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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 2 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

(page 561) M. A. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des membres de la garde civique de Gand demandent que l'organisation actuelle de la garde civique soit maintenue. »

M. Rodenbach. - La pétition de Gand, dont on vient de vous faire l'analyse, demande le maintien de la garde civique sur le pied actuel.

Je ne m'oppose pas à son renvoi à la section centrale, mais je ferai observer à MM. les membres qui en font partie que le plus grand nombre des signatures sont celles d'officiers, de sous-officiers et de caporaux ; on y voit, il est vrai, figurer aussi de simples gardes qui, quoique ne portant pas l'épaulette, ont également beaucoup de zèle ; mais il y a plus d'officiers et de sous-officiers que de gardes.

M. Manilius. - Je demande la parole.

M. le président. - Ne discutons pas sur le fond ; il ne s'agit dans ce moment que du renvoi de la pétition à la section centrale.

M. Manilius. - Je me rallie à la proposition du bureau, tendant au renvoi de la pétition à la section centrale. Seulement je dirai que j'ai vu la pétition dont il s'agit ; j'ai pris connaissance des signatures, et l'assertion de l'honorable M. Rodenbach est entièrement controuvée. Il y a parmi les signataires toute espèce de gardes, des gardes jeunes et des gardes vieux, des gardes à grade et des gardes sans grade. Je ne doute aucunement que la section centrale n'examine cette pétition avec l'impartialité qu'elle a mise à examiner toutes les autres.

- Le renvoi de la pétition à la section centrale est ordonné.


« Le sieur Fontaine-Lestarquy prie la chambre d'établir une échelle de proportion pour régler la remise aux distillateurs agricoles et d'accorder à la dernière classe la remise de 25 p. c. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.


« Le conseil communal de Sutendael déclare adhérer à la pétition du 8ème district agricole du Limbourg, relative à la construction d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht par Bilsen, avec embranchement sur Tongres et Ans. »

« Même adhésion du conseil communal de Beverst. »

M. de Renesse. - Messieurs, dans une séance précédente, l'honorable M. Julliot et moi, nous avons demandé qu'un rapport fût fait sur les pétitions du 8ème district agricole du Limbourg, avant la discussion du budget de.» travaux publics, pétitions ayant rapport à l'exécution du chemin de fer, proposé par M. l'ingénieur de Laveleye. Comme la discussion de ce budget doit avoir lieu aujourd'hui, je demanderai que la commission des pétitions veuille avoir l'obligeance de faire un rapport sur la pétition, à la séance de demain.

- Adopté.


« La veuve du sieur Leleux, lieutenant des douanes, demande la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs à Fresin demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes et qu'ils aient chacun à procéder à l'élection d'un représentant. »

- Même renvoi.


« Des électeurs de Niel demandent que les élections aux chambres puissent se faire dans la commune et que chaque district électoral de 40,000 âmes ait à procéder à la nomination d'un représentant. »

« Même demande des électeurs de Wickevorst. »

- Même renvoi.

M. de Muelenaere. - Je pense que, dans une séance précédente, il a été entendu que toutes ces pétitions seraient réunies et feraient l'objet d'un seul et même rapport.

M. le président. - Oui.


« Des électeurs à Hérenthals demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Iweins, commissaire de police a Seraing, demande une indemnité du chef de ses fonctions de ministère public près le tribunal de simple police du canton. »

- Même renvoi.


« Le sieur Fauquel, lieutnant colonel pensionné, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Selzaete demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

- Même renvoi.


« Le sieur Paul-Louis-César de Grenus, consul général de Belgique près la confédération suisse, né à Féchez (Suisse), demande la grande naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des électeurs à Estinnes-au-Mont demandent une loi qui rétablisse le cens électoral existant avant 1848, et qui prescrive le vote, pour le» élections générales, à la communne ou au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Aerschot prie la chambre d'adopter le projet de chemin de fer dit de la Campine, présenté par la société Riche-Restiau, ou ce projet combiné avec celui de la société Beckman. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice renvoie, avec les renseignements y relatifs, les demandes de naturalisation ordinaire formées par les sieurs Senner (Pierre) et Damman (Léon).»

