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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 5 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 151) M. Dubus procède à l'appel nominal à une heure un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur de Ridder demande que les honoraires des notaires soient proportionnés au travail pour lequel ils sont réclamés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Dixmude demandent que la garde civique soit divisée en deux bans et que le premier ban seulement, qui serait composé de jeunes gens et de veufs sans enfants, de 21 à 36 ans, serait obligé, en temps de paix, de se soumettre à toutes les obligations de la loi sur la garde civique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Victor Misson, commissaire de l'arrondissement de Mons, se présente comme candidat à la place de conseiller vacante à la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Les employés attachés à la direction du trésor dans la province de Brabant prient la chambre d'assurer leur position et leur avenir. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des finances.


« Les greffiers des tribunaux de première instance de deuxième classe prient la chambre de maintenir leur traitement fixe actuel et demandent que le gouvernement fasse cesser l'anomalie qui existe dans la perception des émoluments des greffiers. »


- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice et à celle qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur la révision du tarif en matière civile.

« Le sieur Alexandre Stadtfeld, compositeur et professeur de musique à Bruxelles, né à Wiesbaden (Nassau), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Limbourg, entrepreneur du transport des dépêches entre Dinant et Chimay par Philippeville, demande que le sieur Pirson ne puisse cumuler les fonctions de maître de poste de plusieurs résidences.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Coolscamp demande que la résidence du commissaire des arrondissements réunis de Thielt et de Roulers soit maintenu à Thielt. »

« Même demande des conseils communaux d'Aerzeele et de Meulebeke. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« Les voituriers à Bruxelles demandent la réduction du droit de barrière jusqu'à concurrence des sommes nécessaires à l'entretien et à la réparation des routes, ou bien une augmentation du droit de péage sur les canaux et du droit de transport sur les chemins de fer, et prient la chambre de supprimer les ponts à bascule, ou, si elle décidait à les maintenir, d'élever le poids à la charge. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget des voies et moyens.


« Quelques pilotes de rivière de la station d'Anvers déclarent adhérer à la pétition par laquelle on prie la chambre de ne pas voter la réduction proposée par la section centrale sur les remises et traitements des pilotes.»

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des affaires étrangères.


« Les sieurs Wasseige, Putseys st autres membres de la société de médecine de Liège, demandent la révision des lois qui régissent l'exercice de l'art de guérir. »

« 96 docteurs en médecine, chirurgiens, artistes vétérinaires et pharmaciens dans la province de Liège, déclarent adhérer à cette demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs cabaretiers et débitants de boissons distillées à Audenarde demandent que la loi qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées soit abrogée ; que les contrevenants à cette loi soient libérés de l'amende à| laquelle ils ont été condamnés, et que ceux qui, de ce chef, sont en état d'arrestation, soient mis en liberté.»

M. d'Hondt. - J'ai demandé la parole pour prier la chambre, tant en mon nom qu'au nom de mes collègues représentants d'Audenarde, de vouloir renvoyer la pétition à la section centrale du budget des voies et moyens; en même temps j'aurai l'honneur de faire remarquer que cette pétition, signée par tous les cabaretiers et débitants de boissons distillées d'Audenarde, sans exception, se distingue par des considérations très importantes. Je me permettrai donc d'appeler l'attention spéciale de la section centrale sur les motifs développés par les pétitionnaires contre cette loi injuste et odieuse qui, d'après moi, ne fait que trop longtemps honte à notre législation financière.

M. Rodenbach. - Appuyé!

- Cette proposition est adoptée.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Waremme

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur m'a adressé les procès-verbaux de l'élection de Waremme en remplacement de M. Sélys-Longchamps. Il va être procédé au tirage au sort de la commission qui devra procéder à l'examen de cette élection.

- Les membres désignés par le sort sont : MM. de Theux, de Man d'Attenrode, Pierre, Moncheur, d'Hont, Clep et Vermeire.


M. le président. - Par une autre dépêche, M. le ministre de l'intérieur informe la chambre qu'un Te Deum sera chanté le 16 décembre, à l'occasion de la naissance de Sa Majesté, à l'église de St-Michel et Gudule.

La chambre a-t-elle l'intention d'y assister en corps ou par députation? Elle est dans l'habitude d'y assister en corps.

- La chambre décide qu'elle assistera en corps au Te Deum.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1849

Discussion générale

M. Dechamps. - Messieurs, j'ai examiné hier le budget des affaires étrangères au point de vue politique. J'ai tâché de faire apprécier l'importance du rôle politique que la Belgique joue maintenant dans le monde. Je vous ai dit les espérances que les événements pouvaient nous faire concevoir, à côté des dangers que nous pouvions craindre. Mais en parlant de ces espérances, je ne pensais pas voir aujourd'hui confirmer, par un fait éclatant, les paroles que je prononçais hier. Vous le savez, messieurs, il paraît officiel que le congrès des puissances européennes pour la pacification de l'Italie, et qui deviendra peut-être le congrès pour la pacification de l'Europe, s'ouvrira prochainement à Bruxelles. Ce témoignage rendu par l'Europe à la sagesse du peuple belge, aux conséquences heureuses que nos institutions nationales ont produites, à la haute confiance qu'inspire le gouvernement du Roi; ce témoignage, ce fait devra exercer une influence décisive, selon moi, sur nos délibérations actuelles; il me dispensera de prouver désormais que nous avons un puissant intérêt à avoir partout une diplomatie influente et forte.

J'ai trouvé hier, dans la comparaison que j'ai faite de notre budget des affaires étrangères avec celui des autres gouvernements, la condamnation formelle des propositions de la section centrale, et la preuve qu'en adoptant le budget tel que le gouvernement le propose, nous voterons pour des économies notables, peut-être même excessives.

Je vais aujourd'hui discuter le budget des affaires étrangères, au point de vue commercial.

La question commerciale se présente sous deux phases distinctes : nos relations lointaines avec les pays transmarins; je croyais en dire quelque chose, mais je trouverai une occasion plus opportune de traiter ce point, lorsque nous aurons à examiner les mesures que le gouvernement nous présentera au sujet des Flandres, et principalement le projet d'ériger une société d'exportation.

Mon projet est donc d'entretenir la chambre uniquement de nos relations continentales et des traités avec la France, avec l'Allemagne et avec les Pays-Bas, qui forment la base de ces relations.

Je sais que je vais me trouver placé sur un terrain difficile, puisque j'aurai à parler de traités à maintenir, à étendre, et de négociations à activer.

Dans des circonstances ordinaires, normales, alors qu'il eût été préférable de laisser à la diplomatie son cours régulier, sa marche nécessairement un peu lente, j'aurais garde le silence, j'aurais attendu les résultats, quoique les hommes politiques de France et d'Angleterre nous aient souvent donné l'exemple de ne pas reculer devant de tels débats, de dire tout haut ce qu'ils pensaient des relations internationales de leur pays. Mais aujourd'hui que tout marche vite, que tout se précipite, j'ai la conviction que la tribune doit venir en aide à la diplomatie et au gouvernement.

Je pense que les nations doivent s'éclairer, de tribune à tribune, sur leurs intérêts réciproques. Aujourd'hui plus que jamais, c'est l'opinion qui gouverne; c'est sur l'opinion qu'on doit surtout agir.

C'est surtout dans ce but que je parle.

Je commence par le déclarer : mon intention n'est pas d'interpeller le gouvernement ; je ne veux l'interroger sur rien ; je ne lui demanderai ni explication, ni réponse; et s'il m'arrive de laisser échapper quelques plaintes, ces plaintes ne s'adresseront pas à lui.

Je suis persuadé qu'il n'aura rien négligé pour éviter certains résultats que j'indiquerai et que je regrette; mais nous avons le devoir de nous plaindre, lorsque des gouvernements étrangers laissent affaiblir les (page 152) relations commerciales établies avec nous, lorsqu'ils n'en apprécient pas la valeur comme ils devraient le faire.

Tous les jours, depuis les événements de février, comme je le disais hier, nous recevons de partout, peuples et gouvernements, des témoignages de sympathie, j'ai dit d'admiration relativement à l'altitude que la Belgique a prise depuis ces événements.

Certainement, personne, et moi moins que personne, ne suspectera la sincérité de ces témoignages. Mais en définitive, il faudrait bien, pour que l'on puisse juger cette sympathie effective et sérieuse, qu'elle se traduisît en actes et en résultats. Il faudrait que nos rapports commerciaux en devinssent meilleurs, ou tout au moins qu'ils ne fussent pas froissés et méconnus comme ils l'ont été à quelques égards.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je demande la parole.

M. Dechamps. - Il ne faut pas, en un mot, que notre position commerciale semble s'abaisser presque dans la même proportion que notre position politique a grandi.

Or, que voyons-nous?

Nos relations continentales, je l'ai dit tout à l'heure, reposent sur trois traités, qui lient nos intérêts à ceux des peuples voisins : le traité du 13 décembre avec la France; le traité du 1er septembre avec l'Allemagne, et le traité du 29 juillet avec les Pays-Bas.

Ces traités, messieurs, il ne faut pas l'oublier, ont créé pour la Belgique, dans ces pays, des marches privilégiés importants; et il suffit, pour l'apprécier, de se rappeler qu'en France aucun peuple ne peut y importer la houille, la fonte, les fils et les toiles de lin aux mêmes droits que nous pouvons les y introduire; qu'en Allemagne, dans le Zollverein, aucune nation ne peut y vendre la fonte, les produits des hauts fourneaux, à des droits aussi favorables que ceux fixés par notre traité de 1844; qu'en Hollande, la plupart des produits de nos grandes industries, les tissus de laine, de coton, de lin, les verreries, les clous et d'autres objets encore y sont admis à des droits privilégiés.

Messieurs, je vous le demande, peut-on citer un seul peuple qui ait obtenu, par des traités avec les nations voisines, des marchés privilégiés Aussi importants? Et lorsqu'on considère ces traités à ce point de vue d'ensemble, il faudra reconnaître que notre diplomatie n'a pas été plus impuissante au point de vue commercial qu'elle ne l'a été au point de vue politique, lorsque je vous la montrais hier associée à ce mouvement d'immense progrès que nous avons fait depuis neuf ans.

Le traité français, messieurs, a été négocié, a été conclu au milieu des circonstances les plus difficiles. Le gouvernement français, et j'aime à le déclarer ici tout haut; le gouvernement français, et je comprends par là tous les ministères qui se sont succédé pendant 18 ans, avait le désir sérieux de voir se resserrer les liens commerciaux qui unissent les deux pays. Il comprenait quel était l'intérêt politique puissant qui s'y rattachait pour lui. Mais ses intentions, comme nos propres efforts, sont constamment venus se briser, par rapport à l'extension à donner à nos rappris commerciaux, contre le système ultra-protectionniste, qui a dominé pendant 18 ans, il faut bien le dire, les chambres françaises.

Messieurs, je n'ai pas à examiner jusqu'à quel point ces obstacles que nous avons rencontrés dans le système protectionniste qui dominait les chambres françaises, a diminué ou a disparu depuis les événements de février. J'avais pensé, je l'avoue, lorsque ces événements ont éclaté, que la France actuelle, précisément parce qu'elle renonçait aux idées d'agrandissement territorial, aurait cru devoir se dédommager en élargissant la base de ses relations commerciales avec les peuples voisins.

Messieurs, j'espère encore que tel sera l'avenir, mais j'avoue que j'ai été péniblement affecté lorsque j'ai cru que le gouvernement nouveau inaugurait pour ainsi dire son règne, sous le rapport des idées commerciales, en manquant à la foi due au traité conclu avec la Belgique; en effet, messieurs, vous le savez, la France a établi des primes élevées en faveur de ses principaux produits. Elle a violé ainsi manifestement le traité du 13 décembre.

