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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 mai 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1333) M. A. Vandenpeereboom fait l'appel nominal à une heure et quart.

- La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Bevierre, éclusier sur le canal de Charleroy, né à Felleries (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal de Straimont prie la chambre d'ordonner le versement dans la caisse de cette commune des impositions sur les propriétés de l'Etat pour la réparation des chemins vicinaux en 1846, 1847 et 1848. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Goos réclame l'intervention de la chambre pour que son fils Pierre soit exempté du service militaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Louvain demandent que la garde civique soit divisée en deux bans. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Straimont demande l'annulation d'une décision de la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, en date du 22 octobre 1845, qui accorde à quelques sections des communes d'Izel et de la Cuisine des droits à la propriété boisée dite de Fàt. »

- Même renvoi.


« Les commis greffiers près le tribunal de première instance, à Liège, présentent des observations sur le projet de loi qui modifie la loi sur l'enseignement supérieur. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.

Propositions de loi relatives au droit sur les sucres

Discussion par questions de principe

M. H. de Brouckere (pour une motion d’ordre) - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, je vais déposer un amendement qui se rattache à l'aricle 6 du projet, mais cet amendement est de nature à exercer une influence directe sur la question que vous êtes appelés à décider aujourd'hui, celui du rendement ou de la décharge. Je demanderai la permission de lire la disposition que je propose :

« Art. 6. Le minimum du produit de l'accise sur le sucre est fixé à 875,000 francs par trimestre.

(C'est le chiffre voté hier.)

« Si la recette est inférieure à ce minimum, la différence sera répartie entre les fabricants et raffineurs, au marc le franc des prises en charge ouvertes à leurs comptes.

» Le montant du déficit sera acquitté en espèces dans les dix jours qui suivront la notification. »

M. le président. - Nous nous occuperons de cet amendement quand nous en serons à l'article 6 qui est relatif au rendement. Avant, nous avons à décider une question résultant du dernier vote de la chambre.

Hier la chambre a décidé qu'il y aurait une différence de 8 francs dans le droit d'accise des deux sucres. Il s'agit de savoir à quel taux le droit sera respectivement fixé. Le gouvernement propose de le fixer à 48 francs pour le sucre exotique et à 40 francs pour le sucre indigène ; M. Manilius a proposé de le fixer à 45 francs pour le sucre exotique et à 37 francs pour le sucre indigène.

La discussion est ouverte sur cette question.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, dans cette question des sucres qui a été si souvent et si longuement discutée, il n'y a que deux systèmes qui me paraissent logiques : c'est celui de 1846 et celui de l'honorable M. C. de Brouckere. La chambre a décrété l'exportation; mais je crains beaucoup que ce décret ne reste une lettre morte, car l'exportation sera sinon impossible au moins très difficile. Dans l'état actuel de la discussion, il ne me reste plus qu'à appuyer l'amendement de mon honorable ami M. Manilius qui a pour but de sauvegarder le marché intérieur. Plusieurs raffineurs de Gand et d'Anvers ont déjà appelé notre attention sur ce point : les considérations que ces industriels ont fait valoir sont extrêmement importantes; il est impossible, messieurs, de nier l'influence du droit d'accise sur la consommation.

Vous savez les faits qui se rattachent à nos différentes législations sur les boissons distillées ; vous savez ce qui s'est passé en Angleterre, où une diminution de droits de 15 p. c. sur les sucres a provoqué une augmentation de la consommation d'un quart.

Le gouvernement nous propose une augmentation de droits de 10 p. c. ; eh bien, messieurs, nous sommes fondés à dire que le raffinage diminuera dans une proportion beaucoup plus forte. Il n'y a là rien d'exagéré, car il faut tenir compte aussi d'un million de kilog. de candi que nous vendons à des voisins qui payent aujourd'hui le sucre plus cher que nous. Il faut tenir compte de la fraude qui s'organisera sur nos frontières du nord et, quoi qu'on fasse, on ne pourra pas éviter l'infiltration de ce côté.

Si le commerce interlope introduit 100 kilog. de sucre vergeois, on fraudera 48 francs, c'est-à-dire une somme égale au produit de l'augmentation du droit de 5 francs sur 1,500 kilog. ; en d'autres termes, si l'infiltration s'élève à 400,000 kilog., les effets que M. le ministre attend de l'augmentation du droit de 3 francs seront complètement annulés.

Vous voyez, messieurs, que dans l'intérêt du raffinage et du commerce qui s'y rattache, dans l'intérêt même du trésor, la proposition de l'honorable M. Manilius doit être préférée à celle du gouvernement.

M. le président. - L'amendement suivant vient d'être déposé par M. de Brouwer de Hogendorp.

« Le droit d'accise sur la mélasse, importée directement des pays hors d'Europe, est fixé à 17 fr.

« Sont applicables à la mélasse les droits d'entrée sur le sucre brut de canne importé des pays de production et des pays transatlantiques autres que ceux de production. »

- La chambre, sur la proposition de M. de Brouwer de Hogendorp, décide que la discussion sur cet amendement sera jointe à la discussion sur l'article 3.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis me rallier à l'amendement qui a été déposé par l'honorable M. Manilius ; la raison en est simple. Quel est le but qu'on veut atteindre, en combinant la loi de manière à lui faire produire des effets fiscaux, des effets commerciaux? C'est précisément d'obtenir un mouvement commercial, et de le développer autant que possible. Sans cela, le but de la loi ne serait pas atteint ; il le serait très imparfaitement dans le système de l'honorable M. Manilius.

C'est ce qui répond aux observations que vient de présenter l'honorable M. T'Kint de Naeyer.

Pour que la loi produise ses effets quant à l'exportation, il faut que l'impôt se compte par 48 et 40, plutôt que par 37 et 45. L'impôt de 48 et 40, avec une décharge de 64, et par conséquent un rendement de 70 kil. 31, vous donnerait un mouvement commercial de 27,092,470 kil. Eh bien ! la même recette de 3,500,000 avec l'impôt de 48 et 40, la décharge de 68 répondant au rendement de 70.59, qui est le même que dans la proposition de l'honorable M. Manilius, vous donnerait au contraire un mouvement de 33,134,705 kilogrammes.

Voilà le motif unique, mais qui est péremptoire, sur lequel je me fonde pour ne pas admettre cet amendement.

M. Manilius. - Déjà, j'ai eu l'honneur d'expliquer mon but à la chambre : c'est de maintenir un grand mouvement commercial. Pour atteindre ce but, nous devons éviter d'encombrer le marché.

Je ne m'étendrai pas davantage à cet égard. L'honorable M. T'Kint de Naeyer vient de le répéter: si vous élevez trop le chiffre de l'accise, nécessairement vous diminuez la consommation et le mouvement commercial, et vous êtes menacés de la fraude et vous perdez l'infiltration.

Quant à la seconde partie de mon amendement, elle doit être réservée jusqu'à ce que nous examinions la question du rendement. Il ne doit être question pour le moment que du droit d'accise.

Je pense qu'on en a dit assez à cet égard, et je me bornerai à cette simple observation.

(page 1334) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Manilius ne m'a pas bien compris. Il est certain que la question du rendement est réservée. Mais il faut examiner quel serait l'effet de la proposition de l'honorable membre avec un rendement donné. Si tous supposez un autre rendement, il faudra l'appliquer également à ma proposition, et nous nous trouverons encore dans les mêmes, termes. Supposant donc un rendement donné, une recette de, un impôt de, nous aurons tel mouvement commercial.

Eh bien, avec votre proposition, avec l'impôt de 37 et 45, vous aurez un mouvement commercial moindre qu'avec l'impôt de 40 et 48 fr., toutes choses égales d'ailleurs, le même rendement étant donné, la même consommation étant admise. (Interruption.)

Il est clair qu'il faut opérer sur une base; qu'on en donne une. Voulez-vous 12 millions, voulez-vous 15 millions? J'admettrai le chiffre qu'il vous conviendra de choisir; mais j'opérerai pour toutes les propositions avec les mêmes termes. Alors les comparaisons seront égales et mes conclusions seront également rigoureuses. Il est clair que si j'applique certains termes de discussion à la proposition de l'honorable M. Manilius, je dois appliquer les mêmes termes de discussion à ma proposition. C'est dans ces conditions que je démontre qu'il y a un mouvement beaucoup plus considérable avec l'impôt de 40 et 48 fr. qu'avec l'impôt de 37 et 45.

- La discussion est close.

M. le président. - La chambre veut-elle d'abord voter sur les chiffres de 48 et de 40 fr.

M. Manilius. - Il me semble que la question est nettement posée. Il ne s'agit que de deux chiffres, ceux de 48 et de 45 pour la canne, et ceux de 40 et 57 pour la betterave. L'un est un amendement de M. le ministre, l'autre est un sous-amendement. Or, il est de règle de mettre le sous-amendement aux voix avant l'amendement.

Je demande qu'on procède conformément au règlement.

L'amendement de M. Manilius est mis aux voix par appel nominal.

80 membres sont présents.

1 membre (M. Toussaint) s'abstient.

53 membres répondent oui.

26 membres répondent non.

En conséquence l'amendement est adopté.

Ont répondu oui : MM. Reyntjens, Rousselle, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Boulez, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, David, de Breyne, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, Desoer, de Theux, Faignart, Jacques, Jullien, Julliot, Lange, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Pierre, Pirmez, Prévinaire et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Rodenbach, Rogier, Rolin, Sinave, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Hoorebeke, Van Renynghe, Veydt, Christiaens, de Baillet (Hyacinthe), Henri de Brouckere, Delescluse, de Perceval, de Pitteurs, Devaux, d'Hont, Dubus, Dumont, Frère-Orban, Jouret, Lebeau, Liefmans, Loos, Osy et Peers.

M. le président. - M. Toussaint, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Toussaint. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que je n'ai pas assisté à toute la discussion sur le point que la chambre vient de décider.

M. Cools (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous n'avons plus qu’un principe important à voter, c'est celui qui concerne la décharge. D'après la décision que la chambre prendra, elle aura ou n'aura pas une loi relativement bonne comme loi d'impôt et bonne comme loi de progrès industriel. Mais, messieurs, ce principe se rattache à l'article 6. Tout ce qui se rattache à la décharge, les propositions qui ont été faites, celles qui pourront être faites, l'amendement de l’honorable M. de Brouwer de Hogendorp, tout cela pourra être traité lorsque nous en serons à l'article 6; nous gagnerions du temps en abordant maintenant les articles.