- Renvoi à la commission des naturalisations.


- M. de T'SercIaes demande un congé de quelques jours.

- Accordé.

Projet de loi de naturalisation

M. de Steenhault. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le projet de loi qui confère la naturalisation ordinaire an sieur Gibbs, dont la demande a été prise en considération par les deus chambres.

- Le projet sera imprimé et distribué.

La chambre le met à l'ordre du jour, à la suite de ceux qui y sont déjà,

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion générale

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale du budget des travaux publics sur les différentes pétitions que la chambre lui a renvoyées.

- Ce rapport sera imprime et distribué.


M. le président. - La commission spéciale qui a examiné les amendements introduits par le sénat dans le projet de loi relatif au Code pénal, n'a pas encore terminé son rapport sur les amendements présentés hier ; nous passons, en conséquence, à la discussion du budget du ministère des travaux publics.


M. le président. - M. le ministre des travaux publics se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis d'accord avec la section centrale sur le plus grand nombre de points. Cependant je préfère que la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.

M. Lelièvre. - La discussion du budget des travaux publics soulève diverses questions sur lesquelles j'appellerai l'attention de M. le ministre, dans l'intérêt de la ville que je représente plus particulièrement.

La loi de 1851 a décrété de nombreux travaux d'utilité publique dans l'intérêt de différentes provinces. A Namur, on devait notamment s'occuper de la dérivation des eaux de la Sambre pour prévenir les inondations et les désastres qui ont signalé l'année 1851. Or rien ne s'est fait jusqu'à présent, rien n'est même commencée cet égard, et sous ce rapport, nous avons réellement le droit de nous plaindre du retard qu'éprouve l'exécution de travaux urgents, indispensables dans l'intérêt des propriétés publiques et particulières. Je ne saurais assez fortement engager M. le ministre à faire droit sans délai aux justes réclamations de la ville de Namur.

Du reste, les travaux de la dérivation de la Sambre doivent être combinés à Namur avec le comblement des fosses de la place près de la station, du chemin de fer, objet sur lequel j'ai appelé l'attention du gouvernement dans une circonstance récente et que je ne saurais trop lui recommander de nouveau.

D'un autre côté, nous attendons depuis longtemps, non seulement les changements que réclame la station du chemin de fer de Namur, où l'ont doit construire un entrepôt dans l'intérêt du commerce, mais aussi l'établissement d'une double voie ferrée de Namur à Charleroi. Cette dernière mesure est indispensable pour prévenir le retour des accidents funestes que nous avons déjà eu à déplorer.

Je regrette véritablement que notre arrondissement paraisse entièrement oublié sous tous les rapports et que les mesures que réclament de grands intérêts soient complètement perdues de vue. Je ne saurais assez les recommander à la sollicitude du gouvernement.

Je considère aussi comme très urgente, dans l'intérêt du commerce et de l'industrie du pays que le département des travaux publics arrête avec les compagnies activant certaines voies ferrées, des arrangements équitables relativement aux transports de marchandises par la plus courte distance ; notre arrondissement est fortement intéressé à de semblables arrangements.

Je dois aussi appeler l'attention de la chambre et de M. le ministre des travaux publics sur une disposition prise récemment par ce dernier relativement à l'exécution de la loi du 21 avril 1810 en ce qui concerne (page 562) les minerais de fer. Un anèlé royal a annulé diverses ordonnances de la députation permanente du conseil provincial de Namur, qui autorisaient quelques communes à concéder l'exploitation de minerais de fer. Il est fondé sur ce que ces minerais ne pouvant être exploités qu'à l'aide de puits et galeries, il était besoin d'un arrêté de concession pour en tirer parti.

Ces considérations sont contraires à la jurisprudence administrative admise jusqu'à ce jour et même à de nombreux arrêts émanés des cours et tribunaux. En effet, il est reconnu que dans toute la province de Namur, les minerais de fer ne sont que des minerais d'alluvion, ne constituant que des amas sans couches régulières ni filons.