Ce traité, messieurs, lorsque je l'ai défendu dans cette enceinte, je ne l'ai pas présenté comme très favorable en lui-même, je l'ai défendu comme la condition indispensable du maintien de nos rapports généraux de commerce avec la France, comme l'unique moyen d'éviter de voir notre industrie linière, l'ancienne comme la nouvelle, engloutie dans une catastrophe immédiate, dont notre gouvernement n'aurait pu la retirer avant longtemps ; mais à côté d'avantages que renfermait le traité et dont l'industrie linière n'a pas su profiler, à cause de l'état de décadence dans lequel elle se trouve, à côté de ces avantages il y avait des sacrifices qui nous étaient imposés.

Ces sacrifices étaient demandés à une de nos grandes industries, à l'industrie des laines. Or, que fait la France, en instituant des primes ? Elle aggrave considérablement les sacrifices qui étaient imposés à notre industrie des laines par le traité du 13 décembre. Que dirait la France, messieurs, si le gouvernement belge, dans le désir de venir au secours de cette grande souffrance de l'industrie linière qui est un des graves embarras du moment, si le gouvernement avait établi des primes élevées en faveur de nos toiles et de nos fils de lin, de manière à annuler les droits protecteurs que la France avait réserves par le traité même du 13 décembre? La France réclamerait et elle aurait raison de réclamer, au nom du traité; et que dirait-elle si nous ne répondions à ses réclamations que par le silence?

Messieurs, si j'en parle d'une manière aussi vive, c'est parce que j'ai le désir sincère de voir nos rapports avec la France s'améliorer et s'étendre, et que je déplore de voir la France sacrifier ses intérêts permanents et sérieux, dans ses relations matérielles avec nous, à des intérêts égoïstes et étroits.

Le Zollverein, il faut le dire, a eu plus d'égards à nos réclamations. Il a cru devoir élever, par représailles, les droits sur les objets que la France favorisait par des primes. Au point de vue du texte de notre traité du 1er septembre, le Zollverein n'était pas tenu peut-être de nous excepter de cette mesure, mais il l'a fait parce qu'il a compris que l'esprit et la tendance du traité l'exigeaient ainsi.

Permettez-moi de le dire en passant, ce succès, quoique amoindri depuis que la Hollande et l'Angleterre ont été exceptées à leur tour, quoique négatif à certains égards, n'est pas sans importance, et il prouve que noire diplomatie à Berlin et à Francfort y a acquis une influence légitime.

Messieurs, cette influence en Allemagne, il est nécessaire de l'y conserver. Nous avons en Allemagne un traité qui est près d'expirer, et qui est désormais la condition de la prospérité de notre industrie métallurgique, c'est-à-dire de deux de nos provinces. Ce traité, nous devons en préparer le renouvellement, je dirai l'extension, et surveiller les tentatives qui pourraient en compromettre l'avenir.

Lorsque le traité du 1er septembre a été conclu, on peut le dire maintenant, nous ne pouvions pas compter à Berlin sur de bien vives sympathies politiques, et peu d'intérêts matériels unissaient les deux pays.

Aujourd'hui nous pouvons le proclamer avec fierté, il n'est pas de nation plus populaire que la nôtre, en Allemagne; des intérêts nombreux y ont été créés par le traité, et n'avons-nous pas vu que les événements, les récentes révolutions ont porté à la tête des affaires de leur pays, à Berlin et à Francfort, ceux-là même qui ont signé le traité du 1er septembre avec nous et ceux qui, dans les provinces rhénanes, y ont applaudi.

Vous voyez donc qu'à ce point de vue le renouvellement du traité aura lieu dans des circonstances meilleures que celles au milieu desquelles nous l'avions négocié et conclu.

Mais, messieurs, ceux qui ont suivi, qui ont étudié avec attention les tendances diverses qui, de jour en jour, se dessinent davantage en Allemagne, au point de vue commercial, ont dû être frappés comme moi du caractère de ces tendances, dont les unes peuvent être favorables, dont les autres nous sont dangereuses.

Ainsi, les provinces manufacturières de la Prusse, les Etats du sud de l'Allemagne, veulent la protection douanière ; ils déclarent qu'ils briseront la ligue allemande, si cette protection ne leur est pas donnée.

Vous savez qu'à l'assemblée de Francfort, les députés des Etats du sud de l'Allemagne et des provinces manufacturières de la Prusse ont présenté une proposition tendant à doubler le tarif allemand sur les fils et les tissus de lin, de laine, de coton et de soie. Cette proposition, qui serait si fatale à nos intérêts, n'a pas été résolue, et elle est encore là en suspens comme une menace.

Berlin et les villes maritimes résistent, autant qu'ils peuvent, tout en cédant quelquefois, à ce mouvement protectionniste qui a son point d'appui à Francfort.

Vous voyez donc tout d'abord que c'est par Berlin surtout que nous devons agir sur les influences protectionnistes coalisées à Francfort.

Vous allez voir qu'à un autre point de vue non moins important, c'est à Francfort que nous devons concentrer notre influence diplomatique.

En effet, si l'idée de protection douanière domine les Etats du sud de l'Allemagne, l'idée d'un système d'unité maritime domine les Etats du nord, c'est-à-dire Berlin et les villes maritimes.

Deux systèmes ont été formulés et sont représentés en Allemagne par de hautes influences politiques dans les assemblées délibérantes de ce pays.

Ces deux systèmes préoccupent aujourd'hui l'Allemagne. Vous verra qu'ils ne doivent pas nous préoccuper moins.

Ces systèmes sont représentés l'un par M. de Roëne, président du bureau du commerce à Berlin et l'un des membres distingués du parlement de Francfort ; l'autre par M. Duchwitz, de Brème, actuellement ministre de l'empire germanique près du pouvoir central. L'un de ces systèmes peut nous être favorable; l'autre est le renversement complet de nos rapports avec l'Allemagne.

D'après M. de Roëne , le Zollverein considérerait comme avant-ports allemands, ceux compris entre l'Escaut et l'Elbe, c'est-à-dire Anvers, Rotterdam et les villes hanséatiques.

Il accorderait à ces avant-ports tous les avantages qui seraient concédés, par le nouveau système maritime,, aux ports allemands.

M. de Roëne voudrait en outre la création d'un pavillon commun qui constituerait une ligue maritime. Vous voyez que ce système, que je ne veux pas examiner au point de vue de notre intérêt, c'est, au fond, l'extension du traité du 1er septembre. Les provinces rhénanes, les Etats du sud, qui regardent Anvers comme leur port principal d'importation et d'exportation, sont en général favorables à ces projets.

Maintenant voyons quel est le système du ministre du commerce de l'Empire Germanique.

Le but final que M. Duchwitz veut atteindre, c'est de forcer les villes hanséatiques d'accéder au Zollverein. Pour les y contraindre, voici à quels moyens il veut avoir recours; il veut que l'Allemagne adopte pour les ports allemands un système de faveur dont ou exclurait tous les ports non allemands. Les ports d'Anvers, de Rotterdam et des villes hanséatiques ne (page 153) conserveraient plus ainsi qu'un commerce insignifiant de transit avec l'Allemagne. Je sais que depuis que le Hanovre a conclu deux traités, l'un avec l'Angleterre, l'autre avec les Etats-Unis en 1846, l'accession des villes hanséatiques au Zollverein est devenue plus difficile, mais elle n'est pas rendue impossible. N'est-il pas à craindre, si les idées du ministre du commerce à Francfort prévalaient, que les villes hanséatiques seraient forcées d'entrer dans l'union allemande, ce qu'Anvers et Rotterdam ne pourraient jamais faire? Non seulement ce serait là la destruction du traité du 1er septembre, mais île toutes nos relations futures avec l'Allemagne.

Ne vous paraît-il pas clair, messieurs, qu'au milieu de tous ces intérêts divers qui luttent entre eux, nous avons un intérêt puissant à surveiller ce qui se passe en Allemagne, non seulement à Berlin et à Francfort, mais à Vienne et à Hambourg? Si on supprime la légation de Hambourg, il faut y créer un consulat général, car c'est un point d'observation qui devient de jour en jour plus important pour nos intérêts d'avenir en Allemagne.

Un dernier mot, messieurs, relativement à nos relations commerciales avec les Pays-Bas. Ma conviction profonde est que c'est vers une alliance commerciale intime avec les Pays-Bas, que tous nos efforts doivent tendre désormais.

Les événements de février ont rapproché plus fortement encore les deux peuples l’un de l'autre, par l'instinct d'une défense commune contre des dangers communs. Mais il faut que ce rapprochement politique reçoive sa sanction dans l'extension de nos rapports commerciaux. Ce serait une faute très grave si les deux gouvernements, si les deux pays laissaient échapper les circonstances, aujourd'hui si heureuses, pour donner à nos relations commerciales une base solide, large et durable.

Notre traité du 29 juillet est un pas marqué fait dans cette voie. L'article 17 de ce traité renferme un principe qui en prévoit l'extension.

J'ai à faire connaître un incident remarquable de la négociation qui a précédé la conclusion du traité du 29 juillet. Je crois pouvoir le faire, car je n'ai à blesser personne, je n'ai à nuire à aucun intérêt ; au contraire, nous ferons comprendre ainsi à la Hollande nos vues, nos préoccupations, nos espérances.

Le gouvernement belge voulut donner à cette négociation une base plus large que celle qui a été acceptée par le gouvernement néerlandais.

Cependant, un principe que nous avions mis en avant, avait été d'abord accepté par des plénipotentiaires néerlandais, d'une manière personnelle, il est vrai, et sous réserve de ratification ultérieure, mais comme un principe favorable aux intérêts communs des deux pays.

Ce principe, voici quel il était : Nous aurions admis une assimilation complète du navire néerlandais au navire belge dans toutes les relations entre la colonie de Java et nos ports. Il faut savoir qu'en Hollande des hommes d'État éminents, et que je pourrais nommer, sont d'accord sur une idée, c'est que pour donner à la colonie de Java le degré de prospérité qu'elle doit acquérir, il faut, en dehors des rapports de monopole avec la mère patrie, ouvrir à la colonie des marchés directs nouveaux.

C'est ce système que nous demandions à inaugurer dans le traité du 29 juillet. En compensation, nous proposions d'admettre le principe de la nationalisation de la plupart des produits belges qui, après avoir acquitté des droits modérés en Hollande, auraient pu être exportés à Java comme produits nationaux néerlandais.

Vous voyez que c'eût été donner au traité une base beaucoup plus développée ; c'eût été, pour ainsi dire, et jusqu'à un certain point, reconstituer le royaume des Pays-Bas par le côté commercial.

Ce principe, je l'ai dit, avait été admis un moment, au début de la négociation, de la manière que j'ai indiquée tout à l'heure. S'il n'a pas été écrit dans le traité, je puis le dire maintenant qu'il s'agit d'un passé éloigné, c'est plutôt à cause d'un obstacle politique qu'à cause d'un obstacle d'intérêt matériel.

Je déclare que je n'adresse aucun reproche au ministère; je crois qu'il n'a négligé aucun effort pour amener la réalisation que l'article 17 du traité renferme. Mais je me demande comment expliquer qu’on refuse d'admettre, aujourd’hui qu'une heureuse entente cordiale existe entre les deux gouvernements, ce que nous avions pour ainsi dire obtenu en principe, dans une négociation commencée au milieu d'une guerre de représailles, et lorsque cette entente cordiale n'existait pas au même degré !

Il ne faut pas que la Hollande oublie que, le 24 février, l'altitude prise par la Belgique a sauvé la Hollande dont nous sommes devenus, comme aux siècles passés, le boulevard important. Cette mission, nous l'avons acceptée, nous la remplissons; nous saurons la maintenir; mais le gouvernement des Pays-Bas n'obéirait-il pas à un intérêt politique élevé, en donnant au traité du 29 juillet l'étendue que les négociations lui avaient assignée d'avance et qui serait conforme à l'intérêt des deux peuples?

Messieurs, je termine :

J'ai attiré l’attention de la chambre sur l'importance de notre diplomatie au point de vue politique et au point de vue commercial. Cette importance, je l'espère, ne sera plus niée, ne sera plus contestée.

