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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 décembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Delehaye, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 271) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M A. Vandenpeereboom communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Quelques receveurs communaux dans le canton de Jodoigne demandent l'établissement d'une caisse de retraite en faveur des receveurs communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs cultivateurs d'Alveringhem prient la chambre de ne pas donner son assentiment au traité de commerce conclu avec les Pays-Bas.

« Même demande de la chambre de commerce et des fabriques de Louvain. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du traité.


« Plusieurs négociants et industriels à Xhendelesse, Olne, Soiron et Nessonvaux prient la chambre d'approuver le traité de commerce conclu avec les Pays-Bas. »

- Même décision.


« La chambre de commerce d'Ostende demande que la chambre n'approuve pas la clause du traité de commerce avec l'Angleterre, relative au sel de source, avant d'avoir acquis la preuve que le sel de source n'est pas un sel raffiné et qu'en tout cas son admission en Belgique aux conditions du sel brut de roche n'est pas de nature à causer aux sauniers belges le préjudice qu'ils augurent pour leur industrie. »

M. Van Iseghem. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le traité.

M. Rodenbach. — Messieurs, cette question du sel est de la plus haute importance. Il y a eu une réunion des sauniers. Cette question doit être examinée très mûrement. De la solution qui y sera donnée dépend le bien-être de peut-être 400 à 800 fabriques de sel. J'appuie le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité avec l'Angleterre.

- Ce renvoi est ordonné.


« Plusieurs habitants de Saint-Géry demandent que l'instituteur communal qui n'a plus d'élèves cesse de jouir du traitement qui lui est alloué sur les fonds de l'Etat et de la commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Duvivier, ancien chef de bureau au ministère des travaux publics, prie la chambre de lui faire obtenir un traitement d'attente ou une indemnité, ou bien d'ordonner une enquête sur les faits qui ont amené sa destitution. »

- Même renvoi.


« Plusieurs négociants et industriels de Gand demandent la révision de la loi de 1844 sur les droits différentiels. »

- Renvoi à la commission permanente d'industrie.

M. Manilius. - Je demande, en outre, que cette pétition, que j'ai déposée sur le bureau, soit insérée dans les Annales parlementaires ; la question des droits différentiels a beaucoup de connexité avec la discussion qui va s'ouvrir sur le traité conclu avec la Hollande ; la pétition est conçue dans des termes très convenables ; elle approfondit très bien la question des droits différentiels ; il y aurait de l'utilité pour la chambre à en prendre connaissance.

M. Delfosse - Messieurs, il avait été convenu qu'on ne publierait dans les Annales parlementaires que les pétitions émanées des chambres de commerce. Il ne faut pas s'aventurer légèrement dans cette voie, il ne faut pas que les Annales parlementaires deviennent trop volumineuses, par l'insertion des pétitions émanées de particuliers.

M. Manilius. - Je conviens avec l'honorable membre qu'on a pris pour règle de ne faire imprimer que les pétitions qui émanent de corps constitues ; mais je ferai remarquer que le rapport sur le traité avec la Hollande n'était pas déposé. Aujourd'hui la section centrale ne peut plus même prendre connaissance de la pétition. Je le repète, c'est dans l'intérêt de la chambre elle-même que je fais ma proposition. La pétition jette de vives lumières sur la question qui se discutera mardi prochain.

M. Delfosse. - Qu'on dépose la pétition sur le bureau pendant la discussion, ainsi qu'on l'a fait pour les autres pétitions.

M. Manilius. - Indépendamment du renvoi à la commission d'industrie. (Oui ! oui !)

- Le dépôt sur le bureau pendant la discussion et le renvoi à la commission d'industrie sont ordonnés.

Rapport sur une pétition

M. Van Renynghe, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, une requête, du 25 novembre dernier, par laquelle le sieur Aerts, ingénieur-mécanicien, se plaint du peu d'encouragement que rcçoivent, de la part du gouvernement, les Belges, auteurs d'inventions utiles aux chemins de fer. Il croit devoir signaler en même temps des abus commis par l'un des fonctionnaires de l'administration du chemin de fer de l'Etat, et prie, en conséquence, la chambre de nommer une commission d'enquête à laquelle il puisse fournir les preuves des faits dont il accuse ce fonctionnaire.

Comme l'objet principal de cette pétition est pendant au tribunal de première instance à Bruxelles, votre commission a cru ne pouvoir préjuger cette question.

Ayant remarqué en outre que la requête dont s'agit est aussi une affaire d'administration, votre commission en propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics et le dépôt sur le bureau lors de la discussion du budget de ce département.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi interprétatif de l'article 78 de la loi du 30 mars 1836, sur les pouvoirs communaux.

Rapport de la commission

M. Moreau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi interprétant l'article 78 de la loi du 30 mars 1836, sur les pouvoirs communaux.

- Le rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour.

Projet de loi réunissant les deux cantons de justice de paix de Thourout

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie au projet de la commission.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

« Art. 1er. A partir du 1er janvier 1852, le deuxième canton de justice de paix de la ville de Thourout sera supprimé et réuni au premier canton de justice de paix de cette ville. »

- Adopté.


« Art. 2. Les notaires actuels de résidence dans l'un desdits cantons auront, à dater de la même époque, le droit d'instrumenter dans tout le ressort des deux cantons réunis.

Leur nombre pourra, s'il y a lieu, être réduit au maximum fixé par la loi du 25 ventôse an XI, au fur et à mesure des vacances de places. »

- Adopté.


« Art. 3. Les affaires et les causes pendantes devant la justice de paix du canton supprimé seront poursuivies de plein droit devant la justice de paix des deux cantons réunis, sans assignation ni autre formalité. »

- Adopté.


« Art. 4. Le juge de paix du canton supprimé continuera à jouir de son traitement fixe jusqu'à ce qu'il soit replacé. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. Il est adopté à l'unanimité des 77 membres présents ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM.de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Denterghem, de Haerne, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hont, Dumon (Auguste), Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rolin, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T Kint de Naeyer, Tremouroux, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ern.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne et Delehaye.

Ordre des travaux de la chambre

M. Mercier (pour une motion d’ordre). - Le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics nous a été distribué avant-hier soir, et je vous déclare qu'il m'a été impossible de lire plus de la moitié du rapport qui est d'ailleurs très substantiel et très volumineux. Je ne sais si mes honorables collègues se trouvent dans une autre position ; s'ils ont pu étudier ce rapport. J'en doute beaucoup, et je crois que si l'on discute immédiatement la discussion sera sans fruit. Presque personne n'aura eu le temps d'apprécer ce rapport qui mérite l'attention de la chambre.

Je demande donc, à moins qu'il n'y ait des orateurs prêts à prendre la parole dans la discussion générale, que la discussion soit remise à demain ? Si des orateurs sont inscrits, je demande seulement que la discussion générale ne soit pas close aujourd'hui.

(page 272) M. Delehaye. - Déjà plusieurs orateurs sont inscrits pour parler dans la discussion générale, de sorte qu'il n'y a aucun inconvénient à ouvrir cette discussion, sauf à prendre une résolution ultérieurement.

M. Mercier. - Si vous le jugez convenable, ouvrez la discussion générale, mais pour autant qu'il soit décidé que cette discussion ne sera pas close aujourd'hui.

M. Delehaye. - On peut toujours commencer la discussion. S'il y a lieu de la continuer à demain, la chambre le décidera à la fin de la séance.

M. Cools. - Je n'ajouterai que quelques mots à ce que vient de dire l'honorable M. Mercier. Il est certain que nous n'avons pas pu nous préparer suffisamment ; cependant je ne m'oppose pas du tout à ce que la discussion commence dès maintenant, pourvu qu'elle ne sorte pas des termes d'une discussion générale.

Je demande qu'il soit décidé dès à présent que dans la séance d'aujourd'hui l'on n'abordera pas l'examen des articles.

M. Delehaye. - Rien ne s'oppose à ce que l'on commence la discussion, sauf à décider ultérieurement s'il y a lieu de continuer la discussion générale à demain.

Rapports sur des pétitions

M. de Brouwer de Hogendorp. - Deux pétitions ont été renvoyées à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics. L'une de ces pétitions émane des administrations communales de Ortho et Wibrin qui demandent que le gouvernement fasse construire une route de Champion à Nandrin ; l'autre émane de plusieurs propriétaires riverains de l'Escaut en amont d'Audenarde qui demandent le prompt achèvement du canal de Deynze à Schipdonck.

La section centrale du budget des travaux publics vous propose le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et ensuite le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur la juridiction des consuls

Rapport de la commission

M. Veydt., au nom de la commission spéciale qui a examiné les amendements introduits par le sénat dans le projet de loi sur la juridiction des consuls, dépose le rapport sur ces amendements.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les amendements introduits par le sénat à cette loi ne donneront lieu à aucune discussion ; la commission en propose l'adoption. On pourrait mettre le vote de ce projet de loi après la discussion du budget des travaux publics. Cette loi a un caractère d'urgence et elle pourrait être publiée avant le 1er janvier.