Lorsque la loi de 1810 a parlé de puits et galeries, elle n'a jamais entendu sous cette dénnomination de simples fosses qui suffisent pour exploiter chez nous les minerais de fer. En conséquence les dispositions ministérielles dont je parle ont consacré une innovation fâcheuse qui a troublé un ordre de choses fondé à Namur depuis un temps immémorial et qui a même reçu la sanction des tribunaux. Car souvent il a été décidé que les minerais de fer pouvaient être exploités sans concession, du moment que des travaux d'art considérables n'étaient pas nécessaires.

Il s'agit de prendre égard à la position particulière de la province de Namur, qui sous le rapport de la nature des minerais gisant sous son sol, n'a rien de commun avec les autres parties du pays. Je n'hésite pas à penser que, mieux informé, M. le ministre changera une jurisprudence qui est propre à troubler dans notre province les plus imposants intérêts. Des renseignements que pourra prendre M. le ministre le convaincront de la vérité de ce que j'avance.

Je terminerai, messieurs, en appelant l'attention du gouvernement sur la position des facteurs des postes qui ne reçoivent réellement pas une indemnité proportionnée à leurs travaux et qui se trouvent pour la plupart dans une situation qui mérite d'être prise en considération.

Telles sont les observations que j'ai cru devoir émettre à l'occasion du budget en discussion. Je prie le gouvernement de les peser mûrement et d'y faire droit. Je l'engage surtout à ne plus perdre de vue les interêts de la province de Namur qu'il néglige complètement et qui cependant méritent toute sa sollicitude.

M. Maertens. - Messieurs, au moment où s'ouvre la discussion du budget des travaux publics, je vieus appeler l'attention de M. le ministre sur un objet de la plus haute importance et qui intéresse une des fractions les plus importantes de notre pays ; sur le prompt achèvement du canal de Schipdonck.

Les fréquentes inondations qui viennent chaque année porter la ruine et la désolation dans nos riches provinces, nous font un devoir impérieux de renouveler nos instances pour obtenir une prompte justice sur un travail décrété depuis sept ans, si je ne me trompe, et dont l'achèvement marche avec une lenteur vraiment désespérante, non par début d'activité de ceux qui sont commis à son exécution, mais par l'insuffisance des crédits qui y ont été affectes.

A différentes reprises déjà, mes honorables collègues de Gand se sont occupes de cet objet ; notamment dans la séance du 7 mai 1851, MM. T'Kint de Naeyer et Delehaye ont insisté vivement pour obtenir des crédits pour cet objet dans la loi générale des travaux publics qui devait être présentée prochainement.

Leurs instances obtinrent un résultat partiellement favorable en ce sens que dans cette loi un crédit fut affecté à cet objet ; ce crédit fut d'abord fixé à 3 millions 500 mille francs ; mais dans le cours de la discussion une modification fut apportée à la proposition primitive, et le crédit réduit à 2 millions et demi, par le motif qu'il s'agissait seulement à cette époque de parfaire les travaux dont l'étude était complète.

Cette réduction ne fut cependant consentie que sur la promesse formelle faite par le gouvernement, de proposer à la chambre les crédits nécessaires à l'achèvement du canal, du moment où les études seraient complètes sur toute sa longueur.

D'après les réponses du ministre, que je trouve dans le rapport sur le budget des travaux publics, je vois que ces travaux préparatoires sont achevés aujourd'hui. Je crois donc que le moment est venu de rappeler cette promesse au gouvernement et d'insister pour obtenir, non pas une faveur, mais un véritable acte de justice.

Je dis que c'est un acte de justice, car les désastres que nous subissons ne sont pas l'effet d'une servitude qui nous est imposée par la nature depuis des siècles, mais le résultat de travaux qui ont été faits chez nos voisins avec l'assentiment même du gouvernement.

