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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 199)

M. Dubus procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

- La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Ph. de Goer et le sieur Massart, chef de division au ministère des finances, se présentent comme candidats à la place vacante de conseiller à la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le conseil communal de Rethy demande l'abrogation des dispositions de la loi du 10 février 1843, qui met à charge des riverains une partie des dépenses de construction du canal de la Campine. »

M. Coomans. - Plusieurs pétitions de la même nature ont déjà été adressées à la chambre; elles sont relatives à un très grand intérêt qui nous préoccupe tous : le développement de l'agriculture surtout par voie de défrichement. Ces pétitions demandent des changements à une loi qui gêne, parait-il, le défrichement de la Campine.

Je propose donc le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Schenaerts, capitaine en non-activité de service, fait hommage à la chambre de six exemplaires d'une brochure intitulée : L'armée envers l’Etat, sous le rapport du budget.»

« Les sieurs Rey, Verhulst et autres membres de la commission pour la réforme postale présentent des observations sur cette question. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Marine

Sixième section. Paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres pour le transport des lettres
Articles 41 et 42

M. le président. - La discussion continue sur les articles 41 et 42.

M. de Luesemans, rapporteur. -Messieurs, j'ai demandé la parole afin de donner quelques explications qui seront de nature à empêcher la discussion de s'égarer, et à donner plus de facilité pour l'intelligence des faits.

Il s'agit, en premier lieu, d'un transfert, comme cela résulte des détails contenus dans le rapport de la section centrale.

Sur ce premier point il ne peut point y avoir de discussion, c'est une simple régularisation.

La seule discussion doit s'établir sur une diminution de 8,150 francs, ainsi justifiée :

1° Suppression de l'agence des paquebots à vapeur à Bruxelles : fr. 3,750.

2° Traitement de son commis : fr. 400.

Ensemble : fr. 4,150.

Le second point a pour but de supprimer 4,000 fr. sur les huit mille demandés par le gouvernement à l'article : Chaudronniers, etc., dont parle M. le ministre des affaires étrangères, p. 46 du rapport, ci fr. 4,000.

Total : fr. 8,150.

La chambre pourrait donc s'occuper de discuter ces points soit simultanément soit par division.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Le gouvernement a demandé à l'article 41 une somme de 62,836 fr., et à l'article 42 une somme de 36,300 fr., qu'il a réduite ensuite à 33,780 fr., parce que les frais de l'agence des paquebots à vapeur à Londres sont maintenant à la charge de l'amirauté anglaise.

D'après la proposition de la section centrale, ainsi que l'honorable rapporteur vient de l'expliquer à la chambre, il y a deux questions : d'abord un transfert de l'article 42 à l'article 41, puis des réductions sur les crédits.

Quant au transfert, je ne fais aucune objection.

Ainsi, la discussion peut s'ouvrir sur les chiffres du gouvernement. Nous demandons, à cet article 41, 82,246 fr. Il existe entre la proposition de la section centrale et celle du gouvernement une différence de 4,000 fr. Cette réduction, proposée par la section centrale, porte sur le traitement des chaudronniers.

L'administration a institué à Ostende un atelier pour la réparation des chaudières des bateaux à vapeur. Jusqu'à l'époque où cet atelier a été créé, on devait avoir recours aux ouvriers d'un grand établissement du pays. Ce grand établissement est assez éloigné d'Ostende, de sorte que le voyage même à faire pour les ouvriers était une charge assez lourde. Ainsi l'institution de cet atelier, pour lequel le gouvernement demande 8,000 francs, a produit une économie réelle. Ce qui le démontré, ce sont les dépenses qui devaient être faites avant la création de cet atelier.

Par exemple du 1er janvier au 11 avril, l'atelier n'étant pas encore organisé, il y a eu une dépense, pour les ouvriers étrangers seulement, de 4,700 fr., pour les fournitures de 11,240 fr. Nous demandons donc 8,000 fr. pour faire face d'abord au traitement de deux mécaniciens, qui s'élèvent à 2,880 fr., plus 5,120 fr. pour les ouvriers.

Remarquez que ce crédit n'est pas limitatif, sauf le traitement des deux mécaniciens. Quant aux ouvriers, la dépense est variable. Si nos navires subissent des détériorations par suite du mauvais temps ou d'une autre manière, les réparations seront plus considérables. Dans ce cas, il est possible que ce crédit soit dépassé.

Si, au contraire, il n'y a que peu d'avaries, le montant de l'allocation ne sera pas atteint par la dépense, et l'excédant restera acquis au trésor. Il en résulte donc que la fixation du chiffre est évidemment sans importance.

J'ai maintenant à m'expliquer sur le deuxième point qui concerne l'agence de Bruxelles.

Je ne puis pas admettre, messieurs, la réduction ou plutôt la suppression, qui est proposée par la section centrale, de l'agence instituée à Bruxelles pour le service de nos paquebots à vapeur.

La section centrale fonde la suppression de l'agence à Bruxelles sur son inutilité ; elle pense a que la présence d'agents dans les ports d'embarquement et les courriers sur les chemins de fer suffisent amplement.

« Tous les renseignements dont pourraient avoir besoin les courriers et autres agents peuvent très bien être fournis au ministère des affaires étrangères. »

Il nous sera facile de démontrer que chacune de ces assertions est inexacte.

En thèse générale, voici la besogne de l'agent de Bruxelles :

Il occupe dans une des rues les plus fréquentées de la ville un bureau devant lequel se trouvent des enseignes, des écriteaux et des affiches qui font connaître le service aux voyageurs. Il rédige les annonces mensuelles, les expédie sur toute la ligne des chemins de fer et des bateaux à vapeur jusqu'à Strasbourg; il donne des instructions aux agents et courriers d'après les ordres qu'il reçoit de l'administration centrale et est spécialement destiné à être mis en rapport avec les voyageurs.

Depuis le commencement jusqu'à la fin de la journée, les voyageurs abondent dans les bureaux pour demander des renseignements, soit sur le service en lui-même, soit sur les correspondances du service. Il faut qu'à toute heure on puisse leur donner les renseignements désirables et recommander le service. Si à Ostende on a jugé nécessaire d'avoir, à côté de l'officier supérieur des malles, un agent civil pour les relations à entretenir avec les voyageurs, à plus forte raison encore doit-on reconnaître la nécessité d'une agence à Bruxelles.

On prétend que les renseignements pourront être donnés au ministère; mais quel sera le voyageur qui viendra y demander des renseignements sur le service des malles-postes?

Les bureaux s'ouvrent dans les administrations à 9 heures du matin au plus tôt et se ferment à 4 heures de l'après-dinée au plus tard.

Après ces heures, les voyageurs ne recevront aucune indication , supposant même qu'il soit possible que l'hôtel occupé par le ministre reçoive des annonces, des pancartes, etc., à la porte des bureaux pour indiquer que c'est bien là qu'on donne les renseignements.

On voudrait chercher un moyen de nuire au service des malles-postes qu'on ne pourrait pas trouver un expédient plus efficace.

Si les agences sont aussi inutiles que veut bien le prétendre l'honorable membre, comment se fait-il que, depuis 1824, la société du General Steam Navigation Company entretienne à Bruxelles une agence qui coûte certainement trois ou quatre fois plus que l'agence des malles-postes,? C'est qu'apparemment elle y trouve son bénéfice, car elle a à Anvers et à Ostende des agents locaux et en outre des courriers sur le chemin de fer.

Une société particulière est cependant presque toujours à l'abri de ce reproche de prodigalité que l'on adresse bien souvent au gouvernement sans se rendre compte des circonstances qui provoquent ces frais indispensables.

Les courriers du service des malles-postes doivent être mis en relations avec presque tous les hôteliers; il faut empêcher qu'ils ne profitent de leur position pour recommander les hôtels au détriment les uns des autres ; enfin, la besogne d'un agent central est tellement nécessaire que toutes les sociétés qui ont établi des services de bateaux à vapeur en Belgique ont dû recourir à une semblable organisation.

(page 200) L'agent général de Bruxelles est en relation, avec le chemin de fer rhénan et la Société générale des bateaux à vapeur de Cologne, c'est-à-dire que d'Ostende à Strasbourg, chaque bateau, chaque voiture contient les annonces de notre service, sans qu'il en résulte, pour l'Etat, d'autres frais que ceux de l'impression.

Après avoir démontré l'utilité de l'agent en général, voyons les résultats qu'ont produits les courriers sous son impulsion.

On peut prouver, par des documents authentiques, que sur une recette de 90,829 fr. 92 en six mois, les courriers ont produit en 1846 : 11,321 fr. 36 c.

Sur une recette de 121,358 fr. 53, les courriers ont produit en 1847 49,639 fr. 50.

Sur une recette de 110,316 fr. 93, les courriers ont produit en 1848 55,864 fr. 22.

Soit environ 50 pour cent de la recette totale.

On doit reconnaître que plusieurs de ces voyageurs auraient choisi les bateaux de l'Etat, quand même ils n'auraient pas été guidés par les courriers, mais il faut avouer cependant que la plupart d'entre eux se sont laissé engager par ces agents.

Le gouvernement anglais en a si bien reconnu l'utilité, ses recettes à Ostende et à Douvres se sont tellement accrues depuis 1846, que l'amirauté, par une convention récente, s'est engagée à payer en Angleterre, c'est-à-dire à Londres et à Douvres, des courriers et des agents dont le traitement et autres dépenses s'élèvent à près de 12,000 fr. par an. Mais, par contre, la Belgique s'est engagée à maintenir ses courriers et ses agents sur le continent.

Le renvoi de l'agent général, qui est l'âme du service des courriers, serait, sans aucun doute, considéré par l'amirauté comme une atteinte portée à la convention, et elle serait en droit de reprocher au gouvernement belge cette infraction notable.

Il est probable même que les dépenses de publication et d'agence seraient considérablement diminuées en Angleterre et que la suppression de l'agent occasionnerait en une année un déficit bien plus considérable que l'économie produite par sa suppression.

270 voyageurs de première classe couvrent la dépense de toute l'agence et très certainement la perte ne s'arrêterait pas à ce chiffre. C'est donc bien moins qu'un voyageur par voyage.

Messieurs, il y a deux choses à considérer dans cette proposition. D'abord il s'agit d'un service destiné à produire des recettes pour le trésor; il ne s'agit pas ici d'une dépense tout à fait inutile, tout à fait improductive. Si la Belgique ne fait pas ce qu'il convient pour attirer des voyageurs sur ses paquebots à vapeur, il en résultera que les recettes seront infiniment moindres qu'elles n'auraient pu l'être.

D'un autre côté, par suite de l'arrangement fait récemment avec l'amirauté anglaise, l'Angleterre s'est chargée de faire face à certaines dépenses sur le territoire anglais. Je crois que cet arrangement est très avantageux pour notre entreprise. Si nous supprimons l'agence de Bruxelles, nous nous exposons à voir user de réciprocité en Angleterre, et le service en souffrira pour une somme bien plus considérable que celle que l'on veut économiser au trésor en supprimant l'agence de Bruxelles.

M. Van Iseghem. - Messieurs, les chaudronniers qui se trouvent à Ostende sont de simples ouvriers qui travaillent à bord des bateaux à vapeur. Ils sont deux et ont ensemble, comme vous l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, un traitement de 2,880 fr.

Primitivement, dans le budget des affaires étrangères, il y avait une somme de 36,112 fr. pour traitements accordés aux mécaniciens, chaudronniers, chauffeurs et agents.

Je me suis procuré des renseignements, et avant que la convention avec l'Angleterre fût signée, on m'a remis une note d'où il résulte que l'agent à Douvres recevait 3,000 fr., et l'agent de Londres 5,280 fr., ce qui faisait 8,280 fr. Le lendemain une convention a été signée par le gouvernement anglais ; par cette convention, tous les frais qui se font en Angleterre sont au compte de l'amirauté anglaise. Le chiffre de 36,112 fr. fut réduit à 33,000 fr., et pour trouver cette dernière somme, on a été obligé de changer la nature de la dépense, et au lieu de 2,880 fr., on a demandé 8,000fr. pour les chaudronniers.

Nous connaissons tous; messieurs, l'administration de la marine. C'est l'administration la plus dispendieuse et la plus arbitraire qui existe. Ce n'est pas la première fois qu'on attaque cette administration dans cette enceinte. Toutes les sections centrales qui ont examiné les budgets de la marine ont signalé de graves abus dans cette administration.

Dans la séance du 14 janvier 1845, lors de la discussion de ce budget, l'honorable M. Osy a pris la parole. Il a commencé par critiquer la nomination du capitaine Lahure, et voici ce qu'il a ajouté :

« Ensuite, il est étrange que nous ayons un capitaine de vaisseau quand nous n'avons que des bricks et des canonnières. La nomination de ce capitaine de vaisseau est une injustice envers les autres capitaines.

« Le gouvernement l'a si bien senti qu'il n'a publié l'arrêté de juillet 1844 dans le Moniteur ni dans le Bulletin officiel. Cela prouve bien que le gouvernement était honteux d'avoir pris cet arrêté. Quand on n'est pas honteux d'un acte, on le publie ; or, l'arrêté de nomination n'a pas paru, l'augmentation du traitement ne figure pas au budget. »

Alors M. Osy a entretenu la chambre d'une augmentation de 110 matelots qu'il a été impossible au gouvernement de justifier.

M. Verhaegen a également pris la parole, et voici ce qu'il a dit :

« Ce qu'il y a de plus clair pour moi, c'est qu'en demandant des fonds pour 110 hommes de plus, on a les coudées franches, si je puis m'exprimer ainsi, pour faire d'autres dépenses qu'on n'ose pas avouer tout haut, et entre autres pour poser des actes de favoritisme.

« L'observation de M. Osy est donc restée entière. M. le ministre n'y a pas répondu. »

Ainsi, messieurs, tout ce que nous avons vu depuis quelques années prouve qu'il y a de graves abus dans cette administration.

M. le ministre a déjà fait rentrer dans l'administration centrale un capitaine de vaisseau, qui avait une autorité beaucoup trop grande, et j'espère qu'il révisera aussi l'arrêté du mois de juillet 1844, qui lui donne des attributions indépendantes du ministre.

Puisque nous en sommes à l'article des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres, je me permettrai de demander à M. le ministre des affaires étrangères si l'on a fait cesser l'abus que j'ai signalé au mois d'août dernier : il s'agissait d'un agent à Douvres, qui livrait lui-même le charbon à bord des navires à vapeur, avec une augmentation de 2 schellings par tonneau sur les fournitures faites pour compte du gouvernement anglais. Cet agent privilégié, qui avait un traitement de 3,000 fr., fournissait le charbon à Douvres à tel prix qu'il voulait.