M. H. de Brouckere. - Je demande la parole.

M. Dechamps. - Mais pour demeurer conséquent, il ne faut pas détruire, sans intention sans doute, ce qu'on considère comme utile, comme nécessaire. Economisez, je le veux avec vous ; mais ne désorganisez pas.

Lorsque vous auriez détruit ou seulement amoindri notre corps diplomatique, lorsque vous auriez découragé le dévouement et le zèle de nos agents, croyez-vous que vous pourriez reconstituer ce corps diplomatique au moment même où vous en auriez besoin ? La diplomatie ne se forme pas comme on la brise, par un vote du budget; elle a besoin, pour être influente et forte, de longues relations, d'une expérience que le temps seul peut former. Condamner la diplomatie à l'impuissance, ne plus assigner qu'un rang d'humiliante infériorité à nos ministres, à nos chargés d'affaires, autant vaut, mieux vaudrait peut-être n'en point avoir.

Je vous ai rappelé, sous le rapport politique et' commercial, quels étaient les dangers que nous pouvions craindre, si nous nous laissions aller à l'imprévoyance^ Messieurs, les événements dé février ont élevé chez nous l'esprit et le caractère national à la hauteur même des dangers qui nous menaçaient ; mais n'allons pas croire ces périls passés, en présence de ce que nous voyons à Berlin, à Vienne, à Rome, presque partout; ce serait nous endormir entre deux coups d'orage; nous risquerions d'être cruellement réveillés.

N'oublions pas, messieurs, il ne faut pas que la chambre oublié qu'elle est née de la reforme parlementaire, qu'elle est née de la loi sur les incompatibilités, qui a exclu des chambres les fonctionnaires publics qui ne sont plus ici pour défendre l'administration, de concert avec le gouvernement, qui ne sont plus ici pour défendre la position de leurs collègues, si jamais elle venait à être compromise.

C'est une raison, une grave raison, pour que la chambre actuelle soit beaucoup plus que toutes les chambres qui l'ont précédée, d'une grande réserve, d'une extrême circonspection en ce qui concerne la position des fonctionnaires publics. Il ne faut pas, messieurs, que l'on puisse jamais attribuer à de l'hostilité ce qui ne serait, je le reconnais, que l'exagération d'un devoir, mais qui n'en produirait pas moins des conséquences funestes et fatale?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, j'applaudis bien sincèrement aux sentiments patriotiques que l'honorable préopinant a exprimés dans la première partie de son discours, ainsi qu'aux paroles chaleureuses qu'il a prononcées sur la position actuelle de la Belgique à l'étranger, sur la considération dont elle jouit. Je crois, messieurs, que l'honorable préopinant ne trouvera pas d'adversaire sur ce terrain. S'il pouvait s'élever un doute à cet égard, j'apporterais à l'appui de ces paroles des faits nombreux, (erratum, page 172) expressifs, témoignant de la considération, de l'estime universelle dont jouit notre pays à l'étranger. Si je devais, messieurs, vous lire toutes les félicitations que nous avoué reçues depuis le 24 février, je devrais vous lire un volume. De toutes parts, non seulement en Europe, mais de tous les pays du globe; dirai-je, nous avons reçu de ces félicitations. Partout on nous a témoigné l’admiration qu'a fait naître l'altitude que la Belgique a su conserver pendant ces temps de troubles et d'agitation.

Certes, messieurs, cette haute estime doit être attribuée principalement à la sagesse de la nation, et du chef de l'Etat à la conduite des chambres, et qu'on me permette de le dire, du gouvernement ? Mais on serait injuste si l'on ne reconnaissait pas que la diplomatie n'y est pas restée étrangère. En effet, messieurs, la diplomatie a pour principale mission de faite valoir près des gouvernements et des pays étrangers les titres que la nation qu'elle représente et que son gouvernement peuvent avoir à l’estime des peuples. Or, messieurs, je puis le déclarer, partout notre diplomatie, jouissant d'une véritable considération, a pu contribuer puissamment à maintenir ces résultats qui sont si honorables pour notre patrie.

Il faut bien le reconnaître aussi, messieurs; jamais depuis 1830, les circonstances n'avaient été aussi difficiles pour la politique extérieure du gouvernement et pour sa diplomatie.

Messieurs, il ne faut point croire que si nous avons en le bonheur de maintenu avec toutes les puissances des relations amicales, ces résultats ont été obtenus sans la moindre difficulté. Dans les premiers temps, au contraire, notre position était entourée de nombreuses difficultés et même de dangers. Eh bien, ces difficultés, ces dangers, nous les avons heureusement traversés.

Vous le savez, messieurs, nos relations politiques avec tous les pays qui nous environnent n'ont jamais été plus étroites, meilleures qu'à présent. L'honorable M. Dechamps signalait tout à l'heure l'importance de nos relations avec un pays voisin. Eh bien, les événements de février ont grandement fortifié ces bonnes relations. Quelques nuages existaient encore dans nos rapports depuis la séparation de 1830; ils sont maintenant complètement dissipés.

Ainsi partout, je puis le dire sans vanité, sans ostentation, comme une chose qui ne peut être qu'agréable à la chambre, partout on rend une entière justice à la loyauté de notre politique; et à la fermeté de nos principes.

L'honorable M. Dechamps vous l'a dit tout à l'heure, nous venons à l'instant même de recevoir un nouveau témoignage de la confiance, du bon vouloir des puissances étrangères à notre égard. En effet, la nouvelle que l'honorable M. Dechamps a annoncée tout à l'heure est officielle. Les grandes puissances intéressées dans la question de la pacification de l'Italie, sont d'accord pour choisir Bruxelles comme siégé des conférences.

Et savez-vous comment un des hommes d'Etat les plus remarquables de l'Europe s'exprimait à cet égard en approuvant ce choix auquel il avait contribué?

(page 154) « Bruxelles, disait-il, a bien mérité cette marque de distinction.»

Messieurs, j'espère que la chambre voudra bien tenir compte, dans l'examen du budget des affaires étrangères, de notre situation politique. Que doit-elle en effet demander à notre diplomatie, si ce n'est le maintien de la bonne harmonie avec les puissances étrangères? Or, si l'ordre a été maintenu à l'intérieur, ne pouvons-nous pas dire aussi que les relations les plus amicales ont été maintenues à l'extérieur ?

La chambre comprendra que j'aimais d'ajouter ces quelques détails à l'appui des appréciations de l'honorable M. Dechamps.

Ils ne font que confirmer la thèse qu'il a si brillamment développée sur l'attitude de la Belgique et sur les services qu'a rendus la diplomatie.

Maintenant la chambre ne s'attend pas sans doute à ce que je suive l'honorable préopinant sur le terrain des questions politiques qu'il a traitées, ni sur les remaniements que l'Europe peut subir. Je pense que cette discussion serait de ma part inutile, et ne serait peut-être même pas sans inconvénients.

Il me serait difficile aussi de suivre l'honorable membre dans toutes les questions commerciales qu'il a soulevées tout à l'heure. Cependant je crois devoir répondre à quelques observations qu'il a présentées.

L'honorable M. Dechamps a dit que pendant que notre situation politique s'agrandissait à l'extérieur, il craignait qu'en même temps elle ne s'amoindrît sous le rapport des relations commerciales.

L'honorable M. Dechamps, pour appuyer cette assertion, nous a cité un fait : c'est la mesure qu'a prise le gouvernement français par son décret du 10 juin et qui consiste à augmenter la prime à la sortie sur certains produits de son industrie. Mais immédiatement après il vous a cité comme un succès (c'est ainsi qu'il l'a qualifié) le résultat que nous avons obtenu en Allemagne, c'est-à-dire l'exception aux surtaxes établies par le Zollverein le 15 septembre dernier. Dès lors, où l'honorable membre a-t-il vu l'amoindrissement de notre influence en matière de relations commerciales?

L'honorable M. Dechamps a dit que l'Angleterre et la Hollande avaient obtenu le même avantage, mais il n'en est pas moins vrai que la Belgique a été la première à l'obtenir. C'est à la Belgique que la Prusse et ensuite tous les Etats du Zollverein ont accordé premièrement cette exception. Plusieurs des Etats du Zollverein, ceux surtout qui sont partisans du système restrictif, ont opposé une résistance assez prolongée. Et l'on peut affirmer que ce qui a contribué à les décider, c'est la considération toute particulière qu'ils ont envers la Belgique.

On conçoit que du moment que l'exception a été accordé à la Belgique, il y avait sans doute quelque difficulté à la refuser à une puissance telle que i Angleterre.

J'ignore si les Pays-Bas ont obtenu l'adhésion de tous les Etats du Zollverein ; je sais seulement qu'ils ont obtenu celle du gouvernement de Berlin.

Messieurs, je n'ai pas besoin sans doute de déclarer à la chambre qu'il n'est pas une question qui exerce plus vivement la sollicitude du gouvernement que les intérêts commerciaux du pays. Je puis donner à la chambre l'assurance que nous nous occupons activement de ces intérêts, que nos agents reçoivent les instructions les plus complètes et qu'ils ne négligent rien pour maintenir ou étendre nos relations commerciales.

Mais il faut bien en convenir (l'honorable M. Dechamps est trop juste pour ne pas le reconnaître lui-même), les circonstances que l'Europe subit, sont-elles donc favorables, je vous le demande, à la conclusion de traités de commerce, ou à l'extension de nos relations commerciales? Tous les pays qui nous avoisinent ne sont-ils pas dans un état de crise? Les gouvernements ne sont-ils pas préoccupés, avant tout, des plus hautes questions d'organisation politique? Les ministères ne font que passer, et n'ont certes pas le temps de s'appesantir sur l'étude profonde et longue des questions concernant les relations commerciales.

Ainsi, messieurs, il ne faut pas croire que le gouvernement n'a fait aucune tentative, ou, au moins, qu'il n'a pas sondé les dispositions des gouvernements étrangers? Ce serait une erreur, messieurs. Mais en présence de ces circonstances que je viens de signaler, il est évident qu'il y a eu plus de difficultés, dans le courant de cette année qu'à aucune autre époque, pour la conclusion de traités de commerce.

Certes, messieurs, nous avions espéré, lorsque nous avons vu des pays voisins entrer si largement dans la voie des libertés politiques, qu'ils entreraient de même dans la voie de la liberté commerciale ; chacun de ces pays sait parfaitement que nous sommes prêts à abaisser nos tarifs si les Etats européens veulent abaisser également les leurs. Mais nous avons dû, malheureusement nous apercevoir, par les discussions qui ont eu lieu, par les opinions qu'ont exprimées la plupart des hommes d'Etat qui se trouvent à la tête de ces gouvernements, que ce n'est point jusqu'à présent, la liberté commerciale qui triomphe.

Une autre cause s'oppose aussi à l'obtention de concessions douanières, c'est la crise qui partout atteint l'industrie. Lorsque les industries sont souffrantes, il est difficile de leur persuader qu'il peut y avoir avantage à permettre à d'autres nations de venir prendre part à l'exploitation du marché intérieur.

Aussi, bien loin que les industriels des pays étrangers se soient montrés favorables à l'extension de la liberté commerciale, ils ont au contraire mis une ardeur nouvelle à demander des restrictions. En présence d'un pareil état de choses, c'était déjà un grand point que de maintenir le statu quo.

Ainsi que l'honorable M. Dechamps le faisait remarquer tout à l'heure, à Francfort, par exemple, il a surgi une foule de propositions tendant à augmenter le tarif du Zollverein, et cela sur les produits qui nous importent le plus ; ces propositions ont été appuyées par des députés et soumises à l’assemblée. Eh bien, je crois que nous n'avons pas été étrangers aux résultats qui jusqu'à présent, au moins, ont été obtenus. Comme vous le savez, messieurs, le tarif actuel du Zollverein devait expirer au 1er janvier prochain ; or, malgré toutes ces propositions qui tendaient à l'augmenter, il a été prorogé indéfiniment tel qu'il existe aujourd'hui.