Ce sont en effet les rectifications faites au régime des eaux dans le nord de la France qui constituent la seule cause des inondations désastreuses qui viennent fondre sur nous, non seulement en hiver, mais au cœur de l'été et qui convertirent nos riches campagnes en véritables marais.

Je prie la chambre de croire que ce n'est pas ici un simple intérêt loral qui me guide ; car les désastres qui nous affligent et dont les dommages annuels peuvent être évalués sans la moindre exagération, au chiffre énorme de deux millions, donnent à la question une proportion bien plus grande.

L'état actuel des choses est devenu une véritable calamité publique, une question d'intérêt général, dans laquelle la fortune publique se trouve engagée. Je crois donc devoir me borner, après ces observations que j'ai présentées à M. le ministre des travaux publics, à lui recommander spécialement cet objet, en le priant de faire droit à de justes réclamations, par l'allocation des crédits nécessaires à l'achèvement d'un travail devenu des plus urgents.

M. Moncheur. - Messieurs, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, je crois devoir présenter à la chambre quelques observations générales relatives à ce département.

L'attention se porte tout naturellement d’abord sur l'exploitation du chemin de fer de l'Etat, qui a été, cette année encore, l'objet de recherches toutes particulières de la part de la section centrale.

J'avoue, messieurs, que plus j'observe les faits, plus je réfléchis à ce qui se passe, et plus je me confirme dans l'idée que l'Etat n'est réellement point apte à administrer et à exploiter convenablement une aussi vaste entreprise que celle des chemins de fer.

En effet, si d'une part l'Etat n'exécute, en général, qu'à frais plus élevés que les sociétés particulières, les travaux qu'il entreprend, si son administration coûte beaucoup plus cher que celle des sociétés, d'autre part, il faut bien le reconnaître, le chef du département auquel cette immense exploitation ressortit, enfermé strictement dans le cercle tracé autour de lui par le budget, voit souvent sa marche entravée par le défaut des fonds qui sont absolument nécessaires à l'entreprise. Or, ce défaut de fonds est dû sotl à des considérations de politique intérieure tout à fait en dehors de l'entreprise elle-même, considérations qui empêchent le cabinet de demander des crédits à la chambre, soit à la défiance de la législature elle-même qui, malgré elle peut-être, est dominée par la double crainte très légitime et du mauvais emploi des fonds et de nouvelles lois d'impôts pour faire face à des besoins nouveaux.

Une société particulière au contraire, libre d'entraves politiques, ne considère que les nécessités de l'entreprise en elle-même et se procure à tout prix les fonds indispensables pour faire fructifier son œuvre dans toutes les limites du possible.

Messieurs, consultez M. le ministre des travaux publics et il vous dira que si depuis trois ans, il avait eu à sa disposition les quatre millions de francs qu'il pétitionne aujourd'hui, ces quatre millions lui en auraient peut-être déjà rapporté deux autres, rien que par la possibilité où il aurait été de mettre le matériel du transport au niveau des besoins réels du trafic.

Je m'attends bien à ce que M. le ministre des travaux publics proclame spontanément ceci à l'appui du projet qu'il vient d'adresser à la chambre.

Or, si cela est vrai, messieurs, voilà donc non seulement deux ou trois millions perdus pour l'entreprise, par cela seul qu'elle a été dans les mains de l’Etat, mais voilà, en outre, un mouvement commercial, correspondant à ce bénéfice, perdu également pour l'industrie du pays qui en aurait profité.

Ainsi, messieurs, dépenses excessives d'une part, lésinerie très préjudiciable d'autre part, telles sont les conséquences naturelles de l'intervention directe de l'Etat dans l'administration et l'exploitation du chemin de fer.

Mais, messieurs, le public trouvera-t-il du moins à cet état de choses quelques compensations dans l'exploitation par l'Etat ? Par exemple, des soins plus paternels, plus minutieux seront-ils apportés par l'Etat que par des sociétés particulières dans le transport des voyageurs et dans celui des marchandises ?