- La chambre fixe la discussion de ce projet de loi après la discussion du budget des travaux publics.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1852

Discussion générale

M. Delehaye. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du budget. La parole est à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la chambre a pu constater que, cette année, le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics emprunte une importance toute spéciale aux développements dans lesquels est entré son honorable rapporteur, et aux recherches très consciencieuses auxquelles il s'est livré, surtout en ce qui concerne la question du chemin de fer.

Je me plais, messieurs, à rendre justice au zèle qu'a apporté, dans la rédaction de ce rapport, l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp, et je déclare sans détour que les observations utiles que renferme ce document seront mises à profit par le gouvernement.

Mais je ne puis laisser passer sans réponse les faits controuvés, les considérations erronées, que renferme ce même rapport.

Il y a d'abord un fait qui m'a frappé, c'est l'importance excessive qu'a attribuée à la question des dépenses l'honorable rapporteur. En n'envisageant le débat que sous ce point de vue, il l'a forcément amoindri et rapetissé. Il a perdu le caractère fondamental de toute discussion en cette matière.

L'avenir du chemin de fer est ailleurs, il est dans l'accroissement du mouvement, dans le développement du trafic. C'est une question de recettes avant tout qu'il faut considérer, et la question des recettes est dans la question des péages.

Messieurs, que ce soit là le véritable caractère, le caractère essentiel de la question, c'est ce qui ressort à toute évidence des chiffres que je vais avoir l'honneur de soumettre à la chambre.

En 1849, pour une recette de 12,935,920 fr., nous dépensions, en frais d'exploitation, 8,277,524 fr. D'après le compte définitif des dépenses, les frais d'exploitalion ont comporté une dépense de 8,1156,512 fr., et en y comprenant les recettes extraordinaires, les produits indirects qui figurent dans le compte pour un chiffre de 700,000 fr., et qui résultent soit de la rétrocession de terrains, soit de la vente d'objets trouvés, soit de la location des buffets-restaurants, soit des transports en service, les recettes pour l'exercice 1849 s'élèvent à 13,641,058 fr. ; de telle sorte que le bénéfice net pour l'année 1849 s'élevait à 5,480,745 fr.

Ce sont là des chiffres inattaquables.

L'exercice 1850 fournit en recette, en y comprenant les produits indirects, 15,552,906 fr. La dépense d'exploitation s'est è'evée à 8,474,850 francs. Les produits nets s'élèvent de 5 millions à 7,078,118 fr.

En 1851, d'après toutes les prévisions la recette, toujours y compris les produits indirects, s'élèvera à 16,000,000 de francs. La dépense d'exploitation reste absolument la même : 8,474,800 fr.

De telle sorte que le produit net pendant l'exercice 1851 s'élèvera à la somme de 7,525,000 francs. C'est-à-dire que, dans le courant de deux années le produit net du chemin de fer se trouvera accru de plus de deux millions de francs.

Il est hors de doute qu'en suivant cette progression, qu'en modifiant dans une pensée sage la tarification existante, on arrivera en très peu d'années à un produit net de huit, neuf et peut-être même dix millions. Or, le capital utilisé s'élève à une somme de 163 millions, ce qui fait un revenu de 4 1/2 p. c.

Le capital, en y comprenant les charges contractées pour le négocier, s'élève, d'après les calculs de la cour des comptes, à la somme de 209 millions ; même en prenant ce chiffre, on arrive à un revenu de 3 1/2 p. c.

Eh bien, messieurs, même en prenant les comparaisons qu'on nous oppose toujours et que je repousserais dans toute autre circonstance, même en prenant ces comparaisons, n'est-il pas constant qu'il est fort peu de chemins de fer étrangers qui soient dans une situation meilleure ?

Messieurs, s'il est vrai qu'on ne puisse pas établir, entre plusieurs chemins de fer d'un même pays, des comparaisons, il est plus vrai encore que les comparaisons entre des chemins de fer de pays différents sont toujours des comparaisons dangereuses et sans valeur aucune.

L'honorable rapporteur de la section centrale le reconnaît lui-même, car je lis à la page 50 du rapport :

« Il est difficile d'établir une comparaison entre deux chemins de fer, au point de vue des recettes et des dépenses. Une pareille comparaison conduit à des résultats qui sont presque toujours faux, parce que deux chemins de fer se trouvent toujours dans des conditions d'exploitation différentes ; les tarifs, la moyenne du parcours des voyageurs et des marchandises, la classification des voyageurs, les rampes de la ligne, les passages à niveau, les travaux d'art, le nombre des embranchements, le nombre des stations, tout est différent. »

Voilà une déclaration nette, catégorique.

Cependant, messieurs, vous avez pu le remarquer, c'est en invoquant des comparaisons et des rapprochements le plus souvent partiels, que l'honorable rapporteur conclut à l'infériorité du chemin de fur belge au point de vue de l'exploitation, relativement aux chemins de fer étrangers.

L'année dernière, messieurs, pendant la discussion du budget des travaux publics, que nous disait l'honorable M. de Brouwer ? L'honorable membre, pour établir que les dépenses d'exploitation du chemin de fer belge étaient beaucoup trop élevées, invoquait ce qu'il appelait des faits irrécusables ; il disait ;

« Je ne veux plus établir une comparaison entre les recettes et les dépenses ; je reconnais que cela ne prouverait pas baaucoup ; mais pour démontrer que le chemin de fer belge coûte beaucoup plus que les chemins de fer étrangers, je vais citer des faits que M. le ministre des travaux publics ne pourra pas récuser. »

Puis l'honorable membre affirmait que les réparations des locomotives et tenders coûtaient, en Belgique, 1 fr. 34 c. par lieue parcourue, tandis qu'en Angleterre, sur le Great Western, en 1850, ces réparations n'avaient coûté que 84 centimes par lieue.

Il affirmait encore, et c'était un second fait que l'honorable membre livrait à ma méditation, que, sur le chemin du London and Norh Western, le service d'entrelien de la route ne coûtait, en frais de personnel, par lieue exploitée, que 887 fr. par an, tandis que le chiffre demandé pour le même service en Belgique s'élevait à 193,439 fr., soit 1,750 fr. par lieue exploitée.

Messieurs, ces faits sont au Moniteur. (Le ministre lit un passage du discours de M. de Brouwer dans la séance du 21 décembre 1850.)

Messieurs, je commencerai par ces faits ; j'arriverai tout à l'heure au rapport.

Mais tout d'abord il est bon que la chambre sache comment on parvient à établir le coût d'entretien et de réparation d'une locomotive par lieue parcourue ; pour cela on procède de la manière suivante :

On sait d'une manière certaine combien les locomotives ont parcouru de lieues pendant un exercice ; on sait, d'autre part, ce qu'on a dépensé dans les ateliers des stations et dans ceux de l'arsenal à Malines ; on sait quelles sommes on a affectées à la réparation des locomotives en main-d'œuvre, en matière, et l'on divise le nombre de lieues parcourues par la dépense effectuée.

Pour que le chiffre indiqué par l'administration ne puisse pas être suspecté, on a ajouté un troisième chef de dépense ; à cette double colonne on en a ajouté une troisième, comprenant ce qu'on est convenu d'appeler les frais généraux : c'est ce que ne font pas toujours les compagnies.

En procédant ainsi, l'on comprend que l'auteur du travail que l'honorable M. de Brouwer a invoqué ait pu fixer à 1 fr. 34 c. la moyenne du coût des réparations des locomotives et tenders par lieue parcourue, mais il ne s'ensuit nullement que M. de Brouwer fût autorisé à m'opposer ce chiffre pour les exercices subséquents. En effet, l'argument était si (page 273) peu concluant qu’en fait la même moyenne pour les exercices 1849 et 185à n’a été respectivement que de 85 centimes par lieue parcourue et de 79 centimes, c’est-à-dire 5 centimes de moins que sur le Great-Western que l'honorable M. de Brouwer m'opposait l'année dernière ; et encore il est à noter que tout ceci ne prouve rien, puisque les réparations du matériel de traction dépendent d'un concours de circonstances qui ne sauraient être les mêmes dans plusieurs exploitations, telles que le prix de revient des matériaux, le taux des salaires, etc., etc.

Voilà donc le premier fait parfaitement éclairci.