A Ostende, il y a aussi des bateaux à vapeur qui naviguent entre ce port et Douvres. Le consul anglais fait tous les ans, suivant les ordres des lords de l'amirauté, une adjudication publique pour la fourniture du charbon nécessaire à ce service.

Je crois que M. le ministre des affaires étrangères a pris des mesures à cet égard, et je l'en remercie.

Il arrive aussi qu'au lieu de donner à nos consuls non rétribués à l'étranger les affaires que le gouvernement a en son pouvoir, on donne la commission à d'autres étrangers. C'est ce qui a eu lieu pour l'affaire de la British-Queen. On n'a pas osé la confier à notre consul à Londres, qui aurait fort bien pu s'en acquitter, et qui est un parfait honnête homme. De même, au lieu de charger notre consul à Douvres de l'affaire des bateaux à vapeur entre cette ville et Ostende, on a pris une autre personne. Dernièrement deux conventions ont été signées entre l'amirauté anglaise et le gouvernement belge.

Le capitaine Baldock, de la marine royale anglaise, est venu dernièrement à Bruxelles et il a signé deux conventions, dont l'une avec M. l'inspecteur général de la marine, qui avait reçu à cet effet une délégation de M. le ministre des affaires étrangères. Ce même fonctionnaire belge a délégué de son côté pour signer la seconde, M. Piddington ; il résulte que nous autres Belges nous avons reçu un brevet d'incapacité et que nous sommes représentés en Belgique par un Anglais; le traité a été tellement bien fait que le service est devenu très difficile. Nous avons trois bateaux à vapeur qui naviguent entre Ostende et Douvres, et à tout moment il y a des réparations à faire à un bateau ; au lieu de faire partir alternativement un navire de chaque nation, on fait partir des navires anglais deux jours de suite et des navires belges aussi deux jours de suite. Les navires partent à 11 heures du soir; ils restent toute la nuit en mer et le lendemain ils sont obligés de revenir ; souvent en hiver par le mauvais temps des personnes restent pendant deux nuits sur le navire. C'est encore la faute de MM. Lahure et Piddington, que le service n'a pas été mieux organisé.

A Ostende, on a construit une maison qui doit servir de salle d'attente et personne ne sait sur quel crédit elle a été payée. Il y avait primitivement un accord entre l'administration de la marine et celle des douanes pour la visite des bagages des voyageurs qui arrivent à Ostende, n'importe par quel bateau. L'inspecteur général n'a voulu admettre que le bagage des voyageurs qui arrivent par les bateaux belges. Dernièrement M. l'inspecteur général de la marine a voulu y établir un restaurant, ce qui est indigne de la part d'un gouvernement, de se mêler d'une industrie privée et de se mettre en concurrence avec d'autres hôtels. L'adjudication a été annoncée; on a dépensé 70 fr. pour frais de publication et personne ne s'est présenté. Je fais une grande différence entre des restaurants situés dans des enceintes des stations des chemins de fer et ceux qu'on veut établir dans l'intérieur d'une ville. Cette salle d'attente est construite depuis un an et l'on n'en fait pas usage. Elle a coûté 20,000 fr. et je crois qu'on y a mis pour 10,000 fr. de meubles.

Je demanderai quand cette salle sera ouverte à tous les voyageurs qui débarquent de l'Angleterre.

M. le minutie a dit que l'indemnité accordée aux capitaines des malles belges était partagée équitablement. J'ai des raisons de croire qu'il y a encore ici du favoritisme, les uns reçoivent plus, les autres moins.

J'ai démontré que les ouvriers chaudronniers à Ostende n'avaient qu'un traitement de 2,880 fr. ; la action centrale propose 4,000 fr., la différence peut être appliquée à des ouvriers qu'il est quelquefois besoin d'employer deux fois par mois comme aides.

Il n'y a aucune utilité à avoir un agent à Bruxelles, qui est étranger, a qui on paye 3,750 fr. et 400 fr. pour un commis qui peut voyager gratuitement sur le chemin de fer.

Il y a fort peu de personnes, venant d'Allemagne, pour se rendre en Angleterre, qui passent par Bruxelles ; nous tous, pendant la session d'été, nous avons logé dans les hôtels de Bruxelles, et personne de nous n'a (page 201) vu d'agents dans ces hôtels, qui sont venus s'informer s'il y avait des voyageurs en destination pour l'Angleterre. „

C'est donc, messieurs, sur le chemin de fer que nous devons avoir des courriers pour engager les voyageurs à donner la préférence aux navires belges et des agents actifs dans les ports d'embarquement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je regrette vivement que l'honorable député d'Ostende ait cru devoir entrer dans des accusations en quelque sorte personnelles. L'honorable préopinant a fait une espèce de revue rétrospective de tout ce qu'il appelle des abus dans l'administration de la marine. Il ne s'est pas borné à l'administration actuelle; c'est dans les administrations antérieures qu'il a été rechercher ce qu'il nomme des abus. Il attribue ces abus à l'administrateur capable et éclairé qui est à la tête de la marine.

Il m'est impossible d'admettre une semblable accusation. Déjà dans une autre circonstance, une discussion de ce genre avait été soulevée, il est vrai, dans cette enceinte. L'honorable préopinant nous a cité des passages de quelques discours qui ont été prononcés, mais l'honorable préopinant n'a pas cité les réponses qui ont été faites à ces discours ; il me semble que quand on lit une partie d'une semblable discussion, qui tend surtout à incriminer une personne honorable, un haut fonctionnaire, il serait juste, il serait équitable de lire aussi l'autre partie de la discussion. Il est, en effet, trop facile de s'emparer d'un côté de la question, de l'attaque, sans faire connaître la défense. Je regrette que je n'aie pas le Moniteur de cette époque sous les yeux, je lirais aussi les réponses qui ont été faites aux discours que vous venez d'entendre. Et, en définitive, après un semblable débat, qu'est-il arrivé? Que la chambre, à la presque unanimité, a voté les propositions qui lui étaient soumises par le gouvernement ; on ne peut donc argumenter d'une manière rétrospective sur cet incident pour en tirer les conclusions de l'honorable préopinant. On ne peut tirer aucun parti d'une semblable discussion pour nuire à un administraient' dévoué, très-zélé, comme je me fais un devoir de le déclarer à la chambre.

A en croire l'honorable préopinant, le service des paquebots à vapeur serait mal organisé. Messieurs, je ne dis pas qu'il n'y ait certaines imperfections dans ce service, comme dans toutes choses; mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est parfaitement organisé; et tous ceux qui ont été à même de se servir de nos bateaux à vapeur peuvent l'affirmer.

Il faut, messieurs, rendre cette justice à celui que l'on attaque avec tant de vivacité : c'est que l'officier, qui a été placé à la tête de l'administration de la marine, a organisé tous les services qui en dépendent de la manière la plus complète. Il y a différents services très importants dans l'administration de la marine; il y a celui des paquebots à vapeur, celui du pilotage, les phares et fanaux, et d'autres encore. Tous ces services sont parfaitement organisés; on ne peut qu'applaudir à la manière dont ils sont dirigés.

Si, messieurs, quelques imperfections se sont encore glissées dans cette administration, nous chercherons à les faire disparaître. Sous ce rapport je prendrai note de tout ce qui pourra être dit dans cette enceinte ; j'y ferai droit, si les abus me sont prouvés.

Quant à l'agent de Bruxelles, je me demande s'il convient à l'assemblée de discuter aussi cette question de personne? Je crois que la chambre n'a qu'à se prononcer sur l'agence elle-même. Est-ce que cette institution est utile, ou est-ce qu'elle ne l'est pas? Voilà, me semble-t-il, la question à décider. J'ai déjà fait valoir de nombreux motifs pour démontrer que cette institution est réellement avantageuse au service des paquebots à vapeur. Si vous la supprimez, vous amoindrirez par contre les recettes de votre service. Voilà ce que vous aurez atteint par la mesure qui vous est proposée. Vous économiserez 4,150 fr., et vous perdrez peut-être une recette de 20,000 à 30,000 fr.

Tous les services de l'espèce, messieurs, ont des agents, ont des courriers pour amener les voyageurs sur les paquebots qui font les traversées. Pourquoi voulez-vous que le gouvernement belge ne fasse pas de même? Où est-il démontré que cette institution ne soit pas nécessaire? Je me permets de dire qu'on n'a pas apporté un seul argument à l'appui de cette assertion, tandis que je crois que j'en ai apporté de nombreux pour prouver le contraire. Il n'y aurait aucun motif pour le gouvernement de charger le budget d'une semblable dépense, si l'administration n'était pas convaincue que cette agence est règlement utile, nécessaire pour la prospérité du service que vous avez créé à grands frais. Lorsqu'on fait une entreprise, messieurs, il faut que l’on cherche tous les moyens de la faire fructifier; et ce n'est pas par des économies semblables, par la suppression de semblables institutions, que l'on peut parvenir à faire prospérer l'entreprise.

Quant au charbon destiné à nos paquebots à vapeur, il y a des adjudications. J'ai du reste tenu parfaitement note des observations qui out été faites par l'honorable préopinant, comme j'accepterai toujours avec plaisir toutes celles qui me seront faites. Je les examinerai avec le plus grand soin; et si réellement il y a des améliorations à apporter, je serai heureux de pouvoir les faire.

Messieurs, on a dit aussi qu'on ne chargeait pas les consuls belges de ce qui concerne le service des bateaux à vapeur. Messieurs, il ne suffit pas d'être consul pour convenir parfaitement pour un semblable service, il est possible que ce service ne soit pas du tout acceptable par un consul. Je ne sais si les consuls belges ont témoigné le désir d'exercer de semblables fonctions. Je l'ignore; mais je crois qu'il faut pour ce service, comme pour tout autre, des spécialités.

Messieurs, si je maintiens donc le chiffre pour l'agence de Bruxelles, c'est que je le crois nécessaire pour notre service de bateaux à vapeur, et que je suis persuadé que l'économie qu'on veut faire serait largement compensée par une diminution dans les recettes; c'est que je pense que c'est une institution utile; voilà les motifs qui me font persister dans ma proposition.

M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable M. Van Iseghem prétend qu'il y a beaucoup d'abus dans le service des paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres. M. le ministre des affaires étrangères nie ces abus, en reconnaissant toutefois que les choses ne sont pas portées à la perfection.

Pour savoir lequel des deux a raison, de l'honorable M. Van Iseghem ou de M. le ministre des affaires étrangères, il faudrait une enquête, et M. le ministre des affaires étrangères ne ferait pas mal d'en ordonner une pour que l'on sache une bonne fois à quoi s'en tenir sur les plaintes qu'on forme constamment contre l'administration de notre marine. J'ai une entière confiance dans l'honorable ministre des affaires étrangères, mais il pourrait être trompé par ses subordonnés.

Messieurs, je n'ai pas d'abus à signaler ; mais si j'en juge par les résultats que j'ai découverts après quelques recherches, le service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres doit être gros d'abus.

C'est une preuve entre mille, messieurs, qu'il n'est pas bon que le gouvernement se fasse entrepreneur d'industrie. Lorsque le gouvernement se fait entrepreneur d'industrie, on n'a pas, pour mener l'entreprise à bonne fin, l'activité que l'intérêt particulier peut seul donner. Là où un particulier, si l'entreprise était pour son compte, ne prendrait qu'un employé, l'Etat en prend trois ou quatre. Les achats de l'Etat se font presque toujours à des prix plus élevés que les achats des particuliers.

A en juger par les résultats, messieurs, l'entreprise des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres est ruineuse pour l'Etat. On aurait bien fait de ne pas créer ce service. Je crois qu'on ferait bien de l'abandonner.

D'après M. le ministre des affaires étrangères, la dépense de ce service serait inférieure à la recette. Nous lisons en effet à la page 58 du rapport de la section centrale que .M. le ministre des affaires étrangères a fourni à l'appui de ses demandes la note ci-après :

« Le service des bateaux à vapeur comprend une somme de 205,800 fr. pour matériel, plus pour personnel 36,300 fr. Total 242,100 fr., somme égale à celle qui était portée au budget de 1848.

« Par contre, les recettes probables de ce même service figurent au budget des recettes pour 312,000 fr. »

D'après cette note de M. le ministre des affaires étrangères, l'entreprise est fort bonne, car elle produit annuellement 312,000 fr., et ne coûte que 242,100 fr. Le bénéfice est de 69,900 fr. C'est une fort belle entreprise que celle qui donne annuellement un bénéfice aussi considérable.

Par malheur la note de M. le ministre des affaires étrangères n'est pas exacte. Je ne lui en fais pas un reproche; je suis convaincu que les nombreux et importants travaux dont il est chargé ne lui auront pas laissé le temps de vérifier l'exactitude de toutes les notes émanées de ses bureaux.

La dépense n'est que de 242,100 fr. par année. On oublie qu'il y a au budget, pour le personnel des bateaux à vapeur, une allocation de 62,836 fr.

Si nous ajoutons ces 62,856 francs aux 242,100 francs indiqués par M. le ministre, la dépense sera de 3504,936 francs. La recette étant de 312,000 francs, il y aurait encore un bénéfice de 8,000 francs environ. On n'aurait pas à se plaindre, mais tout n'est pas dit. Qu'est-ce que les bateaux à vapeur ont coûté ?

M. Osy. - Un million.

M. Delfosse. - Je crois qu'il y a un peu d'exagération dans le chiffre indiqué par l'honorable M. Osy. Ils n'ont, je pense, coûté que 900,000 francs. Je ne veux pas qu'on m'accuse d'exagération.

Ces bateaux n'auront qu'une durée limitée. Il faut donc tenir compte de l'intérêt du capital engagé et des frais d'amortissement. Aux 5 p. c. d'intérêts j'ajoute 10 p. c. pour l'usure; la dépense annuelle s'accroît ainsi de 15 p. c. du capital. C'est une somme de 125,000 francs à ajouter aux 304,000 francs, en tout 429,000 francs.

La dépense annuelle qui, d'après M. le ministre des affaires étrangères, n'était que de 212,100 fr., est à peu près de 430,000 La différence est un peu forte.

Si la recette était de 312,000 fr., comme on l'annonce, la perte serait de plus de 100,000 fr. annuellement. Mais la recette n'est pas de 312,000 fr. ; c'est un chiffre imaginaire qu'on a porté au budget. Pourquoi? Je n'en sais rien.

