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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 4 juin 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1525) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Alp Vandenpeereboom présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre :

« La chambre de commerce de Liège, appuyant la réclamation des sieurs Pastor et de Behr contre la pétition du sieur Regnier-Poncelet, relative au droit d'entrée sur les bandages de roues et les axes de locomotives, présente des observations sur le rapport de la commission permanente de l'industrie, auquel cette pétition a donné lieu. »

M. Lesoinne. - Je demande qu'il soit donné lecture de cette pétition, avant la discussion du projet de loi relatif au droit d'entrée sur les bandages de roues et les axes de locomotives.

- Cette proposition est adoptée.


« Quelques habitants de Blicquy demandent que cette commune ressortisse au bureau des contributions directes établi à Ligne. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Jullien demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Projet qui modifie la loi du 27 septembre 1835, sur l'enseignement supérieur

Motion d'ordre

M. de Mérode (pour une motion d’ordre). - Je demande à la chambre de vouloir bien revenir sur une décision qui a été prise vendredi dernier, celle qui concerne le jury d'examen.

Quelque importante que paraisse à tous la loi sur cet objet, disent dans une brochure qui nous a été distribuée et que j'ai relue ce matin, MM. Casterman, professeur à l'athénée de Tournay, et Olivier, docteur en médecine, elle l'est encore plus qu'on ne croit. Elle forme en quelque sorte la tête d'un ensemble immense, et de sa solution dépend la réalisation régulière de tous les tribunaux destinés à reconnaître la valeur des propriétés intellectuelles de tout genre, tribunaux qui ne sont pas même encore ébauchés et dont le manque est désastreux pour une société aussi compliquée dans ses travaux que la nôtre.

« Qu'il nous suffise de faire remarquer ici, disent en finissant les auteurs de cette intéressante brochure, que le jury d'examen touchant à la fois aux deux grands principes de la liberté d'enseignement et de la propriété intellectuelle, d'où l’avenir doit sortir tout entier, en mettant l'homme à même de bien travailler et d'être toujours payé de son travail, la solution de la question qui nous occupe est la clef de la société nouvelle, que, loin de regretter le temps et la peine qu'on aura mis à l'élucider, il ne faut (page 1526) pas regarder, à quelques mois de méditation pour poser la première pierre d'un monument grand comme le monde. »

Ces derniers mots, messieurs, semblent peut-être trop forts dans leur expression et empreints d'exagération; cependant ce qui se passe dans le monde aujourd'hui montre combien l'existence de l’ordre social est liée aux questions d'enseignement, et combien elles méritent de réflexion sérieuse.

En section centrale, vous disait un membre qui en faisait partie et qui tous pressait d'aborder le sujet très promptement, nous lui avons consacré douze à quinze heures en tout.

Quant à moi, messieurs, j'admire qu'il faille si peu d'heures pour résoudre un semblable problème, et je ne puis avoir grande confiance dans le projet qui sortira de cette élaboration si rapide; et pour l'honneur de la chambre nouvelle, qu'on a aussi invoqué, je voudrais qu'elle n'agît pas si lestement.

D'ailleurs, la saison dans laquelle nous sommes n'est rien moins que favorable à la maturité des débats de cette nature, et néanmoins, elle est infiniment précieuse pour d'autres occupations, qu'elle seule peut permettre. Ainsi nul moment n'est plus favorable aux explorations qui regardent l'agriculture. C'est le seul où l'on puisse examiner et comparer les récoltes de différents cantons, soit du pays, soit du dehors . L'herbe va tomber sous la faux ; celui qui s'intéresse, ce qui est au moins bien excusable aux travaux d'irrigation, par exemple, ne peut trouver d'instant plus propice pour en apprécier les résultats en divers lieux. Il en est de même pour toutes les récoltes.

Dans nos climats sévères, nous avons à peine deux mois vraiment beaux pendant lesquels la nature déploie toutes ses richesses, juin et juillet. Et quelle privation n'est-ce pas, au point de vue à la fois agréable et éminemment utile, car l'agriculture est le premier des arts matériels, après tout un hiver et un printemps passés dans l'aridité des débats politiques, quelle privation n'est-ce pas d'être enchaîné sur ces banquettes pendant les journées d'or que nous donne la nature d'une main si avare dans nos brumeuses contrées !

Ajoutez à cela, messieurs, qu'à un certain âge, et même quelquefois à tous les âges, on a besoin de combattre, par les eaux minérales que la Providence a bien voulu nous accorder, des infirmités corporelles; or, c'est seulement pendant les journées chaudes, telles que nous les avons actuellement, que l'on peut profiter du bienfait. L'année dernière, pendant tout le mois d'août, le ciel fut aussi sombre qu'en hiver; on devrait donc toujours, à moins de nécessités extrêmes, affranchir les chambres composées d'habitants des campagnes comme d'habitants des villes, et de personnes obligées à des absences pour cause de santé ou affaires, comme d'autres qui ne quittent point leur demeure, on devrait les affranchir de session pendant les quatre précieux mois de juin, juillet, août, septembre, dont le temps est loin d'être toujours favorable, mais pendant lesquels on peut saisir les quinzaine où le soleil nous accorde généreusement, quoique trop variablement, sa chaleur.

Quant à moi, j'éprouve à la fois les deux besoins très pressants d'exploration agricole et de santé, et j'ajoute subsidiairement ces considérations relatives au prix de la liberté pendant la bonne saison à celles que j'ai fait valoir en commençant. Elles se lient d'ailleurs intimement, car personne n'ignore que l'on fait mal ce qu'on fait à regret; qu'on broche alors le travail au lieu de l'accomplir avec soin; et quelle œuvre mérite plus de sollicitude, plus de patience que l'œuvre qui regarde la liberté de l'intelligence, et la bonté des études à leurs divers degrés? N'est-ce point parce que la Belgique a mieux traité, jusqu'à présent, que d'autres peuples, ces matières si graves, qu'elle vit dans une atmosphère plus tranquille?

Je pense que l'assemblée a pu être surprise par des raisons dont je ne conteste pas la valeur, pour se prononcer comme elle l'a fait vendredi ; mais depuis trois jours chacun a eu le temps de se livrer plus ou moins explicitement aux réflexions que je me permets de renouveler aujourd'hui, et je sais que plusieurs les adoptent au fond. C'est pourquoi je présente une motion qui consiste à remettre à la session prochaine ta discussion d'une loi, qu'il faut éviter de rendre encore provisoire, sur le jury d'examen, faute d'examen suffisant. Et si la solution du problème n'est pas plus tard conforme au vœu d'une minorité respectable, qu'au moins elle ne puisse pas y opposer la précipitation et le choix d'une époque beaucoup plus propre à considérer les produits des campagnes et à chercher les moyens de les accroître, qu'à improviser sous un vitrail en juin des règles pour juger la capacité scientifique, fixer tout ce qu'il est nécessaire d'étudier dans les diverses branches de l'instruction supérieure et pour organiser un tribunal vraiment digne de confiance, devant accorder ou refuser à chacun les titres légaux de capacité. Ces titres sont non moins chers à l'individu qui n'a point d'autre fortune, que les titres de propriété à ceux qui possèdent des terres, des maisons ou des capitaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). Messieurs, au point de vue où s'est placé l’honorable M. de Mérode, le ministère pourrait donner son adhésion pleine et entière à plusieurs de ses considérations. S'il s'agit de se donner du repos, de la liberté d'esprit, des vacances en un mot, je crois que sans vouloir déprécier les habitudes laborieuses de l'honorable comte de Mérode, il y a quelque part ailleurs des collègues qui auraient tout autant besoin que lui de se donner le plus tôt possible des jours de repos.

Mais, messieurs, nous ne pensons pas que le moment soit venu pour la chambre de se reposer convenablement, nous pourrions presque dire honorablement. Le projet de loi qui lui est soumis a subi l'épreuve de l'examen de toutes les sections, il a été examiné aussi très attentivement en section centrale. L'honorable comte de Mérode pense que quinze heures d'examen ne suffisent pas. Mais à mon avis quinze heures d'examen approfondi suffisent pour vider les questions que soulève le projet.

Il ne s'agit pas d'ailleurs d'une question entièrement nouvelle. C'est une question qui a été examinée et discute non pas pendant quinze heures, mais pendant quinze années, tant dans la chambre que dans le pays tout entier. C'est une question sur laquelle l'honorable comte de Mérode avait une opinion toute faite en 1838, alors qu'il votait en faveur du principe proposé par le gouvernement.

M. de Mérode. - C'est une vieille histoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela prouve en effet que la question n'est pas nouvelle, et que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on l'a débattue, puisque, en 1835 déjà, l'honorable comte de Mérode avait une opinion toute faite, et je crois que c'était la bonne opinion.

