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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 février 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 769) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs membres du conseil communal de Desselghem prient la chambre d'accorder au gouvernement les crédits demandés pour continuer la fabrication des toiles russias. »

M. Loos. - Je demande qu'à l'exemple de ce qui a été fait hier pour deux autres pétitions du même genre, on renvoie à la section centrale la pétition dont l'analyse vient d'être présentée.

M. Rodenbach. - La section centrale a terminé son travail; on doit se borner à déposer la pétition sur le bureau pendant la discussion.

M. Loos. - On a fait remarquer aussi hier que la section centrale avait terminé son travail ; toutefois, un des membres de la section centrale est venu nous dire que la section centrale devait se réunir pour entendre la lecture du rapport, et qu'à cette occasion les pétitions qui étaient arrivées pourraient être soumises à la section centrale.

M. Rodenbach. - Dans ce cas, je me rallie à la proposition de l'honorable M. Loos.

- La chambre, consultée, décide que la pétition sera renvoyée à la section centrale.


« Plusieurs instituteurs communaux et habitants dans le Limbourg demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes, qu'on y soit tenu de s'en servir pour enseigner la langue allemande et la langue anglaise, que les administrations communales et provinciales, et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de cette langue; qu'il y ait une Académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse à l'université de Gand des mêmes prérogatives que la langue française. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargés de l'examen du projet de loi sur l'instruction moyenne.


« Le sieur Rodens, ancien musicien militaire, prie la chambre de lui accorder une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Cumont, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi modifiant la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - La parole est à M. Deliége pour faire, au nom de la section centrale, un rapport sur l'amendement de M. Jacques.

M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a examiné mûrement l'amendement que vous a présenté l'honorable M. Jacques, dans la séance d'avant-hier. Cet amendement est ainsi formulé :

« Pendant un mois, à partir du jour où la présente loi deviendra exécutoire, la décharge de 28 francs par hectolitre, suivant la loi de 1842, continuera d'être appliquée en apurement des droits résultant de travaux effectués avant le jour susdit.

« Les eaux-de-vie indigènes déposées en entrepôt public ne peuvent être, etc. »

(Comme à l'art. 2.)

Après une heure de délibération, la section centrale n'a pu se mettre d'accord. Trois membres ont pensé qu'il y aurait rétroactivité dans la disposition que l'honorable M. Jacques vous a proposée; trois autres ont pensé qu'il n'y aurait pas de rétroactivité, et ont accueilli la proposition. Je suis au nombre de ceux qui n'ont pas admis la rétroactivité; en conséquence, je ne puis faire valoir ici les motifs allégués par les trois membres de la section centrale qui ont fait rejeter l'amendement de l'honorable M. Jacques. Je laisserai ce soin à l'un de ces trois honorables membres.

Les conclusions de la section centrale sont le rejet de la proposition par trois voix contre trois.

M. le président. - La discussion continue. M. le ministre des finances a-t-il des observations à faire sur le rapport qui vient d'être fait?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai donné mes raisons hier ; la chambre peut se prononcer en connaissance de cause. J'avais raison de dire que la question présentait un doute.

M. Loos. - Je demande si M. le ministre se rallie à la décision de la section centrale.

- Un membre. - Il n'y a pas de décision.

M. Loos. - Il y a décision; quand il y a parité de voix, il y a rejet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Hier, j'avais eu l'honneur de dire que si on donnait de bonnes raisons pour lever mes scrupules, j'étais prêt à les abandonner ; la section centrale, par le vote qu'elle a émis, n'a fait qu'élever un doute; je ne puis que persister dans mes scrupules; je persiste à penser que la question est très délicate ; dans le doute, je me prononce en faveur du débiteur.

M. Cools. - La chambre, en ordonnant le renvoi à la section centrale, désirait qu'on lui soumît une mesure quelconque pour parer aux inconvénients signalés, soit celle proposée par M. Jacques, soit telle autre, pourvu que les intérêts du trésor fussent garantis.

Par suite de la décision de la section centrale, aucune proposition n'est faite concurremment avec celle de M. Jacques.

Le gouvernement doit avoir examiné la question. Je m'adresse à M. le ministre des finances, et je lui demande, dans l'intérêt de la discussion, s'il a une autre mesure à proposer en remplacement de celle de M. Jacques, ou s'il est opposé à toute mesure quelconque ayant le même objet. S'il a à présenter une mesure pour garantir les intérêts du trésor, la chambre a intérêt à la connaître ; la discussion y gagnerait. Je prie M. le ministre de vouloir bien répondre à mon interpellation.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre me convie à chercher un autre moyen de sauvegarder les intérêts du trésor, je n'en connais pas.

M. Cools. - Je demande si M. le ministre persiste à repousser l'amendement de M. Jacques, ou s'il connaît une mesure qui soit préférable.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit que mes scrupules n'étaient pas levés ; je persiste dans l'opinion que j'ai émise hier. Je pense que la mesure proposée par M. Jacques est de nature à garantir les intérêts de l'Etat, mais je pense aussi qu'elle ne serait pas complètement juste.

On a appliqué antérieurement à des faits analogues les mêmes principes, et je pense que la mesure proposée, utile au trésor dans le cas qui nous occupe, pourrait lui être nuisible dans d'autres; il se pourrait que des circonstances vinssent à se présenter où le principe qui résulterait de l'adoption de la proposition de l'honorable M. Jacques préjudicierait au trésor.

M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, je réclame toute votre indulgence. Je ne pensais pas prendre la parole dans cette occasion. Je dois cependant à la chambre (ayant fait partie de la section centrale) quelques explications sur ce qui s'y est passé.

L'opinion que j'ai émise en section centrale, qui a été partagée par deux autres membres, n'a pas été expliquée dans cette enceinte. Je crois devoir l'expliquer.

Voici ce que j'ai dit en section centrale :

M. le ministre des finances reconnaît que la proposition présentée par l'honorable M. Jacques est utile, qu'elle empêchera la fraude. Mais est-elle équitable?

Voilà la question qu'elle soulève. Quant à la question d'équité, elle est double ; on peut se demander :

La mesure aurait-elle un effet rétroactif ? Léserait-elle des droits acquis ?