Voyons ce qu'on a reçu. On a reçu en 1840 (la première année), 83,000 fr. ; en 1847, 139,000 fr.; en 1848, 120,000 fr.

La dépense, qui n'était, d'après la note, que de 242,100, s'élève en réalité à 425,000. ; la recette, qui, d'après la cote et d'après le budget, devait être de 312,000 fr., n'est que de 120,000 fr.

Voilà donc un service qui occasionne chaque année à l'État une perte de 300,000 francs.

Il est vrai que quand nous n'avions pas ce service, nous ne pouvions pas transporter nous-mêmes les dépêches; nous les faisions transporter (page 202) par d'autres ; nous avons payé de ce chef, annuellement, une somme de 50,000 fr., mais, d'un autre côté, il y avait un service de bateaux à vapeur qui payait à l'Etat des droits assez considérables, s'élevant, m’a-t-on assuré, à 36,000 fr.

Je ne demande qu'à m'éclairer; si l'on peut rectifier les chiffres que je viens d'indiquer, je reconnaîtrai volontiers mon erreur; mais les recherches que, j'ai faites me portent à croire que je suis dans le vrai. Sommes-nous assez riches pour faire chaque année une perte de 300,000 francs pour la satisfaction puérile de transporter nous-mêmes les dépêches ? Ne serait-il pas préférable d'abandonner cette malheureuse entreprise de paquebots à vapeur, presque aussi fâcheuse pour nous que l'achat de la British-Queen ? Toutes ces entreprises que le gouvernement dirige ont rarement un résultat favorable.

Messieurs, les ministres peuvent être de la meilleure foi du monde, mais ils doivent, sur bien des choses, s'en rapporter à leurs subordonnés.

J'arrive à une conclusion, j'ai assez de confiance dans la loyauté de M. le ministre des affaires étrangères pour être convaincu qu'il si fera rendre compte de tous les faits et qu'il mettra fin aux abus, s'il en découvre. Je ne voudrais pas cependant que la chambre s'engageât triop dans une voie que je considère comme mauvaise, et si les explications que M. le ministre des affaires étrangères pourra nous donner ne me paraissent pas satisfaisantes, je proposerai à la chambre de n'allouer en ce moment que la moitié du chiffre, c'est-à-dire les sommes nécessaires pour le 1er semestre. Entre-temps en examinerait la question de savoir s'il ne serait pas utile et même nécessaire d'abandonner une entreprise aussi onéreuse. Avant l'expiration du semestre pour lequel des fonds auraient été votés, le gouvernement ferait un rapport et alors la chambre statuerait en connaissance de cause.

M. Osy. - Ce que vient de dire l'honorable M. Delfosse, je l'ai prévu lorsqu'on nous a demandé le crédit d'un million pour la construction des bateaux à vapeur. Je me suis alors opposé à cette proposition et j'ai dit que tous les comptes qu'on nous présentait, tant pour les recettes que pour les dépenses, étaient des comptes fictifs; j'ai ajouté que, d'après ma propre expérience, l'entreprise constituerait le gouvernement en perte.

Il est vrai, messieurs, que cette entreprise a fait un grand bien ; je ne crois pas que si l'administration anglaise, qui transportait les dépêches, était restée seule, nous eussions obtenu ce que nous avons obtenu par la concurrence. Avec les Anglais, les lettres mettaient 48 heures à venir de Londres à Anvers, tandis que maintenant nous les avons le lendemain : elles partent de Londres à 7 heures du soir et nous les avons à Bruxelles et à Anvers à une heure de relevée, de manière que nous gagnons véritablement 24 heures, ca qui est très avantageux pour les relations commerciales.

Cependant, messieurs, il est impossible que nous continuions à supporter une perte comme celle que vient de signaler l'honorable M. Delfosse. Pour ma part, je suis persuadé que si nous mettions en adjudication publique nos bateaux à vapeur avec un bon règlement, ordonnant à celui qui aurait l'entreprise, de partir comme aujourd'hui aussitôt que la malle arrive de Douvres sous peine d'une amende, nous obtiendrions pour le commerce les mêmes avantages dont nous jouissons aujourd'hui, c'est-à-dire d'avoir les lettres 24 heures plus tôt qu'on ne les avait autrefois, et en même temps, il y aurait une grande économie pour le pays; nous n'entrerions plus dans tous ces comptes qui sont une véritable plaie pour le budget.

Je suis assez favorable à l'amendement que M. Delfosse nous annonce pour le cas où il n'obtiendrait pas des explications satisfaisantes de M. le ministre des affaires étrangères. Il est certain que du jour au lendemain il est impossible de trouver un soumissionnaire pour une semblable entreprise; de manière qu'en laissant au gouvernement 6 mois pour chercher, nous le forcerions par là à mettre l'entreprise en adjudication, et je suis bien persuadé que nous trouverions un entrepreneur, soit Anglais soit Belge, qui s'engagerait à faire le service convenablement et entretenir les paquebots en bon état, comme ils le sont aujourd'hui.

Mais, messieurs, ce qui m'a étonné c'est que, comme l'ont fait observer la section centrale et plusieurs honorables membres, on donne des emplois à des étrangers, ce qui est contraire à la Constitution. Pourquoi avoir à Bruxelles un agent étranger qui, avec son commis, nous coûte annuellement au-delà de 4,000 fr., alors que nous sommes obligés de donner à une masse d'employés les deux tiers de leur traitement ? Si le gouvernement croit l'agence de Bruxelles nécessaire, qu'il donne la préférence à un des employés dont les places sont supprimées; ce sera un traitement d'attente qu'il ne faudra plus payer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable M. Delfosse s'attaquent à l'institution elle-même et à la résolution qui a été prise par la législature, il y a trois années. Un projet de loi a été soumis à la chambre, il y a trois ans, pour l'institution d'un service de paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres; ce projet a donné lieu à d'assez longues discussions et a reçu un assentiment presque unanime. Maintenant, trois années après, on vient remettre en doute la question de savoir si l'on doit conserver ce service. N'est-ce point, messieurs, donner, en quelque sorte, une preuve flagrante d'instabilité ?

Ce n'est pas seulement, messieurs, au point de vue des recettes que ce service a été créé, c'est au point de vue des avantages indirects qu'il procure au pays. C'est ainsi que ce service est la continuation de notre chemin de fer jusqu'en Angleterre. C'est ainsi qu'il attire les voyageurs sur le chemin de fer et le transit des lettres. Voilà une des considérations que l'on a fait valoir lorsque l'institution a été votée.

Il y a, messieurs, très peu de temps que ce service est organisé, et si vous allez déclarer immédiatement, au bout de très peu d'années, que l'institution doit être supprimée, parce que les recettes directes ne balancent pas dès aujourd'hui les dépenses; eh bien, vous devriez aller plus loin : je ne pense pas que le chemin de fer ait établi, jusqu'à présent, une balance exacte entre ses recettes et ses dépenses; si par ce seul motif vous voulez supprimer le service des paquebots à vapeur, eh bien, vous devez appliquer, pour être conséquents, ce principe d'une manière générale et l'étendre même au chemin de fer de l'Etat.

L'honorable M. Delfosse vous a parlé, messieurs, d'une note remise à la section centrale et dans laquelle on n'a pas fait figurer le personnel. Cela est parfaitement exact, mais on n'a pas fait entrer ce personnel eu ligne de compte, parce qu'il appartient à la marine militaire et qu'on a vu dans son application au service un moyen de l'instruire. On comprendra que l'administration n'a rien voulu dissimuler en agissant ainsi, puisqu'il suffisait d'inspecter le budget, comme l'a fait l'honorable M. Delfosse, pour y trouver le montant de cette dépense. Cette dépense a toujours été imputée à la marine militaire, car du moment qu'on veut avoir une certaine marine, il faut bien fournir aux officiers le moyen de s'instruire, et par conséquent de faire des voyages. C'est ainsi qu'à différentes reprises la marine militaire a fourni au commerce des équipages pour des voyages de long cours.

Dans la note dont il s'agit on n'a pas voulu établir un bilan exact de l'entreprise, on a eu seulement en vue de fournir certains renseignements pour faciliter l'examen du budget. On ne peut suspecter la loyauté de personne.

Messieurs, il est à remarquer que le service des paquebots à vapeur n'est en activité que depuis très peu de temps. Nous n'avons eu d'abord que deux paquebots, puis la traversée ne se faisait que trois fois par semaine, trois fois pour l'aller et trois fois pour le retour.

Eh bien, il y a maintenant trois paquebots à vapeur; les traversées ont lieu quatre fois par semaine ; il y a donc tout lieu de croire que le service sera plus productif pour le trésor. Ainsi vous ne pouvez pas apprécier l'entreprise d'après les résultats qui ont été obtenus jusqu'ici. Il faut une plus longue expérience. Si, au bout d'un certain nombre d'années, il était constaté que ce service n'a pas l'utilité qu'on lui a attribuée, je comprendrais qu'alors on voulût songer à sa suppression ou à sa transformation. Le service est à peine organisé depuis un an tel qu'il est aujourd'hui ; attendons qu'il ait pu produire tous ses résultats. Les recettes se sont déjà accrues; les chiffres indiqués par l'honorable M. Delfosse en sont la preuve ; cet accroissement progressif sera encore plus considérable.

M. Delfosse. - Cette année le chiffre a été inférieur à celui de 1847.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - On ne peut pas plus apprécier ce service par les résultats de l’année extraordinaire que nous venons de traverser qu'on ne peut le faire pour le chemin de fer par les résultats financiers de cette année.

Prenez-y garde, il suffirait qu'on allât remettre le service en question pour le frapper de stérilité.

Je ne pense pas que la chambre, si elle compromettait ce service, agirait avec prudence, ni au point de vue des intérêts du trésor, ni à celui du transport des dépêches ni à celui des relations avec le chemin de fer.

Je ne sais si l'honorable M. Van Iseghem, qui a demandé la parole, appuiera la proposition de l'honorable M. Delfosse.

M. Van Iseghem. - Non.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je supposais bien qu'il en serait ainsi, et que le secours qu'est venu lui apporter l'honorable M. Delfosse lui paraîtrait un peu compromettant. Je compte donc sur le concours de l'honorable M. Van Iseghem pour prendre la défense du service de nos paquebots à vapeur.

M. Delfosse. - Messieurs, les explications de M. le ministre des affaires étrangères ne sont pas telles que je puisse retirer mon amendement. Il est bien entendu que mon intention n'a jamais été de suspecter la loyauté de M. le ministre des affaires étrangères : j'ai été le premier à déclarer que M. le ministre ne peut, quelle que soit son activité, vérifier lui-même l'exactitude de tous les renseignements fournis par ses bureaux. Mais les inexactitudes que j'ai signalées sont démontrées par les paroles mêmes de M. le ministre; M. le ministre a reconnu que la dépense est en réalité de 304,000 francs ; il n'a pas contesté non plus qu'il faut ajouter à la dépense l'intérêt et l'amortissement des capitaux dépensés pour les paquebots à vapeur. La dépense annuelle est de plus de 402,000 fr.

Une autre inexactitude est également reconnue; on supposait que la recette serait de 312,000 francs. Elle a été en 1846 de 83,000 francs, en 1847 de 139,000 francs, en 1848 de 120,000 fr.

Je fais la part des circonstances ; c'est à cause des circonstances que la recette de 1848 n'a pas été aussi élevée qu'en 1847. (Interruption.)

Des calculs faits par le gouvernement lui-même portent la recette de 1848 à 120,000 francs ; je prends les chiffres du gouvernement; le gouvernement a dit : a Dans les pièces annexées au budget des voies et moyens, on a reçu tant pour les huit premiers mois de 1848, on recevra, (page 203) d'après les probabilités, tant pour les quatre mois restants. » C'est le recouvrement lui-même qui m'a fourni ce chiffre. Il est donc démontré que la perte annuelle est de 300,000 francs, la recette n'étant que de 100 et quelques mille francs, et la dépense de plus de 400,000 f r.

Mais, dit-on, si le chemin de fer occasionne aussi des pertes, irez-vous abandonner le chemin de fer ?

Il y a, messieurs, une grande différence. Le chemin de fer rend au pays d'immenses services, il n'y a pas de comparaison à faire entre les services que le chemin de fer rend au pays et ceux que l'on peut attendre des paquebots à vapeur. La perte occasionnée par le chemin de fer n'est pas d'ailleurs à beaucoup près aussi forte, la perte n'est pas, comme pour les paquebots, d'un à quatre. La recette n'est que d'un pour les paquebots à vapeur, alors que la dépense est de quatre; toute proportion gardée, la perle occasionnée par le chemin de fer est très faible à côté de celle-là.

Mais, dit M. le ministre, irons-nous abandonner, après un essai si court, un service créé par une loi après une discussion approfondie?

Un essai de trois années n'est pas un essai de courte durée. Je n'aime pas les essais de plus de trois années lorsqu'ils causent une perte annuelle de 300,000 francs.

M. le ministre des affaires étrangères m'a d'ailleurs attribué une opinion que je n'ai pas émise. Je n'ai pas demandé que la chambre prît aujourd'hui la résolution de supprimer ce service. Je veux que l'on procède avec prudence ; tout ce que je désire, c'est que la chambre ne s'engage pas pour toute l'année; je propose à la chambre de ne voter que la moitié de l'allocation. Plus tard, lorsque le gouvernement nous aura fait un rapport, si nous trouvons que le service doit être continué, il sera continué; mais s'il est démontré que c'est une entreprise onéreuse, sans compensation suffisante, nous y renoncerons.

Mon amendement laisse toutes les questions intactes, le gouvernement ferait bien de s'y rallier.

M. Van Iseghem. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable M. Delfosse, et adopter l'amendement qu'il a présenté. Je trouve qu'avec les réductions de la section centrale, les dépenses ne s'élèvent qu'à 238,436 fr.

En outre, nous devons considérer que nous transportons des lettres qui peuvent donner une recette de 200,000 fr. Avant l'établissement des bateaux à vapeur belges, il y avait 3 ou 4 départs par semaine, et le gouvernement belge payait 50,000 fr. au gouvernement anglais pour le transport des dépêches. Dans tous les pays, le transport des lettres se fait et doit se faire par des bateaux à vapeur appartenant au gouvernement. Si, comme le prétend l'honorable M. Delfosse, l'affaire est si mauvaise pour le gouvernement, elle sera certainement aussi mauvaise pour l'industrie privée.