Il est vrai, messieurs, que le gouvernement de la France a pris une mesure contre laquelle nous avons vivement réclamé; cette mesure consiste dans des primes ou plutôt des surprimes, si je puis m'exprimer ainsi, accordées par le décret du 10 juin dernier. Nous y avons vu, messieurs, une atteinte réelle portée à la convention du 13 décembre 1845, nous nous sommes empressés d'adresser au gouvernement une demande d'exception en nous fondant sur le traité. Les événements qui se sont succédé ont d'abord, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire à la chambre, ont d'abord ralenti considérablement ces négociations ; mais le gouvernement de la République, animé des meilleures intentions, avait enfin reconnu la légitimité de nos réclamations, et voulait nous accorder l'exception ; mais lorsqu'il a présenté cette demande au comité du commerce de l'assemblée nationale, il a rencontré une vive résistance.

Du reste, nous avons obtenu l'assurance formelle, officielle, écrite, que le décret ne serait point prorogé au-delà du 1er janvier prochain. Nous avons toujours entendu et nous soutenons, messieurs, que le gouvernement français doit, par suite de cette violation du traité du 13 décembre, nous accorder une compensation.

Messieurs, tandis que nous poursuivions cette négociation, nous nous sommes fait rendre compte exactement des résultats de la mesure prise le 10 juin en France; si ces résultats avaient été menaçants pour notre industrie lainière, prise dans son ensemble, nous nous serions empressés de prendre des mesures préservatrices; mais le décret du 10 juin a bien porté un préjudice incontestable à nos filatures, mais il n'a porté aucune atteinte au tissage des laines et, par suite de cette considération et de l'assurance que la mesure ne serait pas prolongée au-delà du 1er janvier, nous n'avons pas cru devoir nous lancer dans la voie périlleuse des représailles.

L'honorable M. Dechamps nous a entretenus aussi de nos relations avec le royaume des Pays-Bas. Il a exprimé le vif désir, que je partage, de voir ces relations s'accroître. Il vous a dit et je confirme cette assertion, qu'immédiatement après les événements du 24 février, nous avons fait des tentatives pour amener des relations plus étendues. Nous nous sommes appuyés sur l'article 17 du traité du 29 juillet 1846, dont l'honorable membre vient de vous entretenir; mais nous avons reconnu que le cabinet de la Haye n'attachait pas la même importance que l'honorable M. Dechamps à cet article 17.

L'article 17 fait dépendre les propositions d'arrangement international de l'initiative du gouvernement des Pays-Bas; eh bien, messieurs, les hommes d'Etat de la Haye n'ont témoigné aucun désir d'obtenir l'assimilation de pavillon pour les importations dans nos ports des provenances de Java ; ils ont déclaré qu'ils préféraient, au contraire, que es navires se rendissent directement dans les ports hollandais. On ne doit donc point attacher une grande importance à l'article 17, et si je ne me trompe, l'honorable .M. Dechamps en a très peu parlé lui-même dans la discussion du traité du 29 juillet 1846.

Messieurs, je regrette que la discussion ait été amenée sur ce terrain ; mais, après les observations de l'honorable M. Dechamps, le gouvernement ne pouvait pas se dispenser de démontrer qu'il n'a point négligé les moyens qui se présentaient pour étendre nos rapports commerciaux.

Messieurs, nous ne désespérons pas le moins du monde d'étendre ces rapports avec les pays qui nous avoisinent ; cette idée, nous la poursuivons constamment, et si elle ne se réalise pas, cela n'aura pas du moins dépendu du gouvernement.

Messieurs, je rentre maintenant dans la discussion des chiffres du budget. Sous ce rapport, je ne puis que me féliciter du résultat qu'a présenté jusqu'ici la discussion générale; en effet, sauf un orateur et l'honorable rapporteur de la section centrale, tous ceux qui ont pris la parole ont combattu les conclusions de cette section.

Ainsi le gouvernement le trouve dans cette situation que, d'une part, la section centrale et l'honorable M. Jullien qui a pris le premier la parole, déclarent que le gouvernement n'a pas été assez loin dans la voie des réductions, tandis que tous les autres orateurs ou combattent la section centrale, ou déclarent que le gouvernement lui-même a peut-être dépassé les limites qui devaient lui être assignées; eh bien, je trouve dans ces opinions contradictoires une preuve que le gouvernement a pris ce terme moyen qu'il doit toujours prendre, lorsqu'il s'agit de concilier deux grands intérêts, deux légitimes exigences.

Je ne pourrais guère ajouter quelque argument nouveau à ce qu'ont dit d'honorables préopinants pour combattre les conclusions du rapport de la section centrale ; j'insisterai d'autant moins que j'ai vu avec plaisir l'honorable M. de Luesemans sembler vouloir en quelque sorte faire bon marché de ces conclusions.

Mais, messieurs, malgré l'utile concours que d'honorables préopinants ont prêté à la cause que défend ici le gouvernement, je ne puis cependant accepter tout ce qui a été dit par ces honorables membres et entre autres (page 155) par M. de Liedekerke. Je pense que cet honorable membre, dans !e discours brillant qu'il a prononcé, s'est laissé entraîner à une véritable exagération. A entendre l'honorable membre, les propositions, non seulement de la section centrale, mais même du gouvernement, tendraient à désorganiser la diplomatie. Nous ne pouvons pas accepter cette assertion. L'honorable membre n'a examiné la question que sous une de ses faces. Il me semble également avoir attribué une trop grande importance au chiffre du traitement des diplomates. On dirait que l'influence et la considération du diplomate dépendent exclusivement du plus ou moins d'élévation de ses émoluments.

Messieurs, je ne pense pas que l'on doive envisager la question à un point de vue aussi absolu. Je crois que l'influence et la considération du diplomate dépendent principalement, d'abord de celle dont jouissent le pays et le gouvernement qu'il représente; en second lieu, de son mérite personnel. J'admets que des appointements élevés soient un élément utile pour amener la considération, pour réussir même dans une négociation ; mais le traitement ne produit pas seul l'influence, surtout dans les circonstances où nous nous trouvons, car les exigences sociales ont diminué dans la plupart des capitales, par suite de la crise que subit l'Europe entière.

L'honorable M. Dechamps a comparé les traitements des diplomates belges à ceux des diplomates français. Je ne pense pas qu'on puisse tirer la moindre conséquence de cette comparaison. Nous ne pouvons pas prétendre à entrer en parallèle avec une puissance de premier ordre. Les puissances de premier rang ont toujours tenu à avoir des diplomates extraordinairement payés (ces traitements vont de 200 à 300 mille francs). Pourquoi, parce que, apparemment, elles veulent que leurs représentants fassent de la représentation. Mais les puissances de deuxième et de troisième rang ne se sont jamais mises sur le même pied ; elles ont toujours été plus modestes.

Nos propositions sont, du reste, la conséquence de la crise que nous subissons, et à cet égard , je n'ai pas besoin de répéter la réserve que j'ai faite dans mon premier discours et qui consiste à dire que, dès que la crise aura disparu , le gouvernement sera disposé à faire des propositions à la chambre, tendant soit à rétablir les anciens traitements, soit au moins à élever les traitements de nos agents les plus importants.

L'honorable M. de Liedekerke, qu'il me permette de le dire, n'a donc cas tenu assez compte des circonstances où nous nous trouvons, de la crise financière, industrielle et politique qui pèse sur l'Europe.

Messieurs, si nous adoptions le système qui a été présenté par quelques honorables collègues, nous ne vous eussions pas présenté de réductions sur le budget des affaires étrangères ; je dis même qu'avec ce système nous devrions peut-être aller plus loin ; car si on trouve que tel agent à l'étranger n'est pas suffisamment rétribué avec 27,000 fr., je ne vois pas comment on trouvera que tel agent à l'intérieur, qu'un ministre, un gouverneur, par exemple, sont assez rétribués avec 21,000 francs et 14,700 francs? Ces fonctionnaires doivent aussi faire quelque représentation. Eh bien, si l'on adopte un système aussi absolu dans toutes ses conséquences, non seulement on devrait maintenir les traitements de la diplomatie et des fonctionnaires publics, mais on devrait en élever plusieurs.

Messieurs, ce système ne peut donc pas être le nôtre dans les circonstances actuelles; il faut bien transiger avec ces circonstances, il faut que nous fassions des économies.

Messieurs, l'honorable rapporteur de la section centrale vous a dit hier que le système de cette section s'écartait peu de celui du gouvernement. Je ne puis admettre cette manière de voir. D'abord, je reconnais, je l'ai déclaré assez souvent pour n'avoir pas besoin de le répéter, que le gouvernement a été aussi loin que possible, qu'il est allé à la dernière limite des réductions. Si donc vous dépassez cette limite, vous tombez immédiatement dans le danger de la désorganisation. Le système de la section centrale supprime deux ministres plénipotentiaires en Allemagne, elle en supprime un en Italie, elle supprime une légation en Portugal, sans compter d'autres réductions.

Evidemment c'est un système nouveau qui va infiniment pins loin que celui que nous avons eu l'honneur de présenter, qui entraîne une véritable désorganisation. Veuillez remarquer que notre système ne porte aucune atteinte aux traitements des agents inférieurs de la diplomatie, des chargés d'affaires et des secrétaires ; sur une couple de traitements de ministre plénipotentiaire, la réduction n'est pas notable; elle est plus forte, nous en convenons, sur ceux de plusieurs agents de première classe; mais encore une fois ce n'est qu'une mesure dictée par les circonstances. Ainsi, nous ne pensons pas le moins du monde que cette mesure puisse amener ce découragement dont on nous menace.

La carrière diplomatique sera toujours très importante; ce qu'il faut, c'est qu'on n'y introduise pas d'éléments étrangers, que celui qui s'y consacre soit certain d'avoir son avancement. Ainsi je me suis rallié à cette opinion de la section centrale qu'il ne fallait pas introduire des militaires ou tous autres fonctionnaires dans la carrière diplomatique. Je trouve que cette carrière doit être exclusive comme toutes les autres carrières. Il y a sans doute des exceptions : quand un homme éminent est réclamé par les besoins du pays pour une importante mission, certes cette considération doit dominer toutes les autres; et encore ce ne doit être qu'une mission temporaire, une mission extraordinaire. Quand vous ferez de la diplomatie une carrière où l'on sera assuré de son avancement, vous la fortifierez, croyez-le bien.

Ainsi, le gouvernement s'est trouvé en présence de deux grandes exigences : l'exigence légitime qui réclame des économies et l'intérêt du service public qui réclame des allocations suffisantes. Je crois avoir concilié ces deux intérêts; et j'en trouve une preuve nouvelle dans l'opinion de M. Dechamps lui-même qui doit avoir dans cette question beaucoup d'autorité. Or, vous l'avez entendu déclarer qu'il votera pour les propositions du gouvernement.

Messieurs, il me reste h répondre à quelques-unes des observations qui ont été présentées dans le cours de la discussion. On a parlé à différentes reprises des légations de New-York et de Rio-Janeiro ; mais ici, on a commis une véritable erreur ; on a cru que le gouvernement, par ses propositions, avait voulu ôter tout caractère diplomatique à ces agents. Cependant la note jointe à l'appui du budget dit expressément que ces agents garderont le titre de chargés d'affaires et seront en même temps consuls généraux. Ils recevront des lettres de créance ; ils pourront négocier les traités de commerce ; ils auront une position diplomatique; tout ce qu'on a fait pour les Etats-Unis, c'est qu'on a réuni la qualité de chargé d'affaires et celle de consul général; on a obtenu ainsi une économie de 25,000 francs. Quant au changement adopté par la section centrale, changement qui a obtenu les éloges de l'honorable M. Dechamps, il consiste simplement à faire payer les traitements sur le chapitre II, au lieu du chapitre III du budget; je n'ai vu donc aucune raison importante pour m'y opposer. Si j'avais décidé que ces traitements seraient payés sur le chapitre des consulats, c'est qu'il me semblait que nos agents dans les pays transatlantiques doivent avoir surtout un caractère commercial.

Nos relations politiques ne sont pas très importantes dans les pays lointains; ce sont surtout des relations commerciales qui doivent nous préoccuper. Mais nous n'avons pas entendu supprimer les légations ni ôter aux agents leur caractère politique.