En supposant même qu'elle ne lèse point des droits acquis, est-elle conforme aux principes de justice ?

Quant à la rétroactivité, je ne crois pas que la mesure proposée par M. Jacques aurait un effet rétroactif ; je ne crois pas qu'elle léserait des droits acquis, par la raison que tout ce qui tient au mode de payement, à la manière d'apurer un compte, doit être réglé par la loi du moment où l'on paye, où l'on apure le compte.

Je m'explique; j'ai un payement à faire : au moment où j'ai contracté l'obligation, la législation du pays me permettait de la solder avec des valeurs dépréciées, avec des valeurs qui étaient cotées à la bourse à 90. Une loi nouvelle m'enlève cette faculté. Y a-t-il là un effet rétroactif? Je ne le crois pas.

J'ai la faculté de payer, au moment où j'accepte un engagement, avec une monnaie que je puis me procurer à bas prix, et qui n'a plus cours au moment de l'échéance. Pourrai-je néanmoins éteindre l'engagement, l'obligation avec cette monnaie? Evidemment non. De même, le droit ne naît pour le distillateur, d'apurer son compte, par la mise en entrepôt, qu'au moment de déposer.

La mise en entrepôt est un mode de payement ; le mode de payement peut être changé. Les lois sur l'exportation, sur la sortie peuvent être changées chaque jour, sans que de ce chef on contrevienne au principe de non-rétroactivité.

Remarquez-le bien, ce qui arrive aujourd'hui arrivera constamment.

Ainsi, je fabrique un certain nombre d'objets pour l'exportation. Dans quinze jours, la législation peut-elle augmenter les droits à la sortie sur ces objets ? Evidemment oui.

(page 770) J'ai fabriqué sous une législation qui me donnait le droit d'exporter au moyen de droits de douane moins élevés; je dois payer le droit qui existe au moment où je fais sortir ma marchandise.

Je crois donc que la question de rétroactivité ne doit pas nous arrêter?

Mais il y a une question de justice. Est-il juste que le distillateur, qui a accepté des engagements qu'il ne peut réaliser que dans un temps donné, soit mis hors d'état de les réaliser dans les mêmes conditions?

Messieurs, quant à cette seconde question, j'ai des doutes, et je voudrais qu'au lieu d'un mois, que l'amendement de M. Jacques accorde, il en fût accordé trois. J'en fais même la proposition formelle, et je déposerai tout à l'heure un amendement dans ce sens, en étendant à trois mois, à partir du jour où la loi deviendra obligatoire, le délai pendant lequel les distillateurs qui exportent peuvent apurer au taux de 28 francs les droits résultant de travaux qui peuvent avoir été exécutés antérieurement (apurement qui pourra se faire, soit en exportant, soit par la mise en entrepôt) ; nous aurons amplement fourni à ces industriels le moyen de satisfaire, dans les conditions voulues par la loi de 1842, à tous les engagements qu'ils pourraient avoir contractés.

En effet, pendant trois mois, on fabriquera, en Belgique, plus de 50,000 hectolitres d'eau-de-vie qui, joints aux quantités existantes en magasin, au jour de la promulgation de la loi que nous discutons, alimenteront suffisamment, non seulement le marché intérieur, mais encore l'exportation, au moins pour les quantités vendues et non fournies au jour de cette promulgation.

Messieurs, on a invoqué des précédents. Je crois que ces précédents n'ont pas eu pour but de prolonger l'existence d'une loi condamnée, d'une loi dont on a reconnu les mauvais effets ; qu'ils ont eu seulement pour but de ménager les transitions. Or, messieurs, c'est ce que nous faisons en donnant trois mois pour l'apurement des comptes des distillateurs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je demande la parole pour bien préciser la question.

Il est inutile de raisonner par analogie ou avec des hypothèses. Nous n'avons qu'à prendre le fait même qui est soumis aujourd'hui à la chambre et qui exige une décision de principe.

Voici le fait : des distillateurs ont fait des déclarations de fabrication et leurs comptes sont débités de droits d'après la législation existante ; au moment des déclarations la loi leur donne un certain terme de crédit pour se libérer vis-à-vis de l'administration.

De quoi ont-ils été débités ? Ils ont été débités d'une accise qui peut être apurée par une décharge de 28 fr. Voilà leur obligation écrite vis-à-vis de l'administration. On leur a dit qu'ils auraient la faculté de se libérer pendant ce terme de crédit sous certaines conditions.

Que propose-t-on de décider? Que leurs comptes ne pourront être apurés après un certain délai, un mois ou trois mois, ce qui est parfaitement indifférent, qu'au moyen d'une décharge de 22 fr.

Ainsi leurs comptes donnant lieu à une décharge de 28 fr., quand ils ont été établis, ne seront plus apurés qu'au taux de 22 fr. Voilà la question.

Il n'y a pas ici la moindre analogie avec l'hypothèse de l'honorable rapporteur.

Il vous dit : Des lois de douane existent. J'ai contracté des engagements sur la foi de cette législation. On élève tout à coup les droits de douane, : on élève les droits de sortie. Me voilà dans une condition très onéreuse. Je ne peux plus exécuter mes contrats de la même manière que je les avais faits.

Mais ici l'administration, l'Etat n'a rien promis à personne et ne s'est engagé vis-à-vis de personne. L'Etat n'avait pris aucune espèce d'engagement. On peut bien examiner s'il y a équité à ne pas donner un certain délai en pareil cas pour mettre la loi à exécution.

Ce n'est pas la même question que soulève le débat. La législation a formellement garanti aux distillateurs la faculté d'apurer leurs comptes pendant un certain délai, pendant un terme de crédit, au moyen d'une décharge dont le montant est déterminé. Vous proposez de revenir là-dessus. Il est vrai que cet apurement pourra avoir lieu à l'aide d'eaux-de-vie fabriquées sous l'empire de la nouvelle loi ; cela est parfaitement exact. Mais la législation n'a pas dit que les droits inscrits aux comptes ne seraient apurés qu'avec les eaux-de-vie fabriqués en vertu des déclarations d'où ces droits dérivent. Car le crédit suppose nécessairement la faculté pour le distillateur de disposer de sa marchandise. Je trouve que la mesure ne serait pas juste et je craindrais, au surplus, que, dans d'autres circonstances, on ne vînt invoquer ce principe contre le trésor et l'appliquer à son préjudice.

