répète, défendu aucune liberté. Je vous défie de me dire au service de quelle liberté, pendant ces quatre ans, vous avez mis votre dévouement ; vous l'avez mis au service de la sacristie. (Interruption.)

J'ai au moins autant le droit de rappeler votre conduite que vous de calomnier les auteures que nous considérons comme les gloires du libéralisme.

Je doute qu'en continuant cette politique, vous gagniez beaucoup en popularité dans le pays et que vous vous ménagiez, pour 1863, le grand triomphe électoral qui forme le but de vos espérances.

(page 627) M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Messieurs, lorsque l'honorable M. Vanden Brandon de Reeth a soulevé dans la Chambre le débat auquel nous assistons, il l'a établi sur deux bases également larges : d'une part l'impartialité et la justice du gouvernement dans les nominations de l'ordre administratif, de l'ordre communal ; d'autre part, le maintien des libertés communales qui nous sont si chères, si précieuses, car elles resteront toujours pour nous une de nos traditions les plus vénérables et les plus sacrées.

En parlant ainsi l'honorable M. Vanden Branden de Reeth restait fidèle, (page 628) quoi qu'ait pu dire l’honorable M. Guillery, aux légitimes intérêts du pays, à nos intérêts nationaux.

Telles étaient les véritables bases de la discussion. Aussi l'honorable M. Vandenpeereboom a-t-il reconnu que sur ces principes il était d'accord avec l'honorable représentant de Malines, et qu'il admettait, comme lui, que la commune devait conserver son caractère libre et indépendant d'autrefois, en dehors de toute oppression, de quelque part qu'elle pût venir.

D'un autre côté, M. le ministre des affaires étrangères, prenant la parole comme ayant occupé le ministère de l'intérieur, a déclaré qu'à son avis, sauf quelques cas graves et exceptionnels, il était du devoir du gouvernement de ne pas introduire les nominations politiques dans l'administration communale.

C'étaient là, je le répète, les véritables principes de la discussion.

Pour ma part, j'espère que le gouvernement y sera fidèle.

Mais la question telle qu'elle était posée attribuait incontestablement à la Chambre le droit d'examiner jusqu'à quel point le gouvernement avait pratiqué ces principes dans l'état actuel des choses.

Je déplore certes la triste nécessité de faire descendre des discussions de principes à des questions personnelles.

C'est parfois une nécessité, mais c'est toujours une nécessité profondément regrettable, et nous avons vu depuis trois jours ce que ces questions peuvent amener de contestations irritantes et même de scandales, sur lesquels je ne veux pas revenir.

Vaut-il mieux s'écarter des questions personnelles pour entrer dans les revues rétrospectives ?

Serait-ce élargir le débat ? Serait-ce l'élever ? Je ne le crois pas. Je ne pense point que la discussion puisse gagner quelque chose à ces récriminations sur le passé.

Les circonstances, messieurs, ont leur empire ; elles ont aussi leur excuse.

Nous ne pouvons plus les peser. C'était aux parlements qui nous ont précédés qu'il appartenait de porter un jugement sur ces circonstances, et sur les faits qui s'y sont produits.

Aujourd'hui que vingt ans, que quinze ans se sont passés, rien n'est plus difficile, rien n'est plus inopportun que de chercher à examiner comment les hommes politiques d'alors ont occupé le ministère, ce qu'ils y ont fait ; comment ils y sont entrés et comment ils en sont sortis.

Ce qu'ils ont fait de bon et d'utile, nous devons l'honorer, et en ce qui touche les fautes qu'ils ont pu commettre, ce sera surtout à l'histoire, qui tiendra compte des difficultés des temps et de la sincérité des intentions, à les apprécier, à les juger.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les partis peuvent juger.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je regretterais que ces questions personnelles, que ces questions rétrospectives fussent incessamment soulevées. Il y a assez de passions politiques dans le temps présent, ne cherchons pas à réveiller celles du passé, songeons plutôt à l’avenir.

Que M. le ministre des finances en soit bien persuadé, quelles que soient les propositions que le gouvernement compte apporter à la Chambre, je repousserais toute tactique qui consisterait dans des délais calculés d'avance comme un moyen d'en prévenir les effets.