Hélas ! non, messieurs ; c'est même le contraire qui existe. Certes pour les voyageurs, nous voyons les sociétés particulières les transporter d'une manière aussi sûre, aussi prompte, aussi régulière, aussi confortable, que peut le faire l'Etat ; et pour ce qui concerne les marchandises, je ne crains pas de dire qu'on trouve m général chez les sociétés, soit en Belgique, soit en d'autres pays, plus de soins, plus de sollicitude qu'on n'en rencontre chez notre administration du chemin de fer de l’Etat.

Soit en effet défaut de ces soins, soit manque de hangars, de magasins, de bâches, de waggons, le fait est qu'on doit signaler les avaries et les bris nombreux, incessants auxquels les marchandises sont, en général, exposées sur nos chemins de fer, avaries et bris qui sont dans une proportion telle, que toutes les marchandises qui y sont le plus exposées déserteraient bientôt complètement le chemin de fer de l'Etat, si celui-ci n'avait pas fait tomber, sur beaucoup de points, tous les autres moyens de transport.

Que si, en cas de bris ou d'avaries, vous risquez quelque réclamation auprès de l'administration, vous êtes éconduit ; on renvoie d'Hérode à Pilate, ou bien vos réclamations sont enterrées dans les profondeurs de la bureaucratie.

Ainsi, je suppose que des objets aient été brisés dans le trajet, depuis telle station jusqu'à telle autre station, et que vous réclamiez l'indemnité ; pour toute réponse on vous promettra d'établir une enquête pour constater sur quel waggon vos colis ont été cassés, attendu que des transbordements avaient eu lieu dans l'intervalle, on ne peut savoir où, comment, par qui et sur quel waggon les objets ont été brisés. Comme si, messieurs, l'administration n'était pas responsable des bris arrivés indifféremment sur tous ses waggons !

Il va sans dire que l'enquête n'aboutit ordinairement à rien, et que vous en êtes pour vos démarches.

El quelles sont, messieurs, les causes de cette excessive difficulté d'obtenir de l'Etat la justice, la satisfaction qu'on obtient facilement des messagistes ou des sociétés particulières ?

L'honorable rapporteur de la section centrale les a parfaitement indiquées ; c'est l'absence d'une impulsion unique, pour chaque service ; c'est le nombre excessif et l'imperfection des rouages à l'aide desquels l'administration fonctionne péniblement ; c'est l'absence de responsabilité (page 563) ; ou plutôt c'est la division de la responsabilité entre un si grand nombre d'agents qu'elle se perd, comme le dit le rapporteur, dans le cercle qu'elle a à parcourir.

Mais, on devrait peut-être s'imaginer, messieurs, que l'entreprise des chemins de fer étant dans les mains de l'Etat, des idées d'autant plus saines, d'autant plus larges, non seulement en fait d'exploitation, mais encore en économie politique intérieure, présideront à tous les actes de l'administration ; qu'une loyauté plus parfaite régnera dans toutes ses relations, soit avec le public, soit avec les autres chemins de fer qui existent dans le pays.

Eh bien, messieurs, c'est encore malheureusement le contraire que nous avons sous les yeux.

Il y a plus de deux ans, que je me plaignais déjà, dans cette enceinte, du système du gouvernement dans ses relations avec certains chemins de fer particuliers et notamment en ce qui concerne la question des plus courtes distances.

Ce système, vous le savez, consiste à retenir, malgré les expéditeurs, sur les voies ferrées de l'Etat, le transport de» marchandises, alors même qu’il existe des directions plus courtes et moins coûteuses par les chemins de fer construits par des sociétés particulières ; or, ce système est injuste, illibéral et contraire aux idées les plus simples de trafic et de commerce.

L'opinion publique commence à comprendre cette question et à s'en émouvoir.

Pour elle, il n'y a qu'une chose raisonnable et vraie, c'est que tous les chemins de fer qui se croisent et se croiseront sur le sol belge ne doivent former qu'un seul réseau, et que les marchandises comme les voyageurs doivent y circuler par la voie la plus courte et la moins coûteuse. Et c'est là, d'ailleurs, messieurs, ce qui a été bien entendu en 1845 lorsque les concessions particulières ont été accordées.