M. Jacques. - Messieurs, je regrette de ne pas avoir le talent de l'honorable ministre des finances, pour vous faire mieux comprendre la proposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Je n'ai pas l'habitude des questions de droit. Il y a ici une question de droit, celle de la rétroactivité, et je vous avoue, messieurs, que mes études ne me rendent pas fort sur des questions de ce genre. Je vais cependant tâcher de vous démontrer qu'il n'y a pas de rétroactivité dans ma proposition.

Si l'on ne peut pas adopter ma proposition, parce qu'elle serait injuste, la loi elle-même ne pourrait pas être votée, car il n'y a de différence que pour le délai. Si vous pouvez, pour l'avenir, réduire la décharge, sans tenir compte des engagements pris par les distillateurs, soit pour l'année courante, soit pour deux ans, vous pouvez également réduire cette décharge après le délai d'un mois.

Ce que nous voulons, messieurs, c'est que les eaux-de-vie fabriquées après le jour où la loi deviendra obligatoire, ne jouissent plus que d'une décharge de 22 francs. Eh bien, il ne peut pas y avoir là la moindre rétroactivité.

Ce qui a pu faire croire qu'il y a rétroactivité, c'est que la législation actuelle garantit aux distillateurs quelques avantages : d'abord, un crédit de 3, 6 et 9 mois; en deuxième lieu, la libre disposition des eaux-de-vie, de manière qu'ils peuvent les livrer à la consommation intérieure, même avant d'avoir acquitté les droits ; en troisième lieu, la faculté de déposer l'eau-de-vie en entrepôt, s'ils ne la livrent pas à la consommation intérieure ou de l'exporter avec une décharge de 28 francs par hectolitre. Eh bien, messieurs, la proposition que j'ai l'honneur de faire n'enlève aux distillateurs aucun de ces avantages, elle ne change rien aux termes de crédit accordés aux distillateurs; s'ils veulent acquitter les droits, ils jouiront toujours des crédits, tels qu'ils sont accordés maintenant ; ils n'auront à payer les droits qu'à l'expiration de ces crédits.

S'ils veulent, au contraire, exporter leurs eaux-de-vie, ma proposition leur accorde un mois, après la mise à exécution de la nouvelle loi, pour les déposer à l'entrepôt. Il ne peut donc y avoir aucune espèce de lésion pour les distillateurs ; ils peuvent exporter leur eau-de-vie avec la décharge de 28 fr. s'ils l'ont encore ; mais s'ils l'ont déjà livrée à la consommation, il est évident qu'ils doivent payer l'accise et qu'ils ne peuvent plus obtenir la décharge de 28 fr. en faisant servir à l'apurement de leur compte, des eaux-de-vie qu'ils fabriqueraient après la mise à exécution de la loi nouvelle.

Messieurs, la chose me paraît tellement claire, que je ne comprends pas qu'on puisse soulever une question de rétroactivité, une question de justice.

Quant au délai de trois mois, ce serait une faveur accordée aux distillateurs, qui ne présenterait pas la même gravité que la mesure proposée par le gouvernement, mais qui exposerait le trésor à faire, pendant ces trois mois, une perte beaucoup plus considérable que si on limite le délai à un mois; car en trois mois, les distilleries peuvent encore fabriquer beaucoup d'eau-de-vie après la mise à exécution de la loi et obtenir la décharge de 28 francs sur cette eau-de-vie en apurement des comptes qui leur étaient ouverts.

M. Loos. - Messieurs, j'ai demandé la parole surtout pour remettre sous vos yeux quelques dispositions de la loi de 1842 ; je ne comprends pas qu'en présence des dispositions si positives qui sont écrites dans la loi de 1842, la section centrale ait pu avoir des doutes.

L'article 19 de la loi de 1842 établit les dispositions suivantes, quant aux droits des distillateurs. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 19. § 1er. Les distillateurs obtiendront crédit pour les droits sous caution suffisante.

«§ 2. Les droits dus pour les déclarations de chaque mois seront payés en trois termes et par tiers de trois en trois mois ; ces termes de crédit courront du dernier jour du mois pendant lequel expire la déclaration des travaux. »

Ainsi la loi de 1842 accordait un crédit de neuf mois pour certaines parties de la fabrication. Le but de la proposition qui vous est faite est de restreindre ce droit. Aujourd'hui, les distillateurs peuvent, pendant neuf mois, livrer leurs marchandises à la consommation, les mettre en entrepôt, les exporter ; enfin, ils en ont la disposition entière et libre; ils n'ont pas à compter avec le fisc; tant que les délais de crédit ne sont pas expirés, on n'est pas en droit de leur demander ce qu'ils ont fait de leurs marchandises. Au bout du terme de crédit, ce compte est liquidé, soit par exportation, soit par apurement, soit par dépôt à l'entrepôt.

Ce que je viens d'établir résulte de l'article 20 de la loi de 1842. Cet article est ainsi conçu :

« § 1er. Le compte de crédit à termes des distillateurs sera débité des droits résultant des déclarations des travaux.

« § 2. Il sera crédité :

« a. Par payement des termes à leur échéance :

« b. Par transcription des droits avec livraison des eaux-de-vie au compte d'un négociant en gros;

« c. Par exportation à l'étranger ;

« d. Par dépôt des eaux-de-vie en entrepôt public ;

« c. Par décharge pour interruption des travaux.

« § 3. Les distillateurs désignés à l'article 3 et ceux qui jouissent de la déduction fixée à l'article3, ne pourront apurer leur compte que par les modes établis aux littera a et e. »

Je m'étonne, après cela, qu'en présence de dispositions si formelles, il soit resté des doutes dans l'esprit de la section centrale. Il me semble que les droits des distillateurs sont tellement établis qu'il y aurait véritablement rétroactivité, si l'on adoptait la proposition de l'honorable M. Jacques ; ce serait une iniquité, à mon sens. Je ne pense pas que la chambre veuille consacrer un système qui tournerait contre les intérêts du trésor dans une autre occasion.