Si ces propositions sont bonnes, je les soutiendrai ; si elles sont mauvaises, je les combattrai ; mais quelles qu'elles doivent être, je pense qu'il est de l'intérêt du pays qu'elles soient connues, qu'on puisse les examiner, les discuter, les approuver ou les condamner.

Que M. le ministre des finances soit aussi bien convaincu que de ce côté de la Chambre comme de l'autre nous voulons tous la discussion sérieuse et approfondie des questions d'ordre matériel.

Nous voulons que la session soit féconde et il ne dépendra pas de nous qu'elle ne le soit et que le pays ne reçoive satisfaction sur de nombreux projets de lois qui ne sont pas encore arrivés à l'ordre du jour.

Aussi, je crois accomplir un devoir en exprimant le vœu que cette discussion générale soit close et que la Chambre passe à la discussion des articles du budget.

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

- D'autres membres - A demain !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai laissé continuer la discussion générale du budget de l'intérieur jusqu'à la fin, sans intervenir, quoique j'aie été mis personnellement en cause, et que différents actes de mon administration aient été attaqués.

Je désirerais répondre à ces attaques avant la fin de la discussion générale.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. le président. - Etes-vous prêt à répondre immédiatement, M. le ministre ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président.

- Plusieurs membres. - Parlez !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Wasseige a cru utile de me faire intervenir dans le débat et il a spécialement attaqué deux des actes posés par moi.

Ces actes sont, messieurs, le déplacement d'un procureur du roi et la nomination d'un procureur général.

Je ne sais pas, messieurs, s'il a été très adroit de la part de l'honorable M. Wasseige de rappeler le déplacement du procureur du roi de Gand, car il me force nécessairement ainsi à remonter à l'origine de cette nomination, il m'amène à rappeler des faits qui établiront que toujours nos adversaires quand ils sont au pouvoir font de la politique à outrance, même dans les nominations judiciaires et qu'aussitôt qu'ils sont dans la minorité leur premier soin est de nous reprocher très mal à propos ce qu'ils ont toujours pratiqué.

Comment l'honorable M. Desaegher, dont vous a parlé l'honorable M. Wasseige, est-il entré dans la magistrature ?

En 1839, M. Delehaye était procureur du roi à Gand. Ayant été désigné par une société électorale comme candidat pour la Chambre aux élections de cette année, il fut destitué par le ministère.

Si j'en crois les journaux de l'époque, si j'en crois une conversation qui y a été rapportée et qui doit avoir eu lieu entre M. Delehaye et un des ministres alors au pouvoir, un des motifs de cette destitution était que M. Delehaye n'a pas voulu prendre l'engagement d'appuyer le cabinet dans le cas où il serait élu par l'arrondissement de Gand.

Quoi qu'il en soit, M. Delehaye fut destitué et l'un des candidats qui lui furent opposés dans les élections se trouva être M. Desaegher, le procureur du roi auquel l'honorable M. Wasseige a fait allusion.

Les élections ont lieu. M. Delehaye est nommé. M. Desaegher échoue, et à quelques mois de l'élection M. Desaegher qui n'avait pas d'antécédents judiciaires et qui, je crois pouvoir le dire sans manquer aux convenances, n'était pas une des sommités du barreau de Gand, M. Desaegher est appelé d'emblée aux fonctions de procureur du roi dans une des principales localités du pays, dans un tribunal de première classe.

Au moment de sa nomination, les titres de M. Desaegher consistaient dans un échec électoral.

- Un membre. - C'était une faute.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si c'était une faute, elle devait être réparée et c'est ce que j'ai fait.

M. Desaegher était entré là, en réalité, comme un agent électoral, et à quatre années d'intervalle, que voyons-nous ? Nous trouvons, de nouveau, M. Desaegher sur les rangs, et, cette fois, il est élu. Je demande, messieurs, lorsqu'on nous reproche de faire de la politique à propos de nomination de magistrats, comment faut-il qualifier ce fait d'avoir placé à la tête de la magistrature d'un arrondissement, au lendemain d'un échec électoral, un homme qui, la veille, était dans le flagrant de la lutte, qui trouvait ses justiciables divisés en partisans et en adversaires ? N'est-ce pas méconnaître complètement le rôle du magistrat, que d'appeler un homme à de semblables fonctions dans les circonstances où se trouvait M. Desaegher ?