Quant au second, l'honorable membre nous disait l'année dernière : « Pour frais de personnel, vous dépensez 1,750 fr. par lieue exploitée, »

C'est encore une erreur ; car si l'honorable membre avait voulu dépouiller les documents statistiques, s'il avait voulu déduire une somme d'environ 92,000 fr. affecté au personnel de construction, lequel personnel n'a rien de commun avec le personnel spécialement préposé à l'entretien de la route ; s'il avait voulu déduire ce personnel de construction qui n'existe pas sur les chemins de fer anglais, il aurait trouvé la vérité ; la vérité est qu'aujourd'hui la dépense s'élève à 103,660 fr., c'est-à-dire 843 fr. par lieue, pour le personnel de l'entretien de la route ; encore une fois moins que sur le North Western dont l'honorable M. de Brouwer invoquait l'exemple l'année dernière.

Je disais tout à l'heure qu'en cette matière l'on ne pouvait pas procéder par comparaison. Et cependant, en lisant attentivement le rapport de l'honorable M. de Brouwer, on est convaincu que ce n'est qu'en se fondant sur des comparaisons, et des comparaisons très partielles, que l'honorable membre s'est cru autorisée affirmer que la dépense d'exploitation des chemins de fer belges est en disproportion avec ce qu'elle est partout ailleurs.

Quand on veut comparer les dépenses d'exploitation d'un chemin de fer avec celles d'un autre chemin de fer, l'on a plusieurs procédés. Le premier consiste à comparer la dépense d'exploitation à la recette brute, à établir une proportion. On dit : Sur tel chemin de fer, la dépense d'exploitation s'élève à 40 p. c. de la recette brute ; sur tel autre chemin, la dépense s'élève à 50, 60 p. c. de la recette brute.

C'est un procédé qui est extrêmement défectueux ; car si, pour une recette de cent francs, je suis obligé d'effectuer le même mouvement que tel autre chemin de fer pour une recette de 200 fr., il arrivera sans doute que la dépense d'exploitation sur le premier chemin de fer sera aussi considérable que la dépense d'exploitation sur l'autre ; mais la proportion de la dépense à la recette brute ne sera pas la même, et cependant pourrait-on dire que cette dépense sur le premier chemin ne sera pas aussi économique que cette même dépense sur l'autre chemin ?

On dit encore, quand on veut comparer deux chemins de fer : « Tel chemin de fer coûte autant par lieue exploitée, et tel autre chemin de fer ne coûte qu'autant. »

Un seul exemple suffira pour montrer que ce procédé est également inacceptable.

Je suppose deux chemins de fer ayant chacun une longueur de cent lieues. Il y a dans les dépenses d'exploitation deux éléments, un élément fixe et un élément variable. Cela est hors de toute contestation. Je suppose que la dépense fixe de ces deux chemins de fer soit variable de 4 millions, et la dépense de 6 millions.

Je suppose en même temps que l'on transporte sur l'une deux millions de tonnes de marchandises ; il est évident que chaque tonne de marchandise coûtera 5 fr. et que la lieue exploitée ressortira au prix de 400 mille francs ; sur une autre je suppose qu'au lieu de deux millions de tonnes on en obtienne au moyen d'un tarif modéré 4 millions ; la dépense variable supposons qu'elle soit doublée, ce qui bien certainement est exagéré, nous aurions 14 millions pour la dépense totale ; la lieue exploitée coûterait beaucoup plus que sur la première ligne, elle coûterait 140 mille fr. et cependant qui oserait contester que cette dernière ligne serait dans une meilleure position que la première, puisque le transport de la tonne coûterait fr. 3-75 au lieu de 5 fr. qu'elle coûte sur la première ?

On a imaginé un troisième procédé de comparaison, c'est celui qui consiste à ramener les dépenses au coût de ce que l'on appelle l'unité de trafic. En d'autres termes, on calcule ce qu'une tonne de marchandises ou un voyageur a coûté en les supposant l'un et l'autre transportés à la distance d'un kilomètre ou d'une lieue. Ce procédé n'est pas meilleur que les autres. Car il est évident que tout est subordonné au trafic et que le chiffre sur lequel on veut argumenter, n'étant que le quotient d'une dépense faite par un mouvement effectué, rien de décisif, d'absolu ne peut se déduire d'un élément aussi essentiellement variable. Les faits attestent, à chaque nouvel exercice, cette vérité palpable dont nous avons fourni, du reste, une preuve en rappelant le coût d'entretien des locomotives par lieue parcourue.

L'honorable M. de Brouwer, dans son rapport, invoque l'exemple de plusieurs chemins de fer anglais ; il se fonde sur les comptes rendus des compagnies pour établir que l'exploitation est beaucoup plus simple, plus rationnelle et plus économique qu'en Belgique. En ce qui concerne ces comptes, j'ai une observation générale à faire, c'est que presque tous ces comptes rendus sont plus ou moins simulés.

Je tiens à la main le compte rendu du Great-Westhern, et ce document établit que l'entretien de la ligne de Londres à Petersborough a été confié à un entrepreneur et que la dépense a été portée à la charge du capital. Cela se trouve en toutes lettres dans le compte rendu que je tiens en main.

L'un des organes les plus accrédites des compagnies de chemin de fer disait, dans un des premiers numéros de cette année, que dans beaucoup de compagnies le compte du capital était resté ouvert en permanence, bien que l'établissement des chemins de fer qu'elles exploitent fût terminé.

(Le ministre cite un passage d'un numéro de Herapath’s Magazine.)

Il y a un autre fait plus positif, plus décisif que celui-là ; ce sont les discussions qui ont eu lieu il y a quelques mois au parlement anglais ; le 7 mai M. Locke déposait une motion qui avait pour objet de régler et de contrôler les opérations financières de toutes les compagnies, en les contraignant à dresser leurs comptes d'après un modèle uniforme.

Que disait dans la discussion l'honorable directeur du bureau du commerce, M. Labouchère ? Il soutenait que cette motion constituait, il est vrai, une amélioration, mais qu'elle ne suffisait pas pour empêcher les comptes illusoires ; qu'il eût fallu davantage ; qu'il eût fallu, pour que le contrôle fût efficace, le placer entre les mains de personnes indépendantes des directeurs. Je ne veux point reproduire ici les détails du débat qui ne manque pas d'intérêt ; je me borne à dire que le sentiment général qui prévalut, c'est qu'il était nécessaire au plus haut point, de restituer à ces comptes toute leur sincérité ; à cet égard il n'y eut aucun dissentiment au sein du parlement.

L'honorable rapporteur de la section centrale mentionne l'organisation d'un grand nombre de chemins de fer anglais. Je ne puis le suivre dans cette énumération ; j'en prends un au hasard, le plus concuant, selon lui, en cette matière : je veux parler du London and North Western. Cette ligne a plus de développement que la nôtre, elle a une longueur d'environ 172 lieues. Le mouvement y est quintuple, dit l'honorable M. de Brouwer. A cet égard mes chiffres ne concordent pas avec les siens, Pour 1848, je ne signale que 5 millions 600 mille voyageurs, soit 1 million de plus seulement qu'en Belgique, ce qui est loin du compte présumé.

Pour 1847, mes renseignements ne fournissent qu'un trafic de 1,411,000 tonneaux. Ce qui, encore une fois, ne dépasse guère le mouvement qui s'effectue sur nos lignes.

Dans tous les cas, je n'insiste point sur ces faits et, quant à la recette, comme elle tient à des causes toutes spéciales, je ne la mentionne que pour ajouter tout aussitôt que, s'il est vrai de dire qu'elle est quatre fois aussi forte que celle que l'on obtient en Belgique, la dépense sur le même chemin anglais ne s'élève pas à moins de 22 millions de francs pour tout un exercice.

L'honorable M. de Brouwer affirme que cette ligne n'a, pour tout personnel dirigeant, que 139 agents.

Sur ce point aussi mes chiffres diffèrent de ceux de l'honorable membre. Je vois figurer au tableau du personnel, que je me suis procuré, 167 agents, ingénieurs, superintendants, secrétaires ou trésoriers, et l'ensemble du personnel, y compris les ouvriers, comporte un chiffre de 7,640 personnes.

En Belgique l'on compte aujourd'hui 660 agents. En 1847, il y en avait près de 930, soit 270 en moins.

Le nombre des ouvriers s'élève, je pense, à 4,000 environ.

Au reste, je présente ici deux observations qu'on ne doit pas perdre de vue et qui ont été complètement omises par l'honorable membre. La première, c'est que sur le chemin de London and North- Western, que cite l'honorable M. de Brouwer, il y a un travail d'inscription, de vérification de marchandises qui se fait par les commis d'une puissante maison de roulage de Londres, la maison de Tecford et Chapelain ; cette maison est chargée du service d'inscription, de la formation des feuilles de route.

La seconde observation qu'il importe de faire, c'est que tout le travail de décompte de cette compagnie qui est en relation avec plusieurs compagnies se fait, non pas par la compagnie, mais par le Clearing-house, auquel la plupart des compagnies anglaises sont rattachées aujourd'hui.

C'est pour ce chemin une économie de personnel notable.

Messieurs, nous avons pour voisin et allié un chemin de fer parfaitement administré et qui se trouve à peu près dans les mêmes conditions d'exploitation que le nôtre ; c'est le chemin du Nord.

