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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 27 novembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 169) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« M. le ministre de la justice fait connaître que le sieur Jean-Gabriel Deshayes, dont il renvoie la demande de naturalisation, a quitté furtivement Bruxelles depuis environ un mois, et qu'il se trouve dans l'impossibilité d'acquitter le droit d'enregistrement fixé par la loi du 15 février 1844. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Les employés du mont-de piété a Gand, obligés par leurs fonctions de se trouver à leur bureau les dimanches, demandent à être dispensés d'assister aux exercices de la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi modifiant l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« Plusieurs habitants de Gand demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Fransen réclame l'intervention de la chambre pour contraindre le notaire qui a été chargé de liquider la succession de sa mère de lui rendre un compte spécial et détaillé de ses opérations. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs distillateurs de Louvain et d'Aerschot demandent une loi qui permette aux distillateurs agricoles de travailler sur une quantité de matières plus forte que celle fixée par la loi de 1851. »

M. Landeloos. - Messieurs, la pétition dont on vient de faire l'analyse ayant pour objet de démontrer le préjudice que cause aux distilleries agricoles le régime auquel la loi de 1851 les a soumises, il est urgent que des mesures soient prises pour faire cesser un état de choses qui ne peut manquer de nuire aux intérêts de l'agriculture ; je demande que la commission d'industrie, à laquelle je propose de renvoyer cette pétition, soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. de Sécus, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Rapport sur une pétition

M. E. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la pétition de quelques officiers d'origine étrangère.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. Thiéfry, rapporteur. - Messieurs, lorsque la section centrale qui a été chargée de la demande de crédit de 8,450,000 fr. a délibéré sur le projet de loi soumis à vos délibérations, elle a pensé d'après la lettre de M. le ministre des finances que la somme de 2,092,000 fr. aurait suffi au payement de la solde des troupes pendant le mois de décembre ; mais il résulte des renseignements recueillis près de M. le ministre de la guerre que dans le chiffre de 8,450,000 fr. la solde figure pour 3,071,000 fr. La chambre délibérera sur le surplus lorsqu'elle s'occupera du restant du crédit demandé.

Messieurs, on m'a fait observer qu'il y aurait une légère modification à apporter à l'article 3 du projet de loi proposé par la section centrale ; elle consisterait à terminer l'article par ces mots : « ou par une émission de bons du trésor ».

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est accordé au département de la guerre un crédit de deux millions quatre-vingt-douze mille francs (fr. 2,092,000), pour la folde des troupes. »

- Adopté.


« Art. 2. Le Roi déterminera, par des arrêtés, l'emploi de ce crédit entre les divers articles du budget, selon les besoins réels du service. »

- Adopté.


« Art. 3. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1852, ou par une émission de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 67 membres présents.

Ce sont : MM. Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Maertens, Malou, Mascart, Matthieu, Moreau, Orban, Orts, Osy, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (C), Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere, de Steenhault, Destriveaux, Devaux, Faignart, Jacques, Jouret et Delfosse.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Articles 39 à 40

« Art. 39. Frais de route et de tournée : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre VI. Milice

Articles 41 et 42

« Art. 41. Indemnité des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. Vacations des officiers de santé en matière de milice. Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 63,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription. Frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,100. »

- Adopté.

Chapitre VII. Garde civique

Articles 43 et 44

« Art. 43. Inspecteur général et commandants supérieurs de la garde civique. Frais de tournées : fr. 6,885. »

- Adopté.


« Art. 44. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, etc. : fr. 13,115. »

- Adopté.

Chapitre VIIII. Fêtes nationales

Article 45

« Art. 45. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40,000. »

La section centrale propose de réduire ce crédit à 30,000 fr., chiffre de l'année dernière.

Le gouvernement ne s'est pas rallié à cette proposition.

M. Coomans. - Messieurs, je viens défendre la proposition de la section centrale et je le ferai en peu de mots.

D'abord, la chambre voudra bien remarquer que les sections ont été unanimes à ne point voter le supplément pétitionné par le ministère. La première, la deuxième, la quatrième, la cinquième et la sixième sections, dont quatre à l'unanimité, ont rejeté l'augmentation. La troisième section s'est abstenue, se référant à l'examen de la section centrale. Voilà déjà, messieurs, une manifestation remarquable du vœu de la chambre. Il semble que le crédit de 30,000 fr., qui a suffi, ou qui aurait dû suffire, pendant de longues années, même pendant les premières années de notre émancipation nationale, ne devrait pas être augmenté aujourd'hui que nous nous rapprochons de plus en plus de la Hollande, devenue pays ami et alliée naturelle.

Mais, messieurs, ce qui m'a surtout excité à prendre la parole, c'est la manière dont le gouvernement a demandé cette augmentation de crédit. Je lis au rapport de la section centrale :

« Dans l'opinion du gouvernement, si la somme de 10,000 fr. n était pas accordée, il est à présumer qu'on devrait, comme pour le passé, recourir à des crédits supplémentaires. »,

Messieurs, cela signifie en français clair et loyal que si la chambre ne vote pas le supplément de crédit, on le dépensera tout de même malgré la chambre, et on a soin d'ajouter que cela se fera conformément aux précédents, précédents qui ne sont, en effet, que trop nombreux.

(page 170) Je pense, messieurs, qu'il n'est pas de la dignité de la chambre de laisser se formuler ainsi des demandes, des menaces, dirai-je. (Interruption.)

Je constate que la chambre a refusé plusieurs fois une augmentation de crédit ; cependant les crédits votés par la chambre et votés parce qu'elle les considérait comme suffisants, ces crédits ont toujours été dépassés.

Ce précédent est un abus qu'il faut réprimer et réprimer sévèrement ; sinon à quoi bon nous appeler ici pour voter les dépenses ? Le ministère peut aisément nous épargner cette corvée, et ne nous convoquer que pour obtenir de nous des crédits supplémenlaires, couvrant des dépenses consommées selon son bon plaisir.

Il me semble qu'il n'est pas du tout difficile de rester dans les limites du crédit.

En vain objectera-t-on que, pendant un certain nombre d'années, on en est sorti ; je réponds qu'il ne fallait pas en sortir. Rien n'est plus aisé que de donner, par exemple, en entreprise à forfait, les fêtes dont la capitale profite principalement ; à coup sûr ; il n'est jamais impossible de ne pas dépasser un crédit fixe, légal, et s'il faut allumer quelques lampions de moins, le mal ne me paraîtra pas considérable.

M. Roussel. - Messieurs, je me trouve en quelque sorte obligé de prendre la parole par l'allusion que l'honorable préopinanl vient de faire à la capitale, au sujet d'un crédit qui concerne, non pas la capitale en particulier, mais le pays tout entier.

Il ne s'agit pas de repousser une menace que, pour mon compte, je n'ai pas trouvée dans l'exposé des motifs du budget ; il ne s'agit pas de décider une question de convenance vis-à-vis du corps législatif, mais de juger de l'opportunité du crédit demandé. Je m'efforcerai d'être calme dans l'appréciation des motifs qui doivent nous déterminer à voter le supplément de 10,000 francs que le gouvernement réclame.

Quel est l'objet du crédit ?

Ce sont les frais de la célébration des fêtes nationales, c'est-à-dire, des fêtes destinées à rappeler aux populations de la Belgique le plus grand des bienfaits dont elles jouissent, le bienfait de la nationalité et de l'indépendance du pays, de ce pays qui depuis 22 ans, vit d'une vie heureuse et libre, et qui, je l'espère, jouira toujours de ce bonheur.

Vous devez autoriser les cérémonies qui rappellent à la mémoire des populations l'arrivée du Roi Léopold en Belgique, de ce prince qui depuis 21 ans, nous gouverne, à la grande satisfaction de tous les habitants et que nous pouvons considérer comme étant en quelque sorte l'une des bases de notre nationalité et de notre indépendance.

M. Coomans. - Cela n'a pas besoin d'être démontré.

M. Roussel. - Cela n'a pas besoin d'être démontré !... Mais si vous ne réveillez pas ce sentiment tous les ans dans l'esprit des populations ; si par le spectacle donné aux yeux vous ne faites pas que la Belgique s'habitue à ne trouver sa vie que dans son indépendance, vous manquez votre grand but de législateurs nationaux.

Il me paraît, messieurs, que c'est une obligation pour nous de former de plus en plus les mœurs des populations, et d'ancrer de plus en plus, si je puis m'exprimer ainsi, le sentiment de l'indépendance dans les âmes.