Si jamais on a fait de la politique, c'est bien certainement dans ce cas-là.

Il est impossible, à mon avis, de poser un acte plus grave, plus blâmable, que d'imposer à un arrondissement, comme magistrat, un homme qui, la veille, a succombé dans une lutte électorale. Il est évident que cet homme, quelque honorable que soit son caractère, ne peut pas, en définitive, jouir de la confiance qu'il doit inspirer ; il est évident que dans l'opinion des justiciables il n'offre plus toutes les garanties d'impartialité que l'on doit trouver avant tout chez un magistrat.

M. Desaegher est resté dans l'arène ; il a été trop fidèle à son origine ; et, il faut bien le dire, la justice était en quelque sorte atteinte dans son prestige, dans la foi qu'elle doit inspirer.

Voilà, messieurs, les motifs qui m'ont déterminé à déplacer ce magistrat et, je le répète, en agissant ainsi, je n'ai fait que réparer une faute qui avait été commise. Je n'ai point fait de la politique ; j'ai fait cesser la politique.

- Voix à gauche. - Très bien !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Maintenant on a parlé du procureur général que j'ai nommé à Gand.

Je pourrais, messieurs, me rapporter, pour l'appréciation de cette nomination, à des personnes plus capables et beaucoup plus impartiales que (page 629) l'honorable M. Wasseige ; à toute la magistrature et à tout le barreau

Mais, messieurs, on a dit qu'en le nommant je l'avais fait passer sur le corps de magistrats plus anciens, qui avaient plus de titres que lui, et qui, sous tous les rapports, méritaient de lui être préférés.

Tout cela prouve une chose, c'est que l'honorable M, Wasseige est beaucoup plus désireux d'attaquer que de vérifier les faits. Qu'cst-il arrivé quant à cette nomination ? Lorsque la place de procureur général, à Gand, est devenue vacante, j'ai demandé au magistrat que je croyais réunir le plus de titres, le plus d'aptitude pour occuper ce poste, à M. Beltjens, avocat général à Liège, si, dans le cas où il conviendrait à Sa Majesté de le nommer, il accepterait ce poste. M. Beltjens a refusé ; j'ai eu à rechercher alors quel était, parmi les autres candidats, celui qui réunissait à la fois les titres et les conditions que le gouvernement croit nécessaires pour une semblable position.

Le poste auquel il s'agissait de pourvoir est un des plus importants, et je crois que le gouvernement doit avoir, en pareil cas, une très grande liberté d'action, précisément parce qu'il s'attache à cette nomination une plus grande responsabilité.

Eh bien, messieurs, quoique M. Wurth fût un de mes amis, je n'ai point pensé que ce fût un motif pour l'exclure ; j'ajoute que de tous les magistrats qui pouvaient sérieusement aspirer à cette fonction, M. Wurth était le plus ancien.

Je ne veux pas, messieurs, continuer à citer des noms propres où ce n'est pas absolument nécessaire ; mais je dois dire que parmi les avocats généraux qui étaient sur les rangs et qui pouvaient aspirer le plus sérieusement à la place, le plus ancien avait 6 ou 7 ans, l'autre 9 ou 10 ans de magistrature effective de moins que M. Wurth. M. Wurth a parcouru tous les grades de la magistrature, et il avait été conseiller, non pas pendant quelques jours, comme a bien voulu le dire l'honorable W. Wasseige, mais pendant deux ans.

Et, messieurs, si l'avancement de M. Wurth n'a pas été plus rapide, à quoi cela tient-il ? Mais à une circonstance qui a frappé dans leur carrière en quelque sorte tous les magistrats du ressort de la cour d'appel de Liège.

Longtemps, messieurs, en Belgique on n'a accordé d'avancement aux magistrats que dans le ressort même où ils exerçaient leurs fonctions et quels que fussent leurs talents, leurs connaissances, on les maintenait en quelque sorte dans un cercle d'où il leur était impossible de sortir.