Quant à l'argument tiré de la saison, il y a une singulière coïncidence en ce qui concerne précisément les lois d'enseignement, c'est que la loi sur l'enseignement primaire et la loi sur l'enseignement supérieur, ont été discutées et votées dans des sessions d'été. La loi sur l'instruction supérieure est du mois de septembre 1835, celle sur l'instruction primaire est du mois de septembre 1842. Il faut donc laisser entièrement de côté cette circonstance que l'état de l'atmosphère ne permettrait pas à la chambre de discuter convenablement les questions qui se rattachent à l'instruction publique. Les antécédents parlementaires sont là.

Messieurs, sans doute l'agriculture mérite toute la sollicitude de la chambre et je ne demande pas mieux que de voir les honorables membres s'occuper de questions agricoles. Mais l'enseignement supérieur mérite aussi la sollicitude de la chambre.

Il y a des raisons spéciales en faveur d'une discussion aussi prompte que possible. Les professeurs et les élèves, en présence d'un projet de loi non discuté, vont se trouver, à l'ouverture de la prochaine année académique, dans l'incertitude sur les matières qui doivent être l'objet de l’enseignement et de l'examen. Et ce n'est pas peu de chose, messieurs, que de laisser planer une pareille incertitude sur toute une année d’études.

Messieurs, il y a des améliorations notables dans le projet de loi, améliorations réclamées depuis longtemps par les parents, les élèves, les professeurs eux-mêmes. Il ne s'agit pas seulement de la question du jury d'examen. Je crois que cette question, après un examen fait de bonne foi de part et d'autre, perdra beaucoup des proportions gigantesques qu'on veut lui donner, et j'espère qu'il y aura une majorité imposante pour le projet du gouvernement. Mais il y a autre chose, messieurs, dans la loi, il y a des améliorations réclamées depuis longtemps par tous les pères de famille, et de pareilles améliorations on ne peut pas les donner trop tôt au pays.

Il serait injuste de croire que le gouvernement, je ne sais pour quel motif, voudrait forcer la main aux chambres ; s'il tient à ce que la loi soit discutée le plus tôt possible, c'est, je le répète, parce qu'elle renferme des principes d'utilité pratique, qui ne sont contestés par personne; c'est, aussi, parce qu'il est temps que la chambre fasse disparaître successivement de son ordre du jour les questions relatives à l'enseignement. Cela est utile dans l'intérêt de la conciliation. Alors qu'on est d'accord sur tant d'intérêts , nous devons désirer de voir décider le plus tôt possible tout ce qui concerne l'enseignement, chaque opinion conservant d'ailleurs ces divergences qui peuvent et doivent exister dans un gouvernement parlementaire, sans que la chose publique ait à courir des dangers.

Nous ne pouvons pas, messieurs, revenir sur une décision prise par la chambre en parfaite connaissance de cause. Si nous voulons aborder dans la session prochaine la loi sur l'enseignement moyen et la révision de la loi sur l'enseignement primaire, il est indispensable que nous terminions dans la session actuelle le projet de loi sur l'enseignement supérieur. La session prochaine sera très courte, et l'ouverture en sera mar- la discussion de l'adresse en réponse au discours du trône en occupera le commencement; il sera impossible de voter la loi sur l'enseignement supérieur, la loi sur l'enseignement moyen et la loi sur l'enseignement primaire; faisons dans la session actuelle la première de ces lois, et nous pourrons faire les deux autres dans la session prochaine. Je crois que c'est là le parti le plus sage et le plus patriotique à prendre. Nous n’avons pas fait beaucoup de lois d'intérêt moral dans le cours de cette session; certainement beaucoup de lois utiles ont été faites, mais ce serait la finir dignement que de voter la loi sur l'enseignement supérieur, qui réunira, je n'en doute pas, une très forte majorité.

M. Delfosse. - Messieurs, si je ne consultais que mon intérêt personnel, j'adhérerais volontiers à la proposition de l'honorable comte de Mérode : j'aurais plus de temps pour faire mon rapport, et les vacances m'iraient tout aussi bien qu'à l'honorable membre; mais je pense, comme M. le ministre de l'intérieur, qu'il est urgent que la chambre discute le projet de loi sur l'enseignement supérieur.

M. de Mérode dit que la section centrale ne s'est occupée du projet que pendant 15 heures. La section centrale a employé à l'examen du projet 6 ou 7 séances de 2 à 3 heures; chaque membre est venu à ces séances bien préparé, et ceux qui viennent bien préparés font plus de travail en 2 ou 3 heures que d'autres en plusieurs séances.

(page 1527) M. le ministre vient de rappeler que la loi sur l'enseignement primaire a été votée au mois de septembre 1842, et M. de Mérode a répondu que le mois de septembre n'est pas le mois de juin. Mais, messieurs, à cette époque on nous a fait siéger également au mois de juin, on nous a fait siéger au mois d'août; nous avons siégé presque toute l'année. M. de Mérode ne se plaignait pas alors des ministres qui tenaient la chambre toute l'année, il n'avait pas alors cette grande affection qu'il montre aujourd'hui pour les champs et pour les moissons.

Comme la chambre s'est déjà prononcée deux fois sur la question, je crois qu'elle doit adopter la question préalable sur la proposition de l'honorable M. de Mérode.

Je propose formellement la question préalable.

M. de Mérode. - Messieurs, on vient dire qu'une autre année je n'avais pas trouvé qu'il fût à propos de laisser les membres de la chambre disposer des meilleurs mois de l'année pour d'autres occupations que celles auxquelles on se livre dans des saisons moins favorables.

On dit encore que le projet de loi réunira une majorité considérable dans cette chambre; mais, messieurs, la loi de l'instruction primaire a été votée à une immense majorité, et cependant on est sur le point de proposer des changements à cette loi.

Dès lors nous n'aurons pas cette prétendue fixité dont on parle, pour la nouvelle loi sur l'enseignement supérieur. Il serait donc à propos de l'élaborer avec soin et d'avoir l'opinion des publicistes et d'une foule d'autres personnes qui peuvent encore donner des renseignements utiles jusqu'à la session prochaine.

Si l'on veut discuter la loi en ce moment, je ne puis pas seul m'y opposer, mais je crois qu'on fera de la mauvaise besogne.

M. Dechamps. - Messieurs, je viens engager mon honorable ami M. de Mérode à retirer ou à ajourner sa motion. Je crois qu'il vaut mieux attendre, s'il juge à propos de la reproduire, que le rapport de M. Delfosse soit présenté à la chambre ; nous verrons alors si les modifications apportées au projet, si les questions que le rapport soulève sont d'une importance telle qu'il faille demander un nouveau délai pour examiner le projet.

J'ai confiance que la majorité de la chambre ne voudra en aucune manière que cette question si importante soit décidée sans une publicité suffisante, sans une discussion approfondie ; le majorité ne voudra pas, j'en suis convaincu, qu'on puisse dire ou qu'on puisse croire qu'on a voulu enlever une telle loi, par une espèce de surprise et en spéculant sur la lassitude de la chambre. Cette question, je le répète, nous pourrons l'examiner lorsque le rapport de l'honorable M. Delfosse sera présenté.

Du reste, la chambre confirmera ou ne confirmera pas la décision qu'elle a prise vendredi dernier, en restant en nombre sur ces bancs ou en n'y restant pas. Ce sera la meilleure manière d'exprimer sa volonté.

M. de Mérode. - Puisque mes observations paraissent ne pas rencontrer de l'appui, je retire ma motion.

Proposition de loi concernant le droit d’entrée sur les bandages de roues et les axes de locomotive

Discussion générale

M. Lesoinne, rapporteur. - Il y a dans le rapport deux fautes d'impression à rectifier. Dans l'avant-dernier paragraphe, on lit :

« Les pétitionnaires ne voient pas d'inconvénient à ce que les bandages de roues soient admis au même droit que le fer laminé, c'est-à-dire, à 12 fr. 70 c. en principal. Mais il est d'un avis, etc. » Il faut : « mais ils sont d'un avis ».

Dans le dernier paragraphe on a omis le mot : « axes » devant celui de locomotive.

M. le président. - Voici la pétition qui a été adressée aujourd'hui à la chambre sur cette question :

» Messieurs,

« Le président de la réunion du commerce des fers belges nous transmet copie de la pétition qu'il vous a adressée sous la date du 30 du mois écoulé, et tendant à démontrer l'erreur et l'inexactitude des faits invoqués dans le rapport que votre commission permanente de l'industrie vous a présenté le 25 mai dernier pour justifier les conclusions et le projet de loi dont vous êtes saisis en suite de la pétition de M. Régnier-Poncelet, analysée dans votre séance du 9 mars 1849.