Ce système, qui consiste à avoir des chargés d'affaires consuls généraux, n'est pas nouveau. La France est représentée dans la plupart des Etats de l'Amérique par des consuls généraux chargés d'affaires.

Toute la question consiste donc dans ceci : Faut-il conserver, outre les agents diplomatiques, un consul général à New York? La chambre doit aussi faire attention que nous avons à New-York un consul, homme très capable. Ainsi indépendamment de l'agent qui réunira les deux qualités de consul général et de chargé d'affaires, nous avons encore un consul non rétribué à New-York.

Messieurs, je désire maintenant répondre quelques mots à l'honorable M. Jullien, qui a pris la parole le premier dans cette discussion. Je tiens à répondre, parce qu'il a traité spécialement une question qui concerne la province a laquelle j'ai l'honneur d'appartenir.

L'honorable député du Luxembourg a demandé au gouvernement toute si sollicitude pour les intérêts de cette province. Or, je crois, quant à moi, avoir témoigné suffisamment cette sollicitude depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, pour qu'on puisse le moins du monde la suspecter. Il a parlé du chemin de fer du Luxembourg. Eh bien, je crois avoir pris une assez grande part à la constitution de la société qui avait conçu cette grande entreprise. Si l'exécution n'a pas suivi, ce n'est pas à moi qu'il faut l'attribuer. Il a parlé aussi des forgeries et des ardoisières du Luxembourg. Eh bien, ici, tous les motifs se réunissent, pour moi, pour y porter la plus vive sollicitude.

Ainsi l'honorable membre ne peut révoquer en doute l'intérêt que je porte à ces questions importantes pour le Luxembourg.

L'honorable M. Jullien voudrait un traité de commerce avec la France. Certes il n'est personne qui ne voulût étendre nos relations commerciales avec ce grand pays. Mais l'honorable membre doit savoir que depuis 18 ans on poursuit cette idée. Et a quoi a-t-on abouti après tant et de si laborieuses négociations? A la convention du 13 décembre 1845!

Il y a donc des difficultés très grandes qui s'opposent à la conclusion d'un traité aussi large qu'on le désire. J'espère que ces difficultés s'aplaniront un jour et que nous trouverons des dispositions meilleures. Mais quand il s'agit d'un traité de commerce, il ne faut jamais oublier une chose, c'est que, comme pour toute espèce de contrat, il ne suffit pas qu'une des parties désire traiter, il faut aussi que l'autre y consente.

M. Osy. - Jusqu'à présent tous les orateurs qui ont pris la parole dans cette discussion, à l'exception de l'honorable rapporteur, ont plaidé contre les économies proposées par la section centrale, et même plusieurs ont blâmé le gouvernement d'avoir été trop loin.

Pour moi, depuis nombre d'années, j'ai demandé des économies, surtout en raison de la situation financière du pays. Mais, c'est surtout contre les abus du cumul, les pensions inutiles que j'ai réclamé. Jamais, je n'ai demandé des économies qui pourraient désorganiser les services ou décourager les fonctionnaires. Voilà pourquoi je ne pourrais, pour le moment, me rallier à la proposition du gouvernement. Cependant les chiffres auxquels je m'arrêterai se rapprochent assez de ceux de la section centrale. Je ferai quelques propositions dans le sens de la section centrale, mais qui pourront peut-être augmenter le chiffre du gouvernement.

J'ai toujours eu pour système au sujet des économies, de réduire, autant que possible, le nombre des fonctionnaires inutiles, de ne pas trop réduire les traitements, car la réduction des traitements, surtout dans la diplomatie, va jeter le découragement. Vous allez faire descendre les diplomates qui n'auront pas de fortune à un rang tellement (page 156) inférieur, qu'ils n'auront plus d'influence, qu'ils ne pourront pas voir assez de monde; ce qui nuira beaucoup aux relations que, dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, nous sommes obligés d'avoir avec ces pays.

Depuis nombre d’années surtout, je me suis opposé ans dépenses en dehors du budget, au vote de crédits supplémentaires qui font que nous n'avons jamais voté un véritable budget.

Il y a un an, nous avons voté un crédit supplémentaire de 75,000 fr. pour une dépense qui était primitivement de 75,000 francs. C'est un véritable abus contre lequel je me suis élevé.

Je suis fâché de parler du passé ; mais l'honorable M. Dechamps a fait un grief à l'ancienne opposition d'avoir voté pour les économies. Nous avons eu raison de les repousser, dit-il, puisque c'était l'avis de l'ancienne majorité.

M. Dechamps. - Je n'ai pas dit cela.

M. Osy. - Pardon, vous l'avez dit.

A cette occasion, je ne puis m'empêcher de rappeler que les honorables députés qui faisaient partie de l'ancienne majorité et qui se sont prononcés contre les économies, ne sont pas revenus tandis que ceux qui ont demandé des économies sont revenus. Si donc nous avons été minorité, nous avons été constants dans notre opposition, et nous avons fini par avoir raison.

Je disais donc que, pour moi, je veux autant que possible conserver à nos hauts fonctionnaires un rang distingué, mais je veux autant que possible supprimer les positions inutiles, je pense que nous pourrions faire encore quelques économies et améliorer le sort de quelques fonctionnaires, dont les traitements sont, à mon avis, beaucoup trop faibles.

Je partage l'opinion de l'honorable M. de Liedekerke. Au point de vue diplomatique seul, les opinions qu'il a énoncées sont les miennes. Mais ce n'est pas à ce point de vue seul que nous devons voir les choses. Nous devons voir la situation générale du pays. Comme la situation du trésor exige impérieusement des économies, ou de nouveaux impôts, il faut que nous choisissions. Je demanderai à l'honorable M. de Liedekerke ce qu'il y a de mieux : voter 4 millions de nouveaux impôts, ou 4 millions d'économie que propose le gouvernement.

D'après ce que j'ai appris des travaux des sections, plusieurs honorables membres qui parlent contre les économies sont les plus difficiles pour accorder des changements de lois qui devraient augmenter les impôts. Comme ceux qui ne voteraient pas pour les économies ne voleraient pas pour de nouveaux impôts, force nous est de soutenir autant que possible les économies proposées par le gouvernement. Les chiffres que je proposerais se rapprochent de ceux du gouvernement.

Je passerai maintenant en revue les différentes missions.

Je commencerai par l'Allemagne.

Je trouve que la proposition de la section centrale pour l'Allemagne est très juste. De deux choses l'une : si l'unité allemande se constitue, il est certain que les légations de Berlin et de Vienne ne seront plus qu'accessoires. Si, par contre, l'unité allemande ne se constitue pas il est certain que la mission principale sera à Berlin. C'est là qu'on devra faire les traités de commerce avec le Zollverein ; ce qui sera le principal, car la politique pour nous, pays neutre, ne sera pas grand-chose.

Ainsi, dans l'un et dans l'autre cas, nous n'avons besoin en Allemagne que d'un chef de mission, qui sera à Berlin ou à Francfort, d'après les éventualités.

On s'oppose à ce que nous ayons à Vienne un chargé d'affaires au lieu d'un ministre. Mais la première fois que nous avons envoyé quelqu'un à Vienne, c'était un chargé d'affaires, qui y a résidé plusieurs années. Ce n'est que dans son intérêt personnel, à force de sollicitations près du gouvernement, qu'il a obtenu d'être nommé ministre.

Ce chargé d'affaires a donc été nommé ministre, et il en est résulté me nouvelle dépense de 25,000 fr. ; car on lui a accordé 40,000 fr. au lieu de 15,000 fr. qu'il avait auparavant.

le crois qu'un chargé d'affaires suffit à Vienne. Car si l'unité allemande se parvient pas à s'établir, l'Autriche, ne faisant pas partie du Zollverein, perd pour nous de son importance. Si, au contraire, l'unité allemande se consolide, ce sera Francfort, où se trouvera notre chef de mission, qui sera le siège des négociations pour toute l'Allemagne.

N'oublions pas, messieurs, que jusqu'ici nous n'avons rien pu obtenir de l'Autriche en fait de traités de commerce.

Je ne partage pas l'opinion de la section centrale qu'un chargé d'affaires suffise pour toute l'Italie. Je ne parle pas des circonstances actuelles qui sont tout exceptionnelles ; mais dans les circonstances ordinaires, je crois que nous devons avoir en Italie un ministre qui serait accrédité à Florence, à Naples, à Turin et à Rome. En effet, messieurs, nous avons des relations considérables avec l'Italie, il faut chercher à les développer. Je n'admettrai donc pas la réduction proposée par la section centrale, et je me rallierai au chiffre du gouvernement.

Quant au Portugal, je partage l'opinion de la section centrale, que nous pourrions nous passer d'y avoir un chargé d'affaires.

Il n'y a pas à espérer de pouvoir, d'ici à longtemps, faire un traité avec ce pays, de pouvoir y lutter avec l'Angleterre, dont le Portugal est, en quelque sorte, devenu une colonie.

Cependant je ne me rallie pas à la proposition de la section centrale de supprimer immédiatement cette mission.

Je m'y oppose par économie. Si vous supprimes la légation du Portugal, le gouvernement accréditera près de la cour de Lisbonne, son envoyé à Madrid. Mais par suite des antécédents dont nous avons été témoins, nous devons croire qu'il en résulterait une dépense beaucoup plus forte que celle qu'on veut supprimer. Je me rappelle, messieurs, qu'il n'y a pas longtemps, certain diplomate accrédité à Hanovre nous a fait payer pour un voyage de Hanovre à Oldenbourg, une somme de près de 6,000 fr. Vous savez la distance qu'il y a de Hanovre à Oldenbourg; vous savez celle qu'il y a de Madrid à Lisbonne. Or, messieurs, c'est ce même diplomate qui est aujourd'hui à Madrid, et, si vous l'accréditez près de la cour de Lisbonne, il est bien à craindre que vous auriez souvent des 6,000 francs à lui payer pour frais de voyage.

Malheureusement l'ancienne administration a souvent montré une grande faiblesse envers ses agents. Quand des diplomates avaient envie de revenir en Belgique, au lieu de demander un congé et de faire le voyage à leurs frais, comment s'y prenaient ces messieurs et à quoi consentait le gouvernement? On écrivait au gouvernement : « J'espère parvenir à négocier un traité avantageux. Mais il m'est impossible de vous donner par écrit tous les détails de la négociation; je désirerais vous donner des explications verbales. » Le gouvernement était assez faible pour autoriser le diplomate à se rendre aux frais du trésor, par exemple, de Copenhague à Bruxelles. Ce diplomate restait ici un ou deux mois ; il continuait à toucher son traitement, et ses frais de voyage étaient payés.

Malheureusement il s'agit encore ici de ce même diplomate qui est à Madrid.

Je ne désapprouve pas les nominations qui ont été faites par le gouvernement. Mais aussi longtemps que je verrai ce diplomate à Madrid, je ne consentirai pas à la suppression de la légation de Lisbonne; je vous engage donc à voter, par économie, les 15,000 fr. demandés pour cette légation.

Messieurs, j'approuve entièrement la proposition de la section centrale en ce qui concerne l'Amérique. Je crois qu'il nous faut des chargés d'affaires aux Etats-Unis et au Brésil, et non des consuls. Nos relations avec les Etats-Unis sont très considérables. Nous avons, il y a peu d'années, conclu un traité de commerce avec ce pays ; il est de notre intérêt d'y surveiller les changements qui pourront être apportés aux tarifs, et qui peut-être seront de nature à amener, à son expiration, la modification du traité.

Depuis quelques années, le Brésil a, comme vous le savez, rompu ses relations commerciales avec l'Angleterre. Si nous avions à Rio-Janeiro un chargé d'affaires habile, il serait à espérer que nous pourrions obtenir des avantages commerciaux avant que l'Angleterre ne parvînt à conclure un nouveau traité. La Belgique a déjà fait des avances au gouvernement brésilien; elle a assimilé au pavillon national le pavillon brésilien qui a paru trois ou quatre fois dans nos ports. Ces avances ont été très favorablement accueillies à Rio, et je suis persuadé qu'en faisant valoir cet avantage que nous accordons au pavillon brésilien, nous arriverions à conclure un traité avantageux.