M. Delfosse. - Messieurs, j'apprécie la proposition de l'honorable M. Cools; mais l'article 6 ne devrait pas être voté aujourd'hui; je demande l'impression et la distribution de l'amendement de l’honorable M. H. de Brouckere. J'en demande, en outre, le renvoi à la section centrale qui pourrait faire son rapport demain. C'est un amendement très important.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet de loi actuel donnera nécessairement lieu à un second vote. En supposant que toutes les dispositions soient arrêtées aujourd'hui... (Interruption.)

Je dis que le projet de loi actuel donnera nécessairement lieu à un second vote; en supposant que toutes les dispositions du projet seraient adoptées aujourd'hui, on aurait le temps d'examiner celles qui seraient adoptées provisoirement, la discussion pourrait s'ouvrir de nouveau sur les propositions susceptibles de contestation, notamment sur l'amendement de M. de Brouckere. L’honorable membre a eu l'obligeance de me communiquer le principe de sa proposition avant de la déposer. Elle est grave. L'article 6 du gouvernement a pour but de donner au gouvernement un moyen efficace d'assurer la recette ; nous avions pensé que le moyen le plus efficace, ce n'était pas un but, puisque l'article 6 aurait pour effet de détruire l'exportation si on pouvait l'appliquer, mais nous avons pensé que c'était le moyen le plus efficace parce que, en effet, l'élévation successive du rendement est le moyen naturellement indiqué pour assurer la recette.

L'honorable M. de Brouckere a trouvé une combinaison dont le principe paraît susceptible d'être accueilli, sauf quelques dispositions additionnelles déterminant certaines formes, certaines garanties que j'indiquerai.

Cet amendement me paraît susceptible d'être accueilli ; il est complètement efficace, il assure la recette ; il est très facile de le comprendre. L'honorable membre demande que le produit de l'accise soit réglé par trimestre; que l'on assure une somme de 895,000 francs par trimestre et pour le cas où une quotité de cette somme ne serait pas perçue, où il y aurait déficit, la répétition serait faite sur tous les fabricants au marc le franc des prises en charge ouvertes à leur compte.

Ainsi il est certain que l'on peut obtenir la recette, cela n'est pas douteux ; si dans les dix jours de l'avertissement donné à celui qui se trouve débiteur vis-à-vis du trésor, le payement n'est pas effectué, on ne lui délivrera plus de permis d'exportation ; il est évident alors que les fonds rentreront au trésor; les prises en charge ne pouvant plus donner lieu à l'exportation elles seront mises en consommation partout en payant l'accise au trésor. Il convient de l'adopter. Le gouvernement a soumis le principe de la proposition à un mûr examen. Je dépose les nouvelles rédactions qu'il conviendrait d'adopter dans cette hypothèse. Les voici :

(M. le ministre en donne lecture.)

Ainsi, par la modification introduite à l'article 6, on assure la rentrée de trois millions de francs qui doit être obtenue au 30 juin prochain.

M. le président. - Ces amendements seront imprimés.

M. Cools. - Comme l'a fait observer M. le ministre des finances, les propositions qui viennent d'être faites dans la séance d'aujourd'hui sont graves. A la première vue elles me paraissent présenter cet inconvénient, c'est de nous laisser avancer aussi loin dans le système des primes, et de transformer en maximum le produit minimum que la chambre avait fixé hier.

Je ne puis me prononcer sur la portée de ces divers amendements, dont je n'ai pas bien saisi le sens. De toute manière il est impossible d'aborder l'examen de ce projet de loi dans la séance d'aujourd'hui; je crois qu'il y a nécessité d'adopter la proposition de M. Delfosse, et de renvoyer le tout à la section centrale qui fera un rapport aussi prompt que possible.

M. H. de Brouckere. - Je ne vois pas d'inconvénient au renvoi de ma proposition à la section centrale, qui pourrait s'en occuper demain matin, et M. Cools, dont nous connaissons le zèle et l'activité, pourrait déposer son rapport à l'ouverture de la séance. Il n'y a pas d'inconvénient à nous occuper des cinq premiers articles, à laisser ensuite en suspens l'article 6 et les articles suivants relatifs au rendement, pour aborder les articles suivants; nous pourrons ainsi remplir la séance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous pouvons nous occuper de toutes les propositions du projet, c'est sur les amendements du gouvernement qu'il s'agit de discuter.

L'article 5 n'est pas amendé. C'est là que s'élèvera la question de savoir quelle sera la décharge, en d'autres termes quel sera le rendement.

Viendront les articles 6 et 7, que l'on pourra renvoyer à la section centrale, si on le juge utile; ce à quoi je suis loin de m'opposer. Ou bien l'on pourra admettre provisoirement (sauf à examiner demain), les articles primitifs du projet et s'occuper des autres dispositions. Le projet de loi se trouverait ainsi à peu près définitivement adopté.

- La chambre décide qu'il sera passé outre à la discussion des articles, et sur la proposition de M. le président, appuyée par M. Cools, rapporteur de la section centrale, décide que la discussion s'établira sur le nouveau projet du gouvernement (amendements présentés le 17 avril par M. le ministre des finances).

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le droit d'accise est fixé à 45 francs par 100 kilogrammes de sucre brut de canne, et à 35 fr. par 100 kilogrammes de sucre brut, de betterave. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. A partir du 1er janvier de chaque année , les raffineurs jouiront d'un crédit de 6 mois pour les droits résultant des quantités de sucre brut de canne ou de betterave inscrites à leurs comptes, si elles restent au-dessous de 500,000 kilogrammes.

« Pour toutes les .quantités supérieures, ce crédit sera réduit à quatre mois. »

M. Jacques. - Il me paraît que cette rédaction laisse du doute sur le point de départ du crédit. Je crois que, d'après la législation, le crédit commence à partir de la date du document qui constate la prise en charge.

Si l'on maintenait la rédaction, on pourrait croire que le crédit commence à courir à partir du 1er janvier. Je pense donc que les mots à partir du 1er janvier devraient être transportés à la fin du premier paragraphe, afin de laisser la législation actuelle en vigueur quant à l'époque à partir de laquelle le crédit doit courir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne me paraît pas que la rédaction puisse offrir le moindre doute. C'est la disposition actuellement en vigueur, sauf la réduction du crédit à quatre mois pour les quantités supérieures à 500,000 kilog.

(page 1335) M. Jacques. - J'avais pensé qu'il laissait du doute sur l'époque à partir de laquelle le crédit commence à courir.

M. H. de Brouckere. - Nullement. Le crédit est de six mois; il court à partir de la prise en charge. Il n'y a pas d'autre interprétation possible.

M. Jacques. - Ces explications me suffisent.

- L'article 2 est adopté.

Article 3

« Art 3. Sont admis à l'exportation :

« a. Les sucres en pains, mélis ou lumps blancs, bien épurés et durs, sans teinte rougeâtre ou jaunâtre et dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et le sucre candi à larges cristaux clairs et secs.

« Les sucres raffinés en pains, mélis et lumps, destinés à l'exportation, pourront être piles ou concassés dans les entrepôts publics désignés à cet effet. La quantité et la qualité des sucres à piler ou à concasser seront vérifiées avant leur admission dans les entrepôts. Ceux qui ne réuniraient pas les qualités spécifiées ci-dessus ne seront pas emmagasinés.

« b. Tous autres sucres raffinés, tels que sucre raffiné en poudre, dit cassonade, sucre candi, dit manqué, à petits cristaux, humides, revêtus de croûtes, et sucre en pains de teinte rougeâtre ou jaunâtre.

« c. Les sirops provenant du raffinage du sucre brut de canne ou de betterave, et à l'exclusion des mélasses. »

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, mon amendement se rattachant à cet article, je demanderai à pouvoir le développer.

Je serai très court dans ces développements. Ce que la chambre a surtout cherché dans les voies qu'elle a émis jusqu'à présent, c'est de conserver à la loi sur les sucres un caractère commercial. Or, messieurs, il y a une contradiction manifeste entre cette pensée et la prohibition dont on frappe les mélasses.

La législation hollandaise, la législation anglaise admettent les mélasses à un certain droit. Ce droit en Angleterre est en proportion de la matière saccharine que contient la mélasse brute. On évalue que la proportion de la matière saccharine dans la mélasse brute, comparée au sucre moscovade ou au sucre terré, est comme de 3 à 8.

La législation a donc constamment adopté cette base pour la fixation du droit.

A une époque où, en Angleterre, on accordait également, non pas un drawback, mais une prime à la sortie des sucres, le droit sur la mélasse a constamment été fixé à ce taux.

Lors de la discussion de la loi du 17 mai 1847, M. le ministre des finances a proposé de prohiber dorénavant à l'entrée la mélasse brute, parce que, disait-il, il pourrait en résulter une perte pour le trésor, puisque la loi accorde une décharge à la mélasse raffinée. Or, messieurs, en fixant le droit d'accise sur la mélasse au taux où je propose de le porter, il est impossible qu'il y ait une perte pour le trésor : le droit que je propose est de 17 fr. C'est une proportion qui excède celle qui est adoptée en Angleterre, et qui excède de beaucoup celle qui est adoptée en Hollande, et certes, il n'est pas à craindre que les craintes exprimées, en 1847, par M. le ministre des finances viennent à se réaliser.

Le ministre, en disant en 1847 que la mélasse, importée au droit de 3 fr. par 100 kilog., pouvait donner lieu à des fraudes ou à une perte pour le trésor, avait parfaitement raison. Mais il est impossible qu'il en soit ainsi, si ce droit d'accise est fixé à 17 fr.

Messieurs, dans mon opinion, il serait extrêmement favorable au commerce que la mélasse pût être importée et raffinée dans le pays. C'est une matière extrêmement pondéreuse. Ou cherche surtout, en favorisant le commerce des sucres, à favoriser la navigation. A mon sens il n'y a pas de moyen plus sûr que celui d'admettre cette matière pondéreuse.

En Angleterre, messieurs, la mélasse est importée dans des quantités considérables. Ces mises en consommation se sont élevées, en 1845, à 628,000 quintaux, en 1846 à 582,000 quintaux, en 1847 à 638,000 quintaux, en 1848 à 637,000 quintaux. C'est à peu près un dixième du montant total des importations de sucre. Il me semble que, sans détriment pour le trésor et au grand avantage du commerce, nous pourrions adopter l'amendement que j'ai eu l'honneur Je proposer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la proposition qui vient d’être faite par l'honorable M. de Brouwer n'est pas un amendement à l'article qui est actuellement en discussion. L'honorable membre peut soumettre cette proposition à la chambre, qui l'examinera; mais ici il s'agit de déterminer quelles sont les qualités de sucre et des divers produits du sucre qui sont admis à l'exportation.