De plus, en 1849, on a réduit le nombre des magistrats de la cour d'appel de Liège ; et il n'y a pour ainsi dire plus eu de nomination pendant 9 ou 10 ans dans le ressort de cette cour. Cela est tellement vrai, qu'un des magistrats les plus capables du pays, celui que je citais tout à l'heure, M. Beltjens, est resté pendant 20 ans investi des fonctions de substitut du procureur général à Liège.

M. Beltjens a été substitut du procureur général de Liège depuis 1838 jusqu'en 1858, et c'est moi qui à cette dernière époque ai eu la satisfaction de proposer sa nomination d'avocat général. Voilà la vérité des faits.

Après cette explication, on voudra bien reconnaître, je pense, qu'il n'y a eu ici aucune espèce de népotisme. Quant à moi, je suis bien convaincu que c'est une des nominations qui ont été le mieux accueillies ; et que magistrature, barreau et justiciables dans les Flandres s'en féliciteront chaque jour davantage.

Aussi, messieurs, suis-je autorisé à dire que si l'on n'a pas de griefs à articuler contre mon administration plus sérieux que les deux faits cités par l'honorable M. Wasseige, le pays n'aura pas à se plaindre des actes posés par le département de la justice.

M. Landeloos. - M. le ministre de la justice, pour justifier l'acte qu'il a posé à l'égard de M. Desaegher, a dit qu'il était de son devoir de redresser une faute qui avait été commise par un ministère précédent ; qu'il était nécessaire que la magistrature fût entourée de la plus grande considération, qu'elle jouît du respect qui lui est nécessaire pour rendre une bonne justice.

Il est malheureux que M. le ministre n'ait pas suivi ces principes dans d'autres occasions, que dans l'arrondissement de Louvain il ait oublié le principe qu'il dit être son seul guide dans tous les actes qu'il pose. A la grande surprise des justiciables de l'arrondissement de Louvain, on a vu que le choix de M. le ministre s'est arrêté sur un candidat qui avait l'insigne honneur d'avoir été flétri par le tribunal correctionnel du lieu où on le nommait.

Une place de juge suppléant était vacante au tribunal de première instance de Louvain ; il y avait plusieurs candidats pour cette place, parmi eux il s'en trouvait un qui ne s'était déterminé à solliciter la place que sur la demande qui lui en avait été faîte par des membres de la magistrature.

Croyez-vous, messieurs, comme on devait s'y attendre, que le choix au ministre s'est arrêté sur la personne du candidat qui lui a été présentée ? Il n'en est rien. Non, le ministre a préféré choisir un candidat qui avait été condamné pour coups à une peine correctionnelle par le tribunal de Louvain. Non contents d'avoir arraché au ministre cet acte en faveur d'un candidat dont les seuls titres étaient qu'il appartenait au parti qui était au pouvoir, ceux qui l'avaient obtenu crurent que, comme libéral, il pouvait rendre encore d'autres services à son parti. Ils l'engagèrent donc, lors des élections communales, à se mettre sur les rangs dans la ville d'Aerschot qu'il habite pour obtenir le mandat de conseiller communal

Cependant il existait un obstacle, la loi s'opposait formellement à ce qu'il remplit les fonctions de conseiller communal dans une ville autre que celle où il n'avait pas son domicile réel. L'acceptation des fonctions de juge suppléant entraînait pour conséquence la translation de son domicile dans la ville de Louvain.

Il perdait donc de plein droit son ancien domicile qu'il avait à Aerschot.

On a trouvé encore moyen d'éluder cette disposition formelle de la loi et de déclarer l'élection valide.

En effet, nous voyons qu'après avoir obtenu la majorité et avoir été nommé conseiller communal une pétition fut adressée à la députation pour faire annuler l'élection, attendu que le nouveau conseiller ne remplissait pas les conditions voulues par la loi communale en ce qu'il n'avait pas son domicile réel dans la commune où il avait été élu.