Vous n'y parviendrez pour certaines intelligences que par le spectacle donné aux yeux ; il faut de la splendeur aux fêtes pour réchauffer dans les âmes le sentiment national. Si je me permets de me constituer ici le défenseur de ce sentiment en appuyant le chiffre réclamé par le gouvernement, c'est que ce chiffre est pour moi un symbole.

Ne nous inquiétons pas de la question de savoir si la dépense devrait être supportée par une commune ou par une autre. Le jour où l’on célèbre l'anniversaire de l'indépendance nationale, tout le pays est à Bruxelles ; les uns s'y trouvent réellement, les autres y sont par le cœur ; les souvenirs auxquels je fais allusion, j'ai quelque droit de les rappeler, car moi aussi j'ai pris une certaine part aux événements de 1830.

Sans entendre violenter aucune conviction, je rappellerai que l'indépendance nationale nous a coûté quelque chose ; nous n'avons point obtenu sans luttes un si grand résultat, et j'estime que l'on peut sans inconvénient consacrer dix mille francs de plus à un souvenir aussi précieux que celui-là.

Permettez-moi, messieurs, une dernière observation. Je ne veux pas être long.

On parle de la constitution, en Belgique, d'un parti national qui ferait disparaître à tout jamais ces luttes malheureuses dont nous avons été récemment encore les témoins. Eh bien, unissons-nous tous dans une occasion qui me paraît solennelle, uuissons-nous pour reconnaître que la nationalité belge est le point de départ de la politique ; unissons-nous dans le vote du chiffre insignifiant en lui-même qui nous est demandé ; montrons à la Belgique, de laquelle nous tenons notre mandat, que l'indépendance nationale est le premier souci de la législature, et que ce beau sentiment nous paraît devoir être rappelé avec le plus d'éclat, le plus de splendeur et le plus fréquemment possible.

M. de Man d'Attenrode. - Je viens soutenir la réduction proposée par la section centrale. Le gouvernement propose une augmentation de 10 mille francs, la section centrale propose le maintien du chiffre voté précédemment 30,000 fr. Eh bien, l'adoption de l'augmentation proposée tend à résoudre une question importante.

Il s'agit de savoir si la limite de nos lois de crédit sera respectée, il s'agit de savoir si c'est en dépassant systématiquement un crédit pendant plusieurs années, que le gouvernement trouvera le moyen d'obtenir l'augmentation qui lui a été refusée.

Qu'a fait le gouvernement dans le passé ?

La chambre ne lui a alloué que 30 mille francs, et chaque année il a dépassé la limite posée par la loi du budget. Et lorsqu'il a été obligé de réclamer des crédits supplémentaires, il a déclaré que tant que la législature ne lui allouerait que 30,000 francs il dépasserait le crédit.

Je dis que cette manière de procéder constitue une violence exercée sur la législature, et comme je ne veux pas consacrer ce système, je ne voterai pas l'augmentation demandée. J'ai encore un motif pour refuser l'augmentation. L'honorable M. A. Roussel nous a dit, avec un sentiment inspiré par le patriotisme, que ces fêtes tendaient à rappeler un glorieux souvenir. Il ne s'agit pas ici de mettre ces fêtes en question ; nous voulons le maintien de ces fêtes, il s'agit tout simplement de savoir si les 30,000 fr. qui ont été votés antérieurement ne suffisent pas pour célébrer convenablement ces fêtes. Je dis sans hésiter que ce crédit est suffisant ; en voici les motifs.

L'honorable M. Roussel disait, il y a un instant : Mais la ville de Bruxelles n'est pour rien dans ces fêtes, ces fêles ne l'intéressent en aucune façon.

Je ne puis être de son avis ; c'est l'octroi de la capitale qui en retire tout le bénéfice ; or puisque cela ne peut être contesté, c'est à la ville de Bruxelles à suppléer les 10,000 fr. que le déparlement de l'intérieur réclame.

La chambre a alloué dans le passé, nous a-t-on dit, 50,000 fr., puis 40,000, le crédit a été réduit à 30,000. Voulez-vous en savoir les motifs ? C'est que l'Etat est venu à l'aide de la ville de Bruxelles pour rétablir son état financier en prenant à sa charge l'entretien des bâliments et des collections qu'ils renferment, et en lui accordant en sus une somme de 300,000 fr.

Depuis cette époque la ville de Bruxelles se trouve en situation de suppléer aux frais que le département de l'intérieur juge nécessaires pour donner à ces fêtes tout le lustre qu'elles comportent. Je ne puis donc me rallier à l'augmentalion demandée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ainsi qu'on vient de le dire à la chambre, il ne s'agit pas de démontrer ici que tous nous sommes attachés à l'indépendance nationale, et que nous sommes prêts à faire tous les sacrifices désirables pour la maintenir. Il n'y a dans cette assemblée qu'un seul sentiment, une seule voix pour proclamer de pareilles vérités. Je réduirai donc la question à une simple question de chiffre. Faut-il ou ne faut-il pas 40 mille francs pour célébrer dignement les fêtes nationales, dont nous comprenons l'importance et que nous voulons tous maintenir ? Voilà toute la question. J'abonderai à l'instant même dans le sens de l'honorable membre qui a reproduit la thèse des crédits supplémentaires ; je dirai avec la plupart d'entre vous, sinon avec tous, qu'il ne faut pas dépasser les crédits votés par le pouvoir législatif, qu'il faut le moins possible faire appel aux crédits supplémentaires.

Je voudrais, pour ma part, pouvoir me les interdire d'une manière absolue, mais j'ajouterai que lorsqu'on veut, dans un intérêt d'économie, prescrire un bon système de comptabilité, quand on veut que les crédits votés ne soient pas dépassés, j'ajouterai qu'il faut alors affecter aux services publics les sommes nécessaires pour y pourvoir d'une manière convenable.

Si cette proposition est vraie, il ne s'agit plus, dans le cas spécial, que d'examiner si, avec une somme de 30,000 francs, on peut célébrer dignement les fêtes nationales, de façon qu'elles répondent à l'attente du pays, aux intentions de la législature. A cette question, les faits répondront mieux que les discours. Vous avez, dès le principe, consacré 50,000 francs à la célébralion des fêtes nationales. Quelque temps après, ce chiffre vous a paru trop élevé. Vous avez réduit le crédit à 40,000 fr. Le gouvernement s'est conformé à vos intentions, il s'est renfermé dans le chiffre de 40,000 francs, au risque d'ôter à ces fêtes le caractère grandiose qu'elles auraient eu avec un chiffre plus élevé. Mais comme, en matière d'économie, aiusi qu'en toute chose, on arrive parfois à des exagérations, on a voulu réduire le crédit au chiffre de 30,000 francs.

Qu'est-il arrivé ? Le gouvernement a-t-il pu encore vous suivre sur ce terrain ? Le gouvernement, dont le premier devoir est sans doute de se renfermer dans les crédits votés, doit veiller aussi à ce que la dignité du pays ne se trouve pas compromise dans des manifestations qui émanent de la représentation nationale. Or, il n'a pas été possible au gouvernement de se renfermer dans le chiffre de 30,000 francs, il a dû procéder par voie de crédits supplémentaires que vous avez ensuite régularisés.

Cette expérience s'est renouvelée à plusieurs reprises ; et quelques efforts qu'on ait faits pour se renfermer dans les crédits réduits, on n'y est pas parvenu.

Cela veut-il dire que les propositions actuelles et les explications qui les accompagnent renferment une menace, un système, une intention préconçue de la part du gouvernement de ne faire aucun cas des décisions de la chambre, de dépasser les crédits ? Pas le moins du monde.

J'ai le regret d'avoir vu mettre sur ce point en suspicion les intentions loyales du gouvernement.

D'après ce qui vieut d'être dit, il semblerait que les motifs donnés à l'appui de la demanda de crédit de 40,000 fr. laisseraient supposer que le gouvernement ferait peu de cas des décisions de la chambre et qu'il se montrerait disposé à s'affranchir des prescriptions du budget.

Messieurs, il est impossible de supposer de semblables intentions aux auteurs du budget qui vous est soumis.

(page 171) En ce qui me concerne, je m'empresse de déclarer que le gouvernement se renfermera dans les crédits que votera la chambre, quels qu'ils soient ; mais mon devoir m'impose de faire valoir, à l'appui des chiffres que nous avons présentés, des considérations fondées sur l'expérience pour démontrer l'insuffisance du crédit proposé par la section centrale, et vous accepterez, messieurs, ces observations comme l'expression d'une conviction loyale et sans y attacher jamais le caractère d'une menace, pas même d'un avertissement.

En deux mots, messieurs, le gouvernement a cru devoir vous déclarer que le crédit antérieur était insuffisant. Il démontre cette insuffisance par les essais faits à plus d'une époque.