« Laissant à l'écart la question relative aux modifications douanières que soulève la pétition susdite et sur laquelle nous n'avons pas été consultés, la chambre de commerce qui a pour première mission de défendre le crédit et l'honneur industriels de diverses branches de la production nationale, s'empresse d'appuyer de toute son influence les observations de la réunion du commerce de fer et de protester contre cette inexplicable allégation consignée dans le rapport de votre commission d'industrie, énonçant que la fabrication des qualités de fer dont M. Regnier-Poncelet demande l'importation en franchise de droit n'est pas encore introduite en Belgique, allégation que réfutent chaque jour, et de la manière la plus ostensible, les locomotives sorties de nos ateliers, circulant tant sur nos chemins de fer que sur les railways de l'étranger.

« Vous comprendrez, messieurs, avec quel avide et jaloux empressement nos rivaux exploiteraient à leur profil ce brevet d'infériorité et d'incapacité si gratuitement délivré à nos industriels, si les motifs à l'appui du projet de loi formulé par votre commission de l'industrie se produisaient au sein de notre parlement sans y être solennellement réfutés.

« Pour le cas où les faits posés dans la pétition de l'union du commerce de fer soulèveraient quelques scrupules, laisseraient subsister le moindre doute, la chambre vous prie d'en faire constater l'inexactitude par la voie d'une enquête.

« Agréez, Messieurs, l'expression de notre considération très distinguée.

« Par la chambre

« Le président. F. Capitaine.

« Le secrétaire, Frédéric Gilman. »

Proposition de renvoi au gouvernement

M. Osy. - Messieurs, je partage en général l'opinion manifestée par notre commission d'industrie, de voir abaisser successivement tous les droits protecteurs; mais je vois, quant à la proposition faite, une grande divergence d'opinion dans le centre de notre industrie. Je vois que des industriels prétendent que nous ne pouvons pas faire les axes de locomotive en qualité convenable, qu'il faut les faire venir d'Angleterre ; d'autres prétendent au contraire qu'on en fabrique en très bonne qualité en Belgique et que nous n'avons pas besoin de l'étranger. En troisième lieu la chambre de commerce de Liège nous apprend qu'elle n'a pas été consultée et qu'elle désire pouvoir faire une enquête sur cette affaire qui est très importante J'avoue que la Belgique, depuis l'institution de nos chemins de fer, à construit tant de remorqueurs, que je crois que nous avons les fers propres à la fabrication des essieux, d'autant plus que nous n'avons pas seulement fait des remorqueurs pour la Belgique, mais encore pour l'étranger; et sans la crise politique nous serions encore occupés à en faire.

Au lieu de voter le projet de loi qui nous est présenté, je pense que nous devrions le renvoyer, ainsi que toutes les pétitions qui s'y rattachent, au gouvernement pour examiner cette affaire.

M. Dechamps. - Messieurs, je viens appuyer la motion de l'honorable M. Osy.

- Plusieurs voix. - Nous sommes d'accord.

M. Dechamps. - Si M. le rapporteur ne s'oppose pas à cette proposition, je renonce à la parole.

M. Lesoinne, rapporteur. - Je ne savais pas, en faisant mon rapport, qu'on attacherait tant d'importance à cet objet. Un fabricant, un homme honorable, en qui je ne pouvais qu'avoir confiance, est venu dire : Je recevais des bandages de roues et des axes de locomotive au droit de fr. 12-70 ; pour les commandes que je recevais de l'étranger, on m'imposait la condition de faire mes axes et mes bandages de roue en fer anglais; je payais 12 fr. 70c. par 100kil. comme fer en barres; on veut me faire payer 25 fr., je demande à pouvoir les recevoir comme je les recevais anciennement. Ces fers se payent d'ailleurs plus cher en Angleterre qu'en Belgique ; je suis loin de contester qu'on fabrique dans le pays des fers d'aussi bonne qualité; nos établissements ont fourni assez de locomotives entièrement construites avec du fer belge, pour qu'on n'ait pas besoin de donner d'autres preuves; mais comme les commettants étrangers imposaient à ce fabricant la condition d'employer du fer anglais, je pensais qu'il était juste de ne pas lui faire payer 130 fr. de plus par locomotive.

Au surplus, d'accord avec mes collègues de la commission d'industrie, je consens au renvoi au gouvernement pour qu'il examine l'affaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois aussi que le parti le plus sage est de renvoyer cette affaire à une nouvelle instruction.

Je ferai observer à cette occasion, sans vouloir porter aucune atteinte au droit d'initiative de la commission d'industrie, que cette commission, lorsqu'il s'agit de demande qui peuvent avoir pour conséquence des modifications à notre législation douanière, devrait s'adresser au gouvernement pour qu'il entende les chambres de commerce, et pour que l'instruction soit complète.

Ceci soit dit sous toutes réserves du droit de la commission d'industrie de faire toutes les propositions qu'elle pourrait croire utiles dans l'intérêt de l'industrie.

M. Mercier. - Je viens appuyer l'observation faite par M. le ministre de l'intérieur. Sans me permettre d'adresser aucun reproche à la commission d'industrie et sans porter atteinte à ses droits, il me semble qu'il conviendrait que jamais elle ne soumît un projet de loi à la chambre, sans avoir entendu le département ministériel que la chose concerne. Assurément, elle ne doit pas adopter aveuglément l'opinion du gouvernement. Mais pour la bonne instruction des affaires, je pense que cette commission, ainsi que celle des finances, devrait réclamer l'avis du gouvernement avant de présenter un projet à la chambre.

Si on ne suit cette marche, l'instruction sera évidemment incomplète.

M. Lesoinne, rapporteur. - Nous nous étions adressés au gouvernement, comme nous le faisons toutes les fois que nous sommes saisis d'une pétition, au sujet de laquelle nous voulons faire un projet de loi.

Le gouvernement s'est montré contraire à la demande de M. Regnier-Poncelet. Quant à l'application du droit, la commission d’industrie n'a pas (page 1528) considéré comme réels les inconvénients que, d'après la réponse du gouvernement, présentait la demande du pétitionnaire.

Voilà pourquoi nous avons persisté dans notre opinion.

M. Mercier. - Je crois que dans ce cas les motifs allégués par le gouvernement pour ou contre le projet de loi devraient être indiqués dans le rapport.

M. Lesoinne. - Le rapport en fait mention.

M. Mercier. - Je trouve bien dans le rapport une réponse du département des finances, mais elle porte uniquement sur l'application du tarif. Je n'y vois rien sur la question au fond; or, c'est du fond que j'ai parlé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le département des finances pouvait bien être consulté dans cette affaire au point de vue de la taxe, quant à son caractère fiscal. Mais au point de vue de la protection, de la garantie de l'industrie, ce n'est pas le département des finances, c'est le département de l'intérieur qui devait être entendu.

Si ma mémoire est fidèle, lorsque communication m'a été donnée de cette demande, j'ai fait observer que c'était le département de l'intérieur qu'il fallait consulter.

Au fond, l'affaire ne présente presque aucune importance. C'est une affaire presque insignifiante. Je ne sais si la réduction de droit peut souffrir quelque difficulté. Mais il y a un grand inconvénient à consigner dans un document authentique, soumis à la chambre, des renseignements erronés, des faits inexacts qu'on pourrait invoquer contre nos industriels.

Il est incontestable que l'on fait des axes et des bandages de roues, que les locomotives de l'Etat qui circulent sur le chemin de fer sont toutes (sauf celles qui sont autrefois venues de l'étranger) confectionnées avec du fer belge et qu'elles présentent toute garantie.

Ces locomotives servent en quelque sorte d'enseigne. C'est un moyen d'appeler l'attention des marchands étrangers sur les produits de notre industrie.

Aussi le gouvernement s'est-il empressé d'accorder aux particuliers et aux gouvernements qui veulent faire faire des locomotives en Belgique, toutes les facilités pour faire essayer les locomotives sur le chemin de fer pendant un temps déterminé. Déclarer, après cela, contrairement à ce qui se fait, que l’on est obligé de faire venir ces axes de l'étranger, c'est porter atteinte à l'industrie du pays.

Il importe donc que les faits qui ont été avancés disparaissent entièrement, parce qu'ils sont complètement inexacts.

- Le renvoi des pétitions au gouvernement est mis aux voix et adopté.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur, pour l'armement de la garde civique

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le gouvernement a indiqué quelle était, selon lui, la dépense qui serait nécessaire pour compléter l'armement de la garde civique.

Il a fait connaître que, suivant les appréciations, cette dépense s'élèverait à 3,297,770 fr. 80. Il a proposé l'allocation d'un premier crédit de 500,000 fr.