M. Dechamps. - L'honorable M. Delfosse a cru comprendre que M. le ministre des affaires étrangères était d'accord avec lui pour reconnaître que le service dont il s'agit occasionne une perte annuelle au trésor de 300,000 francs; je ne pense pas que telle ait été la pensée de M. le ministre des affaires étrangères. Qu'a dit M. le ministre? Il a dit qu'il ne fallait pas comprendre dans la dépense les frais résultant du personnel de la marine militaire employé à ce service. Et, en effet, ce personnel, on n'a pas dû le créer; il existait; seulement on l'a utilisé à cet usage. Ainsi, je n'admets nullement, et M. le ministre n'a pas admis non plus, qu'on doive comprendre, je pense, dans les dépenses créées pour l'établissement du service des paquebots, la somme assez considérable qui résulte de l'emploi qu'on a fait d'un équipage de la marine militaire pour le service des malles-postes.

Il est vrai que, dans la note fournie à la section centrale, on n'a pas compris dans les calculs l'intérêt et l'amortissement du capital; mais on ne le fait pas ordinairement non plus quand il s'agit de se rendre compte, des dépenses qu'exige l'exploitation des chemins de fer. Il résulte clairement de la discussion et des observations qui ont été émises par l'honorable M. Van Iseghem, que ce service produit d'abord un excédant annuel des recettes ordinaires sur les dépenses ordinaires de 70,000 fr. en comptant la recette à 312,000 fr. Je parlerai tout à l'heure de ce dernier chiffre.

En second lieu, il ne faut pas oublier, comme l'a fait l'honorable M. Delfosse, les revenus indirects. D'abord les revenus résultant du service des dépêches. Nous dépensons en moins les 50,000 fr. que nous devions payer tous les ans, avant l'établissement de ce service, pour le transport de nos dépêches dont l'amirauté anglaise était chargée. En second lieu, nous recevons en plus les bénéfices directs produits par le transport des dépêches. L'honorable M. Van Iseghem a évalué ces bénéfices à 200,000 fr., je n'ai pas pu vérifier ces chiffres, mais l'honorable membre ayant fait partie de la section centrale a dû en connaître les éléments.

Il ne faut pas non plus perdre de vue les revenus indirects que le service des paquebots apporte au chemin de fer de l'Etat.

Quel a été en effet le but de l'institution de ce service important? Ce but a été de compléter le chemin de fer de l'Etat, d'en établir la continuation entre le Rhin et l'Angleterre. Si ce service n'avait pas été établi aux frais de l'Etat, notre chemin de fer aurait été interrompu à Ostende et la continuité des relations entre les bateaux à vapeur du Rhin, le chemin de fer rhénan, le chemin de fer belge et ceux de l'Angleterre, était brisée. Il est évident pour moi que depuis l'établissement du chemin de fer de Calais à Lille, les voyageurs de l'Allemagne vers l'Angleterre auraient inévitablement pris la voie de la France vers l'Angleterre. Nous aurions donc perdu les voyageurs en très grand nombre que ce service nous a amenés. Je n'ai pas le chiffre du nombre de ces voyageurs sous les yeux, mais la chambre pourra très bien en apprécier l'importance. Il est clair que si ce service était ruiné, vous perdriez par le nombre des voyageurs en moins sur nos chemins de fer, plus que l'économie qu'on voudrait faire. Vous perdriez aussi le transit des dépêches de l'Allemagne pour la Grande-Bretagne.

Je dis donc que ce service, loin d'être ruineux pour l'Etat, est avantageux par les revenus directs et par les revenus indirects qu'il produit.

L'honorable M. Delfosse a dit qu'il contestait l'évaluation de ce chiffre de 312,000 fr. que le gouvernement a présenté dans le budget des voies et moyens. Je ne puis apprécier dès à présent quels résultats pourront amener les événements qui pèsent maintenant sur les transports comme sur les autres sources du travail. Il est possible que cette année, exceptionnellement, le nombre des vovageurs diminuant, les recettes diminuent aussi. Mais l'honorable M. Delfosse n'a pas fait attention à un fait. En basant ses calculs sur le passé, il me paraît s'être complètement trompé. En effet, ce service n'est pas organisé. Pour être organisé, il faut qu’il y ait trois malles-postes à vapeur faisant le service journalier entre Ostende et Douvres. Or, en général, dans les années précédentes, un seul bateau a fait le service. Le second bateau, d'après mes renseignements, dans la dernière année, n'a fait que deux ou trois voyages par semaine; et cela pour une raison que la chambre peut apprécier et que je recommande à l'attention de l'honorable M. Delfosse. La chambre a exigé, lors du vote de la loi, et je crois qu'elle a bien fait, que le gouvernement fît faire les bateaux dans le pays. Il en est résulté des retards assez longs, de sorte que le service n'est pas encore organisé.

Je prends, messieurs, le chiffre des recettes de 1848. Je vois que sur 234 voyages, et malgré l'influence des événements, nous avons effectué pendant 10 mois une recette de 111,000 fr. C'est, en moyenne, 471 fr. par traversée. Lorsque j'ai eu l'honneur de soumettre la loi à l'approbation des chambres, j'avais, dans les calculs présentés, évalué le chiffre des recettes à 420 fr. par voyage, et alors on a taxé ces calculs d'exagération. Les membres qui faisaient alors partie de la chambre s'en souviendront. Vous voyez cependant que les résultats ont dépassé les prévisions; que les recettes sont plus élevées que le gouvernement ne l’avait prévu.

Messieurs, nous sommes dans des circonstances exceptionnelles. Mais si j’examine les résultats qui ont été obtenus à l'aide d'un service boiteux fait par un ou deux bateaux à vapeur, il me parait évident que, dans des circonstances ordinaires, le chiffre de 312,000 fr. sera dépassé.

Je dis donc en résumé que ce service est utile; utile par lui-même, utile au point de vue du transport des voyageurs sur nos chemins de fer et de celui des dépêches. C'est la conclusion au fond de notre convention postale avec l'Angleterre. Car j'affirme que sans ce service fait par le gouvernement, notre convention postale avec l'Angleterre perdait une grande partie de ses résultats. Pour les revenus, il faut évaluer, outre la recette directe, les bénéfices résultant du service des dépêches et ceux créés par le mouvement des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat.

Exiger, messieurs, que le gouvernement mette en adjudication ce service, c'est complètement le ruiner. C'est le ruiner, parce que vous jetterez dès aujourd'hui sur ce service le discrédit, tandis que tous les efforts du gouvernement tendent à lui attirer la confiance des voyageurs, en l'organisant de manière à soutenir la concurrence avec les compagnies étrangères.

Messieurs, dans les circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons, il est plus que douteux qu'une compagnie se présente pour cette adjudication. Vous aurez donc en définitive discrédité, ruiné ce service au profit du chemin de fer français vers Calais, et des compagnies étrangères qui ont aussi des services de paquebots entre Calais et Douvres, Anvers et Douvres et entre Ostende et Ramsgate.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, il résulte évidemment de cette discussion qu'il ne serait guère possible à la chambre d'apprécier, dans l'état actuel des choses, d'une manière complète, les résultats de l'entreprise dont il s'agit. En effet, on a simplement présenté ces résultats au point de vue des dépenses et des recettes portées au budget. Mais il résulte évidemment de toutes les explications dans lesquelles nous sommes entrés, que l'entreprise a aussi un autre but et d'autres résultats, même au point de vue du trésor public.

Ce service est utile d'abord en ce qu'il nous dispense du payement que nous devions faire à l'Angleterre pour le transport des dépêches. Il est utile en ce qu'il amène un plus grand nombre de voyageurs sur le chemin de fer. Il est encore utile pour activer le transport des dépêches entre la Belgique et l'Angleterre. C'est tellement vrai, que nous venons de conclure avec l'amirauté anglaise une convention qui accélère grandement le transport de ces dépêches entre les deux pays. C'est là, messieurs, une chose qui avait été très vivement réclamée depuis longtemps par le commerce. Par suite de cette convention, les dépêches partant le soir de Bruxelles ou d'Anvers arrivent dans la matinée à Londres, et les dépêches partant de Londres le soir sont remises le lendemain dans la journée à Anvers et à Bruxelles. Si notre service n'était pas maintenu, nous ne pourrions conserver ces avantages dont chacun appréciera la haute importance pour le commerce.

D'un autre côté, ainsi qu'on vous l'a très bien fait remarquer, ce service attire par la Belgique le transit des lettres, ce qui procure encore une ressource considérable au trésor, ressource qu'on évalue à 200,000 francs.

Vous voyez donc qu'il serait impossible aujourd'hui d'apprécier avec (page 204) impartialité, d'une manière satisfaisante, les résultats que nous avons à attendre de cette entreprise.

Je comprends du reste l'opinion émise par l'honorable M. Delfosse : Il désire que la chambre soit complètement renseignée sur l'ensemble des faits. Eh bien, je crois que nous pouvons être d'accord sur ce point. Je consentirais très volontiers à ce qu'il fût inséré, dans la colonne d'observations, une disposition ainsi conçue : « La partie de ce crédit nécessaire pour la dépense du deuxième semestre, ne pourra être employée qu'après la communication à la chambre d'un rapport spécial sur le service des bateaux à vapeur. »

J'ajouterai une seule observation, c'est que si vous votez seulement la moitié du crédit, il pourrait arriver que cette moitié fût dépensée au bout de quelques mois et que le service fût complètement arrêté. Vous savez qu'un crédit ne se dépense pas toujours d'une manière régulière, jour par jour. La moitié d'un crédit peut être dépensée dans les premiers mois de l'année, tandis que, dans les mois suivants, la dépense sera très minime. Si donc vous adoptiez la proposition de ne faire figurer au budget que la moitié de la somme demandée, il pourrait arriver que la marche des paquebots fût dans quelque temps entravée et même entièrement arrêté.

M. Delfosse. - Messieurs, la proposition de M. le ministre des affaires étrangères est de nature à me satisfaire, elle conduit au but que je voulais atteindre. Tout ce que je veux, c'est qu'on s'éclaire avant de dépenser des fonds qui pourraient être improductifs.

On a indiqué quelques avantages résultant de la création du service des bateaux à vapeur. Quelques-uns de ces avantages existent, mais la question est de savoir si l'on ne pourrait les obtenir à moins de frais. Je retire mon amendement qui ne diffère pas au fond de la proposition du gouvernement.

M. de Mérode. - Puisque M. le ministre des affaires étrangères consent à nous donner les renseignements qui sont nécessaires pour nous éclairer sur la question, si à propos soulevée par l'honorable M. Delfosse, je m'abstiendrai pour le moment de rien ajouter aux observations qu'il vous a présentées.

M. de Theux. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de nous donner sur cet objet le rapport le plus étendu possible, pour qu'on puisse se rendre un compte exact de tous les profits et pertes, de tous les avantages directs et indirects que ce service peut procurer au pays, et que la question soit complètement élucidée.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Le gouvernement donnera le rapport le plus complet possible.

- La discussion sur les articles 41 et 42 est close.

- Plusieurs membres. - La division !

- La chambre adopte d'abord, pour les ouvriers chaudronniers, le chiffre de 8,000 fr. proposé par le gouvernement.

Le chiffre de 4,150 fr., pour l'agent de Bruxelles et son commis, est ensuite mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Nous régulariserons ces deux articles, pour le second vote, d'après les deux décisions qui viennent d'être prises et en opérant le transfert sur lequel M. le ministre s'est mis d'accord avec la section centrale, et qui ne rencontre pas d'opposition.

Septième section. Bâtiments de l'Etat. Brick Duc de Brabant (désarmé). Canonnières n° 5 et 11 (désarmées)
Article 43

« Art. 43. Personnel : fr. 113,588 34. »

La section centrale propose le chiffre de 112,556 fr. 36 c.

M. Veydt. - Messieurs, je ne me dissimule pas toute la défaveur qui s'attache, en ce moment, à des observations tendant à faire augmenter un chiffre du budget ; cependant je crois devoir, dans l'intérêt du commerce du pays, présenter une observation qui a cette portée.

D'après les explications fournies à la section centrale par M. le ministre des affaires étrangères, il faudrait voter 136,000 fr. de plus si le brick, le Duc de Brabant et deux canonnières n'étaient pas désarmées. C’est cette somme que je proposerai d'ajouter aux différents articles relatifs à la marine de l'Etat.

Il est indispensable pour la Belgique, dans la position qu'elle occupe, d'avoir une marine militaire. Il n'y a pas de pays dans l'Europe entière qui, ayant 15 à 20 lieues de côtes à la mer, dépense une somme aussi minime que nous pour sa marine. Notre marine se trouve réduite, dans les limites les plus modestes, à la goélette la Louise-Marie au brick le Duc de Brabant et à deux canonnières, et cependant nous avons des services importants auxquels nous sommes tenus de pourvoir. Nous avons d'abord la surveillance du littoral qui ne peut pas être entièrement abandonnée.

Il y a ensuite le service sanitaire; il existe à cet égard des règlements qui doivent être exécutés, et si les canonnières sont supprimées, il faudra nécessairement un autre moyen de surveillance qui coûtera ; car il ne peut pas entrer dans les intentions du gouvernement d'abandonner complètement la police sanitaire. En troisième lieu, l'un des deux bâtiments de l'Etat a une destination spéciale, permanente dans la saison de la pêche ; cette destination est reconnue si éminemment utile, que la chambre de commerce et le collège de pêche d'Ostende ont demandé qu'un deuxième navire y fût affecté. Nous avons vu, dans les renseignements fournis par notre consul aux îles de Shetland, que la seule présence d'un navire de l'Etat dans ces parages a rendu de grands services et a fait cesser le commerce illicite auquel se livraient des pêcheurs belges au détriment de leurs armateurs. C'est à la fois une protection et une garantie.

Nous avons encore besoin du maintien de la marine pour la formation de matelots destinés à la marine marchande. Nous éprouvons une difficulté extrême à créer des marins; il semble que nos populations n'éprouvent aucun penchant pour cette profession ; il faudrait en quelque sorte un moyen coercitif, une presse, comme en Angleterre, s'il s'agissait d'en recruter un certain nombre dans un court espace de temps. Supprimez la marine de l'Etat, et vous augmenterez les embarras que le commerce éprouve sous ce rapport ; il finira par ne plus avoir sur ses bâtiments que des étrangers ou des marins sans expérience. Je n'exagère pas en évaluant à plus de deux cents hommes le nombre de marins formés à bord des vaisseaux de l'Etat, et qui se sont consacrés à la navigation commerciale.

J'aborde le motif le plus déterminant de tous contre le désarmement.