Or, puisqu'on réduit tout à une question de dépenses, et que l'on s'obstine à comparer, comparons !

Le chemin de fer de l'Etat a un développement de 125 lieues, le chemin de fer du Nord n'a guère plus, je pense, de 111 lieues de longueur.

Le chemin de fer de l'Etat a 107 stations, dont 38 haltes. Le chemin de fer du Nord, 52 stations dont 14 principales et 38 secondaires.

Le premier a 10 lignes nécessitant un personnel et un matériel spécial. Le second n'en dessert que cinq.

L'un a 21 stations extrêmes et 18 stations à locomotion ; l'autre 6 stations extrêmes et 8 stations de dépôt ou à locomotion.

Notre exploitation est reliée à six chemins de fer concédés. La compagnie du Noidtn a deux seulement, en y comprenant même le chemin de Boulogne qui a confondu ses intérêts avec ceux de son rival.

Or, quel est le chiffre, d'après le compte rendu officiel pour 1850, des dépenses d'exploitation pour te chemin du Nord ?

Administration centrale, 467,932

Division de l'exploitation, 2,221,010

Division du matériel et des ateliers, 4,779,134

Division de l'entretien et de la surveillance. 1,360,788

Total : 8,837,865,

(page 274) soit 500,000 fr. de plus qu'en Belgique où le chemin de fer a un développement de 125 lieues.

Et le trafic, est-il au moins plus considérable sur le chemin de fer du Nord ? En aucune façon. Il résulte toujours du document que j'ai rappelé plus haut qu'en 1850, le chemin de fer du Nord a transporté 3,691,760 voyageurs et 375,263 tonnes de marchandises.

En Belgique, il a été transporté, pendant le même exercice, 4,188,614 voyageurs et 1,238,886 tonnes de marchandises.

Quant au matériel, au 1er janvier 1851, voici sa composition :

Au chemin de fer du Nord : 109 locomotives, en Belgique, 170.

482 voitures de voyageurs, 218 fourgons et trucs, 2,507 waggons à marchandises.

En Belgique, le chemin de fer compte, indépendamment de 1,022 voitures pour voyageurs, 3,344 waggons pour marchandises et 349 waggons de service.

Mais les recettes, nous dit-on : Comment se fait-il que, coûtant plus que le chemin de fer belge, le chemin de fer du Nord fasse des recettes qui s'élèvent à 22 millions ?

Il y a notamment pour les voyageurs une observation capitale à faire. C'est que le parcours moyen de chaque voyageur est de 54 kilomètres ; c'est-à-dire que si ce parcours était aussi élevé sur le chemin belge, si chaque voyageur parcourait en moyenne sur le chemin de fer belge autant que sur le chemin de fer du Nord, au lieu d'avoir 123 millions de voyageurs parcourant un kilomètre, nous en aurions plus de 226 millions, nous aurions une recette de 11,309,256 au lieu de 6,950,000, puisque en effet chaque voyageur produit, en moyenne, 5 centimes par kilomètre.

De ce chef seulement, nous aurions donc une recette supplémentaire de plus de 4 millions, si nous pouvions obtenir que chaque voyageur parcourût en Belgique en moyenne autant de kilomètres que sur le chemin de fer du Nord. Or, il est évident que cette différence n'est pas due à des tarifs élevés, puisque au contraire des tarifs modérés ont pour effet d'allonger le parcours moyen des voyageurs.

Quelle est en définitive la situation financière de la plupart des chemins de fer étrangers ? Cette situation financière est-elle meilleure que celle du chemin de fer belge ? Je tiens ici un document qui résume les faits, qui les expose dans leur ensemble : c'est un rapport publié dans le courant de l'année 1850, par l'honorable M. Yates.Iil fait connaître en détail le capital, les recettes et les dépenses de treize des principaux chemins de fer de la Grande-Bretagne.

Ces chemins sont ceux de Londres au nord-ouest, le grand chemin de l'ouest, le chemin de Lancashire et d'Yorkshire, celui du centre, celui d'York et Northmidland, le chemin d'York à Berwick, celui des comtés de l'est, du sud-ouest, de Londres à Brighton, du sud-est, de Bristol à Exeter, d'Edimbourg à Glascow et le Northbritish.

Ces chemins de fer présentent un parcours de 3,164 milles.

La recette brute s'était élevée (je néglige les fractions) pour un semestre à une somme d'environ cent douze millions de francs. Les frais d'exploitation s'élevaient à 40,515,000 francs.

La dépense d'entretien et de renouvellement du matériel, à 3,947,000 francs, et les péages à d'autres compagnies, à 8,352,000 fr. ; c'est-à-dire qu'en ne comprenant pas dans la dépense d'exploitation ce qui n'est pas compris dans la dépense d'exploitation en Belgique, à savoir : les droits payés au gouvernement en Angleterre et les taxes et contributions locales, en négligeant ces deux sommes qui se montent à 3 ou 400,000 fr., on trouve que le total général des frais à prélever avant aucune distribution aux actionnaires, était de plus de 3 millions de livres.

Le bénéfice net du semestre s'élevait à 1,296,000 livres.

La moyenne des dividendes payés sur la totalité du capital des actions ordinaires, capital s'élevant à plus de 80 millions de livres, était de 3 liv. 3 sch. pour 100. En supposant que les actions eussent été achetées au pair, ce qui n'est vrai pour aucun de ces chemins de fer, puisque des actions ont été payées à 100 p. c. au-dessus du pair, l'on trouve que ces chemins ont produit l'un 3 p. c. et l'autre 4 p. c, un troisième 2 1/2 p. c, un quatrième 1 1/2 p. c.

En présence de ces faits, n'est-on pas fondé à dire que sous le rapport financier, notre chemin de fer est dans une situation aussi favorable que tous ces railways, les plus importants de l'Angleterre, et reliés à une ville comme Londres ?

J'aurais beaucoup d'observations de détail encore à présenter ; mais dans le cours de la discussion, j'aurai l'occasion peut-être de revenir sur ces questions.

Il me reste à piésenter quelques observations qui touchent à l'organisation proprement dite, à la partie administrative du chemin de fer.

Sur ce point, messieurs, je suis d'accord avec l'honorable M. de Brouwer. J'estime avec lui que cette question importe essentiellement au chemin de fer, qu'il est désirable, qu'il est urgent même que cette organisation ait lieu. A cet égard, les exemples cités par M. de Brouwer sont faits pour attirer l'attention sérieuse de la chambre.

Le système d'organisation qui existe en Angleterre repose sur le principe des spécialités et la division des services. Tout chemin de fer comprend trois services entièrement distincts : l'entretien des bâtiments, de la route et des ouvrages d'art, le service de locomotion et le service d'exploitation proprement dit, le service du mouvement, des voyageurs, des marchandises. Pour bien fonctionner, chacun de ces services doit être rattaché directement, sans intermédiaire, et sous la garantie d'une responsabilité sérieuse, au chef dirigeant, qui puise les lumières dont il a besoin dans le concours de l'administration supérieure placée directement sous ses ordres.

Messieurs, j'ai eu occasion, dans le cours de la discussion de l'annê dernière, d'annoncer cette organisation ; elle est prochaine. Au sein de la section centrale, j'ai eu encore occasion de soumettre le détail de transferts qui deviendraient la conséquence de cette organisation nouvelle.

La section centrale a pensé qu'il était plus convenable de laisser ce détail à l'écart, en se bornant à autoriser les transferts qui avaient fait l'année dernière l'objet d'une disposition transitoire. Je me suis rallié à cette résolution.

Je présenterai une dernière observation en ce qui concerne le magasin central.

L'honorable rapporteur de la section centrale a critiqué en termes assez vifs le système des approvisionnements qui est suivi en Belgique. Les compagnies, dit-il, ne font pas ces approvisionnements.

Il est assez naturel que certaines compagnies ne fassent pas d'approvisionnements, puisqu'elles ont les ressources des marchés à main ferme qui sont interdits à l'administration officielle.

Le magasin central, qui se trouve à Malines, a été établi dans des vues de prudence et de prévoyance, qui sont faciles à saisir et à comprendre. Au commencement de chaque exercice, on peut prévoir les approvisionnements qui seront nécessaires. Des adjudications ont lieu ; les prix de revient sont beaucoup plus favorables ; les marchés se font dans des conditions plus avantageuses quand on peut faire des approvisionnements considérables.

Or, ces approvisionnements restent-ils au magasin central, comme le suppose l'honorable M. de Brouwer ? Peut-on dire avec lui qu'un capital de 2 millions est enfoui au magasin central de Malines et qu'on perd de ce chef chaque année 50,000 francs d'intérêt ? En aucune façon.