Si la proposition de l'honorable membre était adoptée, après avoir suivi les formes ordinaires, on pourrait déterminer ce qu'il y aurait à faire quant à l'exportation des produits résultant de la mélasse; mais jusqu'à présent rien de semblable n’existant, on ne peut pas considérer la proposition comme amendement à l'article en discussion.

Je ferai remarquer à la chambre qu'il y a un an à peine, pour éviter des fraudes qui avaient lieu, on a empêché l'introduction de la mélasse dans le pays. On ne pourrait donc inopinément, sans examen, sans être renseigné sur ces fraudes possibles, adopter la proposition de l'honorable membre.

M. Delehaye. - Je pense que la chambre se trouve déjà en présence d’un assez grand nombre d'amendements, pour ne pas adopter légèrement ceux qui ne se rattacheraient pas directement au projet en discussion. Il est certain que de quelque manière que l'on envisage la proposition de notre honorable collègue, elle n'a aucun rapport avec l'article dont nous nous occupons; j'aurais compris que cette proposition fût faite à l'article premier, parce qu'il s'agissait là du droit d'accise sur une matière étrangère importée dans le pays.

Je ne conteste pas l'utilité de permettre l'importation de la mélasse; pour le moment je ne puis m'expliquer à cet égard ; je n'ai pas suffisamment examiné la question. Mais je pense que nous devons l'écarter de nos débats actuels, et pour nous conformer aux précédents, j'en demanderai le renvoi à la commission permanente d'industrie, qui l'examinera et nous fera plus tard des propositions, s'il y a lieu.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, la proposition de l’honorable M. Delehaye se réduit à ceci: renvoyer ma proposition aux calendes grecques.

Messieurs, ma proposition se rattache de la manière la plus directe à la question qui nous occupe. L'honorable préopinant a raison sur un point, il aurait mieux valu que ma proposition eût été développée lorsqu'il s'est agi de l'article premier ; mais il n'en est pas moins vrai qu'elle trouve également sa place ici.

Elle se rattache à l'article 3, parce qu'il y aura également une décharge pour le sirop provenant de la mélasse. On a dit qu'il ne faut pas prendre une décision à la légère sur ce point; je ne veux pas que la chambre prenne une décision à la légère, mais je ferai remarquer que la décision prise en 1847 l'a été d'une manière extrêmement légère. C'est incidemment que la question s'est présentée, et sans qu'elle eût été examinée par les sections ou par la section centrale, la chambre a adopté la proposition sur une simple observation faite par M. le ministre des finances.

M. Osy. - Messieurs, je pense avec M. le ministre des finances que la proposition de M. de Brouwer ne se rapporte nullement à l'article 3. Si l'honorable M. de Brouwer insiste, on pourra en faire un article séparé, mais je crois qu'il vaudrait beaucoup mieux en faire une loi spéciale. En 1846, il a été importé de la mélasse dans le pays et sous l'administration de l'honorable M. Malou, on a voulu percevoir le droit de 45 fr., mais les intéressés ont invoqué un article du tarif d'après lequel la mélasse devait payer beaucoup moins. C'est alors qu'on a fait une loi pour prohiber la mélasse. Je crois qu'il serait très imprudent de revenir incidemment sur cette loi, et qu'il faudrait renvoyer la proposition à la commission d'industrie, qui pourra l'examiner en la mettant en regard de ce qui existait avant la loi de 1847.

M. Cans. - Je ne veux pas examiner, messieurs, si la proposition de M. de Brouwer se rattache naturellement à l'article 3 ou s'il convient d'en faire un article séparé; mais je crois que le renvoi à la commission d'industrie, proposé par M. Delehaye, est tout simplement une fin de non-recevoir : si la commission d'industrie faisait à cet égard une proposition, il arriverait probablement ce qui est encore arrivé : il faudrait attendre que la chambre s'occupât de lois analogues. Je pense qu'il vaudrait mieux renvoyer la proposition à la section centrale; elle doit.se réunir demain matin, pour examiner la proposition de M. H. de Brouckere, et elle pourrait en même temps vous présenter des conclusions sur l'amendement de M. de Brouwer.

M. Delehaye. - Je ne comprends pas du tout la réponse que nous a faite l'honorable préopinant. La commission d'industrie a un caractère tout particulier; elle se compose d'hommes spéciaux; elle nous fera un rapport et la chambre statuera. Il y a quelque temps, la chambre a pensé qu'elle ne devait pas accueillir une proposition qui lui était faite par la commission d'industrie, mais pourquoi ? C'est parce que la commission d'industrie avait pris l'initiative de projets de loi qui tendaient à introduire immédiatement une grande modification dans le tarif. J'ai combattu ces conclusions, mais je reconnais que le rapport était très concluant et qu'il jetait un grand jour sur la question. Je suis persuadé qu'il en sera encore de même aujourd'hui; ce qui doit donner toute garantie à cet égard, c'est la position spéciale que chacun des membres et notamment l'honorable député de Bruxelles occupe dans le commerce. Ensuite la section centrale doit faire un rapport demain, tandis que la commission d'industrie pourra prendre plusieurs jours, s'il le faut, pour examiner la proposition.

M. Mercier. - En supposant, messieurs, que nous soyons tous d'accord sur l'utilité de la proposition, il me paraît toujours évident que nous ne pouvons pas, dans l'état actuel des choses, nous prononcer sur la quotité du droit. Il y a donc nécessité de disjoindre l'amendement de M. de Brouwer et de le renvoyer soit à la commission d'industrie, soit à la section centrale, qui, après avoir entendu M. le ministre des finances, proposerait la disjonction définitive et un plus ample informé, ou bien formulerait une proposition. Il me semble que ce serait là la marche la plus régulière.

La section centrale ne proposerait pas inconsidérément un droit quelconque: elle entendrait le ministre des finances ; et si le gouvernement n'était pas à même de formuler une proposition, elle proposerait la disjonction, sauf au gouvernement à donner à l'affaire un plus ample informé.

M. Delehaye. - Je me rallie au renvoi à la section centrale tel que M. Mercier vient de l'expliquer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'amendement de M. de Brouwer sous les yeux, et il me semble de plus en plus évident qu'il n'y a pas lieu de s'en occuper quant à présent. Il ne se rattache en aucune façon à l'article 3. Le premier paragraphe pourrait peut-être se rapporter (page 1336) à l’article premier, qui fixe le chiffre du droit d'accise ; mais je pense qu'aucun membre de la chambre ne saurait déterminer maintenant si le droit sur la mélasse pourrait être fixé à 17 fr.. Quant à la seconde partie de l’amendement, elle ne se rapporte nullement à la loi en discussion ; c’est une modification du tarif des douanes. Je crois donc que l'honorable membre fera bien de consentir à ce que sa proposition soit soumise à un examen spécial, plutôt que de le laisser actuellement en discussion.

Disjonction d'un amendement pour en faire une proposition distincte

M. de Brouwer de Hogendorp. - Pour ne pas compliquer la discussion, je me rallierai à la proposition de M. Delehaye, pourvu que la commission d'industrie soit invitée à faire un prompt rapport.

- Le renvoi à la commission d'industrie est mis aux voix et adopté.

L'article 3 est ensuite adopté.

Discussion des articles

Article 4

« Art. 4. Les morceaux, dits croûtes, provenant de la fabrication du sucre candi, seront cependant admis dans la catégorie A, pourvu que la quantité ne dépasse pas le tiers de la partie intégrale déclarée à l'exportation, et sous la condition que les croûtes renfermées dans une même caisse soient reconnues provenir d'une même fabrication et soient d'une même teinte et qualité que le sucre sans croûtes que contient le restant de la caisse. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. La décharge de l'accise à l'exportation, en apurement des prises en charge inscrites aux comptes à partir du 1er juillet 1849, est fixée par 100 kilogrammes comme il suit :

« 1° A 68 francs pour les sucres de la catégorie A, provenant de sucre brut de canne ou de betterave ;

« 2° Au montant de l'accise pour les sucres de la catégorie B, provenant de sucre brut de canne ou de betterave;

« 3° A 15 fr. pour les sirops provenant de sucre brut de canne, et à 15 fr. pour les sirops provenant de sucre brut de betterave.

« Toutefois, la décharge de 68 francs sera réduite à 67 francs au 1er juillet 1850, et à 66 francs au 1er juillet 1851. Elle ne sortira ses effets que pour les prises en charge inscrites aux comptes, respectivement à partir de chacune de ces époques. »

M. le président. - Ici vient l'amendement de M. Veydt, ainsi conçu :

« La décharge de 66 fr. est maintenue pour le sucre candi à larges cristaux, clairs et secs. »

La parole est à M. Veydt pour développer son amendement.

M. Veydt. - Messieurs, mon amendement a pour but de maintenir la décharge actuelle de 66 fr. pour le sucre candi, lorsqu'il remplit les conditions requises pour être admis à l'exportation.

Cet amendement est basé sur la justice.

M. Delfosse. - Je demande la parole.

M. Veydt. - Dans la loi du 4 avril 1843, le législateur avait établi une distinction entre les sucres fins mélis et le sucre candi à larges cristaux, clairs et secs et les sucres fins dits lumps ; pour les premiers il accordait une décharge de fr. 78-95, ce qui correspond à un rendement de 57 kil., et pour les seconds, les lumps, une décharge de 75 fr., équivalant à un rendement de 60 kil.

Dans le projet de loi présenté en 1846, cette distinction, ou plutôt cette décharge différentielle, n'a pas été reproduite. En la supprimant, on n'avait rependant en vue que les sucres mélis et lumps; on a cru qu'on pouvait les confondre en une seule et même catégorie. C'était, disait l'exposé des motifs, afin d'éviter une complication. Mais on a alors oublié de faire une stipulation spéciale pour les candis.

Ils n'auraient pas dû être astreints au même rendement que les mélis et les lumps. La distinction, qui n'a pas été faite en 1846, devient encore plus urgente à présent qu'il est question, dans le projet amendé par le gouvernement, de réduire de plus en plus le taux de la décharge pour tous les sucres de la catégorie A. qui comprend aussi les candis.

Cette distinction, messieurs, est justifiée par la loi hollandaise.

Elle accorde pour le sucre candi parfaitement travaillé une décharge de fl. 20 50,et pour les mélis et les lumps une décharge de fl. 18 50 seulement; en d'autres termes, le rendement pour les sucres fins mélis et lumps est, en Hollande, de 72 97 et pour les sucres candis de 65 84. La différence en faveur de ceux-ci est ainsi de près de 7 p. c.

En Belgique, il n'y a pas de décharge différentielle. Il n'est restitué à la sortie des sucres candis que 66 fr. Un même rendement de 68.18 est imposé aux fabricants de ces sucres, comme aux raffineurs des mélis et des lumps.

Cela est très défavorable pour l'exportation du sucre candi, et de plus cela n'est pas juste.