Que répond-on à cette réclamation ? La députation, au lieu de s'en tenir aux dispositions formelles de la loi, prend l'arrêté suivant : « Attendu qu'il résulte des renseignements pris, que le sieur Daels, bien qu'ayant accepté les fonctions de juge suppléant à Louvain, continue cependant à demeurer à Aerschot, et à y avoir son habitation réelle et le siège de ses affaires ; qu'il ne se rend à Louvain que quand son office ou ses affaires l'y appellent ; qu'il n'a pas fait de déclaration de changement de domicile pour cette dernière ville ; qu'il a donc à Aerschot son domicile réel et remplit ainsi les conditions prévues par l'article 47 de la loi du 30 mars 1836, la réclamation du sieur Vanbergen et consorts n'est pas accueillie. »

Cependant, comme j'ai eu l'honneur de le dire, cette décision est en opposition directe avec l'article 29 de la loi de 1810, qui statue de la manière suivante :

« Les membres de nos tribunaux de première instance sont tenus de résider dans la ville même où siège le tribunal dont ils font partie, à l'exception toutefois des juges suppléants, qui pourront résider hors ladite ville, pourvu qu'ils demeurent dans le canton. »

De deux choses l'une : ou M. Daels ne demeure pas dans la ville d'Aerschot, et alors il ne peut y remplir les fonctions de conseiller communal ; ou M. Daels ne demeure pas dans le canton de Louvain, mais dans le canton d'Aerschot. Et alors il ne peut remplir les fonctions de juge suppléant,

M. Muller. - En quoi cela regarde-t-il le ministre ?

M. Landeloos. - La nomination de juge, suppléant !

M. Muller. - Soit, mais le dernier fait !

M. Landeloos. - Je vous l'expliquerai. Puisque M. le ministre ne cherche qu'à réparer les fautes de ses prédécesseurs, je crois lui rendre service en lui faisant connaître le fait posé par le juge suppléant lui-même. De cette manière je lui indique un moyen de pouvoir redresser sa propre faute.

- Un membre. - Et l'inamovibilité ?

M. Landeloos. - Elle n'existe que pour autant que celui qu'elle concerne ne se met pas en opposition avec la loi.

En présence des faits dont je viens de donner connaissance, j'espère que M. le ministre voudra bien donner des explications sut la préférence qu'il a donnée à un condamné plutôt qu'à un autre candidat qui n'avait rien à sa charge.

M. de Theux. - Je pense que M. le ministre de la justice a été trop rigoureux en prétendant qu'il n'avait fait que redresser une faute de son prédécesseur.

Je dois dire que M. Desaegher avait accepté les fonctions de bourgmestre de la ville de Gand.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur ; il n'a jamais été bourgmestre de la ville de Gand. M. de Theux. - Je le confondais avec un autre avocat ; le motif (page 630) que je voulais alléguer pour sa nomination n'existe pas ; je croyais qu'il avait perdu sa clientèle à cause de cette nomination.

Mais il est un fait vrai, qui atteste l'honorabilité de M. Desaegher ; c'est qu'il a exercé si honorablement ses fonctions, que la cour de Gand l'a proposé comme candidat à une place de conseiller, quoiqu'il soit depuis longtemps relégué à Liège.

Ceci est d'une grande importance pour l'honorabilité de M, Desaegher, je devais le signaler.

Une nomination eût-elle été abusive, c'est bien rigoureux de la réformer après 18 ans d'exercice. Si après 18 ans on devait revenir sur les nominations faites par le cabinet actuel, une grande inquiétude devrait régner parmi les fonctionnaires, car je ne garantis pas 18 ans d'existence au cabinet actuel.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je répondrai d'abord un mot à l'honorable M. Landeloos. Il m'interpelle au sujet d'une nomination de juge suppléant qui aurait été faite il y a plusieurs années. Je ne crois pas que j'aie à donner les raisons de la préférence que j'ai proposé au Roi d'accorder à un candidat sur un autre, ce serait transférer le gouvernement dans la Chambre. Je ne veux donc répondre qu'au fait de la condamnation qu'a subie la personne qu'il a citée.

Autant que ma mémoire est fidèle, et je crois qu'elle l'est, le juge suppléant dont il a parlé, ayant été provoqué d'une manière injurieuse, a donné un soufflet à celui qui l'insultait et a été condamné à 5 francs d'amende. Si on était flétri par une semblable sentence, je connais des gens que je tiens pour très honorables qui seraient flétris.