M. Osy. - L'honorable M. Jacques avait dit que, pendant un an ou deux ans après la nouvelle loi, on pourra encore fabriquer des eaux-de-vie et les faire servir à la décharge de 28 fr. Mais, messieurs, les termes de crédit ne serviront qu'au fur et à mesure de l'échéance de ces termes de crédit, et on ne pourra plus exporter à l'ancien taux de décharge.

J'avais demandé la parole, pour dire quelques mots sur la rétroactivité.

(page 771) Messieurs, lorsqu'en 1846 et en 1847, nous avons aboli tout droit sur les denrées alimentaires, nous avons été bien au-delà de ce que nous avons fait en 1842 pour les distilleries et nous avons stipulé dans la loi que si les droits étaient rétablis, les céréales qui seraient expédiées deux mois auparavant et qui arriveraient en Belgique à une époque postérieure au rétablissement des droits, ne payeraient pas le droit nouveau.

Qu'avons-nous fait en 1846, dans la loi de sucres? L'honorable M. Malou, alors ministre des finances, a proposé une rédaction analogue à celle qui se trouve dans la loi de 1842 sur les distilleries et dont l'honorable M. Loos vient de donner lecture. L'année dernière, nous avons suivi encore le même principe dans la nouvelle loi sur les sucres. En présence de ces précédents remontant à des dates si récentes, je ne pense pas que nous puissions nous déjuger, en adoptant la proposition de l'honorable M. Jacques, proposition qui procurera peut-être quelques milliers de francs au trésor, mais qui pourrait très bien, comme l'a dit M. le ministre des finances, tourner au préjudice du trésor dans un autre cas.

L'honorable M. Manilius vous a déjà rappelé l'affaire des vins; la chambre avait aussi adopté une disposition qui lui avait été proposée, mais le gouvernement ne l'a pas sanctionnée, à cause du caractère de rétroactivité qui y était attaché.

Messieurs, je crois qu'il serait prudent de vous en tenir au système que nous avons constamment suivi dans ces dernières années.

M. Jacques. - Messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Osy que, sans mon amendement, l'on conserverait le droit d'exporter des eaux-de vie sur le pied de 28 fr. de décharge par hectolitre ou de les déposer en entrepôt jusqu'à l'apurement des termes de crédit qui resteront ouverts au jour où la nouvelle loi sera obligatoire. Mais je fais ressortir l'importance de ce fait : c'est que, quelle que soit l'époque à laquelle la nouvelle loi sera obligatoire, deux millions de crédits resteront ouverts aux comptes des distillateurs, et que si vous ne prenez pas une mesure analogue à celle que j'ai proposée, on pourra faire servir les eaux-de-vie fabriquées après la mise en vigueur de la nouvelle loi, pour obtenir la décharge de 28 francs, jusqu'à concurrence de ces deux millions de crédits ouverts.

En votant mon amendement, la chambre ne fera que décider que les eaux-de-vie, fabriquées après la nouvelle loi, ne pourront plus servir à la décharge sur le pied de 28 francs par hectolitre.

- La discussion est close sur l'article 2 et sur l'amendement.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Jacques à l'article 2 :

« Pendant un mois, à partir du jour où la présente loi deviendra exécutoire, la décharge de 28 fr. par hectolitre, suivant la loi de 1842, continuera d'être appliquée en apurement des droits résultant de travaux effectués avant le jour susdit.

« Les eaux-de-vie indigènes déposées en entrepôt public ne peuvent être, etc. »

(Le reste comme à l'article 2.)

M. Deliége a proposé le sous-amendement suivant :

« Toutefois les droits résultant de travaux exécutés avant le jour où la présente loi deviendra obligatoire, pourront être apurés par exportation et par dépôt en entrepôt, pendant trois mois à partir dudit jour, au taux et sur le pied établi par l'article 21 préindiqué. »

(Ce paragraphe serait ajouté à l'art. 1er.)

« Les eaux-de-vie indigènes déposées en entrepôt en apurement de droits ne pourront être enlevées pour la consommation que sous payement de l'accise au comptant, calculée d'après le taux de la décharge accordée au moment où elles ont été emmagasinées. »

Ce paragraphe formerait l'article 2.

M. Jacques. - Je me rallie à la rédaction proposée par M. Deliége, en maintenant le délai d'un mois. (Aux voix!)

- L'amendement de M. Jacques est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'amendement de M. Deliége est adopté.


M. le président. - Nous passons à l'article 2.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'amendement de M. Deliége qui vient d'être adopté forme le dernier paragraphe de l'article premier et rend inutile le premier paragraphe de l'article 2 qui se réduit à un seul paragraphe, celui qui a été proposé par M. Deliége.

- L'article 2, proposé par M. Deliége, est mis aux voix et adopté.

Second vote des articles

M. le président. - La chambre entend-elle passer immédiatement au vote définitif?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas de motif pour retarder le vote, et il y en a pour voter immédiatement. Le sénat est assemblé; il pourrait, si on lui envoie la loi, s'en occuper avant de s'ajourner.

M. Veydt. - S'il faut passer au vote de la loi, séance tenante, il est bien entendu qu'une nouvelle discussion aura lieu sur l'amendement et dans ce cas, M. le président, je demanderai la parole.

M. le président. - Sans doute, la discussion sera ouverte de nouveau et vous aurez la parole.

M. Veydt. - Personne, messieurs, n'ayant demandé la parole pour défendre l'amendement et le sous-amendement que les honorables membres qui les ont déposés, et confiant dans les arguments présentés par MM. Loos et Osy pour les combattre, et dans l'opinion manifestement exprimée par M. le ministre des finances, qu'ils portent, suivant lui, atteinte au principe de non-rétroactivité, je n'ai pas cru devoir prendre part à la discussion.

A présent, je viens aussi combattre l'amendement de l'honorable rapporteur de la section centrale, adopté au premier vote et tendant à restreindre à trois mois le terme pour l'apurement des droits.

Nous avons eu tous peu de temps pour examiner et pour consulter les précédents; mais je n'ai trouvé dans les recherches, auxquelles je me suis livré, ce matin, rien qui ne me confirmât dans l'opinion qu'une disposition pareille est inadmissible et qu'il faut la repousser.