Je ne propose cependant pas de rester en-deçà du rendement actuel de la loi de 1846 ; je me borne, en tenant compte des exigences du moment, à demander le maintien du statu quo pour les sucres candis, si le rendement est élevé pour les autres sucres.

Un grand nombre de petites fabriques, Anvers en compte, je crois, quatorze ou quinze, s'occupent exclusivement de la production du sucre candi. C'est une petite fabrication. Toute la quantité qui est livrée à l'exportation n'est pas évaluée à plus de 1,200,000 de kilog. Si, comme je le propose, la différence se réduit à 2 fr. par cent kilog., la perte pour le trésor est insignifiante, et tout insignifiante qu'elle sera, elle pourra contribuer au maintien de cette branche si modeste de la raffinerie. L’exploitation occupe un assez grand nombre d'ouvriers ; on y travaille avec économie et l’on a apporté dans le travail toutes les perfections dont il a paru susceptible. C'est à cause de l'espèce même du sucre qu'il s'agit de fabriquer, qu'on ne peut parvenir à un rendement plus élevé.

En employant des sucres de Havane d'une qualité supérieure, on ne peut en retirer plus de 60 ou 67 kilog. de sucre candi sur 100 kilog. de sucre brut. Cela ne tient pas à l'infériorité des procédés de fabrication ; sous ce rapport on ne laisse rien, ou peu de chose à désirer; mais pour avoir des candis à larges cristaux, clairs et secs, il est impossible de dépasser certaines limites pour le rendement.

Ces renseignements, que je me suis attaché à recueillir à des sources dignes de confiance, ne peuvent être que confirmés par toutes les personnes au courant de cette fabrication. Je demande en sa faveur le maintien des conditions actuelles, non pas comme bonnes, mais comme les seules possibles, quel que soit le rendement que la chambre fixera à l'exportation des sucres mélis et lumps.

C'est une occasion de montrer de la sollicitude pour les petites fabriques. Dans ses autres dispositions la loi nouvelle, loin de les favoriser, leur portera un préjudice notable. L'élévation du rendement leur sera funeste. Les grandes usines parviendront peut-être seules à lutter.

Tels sont, messieurs, les motifs qui ont dicté mon amendement.

M. Delfosse. - M. le ministre des finances avait proposé la décharge de 68 fr., dans la supposition que l'accise serait portée à 48 fr. pour le sucre de canne.

La chambre ayant décidé que cette accise resterait fixée à 45 francs, il faut, pour rester dans les termes de la proposition de M. le ministre des finances, substituer la décharge de 64 fr. à celle de 68.

La décharge de 64, l'accise étant à 45 fr., équivaut à un rendement de 70.31.

La décharge de 68, l'accise étant à 48 fr., équivaut à un rendement de 70.59.

C'est la même chose, à une très petite fraction près.

M. Delehaye. — Messieurs, je ne viens pas combattre la proposition de l'honorable M. Veydt ; mais comme je suis dans l'intention de donner mon assentiment à une proposition du gouvernement, proposition qui est en quelque sorte contraire à une opinion que j'ai défendue précédemment, je dois expliquer les motifs qui me guident en ce moment.

Messieurs, la décision que vous avez prise hier a apporté une modification considérable à nos relations commerciales. La chambre ne doit pas se dissimuler qu'elle a compromis l'existence prochaine d'une société d'exportation; c'est ce qui se vérifiera quand vous voudrez l'organiser; je suis convaincu que pour les partisans de cette société le vote d'hier aura une influence fâcheuse.

Aujourd'hui que ce vote est accompli, c'est un devoir pour chacun de nous de respecter la décision de la chambre et de tirer parti de la situation.

Je crois agir en bon citoyen, donner une preuve d'indépendance, montrer que je ne me laisse pas dominer par un intérêt de localité, en émettant l'opinion que je vais exprimer. La grande crainte, la seule crainte que nous pouvons avoir, c'est celle d'avoir un grand encombrement à l'intérieur. A toutes les époques, cet encombrement de notre marché a amené des désastres considérables ; comme l'a dit un honorable collègue, un grand nombre de raffineries se sont trouvées dans la nécessité de suspendre leurs travaux, parce que l'encombrement rendait la lutte impossible.

Si la proposition de M. Delfosse a un bon côté, c'est qu'elle doit empêcher cet encombrement. Il faut que la facilité d'exporter n'ait pas d'autre conséquence que d'enlever le trop plein de notre marché; nous ne pouvons plus prétendre à un grand mouvement commercial, à un mouvement commercial étendu ; ce serait se faire illusion que de le croire. Vous devez tâcher d'obtenir par le projet de loi le moyen de déblayer le marché intérieur. Pour cela il faut adopter un rendement élevé.

Quand j'ai parlé d'un rendement de 68, je tenais compte de la proposition de M. Veydt et des petits établissements. Mais quand vous envisagez la position de ceux qui travaillent pour l'exportation, pour ceux-là, le rendement proposé par M. le ministre des finances doit être admis. Je pense que vous ne pouvez pas reculer devant le rendement de 70-58. Je sais que les personnes intéressées sont celles qui ne tiennent pas compte de la prime; ceux qui se rendront compte de la situation, qui voudront éviter les désastres dont nous avons été témoins, admettront la proposition de M. le ministre des finances. Soyez convaincus que le seul danger réel auquel soient exposés les raffineurs de sucre exotique et de sucre indigène, c'est de se trouver en présence d'un encombrement de produits; pour empêcher cet inconvénient, il faut élever le rendement, adopter le rendement du gouvernement. J'aurais voulu que le gouvernement adoptât un principe plus large, qu'il imitât nos frères du Nord, le désir de sauvegarder les intérêts du trésor a motivé ce système.

Je m'y rallie, mais je désire que ces inconvénients plus graves n'en résultent pas. Il faut être prudent, limiter la production en jetant sur le marché la moins grande quantité possible de produits indemnes de droit; de cette manière, chacun trouvera sa place; si notre navigation maritime n'a plus ce grand aliment qu'elle avait avant, d'un autre côté nous ne verrons plus ces sinistres dont nous avons été témoins, nous aurons amélioré la situation du trésor, et la situation des industriels ne sera plus exposée à de grands dangers.

Je me rallie à la proposition du gouvernement, et les explications que je viens de donner démontre que je ne suis pas en contradiction avec l'opinion que j'ai émise précédemment.

M. Osy. - Si l'amendement de M. de Brouckere était adopté, le trésor serait désintéressé, car le chiffre de la recette serait assuré. Je pense (page 1337) qu'il faudrait également renvoyer l'article 5 a la section centrale qui pourrait vous faire demain un rapport.

M. Cools. - Je suis de l'avis de M. Delehaye, le plus grand service à rendre au pays et aux industriels intéressés, c'est d'adopter le rendement le plus élevé possible, c'est le moyen de provoquer le progrès de l'industrie.

J'ai demandé la parole pour donner une satisfaction à M. le ministre des finances. J'ai dit dans une autre séance que la proposition du gouvernement ne changeait pas la situation, que les primes étaient maintenues au même taux qu'aujourd'hui.

M. le ministre l'a contesté et il a fait appel à ma loyauté. Ce sont des appels auxquels je suis très sensible et auxquels je m'empresse de répondre; il y avait un malentendu. Le gouvernement propose un rendement de 70 p. c. ; il répond à la situation actuelle, en ce sens que c'est le seul rendement possible pour faire une recette de 3 millions.

Je sais qu'il y a un rendement de 68, mais avec ce rendement-là on ne peut pas faire une recette de3 millions. Maintenant que le gouvernement propose d'adopter un rendement plus élevé, le progrès et le système de la loi de 1846 se trouvent mieux assurés.

M. Manilius. - Mon honorable ami, M. Delehaye, a répondu à la véritable question. Il se rallie à la proposition du gouvernement, qui est une aggravation à la loi actuelle; le rendement est maintenant 68.18, il sera, dès le 1er juillet 1849 à 70.31, ce qui répond à la décharge de 64 fr. En 1850, il sera de 71.42, ce qui réduit la décharge à 63 fr. En 1851, il sera de 73 58, et la décharge de 62.

Il y a donc parfait accord entre la proposition du gouvernement et la proposition de l'honorable M. Delfosse. C'est la régularisation des chiffres de l'accise que nous avons votés.

Il y a l'amendement de M. Veydt, consistant à déterminer un rendement exceptionnel pour les candis. Je m'y rallie. Il me semble qu'il n'y a rien que de très logique dans ce qui a été dit jusqu'à présent, l'honorable préopinant n'avait probablement pas bien compris.

M. le président. - La parole est à M.de Brouwer de Hogendorp pour développer l'amendement suivant, qu'il a présenté avant-hier :

« La décharge de l'accise à l'exportation en apurement des prises en charge, résultant de documents délivrés à partir du 1er juillet 1849, est fixée à fr. 61-50; elle sera réduite à partir du 1er juillet 1850 à fr. 60-50 et à partir du 1er juillet 1851 à 60 francs.

« L'art. 4, le premier paragraphe de l'art. 6 et l'art. 7 sont abrogés. »

M. de Brouwer de Hogendorp. - Quoique je sache parfaitement bien quel sera le sort de cet amendement, par suite de la résolution qui a été prise hier de voter d'abord sur le produit minimum de l'accise, je tiens cependant à donner quelques explications sous forme de développements de mon amendement.

Ce qui a été dit dans cette enceinte, dès le commencement de la discussion a été saisi : il ne faut pas placer nos raffineries sur un autre pied que celui sur lequel se trouvent les raffineurs en Hollande. Il faut leur conserver les moyens de lutter à conditions et armes égales sur le marché étranger. Or, le but de mon amendement est de placer nos raffineurs sur le pied d'une parfaite égalité avec les raffineurs hollandais et de les conduire par degrés à ce régime.

M. le ministre des finances nous disait hier que le résultat certain de mon amendement est de détruire dorénavant toute possibilité d'exportation.

Rien ne justifie cette assertion. Si elle était vraie les raffineurs hollandais ne pourraient point exporter, et toute cette concurrence qui vous effraye tant serait purement imaginaire. Voyez plutôt. En Hollande le chiffre du rendement est de 73.

M. Loos. - Il est de 72 1/2.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Pardon, il est de 73, puisque l'accise est de fl. 13 50 et la décharge à l'exportation de fl. 18 50. ce qui fait bien un rendement de 73.

Mais il y a autre chose encore que le taux de la décharge ; il y a la retenue de 5 p. c. faite au profil du trésor. J'ai eu l'honneur d'expliquer à la chambre comment cette retenue opère défavorablement sur le prix des sucres sur le marché intérieur, et comment il faut ajouter à l'accise une partie de la perte que font les raffineurs hollandais dans la vente de leurs sucres sur le marché intérieur.