Nous avons en moyenne, à la fin de chaque exercice, au magasin central, pour une valeur de 1,000 mille à 1,700 mille fr. de marchandises. Quelle est la consommation annuelle ? Elle est de 2,600 mille fr. et les renouvellements ont lieu tous les mois dans la proportion de 100 à 200 mille fr. de telle sorte qu'on n'est nullement autorisé à prétendre que des valeurs considérables demeurent sans emploi. C'est là une exagération manifeste.

Je me résume :

Il résulte des faits que je viens d'exposer que les dépenses d'exploitation des chemins de fer belges, tout en comportant des simplifications, ne sont pas supérieures à ce qu'elles sont ailleurs ; que si l'on veut comparer la situation financière du chemin de fer belge à la situation des chemins de fer étrangers, on trouve que partout ailleurs on obtient une moyenne de produit net qui n'est guère supérieure à celle que nous obtenons en Belgique.

J'attendrai, messieurs, la suite de la discussion pour présenter, s'il y a lieu, d'autres observations.

M. Clep. - Messieurs, je profite de l'occasion du budget des travaux publics pour signaler à la plus vive sollicitude du gouvernement l'état déplorable de la grande vallée de l'Yser.

Cette vallée contenant plusieurs mille hectares de prés et quelques pâtures, subit des pertes énormes par les inondations d'été.

Depuis quelques années, les inondations y sont devenues si nombreuses et si inquiétantes, que cette riche contrée ne sera bientôt plus qu'une mare infecte et insalubre si le gouvernement n'y remédie prochainement.

Ces inondations n'ont encore été qu'imparfaitement appréciées, je pense, par M. le ministre des travaux publics. Je les ferai connaître brièvement ; j'en dirai les causes ; j'indiquerai les moyens de les maîtriser, et j'ai l'espoir que la chambre et le gouvernement trouveront les travaux nécessaires à cet effet tout aussi urgents et aussi légitimes que la plupart des autres travaux exécutés aux frais du trésor public.

Je m'explique : Une grande partie des arrondissements de Furnes, d'Ypres et de Dixmude formait, à une époque très reculée, un immense lac, que l'industrie humaine est parvenue à conquérir sur les eaux et à rendre à l'agriculture.

Le sol de cette grande contrée, naturellement très bas, est traversé par la rivière l'Yser.

L'Yser prend commencement près de Cassel, département du Nord en France. Cette rivière entre en Belgique à une demi-lieue ouest de Rousbrugge. C'est de ce boug seulement qu'elle devient navigable. Elle traverse un grand nombre de communes des trois arrondissements prénommés. Elle abandonne la vallée à un quart de lieue en amont de Dixmude. Elle longe cette ville et finit par se jeter à la mer par l'écluse dite d'Ypres à Nieuport.

C'est par de grands travaux d'endiguement et d'écoulement très anciens et depuis cette époque, que le sol bas de plusieurs communes de l'arrondissement de Furnes a été préservé de toute inondation des eaux de l'Yser, et que, tout contact a cessé des eaux de cette rivière avec les eaux de l'intérieur du Furnes-Ambacht ou de la wateringue du nord de Furnes.

La grande vallée de l'Yser se ressent toujours de sa situation primitive. Les eaux surabondantes qui arrivent des environs du Mont de Cassel et de tous les autres affluents des deux arrondissements d'Ypres et de Dixmude, font chaque hiver et quelquefois en été, déborder plus ou moins fortement cette rivière. Lorsque les eaux des inondations d'hiver se retirent à temps, le limon qu'elles déposent fertilise les prés à foin.

Mais il en est tout autrement quant aux inondations d'été ; celles-ci (page 275) occasionnent des dégâts considérables, elles détruisent même quelquefois la totalité de la récolte, alors surtout qu'elles surviennent au mois de mai, juin ou juillet. A cette époque de l'été, les herbes empêchent en grande partie les eaux de se retirer, l'eau doit sécher sur place, elle forme avec les herbes pourries une croûte infecte, insalubre, et bientôt l'apparence de cette riche récolte ne présente plus que l'aspect de la ruine et de la désolation.

Je ferai remarquer que dans la vallée de I'Yser les inondations embrassent une étendue de cinq lieues et demie en longueur sur 1/2 et 1/4 de large ; que chaque inondation d'été donne de cent à cinq cent mille francs de pertes et même souvent plus encore ; enfin, que ces inondations d'été sont aussi l'origine de la plupart des épizooties, par les foins gâtés qui souvent doivent servir de nourriture au bétail des fermiers pauvres.

Ainsi restreintes aux arrondissements d'Ypres et de Dixmude, les inondations d'été de I'Yser sont encore les plus considérables et les plus nuisibles de la Belgique.

Antérieurement à 30 ans, ces déplorables inondations ne survenaient que très rarement, exceptionnellement et lors de pluies diluviennes, ce qui n'arrivait qu'une fois tous les 12 ou 16 ans. Mais depuis lors, elles se sont successivement accrues, elles sont devenues tellement fréquentes et nombreuses qu'elles se renouvellent tous les trois ou quatre ans.

La raison en est simple ; depuis une trentaine d'année, la valeur des terres est notablement augmentée et il n'y a plus de terres incultes qui obstruent les écoulements. Les terres étant plus recherchées sont mieux cultivées ; sur les labours, depuis peu d'années, les trois quarts des fossés de séparation ont été comblés et la largeur de ceux restants a été notablement diminuée ; les rigoles, fossés, canaux et rivières sont partout plus souvent dévasés ; les ponts sur I'Yser en France ont été élargis, et tout cela réuni a très fortement activé l'écoulement de tous les affluents vers I'Yser.

D'un autre côté, devant ce grand accroissement de vitesse et l'abondance des eaux, le gouvernement au lieu d'augmenter les débouchés de I'Yser, a fait l'inverse. Il diminua dans des fortes propositions les débouchés que celle rivière avait à la mer.

Ainsi, d'une part accroissement très considérable de vitesse dans tous les affluents vers l'Yser ; et d'autre part diminution considérable dans les débouchés de cette rivière à la mer. D'où inévitablement est résulté, que les inondations sont devenues infiniment plus fréquentes, plus fortes, plus nuisibles et se prolongent bien plus longtemps qu'autrefois.

Contre cette manière anormale et ruineuse de faire et d'agir, de vives et nombreuses réclamations se firent et se réitérèrent.

Pour vous donner, messieurs, une idée encore plus palpable de la justice de ces plaintes et des moyens dont le gouvernement peut disposer pour majorer considérablement les écoulements, il me suffira de vous dire que de tout temps I'Yser a eu deux débouchés à la mer. L'un par la branche occidentale et l'écluse dite d'Ypres. L'autre par sa branche orientale.

Seulement depuis trente ans, c'est-à-dire depuis un barrage fait sur le bras oriental, I'Yser n'a plus conservé pour tout débouché que l'écluse dite d'Ypres d'une ouverture seulement de 6 mètres 60 centimètres et dont le radier élevé est peu propre aux écoulements. - En restituant à I'Yser le bras oriental, le débouché actuel pourra être augmenté de la grande écluse de chasse à Nieuport de 10 mètres 10 centimètres d'ouveiture et dont le radier est de 80 centimètres plus bas que celui de l'écluse susdite d'Ypres. En sorte que, lorsque l'écluse d'Ypres ne pourra plus donner à cause de son radier élevé, l'écluse de chasse pourrait écouler encore 8 mètres 8 centimètres d'eau, ce qui est extrêmement précieux pour amoindrir les inondations d'été.

Je ferai observer que cette puissante écluse de chasse, construite dans le but d'améliorer les écoulements, est demeurée jusqu'à ce jour sans effet aucun pour obvier aux inondations d'été.

D'abord, par le barrage fait en 1821, sur la branche orientale, et ensuite par l'envasement comble survenu à cette branche dans l'intervalle de la construction du barrage à son enlèvement effectué depuis deux ans seulement.

Si je suis bien informé, l'on s'occupe maintenant de ce dévasement, et il est permis d'espérer que l'écoulement actuel de I'Yser pourra prochainement être majoré de l'écluse de chasse, ainsi que cela eût dû se faire dès 1821 ou 1822, époque de sa construction.

J'ajouterai que le débouché actuel de I'Yser par l'écluse d'Ypres, et celui à restituer par la branche orientale (et l'écluse de chasse), peuvent être augmentés d'un nouvel écoulement à Nieuport, par l'écluse dite la nouvelle écluse de Furnes de 8 mètres d'ouverture et ayant son radier 35 centimètres plus bas que celui de l'écluse dite d'Ypres.

Je dois d'autant plus insister sur ce dernier moyen, que le laps de temps, les progrès de l'époque et surtout l'abondance des eaux qui arrivent de la France, ont rendu cet écoulement nouveau absolument indispensable, pour remédier aujourd'hui efficacement aux inondations d'été. Cela se conçoit aisément, messieurs, et en effet, l'eau dans I'Yser, à la cote d'été seulement, est de 65 centimètres plus élevée que la cote d'été du canal de Loo.