M. le ministre a, tout à l'heure, nettement exposé le différend qui nous divise.

La loi de 1842 a accordé des termes de crédit, pendant toute la durée desquels les comptes des distillateurs peuvent être apurés par les moyens et avec les avantages qu'elle a déterminés ; sous ces conditions des opérations ont été combinées et des marchés ont peut-être été conclus, et ceux qui les ont faits se font guidés d'après les stipulations même de la loi.

Ces conditions doivent être respectées; elles doivent l'être à présent qu'elles peuvent avoir des conséquences plus ou moins défavorables au trésor, comme elles ont été respectées quand elles étaient en sa faveur et que le gouvernement les a invoquées pour repousser les réclamations des parties intéressées.

Mais ce n'est pas le pouvoir exécutif qui s'est conformé aux principes que je défends; c'est le législateur lui-même qui les a appliquées maintes fois. On a cité avec raison les lois sur les sucres.

Celle du 4 avril 1843 a déclaré que, le jour où cette loi est devenue obligatoire, les prises en charge ouvertes ne seraient apurées qu'au taux de la décharge déterminée par la loi antérieure du 8 février 1838. Cette loi accordait une décharge moins forte de 15 à 18 fr. que celle de la loi de 1843. Ici c'était favorable au trésor.

Lorsque cette loi a été remplacée par la loi de 1846, elle a également statué que l'apurement des prises en charge aurait lieu conformément aux dispositions de la loi précédente (4 avril 1843).

On a déjà cité la loi de l'année dernière sur les sucres, et l'objection que, par elle, la recette de 3,500,000 doit être toujours complétée, n'ôte rien à la force du même principe qu'elle consacre.

Il est, messieurs, une circonstance assez remarquable dans nos annales parlementaires et à laquelle un honorable député de Gand a fait allusion hier.

En 1842, la législature sanctionna un traité de commerce fait avec la France, en vertu duquel le gouvernement belge réduisit de 25 p. c. le droit d'accise sur les vins français, à dater du jour de la mise à exécution de la loi approuvant le traité.

De nombreuses pétitions arrivèrent; des négociants demandèrent pour les vins qu'ils avaient en magasin un dégrèvement du droit d'accise égal à celui qui est accordé par la nouvelle loi. A force d'instances et de démarches, cette demande fut accueillie par la chambre pour une partie du droit seulement. Notre honorable collègue. M. Pirmez, qui certes ne peut être suspecté d'être favorable aux restitutions de droit, ni à leurs conséquences, se prononça énergiquement contre cette résolution, qui violait, suivant lui, le principe de non-rétroactivité qu'il voulait faire hautement proclamer.

La question étant arrivée devant le sénat, la commission qui fut chargée de l'examiner, la résolut comme M. Pirmez. Le rapport, sous la date du 21 septembre 1842, est du ministre de la justice, M. de Haussy. Il déclare qu'il faut s'attacher à proscrire le principe de rétroactivité de notre législation fiscale, comme il l'est de notre droit civil et que dans un cas comme celui qui nous occupe, la loi nouvelle ne peut, sans un monstrueux abus, changer ce qui existe, soit au préjudice du trésor, soit au préjudice des contribuables.

Cette opinion ne prévalut pas au sénat et alors le ministre des finances, de l'avis du conseil des ministres, eut recours à une mesure grave.

Un arrêté royal du 8 octobre 1842 ne sanctionna pas le projet de loi qui adoptait la restitution rétroactive en faveur des marchands de vin ! Cette fois, ce fut un profit pour le trésor. Mais ce n'était point cette considération qui avait principalement guidé le gouvernement. Le département des finances surtout s'attachait au principe, et c'est son honneur de l'avoir constamment maintenu et de l'avoir élevé au rang d'un axiome. Nous venons de voir que M. le ministre professe la même doctrine.

La chambre aura-t-elle moins de scrupules? J'espère encore que non. C'est sans doute une chose fâcheuse que le trésor puisse se trouver exposé à des pertes. La loi une fois adoptée, je voudrais aussi le prémunir éventuellement contre elles: mais je ne puis le vouloir aux dépens d'un principe qui, en matière de lois fiscales ou civiles, doit être souverain. Ces pertes ne seront d'ailleurs pas si considérables, car il ne suffit pas de se livrer à une active fabrication, il faut encore savoir que faire de ses produits.

Quoiqu'il en arrive, cette considération d'un préjudice possible ou probable ne peut l'emporter ici et, s'il s'agissait d'une affaire de calcul, je la repousserais encore, parce que pour une fois qu'il peut y avoir avantage, il s'en présentera dix où tout le contraire aura lieu et où vous n'aurez plus de rempart, plus de principe fixe, pour résister aux réclamations incessantes qui vous seront faites. Je voterai contre l'amendement de l'honorable M. Deliége.

M. Christiaens. - Je crois que ces considérations ne doivent vous causer aucun scrupule, quant au tort qui pourrait résulter de l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Deliége. Ce à quoi il faut avoir égard, ce n'est pas au temps de l'apurement des comptes, mais au temps des (page 772) déclarations en cours d'exécution. Les droits que le distillateur peut réclamer ne peuvent aller au-delà du cours de chaque déclaration existant au moment où la loi sera déclarée exécutoire. Si vous aviez adopté une mesure en ce sens, les distillateurs n'auraient pas à se plaindre. Vous avez décidé que, pendant les trois mois qui suivront la mise en vigueur de la loi, les travaux exécutés pourront être apurés par exportation ou par dépôt en entrepôt, et que la décharge des droits se fera à 28 fr. Je crois que c'est une grande faveur que vous avez faite aux distillateurs.

M. de Brouckere. - Comme vient de le dire l'honorable M. Christiaens, une déclaration n'est en cours d'exécution que pendant 60 jours. On en accorde 90. Il n'y a donc pas rétroactivité, puisque nous autorisons les distillateurs à jouir du bénéfice de la loi ancienne, même pour les produits dont la fabrication sera déclarée un mois après la mise en vigueur de la loi nouvelle.