M. le ministre des affaires étrangères disait ces jours-ci : « Tant que vous n'aurez pas de comptoirs belges à l'étranger, vous n'aurez pas des rapports suivis avec les contrées lointaines. » Toutes les opinions, messieurs, celles des personnes qui sont d'avis que l'industrie doit se passer de toute espèce de secours, et celles qui veulent que le gouvernement lui vienne en aide, toutes sont d'accord sur l'utilité, la nécessité de comptoirs belges à l'étranger.

Ils s'établiront, mais il faut bien qu'une fois établis ils puissent compter sur la protection du pays. Où avez-vous le plus de chances de fonder des comptoirs, des maisons belges? Précisément dans les contrées où vous n'avez pas de garanties suffisantes de sécurité, là où le marché n'est pas encore envahi, ou les communications ne sont ni faciles, ni suivies; où il y a des débouchés à conquérir. Il faut donc que nos compatriotes qui s'établiront dans ces parages puissent au moins voir qu'ils appartiennent encore à la nation belge, il faut qu'un navire de l'Etat puisse aller parfois les visiter et leur faire comprendre que la mère patrie veille, sur eux et sur leur fortune.

Si vous n'avez pas le moyen de protéger les établissements de cette nature, dont j'espère que le gouvernement facilitera la création, vous n'atteindrez pas le but que vous vous proposez, vous n'obtiendrez pas ou vous courrez risque de ne point conserver les débouchés vers lesquels nous tendons de tous nos vœux ; et ici je suis certain d'avoir l'appui de tous les membres de cette chambre qui prennent à cœur les intérêts de l'industrie et du commerce. Qui veut la fin doit vouloir les moyens.

Je pense, messieurs, qu'il ne faudrait pas dépenser la somme entière de 136,000 francs dont j'ai parlé, mais alors même que toute cette somme serait nécessaire, est-ce par le seul motif d'économie que voudriez refuser à vos intérêts commerciaux la protection qui leur est nécessaire? Un bruit, auquel je n'ajoute aucune foi, a été répandu, il y a trois jours, par un journal. Je fais allusion à une descente des Indiens à Santo-Thomas. Si le fait était avéré, j'aime à croire que le gouvernement aurait déjà donné l'ordre au Duc de Brabant de partir. Eh bien, messieurs, ce qui, suivant moi, n'a aucun caractère de vérité pour la petite colonie belge de Santo-Thomas pourra se réaliser pour l'un ou l'autre établissement, pour l'un ou l'autre intérêt belge sur les côtes d'Afrique, ou d'Amérique, vers lesquelles se portent aussi les vues de commerce.

Plus vous multiplierez ces intérêts, plus vous vous exposerez à des chances d'être inquiété, si vous n'êtes pas en mesure de porter secours au besoin et de faire respecter le pavillon national. Vous aurez à faire à des peuples à demi civilisés; rien ne leur impose comme la force : soyez en mesure d'agir, et on vous respectera.

Je crois donc faire chose utile en demandant que la marine de l'Etat conserve la disposition des crédits que lui a alloués le budget de 1848, et j'en fais l'objet d'un amendement à l'article qui va être en discussion.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ferai d'abord observer à l'honorable préopinant, ainsi qu'à: la chambre, qu'il ne s'agit point, dans la proposition faite par le gouvernement, de la suppression de notre marine; il ne s'agit que du désarmement d'un navire et de deux canonnières.

Le gouvernement, en présence du besoin d'économie qui s'est si vivement manifesté dans le pays et dans cette chambre, a dû examiner toutes les réductions qui pourraient être faites sans grands inconvénients. Eh bien, il a dû se demander d'abord : Est-ce que la Belgique doit être une puissance maritime, doit-elle chercher à avoir une marine militaire destinée à défendre ses côtes? Je ne pense pas que, jusqu’à présent, on ait songé en Belgique à créer une marine imposante. Si nous voulions avoir une marine militaire destinée à être de quelque valeur dans un combat naval ou destinée à défendre nos côtes, il ne faudrait pas se borner au très petit nombre de navires que nous avons; il faudrait faire, non comme la France, l'Angleterre et autres grands pays, mais au moins comme le Danemark, la Suède, la Sardaigne, et il nous faudrait toujours 25 ou 30 bâtiments. Or, dans les circonstances actuelles, personne ne songe sérieusement, sans doute, à créer une semblable marine; peut-être que la nécessité ou l'utilité en pourra surgir plus tard; mais dans la situation financière où nous nous trouvons en ce moment, il n'y a pas lieu d'y penser.

Dès lors, messieurs, il ne faut envisager les quelques navires que nous (page 205) avons, qu'au point de vue des services qu'ils peuvent rendre et de l'utilité qui peut leur être donnée; et je commence par faire observer que, dans notre proposition, il ne s'agit que de l'année 1849. Le gouvernement a donc dû examiner si, en 1849, il était nécessaire de maintenir le navire qu'il propose de désarmer provisoirement, voilà toute la question.

Il ne s'agit donc pas de la suppression de la marine militaire. Le principe subsiste. Il s'agit de savoir si nous devons maintenir pendant 1849 deux navires dont l'un, le Duc de Brabant, occasionne une dépense annuelle de 160,000 fr. Il nous a semblé qu'avec un seul de ces navires, on pourrait pourvoir aux besoins du service, ainsi qu'à quelques explorations utiles au commerce.

L'honorable préopinant vous dit : « Les comptoirs sont nécessaires pour l'extension de notre commerce. »

Je suis de cet avis. Mais ces comptoirs ne sont pas encore établis. Cette organisation ne sera pas si facile. Il ne suffit pas que le gouvernement vienne en aide; il faut que les capitaux privés se présentent ; dès lors, quelque empressement qu'y veuillent mettre et le gouvernement et le commerce, cette organisation ne peut pas s'improviser.

Ainsi, pour la protection de nos comptoirs en 1849, il n'est pas nécessaire de maintenir le brick en mer. Si cependant un besoin impérieux se manifestait, on le réarmerait, et il suffirait que le gouvernement vînt demander un crédit à la chambre.

Le désarmement de ce navire procure une économie de 156,000 fr. Si l'on n'adoptait pas cette importante économie, nous conserverions, il est vrai, ce navire en mer, mais comme il a déjà fait une exploration sur la côte occidentale d'Amérique, je ne vois pas, pour le moment, une nouvelle et utile exploration à lui confier.

Il ne s'agit donc que d'un simple désarmement, sans suppression quelconque, avec la facilité de le remettre en mer, s'il en était besoin. Si la chambre pensait que ce navire ne doit pas être désarmé, que l'utilité qu'il pourrait présenter dans le cours de l'année 1849, pût compenser la dépense de 156,000 fr., elle aviserait; mais quand de toutes parts on réclame des économies, je crois que c'est une de ces économies que nous devions soumettre à la chambre. Nous devions d'autant plus la lui soumettre, que pendant deux années consécutives les pétitions ont afflués à la chambre pour demander la suppression entière de la marine militaire. Eh bien, nous nous bornons à proposer à la chambre le désarmement d'un brick (car je suppose qu'on n'attache pas une grande importance aux deux canonnières), mesure qui réalise une économie notable; et qu'on me permette d'ajouter que quand les pétitions dont il s'agit ont été présentées dans cette chambre, je ne sache pas que l'honorable membre auquel je réponds, ni tout autre, ait pris la parole pour s'opposer à de semblables conclusions.

M. Osy. - Je regrette de n'être pas d'accord avec mon honorable ami M. Veydt. Mais je vois que, dans l'exposé du gouvernement, M. le ministre des affaires étrangères dit que, pour 1849, il n'a aucune destination à donner au Duc de Brabant. Je conviens que la Louise-Marie a rendu des services; elle a fait dernièrement un voyage sur la côte de Guinée et aussitôt après son retour, elle est allée protéger notre pèche.

Mais depuis la construction du Duc de Brabant, je ne sais pas quel voyage utile ce navire a fait. J'ai vu, par les documents officiels fournis par l'ancien ministère, qu'on avait trouvé convenable d'envoyer le Duc de Brabant dans l'Amérique du Sud pour y montrer notre pavillon, mais je n'ai rien vu des résultats de ce voyage. Je crois donc que le gouvernement a bien fait de demander le désarmement de ce brick. C'est une économie de 136 mille francs; et elle est d'autant plus rationnelle qu'elle ne fait absolument de tort à personne. Les officiers auront les deux tiers de leur solde, et les marins sont des miliciens qui rentreront chez eux.

M. de Mérode. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères vient de vous dire que personne en Belgique n'avait l'intention de créer une marine militaire destinée à figurer dans une bataille navale, et je pense que M. le ministre a parfaitement raison.

Mais entre une marine militaire destinée aux guerres maritimes et une marine destinée à protéger les Belges qui tentent des entreprises dans les pays lointains, il y a une grande différence.

L'apparition du pavillon belge dans les parages lointains impose un certain respect aux habitants de ces pays éloignés, et leur montre que les Belges sont susceptibles d'obtenir une protection de la part de leur gouvernement. Mais si on ne voit aucun bâtiment de guerre belge là où les Belges vont s'établir, ils sont réduits à mendier l'appui d'une autre nation, et cette autre nation bien souvent ne leur fera pas la charité de cet appui, parce que nous nous mettons dans la position de ne pouvoir jamais rendre aucun service à personne dans les pays lointains.

Je voudrais que nous eussions 3 ou 4 bâtiments de guerre, bricks ou corvettes, qui assureraient aux Belges une protection dans les contrées éloignées, et qui, pour leur assurer mieux cette protection, donneraient des secours aux autres nations qui ont une marine militaire et qui seraient portées aussi, par réciprocité, à les aider également. Nous sommes dans les pays lointains, je le déclare, dans une position très humiliante, dans une position de vrais mendiants.

Je vois que quand il s'agit de transporter les lettres avec la plus grande rapidité, de multiplier les communications plus rapprochées du pays, on dépense des centaines de mille francs; on appelle cela la prolongation du chemin de fer ; ceci serait aussi une prolongation du chemin de fer, prolongation irrégulière, si vous voulez; ce ne serait pas une prolongation établie à jour fixe, mais ce serait aussi un moyen de faciliter aux Belges des essais d'établissement dans les pays éloignés.

Par ces considérations, je demande que le gouvernement maintienne la petite marine militaire que nous avons. Je conçois que M. le ministre des affaires étrangères ait cherché à réaliser une économie, puisqu'on en réclame constamment ; mais je ne puis pas préférer cette économie à beaucoup d'autres qui seraient beaucoup plus avantageuses selon moi. Je désirerais qu'on maintînt le chiffre au budget, pour que M. le ministre pût en disposer, quand il le jugerait nécessaire.

M. de T'Serclaes. - M. le ministre des affaires étrangères vient de dire qu'il n'est pas question de supprimer la marine militaire, qu'il s'agit seulement du désarmement momentané du brick le Duc de Brabant et des deux canonnières. Si j'avais cru que la proposition du gouvernement n'avait pas une autre portée, j'aurais hésité à prendre la parole ; mais, quant à moi, ma conviction est profonde ; la mesure que l'on vous propose est un premier pas de fait vers la destruction totale d'une institution qui date de 1815, que la Belgique indépendante a soutenue depuis 20 ans, que je regarde comme nécessaire au développement des ressources du pays, et à la protection intelligente de ses intérêts les plus précieux.

C'est dans le but de défendre cette institution que je me permettrai d'ajouter quelques considérations à celles qui viennent de vous être développées au sujet de l'utilité d'une marine militaire.

Je n'ignore pas que cette thèse rencontre de nombreux adversaires et dans la chambre et dans le pays ; mais il m'est permis de penser qu'il ne faut pas juger de la valeur des choses, par le plus ou moins de popularité qui s'y attache, et que nous qui devons ici décider de l'avenir de notre patrie, nous devons prendre notre point de vue de plus haut.

D'abord, messieurs, n'est-ce pas un fait remarquable que toutes les nations commerçantes du globe qui ont une communication directe avec la mer, ont senti le besoin d'avoir des navires de guerre? Aucune d'elles, même parmi les plus petites, du moment où elle a soin de sa pleine indépendance, ne s'est complètement soustraite à cette loi, qui dès lors prend le caractère d'une nécessité. Est-ce à dire que la Sardaigne, le royaume de Naples, le Portugal, entretiennent une marine militaire pour faire la guerre maritime? Assurément non ; mais tous ces Etats ont compris que, dans certains cas, il fallait une protection armée pour rendre le pavillon respectable; qu'il fallait avoir les moyens de réprimer, énergiquement les insultes faites à ses nationaux. En voici un exemple qui se passe sous nos yeux.

A peine l'Allemagne moderne a-t-elle eu l'intelligence de l'impérieux devoir qui lui incombe d'étendre ses exportations, de nouer des relations plus directes avec les contrées transatlantiques qu'elle s'occupe activement de l'organisation d'une marine militaire, de créer un pavillon fédéral respecté.

On a compris dans ce grand Etat, qu'à l'exception des villes hanséatiques, qui ont des rapports directs avec l'Amérique sans l'appui d'une marine de guerre, ce qui tient à des circonstances tout à fait exceptionnelles, trop longues à développer ici, pour établir des relations fructueuses avec les pays lointains, il fallait impérieusement faire marcher de pair le développement du commerce maritime avec l'institution de navires armés.

Voici donc deux pays qui sont dans une position semblable. L'Allemagne et la Belgique ont besoin de se créer des débouchés hors d'Europe; l'Allemagne se donne une marine militaire, la Belgique va supprimer la sienne, et ce n'est point, veuillez-le remarquer, messieurs, dans la vue d'un agrandissement exclusivement politique que l'Allemagne agit ainsi, mais uniquement en vue de l'intérêt commercial et maritime. Je le répète, il y a une grande distinction à faire entre un état naval imposant, et une marine désarmée et impuissante.

Trois objets dans l'ordre des intérêts matériels, qui préoccupent à divers degrés l'attention du pays et particulièrement de nos Flandres, sont ici principalement en jeu : l’établissement de comptoirs de commerce dans divers pays éloignés : les projets de colonisation et d'émigrations; la pêche maritime flamande qui a eu tant à soutenir par nos traités récents avec la Hollande,

Eh bien, chacun de ces intérêts si importants a besoin d'être protégé et défendu par une marine militaire, quelque petite qu'elle puisse être.

L'honorable M. Veydt vient de vous le démontrer, je ne répéterai point ce qu'il vous a si bien exprimé.

Le gouvernement s'occupe de colonisation et d'émigrations lointaines. Je le loue et je l'approuve de diriger dans une certaine mesure vers ce but la pensée du pays; il a officiellement invité les conseils provinciaux des Flandres à émettre leur avis sur cette matière.