L'écoulement nouveau donnerait au cœur de l'inondation, contrairement à l'écoulement habituel, lequel, après avoir quitté l'extrémité de l'inondation, doit par Dixmude parcourir encore trois lieues par I'Yser endigué, avant de se jeter à la mer.

Cet écoulement serait encore d'autant plus efficace, qu'il est en ligne droite sur Nieuport ; il aurait deux lieues de moins, et il ne serait point retardé par une foule de détours et de sinuosités comme l'écoulement usuel par Dixmude.

Je dirai aussi que l'écoulement nouveau ne devra avoir lieu qu'exceptionnellement de 5 à 8 jours au plus tous les 3 ou 4 ans, époque commune des inondations actuelles d'été. Hormis ces cas déplorables, la nouvelle écluse dite de Furnes servirait exclusivement à sa destination actuelle pour la navigation.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il ne manque pas de débouchés qui, utilisés, pourraient donner à l’Yser 5 à 6 fois plus d'écoulement qu'il n'a aujourd'hui, et qui, par conséquent, pourraient maîtriser la plupart des inondations d'été.

Après avoir exposé la cause de la plupart des inondations sur la grande vallée de I'Yser et indiqué les moyens de les maîtriser, je dois dire maintenant que le gouvernement les a occasionnées sciemment pour favoriser, par le canal de Plaschendaele, le passage de la grande navigation charbonnière sur la France. Voici, messieurs, la preuve incontestable de mon assertion.

Vers 1821, les wateringues de Vladsloo et de Camerlynkx écoulaient leurs eaux par le canal de Plasschendacle près Nieuport, et la navigation charbonnière sur ce canal était souvent entravée, même suspendue pour longtemps, par la nécessité de cet écoulement. Pour éviter ces entraves et satisfaire aux exigences de la navigation, le gouvernement supprima l'écoulement par le canal de Plasschendaele, et un autre débouché à la mer fut donné à ces deux wateringues par la grande écluse de chasse à Nieuport, ce au grand préjudice de I'Yser et de la vallée de ce nom dont tout réclamait de majorer considérablement les écoulements plutôt que de les restreindre.

Depuis lors, le débouché des eaux de ces deux wateringues par l'écluse de chasse, leur a été retiré. Elles ont reçu un troisième et nouvel écoulement, mais entre-temps la grande vallée de I'Yser demeure toujours dans la situation la plus déplorable.

L'on conçoit la légitime sollicitude du gouvernement pour l'exportation du produit de nos houillères, mais ce qui ne se comprend pas, c'est que, pour ces avantages, il ait sacrifié la grande et riche vallée de l'Yser tandis qu'il était si facile de ne point l'endommager en faisant faire préalablemenl les travaux nécessaires à cet effet ainsi que l'Etat le pouvait et le peut encore facilement., L'ingénieur en chef du gouvernement, qui a ordonné en 1821 le malencontreux barrage, a si bien apprécié les pertes énormes qui devaient s'ensuivre, qu'à la même époque, il a formulé un projet d'ouvrages pour les prévenir. Récemment encore, un autre ingénieur en chef du gouvernement a également fait un projet des travaux à exécuter dans le même but.

L'avis de MM. les ingénieurs, d'accord avec les nombreuses réclamations, est que, pour maîtriser aujourd'hui efficacement les inondations d'été, il faudra ajouter à I'Yser un écoulement nouveau et supplémentaire par le canal de Loo et par la nouvelle écluse dite de Furnes à Nieux port, ainsi que je l'ai déjà dit.

La dépense des travaux indispensables à cet effet s'élève à la somme de 500 mille francs. Mais comme la province et la wateringue du nord de Furnes offrent d'y contribuer généreusement jusqu'à 60,000 fr., pour dix.-sept communes sous cette dernière administration qui acquerraient par une partie desdits travaux un écoulement nouveau et isolé de la grande navigation, et qui, sans cette partie des travaux, ne sauraient pratiquer avec succès le drainage, le chiffre restant s'élève encore à 440,000 francs.

C'est la somme de cette dépense et la question de savoir à qui du gouvernement ou de la province elle incombe, qui a, pour ainsi dire, toujours retardé l'exécution de ces utiles et urgents travaux.

Le gouvernement prétend que les travaux sont à la charge de la province, parce que, dit-il, l'administration de I'Yser n'a pas été reprise par l'Etat. Mais, messieurs, raisonner ainsi, c'est se méprendre étrangement sur la valeur des mots et la vérité des faits. Et en effet, la province n'a jamais eu que le nom d'administrer, car de notoriété publique, ce sont les agents des ponts et chaussées du gouvernement qui régissent exclusivement et totalement le régime des eaux et la navigation sur I'Yser, tout et de la même manière que sur le canal de Bruges à Ostende qui a été repris par l'Etat.

Ce sont aussi les mêmes agents du gouvernement, pendant que I'Yser était comme aujourd'hui, soi-disant, administré par la province et malgré une foule de réclamations, qui ont fait en 1821 sur la branche orientale, le barrage qui depuis 30 ans a occasionné de pertes immenses au bassin de I'Yser, la Flandre occidentale n'a même jamais eu, que je sache, un ingénieur en chef provincial.

C'est encore le même barrage de 1821, qui a été la cause des crues d'eau d'hiver les plus dangereuses, lesquelles, à différentes reprises, ont coûté des sommes considérables à la province, pour coupures et grosses réparations aux digues, ce pour majorer très fortement les écoulements de I'Yser par la grande écluse de chasse, afin d'éviter la submersion imminente d'un grand nombre de communes et la ruine de plusieurs centaines de familles.

Avant le barrage de 1821, l'on n'avait jamais connu de crues d'eau d'hiver aussi dangereuses.

Ce serait d'ailleurs l'injustice la plus révoltante que de faire payer par la province des travaux retardés depuis si longtemps et qui exécutés plus tôt (page 276) eussent évité des pertes incalculables, pertes éprouvées par la vallée de l’Yser, dans l'inétêt exclusif des provinces houillères.

Cette seule considération, toute d'équité et de justice, me paraît décisive, péremptoire ; mais d'autres raisons encore justifient que la dépense des travaux dont il s'agit incombe à l'Etat.

Je ferai remarquer que ces ouvrages ne se feraient même pas à l'Yser, ni à ses rives ; ils seraient tout nouveaux ; ils sont devenus indispensables par le laps de temps, à l'effet de mettre les débouchés de l'Yser en rapport avec l'accroissement des eaux amenées vers cette rivière surtout des environs du Mont de Cassel, en France, avec infiniment plus de vitesse et d'abondance qu'autrefois.

Je dirai encors que l'Yser a été avant tout une rivière d'écoulement en faveur de l'agriculture et avant que le gouvernement ne s'en fût emparé pour la navigation, que ses débouchés à la mer étaient suffisants pour remédier à la plupart des inondations d'été.

Et, enfin, par ces travaux l'Etat s'éviterait les restitutions fréquentes accordées pour cas fortuits sur la contribution foncière, restitutions qui, pour quelques communes seulement de la grande vallée de l'Yser où j'ai pu me procurer les chiffres, se sont élevées à savoir :

Pour l'inondation d'été de 1841, à 11,276 fr. ;

Pour celle de 1845, à 5,514 fr. ;

Pour l'inondation de 1849, à 3,226 fr.

Les dégâts de l'inondation de juin t851 ont été infiniment plus considérables qu'à l'inondation de 1841.

Les remises que je viens d'énumérer et celles à accorder encore sur la contribution foncière pour l'inondation de juin 1851, donnent une idée légère des pertes immenses occasionnées par les inondations d'été, et du renouvellement fréquent de ces inondations pendant les dix dernières années, sur la grande vallée de l'Yser.

Il est fâcheux, ou plutôt il est déplorable, messieurs, que le conflit entre le gouvernement et la province, pour savoir à qui incombe la dépense pour maîtriser les inondations, ait différé si longtemps l'exécution de travaux aussi utiles et aussi urgents. Que l'administration de l'Yser soit à la province ou reprise par l'Etat, peu importe pour le grand nombre des propriétaires et cultivateurs du bassin de l'Yser ; mais ce qui les intéresse au plus haut degré, c'est que cette grande vallée a été sacrifiée pour favoriser le passage de la grande navigation charbonnière sur la France, et c'est que cette révoltante injustice soit réparée au plus tôt par l'exécution des travaux réclamés et indiqués par les ingénieurs.

Messieurs, par le payement de lourdes contributions, la grande vallée de l'Yser a toujours contribué largement dans la dépense de tous les travaux publics, et jusqu'à ce jour encore, le gouvernement n'a fait qu'aggraver ses inondations.

C'est seulement à l'occasion de la récente loi sur un ensemble de nouveaux travaux publics, que M. le ministre de ce département a bien voulu songer à améliorer les écoulements de l'Yser.