Dans les détails de la somme de 3 millions que je viens d'indiquer, figure une somme de 636,000 fr. à rembourser au département de la guerre pour 20,000 fusils au prix de 31 fr. 80 cent., et une somme de 191,740 fr. pour réparation de 19,174 fusils au prix moyen de 10 fr. A cette occasion, un membre de la section centrale a émis l'opinion suivante :

« Il n'admet pas qu'il y ait lieu à faire ce remboursement au département de la guerre, puisque ce département, en fournissant les armes et faisant les réparations, n'accomplit qu'une obligation qui pèse sur l'Etat, et que l'Etat est un et indivisible ; que si la réserve des arsenaux militaires a besoin d'être ou complétée ou augmentée, le chef du département de la guerre exposera ses besoins dans son budget et la chambre y pourvoira ; que le système du remboursement aurait pour conséquence de rendre le contrôle de la représentation nationale plus difficile et moins certain. »

Si cette opinion était restée isolée, je me serais gardé de prendre la parole. Mais dans la section centrale , suivant le rapport de l'honorable M. Rousselle, il a été dit « qu'on partage entièrement l'opinion du préopinant, quant au remboursement du prix des fusils sortis des arsenaux militaires, et même quant aux frais de réparation de ces fusils, s'ils ont été faits dans la manufacture d'armes de l'Etat, au moyen des crédits alloués au budget de la guerre pour le service de cette manufacture. » On ajoute « que tous ces points ne sont pas préjugés par le projet de loi et que l'on préfère la rédaction du gouvernement à celle proposée, parce que le ministre s'affranchissant, comme il est de raison, de rembourser le prix des armes sorties des arsenaux militaires, aura une latitude plus grande de combiner les nouvelles fournitures selon les nécessités du service et en ménageant les dépenses et les échelonnant sur les divers termes pendant lesquels elles peuvent se liquider, tandis que l'amendement semblerait autoriser de dépenser toute la somme de 500,000 fr. en 1849, ce qui ne paraît pas absolument nécessaire et du reste pourrait gêner le service du trésor. »

Il serait impossible au gouvernement d'admettre le système invoqué par la section centrale. Il doit être formellement entendu, au contraire, que si l’on fait, près du département de la guerre, des acquisitions pour l'armement de la garde civique, elles devront être payées sur les crédits qui seront accordés. Tout autre système aurait pour résultat de jeter la confusion, le désordre dans la comptabilité de l'Etat. Il serait impossible de reconnaître quelle est la véritable dépense d'un service.

L'Etat, dit-on, est un et indivisible; par conséquent, puisque le département de la guerre a dans les arsenaux des armes, il peut les livrer au département de l'intérieur sans remboursement et tout sera dit. Mais si l'Etat est un et indivisible, chaque département ministériel est un et indivisible aussi. Chaque département ministériel a un budget à part, un compte à part, une comptabilité entièrement séparée. Chaque département ministériel est placé vis-à-vis des autres départements comme vis-à-vis d'un simple particulier, comme vis-à-vis de l'étranger. Il faut que, pour la régularité, la dépense soit opérée comme s'il s'agissait d'un étranger.

On s'est ici préoccupé de la question de l'armée, on le voit bien. On a dit : Le crédit intéressant, c'est le crédit pour la garde civique; il faut bien l'allouer. Le crédit qui est bien moins intéressant est celui relatif à l'armée. On se présentera ultérieurement pour demander le crédit pour l'armée ; nous aviserons alors.

Messieurs, il est impossible que les choses se passent de la sorte. Si la doctrine de la section centrale pouvait être admise, il serait aussi parfaitement régulier que le département de la guerre fît, sans aucune espèce de liquidation, des fournitures de médicaments aux prisons, comme cela arrive. Il serait également régulier que le département des travaux publics opérât des transports de troupes pour le département de la guerre sans être indemnisé.

Que résulterait-il de là ? Il en résulterait la violation de la loi du budget. Il en résulterait la violation de l'article 16 de la loi de comptabilité que vous avez votée et qui porte expressément qu'aucun chef de département ministériel ne peut augmenter les allocations de ses crédits par aucun moyen quelconque, direct ou indirect. Or, ce serait accroître les crédits alloués que de disposer des valeurs, des fonds, des crédits confiés à un autre département ministériel.

Je ne puis donc admettre l'opinion qui est professée dans le rapport et moins encore le conseil qui est donné au gouvernement de s'écarter des principes d'une bonne comptabilité.

M. Osy. - Je regrette de ne pas voir à son banc l'honorable rapporteur de la section centrale.

M. le président. - Des affaires particulières l'ont appelé ailleurs.

M. Osy. - En son absence, je dois déclarer, comme membre de la section centrale, que notre intention n'a pas été de dire que si l'on prenait pour l'armement de la garde civique des armes au département de la guerre, il ne fallait pas établir une régularisation. Certainement la loi de comptabilité exige que chaque ministère remette à la cour des comptes un inventaire de tout le matériel qu'il possède, et il est responsable de ce matériel. Si donc le département de la guerre possédait 20,000 fusils dont il pouvait se passer et s'il les a livrés au département de l'intérieur pour l'armement de la garde civique, il faut que cette affaire soit régularisée. Mais la section centrale a cru que si le département de la guerre avait encore assez d'armes sans ces 20,000 fusils, il ne fallait pas lui en rembourser le prix ; que l'opération pouvait se régulariser par une loi.

Cependant, messieurs, il paraît positif que le département de la guerre ne peut pas se passer de ces 20,000 fusils. Il est donc nécessaire que nous allouions des fonds au département de l'intérieur pour le mettre à même de payer successivement au département de la guerre le prix des armes qu'il a fournies et de lui permettre ainsi de faire confectionner de nouvelles armes. Voilà maintenant la question à décider.

Mais, messieurs, vous voyez que l'armement de la garde civique coûtera près de 3,500,000 fr. A cette occasion j'aurais désiré connaître les véritables motifs qui portent M. le ministre de l'intérieur à repousser ce qui est demandé par différentes pétitions, c'est-à-dire de diviser la garde civique en deux bans. Je pense qu'on pourrait, sans inconvénient, admettre ce système, ce qui permettrait de n'armer la garde civique que successivement. On pourrait aussi ne hâter l'organisation de la garde civique que dans les grandes villes; il me semble que, dans les communes rurales, on pourrait la retarder sans inconvénients.

Je désirerais que M. le ministre de l'intérieur voulût bien s'expliquer sur ces différents points.

M. Allard. - Messieurs, il est une quantité de petites communes où la garde civique est organisée avec un luxe d'état-major tout à fait extraordinaire. Dans les Flandres il y a des communes de 5 à 6 mille habitants qui ont deux bataillons de garde civique. Mais tout cela n'existe que sur le papier, cela n'est fait que pour avoir une armée d'officiers et pour entraîner le gouvernement à de grandes dépenses. Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien s'assurer que les hommes existent réellement avant de délivrer les armes.

Il est inconcevable qu'à Eecloo, par exemple, où il n'y a que 8,000 habitants, il y ait une légion de garde civique, comme à Anvers et dans d'autres très grandes villes, tandis qu'à Tournay, par exemple, et dans plusieurs villes de cette importance, il n'y a que deux bataillons. J'appelle toute l'attention du gouvernement sur cet état de choses qui pourrait devenir très onéreux pour le trésor.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je répondrai d'abord à l'honorable préopinant. Je reconnais avec lui que dans certaines communes, notamment dans la Flandre orientale, on a donné une trop (page 1529) grande extension à l'organisation de la garde civique et qu'on a formé des légions dans des communes dont l'importance ne paraissait pas exiger une force aussi considérable. Le gouvernement trouvera au surplus dans la loi sur la garde civique le moyen de porter, s'il y a lieu, remède à cet inconvénient.

Le gouvernement peut dissoudre, au besoin, la garde civique, dans l'intérêt même de cette garde et pour arriver à une organisation plus en harmonie avec les besoins de la commune et avec ses facultés financières.

Hors de là, messieurs, l'on doit dire que dans beaucoup de communes l'organisation de la garde civique ne laisse presque plus rien à désirer; c'est surtout dans ces communes que le gouvernement se fera un devoir de fournir des armes : mais là où le gouvernement ne rencontrera pas une bonne et forte organisation, il ne délivrera pas facilement des armes ; il n'en délivrera que là où il aura la certitude qu'elles recevront un bon et utile emploi.

Messieurs, lorsqu'on a voté la loi d'organisation de la garde civique, on devait bien s'attendre à ce qu'elle entraînât des dépenses pour les communes et le gouvernement : il est impossible d'armer et d'équiper 100,000 hommes sans que cela entraîne des dépenses ; mais ici encore, toujours guidé par des vues d'économie, le gouvernement a procédé avec une sage réserve ; il a tâché de récupérer le plus grand nombre d'armes possible. Beaucoup d'armes, je dois le dire, qui avaient été distribuées, ne sont pas rentrées dans les arsenaux de l'Etat, malgré les instructions données et réitérées à cet égard.