Mais l'honorable M. Veydt vient de vous faire une comparaison : il vous a rappelé ce que vous avez fait, en 1842, pour les vins. Il n'y a aucune espèce d'analogie. A l'époque de 1842, il existait dans les caves des marchands de vins une quantité considérable de produits qui avaient payé une accise comme trois, et qui devaient lutter avec des produits qui allaient entrer dans la consommation, en payant l'accise comme deux. Il y aurait eu, s'il n'y avait pas eu d'amendement, lésion, apportée par la loi, pour des produits existant en magasin.

Qua faisons-nous? Non seulement nous autorisons l'exportation de tous les produits existants, mais nous permettons, pendant trois mois, c'est-à-dire, pendant 31 jours après le cours d'une opération qui pourrait être commencée le jour même de la mise en vigueur de la loi, la mise en entrepôt des eaux-de-vie.

Loin de donner un effet rétroactif à la loi, nous donnons, sous le régime actuel, la faculté de commencer des opérations 31 jours après la mise en vigueur de la loi. Par conséquent, nous privilégions les produits pendant un mois d'une prime qui vaut 20 p. c. de la valeur.

Le genièvre se vend, 47 centimes.

Il y a de droits, 17 centimes.

Valeur de l'eau-de-vie, 30 centimes.

Vous réduisez la décharge de 28 à 22 fr. Or, 6 fr., cela fait 20 p. c. Ainsi c'est une prime qui vaut bien la peine qu'on y regarde à deux fois.

M. Manilius. - Comme vient de le dire l'honorable M. de Brouckere, les intérêts des négociants en vins furent certes gravement lésés ; mais, à cette époque, la chambre porta la plus grande attention à l'examen de la question. Aujourd'hui, c'est à peine si les intérêts des industriels peuvent être défendus, tant on est pressé d'en finir.

Cette lésion avait tellement été reconnue que la chambre, à une grande majorité, avait voté la rétroactivité en faveur des négociants en vins. Le sénat, après avoir soigneusement examiné la loi, avait voté comme nous. Le gouvernement n'a pas sanctionné la loi, parce qu'il a voulu maintenir ce qu'il avait dit dans la discussion ; à savoir que le gouvernement ne voulait aucune rétroactivité, ni à l'avantage des industriels, ni à l'avantage du trésor, parce qu'il ne voulait pas avantager les industriels, et parce que, dans aucun cas, il n'en voulait pour lui-même. Il s'est expliqué en ce sens catégoriquement.

A propos d'autres lois, la chambre s'est prononcée dans le même sens : déjà l'on a cité la loi sur les sucres; la loi sur les distilleries, en 1842, a eu le même sort. C'était alors au désavantage du gouvernement; eh bien, il n'y a pas eu rétroactivité, on a restitué le droit à raison de 18 francs jusqu'à extinction des crédits, et il n'y a eu d'injustice pour personne.

J'ai demandé la parole quand l'honorable M. Jacques a dit que c'était une grande faveur que les trois mois accordés aux industriels. Je crois qu'on ne se rend pas bien compte de leur position : ils ne jouissent pas des droits; ils en sont chargés; ils sont dans un cercle assez restreint pour leurs opérations.

Toutes leurs relations, soit à l'étranger, soit dans le pays, doivent toujours être dans les conditions de la loi. Il ne se fait pas une seule opération, sans tous les égards qu'on a et qu'on doit avoir pour la loi. Les opérations commerciales des distillateurs sont souvent de nature à ne pas être terminées avant les termes de crédits.

Ils ont pu faire des opérations pour livrer à la consommation intérieure, comptant exporter plus tard. L'honorable M. Loos l'a dit hier très naïvement : on livre à la consommation, en se réservant pour l'exportation, de manière à apurer son compte dans le délai fixé par la loi. C'est une position que vous ne pouvez ôter aux distillateurs sans injustice.

L'honorable ministre des finances, qui y voit très clair (vous ne pouvez en douter; déjà on lui en a fait compliment), reconnaît lui-même l'affaire; il ne s'est pas rallié à l'amendement, parce qu'il a la conscience des faits que j'ai signalés.

Indépendamment de l'intérêt des industriels, reconnu par le gouvernement, je crois que la chambre ferait très mal de revenir sur ce principe que jamais il ne doit y avoir de rétroactivité.

Quoi qu'en ait dit l'honorable M. de Brouckere, il y a rétroactivité, puisque vous reviendriez sur une concession accordée par une loi déjà très gênante pour les industriels. Il convient que la chambre y regarde à deux fois, avant de revenir sur une question aussi grave. D'autres orateurs pourront traiter la question de droit. M. le ministre des finances l'a déjà fait, mais on ne l'écoute pas, l'amour fiscal l'emporte.

M. Loos. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Deliége a, à mes yeux, la même gravité que celui de l'honorable M. Jacques; l'un et l'autre impliquent le principe de la rétroactivité. C'est pour défendre ce principe que je me suis levé. Peu m'importent les conséquences qui doivent en résulter !

Messieurs, il serait d'autant plus injuste d'appliquer le principe de la rétroactivité à l'égard des distillateurs que le gouvernement lui-même, pour se prémunir contre des pertes éventuelles, a écrit littéralement dans le projet qu'il ne pourrait pas y avoir de rétroactivité à l'égard du trésor. Il est dit au paragraphe 2 de l'article 2 :

« Toutefois, les eaux-de-vie indigènes déposées en entrepôt public avant cette époque, en apurement des droits constatés antérieurement, ne peuvent être enlevées pour la consommation que sous payement de l'accise au comptant, calculée d'après le taux de la décharge établie au moment où elles ont été emmagasinées. »

Ainsi le trésor peut se prémunir vis-à-vis des industriels contre la rétroactivité, tandis qu'on voudrait appliquer, à leur détriment, un principe qui n'a jamais été admis dans cette chambre.

Mon honorable ami, M. Veydt, vous parlait, il y a un instant, d'une discussion mémorable qui a eu lieu dans cette enceinte à propos du principe de la rétroactivité. Il vous a parlé de l'opinion émise alors par notre honorable collègue M. Pirmez ; mais il ne vous a pas cité les paroles de cet honorable membre. Permettez-moi de vous lire les observations qu'il présentait ; ce sont les vrais principes d'équité ; je crois que la chambre a bien fait de ne s'en départir en aucune circonstance, pas plus à l'avantage du trésor qu'à son détriment.