Maintenant, pour vous dire toute ma pensée ; si, malgré la démonstration, fondée sur des chiffres, de l'insuffisance du crédit de 30 000 fr., l'augmentation est refusée ; eh bien, je le déclare avec franchise, on ne dépensera pas plus de 30,000 fr., mais nous n'aurons pas la responsabilité des résultats.

Messieurs, quoi qu'il en soit, avant de faire cette déclaration franche et sincère, il était de mon devoir de vous éclairer complètement sur les faits et de vous démontrer par des chiffres, par des renseignements ayant l'autorité de l'expérience, qu'avec une somme de 30,000 fr., il est impossible de faire bien, de faire avec dignité ce que la chambre veut qu'on fasse.

Maintenant, messieurs, à vous de décider. Le gouvernement attend avec confiance.

M. Roussel. - Je ne sais pas, messieurs, si j'ai été bien compris. Mon but était, non pas de vous émouvoir et d'enlever le chiffre à l'aide de considérations de nationalité, mais de faire ressortir ce que ce chiffre a d'important au point de vue de sa destination, surtout au point de vue de l'influence que nos débats peuvent avoir à l'étranger. Il me paraît, messieurs, que de pareils crédits ne doivent pas être légèrement refusés.

Il me semble aussi qu'il ne faut pas discuter centime par centime un crédit qui a pour objet de faire revivre dans tous les esprits des circonstances, des faits, des souvenirs aussi graves que ceux dont il s'agit.

Puisque nous sommes d'accord sur le chiffre, je n'ai plus rien à dire si ce n'est que l'honorable M. de Man me paraît traiter la capitale avec peu de justice. En effet, messieurs, si la capitale retire certains avantages de sa position, ces avantages sont compensés par un grand nombre d'inconvénients et de charges. On a parlé de la rente faite à la ville de Bruxelles en échange de ses immeubles et de ses collections ; mais rappelez-vous donc l'origine de cette rente et la cause qui a nécessité la rente ! (Interruption.) Il faut bien que je défende la capitale lorsqu'on apprécie mal sa position, ses intérêts et ses droits.

- Plusieurs membres. - On est d'accord.

M. Roussel. - Vous dites qu'on est d'accord, soit ; mais qu'on ne se fasse plus une idée fausse, erronée de la situation de la ville de Bruxelles et des avantages qu'elle retire de cette situation.

Il est évident, d'ailleurs, qu'on ne peut pas faire dégénérer une question nationale en une question communale ; on ne peut pas dire que, parce que Bruxelles tire quelque avantage de ces fêtes, c'est Bruxelles qui doit les payer, alors que leur but est essentiellement commun, essentiellement collectif, essentiellement rational.

Il ne faut pas confondre la nature des dépenses avec le lieu où elles se font.

- La clôture est demandée.

M. Lebeau (sur la clôture). - Messieurs, je n'ai pas l'intention de prolonger ce débat ; je désire seulement que la chambre sache bien ce qu'elle va voter. Il m'a paru résulter de l'adhésion que les paroles de M. le ministre de l'intérieur ont reçues, que l'on était tous d'accord que sans le bénéfice de la déclaration solennelle qu'il a faite quant à la manière dont il entend disposer du crédit, on voterait à une grande majorité la proposition du gouvernement. S'il en est ainsi, je déclare ne pas vouloir prendre la parole ; mais j'ai cru qu'il était utile de bien déterminer l'importance du vote que nous allons émettre.

M. Coomans (sur la clôture). - Messieurs, je me propose de retirer mes conclusions, mais la chambre trouvera sans doute juste et convenable que je puisse dire mes motifs. Je les dirai, du reste, très sommairement.

M. Dumortier (sur la clôture). - Il me semble, messieurs, que l'objet est assez important pour qu'on ne prononce pas la clôture. Nous avons ici deux questions en vue : une question de nationalité, une question d'économie. Elles ont toutes deux leur importance, et j'entends me prononcer en faveur de la plus large, mais il me semble qu'il est inopportun de prononcer la clôture.

M. de Mérode (sur la clôlure). - Je demande la clôture d'après l'observation qui a été faite par l'honorable M. Lebeau. Je crois qu'il y a assez d'autres choses à discuter pour ne pas continuer ces débats-ci.

- La clôture est mise aux voix ; il y a doute. En conséquence la discussion continue.

M. Rogier. - Messieurs, l'article en discussion est sans doute, non point par le chiffre qu'il comporte, mais par sa destination, nn des plus importants, un des plus intéressants de tout le budget. Il est constaté, messieurs, que depuis 1831, une somme d'au moins 40,000 fr. a dû être dépensée chaque année pour la célébration des fêtes de septembre. Dans le principe la somme était de 50,000 fr. Ces fêtes ayant été décrétées par le Congrès national, la législature qui a suivi a cru qu'il fallait au moins 50,000 fr pour les célébrer dignement. Le crédit a été plus tard réduit à 40,000 fr. et toutes les années on a dépensé an moins cette somme. Aussi depuis que ce dernier chiffre a subi une nouvelle réduction de 10,000 fr. le crédit de 30,000 fr. n'a jamais suffi.

Il n'y a pas eu là un système de la part du gouvernement, il y a eu nécessité. C'est depuis 1844 qu'il y a eu tous les ans une insuffisance de crédit à peu près égale à la réduction de 10,000 francs qui avait été opérée.

Messieurs, l'on se plaint avec raison des demandes fréquentes de crédits supplémentaires, mais si l'on veut épargner à l'administration cette extrémité fâcheuse, le seul moyen c'est de voter des crédits suffisants, c'est de fournir à l'administration les sommes dont l'expérience a démontré la n'écessité.

Dans la discussion qui a eu lieu au sénat, l'année dernière, on a généralement reconnu la nécessité de porter au budget de 1853, un supplément de crédit de 10,000 fr. pour les fêtes nationales.

C'est précisément parce qu'on avait constaté que, depuis des années, le chiffre voté était insuffisant d'environ 10,000 fr., c'est précisément pour cela qu'il avait été, en quelque sorte convenu, au sein du sénat, que pour éviter à l'avenir la nécessité des crédits supplémentaires on rétablirait l'ancien chiffre de 40,000 fr., encore inférieur de 10,000 fr. au chiffre voté par la législature qui est venue immédiatement après le congrès.

Il n'y a pas eu de menace dans la note qu'on a lue et qui m'appartient, il y a eu ce fait constaté : l'insuffisance du crédit depuis un grand nombre d'années, depuis 1844. On a dit que si le chiffre de 30,000 fr. n'était pas augmenté, cette même insuffisance se reproduirait ; c'est la simple constatation de faits passés qui se seraient très probablement reproduits à l'avenir.

L'honorable ministre de l'intérieur a pris l’engagement de se renfermer strictement dans le chiffre de 30,000 fr., si ce chiffre était voté ; eh bien, je lui en demande pardon, mais je crois qu'il lui sera impossible de tenir à la lettre cet engagement. (Interruption.) On ne viendra pas soutenir que, pour les dépenses qui concernent les fêtes publiques, il soit possible de se renfermer strictement dans uu chiffre fixé à l'avance, alors surtout que l'expérience de 20 années a rendu manifeste l'insuffisance de ce chiffre.

Jugez-en, messieurs, par votre propre expérience : est-il un particulier qui, donnant une fête, puisse calculer à un centime près ce qu'il dépensera ?

On a parlé de lampions et de feux d'artifice, mais ce sont précisément là des dépenses dont il est impossible de fixer strictement les limites.

Messieurs, ce n'est pas seulement une question de chiffres que nous débattons ; la question a un côté politique qui ne peut pas vous échapper, et dans les circonstances actuelles, je me ferais un scrupule, quant à moi, sur quelque banc que je fusse assis, de ne pas donner mon adhésion à une proposition qui a pour but de consacrer de nouveau notre indépendance en donnant de l'éclat aux cérémonies que le congrès national a décrétées pour entretenir chez les populations le souvenir, le sentiment des grandes journées qui ont fondé notre nationalité. Dans les circonstances actuelles, nous devons être attentifs à conserver, à entretenir, à exalter ces souvenirs. Et ce n'est pas en rejetant une somme de 10,000 francs, dont l'expérience a démontré la nécessité, que vous atteindrez ce but.

Je demande, messieurs, qu'on mette la question aux voix, par appel nominal, et j'espère qu'uoe majorité considérable se prononcera pour la proposition du gouvernement.