Tout ce qui, dans les anciennes armes, a été jugé pouvoir encore servir, tout cela a été réparé; ce n'est que lorsque M. le ministre de la guerre s'est trouvé à bout de moyens, que je me suis décidé à venir demander un crédit à la chambre, et encore je ne demande pas la somme nécessaire pour armer toute la partie active de la garde civique ; l'état de nos finances ne nous permettrait pas de dépenser 3,200,000 francs, et eussions-nous même cette somme, nous ne pourrions pas fabriquer les armes avant qu'un temps assez long ne fût écoulé.

L'honorable M. Osy, revenant sur un point qui a déjà été discuté, pense qu'il y aurait économie pour l'Etat à diviser la garde civique en deux bans.

Messieurs, la loi sur la garde civique n'a qu'une année d'existence, jusqu'ici elle n'a pas révélé, dans l'exécution, des inconvénients tels qu'il faille la modifier; or aussi longtemps qu'une loi fonctionne bien, que des inconvénients réels ne sont pas signalés, je pense qu'il faut maintenir la loi.

Nous avons réformé et nous réformerons certaines lois, mais ce sont des lois qui existent depuis un certain nombre d'années et dont l'exécution a signalé certains inconvénients qu'il importe de faire disparaître. Il n'en est pas de même de la loi sur la garde civique : l'esprit public a beaucoup contribué à faciliter l'exécution de cette loi, et partout elle donne les résultats les plus satisfaisants. C'est là un fait de notoriété publique et il doit nous déterminer à tenir peu de compte des opposition individuelles que la loi a rencontrées.

Je ne saisis pas bien l'organisation que l'on voudrait substituer à l'organisation actuelle : on veut faire deux bans; introduirait-on dans le premier ban exclusivement les jeunes gens de 20 à 30 ans ? Croit-on que par là la garde civique offrira des garanties plus grandes à l'ordre, à la tranquillité publique? Croit-on que les citoyens de 30 à 50 ans sont incapables de porter un fusil? Je ne le pense pas. Je pense que beaucoup de citoyens protesteraient contre cette espèce d'injure que l'on ferait à leurs forces et à leur bonne volonté.

Il est utile, messieurs, que la garde civique, préposée surtout au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, contienne le plus grand nombre de citoyens paisibles, comprenne un certain nombre de pères de famille.

Sans doute, il est utile aussi que les jeunes gens y tiennent leur place; il est même désirable que les grades de sous-officier et d'officier soient occupés, autant que possible, par des hommes jeunes et actifs. Mais il faut se garder d'éloigner l'âge mûr des rangs de la garde civique. Il n'en résulterait d'ailleurs aucune économie, il y aurait toujours à armer le même nombre d'hommes.

Messieurs, le gouvernement a agi avec un esprit de stricte économie dans la manière dont il a procédé à l'armement et à l'équipement de la garde civique. Ainsi dans les objets d'équipement se trouve le ceinturon; au ceinturon se trouve adaptée une plaque ; cette plaque coûte environ 1 fr. 50, ce qui, pour 100,000 ceinturons, ferait pour l'Etat une dépense de 150,000 fr. Eh bien, j'ai cru qu'il fallait interpréter la loi dans ce sens, que l'Etat ne doit pas fournir la plaque du ceinturon. Cette décision a provoqué des réclamations assez nombreuses. Je dois donc, devant la chambre, répéter que, dans mon opinion, l'obligation de fournir se ceinturon aux gardes ne comprend pas pour l'Etat l'obligation d'y joindre la plaque. Il en est de même de l'épinglette. Si donc on croyait que le gouvernement doit fournir la plaque et l'épinglette, il faudrait, à cet effet, introduire un article spécial dans le projet de loi en discussion.

En général les gardes sont animés de tant de bonne volonté qu'ils se sont procuré à leurs frais ces deux objets, et par là le trésor se trouve dégrevé d'une somme d'environ 200,000 fr.; le zèle même va si loin qu'un assez grand nombre de gardes ont acquis, à leurs frais, la giberne qui rentre bien décidément dans la catégorie des objets à fournir par l'Etat. Je me plais à rendre ici hommage au zèle de ces citoyens.

Messieurs, je pense que nous avons procédé avec une sage réserve, en demandant à armer successivement les gardes civiques du royaume ; en répartissant sur plusieurs exercices les crédits nécessaires. On peut dire que ce qu'il y avait de plus pressé à faite, est aujourd'hui fait: la garde civique de la plupart des villes est aujourd'hui armée et équipée.

J'espère que, dans le cours de l'année, l'occasion sera fourme a la garde civique de plusieurs de nos grandes villes de faire voir au pays le degré de perfectionnement auquel leur organisation est déjà parvenue, grâce au bon esprit qui anime les gardes et les officiers.

Je n'en dirai pas davantage, le crédit, d'ailleurs, ne paraissant pas devoir être contesté.

M. Toussaint. - Messieurs, je désire appeler l'attention du gouvernement sur les 16,000 fusils qui restent encore en arrière de l'ancienne garde civique. Jusqu'ici on a fait un appel à l'intervention des autorités communales pour obtenir la restitution de ces fusils ; mais cette démarche n'a produit que peu ou point de résultat. Maintenant que la garde civique est réorganisée d'après la nouvelle loi, ne pourrait-on utiliser le concours des corps d'officiers et spécialement des colonels des légions, qui feraient un appel à la loyauté publique relativement à ces fusils? Dans un pays comme la Belgique, il n'est pas difficile de faire comprendre aux habitants qui les détiennent, qu'ils commettent un véritable vol au préjudice de l'Etat.

Au moyen d'un tel appel, on pourrait peut-être rentrer, sinon dans la totalité, au moins dans la plus grande partie des fusils attardés, et l'Etat récupérerait ainsi une valeur d'un demi-million, égale au crédit qu'on demande aujourd'hui. Seize mille fusils, en effet, au prix de 32 francs,, valent 512 mille francs.

Je recommande cet objet à toute l'attention du ministère.

- La discussion générale est close. On passe aux articles.

Discussion des articles et vote sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 500,000 francs, destiné à couvrir une partie des dépenses de l'armement et de l'équipement de la garde civique. »

- Adopté.


« Art. 2. Les objets d'armement et d'équipement, mentionnés au tableau ci-annexé, sont seuls à la charge de l'Etat. ».

- Adopté.


« Art. 3. Le crédit, mentionné à l'article premier de la présente loi, sera prélevé sur les ressources générales de l'exercice 1849 et formera le chapitre XXIV du budget du département de l'intérieur, pour ledit exercice. La section centrale propose de rédiger l'article 3 de la manière suivante :

« Le crédit mentionné à l'article premier de la présente loi sera prélevé sur les ressources générales de l'exercice 1849, et ajouté, comme charge extraordinaire et temporaire à l'article 47 du chapitre IX du budget du département de l'intérieur pour ledit exercice. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cette rédaction.

- L'article 3, proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.


On passe à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

En voici le résultat :

63 membres répondent à l'appel.

62 répondent oui.

1 s'est abstenu.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au sénat.

M. Jacques, qui s'est abstenu, est invité à énoncer les motifs de son abstention.

M. Jacques. - Je pense que le crédit est nécessaire pour subvenir à une partie de l'exécution de la loi de 1848, sur la garde civique ; mais je pense aussi que cette loi appelé au service de la garde beaucoup trop de monde.

Ont répondu oui : MM. Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin, Schumacher, Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Dequesne, Van Cleemputte, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Allard, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé,. Dechamps, Dedecker, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer,, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumortier, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jouret, Julliot, Lange et Verhaegen.

Projet de loi relatif à la délimitation de la commune de Grapfontaine

Vote de l'article unique

« Article unique. La forêt dite de Haute-Heveau, située entre les communes de Grapfontaine, de Straimont et de Suxy (province de Luxembourg), indiquée par un liséré orange au plan annexé à la présente loi, fait partie du territoire de la commune de Grapfontaine. »

Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach. Rogier, Rolin, Schumacher, Sinave, (page 1530) Thiéfry, T’Kint de Naeyer, Toussaint, Dequesne, Van Cleemputte, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Allard, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, Dedecker, Delfosse, de Liedekerke, Deliège, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Destriveaux, Devaux, d’Hoffschmidt, Dumortier, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jacques, Jouret, Julliot, Lange et Verhaegen.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy. - Je crois que, d'après l'ordre du jour, c'est le crédit d'un million demandé par le département de l'intérieur qui vient maintenant; je propose de renvoyer cet objet à demain, et de nous occuper du projet de loi relatif au changement de chefs-lieux de justice de paix.

Je dirai en même temps que je suis chargé par l'honorable M. de Man de prier la chambre de mettre la loi de règlement des comptes à l'ordre du jour après le transit. Notre honorable collègue a été obligé de s'absenter pour quelques jours ; il a dû aller à Paris pour chercher madame.

Projet de loi transférant le chef-lieu de certains cantons de justice de paix

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Le chef-lieu du canton de justice de paix d'Uccle est transféré de cette commune dans celle d'Ixelles. »

- Adopté.