En évaluant à 1 fl. 10 c. la perte résultant de la retenue pour les raffineurs hollandais, ils se trouvent dans la même position où ils se trouveraient si le chiffre du rendement était fixé à 75.

Il me semblait que proposer pour les raffineurs belges un rendement excédant de très peu la première année le chiffre de 73, la deuxième année le chiffre de 74 et la troisième année, atteignant le chiffre de 75, c'était placer les raffineurs beiges sur un pied de parfaite égalité avec leurs rivaux du Nord.

Et que l'on ne croie pas que les chiffres de la décharge réduits à 61 fr. et à 60 fr. ne laissent une très grande marge aux raffineurs. J'ai eu l'honneur de démontrer à la chambre dans une précédente séance, que le rendement excède beaucoup 75, qu'il atteint 80 et au-delà, jusqu'à 90, et pour preuve j'ai établi qu'en Angleterre on admettait les sucres étrangers à un droit calculée un rendement de 75, ce qui annonce évidemment un rendement réel de plus de 80, puisque la différence du rendement réel au rendement admis pour la fixation du droit constitue toute la protection que le législateur anglais a voulu accorder au raffineur national.

Ce fait constitue à lui seul la preuve la plus évidente que nos raffineurs, en faisant quelques efforts, en réalisant les progrès dont les Hollandais leur donnent l'exemple - il ne s'agit pour ceux que de suivre une nation qui se laisse devancer souvent - en travaillant d'après de bonnes méthodes, que nos raffineurs, dis-je, continueraient à exporter très facilement avec la décharge que je propose et que leur position serait très tenable.

J'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure que je sais parfaitement quel est le sort réservé à mon amendement. Je n'en ai pas moins voulu donner ces explications, afin de prouver à la chambre qu'en proposant un rendement aussi élevé, je n'ai pas agi à la légère. Mais je crois inutile de faire perdre le temps de la chambre en votant sur mon amendement. Par conséquent je le retire.

M. de Breyne. - Messieurs, je ne puis admettre toutes les dispositions de l'article 5 et accorder une décharge de l'accise à l'exportation, en apurement des prises en charge pour les trois catégories A, B et C.

Je veux bien accorder une décharge de soixante-huit francs pour les sucres de la catégorie A, provenant de sucre brut de canne ou de betterave, et du montant de l'accise pour les sucres de la catégorie B, provenant de sucre brut de canne ou de betterave, mais je ne puis aucunement donner mon assentiment à la troisième catégorie et admettre une décharge de quinze francs pour les sirops provenant de sucre brut de canne, et de treize francs pour les sirops provenant de sucre brut de betterave.

J'admets donc les deux premiers numéros de l'article 5, et je repousse le troisième du même article.

Je comprends que l'on cherche, dans l'intérêt de l'industrie, du commerce et de la navigation, à favoriser par des primes l'exportation des produits qui excèdent les besoins de la consommation ; je suis toujours prêt à appuyer les mesures qui nous sont proposées à cet effet ; mais je ne comprends pas la nécessité d'accorder la même faveur aux produits qui ne présentent pas la même importance et qui, au contraire, peuvent être utilement employés dans le pays.

La production des sirops n'excède pas les besoins de la consommation; jamais un trop plein ne s'en est fait sentir ; et l'intérêt de la classe ouvrière, véritable consommateur de ce produit, exige que le prix n'en soit pas trop élevé.

L'exportation des sirops peut donner un appât à la fraude, au moyen de la mélasse de betterave, qui n'a que peu de valeur et aucun droit à la décharge, avec le sirop du sucre de canne, et enlever ainsi une prime que la loi ne lui accorde pas, au détriment des autres produits.

Enfin l'exportation des sirops prélevant une partie des droits exportables, qu'elle remplace à la consommation par des cristaux, occasionne une moindre importation de sucre brut et donne moins de main-d'œuvre au pays.

Pour ces motifs, messieurs, je ne puis pas admettre la décharge de l'accise pour les sirops, et j'ai l'honneur de vous présenter un amendement tendant à supprimer le numéro trois de l'article cinq, qui accorde cette faveur pour l'exportation des sirops de sucre de canne et de betterave.

M. Loos. - Messieurs, dans la séance d'hier, mon honorable ami M. Delfosse, répondant à une objection sur la modicité du produit qu'il exigeait du sucre, répondait : Il ne s'agit que d'une loi de transition. Avant deux ans d'ici, nous demanderons davantage.

M. Delfosse. - Je n'ai pas dit cela.

M. Loos. - Je l'ai compris ainsi, et je vous en ai fait l'observation' hier.

M. Delfosse. - Je n'ai pas dit avant deux ans.

M. Loos. - Avant peu.

M. Delfosse. - Je n'ai pas dit avant peu.

M. Loos. - Dans un temps plus ou moins rapproché.

M. Delfosse. - J'ai dit : Avec le temps nous pourrons arriver à 4 millions et peut-être aller plus loin.

M. Loos. - En définitive l'honorable membre a voulu dire que la loi que nous faisions aujourd'hui n'était pas une loi définitive. Il a donc entendu que l'industrie pourrait être de nouveau bouleversée en ce sens, qu'on exigerait d'elle un produit plus élevé.

D'un autre côté, vous voulez forcer l'industrie à se perfectionner; on propose de fixer la décharge à 64 francs et de la réduire successivement à 63 et 62 ; et j'entends l'honorable M. Delehaye qui, jusqu'à présent, s'était posé le défenseur du moindre rendement, demander aujourd'hui un rendement plus élevé, afin de laisser le moins de sucre possible indemne à la consommation et d'éviter l'encombrement du marché.

Messieurs, pour pouvoir soutenir un rendement plus élevé, il faut que l'industrie se perfectionne. La preuve, c'est qu'avec le rendement de 68, quoi qu'en ait dit l'honorable M. Cools, le produit de 3 millions a été atteint, et que ce produit est encore assuré pour cette année. Cela vous prouve que le rendement tel qu'il est fixé aujourd'hui est, pour la généralité des raffineries, assez élevé. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas quelques exceptions: il y a des raffineries qui, sur la foi de la loi de 1846 se sont perfectionnées ; mais le plus grand nombre n'ont rien changé à leurs moyens de fabrication.

Je dis donc qu'il y a dans les dispositions dont nous nous occupons une contradiction: d'un côté vous dites aux industriels : Perfectionnez-vous; d'un autre côté, vous leur montrez en perspective, dans un temps (page 1338) rapproché, un bouleversement nouveau. La chambre ne peut, d'un côté, enrayer les efforts que pourrait faire l'industrie, et d'autre part, la pousser au perfectionnement; elle ne voudra donc pas adopter le rendement progressif proposé par M. le ministre des finances.

L'honorable M. de Brouwer ayant retiré son amendement, je n'ai pas besoin de m'en occuper. Mes observations portaient encore plus sur ce qu'il avait proposé que sur ce qui a été dit par l'honorable M. Delehaye.

Je crois qu'il suffira de ces explications pour que la chambre ne veuille pas porter le rendement à l'extrême.

Ces motifs m'engagent à vous proposer la suppression du dernier paragraphe de l'article 5, qui dit aux industriels : L'année prochaine vous aurez à produire davantage; en 1851, votre rendement devra encore être plus fort. Les forçant ainsi à apporter dans leurs usines des changements que, d'un autre côté, vous déclarez pouvoir être complètement inutiles dans un temps rapproché.

M. Osy. - Je voulais faire la même proposition que mon honorable ami M. Loos.

Les développements donnés hier par l'honorable M. Delfosse à sa proposition, prouvent qu'il n'est pas certain que la loi que vous allez faire aura une longue durée. Il n'est dès lors pas à espérer que nos industriels apportent de grands changements dans leurs usines. Si nous adoptions le dernier paragraphe de l'article en discussion, nous aggraverions singulièrement leur position ; dès 1851, le rendement serait le même qu'en Hollande.

Avec la proposition de l'honorable M. Henri de Brouckere, qui est approuvée par le gouvernement, vous êtes certains d'obtenir la recette de 3,500,000 fr. Je crois donc qu'il ne faut pas aggraver davantage la position de l'industrie, d'autant plus qu'il est impossible aux petits raffineurs, des intérêts desquels nous devons tenir compte, de modifier considérablement leurs moyens de fabrication.

Je ne puis adopter la proposition de l'honorable M. de Breyne, qui tend à ne plus accorder la décharge à l'exportation des sirops. Si nous voulons avoir un grand mouvement commercial, nous devons favoriser les exportations. Nous exportons surtout des sirops en Suède et en Norvège. Les navires nous arrivent avec des bois de construction et nous prennent des sirops. Je crois qu'il faut conserver ce produit à nos exportations vers les pays du Nord.

M. Cools, rapporteur.- Je désirerais savoir si M. le ministre des finances consent à la suppression du dernier paragraphe qui est proposé par l'honorable M. Loos.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement ne se rallie ni à la proposition de M. de Breyne ni à celle de M. Loos.

M. Cools. -J'en suis charmé, car je regarde la dernière disposition de l'article 5 comme une des meilleures de la loi ; elle tend, en effet, à faire faire des progrès à nos industriels, à les amener graduellement à se mettre au niveau des raffineurs hollandais.

Je crois inutile d'en dire davantage. Si l'on insistait en faveur des propositions, je demanderais ultérieurement la parole, mais je crois que la chambre est assez éclairée.

M. Delfosse. - J'avais fait une proposition relative au paragraphe 5 de l'article 5, mais je me plaçais alors dans une hypothèse qui a été modifiée par les votes de la chambre.

M. le ministre des finances a donné hier d'excellentes raisons pour que ce paragraphe soit maintenu; je voterai pour.

M. le président. - Le premier amendement est celui de M. Veydt :

« La décharge de 66 fr. est maintenue pour le sucre candi à larges cristaux, clair et sec. »

M. Delfosse. - Est-ce que le gouvernement se rallie à cet amendement?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'amendement a fort peu d'importance. On affirme que les petits raffineurs ne sont pas en état de marcher avec un rendement aussi élevé que celui qui serait établi pour les sucres mélis et lumps. Je ne vois pas d'inconvénients à admettre la proposition de l'honorable M. Veydt.

M. Delfosse. - Je ne m'oppose pas au chiffre de 66 proposé par l'honorable M. Veydt pour le sucre candi; mais ce chiffre devra être réduit à 65 et à 64, lorsque la décharge de 64 fixée pour les sucres lumps et mélis sera réduite à 63 et à 62.