Projet de loi relatif à la conversion de certains emprunts

Rapport de la commission

M. Mercier dépose le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à la conversion des emprunts de 1840, 1842 et 1848. La chambre décide qu'elle discutera ce projet lundi prochain. Elle décide ensuite qu'elle ne s'occupera pas lundi du budget de l'intérieur, M. le ministre devant s'absenter ce jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIIII. Fêtes nationales

Article 45

M. Dumortier. - Messieurs, si je viens me lever en faveur du chiffre pétitionné par le gouvernement, ce n'est pas que je veuille admettre le principe qui vient encore d'être énoncé, que le gouvernement peut et doit dans certaines circonstances dépasser les crédits votés par les chambres. Je crois que le gouvernement ne peut jamais dépasser les crédits qui lui sont alloués et que c'est pour cela que le congrès a voulu que les chambres votassent les budgets article par article. Je crois que si l'administration pouvait dépasser les chiffres du budget, il serait fort inutile de les voter.

Si j'adopte le crédit demandé par le gouvernement, c'est uniquement messieurs, en vue de la question de nationalité qui s'y rattache. Qu'est-ce que les fêtes de septembre ? C'est le souvenir d'une des pages les plus glorieuses de notre histoire.

Si, dans les journées de septembre, chaque localité, si chacun de nous a fait son devoir, si, dans ces grandes journées, chaque ville a payé son tribut à la patrie, il faut reconnaître qu'il n'est pas de ville qui ait poussé l'héroïsme plus loin que la noble cité où vos fêtes nationales se célèbrent. Bruxelles est surtout la ville où tous les grands événements se sont accomplis.

Il ne s'agit donc pas de demander si Bruxelles profite ou ne profite (page 172) point des fêtes de septembre ; si Bruxelles en profite, c'est que, plus qu'aucune autre ville, elle a payé son tribut à la patrie.

Je crois donc, messieurs, que, dans les circonstances actuelles plus que jamais, nous devons voter le crédit demandé.

Il faut que nous élevions très haut le drapeau de la révolution, le drapeau de la patrie, et c'est pour cela que je voterai le crédit demandé.

M. Coomans. - Je ne suis pas fâché d'avoir appuyé la proposition de la section centrale, seule chose que j'ai faite, ne fût-ce que parce que j'ai provoqué un double résultat qui me charme également : c'est d'avoir entendu des paroles très éloquentes au sujet de l'émancipation de la Belgique et de l'indépendance nationale ; c'est en second lieu d'avoir entendu le langage si sage et si constitutionnel de l'honorable ministre de l'intérieur qui a déclaré ( ce qu'il était du reste de son devoir de faire, mais on ne fait pas toujours son devoir) que si le crédit de 40,000 fr. n'était pas voté, il se contenterait de 30,000 fr.

Messieurs, mon but est en quelque sorte atteint. J'avoue que c'est le langage de l'ancien ministère, langage qui contient une véritable menace…

M. Rogier. - Nullement.

M. Coomans. - C'est ce langage qui m'a engagé à me lever pour soutenir la proposition de la section centrale et de toutes les sections de la chambre.

Il serait fort surprenant qu'il ne se fût pas levé un seul membre dans cette assemblée, pour soutenir une proposition faite par toutes les sections et par la section centrale.

L'honorable M. Rogier dit qu'il n'y a pas de menace dans le langage du gouvernement à ce propos.

Je dois déclarer que l'honorable ministre de l'intérieur m'a mal compris lorsqu'il a pris pour lui les plaintes que j'ai formulées. Je dis qu'il y a menace, lorsqu'on déclare à la chambre que, si l'on ne vote pas un certain chiffre, on le dépassera.

M. Rogier. - Qui a dit cela ? Lisez le passage.

M. Coomans. - On demande la lecture du passage ; le voici : « Dans l'opinion du gouvernement, si la somme de 10,000 fr. n'était pas accordée, il est à présumer qu'on devrait, comme par le passé, recourir à des crédits supplémentaires. »

Après cela, messieurs, comme mon but principal est atteint et comme il semble que le brevet de patriotisme auquel je tiens, dépend de 10,000 francs en plus ou en moins, pour ma part je ne vois pas d'obstacle à adopter la proposition du gouvernement ; je le remercie de sa déclaration, et je l'engage à essayer d'économiser quelque chose sur cet article. Quand des susceptibilités exagérées mais honorables, qui viennent de se manifester dans cette enceinte, seront calmées, on en reviendra, j'espère, à l'ancien chiffre que je regarde comme plus que suffisant.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix par appel nominal.

72 membres sont présents.

2 (MM. Veydt et de Naeyer) s'abstiennent.

61 votent pour le chiffre.

9 votent contre.

En conséquence, le chiffre de 40,000 fr. est adopté.

Ont voté pour l'adoption : MM. Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vauden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Allard, Brixhe, Clep, Closset, Coomaus, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (P.), de Mérode-Westerloo, Dequesne, de Royer, de Ruddere, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, Devaux, Dumon, Dumortier, Faignart, Janssens, Jouret.

Ont voté le rejet : MM. Orban, Pirmez, Thienpont, Vermeire, David, de La Coste, de Man d'Attenrode, Jacques et Delfosse.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Veydt. - Messieurs, je suis partisan du maintien du chiffre actuel de 50,000 francs ; mais la double signification que la discussion vient de lui donner m'a empêché de rejeter l'augmentation. Je me suis en conséquence abstenu.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je me suis abstenu, parce qu'il m'était impossible de voter contre l'augmentation proposée, du moment qu'on en faisait une question de nationalité et de patriotisme ; d'un autre côté, je n'ai pas pu adopter l'augmentation, parce que j'ai pour principe que le meilleur moyen de développer les sentiments de nationalité consiste à alléger les charges du peuple.

Chapitre IX. Récompenses honoraires et pécuniaires

Article 46

« Art. 46. Médailles ou recompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité ; impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc., 7,000 »

- Adopté.

Chapitre X. Légion d’honneur et croix de Fer

Articles 47 et 48

« Art. 47. Dotation en faveur de légionnaires et de veui es de légionnaires, et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; subsides à leurs veuves ou orphelins ; charges extraordinaires : fr.100,000. »

- Adopté.


« Art. 48. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles, charges extraordinaires : fr. 22,000. »

- Adopté.

La chambre passe au chapitre XI (agriculture).

Chapitre XI. Agriculture

Discussion générale

La discussion est ouverte sur ce chapitre.

La parole est à M. T'Kint de Naeyer.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, avant d'aborder la discussion des articles de ce chapitre, je désirerais appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une question qui intéresse à un haut degré l'agriculture, notamment dans les Flandres. Je veux parler de la nécessité de réviser les anciens règlements qui sont encore en vigueur aujourd'hui, concernant les fermiers entrants et les fermiers sortants.

Dans les Flandres, la petite culture domine ; vous savez, messieurs, que nulle part le morcellement des terres n'a été poussé aussi loin. Il en résulte que les baux écrits sont fort rares et qu'en général on se contente de conventions verbales.

En l'absence de baux écrits, le Code civil pour la fixation précise des droits réciproques des deux fermiers se réfère avec raison à l'usage de chaque contrée. Les règlements varient selon les localités et selon la nature des cultures. Ils déterminent la date de l'expiration des baux, les indemnités dues pour engrais et labours. Nous avons la coutume d'Alost, celle d'Audenarde, du franc de Bruges et de la châtellenie du vieux bourg de Gand.

Ce dernier règlement porte la date du 17 octobre 1671. Entre autres stipulations, l'échéance des baux a été fixée au 24 décembre, ce qui rend indispensable l'accord entre le fermier entrant et le fermier sortant.

La transition ne s'opère presque jamais sans difficultés. De ces droits et de ces intérêts qui s'enchevêtrent les uns sur les autres naissent des procès et des animosités regrettables entre les fermiers et les propriétaires.

Qu'arrive-t il en effet ? Si le fermier cultive trop bien, il court risque de se ruiner, parce qu'il est indemnisé d'après des tarifs qui ont été faits il y a deux siècles.

Si, au contraire, le fermier, dans la prévision d'une expulsion ou d'un changement, engraisse mal ses terres, y fait moins de labeur ; eh bien, tout naturellement il en résulte un grand dommage pour le propriétaire et pour la production en général.

Nos comices, composés de propriétaires et de fermiers, se sont vivement préoccupés de la question. Ils se sont adressés au conseil provincial de la Flandre orientale pour obtenir une réforme devenue indispensable en présence des progrès que l'agriculture a réalisés.

Le conseil provincial, déférant à ce vœu, a décidé dans sa séance du 16 juillet dernier, sur la proposition de M. Dedeyn, qu'il y avait lieu de demander à la législature l'autorisation de réviser les anciens règlements concernant les droits des fermiers entrants et des fermiers sortants.