« Art. 2. Le chef-lieu du canton de justice de paix d'Anderlecht est transféré de cette commune dans celle de Molenbeek-Saint-Jean. »

- Adopté.


« Art. 3. Le chef-lieu du canton de justice de paix de Woluwe-Saint-Etienne est transféré de cette commune dans celle de Saint-Josse-ten-Noode. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents.

Projet de qui fixe la limite séparative des communes de Pael et de Tessenderloo (Limbourg)

Vote de l’article unique

« Article unique. La limite séparative entre les communes de Pael et de Tessenderloo, province de Limbourg, est fixée conformément aux lisérés rouges tracés sur le plan annexé à la présente loi et désignés par les lettres A. »

« La ligne de démarcation est tracée sur le terrain par l'axe du chemin nommé : Tervaanschen-Bemptweg. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 58 membres présents.

Rapports sur des pétitions

M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Soignies, le 7 mai 1849, les tailleurs de pierre et ouvriers de carrières à Soignies demandent que le gouvernement oblige les sociétés concessionnaires de chemins de fer à exécuter leurs travaux, et, si elles s'y refusaient, qu'on emploie eu travaux d'utilité publique les sommes qu'elles ont déposées dans les caisses de l'Etat pour garantie de l'exécution de leurs contrats, ou bien que le gouvernement ait à sa disposition les fonds nécessaires pour exécuter les grands travaux qui ont été décrétés. »

La pétition s'applique à plusieurs entreprises de canaux et chemins de fer restés en souffrance, et dont l'Etat a les cautionnements entre les mains.

Divers systèmes ont été proposés, afin d'appliquer les cautionnements de plusieurs compagnies défaillantes su profit des actionnaires de ces compagnies en actions d'autres entreprises de travaux analogues en activité dans le pays et pouvant offrir quelque chance avantageuse et au pays et aux actionnaires. Ces propositions paraissent à la commission mériter un examen sérieux de la part du gouvernement.

Quant à charger celui-ci d'exécuter lui-même les grands travaux que les compagnies ont désertés, ce serait engager souvent l'Etat dans des entreprises ruineuses et stériles pour l'utilité générale, pour que ces entreprises doivent toujours avoir but de servir.

D'ailleurs, la situation financière ne permet pas de songer actuellement à l'exécution par l'État, et à son compte, de grands travaux.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Le Hon. - Si j'ai bien compris, la commission n'approuve pas la dernière partie de la pétition tendent à ce qu'il soit mis à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour exécuter les grands travaux que les compagnies auraient abandonnés. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de renvoyer au gouvernement cette seconde partie.

D'après le feuilleton distribué, les pétitionnaires ont émis un double vœu : le premier, que les cautionnements des sociétés qui auraient déserté leurs engagements soient appliqués a des travaux d'utilité générale ; le second, je viens de l'énoncer, que des fonds soient faits pour l'exécution des travaux décrétés.

La commission approuve l'un, et je conçois qu'elle propose de le renvoyer à l'examen du gouvernement; mais elle n'admet pas l'autre et n'entend pas lui prêter l'appui de la chambre. Comme je partage complètement son avis, je demande que la première partie seule soit renvoyée au ministre des travaux publics.

M. Toussaint, rapporteur. - La demande de renvoi est évidemment faite dans le sens de n'appuyer que le premier point de la pétition. La commission s'exprime formellement sur le second point, dans le sens de l'improuver.

Je pense que cette observation donnera ses apaisements à l'honorable comté Le Hon.

M. Le Hon. - D'après ces prémisses, je propose formellement que la première partie de la pétition soit seule renvoyée au gouvernement, et que la chambre passe à l'ordre du jour sur la seconde.

- La proposition de M. Le Hon est mise aux voix et adoptée.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 7 mai 1849, le sieur de Peellaert, président du comité de la société des gens de lettres belges, et les autres membres de ce comité, demandent une loi sur la propriété intellectuelle. »

La question que soulève cette pétition a perdu de son importance matérielle depuis que la réimpression des livres étrangers, se faisant concurrence à elle-même, a détruit en grande partie, par l'excès de cette concurrence ,l'avantage qu'elle avait à ne pas payer de droits d'auteur.

Mais quelle que soit l'importance, au point de vue purement industriel et matérielle la librairie de réimpression en Belgique, on ne peut se dissimuler que la propriété littéraire se renfermant dans les frontières de chaque Etat, propriété restreinte, est aujourd'hui en flagrante contradiction avec les principes généraux du droit des gens, qui règnent dans le monde civilisé pour tous les autres genres de propriété. Ainsi successivement les Etats européens ont aboli les droits d'aubaine et de détraction ; la propriété de la terre n'est plus le seul apanage des nationaux ; et tout homme est admis à poursuivre, par tout pays, les droits personnels, mobiliers et immobiliers, qui résident dans son chef. Pourquoi donc l'exercice du droit à la propriété de l'œuvre littéraire, scientifique ou artistique serait-il seul exclu de ce bénéfice du droit des gens?

La réimpression, il est vrai, ne mérite pas, dans l'état actuel de la légalité européenne, tous les noms odieux que l'étranger et spécialement nos voisins du Midi lui ont donnés; car le droit à la réimpression résulte pour chaque pays de ce que la propriété littéraire, créée par la seule loi civile, ne s'étend pas au-delà des frontières de la nation pour laquelle elle a été décrétée, et se modifie d'ailleurs selon les conditions différentes décrétées par chaque nation.

Cependant, la contrefaçon, justifiable au point de vue purement légal, n'en est pas moins contraire à tous les principes d'équité internationales. Il serait certes désirable, messieurs, que le gouvernement belge cherchât, par la voie des négociations diplomatiques, à en procurer l'abolition. Il appartient à la Belgique de se donner ici les honneurs d'une généreuse initiative; car cette initiative lui sera d'autant plus comptée que. la Belgique semble profiter le plus de la législation vicieuse qu'il s'agit d'abolir et cette initiative lui donnera l'avantage de pouvoir poser les conditions et stipulations qui pourront paraître nécessaires, afin de protéger les droits acquis sous la législation actuelle, afin de ménager la transition, et afin de remplacer le régime actuel par une union littéraire qui laisse à la Belgique la chance de concourir largement à l'industrie de la librairie, qui prendra certainement un immense essor, sons, un régime vraiment libéral.

Le motif le plus direct, pour la Belgique, de s'occuper de cette question, est l'intérêt de sa propre littérature. L'intérêt du développement scientifique dans ce pays lui fait un devoir de travailler à l'abolition de la contrefaçon; car il est par trop évident, messieurs, que la concurrence de la littérature française, livrée à vil prix, livrée sans égard à la rémunération des auteurs de cette littérature, il est par trop évident que cette concurrence est un obstacle non méconnaissable à ce que le libraire belge paye les œuvres de l'intelligence nées en Belgique, et est ainsi un obstacle à peu près infranchissable à l'existence d'une littérature belge quelconque. La contrefaçon est, d'ailleurs, pour les pays au désavantage desquels elle a principalement lieu un motif de redoubler de sévérité à l'égard de notre librairie, et d'empêcher ainsi les œuvres belges de se placer facilement dans toutes les contrées qui parlent la langue dans laquelle ces œuvres sont écrites. Le témoignage des écrivains, auteurs de la pétition, jette, sur ces divers points, une vraie lumière.

Par ces considérations, votre commissions a l'honneur de vous proposer le renvoi à MM. les ministre de l'intérieur et des affaires étrangères.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 7 mai 1849, le sieur Quetelet, président de la commission administrative du Cercle artistique et littéraire à Bruxelles, et les autres membres de cette commission, demandent une loi sur la propriété artistique. »

Cette pétition, comme la précédente, demande une loi sur la propriété intellectuelle et l'abolition de la contrefaçon littéraire.

Pour ces deux objets, votre commission croit pouvoir se référer aux observations faites sur la pétition précédente.

La pétition dont je m'occupe demande de plus que le principe nouveau soit appliqué aux objets d'art et à leur reproduction, aussi bien qu'à la littérature et à la réimpression des écrits.

Elle tend surtout à faire cesser les hésitations et les incertitudes d'une jurisprudence généralement plus large et plus généreuse que les textes sur lesquels elle se fonde.

(page 1531) Les articles 5 et 7 du décret du 17 juillet 1793 n'empochent évidemment la reproduction des statues et des tableaux, et autres objets des beaux-arts que par une extension, que le respect aujourd'hui plus fervent que jamais pour la propriété sous toutes ses formes, fait donner à la loi spéciale.