C'est ce moment que l'on choisit pour désarmer des vaisseaux qui seront nécessairement appelés à coopérer à l'exécution de tentatives de ce genre. Vous vous le rappelez, messieurs, quand i s’est agi de Santo-Thomas, la première chose qu'a faite le gouvernement, c'était d'y faire faire une croisière par la Louise-Marie.

On dit que l'on veut réaliser des économies, mais il y a économies et économies ; il y a des économies louables et nécessaires, et celles-ci je les appuierai toutes avec le plus vif empressement, mais il y a aussi des économies qui ruinent, et celles-là, je n'en puis vouloir à aucun prix.

Si vous dispersez en ce moment le personnel du brick de guerre et des deux canonnières, comment le retrouverez-vous si, avant la fin de 1849, ce qui me paraît certain dès aujourd'hui, vous êtes obligés de (page 206) réarmer ces bâtiments ? Les navires seront dépareillés, le personnel subalterne entièrement désorganisé, l'on ne pourra réformer un équipage convenable. Les matelots de la marine de guerre ont une instruction et des devoirs spéciaux : il faut qu'outre leurs connaissances maritimes, ils soient parfaitement au fait de la manœuvre de l'artillerie et des autres armes.

Il est démontré par l'expérience de tous les peuples navigateurs qu'on ne forme un matelot de guerre qu'au bout d'une année d'exercice et d'apprentissage. Que feront ces 200 matelots à peu près que vous allez mettre en disponibilité? Ils comprendront, comme plusieurs parmi nous, messieurs, que le sort de notre établissement naval est décidé; ils croiront que leur service est fini; les plus capables iront naviguer au commerce pour gagner leur vie, et quand le gouvernement en aura besoin, ils seront très probablement à l'étranger ; les autres, moins aptes au service, viendront augmenter le nombre des ouvriers sans ouvrage. Beaucoup d'entre eux sont mariés, ils entretiennent leur famille avec une partie de leur solde ; leur famille tombera dans la misère.

On supprime les canonnières de l’Escaut. Je demanderai comment on assurera le service de la quarantaine. C'est un service indispensable; il convient qu'il soit fait par des bâtiments armés. Puisqu'il faut de toute nécessité que le gouvernement s'en charge, je désire qu'il s'explique sur les moyens qu'il a en vue. Quant à moi, je suis convaincu qu'il se fait très bien par les canonnières; je ne sais pourquoi l'on voudrait en venir à une institution nouvelle.

M. le ministre des affaires étrangères et quelques-uns des honorables préopinants vous ont dit qu'on des motifs du désarmement du Duc de Brabant était qu'aucune destination utile ne pouvait être donnée au brick en 1849. J'avoue que ce motif a pour moi quelque chose d'étonnant, d'inexplicable. J'aurais cru que le choix de la mission seulement eût été embarrassant; il y aura certainement, ce me semble, des propositions plus nombreuses d'emploi utile que celles auxquelles il sera possible de satisfaire, et elles deviendront plus communes encore si l'on donne suite aux projets qui ont été formés. Les côtes d'Afrique, les côtes orientales et occidentales de l'Amérique, les Indes offriront cent occasions de faire saluer notre pavillon de guerre, avec profit pour notre commerce et notre considération extérieure. L'honorable comte de Mérode vous a parfaitement expliqué dans quelle position fâcheuse se trouvent nos bâtiments de commerce dans le pays où le pavillon royal n'est pas connu.

Messieurs, on a soutenu avec raison qu'il y avait en Belgique peu de propension pour la carrière de marin. Je n'hésite pas à le dire, c'est là un grand malheur. La Flandre, frappée au cœur par le paupérisme, paraît avoir oublié qu'elle a été redevable, dans d'autres temps, de son immense splendeur, à sa communion intime avec la mer. Une nation reste au-dessous de sa destinée, lorsqu'elle ne sait pas tirer parti de tous les avantages que sa position politique et surtout la nature lui donnent avec libéralité. L'honorable M. Rogier vous l'a dit, l'année dernière, la mer, nos fleuves offrent pour nous des ressources incalculables, c'est à vous gouvernement, à vous chambres, qu'il appartient de les vivifier. Sous ce rapport, je vous citerai un fait qui est peu connu.

Sous l'empire français, le chef de l'Etat avait tellement compris l'utilité de diriger nos Belges vers le service maritime, à cause de l'heureuse disposition de nos côtes, des nombreux points qui les découpent, de tout le régime des eaux qui les y appelle pour ainsi dire naturellement, qu'il avait étendu le rayon de la circonscription maritime jusque dans le cœur de la province de Brabant.

Je ne sais, messieurs, jusqu'à quel point la chambre peut s'intéresser à des souvenirs historiques. Cependant, je me permettrai encore de lui en citer un.

Je rappellerai que dans notre Belgique, il y a un siècle à peine, il existait une marine militaire, qui a été illustrée par des hommes de guerre d'un mérite éminent. Louis XIV a eu le talent d'en attacher quelques-uns à son service; d'autres, plus nombreux, ont conquis une grande renommée dans les armadas espagnoles.

Sous les rois d'Espagne il y avait à Ostende et à Anvers un conseil de l'amirauté suprême des Pays-Bas, analogue à celui qui existe à Londres, qui s'occupait exclusivement de la marine de guerre, des navires de guerre construits, armés et montés par des Belges. Ce souvenir mériterait d'être mis en relief, il formerait une page glorieuse de nos annales.

Le conseil de l'amirauté a été supprimé lorsque la Belgique, réduite à des proportions tout à fait agricoles et plus que modestes, a passé sous le régime autrichien. C'est à vous, messieurs, à savoir si vous voulez retourner à ce temps; je ne méconnais pas ce qu'il avait de bon. Mais il faut comprendre le rôle de notre pays d'une façon plus large, industrie, agriculture, commerce, navigation, beaux-arts et sciences, tout ce qui ennoblit l'homme, tout ce qui favorise une activité utile, a droit à une protection égale de la part d'un gouvernement éclairé et d'une nation généreuse.

Je n'ai pas voulu, messieurs, laisser passer cette occasion, sans protester contre l'anéantissement possible de notre marine militaire : je n'ai fait qu'effleurer un sujet des plus importants; à mes yeux c'est une des belles thèses que l'on puisse soutenir devant le pays et devant les chambres, que celle de l'utilité d'une marine militaire, restreinte bien entendu à nos ressources, proportionnée aux sacrifices que la nation croira pouvoir faite. Je suis intimement convaincu que la suppression totale de nos bâtiments de guerre serait une faute grave, et je ne puis supposer air gouvernement l'intention d'en arriver là.

Mais, il ne faut pas se le dissimuler, beaucoup de personnes vont donner cette signification au vote que vous allez émettre. Sans protection militaire, une partie notable de nos rapports avec les colonies se trouvera compromise; vous perdrez d'un coup le fruit de vingt ans de sacrifices, vous diminuerez la sécurité du commerce, vous compromettrez le sort, l'avenir d'une partie de la population, vous détruirez l'essor maritime déjà presque annulé chez nous, et cependant l'exemple des autres nations est là, une marine militaire est un auxiliaire indispensable des relations lointaines du commerce.

M. Veydt. - Je demande encore à dire quelques mots. Il semblerait, à entendre M. le ministre des affaires étrangères, que j'ai insisté en faveur de l'extension de la marine de l'Etat, que je voudrais avoir une marine militaire au complet pour défendre au besoin le pays. Je ce réclame, messieurs, aucune extension de la marine, telle qu'elle existe modestement aujourd'hui. Mais je demande qu'on ne la réduise pas, parce que sa réduction, dans l'état où elle se trouve, conduit en quelque sorte à sa suppression, ou au moins à sa mise hors de service pendant l'année 1849.

En condamnant au désarmement, dans le port d'Ostende, le brick le Duc de Brabant et deux canonnières, il ne vous reste plus que la seule goélette la Louise, qui a une destination spéciale, qu'elle doit conserver, la surveillance de la pêche, pendant plusieurs mois de l'année, dans les mers du Nord. Alors si, pendant l'année 1849, quelque événement survient, si les établissements commerciaux que vous créerez ont besoin de protection, et il faut espérer que nous arriverons enfin à cette mesure d'ouvrir des comptoirs, vous n'aurez aucun bâtiment à votre disposition. Vous serez pris au dépourvu ; car vous ne pourrez pas réarmer le brick dans un espace de temps aussi court qu'on vous l'a dit. Vous ne trouverez pas de marins; ils auront été obligés de s'engager ailleurs; et vous serez entraînés à des frais plus considérables que l'économie de quelques mois.

M. le ministre vous a annoncé qu'il ne s'agissait que d'adopter la mesure pour 1849; c'est son principal argument. J'espère, messieurs, que si le désarmement est approuvé, ce ne serait en effet que pour 1849, et à cause des nécessités que nous subissons; sans cela je vous avoue que je perdrais toute confiance dans les tentatives que j'aime à croire sérieuses de la part du gouvernement qui désire aider à la fondation de maisons belges ou de comptoirs dans les pays d'outre-mer.

Un honorable membre qui siège près de moi m'objecte qu'un ou deux navires de l'Etat ne suffisent pas pour défendre un établissement lointain. Je crois qu'ils suffisent. La présence d'un seul navire, armé de quelques canons, est efficace pour conserver une position que le commerce belge aurait prise. Cela a été prouvé maintes fois. Lorsqu'en 1837 M. d'Huart, ministre des finances, demanda au budget une somme de 350,000 fr. pour la marine de l'Etat, il disait :

« Une somme de 350,000 fr. est portée au budget de la marine pour la mise en œuvre de trois bâtiments de guerre. C'est le principe d'une protection armée pour notre commerce maritime qu'il s'agit de décider. Votre sollicitude pour notre navigation lointaine, manifestée par les primes que vous accordez à la construction des navires et à la pêche nationale, ne se démentira pas en cette circonstance. »

J'ai lu, messieurs, le rapport de la section centrale sur cette proposition du ministre. Tous les arguments qu'il développe sont favorables à la création d'une marine militaire. Son auteur citait à l'appui un fait : le pillage du navire la Flora qui venait d'avoir lieu et avait produit une grande sensation dans le pays. Il disait : Si nous avions eu un navire dans ces parages, ce sinistre ne serait point arrivé, ou nous aurions usé de représailles pour en prévenir à jamais le retour.

Je dois ajouter ici qu'en, égard à l'élévation de la somme de 350,000 fr., qui n'était qu'un premier chiffre, la section centrale ne s'est pas prononcée immédiatement pour l'adoption. Elle a demandé de plus amples renseignements, et témoigné le désir que les chambres de commerce fussent consultées. J'ai fait des recherches, mais je n'ai pas trouvé les avis de ces chambres. Si on les a entendues, je suis sûr qu'elles auront été favorables.

Messieurs, je suis, avec regret, en désaccord avec l'honorable baron Osy. Mais la franchise, l'indépendance de ses opinions, et j'ose dire aussi des miennes, a déjà produit ce résultat, et cette fois-ci ne sera probablement pas la dernière. Cependant l'honorable M. Osy est dans l'erreur, lorsqu'il croit que le voyage d'un navire de l'Etat ne nous a été d'aucune utilité dans l'exploration qu'il a faite sur les côtes de l'Amérique du Sud. Les archives du ministère lui prouveraient le contraire. Antérieurement déjà à cette exploration, je me rappelle d'avoir lu au Moniteur le rapport d'un voyageur belge qui, il y a quelques années, visita ces parages pour s'en faire une juste idée au point de vue commercial et y découvrir des débouchés pour la Belgique. Dans ce rapport, j'ai trouvé le passage suivant :

« Il serait d'une bonne politique d'envoyer de temps à autre un navire de guerre beige jeter l'ancre dans les divers ports de la mer du Sud, y montrer et y faire reconnaître notre pavillon et détruire l'ignorance où trop de gens se trouvent encore dans ces parages sur la situation politique et même sur l'existence de la Belgique. Pour arriver à avoir des débouchés, il faut que des navires de guerre puissent, au besoin, protéger efficacement les établissements du dehors. »

Aujourd'hui nous avons avec ces contrées des relations commerciales qui ont acquis une certaine importance, et que nous n'aurions peut-être pas si nous n'y avions fait aucune apparition, et que nous sommes (page 207) exposés à voir compromis si nous n'avons pas une force maritime pour les protéger.

Messieurs, le désarmement du brick le Duc de Brabant n'est pas une économie, s'il doit se borner à 1849. Vous aurez plus tard beaucoup de peine à compléter votre équipage, et le navire sera détérioré. Car lorsque vous ne laissez pas un vaisseau à la mer, lorsque vous le mêliez en repos dans un bassin, au bout d'un an ou deux, il n'est souvent plus en état de naviguer. J'en appelle au témoignage des membres compétents en pareille matière. En désarmant, vous n'aurez donc pas fait une économie et vous aurez perdu l'occasion de protéger votre commerce et de lui faciliter la voie de nouvelles découvertes.

Je persiste, messieurs, dans la proposition que j'ai faite de conserver au budget prochain le chiffre de 1848. Ce chiffre pourvoit d'ailleurs à d'autres services. Il comprend le service sanitaire dont on vous a parlé, et qui exigera une dépense nouvelle si les deux canonnières sont supprimées. Car je ne suppose pas que le gouvernement ait l'intention d'abandonner toute surveillance, toute police de santé pour les navires qui abordent dans nos ports.

M. le président. - La parole est à M. Van Iseghem.

M. Van Iseghem. - Comme je veux parler dans le même sens que l'honorable M. Veydt, j'ai cédé mon tour de parole à M. Orts ; je lui répondrai.

M. Orts. - Messieurs, je partage complètement tout à la fois, et cela paraîtra peut-être étonnant à la chambre, l'avis de l'honorable M. Veydt et l'avis de l'honorable M. Osy, quoique ces deux honorables membres soient en désaccord. Je suis convaincu que le système, suivi actuellement, est, comme l'a dit l'honorable M. Veydt, un système qui doit aboutir, au bout de quelque temps, à la destruction de la marine militaire en Belgique. Je suis également d'opinion que ce système doit être suivi, comme le pense l'honorable M. Osy, parce que je crois parfaitement inutile, à quelque point de vue que l'on se place, de conserver une marine militaire, et qu'il est très utile, au point de vue d'économies où nous nous trouvons forcément placés depuis quelque temps, de supprimer les dépenses de cette marine.