Je prie la chambre de remarquer que nous ne réclamons pas l'introduction d'une règle générale. Il s'agit uniquement des provinces où les anciennes coutumes sont encore en vigueur. L'intérêt des propriétaires est ici en jeu au moins autant que celui des fermiers.

C'est sur les supplications de l'évêque de Gand, du prélat de Saint-Pierre et de plusieurs autres propriétaires de biens ruraux que le règlement du vieux bourg de Gand a été fait. Ils se plaignaient des erreurs qui se commettaient et des abus dans la manière d'estimer les terres alimentées d'engrais et autres droits de fermiers, etc.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il ne s'agit pas de porter la plus légère atteinte au droit de propriété. Le propriétaire sera toujours parfaitement libre d'introduire dans ses baux toutes les stipulations qu'il jugera convenable d'y insérer. Seulement il importe qu'en l'absence de toute convention écrite, et cela arrive le plus souvent, nous ne soyons pas tenus de nous soumettre à des règlements essentiellement vicieux.

Je pense que les conseils provinciaux sont seuls compétents pour faire la révision qui est sollicitée.

La loi du 10 avril 1841 a admis un principe analogue pour les règlements sur la voirie vicinale.

J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à faire examiner très sérieusement la question, notamment celle de droit, par des hommes compétents, de manière à ce que la propriété et ses droits soient complètement sauvegardés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, cette question est, en effet, une de celles qui, depuis quelque temps, ont appelé l'attention de l'administration publique. Dans les réunions des comices agricoles aussi, dans lès commissions d'agriculture et au congrès agricole, on a posé deux questions. On s'est demandé d'abord s'il n'y avait pas de (page 173) règles fixes à introduire pour régler l'époque à laquelle les congés des baux devaient être signifiés ; on s'est demandé ensuite s'il n'y avait pas de moyens pratiques à adopter pour indemniser les fermiers sortants dn chef des dépenses qu'ils ont faites pour engraisser les terres.

Ces questions ont été diversement appréciées sous le rapport du droit et des considérations pratiques. Au point de vue du droit, on a reconnu qu'il existait d'anciennes coutumes, notamment dans les Flandres, qui réglaient les droits et les obligations des fermiers.

On vient de rappeler le règlement du bourg de Gand de 1671. Ce règlement a été fait pour prévenir l'abus que beaucoup de fermiers se permettaient à l'occasien de leur sortie des baux, abus qui consistait à priver les fermiers nouveaux des plus grands avantages qu'ils devaient trouver dans des terres bien exploitées.

On s'est demandé aussi si les conseils provinciaux étaient compétents pour introduire des modifications dans des coutumes anciennes auxquelles se réfère uniquement le Code civil.

On s'est demandé, en outre, si les conseils provinciaux pouvaient faire des règlements nouveaux pour amener plus d'uniformité dans les usages locaux en ce qui concerne les intérêts de l'agriculture. Cette question est en ce moment l'objet d'un examen particulier, tant au département de l'intérieur qu'à celui de la justice.

La seconde question qui a un caractère plus saisissant, le côté pratique, consiste à savoir s'il y a utilité à introduire des règles fixes pour déterminer les obligations des fermiers sortants, et régler leur condition dans leur rapport avec l'intérêt des fermiers entrants et régler les indemnités auxquelles ils peuvent prétendre. Or, sur ce point, toutes les commissions agricoles de nos provinces ont émis l'avis qu'il n'y avait pas lieu de s'occuper des moyens pratiques employés pour obliger les fermiers sortants à se renfermer dans des limites convenables pour ne pas compromettre les droits des fermiers nouveaux.

On a pensé que réglementer une pareille matière, ce serait donner lieu à des difficultés d'exécution beaucoup plus grandes que celles qui résultent aujourd'hui même de l'absence de règles bien précises.

Quoi qu'il en soit, tant sous le rapport du droit, de la question de compétence des conseils provinciaux, que sous le rapport de la question d'utilité pratique, ces questions sont l'objet d'une étude spéciale dont les résultats pourront être communiqués à la chambre en temps opportun. Mais je ne puis m'empêcher de faire remarquer combien il y aurait du danger dans cette matière à vouloir régler, sur des données peu précises, les rapports existants entre le propriétaire et le fermier, rapports qu'il est peut-être plus sage de laisser librement débattre dans les baux écrits dont il importe de recommander l'usage entre le propriétaire et le fermier.

Peut-on dire, en effet, où devra s'arrêter la limite administrative pour réglementer les usages locaux ; où commencera le respect du droit de propriété qui ne peut être méconnu ?

Ce sont là des points que je me borne pour le moment à indiquer ; car je crois que dans l'étude de ces questions nous ne devons rien précipiter.

Au surplus, je rends hommage à la pensée qui a inspiré l'honorable membre qui vient de faire cette proposition. Il est évident qu'il n'est pas sans intérêt de se demander s'il n'y a rien à faire pour répandre un peu de lumière dans cette variété d'usages qui embarrassent dans beaucoup de localités la marche d'exploitations rurales et pour y introduire des règles plus précises qui rappelleront les droits des fermiers sortants et ceux des fermiers entrants.

Ces questions sont l'objet d'une étude à laquelle je viens de faire allusion.

M. de Naeyer, rapporteur. - J'ai peu de choses à ajouter aux observations très judicieuses qui vous ont été présentées par l'honorable M. T'Kint. Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur de l'attention qu'il veut bien nous promettre de prêter à cet objet. Il s'agit d'une question en quelque sorte toute spéciale pour les Flandres. Les observations qui ont été présentées n'ont pas pour objet d'apporter des changements à notre législation civile, de régler les droits des propriétaires et des fermiers autrement qu'ils le sont par le Code civil. Il s'agit tout bonnement de régulariser un usage existant depuis des siècles et qui, aujourd'hui, par suite de la défectuosité des dispositions de nos anciennes coutumes qui ne sont plus en harmonie avec les besoins actuels, donne lieu à des contestations et à une foule de procès.

D'après un usage très ancien en Flandre, le fermier sortant a droit à une indemnité tant pour les engrais enfouis en terre que pour les semences qui lui sont confiées et jusqu'à un certain point pour les amendements de la terre de même que pour les frais de labour. Nous ne demandons pas que cela soit généralisé, il faut que chaque province reste juge de ses besoins, de ses intérêts ; mais nous demandons seulement qu'on permette aux autorités provinciales, notamment dans les deux Flandres, de corriger ce qu'il y a de défectueux dans ces anciens règlements, qui, ayant été faits à une époque bien différente de la nôtre et en vue d'une situation agricole tout autre, sont devenus une véritable mine de procès.

Je conçois, comme M. le ministre de l'intérieur, que toutes les commissions provinciales sont contraires à ce que l'on fasse un règlement portant une innovation à notre législation, qui serait de nature a froisser les intérêts, les droits mêmes des propriétaires, à changer les rapports entre les propriétaires et les locataires, parce que ceci serait réellement une très grave question et je me rappelle que dans une discussion à notre congrès agricole où il y avait beaucou de pour et de contre, l'on a décidé d'abandonner tout à la liberté des conventions, et je crois qu'on a sagement agi.

Je demanderai donc tout bonnement que le gouvernement veuille bien présenter un projet de loi ayant pour objet d'autoriser l’autorité provinciale à réviser les règlements dont il s'agit. Du reste, je remercie M. le ministre de l'intérieur de l'attention qu'il nous promet de vouloir bien accorder à cette question d'une importance majeure pour les Flandres.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je profiterai de la discussion générale du chapitre « agriculture » pour faire une courte observation.

Je ne vois figurer nulle part, au budget, quelque allocation pour les indemnités à arcorder aux communes qui cette année ont eu à souffrir des orages qui le 17 juillet dernier ont anéanti leurs récolles. Un grand nombre de communesde différentes parties du pays ont considérablement souffert. Il en est beaucoup où le dégât a été si complet, où la récolte a été si complètement détruite que les malheureux cultivateurs n'ont pu sauver assez de grains pour suffire à leur consommation ni même pour faire les semailles.

Dans mon arrondissement entre autres il y a eu des désastres épouvantables ; notamment dans les communes de Gonrieux, Dailly, Aublain, les environs de Mariembourg, enfin dans plusieurs localités du canton de Philippeville et dans celui de Florenne.

Plusieurs pétitions ont été récemment adressées à la chambre pour cet objet.

Le gouvernement doit connaître parfaitement tous les malheurs occasionnés par ces orages, car un travail a été fait, pour apprécier les dégâts, par les contrôleurs des contributions, assistés des bourgmestres des communes et de cultivateurs désignés comme experts.