« Il est vrai, disait M. Pirmez, que le principe de la non-rétroactivité n'est pas inscrit dans les lois ; mais dans l'intérêt du pays, nous devons tâcher de le faire admettre. Aussi je dis que M. le ministre des finances, dans une séance précédente, a vu les choses en sage administrateur, lorsqu'il a insisté pour que nous ne nous écartions point de ce grand principe.

« Nous devons proclamer ce principe de la non-rétroactivité, qui sera une espèce de rempart derrière lequel les hommes chargés de la défense des intérêts de l'Etat pourront s'abriter pour résister aux attaques des prétentions individuelles. »

Si vous admettez aujourd'hui le principe de la rétroactivité, on l'invoquera contre les intérêts du trésor dans une autre circonstance.

Messieurs, je crois que, pour l'avantage que l'amendement de l'honorable M. Deliége peut procurer au trésor, il ne vaut pas la peine de s'écarter de ce grand principe, qui doit toujours être respecté par la législature.

Je repousse donc l'amendement qui a été admis au premier vote.

M. Pirmez. - Je dois déclarer que je professe toujours la même opinion. Mais je ne pense pas que, dans le cas actuel, il y ait rétroactivité.

M. Delehaye. - Messieurs, je suis persuadé que personne, dans la chambre, ne voudrait méconnaître le respect dû au principe de la non-rétroactivité, La question qui nous divise est celle de savoir si, par l'amendement que vous avez, adopté au premier vote, il sera porté atteinte à ce principe. Je ne dirai que quelques mots pour vous prouver que cet amendement porte réellement atteinte au principe de la non-rétroactivité.

Depuis la loi de 1842, le distillateur qui déclarait commencer ses travaux, était pris en charge sur le registre de l'État. Il pouvait effectuer le payement des droits en trois termes, de trois en trois mois. Or ce distillateur qui déclarait commencer ses travaux et qui pouvait apurer son compte par trois payements successifs, quel droit acquérait-il? Il acquérait le droit d'apurer son compte par l'exportation, pendant ces neuf mois, à raison de 28 fr. pour toutes les prises en charge effectuées sous l'empire de la loi.

Que faites-vous aujourd'hui? Vous faites une loi par laquelle vous déclarez que la décharge est réduite à 22 fr. Vous statuez pour l'avenir ; vous voulez que les distillateurs ne puissent plus, lorsqu'ils apureront leurs nouveaux comptes par l'exportation, obtenir qu'une décharge de 22 fr.

Mais quelle est la position qui a été faite à l'industriel par la loi de 1842? Je dis qu'en vertu de cette loi il a un droit acquis d'obtenir l'apurement de son compte sur le pied de 28 fr., comme aussi il se trouve dans l'obligation de se libérer envers le trésor en trois termes égaux. Si donc vous décidez par votre nouvelle loi que les comptes ouverts aujourd'hui ne seront apurés qu'à raison de 22 fr., vous portez atteinte au principe de la non-rétroactivité.

Messieurs, votre loi ne doit avoir d'effet que pour l'avenir ; vous pouvez décider que, pour les nouvelles dettes que le distillateur contractera vis-à-vis de l'Etat, il ne pourra plus obtenir, pour l'apurement de son compte par l'exportation, qu'une décharge de 22 fr. Mais je ne conçois pas comment vous pourriez faire porter la réduction de la décharge sur les comptes aujourd'hui ouverts sans porter une atteinte réelle au principe de la non-rétroactivité.

M. Julliot. - Messieurs, il me semble qu'on confond deux choses qui ne doivent pas être confondues.

On confond le crédit ouvert accordé aux distillateurs, ce qui constitue une faveur pour leur faciliter l'acquit des droits sur les marchandises qu'ils ont en magasin.

(page 773) On confond ce crédit avec le droit qu'ils ont d'exporter avec la décharge de 28 fr. par hectolitre.

Eh bien, messieurs, il y aurait rétroactivité si vous vouliez immédiatement enlever aux distillateurs le crédit que la loi actuelle leur a accordé pour acquitter ces droits. Mais il n'y a pas rétroactivité à dire aux distillateurs : Vous pouvez exporter tout ce que vous avez fabriqué sous cette loi, mais hâtez-vous de le déclarer, car à la promulgation de la loi nouvelle, vous ne le pourrez plus; la loi actuelle vous donne le droit d'exporter ce que vous avez fabriqué sous l'empire de cette loi au taux de la décharge qu'elle consacre; mais tout ce qui sera fabriqué sous la loi nouvelle sera réglé par cette loi, et le crédit qui vous a été accordé pour payer les droits vous reste conservé.

Ce délai de trois mois est donc déjà une bienveillance qu'on accorde généreusement aux distillateurs, au détriment du trésor qui, j'en suis sûr, s'en ressentira vivement.

M. Manilius. - L'honorable M. Julliot ne tient pas compte que le crédit que l'on ouvre à l'industriel peut être payé de deux manières; il peut le payer en numéraire; mais il peut aussi le payer par l'exportation; vous lui accordez un crédit de neuf mois et il peut payer pendant ces neuf mois de l'une ou de l'autre manière. C'est ce que vous voulez faire cesser. Vous enlevez à l'industriel le droit de pouvoir, pendant 3, 6 et 9 mois, s'acquitter par l'exportation; dès lors il y a rétroactivité à son égard.

Il pourra encore apurer son compte par l'exportation, par le payement pendant ces termes, mais il n'aura plus que 3 mois pour le faire par exportation, tandis qu'aux termes de la loi actuelle il a 3, 6 et 9 mois. Evidemment ce serait là de la rétroactivité que le gouvernement n'a jamais voulue , et qu'il ne demande pas encore, voulant rester fidèle aux précédents.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Deliége, qui a été adopté au premier vote.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal!

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Deliége, qui est définitivement adopté par 46 voix contre 28.