M. Manilius. - J'appuie l'observation de M. Delfosse.

M. Veydt. - Messieurs, quand j'ai proposé et développé mon amendement, mon intention n'a pas été de suivre la progression indiquée par l'honorable M. Delfosse. Les fabricants sont arrivés au maximum de rendement pour la fabrication du sucre candi, il est impossible qu'ils obtiennent plus de 66 ou 67 p. c. Par conséquent, j'ai proposé de maintenir invariablement, pour le sucre dont il s'agit dans mon amendement, la décharge de 66 fr., quelle que soit la progression adoptée pour les autres sucres.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, l'amendement de M. Veydt, même tel qu'il est expliqué par M. Delfosse, sera toujours un bienfait pour les petits fabricants, puisqu'il leur assure, dans tous les cas, un avantage de 2 p. c. Je crois que cet avantage n'est pas à dédaigner, et je demande que la chambre adopte la proposition dans le sens que l'honorable M. Delfosse y a attaché.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je ne veux plus dire qu'un seul mot pour appuyer les observations parfaitement justes que l'honorable M. Veydt a présentées à l'appui de son amendement.

Il n’y aurait aucune proportion entre un rendement de 70 pour les sucres candis et un rendement de 72 pour les sucres blancs. Je laisse tout à fait à part un rendement égal. Remarquez, messieurs, que les raffineurs de candis travaillent depuis longtemps sous des conditions autrement désavantageuses que les raffineurs de sucres blancs, que le rendement fixé pour eux est bien plus près d'atteindre le rendement réel que celui que la loi de 1846 fixait pour les sucres en pains et que la nouvelle loi fixera. Les raffineurs de cette dernière espèce de sucre continueront à jouir d'une très grande faveur ; en maintenant la décharge à 66 francs pour les raffineurs de candis, la faveur dont ils jouiront sera beaucoup plus faible.

Consultez, messieurs, la législation anglaise ; vous ne sauriez avoir un guide plus sûr; eh bien, le bill du 21 juillet 1848 n'admettait pour les sucres moscovades qu'un rendement en sucres candis de 66.29, pour les bruns terrés de 72.06 et pour les blancs terrés de 77.75, tandis que pour les sucres en pains ce rendement était de 76.96, de 81.06 et de 87.44. Devant de pareils enseignements, ce serait commettre une injustice que vouloir l'égalité de la décharge ou même de la réduire au-dessous de 66 fr. aussi longtemps que vous n'accepterez pas un rendement beaucoup plus élevé pour les sucres en pains. J'adhère donc de toutes mes forces à l'amendement de l'honorable M. Veydt.

- Le sous-amendement de M. Delfosse à l'amendement de M. Veydt est mis aux voix et adopté.

L'amendement de M. Veydt, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

L'amendement de M. de Breyne est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement de M. Loos est ensuite mis aux voix et n'est pas adopté.

L'ensemble de l'article 5, tel qu'il résulte des divers amendements qui ont été adoptés, est mis aux voix et adopté.

Articles 6, 7 et 10

M. le président. - Les articles 6, 7 et 10 ont été renvoyés à la section centrale ; restent donc les articles 8, 9,11 et 12.

Article 8

« Art. 8. Lorsque la moyenne des prises en charge de sucre brut de betterave inscrites aux comptes de fabricants pendant deux années consécutives, du 1er juillet d'une année au 1er juillet de l'année suivante, restera au-dessous de 4,300,000 kilogrammes, le droit d'accise sera diminué d'un franc pour chaque quantité de 100,000 kilogrammes produite en moins, sans qu'il puisse, en aucun cas, être inférieur à 36 francs par 100 kilogrammes. Ce droit sera augmenté annuellement dans la même proportion pour chaque quantité de 100,000 kilogrammes excédant celle de 3,900,000 kilogrammes jusqu'à ce qu'il ait atteint de nouveau le maximum de 40 francs par 100 kilogrammes.

« Le montant des prises en charge sera constaté, à l'expiration du premier semestre de chaque année, par un arrêté royal qui fixera le taux de l'accise et dont les dispositions seront appliquées aux prises en charge inscrites aux comptes des fabricants le lendemain de sa publication. »

M. Cools. - Messieurs, si l'article est maintenu, il y aura un changement à faire. La chambre a adopté pour la betterave l'impôt de 37 fr. au lieu de 40 ; il faudrait dès lors abaisser ici de 3 unités le chiffre qui se trouve dans l'article. Il faudrait dire : à 33 fr. les 100 kil.

Mais je demande au gouvernement si le maintien de l'article est utile. A mon avis, c'est une précaution qui sera probablement surabondante. Maintenant que nous avons réduit l'impôt sur la betterave à 37 fr., avec une marge de 8 fr. contre la canne, il n'est pas à prévoir que la production de la betterave se réduise.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il me paraît utile de maintenir l'article 8 pour les cas où l'hypothèse que l'honorable préopinant regarde comme improbable viendrait à se réaliser.

Comme le fait observer l'honorable membre, il y a lieu de substituer le chiffre 33 à 36 dans l'article.

M. Osy. - Messieurs, lorsque, hier, nous avons accordé 3 fr. de plus à la betterave, il y avait une forte opposition ; aujourd'hui, il pourrait se faire que la protection de 8 fr. qui a été accordée, vînt à une protection de 12 fr. Messieurs, nous devons nous arrêter; nous avons fait tout ce qu'il a été possible de faire dans l'intérêt de l'industrie indigène. Je demande le retranchement de l'article 8.

M. Manilius. - Messieurs, l'article 8 est la conséquence des idées consacrée par la loi de 1846. Alors, quand la betterave progressait, il y avait un moyen de coercition : le rendement devait en ce cas être augmenté. Maintenant quelle est la situation nouvelle? Il n'y a plus de moyen de coercition, si la betterave grandit. Faut-il maintenir une douceur, lorsque la betterave diminue? Cela n'a plus de rapport avec la loi d'aujourd'hui ; cela avait un rapport avec la loi de 1846. Si la betterave diminue, elle restera dans le droit commun; elle aura d'abord les 8 fr. de différence, et ensuite une double préférence dans les rendements. Ces rendements seront très avantageux pour la betterave. Songez que la betterave en 1849, si la loi est rendue exécutoire au 1er juillet, n'aura qu'un rendement de 57.81, tandis que la canne aura un rendement de 70 31. Cette différence est énorme, mais elle augmentera toujours : en 1850, la canne aura un rendement de 71.42, et la betterave, un simple rendement de 58. Ce sont là des allégements bien suffisants.

Il faut en finir avec les fluctuations des droits et des privilèges en faveur de la betterave.

(page 1339) En 1846, on ne savait pas ce que produisait la betterave, on voulait ménager sa position. Maintenant nous le savons. Elle n'a pas progressé et on a constaté une production double de celle qu'on avait constatée précédemment! par conséquent, elle n'aura pas droit à une indemnité, si la quantité constatée diminue ; les droits actuels doivent être définitifs et permanents. Nous devons en conséquence supprimer Part. 8, qui n'a plus d'objet, car nous ne sommes plus dans les mêmes termes que quand nous avons voté la loi de 1846.

M. Mercier - Si j'avais l'entière certitude qu'avec une protection de 8 fr. l'industrie du sucre indigène pût se maintenir, j'adhérerais à la proposition de M. Manilius, mais cette industrie n'a pu se soutenir qu'avec une protection de 15 fr., qui, pendant une année seulement, a été réduite à 11 fr. Si la production baissait au-dessous de 4 millions 300 mille kilogrammes, ce serait une preuve que la position de cette industrie serait désastreuse; c'est parce que M. le ministre des finances a voulu prévenir sa destruction qu'il a prévu le cas où elle ne pourrait pas soutenir la concurrence avec une protection de 8 fr., ce qui serait démontré si la production tombait au-dessous de 4,300,000 kilogrammes. La réduction éventuelle doit donc être maintenue; les conséquences de cette réduction ne peuvent pas être d'une grande importance pour le trésor, puisqu'on rétablirait le droit normal du moment que la production se relèverait.

M. Cools. - J'appuie la proposition de M. Manilius. Nous avons beaucoup fait pour la betterave, trop fait peut-être, mais certainement assez. Nous lui avons accordé un grand avantage pour l'intérieur, et un avantage plus grand encore pour l'exportation. De quoi se compose l'avantage à l'intérieur ? D'un moindre droit de consommation s'élevant à 8 fr. sur 100 kil. A l'exportation, que se passe-t-il ? Je suppose pour un moment, un rendement légal de 70.59 pour la canne comme pour la betterave. La betterave jouira d'abord de cet avantage dans la différence du droit pour les parties indemnes, car les deux sucres se vendent à peu près au même prix, en consommation. Restent les quantités inférieures à 70.59 kil. qui s'exportent. Mais ici la betterave n'est plus obligée d'exporter 70.59 kil. pour obtenir la restitution de la totalité du droit, mais seulement 58.82 kil.

On m'a fait un calcul dans une autre séance, pour me prouver que la différence entre 70.59 kil. et 58.82 représente précisément 8 fr.

En admettant que ce calcul soit exact, il en résulterait toujours ceci : que pour l'exportation l'avantage serait de 8 fr. sur 70.59 kil., à l'exportation, tandis que pour la consommation intérieure, l'avantage est seulement de 8 sur 100 kil. Les faveurs ont donc été accumulées sur la betterave. Je pense donc qu'il y a des motifs pour nous arrêter dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés et ne pas accorder de nouveaux avantages à la betterave et que la chambre aura raison de ne pas accorder l'article 8.

M. Loos. - Il y a d'autant plus loin de supprimer cet article, qu'en 1846 on ne connaissait pas la production de la betterave, on disait d'un côté qu'elle produisait 5 millions, de l'autre qu'elle produisait ne pas 500 mille kilogrammes de plus que ce qui était constaté officiellement; une loi plus sévère ayant été mise à exécution, on a constaté une production double de celle accusée précédemment; une prime de 8 francs doit lui suffire et ne pas être changée quelle que soit la production de cette industrie, par conséquent l'article 8 doit être supprimé. Si on le maintient, ce sera une véritable prime offerte à la fraude; la betterave aura plus que jamais intérêt à frauder afin que la production ne soit pas constatée au-delà de 4 millions 500 mille kilog. C'est un véritable encouragement à la corruption.

Je ne pense pas qu'il soit facile de corrompre les employés, mais cependant il ne faut pas rendre la tentation trop grande; vous voulez réduire le droit si la production officielle n'atteint pas 4,300,000 kilogrammes? Vous donnez ainsi un intérêt trop grand à faire constater une production inférieure à la production réelle. En 1846, quand nous venions prétendre qu'il fallait exercer une surveillance plus grande dans les fabriques pour prévenir la fraude, on disait que c'était l'antagonisme existant entre les deux industries qui nous faisait tenir ce langage, on nous répondait que les employés étaient incorruptibles, que nous voyions la fraude là où elle n'existait pas et cependant il a été prouvé que la production était, non pas de 2,500,000 kil. comme on le prétendait, mais bien de 5 millions, comme aujourd'hui, car, le nombre d'hectares cultivés en betteraves n'a presque pas changé.