Il y a donc là quelque chose à faire. C'est pourquoi la commission a l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Jemmapes, le 26 mai 1849, le conseil communal de Jemmapes prie la chambre de relever cette commune de la déchéance qu'elle peut avoir encourue pour la réclamation d'une créance à charge du gouvernement, et d'autoriser le prélèvement de cette créance, en principal et intérêts, sur l'excédant de la somme mise à la disposition de la Belgique pour la liquidation des créances hollando-belges. »

La créance dont il s'agit dans cette pétition provient du prix d'emprises de terrains appartenant à la commune de Jemmapes et qui ont été nécessaires à la construction du canal de Mons à Condé. Elle ne paraît point à votre commission appartenir à la liquidation des créances hollando-belges, et la déchéance dont la commune de Jemmapes demande à être relevée n'est point de celles qui touchent la présentation à la liquidation, mais la présentation à payement de bordereaux délivrés.

Quoiqu'il en soit, la commission n'est pas en mesure de vérifier les faits sur lesquels la pétition s'étaye; elle voit seulement qu'il s'y agit d'une créance communale à charge de l'Etat ou à charge du grand livre, créance qui a quelque apparence de fondement.

Ce motif lui paraît justifier le renvoi à M. le ministre des finances qu'elle a l'honneur de vous proposer.

M. Cools. - Je crois qu'il n'y a qu’à prononcer l'ordre du jour sur cette pétition. Ou il s'agit d'une liquidation, ou il s'agit de la délivrance d'un bordereau.

Si l'on demande une liquidation, je crois qu'elle devient impossible en présence de la résolution qu'a prise la chambre en mettant à la disposition du gouvernement le restant disponible des fonds provenant de la liquidation avec la Hollande.

S'il s'agit de la délivrance d'un bordereau, il y a lieu encore de prononcer l'ordre au jour, puisque rien ne prouve que les pétitionnaires aient adressé une demande au gouvernement. Si la liquidation a été admise, il s'agit d'un simple recours pour faire délivrer un bordereau, et c'est là une simple mesure administrative dont la chambre n'a pas à s'occuper.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On n'a mis à la disposition du gouvernement que le boni qui resterait après la liquidation des créances ; de manière que si la créance dont il s'agit était susceptible d'être liquidée, elle pourrait l'être nonobstant la résolution de la chambre dont vient de parler l'honorable préopinant.

M. de Royer. - Messieurs, d'après les renseignements qui m'ont été fournis, la réclamation de la commune de Jemmapes est fondée.

Cette réclamation a déjà été transmise au gouvernement; je ne sais pas s'il s'en est occupé. Mais maintenant qu'elle est arrivée à la chambre, je crois que vous ne pouvez faire autrement que de la renvoyer à M. le ministre des finances qui aura la bonté d'examiner.

La commune de Jemmapes est dans une position tout à fait spéciale. Elle a subi de grandes pertes et elle n'a pas été à même de faire valoir ses droits en temps opportun. Elle se trouve lésée d'une somme de 25,000 fr. pour laquelle elle vous adresse une réclamation. Je crois qu'il serait trop sévère de passer à l'ordre du jour.

M. Osy. - Il est bien entendu que quand nous avons mis à la disposition du gouvernement le restant des 7 millions, c'est à condition qu'il ne pût en disposer qu'après les liquidations en voie d'examen. Si donc la commune de Jemmapes a une réclamation à faire, il me paraît que nous devons la renvoyer pour examen à M. le ministre des finances. Si M. le ministre trouve qu'elle n'est pas fondée, il n'y donnera aucune suite.

M. Cools. - Messieurs, il est très vrai qu'on n'a mis à la disposition du gouvernement que le boni restant après la liquidation. Mais les principes de liquidation sont arrêtés et l'on sait parfaitement à quoi s'en tenir sur les réclamations qui peuvent encore être admises. Si la pétition a pour but de faire relever d'une déchéance encourue, à raison des principes qui ont été acceptés comme règles pour la liquidation, elle soulève une question qui n'en est plus une. Toutefois, d'après les explications données par M. le ministre des finances et par l'honorable M. de Royer, il paraît qu'il y a des faits à éclaircir, et je n'insiste plus.

M. Bruneau. - Il me semble, messieurs, résulter du rapport qu’il y a déchéance encourue; or, dans ce cas, il n'est pas nécessaire de renvoyer la pétition à M. le ministre des finances. Si, au contraire, il n'y a pas déchéance encourue, la commune peut s'adresser directement au gouvernement. Ainsi, messieurs, la chambre n'a rien à voir dans cette affaire.

M. Toussaint, rapporteur. - Messieurs, les faits ne sont pas assez clairement établis dans la requête pour que la commission puisse affirmer qu'il n'y a pas lieu de donner suite à cette affaire. Il est certain que la créance a été un jour légitime. C'est pour cela que la commission a proposé le renvoi à M. le ministre des finances, sans rien préjuger. M. le ministre des finances pourrait, au besoin, entrer en communication sur la pétition avec M. le ministre de l'intérieur, qui est le tuteur des communes et qui pourrait indiquer à la commune ce qu'elle a à faire.

- Le renvoi à M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ixelles, le 17 mai 1849, le sieur Chômé, ancien inspecteur en chef des douanes, des accises et de la garantie à Bruxelles, prie la chambre de voter un crédit destiné au payement ou à la régularisation de pensions d'anciens fonctionnaires du département des finances. »

Deux pétitions du sieur Chômé ayant le même objet ont déjà été renvoyées à M. le ministre des finances sur décisions rendues par la chambre en séances des 12 novembre 1844 et 29 novembre 1844.

Le gouvernement en a dans le temps reconnu lui-même le fondement, puisqu'il a présenté le 3 avril 1845 un projet de loi tendant à faire droit à la réclamation du sieur Chômé, fondée sur l'interprétation des article 58 et 59 de la loi générale des pensions du 21 juillet 1844 confirmatifs de la législation antérieure.

Il n'a pas été donné suite au projet de loi de 1845, et plusieurs législatures se sont succédé sans que ce projet ait été représenté.

Il y a, messieurs, au fond de la réclamation une question de respect pour les droits acquis, qui engage votre commission à proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

M. Mercier. - Je recommanderai l'objet de cette pétition à l'attention toute particulière de M. le ministre des finances. Je ne demande pas qu'il se prononce immédiatement, mais je le prie de vouloir bien examiner quelles sont les considérations qui ont été invoquées, en 1845, en faveur des réclamations de la nature de celle du pétitionnaire.

M. Osy. - Messieurs, dans la discussion du projet de loi sur les pensions de 1844, j'avais fait valoir cette considération que les personnes qui se trouvaient dans la position où se trouve le pétitionnaire devaient obtenir la liquidation de leur pension d'après l'ancienne ordonnance ; on ne s'est pas expliqué alors sur ce point, mais en 1845, l'honorable M. Mercier a trouvé que mon observation était très juste, et il a présenté un projet de loi qui y faisait droit; mais ce projet de loi se trouva écarté par suite de la dissolution des chambres, qui a eu lieu en 1848.

Je demanderai que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances pour que nous sachions si M. le ministre des finances partage l'opinion de M. Mercier. S'il ne partageait pas cette opinion, nous pourrions user de notre initiative et présenter un projet de loi.

M. Jacques. - Je me m'oppose pas à ce que la pétition soit renvoyée à M. Je ministre des finances, suivant les conclusions de la commission; mais je demanderai que M. le ministre veuille bien examiner l'affaire avec la plus grande attention, afin de ne pas arriver encore à mettre à la charge de l’Etat des pensions supérieures à 6,000 francs. Les fonctionnaires de la catégorie à laquelle appartient le pétitionnaire ont pu avoir droit à plus de 6,000 fr. de pension à charge de l'ancienne caisse de retraite, mais cette caisse ne pouvait plus faire face à ses obligations et elle ne parvenait payer les pensions à sa charge qu'au moyen d'un subside considérable du gouvernement.

Plusieurs années avant le vote de la loi sur les pensions civiles il avait déjà été convenu qu'on n'accorderait plus sur la caisse de retraite des pensions de plus de 6,000 fr. et je crois même que les subsides n'ont été accordés qu'avec cette réserve.

Je ne pense pas que le pétitionnaire ait lieu de se plaindre de ce qu'il ne reçoit que 6,000 fr. de pension sur le trésor, car je le répète, si on l'avait laissé exercer ses droits contre la caisse de retraite, au lieu de 6.000 fr. il n'aurait pas eu 3,000 fr., puisqu'alors il aurait bien fallu réduire les pensions qui grevaient la caisse de retraite au prorata des ressources que cette caisse possédait.

M. Mercier. - Messieurs, il a été admis en principe que les fonctionnaires du département des finances avaient les mêmes droits que les autres, à la pension ; ils n'ont été soumis à une retenue particulière que pour leur donner des droits à une pension un peu plus élevée que ne l'était celle des autres fonctionnaires à l'époque où la mesure a été prise. Mais on a établi un décompte au département des finances, et l'on a reconnu que si les pensions de la caisse de retraite avaient été constamment maintenues dans les limites de l'arrêté-loi de 1814, la contribution fournie par les fonctionnaires aurait été plus que suffisante pour payer et le supplément de pension de ces fonctionnaires et les pensions des veuves et orphelins. Ainsi les considérations que vient de présenter l'honorable M. Jacques ne sont pas justes.