Je ne doute pas des intentions du gouvernement à ce sujet ; mais ne voyant figurer au budget aucune somme pour ces indemnités, je désirerais savoir de M. le ministre de l'intérieur s'il compte demander un crédit spécial pour cet objet, ou s'il a l'intention de demander un crédit supplémentaire pour couvrir les dépenses quand elles seront faites.

D'après les renseignements qui me sont donnés, il paraîtrait que l'indemnité qui est ordinairement accordée est tellement faible qu'elle serait complètement illusoire.

Ainsi on n'accorderait, dans les localités où la récolte a été complètement anéantie, qu'une indemnité de quatre francs par hectare ravagé, tandis que la perte du cultivateur s'élève souvent à quatre ou cinq cents francs par hectare. J'appelle toute la sollicitude de M. le ministre sur cette question ; il comprendra, j'en suis certain, qu'une telle indemnité serait sans effet. La chambre, qui a si souvent manifesté ses sympathies pour l'agriculture, ratifiera, j'en suis sûr, une proposition qui serait faite pour venir à son secours dans d'aussi fâcheuses circonstances.

M. de Steenhault. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour soumettre au gouvernement une autre question intéressant également l'agriculture et ayant rapport à la location des biens appartenant aux hospices et aux établissements d'instruction publique et de bienfaisance. Ils sont régis aujourd'hui par un arrêté du 7 germinal an XI. En vertu de cette disposition, les établissements publics ne peuvent louer leurs biens que pour un terme de neuf ans. Cette disposition, combinée avec celle qui les oblige à louer publiquement, fait qu'il en résulte pour l'agriculture une très grande perte de production. Voici comment cela se fait.

Les agriculteurs, dans la crainte d'être dépossédés de leurs terres au bout de neuf ans, ne les fument plus les deux dernières années ; par conséquent, pendant les dernières années de leur bail, ils n'ont plus les produits qu'ils devraient avoir. Pour remettre ces terres en état, il faut au moins deux ans Voilà donc, sur un bail de neuf ans, quatre ans pendant lesquels la production est loin d'être ce qu'elle devrait être. Ce sont presque partout les biens appartenant aux hospices ou aux établissements publics qui sont les plus mal cultivés.

Je demanderai au gouvernement de vouloir bien examiner la question de savoir s'il n'y aurait pris lieu d'autoriser les établissements publics à faire des baux pour des termes plus longs que neuf ans et sans les formalités exigées aujourd'hui.

M. Faignart. - Il y a quelques jours, l'honorable M. T'Kint de Naeyer appelait l'attention du gouvernement sur ce qu'il y aurait à faire en faveur de l'agriculture au moyen des cours d'eau pour les irrigations. J'appellerai à mon tour l’attention de l'honorable ministre de l'intérieur sur cet important objet, et je le prierai de faire étudier cette question qui peut procurer un immense avantage à l'agriculture.

Le système de drainage, messieurs, a fait ses preuves ; ses immenses bienfaits sont incontestables et, je crois, incontestés. Il reste maintenant à examinera s les eaux que les nombreux tuyaux placés en terre amènent à la surface ne peuvent encore être utilement employées.

Je crois donc utile, au point de vue des intérêts agricoles, que cette question soit jointe à celle des cours d’eaux pour être examinée par des personnes compétentes.

M. Coomans. - J'ai eu l'honneur de déclarer que je réserverais pour les articles les questions que que j'ai à présenter à la chambre ; mais voulant appuyer ce que vient de dire l'honorable M. de Baillet, bien que cela se rattache à la discussion générale, je suis forcé de parler.

L'honorable H. de Baillet a signalé la position malheureuse, désastreuse où se trouvent un certain nombre de villages, par suite des (page 174) orages tout à fait extraordinaires qui ont éclaté, notamment dans la journée du 17 juillet dernier.

J'ai déjà eu l'honneur d'élever des réclamations semblables. Je puis affirmer que certains villages sont complètement ruinés et qu'ils seront en proie à la famine la plus cruelle, si le gouvernement, par une exeeplion que les circonstances rendent malheureusement nécessaire, ne leur accordait pas, je ne dis pas une indemnité, ce serait un détestable principe, mais un secours, c'est-à dire du pain.

Je me suis rendu, dans la journée du 18, au village d'Hekelgem, qui a été plus particulièrement frappé en Belgique. Je n'essayerai pas de décrire l'impression que j'ai reçue, un mot suffira pour vous en donner l'idée : c'est qu'il n'est pas resté debout un seul épi, pour ainsi dire ; toute la moisson était bâchée.

La situation des fermiers est par conséquent lamentable, c'est le mot ; mais celle des petits cultivateurs, des journaliers, est intolérable ; dans les environs d'Alost et d'Assche, la culture du houblon est très répandue ; les petits cultivateurs n'ont qu'une ressource, c'est la culture du houblon ; ils enfouissent tout leur capital, tout ce qu'ils ont, dans leurs houblonnières ; si le houblon ne réussit qu'à moitié, ils végètent ; s'il ne réussit pas, ils n'ont pas de pain ; car ils n'ont pas d'argent pour en acheter, ne produisant pas de céréales. Or, les houblonnières ont été détruites.

J'espère donc que M. le ministre de l'intérieur voudra bien se préoccuper de la situation de ces populations qui sont très malheureuses. Il leur sera de toute impossibilité de passer l'hiver si on ne leur vient pas en aide.

Elles ont toutes la persuasion que l'Etat ne les abandonnera pas ; si ce ferme espoir était trompé, je ne sais ce qui arriverait.

M. Thiéfry. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour combattre l'opinion émise par un honorable préopinant qui a prétendu que toutes les terres des administrations de bienfaisance étaient très mal cultivées. J'ai eu très souvent occasion de visiter ces terres, et je déclare, de la manière la plus formelle, qu'elles sont en très bon état de culture. La meilleure preuve est que les locataires seraient hors d'état de payer leurs fermages s'ils ne cultivaient pas bien les terres qu'ils ont à bail.

Les biens ruraux des hospices sont loués par adjudication publique, et s'ils étaient en si mauvais état qu'on le dit, on ne pourrait pas obtenir le loyer qu'on en perçoit.

L'honorable membre a présenté des observations sur la durée des baux. Il est dans l'erreur quand il suppose que les hospices ne peuvent louer leurs terres à long terme ; ils en ont la faculté ; seulement la loi, très prévoyante, a établi une restriction pour garantir le maintien de la propriété des pauvres ; elle exige, pour ces sortes de baux, un arrêté spécial du ministre de la justice : car louer une terre pour 18, 24 ou 99 ans, c'est une espèce d'aliénation ; et les hospices ne peuvent aliéner leurs biens sans un arrêté spécial.

L'honorable membre a dit encore que quand on arrivait à la fin de la durée du bail, la terre ne recevait plus de fumure et qu'on ne trouvait pas de fermier auquel on pût donner un nouveau bail. Je ferai encore ici une seule réponse, c'est que l'administration importante à laquelle j'appartiens ne change presque jamais de locataires. L'inconvénient que redoute mon honorable collègue disparaît quand on n'attend pas l'expiration du bail pour en faire un nouveau. Or, c'est toujours deux ans avant cette expiration qu'on met la terre en adjudication ; de cette manière on respecte le droit du locataire, et il est à même d'arranger convenablement sa terre.

M. Rodenbach. - Messieurs, à propos du chapitre de l'agriculture et des 150 mille francs qu'on demande pour bétail abattu, je crois qu'il n'est pas inopportun de demander à. M. le ministre de l'intérieur quelques renseignements sur une découverte dont on fait le plus grand éloge ; je veux parler de l'inoculation du bétail pour empêcher l'épizootie qui fait tant de ravages dans nos campagnes. On vous a souvent entretenus de cette calamité. La moitié du bétail maigre qu'on introduit dans le pays pour l'engraisser nous vient de la Hollande, pays extrêmement humide, nous sommes exposés à recevoir du bétail malade et qui propage dans les campagnes l'affection dont il est atteint.

J'engage fortement le gouvernement à tâcher de propager la découverte du docteur Willems ; on assure que les avantages qui résultent de son application l'emportent de beaucoup sur les inconvénients. Pour la Belgique, pays éminemment agricole, ce serait une des plus belles et des plus heureuses découvertes qu'on ait faites depuis longtemps si elle avait les effets qu'on annonce.

En Angleterre, le célèbre docteur Jenner a rendu un immense service à l'humanité par la découverte de la vaccine. Son nom est devenu européen et vivra à jamais pour le service qu'il a rendu ; bien qu'ici il ne s'agisse pas d'un service aussi considérable, je pense que le docteur Willems aura bien mérité de la patrie, si sa découverte est aussi efficace qu'on l'assure.