Il est bien des personnes qui ont encouru des condamnations de cette nature, beaucoup plus fortes même, dans des circonstances moins favorables, et que cependant aucun de nous ne tient pour indignes d'occuper des fonctions.

Mais voyez l'absurdité du système ; combien peu on réfléchit. La loi ne prononce l'incapacité d'occuper des fonctions que dans des cas extrêmement graves. Et on veut, parce qu'un homme a été condamné à 5 francs d'amende, que le ministre le déclare à jamais incapable de remplir des fonctions ! Cela n'est pas sérieux. Un homme aurait été condamné à une peine plus grave, parce qu'il aurait cédé à un accès de vivacité dans des circonstances semblables, que le gouvernement ne pourrait pas le déclarer indigne de remplir jamais des fonctions. Le gouvernement ne doit certes pas renchérir sur la sévérité de la loi.

Quant aux décisions de la députation permanente, c'est la première fois que j'en entends parler. Je n'ai absolument rien à en dire. Je pense que la députation permanente aura rendu une décision conforme aux faits, conforme aux principes, conforme à la loi. Je n'ai pas à m'en occuper.

L'honorable M. de Theux est revenu sur la nomination de M. Desaegher. Il m'a en quelque sorte fait un reproche de ce que j'étais remonté à l'origine de cette nomination.

Messieurs, le mode de discuter de la droite est extrêmement avantageux pour elle.

La théorie que l'honorable M. Kervyn a développée tout à l'heure, la met parfaitement à l'aise. Elle fait de la politique quand elle est au pouvoir ; elle en met partout.

S'agit-il d'un poste à occuper, de fonctions à conférer, d'un acte à poser, d'une faveur à accorder, partout de la politique de la part de nos adversaires ; partout et à outrance ; et quand ils sont minorité, ils nous disent : Halte-là ! pas de revue rétrospective, je vous en prie ; le pays n'a rien à y gagner. Mais en même temps on attaque nos actes, on nous déclare condamnables au premier chef de faire de la politique ; nos adversaires ont introduit la politique en tout, même dans la magistrature. Mais nous n'osons pas en parler ; il y a prescription. Ainsi je pourrais citer des nominations qui portent un caractère politique, au moins aussi évident, aussi grave que celle de M. Desaegher, car c'est un fait grave, lorsqu'on sait ce que les luttes électorales laissent après elles de rancunes, d'animosités, de haines que de mettre à la tête du parquet un homme qui sort d'une de ces luttes, mais on trouve exorbitant que nous parlions des faits de nos adversaires.

On me dit que le fait était oublié. Mais M. Desaegher est resté engagé dans les élections.

M. de Naeyer. - Il ne s'en mêlait plus.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne s'en mêlait plus ! La dénégation n'est pas concluante. Mon affirmation vaut votre dénégation. Je sais parfaitement qu'il y avait encore là dans l'arrondissement de Gand, des amis et des ennemis, des gens qui espéraient et des gens qui craignaient.

Voilà ce qu'il y avait dans l'arrondissement de Gand et voilà ce qui ne devait pas être.

M, de Naeyerµ. - Il ne se mêlait plus d'élection, voilà ce que je maintiens.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous le prétendez, mais il y a des personnes qui prétendent le contraire. Il est incontestable, vous le nierez tant que vous voudrez, que le magistrat dont il est question ne jouissait pas, je ne dis pas si c'est à tort ou à raison, je ne veux rien dire qui puisse porter atteinte au caractère de M. Desaegher, mais je dis que pour le public, cela résultait des anciennes luttes électorales dans lesquelles il avait été mêlé ; cela résultait peut-être encore d'autres faits desquels je ne veux pas m'occuper ; il n'était pas dans cette position d'impartialité dans laquelle le chef du parquet doit se trouver. C’était un mal, un grand mal, et il fallait y porter remède.