Que diriez-vous si avec le même nombre d'hectares cultivés ainsi la production constatée se réduisait à 4 millions? On attribuerait cela à des vices de culture. Peut-être en accuserait-on la Providence. Car, je me rappelle qu'à l'époque où l'on en vint à constater la grande production du sucre indigène, on nous a dit que c'était une récolte extraordinaire due aux faveurs du ciel ; on prétendra maintenant, si la production officielle diminue, que l'on ne doit l'attribuer qu'aux calamités célestes qui auraient réduit la production de la betterave à 4 millions. Je le répète, cette disposition serait une excitation à la fraude; on doit s'en tenir au chiffre de 8 fr. de protection sur le sucre étranger.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Deux motifs ont été allégués pour repousser l'article 8. L'industrie du sucre indigène est assez protégée, a dit l'honorable M. Cools et elle le serait davantage, si la disposition était maintenue. A cette occasion, l'honorable membre a renouvelé ses observations sur la prime plus considérable qui serait prétendument accordée à la betterave qu'à la canne pour l'exportation. Ce serait abuser de l'attention de la chambre que de lui présenter de nouveau les calculs clairs, précis, consignés au Moniteur, établissant que la prime pour le sucre indigène est la même à l'intérieur que pour l'exportation, la décharge unique ayant été établie à cet effet.

Le deuxième motif est donné par M. Loos.

L'honorable membre dit que c'est une prime à la fraude, qu'on serait engagé à dissimuler en quelque sorte le produit du sucre de betterave pour obtenir une réduction de droit. Mais qui ne voit que la prime à la fraude existe par l'établissement de l'impôt, qu'on sera tenté de frauder pour échapper au droit, plutôt que pour échapper à la différence du droit ?

Les motifs qu'on fait valoir pour combattre la disposition ne me semblent donc pas admissibles.

Il me paraît juste, raisonnable que la chambre maintienne la législation de 1846, dans ses différents principes, mais avec les modifications nécessitées par les circonstances. Il nous a paru utile de déterminer le taux éventuel de la différence des droits, alors même qu'il serait constaté qu'il y aurait décroissance dans la production du sucre de betteraves Aux termes de la loi de 1846, cette différence pouvait aller jusqu'à 15 fr. ; nous pensons qu'elle ne doit plus aller au-delà de 12 fr.

S'il est improbable que le cas supposé par l'article 8 se réalise, ce n’est pas une raison pour ne pas le prévoir, puisque s'il venait à se présenter, on serait obligé de demander une décision à la législature. Il vaut bien mieux que la loi prévoie cette hypothèse pour le cas où elle viendrait à se réaliser. A quoi bon tenir en suspens ce qu'on peut décider aujourd’hui?

M. de Luesemans. - Vous avez adopté hier un système qu'on peut, je le conçois, approuver, ou blâmer. Je conçois, en effet, qu'on ait tenté de rejeter le système des primes d'exportation. Mais une fois qu'on s'est fixé sur le point important, je ne conçois pas qu'on en rejette la conséquence; or, quel est l'un des buts essentiels de la loi que vous avez votée, c'est la coexistence des deux industries, c'est-à-dire le principe de la loi de 1846. L'article 8 n'est en définitive que la consécration de ce principe. La différence que vous avez admise dans l'impôt sur les deux sucres est donc le principe, et l'article 8 qui prévoit la décroissance possible d'une des deux industries n'est que la sanction que vous donnerez, et qu'il est bien juste, comme vient de le dire M. le ministre des finances, que vous accordiez à la fabrication du sucre de betterave pour le cas où cette fabrication viendrait à péricliter.

Je regrette que cette discussion surgisse à la fin, je le regrette précisément par le motif indiqué par l'honorable M. Cools, c'est qu'il ne faut pas craindre qu'on arrive à cette décroissance après l'adoption d'un droit différentiel. Si c'est impossible, ou dans tous les cas improbable, je ne m'explique pas pourquoi vous n'admettriez pas la sanction de la loi de 1846, telle qu'elle vous est proposée par le gouvernement.

Puisque cela ne doit pas se produire, pourquoi jeter une perturbation nouvelle dans une industrie qui est aujourd'hui dans une position assez fâcheuse.

M. Delehaye. - Il y a une protection dont M. le ministre des finances n'a pas tenu compte; c'est la protection de la douane. Le sucre exotique s'est frappé d'un droit de douane; le sucre de betterave en est exempt.

Nous avons témoigné toute notre sympathie pour le sucre de betterave. Nous n'avons reculé devant aucune proposition qui lui fût favorable. Nous sommes allés jusqu'à admettre un droit différentiel de 8 fr. Il y a plus, c'est que là où le sucre exotique devait exporter 70.58, d'après les propositions ministérielles, la betterave ne devait exporter que 58 et une fraction. Qu'en résulte-t-il en définitive? Une prime de 28 p. c. Ainsi prime de 28 p. c, protection de 8 fr. pour la consommation intérieure et protection pour la douane; voilà certes beaucoup de protection !

Mais, dit-on, si la production vient à décroître, pourquoi n'admettrait-on pas une diminution de droits? Mais si malgré la position brillante que vous lui avez faite, l'industrie de la betterave doit décroître, pourquoi lui donner cette illusion que nous lui assurerons les moyens de se soutenir encore ?

Remarquez qu'il y a quelque temps nous avons apporté à la situation de l'industrie de la betterave une amélioration qu'a signalée l'honorable M. Loos et qui consiste en ce que nous avons diminué la surveillance. Avant 1846, nous avions trois moyens de contrôle pour la perception des droits. Nous avons renoncé à deux de ces moyens.

Je ne veux pas dire qu'il en soit résulté aucune facilité de fraude, j'aime à croire qu'on ne fraude pas. Il n'en est pas moins vrai que les moyens de contrôle qui existent en France n'existent pas en Belgique. Il en résulte une position toute à l'avantage de la betterave. Vous avez été, sous tous les rapports, favorables à cette industrie.

Croyez-vous que la suppression de ces deux moyens de contrôle ait été indifférente? Elle l'a été si peu qu'en France, comme partout où ils ont été maintenus, le rendement de la betterave en sucre brut a été plus considérable qu'en Belgique.

Pourquoi en a-t-il été ainsi? Ce n'est pas que la matière première fût meilleure ; mais c'est que le contrôle pour la perception du droit a été plus sévère.

Je crois qu'il convient de supprimer l'article. L'industrie de la betterave, protégée comme elle l'est, n'aura pas lieu de se plaindre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L’honorable M. Delehaye produit une troisième raison pour demander la suppression de l'article en discussion. C'est qu'il y aurait pour le sucre de betterave une protection occulte résultant de la fraude, parce que les moyens de contrôle ne seraient pas suffisants.

(page 1340) Il appuie l'observation de l'honorable M. Loos sur la possibilité de corrompre les employés.

Il ne faut pas accepter trop facilement de telles suppositions. Tous les faits démontrent qu'elles ne sont pas fondées ; car, à mesure que les employés ont acquis de l'expérience, la surveillance a été mieux exercée. Sous le régime actuel, on sait d'ailleurs que la fraude est pour ainsi dire impossible ; les résultats constatées pendant les deux dernières campagnes le prouvent suffisamment.

L'honorable préopinant dit : On a renoncé à deux moyens de contrôle; .on se contente d'un seul au lieu de trois ; en France, où l'on a conservé les trois moyens de contrôle, on constate des produits plus considérables. Je ne puis pas être d'accord avec l'honorable membre. En France les trois moyens de contrôle existent, cela est vrai; mais le contrôle à la défécation a lieu sur la moyenne des chaudières, de telle sorte qu'il suffit que l'on soit averti de l'arrivée des employés pour altérer la densité du jus d'une chaudière, qui doit être alors contrôlée, et pourtant ils appliquent la densité constatée aux défécations faites depuis leur dernier exercice. Vous comprenez que ce facilement est imparfait. En Belgique les charges aux comptes des fabricants sont constatées chaudière par chaudière en raison de la densité des jus soumis à la défécation, et les chaudières sont surveillées nuit et jour par les employés.

L'honorable membre ajoute: Mais on constate cependant des quantités plus considérables en produits de sucres. Qu'est-ce que cela fait à la question? Tout dépend du point de savoir si ce sucre est plus ou moins chargé de matières étrangères, s'il est plus ou moins pur. On obtiendra 1,400, 1,500, 1,600 grammes. Mais cela ne prouve rien quant à la production réelle du sucre.

Ainsi cette troisième raison donnée par l'honorable membre ne doit pas, plus que les deux autres, vous porter à écarter la disposition. Ce n'est pas, je le répète, qu'elle ait tant d'importance, puisqu'on s'accorde à reconnaître qu'il est peu probable que la production du sucre de betterave soit réduite. Mais, encore une fois, si cette hypothèse se présente, comme elle attesterait un malaise dans l'industrie, que vous vous créeriez par là un nouvel embarras, qu'il faut éviter au pays, parce qu'il ne faut pas constamment remettre en discussion de pareilles lois, je crois qu'il y a lieu d'admettre ce principe pour le cas où la production viendrait à se restreindre.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, il semblerait que nous ne sommes ici préoccupés que d'un seul intérêt. Il y a deux grands intérêts en présence : l'intérêt du raffinage du sucre exotique et l'intérêt de la fabrication du sucre de betterave. La chambre ne doit pas perdre de vue qu'hier, en fixant le rendement de l'accise à 3,500,000 francs, elle a par cela même posé une limite à la quantité de sucre que nous exporterions. Si la quantité totale doit diminuer; pourquoi voulez-vous qu’elle diminue aux dépens d'un seul intérêt, et pourquoi ce souci si grand, si extraordinaire d'un seul intérêt, à qui vous voulez sauvegarder ce qu'il possède aujourd'hui ?

Vous avez donné à la betterave une protection plus large que celle qu'elle avait; vous avez porté à 8 fr. la différence, qui n'était que de 5.On vous a dit qu'avec cette différence les deux sucres pouvaient lutter. Eh bien, laissez-les dans ces chances égales. Si les uns font des perfectionnements et si les autres n'en font pas, pourquoi voulez-vous protéger celui qui ne fera pas de progrès aux dépens de celui qui en fera ? C'est cependant ce que vous voulez faire. Vous dites aux deux industries : Vous, vous resterez ce que vous êtes; nous vous protégerons lors même que vous reculeriez ; nous diminuerons alors le droit. Mais à vous, nous ne tenons pas compte de vos capitaux, nous ne tenons pas compte de votre industrie; vous supporterez toute la perte.