J'entendrais avec plaisir les renseignemenls que M. le ministre pourrait nous donner sur cette importante découverte.

Je sais qu'il a envojé des circulaires aux gouverneurs pour les inviter à propager le moyen d'éviter l'épizootie découvert par notre compatriote ; si je suis bien informé, les inconvénients de l'inoculation sont très minimes, tandis que les avantages sont immenses.

Si M. le ministre possède quelques renseignements, je le prierai de nous les communiquer, car la découverte dont il s'agit est d'une haute importance, surtout pour un pays agricole comme la Belgique qui ne compte pas moins d'un million et demi de têtes de bétail.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le premier fait sur lequel mon attention a été appelée est celui indiqué par l'honorable comte de Baillet. L'honorable membre a demandé s'il y avait un crédit suffisant pour indemniser les cultivateurs qui ont souffert par suite de l'orage extraordinaire du 17 juillet.

Messieurs, d'après les proportions que ce désastre semble avoir acquises, il ne paraît pas possible en fait de faire droit à toutes les réclamations qui sont et qui seront encore adressées de chef au gouvernement, avec le crédit ordinaire affecté à ces sortes de besoins. Le gouvernement s'occupera de l'examen de tous les faits.

Une instruction assez longue a été entreprise à ce sujet ; on examinera jusqu'à quel point il est possible de faire à la législature des propositions à cet égard. Pour le moment, vous comprenez qu'il faut y mettre beaucoup de réserve, parce que les désastres de cette nature, qui se renouvellent assez souvent, excéderaient peut-être la mesure des sacrifices que l'Etat pourrait s'imposer.

Quant au second fait indiqué par l'honorable M. de Steenhault, il est relatif aux baux des hospices et des établissements de bienfaisance en général.

Il a appelé l'attention du gouvernement sur le point de savoir s'il ne serait pas opportun de prolonger ces baux.

Ma tâche a été rendue extrêmement facile et beaucoup plus courte qu'elle ne l'aurait été, par les observations très judicieuses de l'honorable M. Thiéfry.

Les biens des hospices sont en général cultivés avec beaucoup d'intelligence. Et ce fait se vérifie, non seulement dans la province du Brabant, mais dans toutes les provinces. Des renseignements qui existent au département de l'intérieur ont déjà donné la mesure de l'avantage avec lequel ces biens sont recherchés, et de la manière profitable dont l'exploitation en est conduite, tant pour la terre que pour les propriétaires.

Du reste, comme on l'a fait aussi observer, il n'est pas impossible que ces baux soient prolongés.

Les hospices, comme tous les établissements de bienfaisance, sont, au point de vue général, dans la même situation que les autres propriétaires.

Libre à ceux-ci de faire à leurs fermiers des conditions telles que les baux soient prolongés, s'ils le croient utile à leurs intérêts, et sauf aux établissements publics à suivre les règles d'administration que la loi a indiquées.

L'honorable M. Faignart a appelé, je pense, l'attention du gouvernement sur l'utilité de propager les bonnes mesures en matière de cours d'eau et de drainage.

Il a pu apercevoir déjà que le gouvernement n'est pas resté étranger à ce grand intérêt public. Je m'empresse de lui dire que des études sont poursuivies et que tous les résultats pratiques à poursuivre seront mis en œuvre par le gouvernement, avec ou sans le concours de la législature, suivant les circonstances.

Une dernière explication vient d'être provoquée par l'honorable M. Rodenbach, sur les résultats obtenus jusqu'ici de la découverte de M. le docteur Willems, pour combattre les épidémies qui affligent le bétail dans toutes les provinces.

C'est en effet un des plus grands intérêts auxquels le gouvernement puisse être rendu attentif. Aussi n'a-t-il pas failli à la mission qui lui incombe sous ce rapport.

M. le docteur Willems a fait connaître des procédés d'inoculation qui, suivant lui, doivent produire des résultats décisifs. Le devoir du gouvernement était d'accueillir l'annonce d'une découverte aussi importante. C'est ce qu'il a fait. Des expériences ont été ordonnées sur tous les points du pays ; M. le docteur Willems a été l'objet de la bienveillance la plus soutenue de mon honorable prédécesseur. La question est aujourd'hui à l'état d'expérimentation. Les résultats définitifs ne sont pas encore connus.

Ici, comme dans toutes les grandes découvertes, la controverse s'est établie sur l'efficacité du procédé lui-même.

Des mesures sont prises pour éclaircir tous les doutes, et le gouvernement s'est entouré de l'avis des hommes les plus compétents. Il réunit tous les documents qui se rattachent aux expériences faites ; et la publicité achèvera ce que la prudence a commencé.

C'est ce que mon honorable prédécesseur a fait, et c'est ce que je m'applique à faire pour poursuivre la tâche qui incombe à l'administration. D'ici à peu de temps, le public sera donc mis à même de juger la question, et vous-mêmes, messieurs, vous l'apprécierez en parfaite connaissance de cause.

Plusieurs d'entre vous, messieurs, ont annoncé vouloir présenter d'autres observations sur le chapitre de l'agriculture. J'attendrai les explications qui seront demandées au gouvernement sur les différents articles qui composent ce chapitre.

- La discussion générale sur le chapitre est close,

Articles 49 à 51

« Art. 49. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 150,000. »

- Adopté.


(page 175) « Art. 50. Service vétérinaire : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 51. Traitement et indemnités du personnel du haras : fr. 49,000. »

- Adopté.

Article 52

« Art. 52. Matériel du haras et achat d'étalons. Amélioration des races chevaline, bovine, ovine et porcine ; exécution des règlements provinciaux sur la matière. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agricullure ; concours et expositions ; subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles, à l'enseignement professionnel de l'agriculture, de l'horticulture, etc. Industrie séricicole ; bibliothèques rurales ; conférences agricoles ; encouragements à l'agriculture.

« Charge ordinaire : fr. 395,000.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »

M. le président. - La section centrale propose de diviser cet article comme suit :

« Art. 52. Matériel du haras et achat d'étalons. Amélioration des races chevaline, bovine, ovine et porcine ; exécution des règlements provinciaux sur la matière. Conseil supérieur et commissions d'agriculture ; concours et expositions ; subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles. Industrie séricole. Bibliothèque rurale : fr. 311,800 »

« Art. 53. Encouragement et subsides à l'enseignement professionnel de l'agriculture, de l'horticulture, etc. ; conférences agricoles des instituteurs primaires. Encouragements à l'agriculture : fr. 117,700. »

- Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le président, je demande dans le libellé une légère modification qui, je pense, ne rencontrera aucune difficulté. Elle consiste à déplacer les mots « encouragements à l'agriculture » qui figurent à la fin de l'article 53 de les transporter à la fin de l'article 52, et d'ajouter à la fin de l'article 53 ces mots : « dépenses diverses », et je me réserve de justifier l'augmentation que la section centrale n'a pas admise.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la question des haras a souvent été l'objet de discussions dans cette chambre, et dernièrement encore elle a donné lieu à une discussion très intéressante au sein du conseil supérieur d'agriculture.

J'ai lu avec plaisir cette discussion ; on y a agité des questions très importantes qui ont été traitées avec beaucoup de talent. Mais je remarque qu'il y a eu un très grand dissentiment sur plusieurs points et sur des points extrêmement importants.

Ainsi l'on a discuté assez longuement la question de savoir quelle était l'origine du cheval anglais. On n'est pas tombé d'accord.

On a discuté très longement une autre question plus importante ; c'est celle de savoir si les étalons métis peuvent être employés utilement à la reproduction pour perfectionner notre race indigène. Il y a eu de part et d'autre des observations très judicieuses ; mais en définitive encore, une fois on n'est pas tombé d'accord, et l'on a fini par prendre une résolution qui a donné un peu raison et un peu tort à tout le monde.

Messieurs, en entreprenant la lecture et l'étude même de cette discussion qui a eu lieu au sein du conseil supérieur d'agriculture, je désirais surtout obtenir la justification de la dépense qui est portée au budget ; c'était pour moi le point essentiel. Or, je dois le dire, sous ce rapport j'ai été trompé dans mon attente

Dans cet ordre d'idées, je n'ai trouvé qu'une seule considération. Voici comment a raisonné un membre du conseil supérieur d'agriculture pour démontrer que la dépense portée à notre budget pour l'entretien et même maintenant pour la remonte du haras, serait justifiée par les avantages qu'elle procure au pays. Il a dit : Les produits annuels des haras peuvent être fixés à un chiffre de 800 poulains ; ces produits valent 300 fr. de plus que ceux de la race indigène pure ; par conséquent il y a un bénéfice annuel de 240,000 fr. bénéfice plus que suffisant pour couvrir toute la dépense portée au budget.