M. le ministre a demandé et obtenu urre somme de 600,000 fr. pour subsides à accorder pour l'amélioration de la Senne, de l'Yser et des Nèthes. Mais cette somme est par trop légère, comparativement aux travaux à exécuter, et encore je crains bien que l'Yser n'en obtienne que la part la plus minime, car cette vallée isolée, pour ainsi dire, dans un coin oublié, à l'extrémité de la Belgique, a toujours été oubliée des faveurs du gouvernement, bien que les travaux dont s'agit sont les plus importants et les plus urgents de la Flandre occidentale, et bien que de toutes les rivières de la Belgique navigables et non navigables, reprises ou non reprises par l'Etat et dont le gouvernement a amélioré les écoulements, aucune n'ait des droits aussi légitimes que l'Yser pour être améliorée aux frais du trésor.

Je termine et je rappelle que les inondations d'été de l'Yser submergent plusieurs mille hectares de prés à foin ; que chaque inoodation occasionne des perles de 100 à 500 mille francs, si ce n'est plus encore ; que pour favoriser le passage de la grande navigation charbonnière sur la France, le gouvernement a tellement aggravé les inondations, qu'elles sont devenues si fréquentes qu'elles se répètent tous les trois ou quatre ans ; le sol s'en ressent nuisiblement de l'une jusqu'à l'autre, à tel point que la racine même des bonnes herbes menace de se pourrir, et si les travaux réclamés sont retardés encore de quelques années, l'on ne verra bientôt plus que roseaux et herbes parasites nuisibles au bétail, une mare infecte et insalubre, de cette grande et riche vallée où l'on fauchait jadis les plus abondantes et les plus productives récoltes.

Messieurs, j'ai exposé la vérité des faits ; je prie M. le ministre de bien vouloir s'en enquérir, et de cet examen résultera, je l'espère, que le gouvernement avisera aux fonds nécessaires pour remédier au plutôt aux inondations d'été de l'Yser, inondations, je le répète, qui depuis quelques années, ont mis la grande vallée de ce nom dans la situation la plus déplorable, et inondations que le gouvernement peut facilement maîtriser tout en maintenant la grande navigation charbonnière sur la France dans la jouissance de tous ses avantages sur les canaux situés dans la Flandre occidentale.

M. Osy. - Messieurs, le rapport de l'honorable M. de Brouwer n'ayant été distribué qu'avant-hier, il m'a été impossible de l'examiner avec attention. M. le minière vient de répondre à quelques-uns des arguments présentés par l'honorable rapporteur ; je ne dirai rien en ce moment de son discours, mais il est une observation de M. le ministre qui m'a frappé : en parlant des soaiélés anglaises, il a dit qu'elles faisaient des comptes simulés ; je penso qu'il a voulu dire des comptes peu exacts.

Dans ce cas, messieurs, je puis faire le même reproche au gouvernement belge : nous votons tous les ans un budget, nous voyons au budget des voies et moyens les recettes présumées, nous voyons au budget des travaux publics des dépenses. Mais M. le ministre oublie d'ajouter les sommes que nous votons tous les ans sous forme de crédits supplémentaires. En 1848 on nous a demandé un crédit supplémentaire pour augmenter le matériel et pour renouveler les billes et les rails ; si je ne me trompe, ce crédit s'élevait à 3 millions. L'année dernière nous avons voté un autre crédit supplémentaire qui approchait de 2 millions. Enfin, messieurs, n'oublions pas qu'il y a peu de mois M. le ministre nous a demandé encore, par le projet de loi sur les travaux publics, un crédit d'un million pour renouvellement du matériel des rails et des billes.

Je pourrais donc adresser au gouvernement le reproche qu'il fait aux compagnies anglaises, et dire que le budget n'est qu'un compte simulé.

M. le ministre a dit aussi que les compagnies anglaises imputent beaucoup de dépenses sur le capital ; eh bien, messieurs, c'est ce qui se fait également chez nous. On vient toujours nous dire que le chemin de fer a coûté, d'après le gouvernement, 160 millions, et d'après la cour des comptes 220 millions. Mais, messieurs, si vous ajoutez à cela tous les crédits supplémentaires que nous avons votés, vous arrivez à une somme beaucoup plus élevée. Sous ce rapport donc, les comptes du gouvernement sont également tout aussi peu exacts que ceux des compagnies anglaises.

Messieurs, dans le projet de loi de travaux publics, on a demandé seulement pour les stations et pour le renouvellement du matériel, une somme d'un million. Mon honorable collègue M. Loos et moi, avions demandé dans la section centrale que ce crédit fût porté à 5 millions, parce que nous pensions qu'il était temps d'achever les stations principales qui sont réellement dans un élat déplorable, et vous vous rappelez, messieurs, que dans la discussion publique l'honorable M. Rolin, ancien ministre des travaux publics, a reproduit cette proposition, qui malheureusement n'a pas été adoptée.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si, quoiqu'il n'ait pas demandé de fonds pour les travaux des stations, les plans relatifs à ces travaux sont faits.

On fait à Anvers un hangar qui doit coûter beaucoup ; si ce hangar doit rester définitivement après que la station sera achevée, je n'ai pas d'objection à faire ; mais si les plans ne sont pas arrêtés et si le hangar doit être démoli, ce sera beaucoup d'argent perdu. Je prierai M. le ministre de vouloir bien nous donner des éclaircissements à cet égard.

Messieurs, je regrette beaucoup que M. le ministre des travaux publics n'ait pas déposé dans la session dernière le tarif des marchandises. Voilà plus de deux ans que M. Rolin nous a promis ce tarif, et M. le ministre actuel nous a fait la même promesse ; eh bien, si l'on tarde encore à le déposer, nous pourrons peut-être l'examiner en section dans la session actuelle, mais à coup sûr nous ne pourrons pas le voter.

J'engage beaucoup M. le ministre à nous présenter ce tarif le plus tôt possible, afin que si nous ne pouvons pas le voter, les chambres de commerce puissent au moins l'examiner.

Je ne dis pas que les chambres de commerce doivent être consultées ; mais, comme l'a dit le gouvernement dans une autre séance, elles ont l'initiative et elles pourront nous adresser leurs observations.

Je demanderai encore à M. le ministre un renseignement sur le projet de loi de travaux publics, que nous avons voté récemment. Cette loi va, maintenant, être promulguée au premier jour, puisque, toutes les lois financières étant votées, le gouvernement est nanti des fonds nécessaires pour les travaux publics.

Mais vous vous rappelez, messieurs, que l'honorable M. Malou avait proposé un amendement très sage tendant à ce qu'on ne commençât les travaux publics que quand on serait certain que tous les travaux décrétés pourraient être exécutés, tant ceux qui sont abandonnés aux compagnies que ceux qui doivent être faits directement aux frais de l'Etat. Vous vous rappelez également, messieurs, que cet amendement ne fut pas adopté. Maintenant les cahiers des charges de toutes les sociétés concessionnaires stipulaient que ces sociétés n'étaient engagées que pour la session dernière.

Toutes les compagnies, sans exception, se trouvent donc dégagées. Je demanderai à M. le ministre s'il a fait de nouvelles conventions, et si les compagnies se trouvent de nouveau liées pour la session actuelle, si, en en un mot, elles sont tenues de remplir les engagements qu'elles avaient contractés, et si les cautionnements seront versés de manière que nous ayons la certitude qu'au moins les travaux qui ont été votés avec tant de largesse ne seront pas perdus pour les localités intéressées.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Je remercie M. le ministre des quelques paroles bienveillantes à mon égard qu'il vient de prononcer ; mais si ces paroles me flattent extrêmement, elles ne peuvent pas néanmoins m'empêcher de relever les erreurs commise s par M. le ministre.

M. le ministre m'a reproché de m'être placé à un point de vue trop rétréci. M. de Brouwer, dit-il, n'a considéré le chemin de fer que sous le rapport des dépenses d'exploitation ; il aurait dû voir notre chemin de fer du point de vue des recettes, car là est son avenir.

Messieurs, j'avoue avec M. le ministre que la question des dépenses est de toutes les questions si graves que soulève le budget des travaux publics la moins importante, et certes ce n'est pas la première fois que je le proclame ; je l'ai dit et je l'ai répété à satiété dans mon rapport. (page 277) M. le ministre me prêterait-il une opinion pour avoir le plaisir de la combattre ? Je ne puis le croire ; il est trop bienveillant à mon égard.

Et cependant où M. le mimstre a-t il trouvé que je compare notre chemin de fer aux chemins de fer étrangers au point de vue des dépenses et des recettes ? Où a-t il trouvé quo je critiquait le rapport qui existe cotre les recettes et les dépenses dans leur comparaison avec les chemins de fer des compagnies ? J'ai dit, j'ai ajouté, à plusieurs reprises, le contraire, j'ai dit quî de pareilles comparaisons conduisaient presque toujours à des résultats erronés.