Je pense, messieurs, qu'une pension de 6,000 fr. suffit; mais lorsqu'une pension a été liquidée sous une législation qui accordait plus de 6,000 fr., je demande si l'on peut invoquer une espèce d'engagement pour liquider une pension à un chiffre inférieur à celui auquel le fonctionnaire a droit d'après les dispositions en vigueur au moment où la liquidation a eu lieu. Cette question vaut la peine d'être examinée très sérieusement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai eu l'occasion d'examiner plusieurs fois la question que soulève la requête du sieur Chômé, et j'ai reconnu que sa prétention n'est pas fondée. Les tribunaux et la cour de cassation ont été appelés à apprécier une affaire identique, et ils ont jugé que la réclamation n'était pas fondée contre l'Etat ; qu'elle ne pouvait être élevée qu'à charge de l'ancienne caisse de retraite; que l'on pouvait se pourvoir vis-à-vis des administrateurs de cette caisse, au (page 1532) nombre desquels se trouve le ministre des finances, sauf à la caisse à ne pas pouvoir acquitter le supplément de pension, ce qui serait le cas, puisqu'elle se trouvait en déficit.

Je ne me refuse pas, toutefois, à examiner de nouveau la question. (Interruption.) L'honorable M. Mercier me dit qu'il ne faut pas considérer l'affaire au point de vue du strict droit. Mais alors il ne reste qu'à examiner si l'Etat doit faire une libéralité. A cet égard tout membre de la chambre peut user de son initiative et faire une proposition en faveur du pétitionnaire et de ceux qui se trouvent dans la même position que mi.

M. Mercier. - Quand je me suis permis d'interrompre M. le ministre des finances, en lui disant qu'il ne s'agissait pas d'une question de droit, j'entendais une question de droit qui serait portée devant les tribunaux contre le gouvernement. Le gouvernement peut trouver que les pétitionnaires ont un droit réel, sans reconnaître cependant que ceux-ci pourraient le faire condamner à liquider leur pension dans le sens de leur réclamation. Je veux seulement dire que comme il existait un règlement lequel assurait une pension plus forte aux fonctionnaires qui ont contribué à la caisse de retraite, le gouvernement, ayant toujours fourni des subsides à cette caisse, qu'il ne suffit pas, pour infirmer des droits, qu'un ministre ait dit dans cette chambre : « Je ne liquiderai plus à l'avenir des pensions supérieures à 6,000 fr.» Pour que la chose fût régulière, il eût fallu, le jour même, provoquer un arrêté royal pour modifier le règlement sur ce point.

Je le répète, je considère la question au point de vue purement administratif, au point de vue d'un règlement qui, sauf ce maximum, a été exécuté d'une manière fidèle et complète.

M. Toussaint, rapporteur. - Messieurs, la commission a proposé le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, parce qu'à ses yeux, il y a non pas seulement une question de convenance administrative, mais une question de légalité à examiner au fond.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, sans rien préjuger, est mis aux voix et adopté.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Gheel, le 10 mai 1849, le sieur Goos réclame l'intervention de la chambre pour que son fils Pierre soit exempté du service militaire. »

D'après les faits exposés dans la pétition, le sieur Pierre Goos avait une réclamation légale à présenter pour être exempt de la milice; mais il résulte de la pétition aussi que les délais de rigueur n'ont pas été observés.

Le département de la guerre a seul le pouvoir de tenir compte de la position de la famille Goos dans la participation aux congés des miliciens ; et c'est pourquoi la commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à ce département.

M. Le Hon. - Se plaint-on de la fausse application de la loi ?

M. Toussaint, rapporteur. - Il s'agit d'obtenir une faveur qui s'accorde généralement dans ce cas-là.

M. Le Hon. - Eh bien ! La règle est toute tracée, la chambre doit s'abstenir. Nous ne pouvons avoir deux poids et deux mesures : si vous sortez des règles générales et des principes d'attribution, on invoquera toujours des circonstances particulières pour vous faire appuyer des pétitions du même genre et, grâce à cet encouragement, il sera bientôt d'usage de prendre le chemin de la chambre pour arriver au ministère. Je crois que nous devons fermer cette voie où le droit de pétition ne peut que s'égarer. L'honorable rapporteur dit qu'il y a des raisons déterminantes pour que faveur soit faite au pétitionnaire ; je le veux bien ; mais il me semble que cela est tout à fait de la compétence ministérielle. C'est M. le ministre de la guerre qui seul a mission d'apprécier les circonstances ; la chambre, bien évidemment, ne peut pas faire cette appréciation ; car, convenez-en, messieurs, si l'on renvoyait la requête au département de la guerre, dans l'état d'instruction où elle se trouve, il n'y aurait pas six membres de la chambre qui sauraient pourquoi ils donnent leur appui à cette pétition, après l'avoir refusé à tant d'autres. Restons donc dans le vrai : le pétitionnaire sollicite une faveur administrative. Répondons-lui, par l'ordre du jour, qu'il doit s'adresser au ministère et non à la chambre. Je n'entends point par là jeter la moindre défaveur sur les titres du pétitionnaire; l'ordre du jour lui apprendra seulement qu'il s'est trompé et lui indiquera ce qu'il doit faire. Tel est, à mon avis, le seul parti convenable à prendre.

M. Toussaint, rapporteur. - Je me réfère à la décision de la chambre.

- L'ordre du jour, mis aux voix, est adopté.

M. Le Hon. - Je répète que je n'ai entendu préjudicier en rien à la décision qui sera prise par le département de la guerre, quand la pétition lui sera adressée.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Verriers, le 16 mai 1849, les huissiers près le tribunal de première instance de l'arrondissement de Verviers demandent que tous les huissiers puissent instrumenter devant les justices de paix. »

Le droit exclusif des huissiers des justices de paix d'instrumenter pour tout ce qui ressortit à ces justices paraît en effet exorbitant surtout depuis l'extension donnée à la compétence des juges de paix. Ce droit exclusif prive le public des avantages de la concurrence et d'une certaine liberté dans le choix de ses agents.

Tout au moins ce droit exclusif devrait-il se borner, comme cela a lieu pour les cours et tribunaux, à la signification des actes de ces juridictions réservés aux audienciers; il ne devrait s'étendre ni aux assignations ni aux actes d'instruction ou d'exécution.

La législature étant susceptible d'amélioration, sous ce rapport, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 21 mai 1849, le sieur Pauli demande exemption du droit d'enregistrement auquel est assujettie la grande naturalisation qu'il a sollicité. »

Votre commission a pensé qu'il n'y a pas lieu de décharger le sieur Pauli de l'engagement qu'il a volontairement pris et qui ne paraît pas être au-dessus de ses moyens. Elle propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Namur, le 7 mai 1849, l'administration communale de Namur demande que les frais d'entretien des enfants trouvés et abandonnés soient à la charge de l'Etat. «

Votre commission a pensé que la législation existante, qui consacre le partage des frais de l'entretien des enfants trouvés et abandonnés entre l'Etat, la province et la commune, a été tellement justifiée dans la récente discussion générale du budget du département de la Justice, au point de vue de l'intérêt de la moralité comme à celui de l'intérêt financier, qu'un renvoi de la requête au département de la justice ne peut offrir aucune utilité. Ce n'est que par ces motifs que votre commission vous propose l'ordre du jour.

M. Moncheur. - Messieurs, je vois de l'avantage et je ne vois aucun inconvénient à renvoyer cette pétition au gouvernement. Je pense qu'il y a encore beaucoup à faire pour compléter la législation sur les enfants trouvés, pour introduire à cet égard un régime uniforme; les motifs que j'ai déduits sur ce point, dans une circonstance précédente, me paraissent saillants. Je propose donc le renvoi de la pétition du conseil communal de Namur à M. le ministre de la justice.

M. Toussaint, rapporteur. - Messieurs, s'il s'agissait de renvoyer à M. le ministre de la justice les idées personnelles de l'honorable M. Moncheur, la commission ne pourrait qu'appuyer le renvoi de la pétition à ce ministre; mais il s'agit ici uniquement de la question, tant de fois débattue ici, de la mise à la charge de l'Etat seul, de l'entretien des enfants trouvés. C'est sur cette question que la commission a pensé que le renvoi à M. le ministre de la justice serait sans utilité, et c'est par suite de cette opinion qu'elle a proposé l'ordre du jour.

Les termes dans lesquels les conclusions de la commission sont formulés ne présenteront à M. Moncheur rien de désagréable, j'espère, pour l'administration communale de Namur.

M. Moncheur. - Je persiste dans ma proposition.

- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures 3/4.