J'ai entendu, messieurs, produire beaucoup d'arguments à l'appui de la thèse contraire.

Ces arguments, messieurs, ne m'ont pas touché, et m'ont simplement éclairé sur un doute qui plane dans l'esprit de cette chambre et que je veux voir éclaircir par la discussion actuelle. Je veux qu'on sache une bonne fois si le désarmement d'une partie de nos navires de guerre est une transition pour arriver à la suppression de notre marine militaire, ou si c'est simplement une mesure que j'appellerais alors mauvaise, une mesure temporaire. J'ai compris, moi, la mesure comme une transition pour arriver à la suppression de la marine militaire, et c'est pour cela que, dès le début de la discussion, je n'ai pas demandé la parole pour obtenir une explication catégorique à cet égard.

Le pays, messieurs, a demandé cette suppression, et le gouvernement lui-même a reconnu aujourd'hui que le pays avait compris l'inutilité d'une marine militaire, dans l'état où se trouve notre commerce maritime.

J'ai entendu produire quatre arguments divers en faveur du maintien de la marine militaire : on a dit que la marine militaire est indispensable à la Belgique, d'abord pour la protection de la pêche nationale, ensuite pour contribuer à protéger notre commerce à l'étranger, en troisième lieu, pour la police sanitaire; enfin, pour la défense de nos côtes.

Eh bien, messieurs, de ces divers arguments il n'en est pas un qui résiste à un examen de la situation que nous nous sommes faite comme puissance maritime et comme puissance disposée à soutenir par une force maritime notre commerce extérieur.

Il ne s'agit pas de savoir si la Belgique peut être une puissance maritime; il ne s'agit pas d'établir une marine militaire qui puisse appuyer efficacement le pavillon belge en quelque lieu qu'il se présente; il ne s'agit point de remplir envers nos nationaux les devoirs que remplissent envers les leurs les grandes puissances maritimes telles que l'Angleterre, la France et d'autres nations puissantes. Oh! mon amour-propre national ne demanderait pas mieux que de voir partout notre pavillon déployé sur mer et soutenu partout d'une main ferme comme le drapeau belge est sur terre appuyé par l'armée nationale. Mais je ne pense pas que jamais la Belgique puisse arriver à une position imposante de cette espèce, et alors ce serait la tromper que de lui faire embrasser le chemin qui y conduit.

La Belgique n'a pas besoin de marine militaire pour protéger la pèche nationale. La pêche nationale peut avoir besoin de deux choses : d'une part, un appui, au cas où vis-à-vis de nos pêcheurs le droit des gens, les principes d'équité et de justice internationales seraient méconnus par d'autres nations; d'autre part, de secours. Un bateau pêcheur pourrait avoir besoin, par suite de cette imprévoyance que les populations maritimes ne manifestent que trop souvent, pourrait avoir besoin, par exemple, de vivres, il pourrait avoir besoin de secours en cas de maladies, il pourrait avoir besoin d'agrès de rechange; la pêche pourrait aussi avoir besoin d'une sorte de police destinée à faciliter, au retour dans la patrie, la répression des désordres commis par nos nationaux.

Eh bien, tout cela constitue deux ordres de faits, dont les premiers exigent une force militaire que notre marine ne peut jamais acquérir, et dont les autres n'exigent aucune force militaire quelconque, mais pour lesquels il suffit d'un simple stationnaire civil n'ayant pas un seul canon, et qui coûterait la moitié de ce que coûte un bâtiment militaire. Il n'est pas besoin d'un vaisseau portant 18, 20 ou 30 canons pour donner des secours en vivres ou en agrès, par exemple, en cas de sinistres de mer. Et quant à la police, il suffirait que le bâtiment civil, dont je viens de parler, eût à bord un fonctionnaire chargé d'acter les délits s'il s'en commettait, ce que je ne pense pas, et qui en poursuivrait au retour la répression devant les tribunaux ordinaires.

Je déclare que je préfère beaucoup la justice qui se rend sur terre à celle qui se rendrait sur mer, où aucun contrôle supérieur n'est possible. Sans doute, le système dont je viens de parler n'entraîne pas une grande économie sur le personnel, mais il en résulterait une économie considérable sur le matériel.

Protection contre les étrangers qui méconnaîtraient le droit des gens à l’égard de nos nationaux ! Messieurs, le cas ne s’est point présenté, et pour la pêche nationale il ne se présentera point en temps de paix. Mais s'il se présentait, je vous le demande, quels seraient vos adversaires ? Quelles sont les puissances qui se trouvent là vos concurrents et qui pourraient manquer de loyauté ou de justice, à votre égard? Des puissances qui font appuyer leur pêche non par un brick, par un navire comme la Louise-Marie, mais par des escadres entières ou par des bâtiments de guerre d'une tout autre importance et qui écraseraient vos malheureux bâtiments avec une rapidité telle que vos braves marins militaires n'auraient pas même le temps de faire la défense nécessaire pour sauver l'honneur du pavillon national. Les puissances maritimes de l'Europe font appuyer leur pêche nationale par un certain nombre de bâtiments, parce que cette mesure leur procure, sous l'apparence d'un service utile au pays, le moyen d'instruire leurs équipages, le moyen de faire ce que ferait, sans cette apparence d'utilité pour le pays, une escadre d'exercice ou d'évolution. Voilà, messieurs, pour la pêche nationale.

Reste la protection du commerce à l'extérieur.

Le commerce belge n'a pas de débouchés ; j'en conviens tout le premier; d'autres circonstances se présenteront pour décider à qui la faute; je ne la chercherai pas. Mais je prends acte d'un aveu que j'ai entendu bien des fois dans la récente discussion relative à notre organisation diplomatique, aveu que j'ai entendu sortir de la bouche des organes du gouvernement ; cet aveu, le voici : Jamais le commerce belge ne se développera à l'étranger, là où des comptoirs belges ne sont pas organisés, là où des maisons belges ne sont pas établies pour faire connaître ce qu'est le commerce belge sous le double rapport de ses ressources et de la loyauté de ceux qui l'exercent.

Eh bien, messieurs, est-ce un navire belge qui nous donnera ces comptoirs, qui nous donnera ces maisons belges à l'étranger ? Je le comprendrais encore s'il s'agissait d'aller fonder des comptoirs dans des localités à côté desquelles vous placeriez en permanence un bâtiment de guerre comme une sorte de citadelle flottante. Mais c'est ce que ne nous permettent pas les trois ou quatre navires que nous possédons. Vous allez, j'espère, fonder autre chose qu'un seul et unique comptoir. Or, vous voulez protéger nos côtes et l'Escaut avec nos canonnières ; vous voulez protéger la pêche nationale à l'aide de la Louise-Marie ; que vous reste-t-il, même en adoptant l'amendement de l'honorable M. Veydt ? Il vous reste un navire pour protéger tous les comptoirs que vous allez répandre sur la surface du globe.

Ainsi, messieurs, il vous est impossible d'avoir, comme certaines puissances, une marine sérieuse et dès lors, il est inutile d'avoir une marine militaire quelconque pour la protection de votre commerce à l'étranger.

Croit-on, par exemple, que les endroits accessibles aux maisons belges soient de ces côtes inconnues et barbares où la propriété n'est pas respectée, et où le droit des gens est inconnu? On commerce mal, messieurs, avec les sauvages. Le commerce belge doit se faire avec des pays civilisés comme le nôtre, où la propriété est reconnue et où nos nationaux trouveront pour première protection les lois du pays. Voilà les situations qu'il faut au commerce belge ; et là où vous auriez besoin d'une protection, cette protection n'arriverait jamais que trop tard, après le pillage, après le désastre.

On vous a parlé, messieurs, d'un événement qui ne s'est pas réalisé, et je vous avoue que, pour ma part, lorsque j'ai vu l'annonce de cet événement correspondre précisément avec la discussion d'aujourd'hui, je n'ai guère cru à la réalité de la nouvelle. Elle me paraissait arrivée dans un moment passablement suspect, trop suspect pour que la nouvelle fût vraie.

Mais si l'événement s'était vérifié, je demanderai ce que notre marine aurait pu y faire?

Nous eussions envoyé un navire de guerre pour aller châtier les Indiens descendus de la montagne à Guatemala ? Mais il aurait fallu d'abord que la nouvelle fût parvenue; ensuite notre navire devait avoir le temps de se rendre à Guatemala. Il serait donc arrivé lorsque les Indiens étaient retirés depuis longtemps sur leur montagne, puisque montagnes il y a, et lorsque, par conséquent, votre sorte de gendarmerie maritime n'aurait plus rien eu à faire, car vous ne pouvez avoir la prétention d'opérer avec l'équipage d'un brick comme troupes de débarquement.

Non, messieurs, en semblables circonstances, vous eussiez demandé protection à autre chose qu'à notre marine militaire. Pour faire œuvre raisonnable et sérieuse, qu'auriez-vous fait ? Vous vous seriez adressés au gouvernement régulier du pays avec lequel vous avez traite de la fondation de la colonie de Santo-Thomas, et c’est ce gouvernement qui aurait protégé nos nationaux, dans son intérêt autant que dans le nôtre.

(page 208) Du reste, messieurs, des, craintes, de cette nature sont singulièrement démenties par les renseignements que le gouvernement a souvent produits devant le pays.

Dans un premier rapport relatif à Guatemala, le rapport du colonel de Puydt, on lit que dans aucun pays du monde, la propriété n'est plus respectée que dans les Etats de l'Amérique centrale.

Dans l'enquête de M. Blondeel, à propos de la colonie de Santo-Thomas, on lit encore ce qui suit, 2e partie, pages 71 et suivantes :

« Quelles sont les dispositions de la population de l'Amérique centrale à l'égard des étrangers en général et des Anglais et des Belges en particulier,? - Les « blancs », la partie la plus intelligente, la plus riche et la plus nombreuse (269,000 âmes), sont les plus grands amis des étrangers. Les « sang-mêlés » (505,000 âmes) craignent l'Europe qu'ils connaissent peu. Les populations indiennes », ces populations descendent de la montagne, remarquez-le, messieurs, « les populations indiennes (705,000 âmes) sont généralement de mœurs paisibles. »

C'est M. Blondeel, notre agent officiel, qui le dit et les cautionne. Je poursuis :

« Des antipathies poussées jusqu'à la violence envers les Anglais (les hérétiques) s'affaiblissent considérablement envers les Belges. La population indienne, dans son enthousiasme religieux, est toujours disposée à accepter pour ennemi tout homme qui n'est pas catholique : cette répulsion n'existe pas pour nous. »

Ainsi, messieurs, quant à Guatemala, si les informations des agents du gouvernement sont exactes, nous pouvons dormir en paix; la marine militaire n'a pas besoin de nous protéger : les Indiens de la montagne nous veulent du bien à titre de coreligionnaires; les autres nous veulent du bien parce qu'ils veulent du bien à tous les étrangers.

L'on a dit que notre marine militaire avait rendu des services ; je ne le conteste pas; je sais que notre marine militaire renferme des hommes intelligents, capables qui, bien utilisés, peuvent rendre au pays tous les services qu'un bon marin peut rendre.

Mais la question n'est pas là. Est-ce comme militaires que ces hommes ont rendu des services? Est-ce comme marins? Si c'est comme marins, vous avez la marine commerciale qui leur ouvre ses bras, tous les jours notre marine marchande demande en masse des naturalisations de capitaines étrangers parce que ses navires manquent de chefs nationaux intelligents et capables.

Les officiers de notre marine militaire, aussi capables que ces étrangers, trouveraient dans la marine marchande des avantages matériels que votre service militaire, sans avancement, sans avenir, ne leur procurera jamais.

Vous manquez de matelots belges, et vous venez dire que la marine militaire va mettre sur le pavé toute une population de pères de famille sans emploi, sans ressources. Mais que les armateurs d'Anvers et d'Ostende, qui se plaignent de l'absence de matelots nationaux, vous rassurent. La suppression de notre marine militaire admise, voilà des matelots trouvés; voilà les navires remplis, les équipages complétés.

« Toutes les nations, disait l'honorable M. de T'Serclaes, qui veulent un commerce maritime, veulent également une protection militaire maritime. Voyez l'Allemagne ! Elle demande aujourd'hui à avoir une marine militaire. »

Je constate tout de suite, en relevant l'argument, que l'Allemagne a vécu jusqu'ici sans marine militaire, et que cette prétention à la création d'une telle marine coïncide précisément avec une époque où des prétentions politiques beaucoup plus graves passionnent les esprits en ce pays; avec une époque où l'Allemagne aspire à jouer, sous le rapport militaire, sur mer comme sur terre, un rôle politique beaucoup plus important que par le passé !

Pour moi, messieurs, je souhaite à mon pays l'extension la plus large de son commerce maritime, mais à ce point de vue je ne souhaite à la Belgique qu'une chose, et je m'en contente. Je lui ai souhaité une prospérité commerciale maritime égale à celle dont jouit depuis longtemps la cité commerciale si prospère de Hambourg. Hambourg a un commerce maritime important. Ses navires ont aborder à tous les points du globe; Hambourg n'a pas un navire militaire, Hambourg n'en demande pas.

On a parlé des services que notre marine militaire allait rendre au point de vue de l'exportation des émigrants.

Mais l'Allemagne envoie des émigrants vers tous les points de l'univers où l'émigration est bien reçue. L'Allemagne expédie par les ports de Hambourg et de Brème des milliers d'émigrants, et l'on n'y songe pas à les faire escorter par la moindre force militaire. Si des compagnies allemandes concluent des arrangements avec des armateurs d'Anvers pour le transport des émigrants, et le cas est fréquent, j'en conviens, si fréquent même que notre gouvernement a dû prendre à cet égard des mesures de police, le font-ils pour s'assurer la protection ou le concours de la Louise-Marie?

Ils le font uniquement, parce que nos armateurs qui se chargent de ces expéditions offrent plus de garanties ou plus d'avantages à ces sociétés de l'Allemagne, que ne peuvent leur offrir leurs armateurs nationaux.

On a parlé en deuxième analyse des nécessités de la police sanitaire, des nécessités de la surveillance de nos côtes.

La surveillante de nos côtes! Savez-vous, messieurs, de quelle é'endue sont les côtes belges à surveiller? 25 lieues, messieurs. Je ne sache pas, d'ailleurs, qu'on ait employé à la surveillance de nos côtes maritimes proprement dites, du littoral des Flandres, des navires ou des chaloupes de guerre.

Si l'on a employé pour la police sanitaire ou pour tout autre motif nos bâtiments de guerre, c'a été dans l'Escaut. Il ne faut pour cela que de simples embarcations civiles sans canons. Les canons ne font rien à la question de police, encore moins à la question de santé.