Je crois donc que nous devons avoir un chargé d'affaires à Rio comme à Washington. La proposition de la section centrale n'augmentera pas d'ailleurs la dépense puisqu'elle renonce aux deux consuls que le gouvernement voulait nommer dans ces deux villes.

Mais tout en demandant un chargé d'affaires à Washington, je ne crois pas qu'il faille supprimer le consulat général de New-York. Celui qui occupe ce poste est d'ailleurs un homme distingué. Si l'on traite à Washington les questions politiques, le consulat de New-York est, pour les affaires commerciales, de la plus grande utilité. Je suis donc d'accord avec l'honorable M. Dechamps, pour en demander le maintien.

Messieurs, je dirai aussi un mot d'une légation du Nord. Le gouvernement propose de supprimer les légations de Stockholm et de Hambourg et de maintenir un chargé d'affaires de Copenhague. La section centrale propose de nommer un chargé d'affaires qui serait accrédité dans ces trois villes, et qui résiderait dans l'une d'elles, au choix du gouvernement. Messieurs, je crois que nous devons insister pour que ce chargé d'affaires réside à Hambourg, tout en étant accrédité en même temps à Copenhague et à Stockholm. Aujourd'hui Hambourg se trouve, par suite de la navigation à vapeur, à 12 heures de Copenhague, la distance de Hambourg à Stockholm est aussi franchie, en peu de temps, et c'est à Hambourg que notre envoyé pourra nous rendre le plus de service. En effet, c'est surtout à Hambourg que se traitera la question de la réunion des villes hanséatiques au Zollverein. C'est là, comme vous l'a dit l'honorable M. Dechamps, une affaire importante pour nous. Car si les villes hanséatiques étaient réunies au Zollverein, ce serait un coup funeste pour le commerce de la Belgique. C'est à nous à surveiller et à faire nos efforts pour que cet événement n'arrive pas. Je crois donc que nous ferions bien d'avoir un chargé d'affaires à Hambourg.

Mais je demanderai que le gouvernement ne fasse voyager les diplomates accrédités dans plusieurs endroits que pour des affaires importantes, qu'on les fasse voyager, non pour des fêtes, des couronnements, des décès, mais uniquement pour les intérêts commerciaux du pays.

Depuis 10 ans, messieurs, nous avons eu un ministre à Constantinople; cette légation coûtait au-delà de 50,000 fr. par an, indépendamment de 200,000 fr. votés, il y a quelques années, pour une ambassade extraordinaire qui a été envoyée pour nous faire reconnaître. Je suis persuadé que si nous avions sur le bureau toutes les dépêches de notre ministre, vous verriez qu'il n'y a jamais rien eu à faire à Constantinople. Si nous avions à Constantinople un bon négociant belge (et il n'en manque pas), il pourrait nous y rendre de très grands services.

(page 157) Il y a quelques années nous avons accrédité un consul général à Alexandrie; il y est resté peu de temps ; il est allé faire un voyage dans l'intérieur de l'Asie pour voir s'il n'y aurait pas de comptoirs à y établir; ce voyage a coûté considérablement. Après cela le gouvernement a jugé convenable de rappeler le consul général payé, qui n'avait rien fait; mais en même temps il a nommé un consul payé, qui a rendu à la Belgique les plus grands services. Après le départ du consul général il a lutté avec l'Angleterre pour des fournitures considérables qu'il nous a fait obtenir et même si un ancien ministre, que je ne nommerai pas, avait été plus adroit, les Flandres auraient eu la fourniture de toutes les tentes en toile de l'armée du Pacha; nuis ce ministre a consulté un représentant des Flandres qui lui a dit que, pour fabriquer cette toile, il faudrait changer les métiers et il s'est contenté de cette seule réponse d'un seul membre de la chambre qui faisait partie d'un comité. Sans cela nous aurions eu cette commande qui est passée en Angleterre.

Il y a un an, messieurs, le gouvernement avait nommé un consul au Mexique; depuis ce consul a été nommé chargé d'affaires à Constantinople; pourquoi ne pas l'envoyer au Mexique? Il conserverait ainsi sa position, dont je ne veux nullement le priver; mais je crois que, dans l'intérêt du pays, nous ferions très bien, pendant quelques années, de supprimer la légation de Constantinople, et j'en ferai la proposition lorsque nous viendrons à la discussion des articles; je proposerai même de commencer par cet article, car si ma proposition est adoptée, je proposerai de répartir les 27,000 francs qui seront ainsi économisés, entre les légations de Paris, de la Haye et de Berlin ; car, messieurs, il faut convenir qu'avec un traitement de 25,000 francs, il est impossible de vivre à l'étranger d'une manière convenable.

Messieurs, d y a déjà plusieurs années je me suis plaint de ce que le gouvernement avait nommé des officiers dans le corps diplomatique, en leur donnant droit à l'avancement dans l'armée et dans la diplomatie, en même temps. Il y a 18 mois, je me suis plaint notamment de ce qu'un militaire avait été nommé consul, et j'ai demandé qu'il optât entre ces deux fonctions. Je demande formellement que de semblables abus n'aient plus lieu. Il y a peu de temps un honorable militaire a été nommé gouverneur d'une de nos provinces; eh bien, il donné sa démission dans l'armée; je désire que ce bon exemple soit toujours suivi à l'avenir.

Depuis quelques années on a accordé malheureusement à des membres du corps diplomatique des grades beaucoup plus élevés que ceux pour lesquels nous votions des crédits ; nous votions des traitements de chargés d'affaires et on donnait des grades de ministres. Quelque temps après les titulaires se plaignaient de ne pas pouvoir vivre à l'étranger, comme ministres, avec des traitements de chargés d'affaires. En bien, il fallait n'accorder que les grades dont nous votions le traitement. Je désire que l'on suive rigoureusement à l'avenir cette règle de conduite.

Je demanderai à M. le ministre si nous pouvons espérer de voir bientôt paraître un arrêté réglant le tarif des consulats....

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il paraîtra dans un très bref délai.

M. Osy. - Je demanderai également à M. le ministre si nos différents commerciaux avec la Russie sont près de s'aplanir. Par suite de la manière dont la Belgique s'est montrée en Europe, je crois que si les négociations sont bien conduites, elles doivent être couronnées de succès. Depuis nombre d'années la navigation russe est reçue chez nous sur le pied des nations les plus favorisées, et nous, parce que nous n'avons pas de traité avec la Russie, nous sommes obligés de payer dans ses ports des droits beaucoup plus élevés que les pays qui ont des traités de commerce avec cette puissance. Vous comprenez, messieurs, qu'il est impossible que nous continuions à accorder à la Russie, sans réciprocité, les avantages dont nous l'avons fait jouir jusqu'à présent. Je n'aime pas les mesures de représailles, mais je crois que le moment est venu d’appeler sérieusement l'attention de notre ministre à Berlin sur l'état de nos rapports avec la Russie.

Au mois de juillet dernier, messieurs, vous avez à l'unanimité voté une loi qui avait pour but d'attirer, dans les circonstances actuelles, autant que possible, les arrivages.

Nous avons profité de la guerre qui existait entre le Danemark et l'unité allemande. Il est vrai qu'aujourd'hui il y a un armistice ; niais il ne dure plus que trois ou quatre mois ; la guerre pourrait recommencer, et il serait très avantageux pour la Belgique d'attirer alors, comme avant l'armistice, les chargements qui seraient destinés pour les ports du Zollverein et les villes hanséatiques.

Je demanderai donc au gouvernement d'examiner s'il n'y a pas lieu de renouveler la loi, portant que les navires qui relâchaient dans les ports anglais, venant directement des colonies, seraient reçus comme des navires ayant des papiers à bord.

Je me résume. Je propose la suppression de la légation de Constantinople, et je propose d'en répartir le traitement entre les légations de Berlin, de Paris et d'Allemagne.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, j'ai prêté la plus scrupuleuse attention à tous les discours qui ont été prononcés dans la discussion générale du budget des affaires étrangères; et, pourquoi ne l'avouerai-je pas? Quoique président de cette section centrale que quelques orateurs n'ont guère ménagée, je les ai entendus tous avec un véritable plaisir. Mais j'avais hâte de m'expliquer à mon tour, car on a prêté à la section centrale des vues, des opinions qu'elle n'a point manifestées et qui surtout n'ont jamais été les miennes. Toutefois, je dois le déclarer, en commençant, je n'ai aucune mission pour défendre la section centrale; c'est en mon nom personnel et non au sien que je vais parler : les discours que viennent de prononcer M. le ministre des affaires étrangères et; l'honorable M. Osy, me permettront, du reste, d'abréger les développements dans lesquels je croyais entrer.

Messieurs, vous avez entendu plusieurs orateurs vous faire un brillant éloge de la diplomatie; vous avez entendu une énumération complète de tous les services que la diplomatie a rendus au monde, de tous ceux qu'elle est appelée à lui rendre encore. Je dis complète, car on est parti des temps qui ont précédé la civilisation , et on ne s'est pas fait faute de prévoir toutes les éventualités que le temps et les circonstances peuvent amener.

Eh bien, messieurs, je le déclare avec la plus grande sincérité, j'applaudis, sans réserve aucune, à cet éloge que je trouve parfaitement mérité, je reconnais que la diplomatie nous a rendu de grands services, et j'ai la conviction qu'elles nous en rendra encore. Mais il faut croire, à voir les efforts extraordinaires qu'ont faits ces orateurs, que tout le monde ici ne partage pas mes convictions ; pour ma part, je m'en réjouis, car s'il en avait été autrement, nous eussions perdu deux ou trois excellents discours.

Quoi qu'il en soit, que ces honorables collègues me permettent de le leur dire, ils se sont posé à eux-mêmes une fort belle thèse, pour avoir l'occasion de la développer d'une manière que j'ai trouvée moi-même admirable; en réalité, ils n'ont pas traité la véritable question que vous avez à décider. Quand vous seriez tous d'accord pour ratifier ce qu'ils vous ont dit, il n'en résulterait pas que tout ce qui a existé jusqu'ici, soit parfait et qu'on n'y pusse rien changer ; il n'en résulterait pas que l'on doive ou qu'on puisse maintenir ce qui existe, enfin qu'il n'y ait pas convenance, nécessité à réduire le chiffre du budget du ministère des affaires étrangères.

Messieurs, il est une chose que je crois avérée, reconnue par tout le monde : c'est que depuis quelque temps et surtout depuis les événements qui ont signalé la première partie de cette année, une voix s'est élevée dans toutes les provinces du royaume, que dis-je! dans toutes les localités, voire même les plus petites, les plus éloignées, pour demander, pour réclamer avec instance des économies dans toutes les branches du service public. Les organes des différentes opinions qui se partagent le pays, se sont de leur côté rendus l'écho de cette voix unanime, et les élections qui ont eu lieu au mois de juin dernier se sont faites au seul cri de ralliement, au seul mot d'ordre : Economies!

Ceci posé, et je crois que je ne rencontrerai aucun contradicteur sur ce point ; ceci posé, que devait faire le gouvernement ? Qu'a faille gouvernement? Représentant fidèle de l'opinion du pays, il s'est appliqué avec une sollicitude dont nous devons lui savoir gré, à répondre au vœu si unanimement exprimé par le pays. Il a fait un examen sévère, détaillé, de toutes les branches de l'administration générale, et sur toutes, sans exception, il a arrêté en principe des économies qu'il est venu soumettre à la sanction de la législature.

Eh bien, je suppose pour un moment que le gouvernement, se laissant aller peut-être à des sympathies que je partage, ait eu la faiblesse, en arrêtant ce système général d'économies, qui atteint, je le répète, toutes les administrations sans exception aucune, ait eu la faiblesse de faire une exception en faveur du corps diplomatique ; je suppose encore que pour expliquer, pour justifier cette exception, il soit venu adresser à la chambre les discours qu'ont prononcés les honorables MM.de Liedekerke, Dechamps et Thibaut; je vous le demande, que serait-il arrivé?