M. de Decker. - Je crois de mon devoir de ne pas laisser clore ce débat sans faire au nom du cabinet de 1855 et au nom de mes honorables amis de la Chambre, toutes mes réserves sur l'appréciation que l'honorable ministre des finances et l'honorable M. Guillery ont faite de la conduite de ce ministère et de la majorité de cette époque, surtout en ce qui concerne la présentation et la discussion du projet de loi sur la charité.

Messieurs, c'est ma conviction, que le moment n'est pas encore venu d'apprécier, sainement et impartialement, l'une des phases les plus importantes et les plus graves de notre régime parlementaire en Belgique.

Les événements de 1857 peuvent être considérés à tant de points de vue divers, tant de causes et d'influences diverses ont concouru à les amener, qu'aujourd'hui l'impartiale histoire ne peut pas encore les apprécier convenablement et faire à chacun la part de responsabilité qui lui incombe dans ces événements si regrettables.

Pour le moment, je tiens seulement à faire mes réserves. Je tiens surtout à dire que, lorsque, dans ma carrière ministérielle, je me suis plaint et j'ose le dire, à bon droit, des attaques dont j'étais l'objet, lorsque j'ai parlé du souffle d'intolérance qui avait passé sur une partie du pays, je n'ai jamais voulu, et j'ai fait cette protestation au moment même où je parlais, je n'ai jamais voulu adresser ces regrets et ces accusations à mes honorables amis de la Chambre. Ces paroles s'appliquaient à la presse catholique, qui me poursuivait de ses personnalités, de sa haine, et je suis désolé de devoir revenir sur ces souvenirs qui me sont pénibles. Mais je tiens à dire que jamais, en aucune façon, je n'ai eu à me plaindre personnellement de mes honorables collègues, qui m'ont toujours, dans toutes nos relations, montré beaucoup de sympathie.

M. Wasseigeµ. - Je désire ne pas prolonger ce débat ; mais je ne puis me dispenser de répondre quelques mots à M. le ministre de la justice.

Le ministre reproche d'abord à M. Desaegher d'avoir été nommé d'emblée à la place de procureur du roi ; eh bien, l'honorable M. Tesch a fait exactement la même chose à Namur et par parenthèse c'est un de ses meilleurs choix, et j'ai dit que la destitution de M. Desaegher avait été un acte de vengeance.

Messieurs, quand on laisse pendant 20 ans, un magistrat en fonctions, on ne peut pas dire qu'on vient, en le destituant, réparer une faute précédemment commise, alors qu'on aurait pu réparer cette faute, si faute il y avait, bien des années auparavant.

Pendant vingt ans, je dois le dire, M. Desaegher s'est acquitté de ses fonctions avec toute l'honorabilité désirable. Je dois le croire, puisqu'il n'a jamais été l'objet d'aucun reproche de la part d'aucun des ministres de la justice libéraux qui se sont succédé ; au contraire plusieurs fois il a reçu de ces ministres les éloges les mieux mérités.

M. de Theux. - En 1857 il a été maintenu.

M. Wasseigeµ. - En 1847 et en 1857, il a été maintenu. Pendant vingt ans, il n'a reçu aucun reproche. Lorsqu'il a été destitué, sa destitution ne contenait aucun motif et j'appelle cela une véritable destitution, car il n'est plus qu'officier ministériel. C'est une destitution rétrospective, une vengeance à froid et, après réflexion ; c'est la pire espèce de vengeance.

Ce qui prouve que ce magistrat était honorable, c'est le fait que l'honorable comte de Theux vient de rappeler, c'est que, depuis sa destitution, quoique n'habitant plus la Flandre, il a été présenté par la cour de Gand comme candidat à une place de conseiller.

On lui a fait le reproche qu'il se mêlait d'élections. Eh bien, ce reproche, je le reproduirai avec beaucoup plus de vérité à charge de l'honorable procureur général de la cour d'appel de Gand, M. Wurth. Je l'ai dit, quand j'ai blâmé sa nomination, je n'attaque ni l'honorabilité, ni les capacités de M. Wurth. Je suis le premier à reconnaître que pendant qu'il a exercé les fonctions de procureur du roi à Namur, il s'est acquitté de ses (page 631) fonctions à la satisfaction de tout le monde ; je reconnais que c'est un magistrat intègre et capable, je ne fais aucun effort pour en convenir.