Messieurs, la suppression de la marine militaire n'entraîne pas dans l'esprit de ceux qui la réclament à titre d'économie, la suppression de toute espèce de service maritime exploité par l’État. Et la preuve, c’est que moi, par exemple, qui ai voté tout à l’heure le maintien de l’exploitation des paquebots à vapeur par l’État, je n’ai pas cru me mettre par ce vote en contradiction avec moi-même, quant à mon idée fondamentale sur l'inutilité de la marine militaire. Je me suis dit : L'Etat exploite les paquebots à son compte personnel, et il lui plaît de mettre sur ces navires qui n'ont pas de canons, des militaires ; soit. Mais l'habit ne fait pas le moine; il faut là avant tout un marin, et ce n'est pas un militaire qu'on a voulu y placer. On a pris le marin, quoique militaire; parce qu'il était instruit, capable et non pour l'épaulette, sans laquelle le service marcherait aussi bien.

Dans l'opinion que je défends, on admet, je le répète, comme institution utile ce service maritime exploité par l'Etat, mais ses partisans ne veulent que cela. Ils n'entendent pas supprimer la marine. Ils proscrivent l'uniforme, l'attirail militaire, les canons, qui sont un ornement superflu, un luxe par trop dispendieux.

On disait enfin qu'au port d'Anvers, la marine militaire pouvait, dans des circonstances critiques, et concurremment avec l'armée de terre, être employée utilement à la défense du territoire.

Messieurs, je crois que telle n'est pas l'opinion des hommes compétents. Si M. le ministre de la guerre était consulté sur ce point qui, sous son administration, a fait l'objet d'un mûr examen de la part d'une commission spéciale, réunie il y a à peu près un an, mois pour mois, on apprendrait, je pense, que l'emploi de la marine militaire, pour concourir à la défense de la place d'Anvers, est quelque chose de parfaitement indifférent à la sûreté de l'Etat. Et à l'appui de cette opinion, qu'il me soit permis, puisqu'on a invoqué des précédents historiques, d’en opposer un à mon tour.

Je me rappelle fort bien, quoique je ne sois pas très expérimenté en matière d'histoire militaire, je me rappelle avoir lu qu'à une époque où la place d'Anvers était menacée, époque où une force maritime considérable se trouvait dans l'Escaut, lors de l'expédition anglaise de 1809, la première mesure militaire prise a été de retirer la flotte imposante de devant les bassins d'Anvers et de lui faire remonter l'Escaut aussi loin qu'il était possible, de manière à éviter tout contact de la force maritime française avec la force maritime anglaise qui la menaçait.

On s'en est remis exclusivement du soin de sauver Anvers, à la défense organisée par la force de terre ; la configuration de la place d'Anvers, le coude que fait l'Escaut, les ouvrages de fortification extérieure qui, font la principale défense de la place d'Anvers vers la mer, contraignent nécessairement celui qui défend Anvers à écarter le concours d'une force maritime, car elle ne pourrait opérer qu'entre deux feux : l'ennemi devant, le fort du Nord à dos.

Je me résume, messieurs. Je ne sais si l'intention de la chambre est, contrairement aux possibilités, d'arriver graduellement, comme on paraissait l'espérer en 1837, à la constitution d'une marine militaire, proportionnée à la population de la Belgique, et à la force militaire dont elle dispose sur terre. Une intention semblable nous occasionnerait certainement une dépense d'établissement de 60 à 80 millions ; en prenant pour exemple l'organisation de la puissance maritime, dont la population se rapproche le plus de notre chiffre, l'exemple de la Suède; si l'on ne veut pas atteindre ce résultat, que les ressources du pays ne permettent pas d'espérer, il faut considérer la mesure qu'on prend aujourd'hui comme une mesure de transition.

Loin d'engager le gouvernement à remettre en armement les navires qu'il désarme, à s'arrêter dans la voie où il est entré, il faut une bonne fois l'exciter à aller plus loin, à amener graduellement la suppression d'une carrière qui n'en est pas une et qui n'a qu'un seul résultat : c'est de tromper de braves et loyaux officiers, en leur donnant confiance dans un avenir impossible à réaliser, en les maintenant dans une carrière sans gloire et sans issue.

M. Delfosse. - Messieurs, on propose d'accorder deux tiers de solde au personnel qui sera mis en disponibilité par suite du désarmement du brick le Duc de Brabant. La question de savoir quelle position on fera aux employés mis en disponibilité est une question grave sur laquelle je ne veux pas, en ce moment, engager une discussion. L'heure est trop avancée et la chambre paraît avoir hâte d'en finir; mais je fais toutes mes réserves sur cette question qui se reproduira plus d'une fois dans la discussion des budgets.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je tiens à ce que la chambre sache que la question du désarmement du Duc de Brabant a été longuement et mûrement débattue dans la section centrale. Je puis même ajouter que la première fois que cette question a été traitée, les défenseurs des intérêts de la marine et des intérêts commerciaux qui se rattachent à la conservation de la marine, étaient restés en majorité. Des explications ont été demandées à M. le ministre des affaires étrangères, et ces explications ont été d'une telle nature, que la section centrale a dû changer d'avis. Je ne citerai les explications de M. le ministre que sa dernière phrase, puisqu'elle est, à mon avis, péremptoire.

Cette phrase, la voici : « Je dois ajouter que pour 1849 je n'ai aucune destination utile à lui donner. » C'est-à-dire, messieurs, que ceux qui soutiennent aujourd'hui qu'il faut s'opposer au désarmement momentané (page 209) du Duc de Brabant, arrivent à cette conclusion qu'il faut forcer le gouvernement à une dépense de plus de 140,000 fr. sans utilité. C'est là la conclusion des discours prononcés aujourd'hui et qui s'opposent à la proposition que nous fait le gouvernement.

Maintenant est-il vrai que nous allons trancher aujourd'hui la question générale, la question beaucoup plus importante de la destruction, de l'anéantissement de la marine militaire? Messieurs, il n'en est rien; et sous ce rapport je dois combattre la conclusion de l'honorable M. Orts. Nous conservons nos bâtiments de guerre tels qu'ils sont, et même on vous a demandé au budget de quoi solder le personnel nécessaire à l'entretien convenable de ses bâtiments.

Que si plus tard, même dans le courant de 1849, il était reconnu qu'il y a utilité, qu'il y a convenance à armer de nouveau, soit le brick le Duc de Brabant, soit l'une des deux canonnières ou même les deux canonnières, cet armement est l'affaire de quinze jours à trois semaines. Le gouvernement viendrait alors vous faire un rapport à cet égard, vous demanderait un crédit spécial, et le bâtiment nécessaire pourrait être mis en mer en moins d'un mois.

En résumé donc, messieurs, car je ne veux pas abuser des moments de la chambre, il y a pour ainsi dire impossibilité de s'opposer d'une manière sérieuse à la proposition que vous fait le gouvernement du désarmement momentané du brick le Duc de Brabant et de deux canonnières; puisque le gouvernement vous déclare que pour 1849 il n'a aucune destination utile à leur donner.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'honorable M. de Brouckere vient d'exposer avec une lucidité parfaite le sens et la portée de la proposition du gouvernement. Il ne s'agit pas de se décider maintenant sur l'augmentation future de la marine ni sur sa suppression; La question est simplement celle-ci : Y a-t-il lieu de maintenir une certaine dépense qui figure au budget, en présence des besoins d'économie et des rigueurs du service? Je crois que c'est la question qu'a dû se faire le gouvernement, non seulement pour la marine, mais pour toute espèce de service de l'Etat. C'est cette question qu'il a dû se poser chaque fois qu'avec le désir de réaliser des économies, il s'est livré à l'examen des différents budgets.

Eh bien, d'après l'examen que nous avons fait, nous avons trouvé que le maintien en mer du brick le Duc de Brabant pour 1849 ne présenterait pas une utilité suffisante pour la dépense qu'il occasionnerait.

D'honorables préopinants ont donc donné, ce me semble, un sens beaucoup trop absolu à la résolution que vous avez à prendre. L'honorable M. de T'Serclaes est effrayé de ce qui va arriver pour la marine; il voit, dit-il, un premier pas fait vers sa destruction. On va désarmer un navire, tout est compromis!

Messieurs, c'est une question qui dépendra complètement de l'appréciation du gouvernement et des chambres. Si le gouvernement et les chambres trouvent qu'il faut remettre en mer ce brick, qu'il faut accroître la marine, qu'il y a intérêt, nécessité à cet accroissement, ils seront libres de le faire, rien ne pourra les en empêcher. On peut donc être rassuré à cet égard et se confier dans la sollicitude du gouvernement et des chambres.

Il est parfaitement exact, d'après des renseignements que j'ai pris, qu'en peu de temps on peut réarmer le brick; quinze jours ou trois semaines suffiront. Je puis aussi déclarer que les matelots n'auront pas à souffrir de la mesure qui est proposée. Des renseignements ont été pris à cet égard. Les matelots qui sont sur le brick, appartiennent généralement à la milice; ils pourront retourner en congé illimité dans leurs foyers; d'autres trouveront à se placer. La position de ces matelots a donc appelé l'attention du gouvernement. (La clôture!)

J'avais beaucoup d'autres observations à présenter, en réponse à l'honorable préopinant ; mais il parait que la chambre est justement impatiente d'aller aux voix.

Je désire seulement qu'on comprenne bien la proposition du gouvernement telle qu'elle doit être entendue. Il ne s'agit pas de la suppression de la marine; il s'agit du désarmement d'un navire auquel pour le moment nous n'avons à donner aucune destination. Il a fait un voyage naguère sur les côtes occidentales .de l'Amérique. Quant aux côtes d'Afrique dont a parlé l'honorable M. de T'Serclaes, la goélette la Louise-Marie les visitera, sans que cela l'empêche de protéger la pêche pendant la saison.

Le gouvernement trouve donc qu'un seul navire armé lui suffit pour 1849; si plus tard il a besoin d'un deuxième navire, il fera une proposition aux chambres.

- La clôture est demandée.

M. Veydt. (contre la clôture). - L'honorable M. Van Iseghem doit avoir des arguments et des arguments péremptoires à opposer à l'honorable M. Osy. S'il ne lui opposait pas ces arguments, je demanderais à pouvoir le faire.

Je demande donc que la discussion soit remise à lundi. La question est très importante.

M. Vilain XIIII. - L'honorable M. Van Iseghem avait cédé son tour de parole à l'honorable M. Osy pour pouvoir lui répondre.

- Plusieurs membres. - Ayons séance ce soir.

- D'autres membres . - A demain.

M. le président. - Messieurs, je serai obligé de faire une observation à la chambre.

Voilà huit jours que nous discutons le budget des affaires étrangères. Si la discussion est continuée à lundi, nous ne pourrons avoir le second voie que mercredi.

La section centrale chargée d'examiner le budget des voies et moyens, a terminé hier soir son travail. Ce budget devait être immédiatement examiné par la chambre. Car si, comme tout porte à le croire, la discussion est longue, il sera impossible de satisfaire au vœu exprimé si souvent par le sénat.

Le rapport pourra, je pense, être fait lundi ; je le répète, la discussion ne devra pas en être retardée.

Messieurs, je regrette de devoir le dire, nous n'en sortirons pas sans quelques séances du soir. Si, par exemple, la chambre voulait se réunir ce soir, le second vote du budget des affaires étrangères pourrait être fixé à lundi. (Interruption.) Il me suffit d'avoir fait cette observation à la chambre. J'ai cru qu'il était de mon devoir de la présenter. La chambre en décidera comme elle le jugera à propos.

M. Dumortier. - J'appuie fortement l'observation que vient de vous présenter, avec beaucoup de raison, M. le président. Nous voici arrivés au 10 décembre; il est temps que nous avancions dans l'examen des budgets. Nous avons à peine fini la discussion du premier. Nous en avons encore sept à examiner et celui des voies et moyens demandera beaucoup de temps. Il est indispensable que la chambre prenne une mesure pour accélérer ses travaux.

Quant à moi, je désirerais prendre part à cette discussion.

J'ai toujours porté un immense intérêt à notre marine militaire, parce que j'y vois l'avenir de la marine marchande. Mais comme il ne s'agit que d'une mesure provisoire, je renoncerai à la parole si la chambre désire voter. Si l'on voulait prolonger cette discussion, je vous prierais d'avoir aujourd'hui une séance du soir, afin que lundi on pût passer au second vote du budget des affaires étrangères et passer ensuite à la discussion du budget des voies et moyens. Remarquez que si nous remettons la séance à lundi, nous ne pourrons procéder au vote définitif que mercredi; la plus grande partie de la semaine sera écoulée avant d'aborder un autre objet. Le pays, messieurs, attend de nous un prompt examen des budgets. J'engagerai au besoin l'honorable M. Van Iseghem à ne pas insister pour avoir la parole. Je sais qu'il nous dira des choses excellentes ; j'en suis profondément convaincu, mais je ne crois pas que nous ayons chance d'obtenir la remise à flot d'un brick destiné à passer l'hiver et probablement l'année entière dans un bassin.

M. le président. - M. Van Iseghem, vous opposez-vous à la clôture?

M. Van Iseghem. - Oui, M. le président. J'avais cédé mon tour à l’honorable M. Orts dans l'intention de lui répliquer; car il y a; d'après mon avis de graves erreurs dans son discours, j'espère que la chambre voudra bien m'entendre.

Nous avons d'ailleurs à examiner encore les articles relatifs au pilotage et au matériel. Il est impossible que la chambre termine cette discussion aujourd'hui. Je demande la remise à lundi.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

L'amendement de M. Veydt est mis aux voix; il n'est pas adopté.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre proposé par le gouvernement.

M. Delfosse. - J'ai fait une réserve.

- Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.

M. Cans. - Je demande la remise de la discussion à lundi.

M. Osy. - Quand nous arriverons à l'article relatif au matériel, j'aurai des explications à donner. Il vous sera impossible de finir aujourd'hui.

M. Dumortier. - En ce cas ayons une séance du soir ou demain. Le pays attend de nous que nous avancions dans nos travaux.

M. de Theux. - Je consentirais à ce qu'il y eût une séance du soir. Mais je viens de compter le nombre des membres présents ; nous ne sommes plus en nombre et il est à présumer que ce soir nous serions encore moins nombreux.

- La suite de la discussion est renvoyée à lundi.

M. de Luesemans dépose le rapport supplémentaire de la section centrale sur les articles relatifs au pilotage.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 5 heures.