De tous les bancs de la chambre, de toutes les parties du pays, auraient surgi les reproches les plus amers, les accusations les plus violentes. On se serait écrié ici et en dehors de cette enceinte : « Toujours l'ancien système! on ménage les gros appointements ; on ne s'en prend qu'aux petits. Les diplomates ! oh ! ce sont toujours les favoris du gouvernement. Les diplomates, on n'ose pas toucher à leurs traitements!» Probablement même on aurait ajouté avec bienveillance : « Les ministres savent bien ce qu'ils font; ils ont sans doute quelque arrière-pensée personnelle ; ils se réservent quelque bonne mission diplomatique à exploiter. »

Voilà l'accueil qu'auraient reçu les ministres, s'ils avaient ménagé le corps diplomatique et si, pour se justifier, ils avaient parlé comme l'ont fait les orateurs que je viens de citer.

Mais là ne se seraient pas arrêtées les conséquences fâcheuses de l'exception qu'aurait admise le gouvernement. Les voles qui auraient été exprimés dans cette assemblée se seraient à coup sûr ressentis du mécontentement, de la mauvaise humeur qu'on aurait éprouvée; ils auraient été bien plus fâcheux pour le corps diplomatique, que ceux auxquels il doit s'attendre aujourd'hui, parce que les réductions auraient été proposées, votées avec précipitation, avec passion peut-être, sans règle, sans principes, sans justice, au lieu d'être le résultat d'une proposition générale mûrement réfléchie, d'une délibération sage et modérée.

Le gouvernement s'est donc exécuté lui-même; il n'a pas voulu s'exposer à des décisions peu réfléchies, mais dont il aurait pu rejeter sur d'autres la responsabilité. Son système, je le conçois, n'obtiendra pas l'assentiment, l'approbation de tous; mais il est irréprochable quant aux intentions, parfaitement motivé par les circonstances, et il fait partie d'un travail d'ensemble qui embrasse tous les objets.

Mais croyez-vous donc que ce soit par plaisir et de gaieté de cœur que le gouvernement vient vous présenter et que nous sommes disposés à voter la suppression de plusieurs corps qui ont rendu au pays d’incontestables services, la diminution du nombre des fonctionnaires de (page 158) presque toutes les administrations, la réduction de beaucoup de traitements ? Eh non ! sous bien des rapports, je partage, quant à moi, les idées qui ont été si éloquemment développées dans la séance de samedi et dans celle d'hier.

Si je ne faisais violence à mes dispositions presque instinctives, si j'écoutais mes sentiments personnels, fonctionnaire moi-même longtemps, ne demandant pas mieux que de le redevenir encore, si les motifs qui m'ont forcé à la retraite venaient à cesser, j'éprouve pour les fonctionnaires en général de tous les rangs, de toutes les catégories, autant de sympathie que qui que ce soit dans cette chambre. Mais le pays a parlé! Il a parlé clairement, et je comprends avec lui l'urgence d'entrer dans un système d'économie.

Le pays a tort, me dit-on, il se trompe. Evitons de tomber dans l'erreur où il s'est aveuglément laissé entraîner. Défendons-nous, s'écrie l'un, de cette prévention exagérée que les abus se seraient tellement accumulés qu'ils autoriseraient des réformes radicales, qu'il y aurait tant de branches parasites à retrancher. Défendons-nous de cette prévention qui ne serait ni juste ni fondée. Gardons-nous, me dit un autre, d'un dangereux entraînement ; résistons à ces réclamations générales, il est vrai, mais enfin exagérées. C'est à nous à détromper, à éclairer le pays.

Eh bien, soit ; je suis prêt à apporter ma faible coopération pour détromper, pour éclairer le pays.

Mais je doute que mes avis, mes représentations, mes conseils soient accueillis avec faveur, lorsque la conclusion en sera que chacun devra se résigner à abandonner au trésor public une part plus grande de sa fortune qu'il ne l'a fait par le passé..

Que l'on veuille bien me répondre à ces questions bien simples? Est-il vrai, oui ou non, que depuis 18 ans que nous sommes organisés en Etat indépendant, nos dépenses, nos charges ordinaires et extraordinaires ont pour chaque exercice dépassé nos ressources? Est-il vrai, oui ou non, que cette année nous avons eu des charges extraordinaires à supporter, et que plusieurs branches de revenus publics ne fournissent que des produits de beaucoup inférieurs aux évaluations du budget ?

Est-il probable, oui ou non, que cet état de choses se prolongera quelque temps encore, tout au moins pendant tout au exercice? Est-il vrai, oui ou non, que nous avons nous-mêmes amoindri, que nous sommes à la veille d'amoindrir encore plusieurs des sources qui alimentent le trésor de l'Etat? Dois-je citer le timbre des journaux, la réforme postale, le droit de patente, l'impôt personnel?

C'est égal, dit-on ; il y a des économies qui ruinent, il y a des dépenses qui enrichissent; rejetons les économies qu'on propose, maintenons les dépenses telles qu'elles étaient. Mais alors, messieurs, soyez justes pour tout le monde ; si vous voulez maintenir au budget des affaires étrangères le chiffre qui y figurait l'année dernière, commençons par revenir sur le vote que nous avons émis récemment concernant les traitements de la cour des comptes, car personne ne trouvait 7,000 fr. hors de proportion avec les fonctions dont les membres de la cour des comptes sont chargés. Eh l'on n'a réduit leur traitement que parce que l'on a reconnu la nécessité de faire des économies. Décidons aussi que nous rejetterons impitoyablement les différentes propositions du gouvernement ayant pour objet de supprimer des corps qui ont rendu de longs et d'incontestables services; disposons-nous à repousser de même toutes les réductions qu'on propose sur les appointements qui étaient invariables jusqu'ici. Ainsi nous renoncerons généralement, définitivement au système d'économie, réclamé de toute part.

Mais alors que ferons-nous? Les emprunts volontaires sont impossibles dans le moment et ils le seront pendant longtemps encore ; du moins ils ne se feraient qu'à des conditions désastreuses pour le pays ; d'ailleurs notre dette publique est assez élevée, ce me semble, et nous devons nous appliquer à ne pas l'augmenter. Les emprunts forcés, il n'en est plus question dans la pensée de personne ; et quant aux bons du trésor qui faisaient le système favori des précédents cabinets, ce système la chambre l'a condamné.

Je prévois la réponse qu'on va me faire ; je l'ai déjà pressentie ; on me dira : Il est des impôts nouveaux qu'on pourrait établir; il est d'autres impôts qu'on pourrait augmenter ;'il s'agit seulement de faire un bon choix. Oui; mais quand le gouvernement fait un choix, quand il désigne un impôt à créer ou à augmenter, on trouve toujours que ce n'est pas celui auquel on aurait dû s'arrêter.

On signale mille inconvénients, mille dangers, et l'on se montre très peu empressé de l'adopter.

Repassez dans votre mémoire tous les impôts qui grèvent le pays, l'impôt foncier, l'impôt personnel, l'enregistrement, les patentes, les douanes, les accises. Oh! tous ces impôts sont arrivés à leur dernier terme ! S'agit-il des péages ; ils sont tellement onéreux qu'ils accablent le commerce! Loin de les augmenter, il est urgent de les réduire! Quant aux impôts nouveaux, informez-vous, messieurs, de ce qui se passe dans les sections relativement à l'impôt sur les successions; récapitulez le nombre de voix qui se sont prononcées en faveur de cet impôt et le nombre de voix qui le rejettent, et vous verrez comme on est bien disposé à cet égard.

Messieurs, si dans la discussion générale, on avait embrassé simultanément les voies et moyens et les dépenses, je crois que plusieurs orateurs auraient un peu modifié leur langage; mais ils ne se sont occupés que d'un seul côté de la question, et ils ont eu soin de choisir le plus facile, celui qui prêtait le plus à de beaux développements.

Pour moi, je reconnais la double convenance ou, pour mieux dire, la double nécessité de diminuer les dépenses publiques et d'augmenter les ressources.

Mais en réduisant le nombre des fonctionnaires et les appointements dont jouissent ceux qui resteront en fonctions, nous tâcherons de ne bouleverser aucune existence, de ne méconnaître aucun droit acquis; nous tâcherons de ne point froisser des intérêts légitimes, je le répète; seulement pour être juste, il faut que nous traitions également toutes les administrations, y compris celle dont nous nous occupons en ce moment.

En résumé nous sommes d'accord sur l'importance de la diplomatie, sur la réalité des services que le corps diplomatique a rendus et est appelé à rendre encore. Mats la conséquence en est-elle qu'il ne faut supprimer aucun poste, qu'il ne faut réduire aucun traitement? Non; l'honorable M. Dechamps lui-même a reconnu qu'il fallait supprimer certaines missions secondaires, et je suis de son avis. Quant aux rédactions d'appointements sur les missions conservées, je ne les veux que comme faisant partie d’un système général.

J'ai voté pour la réduction des traitements des conseillers de la cour des comptes. Je voterai pour la réduction, dans une proportion modérée, des appointements de certains membres du corps diplomatique, et j'agirai de même pour toutes les administrations dont nous aurons à nous occuper.

Cependant, messieurs, je ne crois pas que le zèle de la cour des comptes se ralentira, et je ne crois pas que les autres fonctionnaires, dont les appointements seront réduits, montreront moins de dévouement et d'activité que par le passé. Je juge les diplomates comme les autres fonctionnaires; et ici, messieurs, je suis heureux de pouvoir faire leur éloge à mon tour.

Je juge les diplomates plus désintéressés que ne le supposent les honorables préopinants; je suis certain qu'ils se résigneront et qu'ils comprendrons qu'en diminuant leurs appointements, nous n'avons fait que courber la tête devant la loi de la nécessité.

M. de Liedekerke. - Personne ne les a critiqués.

M. H. de Brouckere. - Que si l'on veut maintenir, en faveur du corps diplomatique, tous les avantages dont il est en possession, il faut être juste, il faut en agir de même vis-à-vis de toutes les administrations. Mais alors arrivera la conséquence inévitable que je vous ai signalée ; il faudra augmenter les impôts et les augmenter dans une forte proportion.

Je dirai maintenant quelques mots du travail de la section centrale.

Qu'est-ce qu'une section centrale? C'est une commission composée des représentants, des élus de chacune des six sections particulières, et d'un des présidents de la chambre.

Les six rapporteurs des sections se sont présentés dans la section centrale, porteurs chacun d'un procès-verbal, d'où il résultait que partout, partout sans exception, ou avait accepté les réductions proposées par le gouvernement; d'où il résultait, en outre, que dans plusieurs sections ou voulait aller au-delà.

La section centrale a procédé comme avaient fait les sections ; elle a, en général, adopté les propositions du gouvernement et elle en a formulé quelques autres.

On a attaché à ces dernières une grande importance. Voyons, en résumé, ce qu'elles sont.

La section centrale propose d'abord une réduction sur le chiffre de la mission d'Italie. Ici, messieurs, je dois le déclarer, je n'ai pas partagé l'opinion de la section centrale; il m’est, par conséquent, impossible de défendre cette proposition.

Le chiffre des trois légations de Prusse, d'Autriche et de Francfort réunis était de 91,000 francs. La section centrale a cru que l'on pouvait des trois articles n'en former qu'un et elle a réduit le chiffre de 91,000 fr. à 75,000 fr. Eh bien ! veuillez le remarquer, ce chiffre de 75,000 fr. est plus que suffisant pour maintenir deux légations de premier ordre, calculées d'après les propositions du gouvernement, et une mission de chargé d'affaires.