Maïs je dis qu'il était aussi homme politique, bien plus que M. Desaegher, un des agents électoraux les plus actifs de l'arrondissement de Namur, et j'ajoute qu'il ne s'est pas borné à employer activement son influence politique, quand il était à Namur, mais que maintenant encore, quoique procureur général à Gand, il est venu, en plusieurs circonstances, se mêler aux luttes électorales dans notre arrondissement.

Et si l'on doit ajouter foi à la notoriété publique, je pourrais citer une circonstance récente où il est venu imposer une candidature, en donnant au candidat certaines espérances qui se sont réalisées depuis lors ; j'ajouterai que l'individu auquel je fais allusion est parfaitement honorable et que si j'ai un reproche à adresser au gouvernement, c'est de lui avoir si tardivement rendu justice et dans de semblables circonstances.

J'ai dit, messieurs, que M. Wurth était le plus jeune des magistrats qui pouvaient aspirer aux fonctions importantes auxquelles il a été nommé.

M. le ministre se donne facilement raison en disant qu'il était le plus ancien parmi ceux qui pouvaient raisonnablement aspirer à cet emploi ; mais quels sont donc ceux qui pouvaient raisonnablement aspirer à cet emploi ?

Nous pourrions bien, M. le ministre et moi, ne pas apprécier les titres des concurrents de la même manière, et j'y place hardiment des avocats généraux d'un mérite incontestable et plus anciens que M. Wurth ; et d'ailleurs, M. le ministre compte l'ancienneté depuis le jour où l'on est entré dans la magistrature, mais ce n'est pas ainsi qu'il faut calculer ; il ne faut tenir compte que de l'ancienneté dans le grade. Pourrait-on raisonnablement nommer un sous-lieutenant au grade de colonel, sous prétexte qu'il aurait 25 ans de services, tandis qu'un major n'aurait que 20 ans d'ancienneté ?

Je dis donc que M. Wurth a été nommé avant son tour et qu'il a été nommé comme on ne l'est pas d'ordinaire, c'est-à-dire en faisant passer un fonctionnaire du ressort d'une cour dans celui d'une autre cour, et enfin en faisant passer un Wallon ou un Allemand dans une localité flamande.

Je dis que c'est là un acte de camaraderie, contre lequel on ne saurait assez protester et que M. le ministre n'a pas détruit ce que j'ai dit par ses explications.

J'ai d'ailleurs attaqué M. le ministre sur l'esprit qui le dirigeait dans la plupart de ses nominations judiciaires, M. le ministre n'a rien répondu à ce reproche, il faut croire qu'il passe condamnation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je commence par protester contre les attaques injustes, imméritées et radicalement fausses auxquelles l'honorable M. Wasseige se livre envers M. Wurth. M. Wurth n'a jamais été un agent électoral.

M. Wasseigeµ. - Je répéterai ce que vous disiez tout à l'heure, mon affirmation vaut votre dénégation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vos accusations doivent s'étayer sur quelque chose et quand vous dites que, dans les grandes circonstances M. Wurth se rend à Namur, je dois donner à cette assertion le démenti le plus formel.

M. Wasseigeµ. - Je ne l'accepte pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je vous déclare que M. Wurth, dans aucune circonstance... (Interruption.)

Le pays jugera, mais en définitive le procureur général à la cour d'appel de Gand n'a jamais, je pense, été à Namur que pendant les vacances.

M. Wasseigeµ. -Il y était encore quand j'ai parlé de lui dans cette enceinte.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Eh bien, je ne le crois pas ; c'est un fait que je vérifierai, mais je ne puis admettre que le procureur général près la Cour d'appel de Gand était à Namur quand M. Wasseige parlait de lui. Il n'y a jamais été que pendant les vacances.

- Plusieurs membres. - Et quand il y serait allé ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Au surplus je crois que M. Wurth est suffisamment vengé des attaques qui ont été dirigées contre lui, par la considération et l'estime dont il jouit dans le ressort où il est placé.

- Plusieurs membres. - La clôture !

- La clôture est prononcée.

La séance est levée à cinq heures et demie.