Ont voté l'adoption : MM. Le Hon, Lesoinne, Mascart, Moncheur, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Rousselle, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Van Hoorebeke, Vilain XIIII, Boulez, Christiaens, Clep, Cools, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de T'Serclaes, Devaux, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Fontainas, Jacques, Jouret, Julliot, Lange et Lebeau.

Ont voté le rejet: MM. Loos, Manilius, Moreau, Osy, Rodenbach, Sinave, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Ansiau, Anspach, Cans, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, Delehaye, de Meester, de Perceval, Destriveaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Faignart, Frère-Orban et Verhaegen.

Le changement de rédaction qui a été apporté à l'article est également adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté par 58 voix contre 15. Un membre (M. de Haerne) s'est abstenu.

Ont voté l'adoption : MM. Le Hon , Lesoinne , Mascart, Moncheur, Moreau, Orts, Pierre, Pirmez, Rousselle, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Van Cleemputle, Vanden Berghe de Binckum , Vanden brande de Reelh , Vandenpeereboom (Alphonse), Van Hoorebeke, Vermeire, Vilain XHII, Anspach, Boulez, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, Destriveaux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dumon (Auguste), Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Loos, Manilius, Osy, Peers, Rodenbach, Sinave, T'Kint de Naeyer, Van Grootven, Van Iseghem, Veydt, Ansiau, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, Delehaye et Faignart.

M. le président. - M. de Haerne, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Haerne. - Messieurs, retenu chez moi par quelques affaires particulières, j'ai été dans l'impossibilité d'assister à la discussion de la partie essentielle de la loi. Comme, par suite de cette absence, je n'ai pas pu me faire une idée exacte de l'ensemble du projet de loi, j'ai dû m'abstenir.

- M. Delehaye remplace M. Verhaegen au fauteuil.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec la Russie

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter à la chambre un projet de loi, ayant pour objet l'approbation du traité de commerce et de navigation conclu le 14 de ce mois entre la Belgique et la Russie.

- Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à l'examen des sections qui s'en occuperont dans le cours de la semaine prochaine.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Nombre de votants, 64

Majorité absolue, 33

Aristide-Joseph Troadec, instituteur, né à Brest (France), le 13 juin 1808, a obtenu 33 suffrages.

Marie-Edouard Surget, peintre en bâtiments, né à Vienne (Autriche),, le 21 août 1814, 34.

François-Clément-Edouard Galesloot, lieutenant au 5ème de ligne, né à Munster (Westphalie), le 25 mai 1812, 46.

Henri Strzembosz, maréchal des logis au 2ème régiment des lanciers, né à Kotary (Pologne), le 16 septembre 1826, 38.

Auguste-Jean-François-Corneille Gyseleers-Thys, lieutenant au premier régiment de chasseurs à cheval, né à Malines, le 21 février 1802, 52.

Charles-Joseph-Simon Charmet, lieutenant au premier régiment de lanciers, né à Malines, le 7 novembre 1815, 52.

Charles-François-Henri Galesloot, sous-lieutenant au 1er régiment de lanciers, né à Bruges, le 2 décembre 1817, 47.

Jean-Georges Maeder, ancien militaire, né à Plobsheim (France), le 5 mars 1819, 41.

Louis Lendorf, domestique, né à Malacca, en 1815, 49.

Edouard-Ernest Keun, chancelier de la légation de Belgique, né à Smyrne, le 26 octobre 1812, 47.

Pierre Smits, charpentier, né à Zundert (Pays-Bas), le 5 janvier 1812, 37.

François-Ghislain Demade, receveur communal, né à Sassegnies (France), le 14 septembre 1826, 45.

Guillaume-Antoine Van Dongen, pilote de première classe, né à Rotterdam (Pays-Bas), le 25 mars 1809, 47.

Michel Stein, chef de musique, trompette-major au premier régiment de lanciers, né à Weisenau (Hesse), le 12 juin 1811, 44.

Théodore-Charles-Antoine Catteau, éclusier du canal de Charleroy, né à Tourcoing (France), le 18 octobre 1792, 44.

Nicolas-Félix Aubry, fabricant, né à Halles (France), le 24 décembre 1812, 44.

Gustave-Ferdinand-Nicolas Karsch, maréchal des logis au régiment des guides, né à Trêves (Prusse), le 25 décembre 1812, 45.

Jean-Henri Schoenfeld, élève-interne à l'hôpital St-Pierrc, né à Hildburghausen (Saxe-Meiningen), le 26 juin 183, 47.

Charles-Henri Barlet, professeur, né à Arras (France), le 22 floréal an VI, 48.

Jean Keulders, maréchal des logis au premier régiment de lanciers, né à Nieuwstadt (Pays-Bas), le 12 juillet 1802, 40.

Jacques-Anne-Léon Mailhac, capitaine au 12ème régiment de ligne, né à Saint-Christand (France), le 3 novembre 1808, 39.

Barthélemy-André-Joseph Egger, trompette-brigadier au 2ème régiment de cuirassiers, né à Gorinchem (Pays-Bas), le 4 septembre 1826, 38.

Cirille-Auguste Bevierre, éclusier du canal de Charleroy, né à Fellenis (France), le 5 août 1790, 51.

Jean-Christian Arnord, musicien gagiste au 6ème régiment de ligne, né à Eisenach (Saxe-Weimar), le 6 mai 1817, 40.

Jean Cledina, sergent-major au 6ème régiment de ligne, né à la Haye, le 8 novembre 1809, 40.

François-Joseph Saigne, éclusier du canal de Charleroy, né à Paris, le 5 janvier 1811, 40.

Ferdinand Klapp, sergent-major au régiment d'élite, né à Paris, le 26 décembre 1825, 39.

Olivier Meurice, caporal-armurier au régiment de chasseurs-carabiniers, né à Ferrière-le-Grand, le 13 juillet 1814, 47.

Auguste-Edouard Decoop, secrétaire communal, né à Hazebrouck (France), le 1er janvier 1813, 46.

Toutes ces demandes sont prises en considération.

Elles seront transmises au sénat.

La demande de M. Meaux, commerçant, qui n'a obtenu que 21 suffrages, n'est pas prise en considération.


- M. Delfosse demande un congé pour cause d'indisposition.

Accordé.

La séance est levée 4 3/4 heures.