Messieurs, je vous avoue franchement que ce calcul ne m'a pas paru du tout exact. Qu'il y ait 800 produits annuels, je ne puis le contester ; je n'ai pas assez de renseignements à cet égard ; j'admets donc ce chiffre, au moins sous bénéfice d'inventaire. Je dois dire cependant que dans les Flandres surtout, le nombre de ces produits annuels ne prend guère d'accroissement ; je connais plusieurs cultivateurs qui ont envoyé leurs juments à la saillie des étalons de l'Etat. Ils l'ont fait deux fois, souvent même trois fois ; mais après ces essais ils y ont assez généralement renoncé.

Un point surtout que je conteste, c'est que les produits provenant de ces saillies auraient régulièrement une plus-value de 300 fr. Cela est foncièrement inexact. Car il est de notoriété publique que ces produits sont loin d'être toujours satisfaisants, qu'il y en a, parmi eux, que j'appellerai et qu'on appelle tout bonnement dans le pays des rosses. Ceci s'explique par une considération fort simple ; du moment que le produit n'a pas complètement réussi, il n'a presque pas de valeur ; et cela arrive assez souvent ; cela arrive à peu près dans la moitié des cas.

Ainsi, de ce chef il y a une réduction très considérable à faire sur le bénéfice signalé plus haut.

Mais il y a une autre observation. En admettant même que les produits soient bons, voyez ce qui arrive toujours : c'est qu'on est obligé de leur donner plus de soins, de les tenir plus longtemps avant de les vendre, qu'il y a des dépenses de dressage, etc.

Ainsi, dans les cas mêmes où le produit a une valeur plus forte, les dépenses sont aussi plus considérables, et c'est le bénéfice net du cultivateur que nous devons considérer.

Ce n'est pas le produit brut de la vente que nous devons prendre en considération, c'est le bénéfice que le cultivateur réalise.

Je crois que si l'on tenait bien compte de tous les élémens du calcul, on arriverait à reconnaître qu'il n'y a en définitive aucun avantage ; que la dépense portée au budget n'est compensée que par un très faible avantage, et peut-être même, si l'on faisait un relevé exact, n'y en aurait-il aucun. Car il y a des mécomptes continuels ; je crois même que ces mécomptes forment la règle.

Messieurs, voilà bien des années que nous portons annuellement au budget des sommes très fortes pour l'entretien du haras. Cette année on nous demande même une augmentation assez importante pour remonter le haras. Il ne s'agit donc pas seulement de l'entretenir sur le pied où il se trouve, il s'agit de le remonter, et le crédit demandé pour cela au budget de 1853 s'élève à cent mille francs.

Quels avantages le pays a-t-il retirés de toutes les dépenses très considérables déjà effectuées antérieurement et qu'on veut encore augmenter maintenant pour le haras de l'Etat ? Le seul peut-être, c'est que la voie serait plus ou moins préparée pour atteindre le but que s'est, paraît-il, proposé le gouvernement. Ce but, le voici : c'est de créer, est-il dit dans une circulaire ministérielle, un cheval de service tel qu'on le recherche en Belgique, pour le trait léger et la selle.

Voilà le but. Eh bien ! la discussion qui a eu lieu au conseil supérieur d'agriculture, est très instructive pour démontrer que nous sommes encore bien loin de ce but. Ce qu'on veut, c'est créer une race toute nouvelle. D'après les principes qui dirigent maintenant le haras, il ne s'agit plus à proprement parler d'améliorer la race indigène ; il s'agit de créer une race nouvelle, ayant toute la constance des caractères propres, nécessaires à cet effet.

Eh bien, j'ai encore appris, ce que je savais d'ailleurs déjà un peu, par la discussion du conseil supérieur d'agriculture, que pour atteindre ce but, il faut beaucoup de temps. Il faut au moins 30 ans avant de savoir si toutes ces dépenses seront réellement utiles au pays, et dans trente ans, probablement, il y en aura beaucoup parmi nous qui ne pourront plus le constater.

Mais ce n'est pas tout : je remarque encore dans cette discussion que ceux qui ont les idées les plus avancées, qui semblent être le plus compétents en matière d'industrie chevaline, ne se contentent pas des haras, qu'ils voudraient y ajouter une jumenterie de l'Etat et un dépôt de remonte, ainsi qu'une école de dressage. Tout cela, messieurs, coûtera beaucoup d'argent, car dès que le gouvernement s'immisce dans l'industrie, c'est toujours aux grands dépens du budget.

Maintenant, messieurs, tous ces moyens suffiraient-ils pour faire atteindre le but ? Parviendrons-nous à créer réellement une nouvelle race de chevaux ? Je crois que oui, puisque, avec de l'argent, on fait bien des choses. Par suite des progrès de la science, le domaine de l'impossible s'est singulièrement rétréci. Nous y parviendrons donc, mais nous saurons à quel prix, et la question qui me préoccupe est celle de savoir si à ce prix-là il ne vaudrait pas mieux ne pas y parvenir.

Messieurs, je me demande souvent si l'industrie chevaline telle qu'on veut l'introduire est de nature à acquérir une telle importance, une telle utilité dans notre pays, qu'il faille y consacrer le quart ou même le tiers de toute la dotation du budget de l'agriculture, car c'est à peu près là que nous en sommes. Il y a cette première question à faire, s'il est plus avantageux pour le cultivateur d'employer ses fourrages à la fabrication des chevaux que de les employer à la fabrication de la viande de boucherie.

C'est là la question économique, et elle devrait dominer toutes les autres, car l'industrie chevaline est une industrie comme toutes les autres, et pour elle l'important n'est pas d'arriver à des produits hors ligne qui excitent l'admiration ; mais l'important, c'est d'obtenir des produits qui couvrent les frais de production et laissent en même temps un honnête bénéfice au cultivateur.

Il faut, sous ce rapport, envisager le cultivateur de la même manière qu'un autre industriel, car enfin, s'il remplit un rôle important, s'il est pour ainsi dire ici-bas une providence terrestre, qui procure le pain quotidien aux pauvres et aux riches, il faut bien qu'après avoir nourri les autres il puisse aussi se nourrir lui-même.

Mais en admettant, messieurs, que l'industrie chevaline exercée dans certaines limites, dans certaines conditions spéciales (car en agriculture tout dépend du milieu dans lequel on se trouve placé), en admettant, dis je, qu'elle offre quelque avantage, soyez bien certains, messieurs, que les cultivateurs ne négligeront pas ces avantages.

Ils ont assez de bon sens pour rechercher les moyens de production les plus favorables. Faut-il pour cela créer une race nouvelle ? Est-il démontré que cette nouvelle industrie présentera plus d'avantages que l'autre ? Mais voilà déjà bien des années qu'elle est à l'essai, et si elle offrait tant d'avantages, les cultivateurs auraient eu le bon sens de l’adopter.

Messieurs, si je consulte les hommes qui ont vieilli dans le rude métier de l'agriculture, les hommes qui ont étudié l'agriculture, non pas (page 176) dans les livres, mais dans l'observation attentive des faits, j'en rencontre bien peu, je dirai que je n'en rencontre presque pas, qui ne disent qu'il y a plus d'avantage à élever des chevaux de race indigène qu'à en élever de cette race nouvelle.

Messieurs, l'utilité de ce crédit me paraît donc assez problématique. Je le répète, si cette industrie présentait des avantages réels, il n'aurait pas fallu faire tant d'efforts pour l'établir que nous le voyons ; depuis longtemps elle se serait généralisée.

Peut-être même pourrait-on dire que sous certains rapports les dépenses faites par l'Etat ont paralysé l'industrie particulière, car, lorsque le gouvernement s'immisce dans l'industrie, vous arrivez à une certaine inertie de la part des individus ; les efforts individuels sont en quelque sorte paralysés, parce que l'on considère alors le gouvernement comme une espèce de providence qui veille à tout, qui pourvoira à tout ; on néglige alors, en quelque sorte, les ressources qu'on pourrait trouver dans sa propre activité, dans sa propre énergie.

Sous différents rapports, donc, je suis peu disposé jusqu'ici à voter, au moins les augmentations de dépenses qu'on nous propose. Je pense que l'argent qu'on consacre au haras, pourrait recevoir uue destination beaucoup plus utile dans l'intérêt de l'agriculture, et je me réserve, d'après les tournures que la discussion pourra prendre, de faire des propositions en ce sens.

- La séance est levée.