En fixant le produit minimum à 3,500,000 fr., vous avez diminué les quantités de sucre que l'on peut raffiner, que l'on peut exporter. Il ne faut pas que toute la perte soit supportée par un seul. Il faut laisser les chances égales.

M. Mercier. - L'observation que vient de faire l'honorable préopinant ne me paraît pas juste; car si l'on a exigé un produit de 3,500,000 fr., ce produit doit frapper dans la même proportion le sucre indigène et le sucre exotique, tous deux verront leur exportation limitée.

J'ajouterai que si la production du sucre indigène diminue comme on le prévoit par l'article 8, ce sera à l'avantage du commerce du sucre exotique; il n'aura donc pas à souffrir du léger accroissement de protection que pourra recevoir éventuellement l'industrie du sucre indigène.

- La discussion est close.

L'article avec le chiffre de 33 francs substitué à celui de 36, et celui de 37 substitué à celui de 40, est mis aux voix par appel nominal.

79 membres prennent part au vote.

40 se prononcent pour l'adoption.

39 pour le rejet.

En conséquence l'article est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Rodenbach, Rogier, Rolin, Schumacher, Sinave, Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse) , Van Renynghe, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Christiaens, Clep. Cumont, de Breyne, de Chimay, de Luesemans, de Mérode, de Pitteurs, de Theux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Jullien, Lange, Le Hon, Lelièvre, Liefmans, Mascart, Mercier, Pierre et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Reyntjens, Rousselle, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Anspach, Cans, Cools, Coomans, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Meester, De Pouhon, Dubus, Jacques, Julliot, Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pirmez et Prévinaire.

Articles 9 à 12 (dispositions transitoires)

« Art. 9. Par dérogation à la loi du 26 mai 1848 (Moniteur du 30, n° 151), le gouvernement soumettra aux chambres législatives, dans leur session ordinaire de 1849-1850, les mesures de surveillance en vigueur aujourd'hui pour assurer l'efficacité des prises en charge aux comptes des fabricants de sucre de betterave et de glucoses, et celles qu'il établira pour la vérification et la justification des sucres et sirops de canne et de betterave, présentés à l'exportation avec décharge de l'accise.

« Les autres dispositions de l'article 1er de la loi du 16 mai 1847 (Moniteur du 20, n° 140) sont maintenues. »

- Adopté.


L'art. 10 est renvoyé à la section centrale.


« Art. 11. Les dispositions de l'article 2 de la présente loi recevront leur exécution a partir du 1er juillet 1849. Les quantités inscrites aux comptes des raffineurs depuis le 1er janvier, même année, serviront à déterminer le crédit de 6 ou de 4 mois qui pourra leur être accordé.»

- Adopté.


« Art. 12. Le paragraphe 2 de l'article 43 de la loi du 4 avril 1843 (Bulletin officiel, n° 22), et la loi du 17 juillet 1846 (Moniteur du 18, n°199), sont rapportés. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - Nous avons maintenant un article additionnel proposé par M. Jullien et qui est ainsi conçu :

« Le gouvernement soumettra aux chambres législatives, dans la session ordinaire de 1850-1851, un rapport détaillé sur l'exécution de la présente loi. »

La parole est à M. Jullien pour développer cet amendement.

M. Jullien. - Messieurs, la discussion a révélé les abus du système des primes dont le raffinage du sucre est doté.

Elle a révélé la possibilité de substituer à ce système fatal au trésor, fatal aux consommateurs, un système beaucoup plus large, et qui serait plus profitable et à nos ressources financières et à la consommation et au raffinage lui-même.

Quoi qu'il en soit, messieurs, la chambre n'a pas cru devoir adopter la modification radicale qui avait été proposée par les honorables MM. Mercier et Charles de Brouckere; elle a cru devoir s'associer à la motion de l'honorable M. Delfosse ; elle n'a point voulu jeter une perturbation brusque dans les intérêts du raffinage en supprimant immédiatement les primes d'exportation.

Dans cet état de choses, il me paraît que les chambres doivent être renseignées sur l'exécution de la loi nouvelle.

Il convient, messieurs, que le gouvernement à une époque donnée, la saisisse d'un rapport détaillé sur les effets de l'exécution de cette loi. Il faut que les chambres puissent apprécier quels ont été les abus et les avantages de son application qu'elles puissent apprécier quelle a été l'influence de cette application tant sur le mouvement commercial, que sur la consommation, et enfin quels ont été les résultats financiers que la loi a produits.

Il faut aussi, messieurs, que les chambres sachent si l'industrie du raffinage a compris la nécessité d'introduire dans la fabrication les procédés de perfectionnement dont elle est susceptible.

Le rapport que je demande par mon amendement, après que la loi aura fonctionné pendant une assez longue période, est donc un document utile.

Le gouvernement pourra profiter de l'intervalle qui nous sépare de la session de 1850 pour mettre à l'étude le système qui a été proposé par les honorables MM. de Brouckere et Mercier. Il pourra de même profiter de cet intervalle pour procéder à la révision de nos tarifs ; en un mot, en saisissant les chambres de son rapport, il pourra soumettre, en même temps, un système complet sur l'assiette de l'impôt des sucres en rapport avec les autres industries.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, c'est d'abord, je pense, une loi d'impôt que nous venons de voter. L'honorable membre veut que par la loi même le gouvernement soit obligé d'en rendre compte. De rendre compte de quoi ? Des produits obtenus? Le produit des impôts est publié chaque trimestre au Moniteur. C'est ensuite une loi destinée à provoquer certain mouvement commercial. Sous ce rapport, de quoi veut-on que l'on rende compte? Des quantités de sucre de betterave qui auront été mises en raffinage; des quantités de sucre de canne qui auront été mises en raffinage? des quantités de ces deux sucres qui auront été exportées? C'est là l'ensemble des effets que la loi peut produire. Mais à chaque discussion de budget ces questions pourront être faites, et il serait au moins singulier que la loi fît au gouvernement l'obligation de communiquer aux chambres un simple tableau du mouvement commercial occasionné par les sucres. Je ne comprends pas d'autre compte rendu d'une loi de cette nature.

L'honorable membre ajoute que le gouvernement devra étudier le système douanier, s'occuper de la révision du tarif, employer l'intervalle (page 1341) qui nous sépare de la session de 1850 à réviser notre système commercial.

Je me permets de faire remarquer à l'honorable membre que tout cela n'a rien de commun avec le compte rendu éventuel de la loi des sucres.

Quant à la proposition de l'honorable M. Ch. de Brouckere, que l'honorable M. Jullien nous convie à examiner de nouveau, elle est tellement simple que tout examen est superflu. Nous savons très bien quels seraient les effets de cette mesure. Le gouvernement ne peut pas avoir l'intention de proposer l'application de ce système en 1850; il suppose, au contraire que la loi nouvelle aura une existence plus longue, car il fixe des rendements successifs auxquels on ne devrait arriver qu'au 1er juillet 1851.

Je ne comprends donc pas l'utilité, le but de la proposition de l'honorable M. Jullien.

M. Jullien. - Messieurs, j'ai quelque lieu de m’étonner du langage que vient de tenir M. le ministre des finances. L'honorable ministre dit : « La chambre vient de voter une loi d'impôt; chaque année, je vous rendrai compte de son exécution, par cela même que je dois vous soumettre le budget des voies et moyens. »

Messieurs, je croyais avoir entendu jusqu’à présent dans cette discussion que M. le ministre des finances avait présenté la loi des sucres, non pas comme une loi d'impôt seulement, mais encore comme une loi commerciale; je croyais avoir toujours compris que, dans la pensée de M. le ministre des finances, la loi nouvelle devait exercer une influence immense sur le développement du commerce. Me serais-je trompé?

Je demande au gouvernement un rapport sur l'exécution d'une loi. Je demande que le gouvernement vienne, dans la session de 1850-1851, nous faire connaître quel a été le mécanisme de l'application de la loi nouvelle, quels en sont les résultats financiers, les résultats au point de vue du commerce, les résultats au point de vue de la consommation, les résultats au point de vue des intérêts du raffinage. Voilà ce que je demande; bien certainement, je chercherais en vain ces renseignements dans le budget des voies et moyens.

Il y a dès lors utilité de fournir un rapport spécial qui puisse éclairer la chambre sur la portée de l'exécution de la loi nouvelle sous toutes ses faces.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, les renseignements que vient d'indiquer l'honorable M. Jullien peuvent être sans doute d'une très grande utilité pour la chambre; mais il ne s'ensuit pas qu'il faille insérer dans une loi l'obligation pour le gouvernement de fournir ces renseignements ; nous pouvons les demander à l'occasion de chaque discussion financière, à l'occasion du budget des finances, à l'occasion du budget des voies et moyens. Mais je ne vois pas plus de raison pour demander un rapport spécial sur l'exécution de la loi des sucres, que sur l'exécution de toute autre loi.

Je me prononce contre l'article additionnel proposé par l'honorable M. Jullien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs , l'honorable M. Jullien a manifesté un étonnement extrême, en prétendant que j'aurais tout à coup changé d'avis sur la nature de la loi. Elle devait, selon les paroles que m'a attribuées l'honorable membre, produire des effets immenses au point de vue commercial.

Ces paroles, je ne les ai certainement pas prononcées ; je me suis borné à faire connaître quels seraient les effets probables de la loi. J'ai tenu à éviter toute exagération.

Pour en revenir au compte rendu que demande l'honorable membre, il est évident qu'il ne peut se rapporter qu'aux quantités de sucre de betteraves et de sucre de canne mises en raffinage, à l'exportation de ces diverses catégories de sucres, au produit que la loi aura donné au trésor ; c'est un simple tableau, semblable à celui que l'honorable membre a réclamé pendant la discussion et que j'ai fourni du jour au lendemain. Je ne connais pas d'autre compte rendu passible, et l'on pourra toujours en présenter un pareil dès que la chambre le voudra. Il est inutile d'insérer une disposition dans la loi à cet égard.

M. Mercier. - Il me semble qu'il peut être utile d'avoir un rapport sur les effets d'une loi qui implique une dépense considérable du chef de la prime. Je n'insiste pas pour que l'obligation de faire un rapport soit insérée dans la loi; je ne présente cette observation que pour montrer ce qu'il y a de suite dans la pensée de l'honorable M. Jullien.

- Sur la proposition de M. le président, la chambre fixe la séance de demain samedi à deux heures.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.