Tout le discours que M. le ministre a prononcé n'a eu d'autre but que de combattre ce que moi-môme j'avais combattu, que d'apporter de nouveaux arguments à l'appui des miens, et non point de détruire des opinions que j'aurais émises, des erreurs graves, comme disait M. le ministre, dont je me serais rendu coupable.

J'ai envisagé la question au môme point de vue auquel il voudrait qu'elle fût considérée, au point de vue de son avenir, de ses recettes. Le chemin de fer ne peut pas produire, ai-je dit, tout ce qu'il est capable de produire, parce qu'il est mal administré, parce que son administration est trop compliquée, parce qu'il n'y a pas de chefs réels de service, parce qu'il n'y a pas de responsabilité.

J'ai fait des comparaisons, mais ces comparaisons n'ont été établies que sur un seul point : j'ai comparé le mécanisme de notre administration à celle des chemins de fer appartenant à des compagnies, et ces comparaisons M. le ministre ne lésa pas repoussées ; il ne le pourrait pas à moins qu'on n'eût la prétention de faire en Belgique autrement qu'on ne fait ailleurs. Or, cette prétention, certes, M. le ministre ne l'a pas ; il a énoncé sa volonté d'emprunter aux chemins de fer des compagnies les institutions qui lui ont semblé plus parfaites que les nôtres. Pourquoi blâmerait-il en moi ce qu'il annonce vouloir faire lui-même ?

Non, rien de ce que M. le ministre a dit dans son discours ne s'applique à mon rapport. M. le ministre a constamment été à côté des questions que j'ai traitées ; il a combattu des opinions que je n'avais pas émises.

Il me semble que M. le ministre l'avait compris ; je ne m'explique donc point son discours, car pour me combattre il a dû aller puiser dans quelques phrases que j'avais prononcées, il y a un an, certaines allusions que je faisais à ce que les dépenses d'entretien de notre matériel sont plus élevées qu'à d'autres chemins de fer.

J'ai aujourd'hui à cet égard une opinion mieux arrêtée encore que je ne l'avais à cette époque. Je crois que nos dépenses sont trop grandes. Que M. le ministre combatte cette opinion, je le veux bien, mais qu'il ne la combatte pas par des arguments que je ne puis accepter de lui, puisque je les repousse pour moi-même.

M. le ministre, restant toujours dans le même cercle, me reproche d'avoir puisé des renseignements dans les comptes des compagnies anglaises. Pour toute réponse, je dis que je n'ai pas extrait un seul chiffre de ces comptes. Je puis donc accepter, s'il le désire, tout ce qu'il a dit sur le peu d'exactitude de ces comptes. Ce que j'avance, dans mon rapport, c'est ce que j'ai vu de mes yeux.

L'honorable ministre a dit que je soutenais que les lignes anglaises produisent plus que les nôtres. A quelle page ai-je énoncé une pareille opinion ? Dites donc, où ai-je avancé pareille chose ?

Ce que j'ai pensé, mais ce que je n'ai pas dit, c'est que ces chemins ne produisent des recettes qui contentent leurs actionnaires qu'à force d'énergie, d'intelligence des affaires. Ce que je n'ai pas dit, mais ce que j'ai pensé, c'est que si ces lignes étrangères étaient gérées comme la nôtre, elles ne produiraient pas 3 ou 4 ou 5 p. c, mais ne produiraient pas 1 p. c.

L'honorable ministre a répondu à une observation que j'ai faite réellement. Cette critique portait sur les approvisionnements trop considérables accumulés dans nos magasins. L'honorable M. Frère a vu ce vice avant moi. Il annonçait à la chambre son intention de les réduire. Ils s'élevaient à cette époque à une somme de 1,700,000 fr. Depuis lors, au lieu de les diminuer, on s'est plu à les augmenter. (Interruption de M. le ministre des travaux publics.)

Il y a eu un accroissement depuis lors. Les approvisionnements qui sont faits au moyen des fonds de première construction sont moindres aujourd'hui qu'ils ne l'étaient à cette époque ; mais les approvisionnements faits au moyen des fonds du budget sont beaucoup plus considérables.

Je comprends la nécessité de certains approvisionnements, mais, certes, il ne faut pas cinq, dix, quinze fois plus d'approvisionnements que l'on n'en consomme dans le courant de l'année. Or, il y a certains approvisionnements qui suffiraient non seulement pour cinq ou dix ans, mais pour cinquante ans.

M. de Muelenaere. - J'avais demandé la parole en entendant le discours de mon honorable voisin, pour ajouter quelques mois aux observations qu'il a eu l'honneur de vous présenter. Il a traité la question de la vallée de l'Yser avec une profonde connaissance pratique des besoins de cette vallée. Je désire attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point. Vous savez que la vallée de l’Yser est une des plus belles et des plus riches du pays. Malheureusement elle souffre considérablement des inondations d’été.

Depuis 30 ans environ, la rivière de l’Yser, pour l'évacuation de toutes les eaux de cette contrée, n'avait plus qu'un débouché, c'était l'écluse d'Ypres à Nieuport. Or, cette écluse, de construction assez ancienne, est dan de mauvaises conditions ; le radier est trop haut et l'écluse n'a que 6 mètres 60 c. d'ouverture à la mer. Cette rivière avait un autre écoulement par sa branche orientale et l'écluse de chasse à Nieuport.

Cîlle voie a été entièrement supprimée en 1821 dans l'intérêt de la navigation charbonnière du Hainaut qui à cette époque prenait une grande extension.

Malheureusement les travaux proposés par l'ingénieur de la province en compensation du débouché enlevé à la rivière de l'Yser n'ont jamais été exécutés.

En France, d'ailleurs, les choses ne sont pas restées dans le statu quo. Dans le département du Nord, les terres ont acquis une grande valeur et elles ont été mieux cultivées, les affluents de l'Yser ont été redressés, la largeur et la profondeur en ont été considérablement augmentées et les ponts élargis.

Il en résulte que les eaux de France arrivent en Belgique avec une force et une violence dont nous n'avions jamais eu d'exemple précédemment, de sorte qu'il est indispensable de donner aux eaux qui nous arrivent du Mont Cassel une autre direction.

L'honorable M. Clep a présenté un moyen qui a besoin d'être examiné par les hommes de l'art et qui serait d'une utilité incontestable pour la vallée de l'Yser s'il pouvait être mis en pratique. Il consisterait à utiliser les moyens d'écoulement et les travaux d'art actuellement existant. M. Clep se servirait du canal de Loo pour écouler une partie des eaux.

Il est à remarquer qu'en été les eaux du canal de Loo sont de 65 centimètres plus basses que dans l'Yser ; il utiliserait un travail d'art très important existant aujourd'hui, la nouvelle écluse de Furnes à Nieuport. Il n'y aurait, d'après lui, à faire qu'un très petit nombre de travaux supplémentaires pour donner aux eaux de cette vallée une évacuation peut-être quintuple de celle qu'elle a aujourd'hui, et pour mettre les wateringues à même de maîtriser les plus fortes inondations d'été.

C'est à ce point de vue que je recommande la proposition de M. Clep à l'attention la plus sérieuse du ministre des travaux publics, par deux raisons : la première est qu'elle aurait, aux yeux de l'honorable M. Clep, une efficacité réelle pour prévenir les inondations ultérieures, et la seconde est que les travaux qu'il propose, vu l'importance de l'objet, ne devraient occasionner qu'une dépense extrêmement minime.

Je crois que le moyen proposé mérite d'être examiné par les hommes de l'art ; une enquête devra être faite, et si l'exécution est possible, il serait bon qu'on mît la main à l'œuvre le plus tôt possible.

M. le ministre des travaux publics qui connaît toute l'importance et les besoins de la vallée de l'Yser, sera à même, j'espère, de faire exécuter les travaux qui sont réclamés dans l'intérêt de cette importante contrée. J'aime à croire qu'il trouvera des ressources suffisantes pour faire, face à cette dépense dans les sommes déjà mises à sa disposition pour exécution de travaux publics.

Projet de loi autorisant la perception d’un péage sur le pont du Val-Saint-Lambert

Dépôt

Projet de loi prorogeant la loi du 30 juin 1842 sur la réduction des péages sur les canaux et rivières de l'Etat

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi ayant pour objet la perception d'un péage sur le pont du Val St-Lambert et un projet de loi de prorogation de la loi du 30 juin 1842 relative à la réduction des péages sur les canaux et rivières de l'Etat.

Pour ce second projet je demanderai le renvoi à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, le délai expirant le 31 décembre.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets de loi qu'il vient de déposer.

Ces projets seront imprimés et distribués.

La chambre renvoie l'examen du premier aux sections, et du second, à la section centrale du budget des travaux publics.

La séance est levée à quatre heures et demie.