A en croire l'honorable M. Dechamps, il semblerait que la section centrale a voulu reconnaître l’unité de l'Allemagne comme définitivement établie. Mais tel n'est nullement le résultat des délibérations de la section centrale. Elle n'en a dit mot. Je ne veux pas entrer à cet égard dans un débat politique qui, à mon avis, messieurs, serait beaucoup plus imprudent que la proposition de la section centrale, si sévèrement condamnée par l'honorable M. Dechamps; cependant, je puis le dire, si une opinion s'est fait jour dans le sein de la section centrale, elle n'annonçait pas une grande foi dans le maintien de cette unité allemande. Mais la section centrale a pensé qu'il suffisait pour la Belgique d'avoir en Allemagne deux missions principales et une secondaire; ou même une mission principale et deux de second rang ; laissant, du reste, à cet égard, la plus grande latitude au gouvernement. Et la première mission qui, dans l'opinion de la section centrale, devait perdre de l'importance qu'on lui prête aujourd'hui, c'est précisément celle de Francfort. Je demanderai à la chambre de vouloir bien me dispenser d'entrer, à cet égard, dans des explications dont vous pouvez deviner la nature d'après ce qu'a dit l'honorable M. Osy, et qui sont donc extrêmement délicates. Mais si nous étions entraînés à ces explications, savez-vous ce qui en résulterait? C'est que la Belgique serait tout aussi bien représentée à Francfort par un chargé d'affaires intelligent qu’elle l'est aujourd'hui.

D'ailleurs, il y a, au budget des affaires étrangères, un chiffre (page 159) considérable pour les missions extraordinaires. Si certaines de ces nombreuses éventualités prévues par l'honorable M. Dechamps venaient à se réaliser, le ministre trouverait dans les ressources du budget les moyens d'accréditer un envoyé extraordinaire là où l'envoi de ce ministre serait reconnu utile. Je vous prie de le remarquer, messieurs; jamais quand nous avons eu un traité important à négocier, les négociations n'ont été abandonnées au ministre qui résidait dans la capitale où le traité devait être conclu. Toujours on lui a adjoint un envoyé extraordinaire. On l'a fait récemment pour les Pays-Bas à l'occasion du traité du 29 juillet 1846, comme on l'avait fait en 1839.

Ainsi vous le voyez, réduite à sa plus simple expression, cette proposition de la section centrale ne méritait pas toutes les attaques auxquelles elle a été en butte.

Nous avions d'ailleurs devant nous l'exemple de ce qu'avait fait le ministère pour l'Italie. En Italie il n'a établi qu'une seule mission, et notre ministre qui réside à Rome est en même temps accrédité près de toutes les autres cours de la péninsule : celles de Turin, de Naples, de Florence, de Parme, que sais-je? de Monaco peut-être.

Sur la légation de Turquie, qui, vous l'avez entendu, est menacée aujourd'hui d'un tout autre sort que celui que lui préparait la section centrale, sur la légation de Turquie, dont le chiffre total était de 30,000 fr., nous avons fait une réduction de 3,000 fr., et voici comment cette réduction s'explique.

Le traitement normal des chargés d'affaires (car nous n'avons plus qu'un chargé d'affaires à Constantinople) est de 15,000 fr. ; en décomposant le chiffre proposé par M. le ministre des affaires étrangères, nous avons vu que le traitement du chargé d'affaires y figurait pour 18,000 fr. et nous n'avons pas cru qu'il y eût lieu de faire cette exception à la règle généralement adoptée pour les autres légations du même rang.

Depuis, M. le ministre des affaires étrangères nous a fourni une note d'où il résulte que la somme de 18,000 fr. comprend :

« 1° Les frais du logement des cavasses, de remisage et d'entretien du caïque, espèce de bateau indispensable aux chefs de légation à Constantinople;

« 2° Tous les frais auxquels donne lieu l'emploi de bateaux ou de chevaux.

« 3° Tous les bacchis ou présents qu'il est resté en usage de donner dans les circonstances ordinaires. »

Mais, messieurs, nous trouvons au budget des affaires étrangères un article libellé de la manière suivante : « Art. 22. Frais de correspondance de l'administration centrale avec les agences, ainsi que des agences entre elles; secours à des Belges indigents; achat et entretien de pavillons, écussons, timbres, cachets, griffes ; achat, copie et traduction de documents ; abonnements aux journaux et écrits périodiques étrangers; frais extraordinaires et accidentels; » et l'on porte pour cela 74,000 fr. Eh bien, la section centrale, dans toute sa simplicité, a cru que sur ce chiffre de 74,000 fr. on pourrait prendre la somme nécessaire pour loger les cavasses et pour entretenir le caïque; je crois même qu'à la rigueur elle suffirait à payer les bacchis. Elle a donc réduit le chiffre à 15,000 francs.

Reste, messieurs, la mission du Portugal. Pourquoi, se demande-t-on, pourquoi la section centrale a-t-elle supprimé la légation du Portugal ? Messieurs, la section centrale a supprimé la mission du Portugal comme elle a supprimé celle de Bavière, comme elle a supprimé celle de Piémont, celles de Suède et de Danemark, celle de la Grèce; elle n'a pas eu d'autre motif.

Maintenant, je partage entièrement l'avis de l'honorable M. Osy. Si l'intention du gouvernement, eu cas de suppression, est d'accréditer près la cour de Portugal le ministre qui réside en Espagne, pour ma part j'aime tout autant rétablir le chiffre qui figurait primitivement au budget.

Du reste, messieurs, en ce qui me concerne personnellement, je vous déclare (et je finis par cette observation) que je ne mettrai aucune obstination, aucun amour-propre, quel qu'il soit, à défendre les opinions émises dans un examen préparatoire, et si je croyais qu'en faisant le sacrifice de ces opinions je pouvais amener un rapprochement entre ceux qui s'opposent au système d'économie dans lequel nous entrons et ceux qui veulent pousser les économies trop loin, je serais tout disposé à voter pour les premières propositions du gouvernement, telles qu'il les a formulées.

M. de Mérode. - Ce n'est pas la première fois que l'on réclame des économies sur les services publics, comme un moyen très efficace de soulager les contribuables. Ce n'est pas la première fois que l'on présente le budget des affaires étrangères comme une superfétation, au moins pour une partie notable des sommes qui lui sont attribuées. Toutefois, dans les débats précédents dont cette chambre a retenti si souvent à mon oreille, à propos de nos missions au dehors, les plaidoyers en faveur de réductions importantes sur les frais diplomatiques n'ont pas eu, de leur côté, la force des bonnes raisons, car la généralité des représentants du pays n'avait aucun intérêt à maintenir à tant de reprises des dépenses inutiles dissipées à l'extérieur; et celles qui ont reçu la sanction des chambres ne l'ont certes pas obtenue sans un sérieux examen.

Or si, dans la situation antérieure de l’Europe, on n'a pas jugé notre état diplomatique trop considérable, comment la position politique du monde depuis février offrirait-elle une heureuse et subite occasion de beaucoup affaiblir nos missions à l'étranger?

Je ne reproduirai point ces considérations qui vous ont été soumises avec tous les développements nécessaires. Je n'ai entendu jusqu'ici contre elles aucune réponse victorieuse.

Il est cependant un motif péremptoire, et qui a été présenté par l’honorable M. de Luesemans, lorsque je me suis permis, non de l'interrompre, mais de lui indiquer en deux mois mon désir qu'une réfutation des discours contraires aux économies excessives vînt détruire l'effet que ces discours ont produit sur moi et sur d'autres de nos collègues probablement; ce motif, c'est l'impossibilité de trouver dans les recettes l'équivalent des dépenses ; car celui qui n'a pas le moyen de payer les choses même les plus nécessaires est forcé de ne pas les acquérir.

Mais pourquoi sommes-nous privés de ces ressources? C'est parce que l'Etat renonce bénévolement aux recettes dont il disposait précédemment.

Ainsi l'on a d'abord réduit beaucoup le timbre sur les journaux qui n'était nullement onéreux aux contribuables: puis tout à coup on a supprimé tout timbre quelconque.

Quant à moi, malgré le vent qui soufflait, je n'ai pas voté cette suppression, dont il faudra bien des rognures sur d'utiles dépenses, pour former l'équivalent économique.

Le gouvernement nous propose une réforme postale qui réduira d'abord considérablement le budget des voies et moyens, tandis que cette branche de revenus publics augmentait chaque année.

M. Rodenbach. - Non ! cela ne réduira pas les recettes.

M. de Mérode. - Si ! si ! Vous voulez obtenir la popularité par tous les bouts; quant à moi, ce n'est pas ainsi que j'entends les affaires.

Les chemins de fer, on nous l'a positivement assuré, devaient être une source de revenus importante pour nos finances et venir largement à la décharge des contribuables. Mais au lieu de ce résultat, les chemins de fer sont tellement administrés que les intérêts des dettes contractées pour leur création et les frais d'exploitation absorbent ordinairement le quart de l'impôt foncier et, cette année, près de la moitié.

Les contribuables payent aussi à l'Etat six millions d'impôt pour la consommation du sucre, mais la moitié de cette somme, qui serait si profitable pour le trésor public, est livrée en primes qui se perdent dans un brouillard habilement coagulé et qu'on ne veut pas dissiper, en le remplaçant par une législation simple et claire qui supprimerait une prodigalité si grande et si peu motivée.

Ainsi donc si la chambre veut que les services publics soient convenablement maintenus, elle doit s'opposer à ces brèches considérables faites aux budgets des voies et moyens, brèches que l'on veut combler ensuite par de nouveaux impôts, qui dépouillent les uns pour faire aux autres des cadeaux aux dépens des premiers.

Messieurs, tout s'enchaîne dans les actes du gouvernement. Si les abus que je viens de signaler sont continués aux dépens des recettes applicables aux budgets des voies et moyens, il faut réduire toutes les dépenses même au détriment d'une bonne administration, ou il faut accepter des taxes nouvelles très onéreuses, et peut-être subir à la fois les deux inconvénients ; aussi malgré les justes observations présentées contre des retranchements notables au budget diplomatique, je serai forcé de voter ceux qui sont proposés par M. le ministre des affaires étrangères.

Quant aux rognures que veut y faire encore la section centrale, elles diminueraient très peu les charges, et puisque M. le ministre des affaires étrangères a lui-même tranché dans le vif très fortement, je n'irai pas au-delà.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai eu l'honneur de déposer un projet de loi sur le transit, en faisant remarquer qu'il est indispensable que ce projet soit voté avant le 1er janvier prochain, les pouvoirs donnés au gouvernement expirant à cette époque. Jusqu'à présent on ne s'est pas occupé de cet objet : je demande que la chambre, ou bien renvoie ce projet à l'examen d'une commission spéciale, ou bien déclare qu'elle ne pourrait pas s'en occuper en ce moment; en ce dernier cas, je déposerai un projet de loi transitoire, qui continuerait au gouvernement les pouvoirs qu'il a eus jusqu'à présent.

M. Dumortier. - Messieurs, il sera littéralement impossible que nous discutions avant le 1er janvier le projet de loi sur le transit, qui nous a été présenté. Nous devons nous occuper avant tout des budgets. Il est notamment à désirer que le budget des voies et moyens soit examiné bientôt par les sections afin que la section centrale puisse, à son tour, s'en occuper. J'engage donc vivement M. le ministre des finances à déposer le projet transitoire dont il vient de nous entretenir. (Adhésion.)

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Au nombre des projets de lois qui doivent être également votés avant le 1er janvier, figure celui qui est relatif aux denrées alimentaires. Les pouvoirs du gouvernement, à cet égard, expirent au 31 décembre.

M. le président. - Je pense que la plupart des sections ont terminé l'examen de ce projet. Plusieurs sections ont également terminé l'examen du budget des voies et moyens ; aussitôt que quatre sections auront achevé leur travail, la section centrale sera convoquée, car il faut bien que nous soyons en mesure d'envoyer le budget des voies et moyens au sénat, au moins avant le 20 de ce mois.

Je prie MM. les présidents des sections de hâter l'examen de tous les autres projets urgents, les projets de lois présentés par M. le ministre de la justice doivent aussi être votés avant la fin du mois.

Projet de loi définitif sur le transit

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer le projet dont je viens de parler à la chambre.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet et le renvoi à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.

La séance est levée à 4 heures et demie.