Vous êtes saisis de plusieurs réclamations, émanant même de chambres de commerce, sur ce point important.

Vous avez vu aussi, par quelques documents qui vous sont parvenus, à quels expédients le gouvernement doit avoir recours pour atteindre son but.

Il fait fonctionner, à cet effet, deux petites machines de guerre, si je puis m'exprimer ainsi, qu'il a mis à sa propre disposition pour cet objet, à savoir : d'abord les distances dites légales au moyen desquelles il égalise des distances plus longues avec des distances plus courtes, et en second lieu les surtaxes dont il frappe arbitrairement le transport des marchandises, sous le nom de frais fixes, chaque fois que ces marchandises touchent une station de l'Etat, après avoir parcouru en transit, une voie ferrée particulière.

C'est ainsi, messieurs, qu'au moyen des distances légales, la distance de Verviers à Mons n'est pas censée plus longue par Malines et Bruxelles, que par Namur et Charleroy, quoiqu en réalité il y ait 31 kilomètres de plus par le premier parcours que par le second. Mais, comme le but ne serait pas encore atteint par ce seul moyen, et comme cette égalité fictive de distance ne suffirait pas pour faire pencher la balance en faveur du parcours le plus long, on emploie alors le second expédient, qui consiste dans la surtaxe des frais fixes et on en frappe la ligne la plus courte.

Par ce procédé ces marchandises doivent payer sur la ligne la plus courte, savoir :

1° Un droit fixe à Verviers ;

2° Un deuxième droit fixe à Narnur ;

3° Un troisième droit fixe à Mons ; tandis que sur la ligne la plus longue on ne paye qu'un droit fixe au départ et à l'arrivée.

Au moyen de cette combinaison, messieurs, permettez-moi une expression un peu triviale mais juste, le tour est joué, et les marchandises de Verviers vers Mons ou Quievrain devront à perpétuité, si ce système est maintenu, cheminer par le plan incliné de Liège vers Matines et de là vers Mons, au lieu de suivre leur voie naturelle qui est la plus courte, et la moins coûteuse, celle de la vallée de la Meuse et de la vallée de la Sambre.

Messieurs, je voudrais ne pas insister davantage sur cette question parce qu'il résulte d'une réponse faite par M. le ministre à la section centrale qu'il se réserve de la traiter plus spécialement lors de la discussion de la loi sur le transport des marchandises ; je crois, cependant utile de présenter encore à vos esprits deux observations à ce sujet : la première c'est que, dans cette petite guerre que l'Etat livre aux concessions particulières, concessions dont nous n'avons à nous constituer ici les défenseurs qu'au point de vue de la justice absolue, dans cette petite guerre, dis-je, il est bien évident que c'est, en définitive, l'industrie qui en paye les frais.

La seconde observation, c'est que l'Etat n'est pas admis à objecter qu'il transportera au même prix, par la voie la plus longue, qu'on pourrait le faire par la voie la plus courte ; car les frais de transport étant même égaux par les deux voies, il est évident que l'industrie a le plus grand intérêt à pouvoir suivre la voie la plus courte, et cela au double point de vue du temps qu'elle épargne, et des risques d'avaries et de bris qu'elle évite.

On sait, en effet, que ces pertes de temps, ces risques d'avaries et de bris, s'accroissent en raison des distances, et non point en raison des distances fictives mais des distances réelles.

J'espère donc qu'un esprit aussi juste que celui de l'honorable ministre des travaux publics ne se laissera pas dominer, sur ce point, par des considérations par trop étroites, et qu'il saura donner à la question importante dont il s'agit, une solution basée sur l'équité et sur l'intérêt bien entendu du pays.

Messieurs, j'ai vu avec peine, dans le rapport de la section centrale et dans l'exposé des motifs de la demande de crédit de quatre millions, qu'il ne s'agit encore, pour le moment, ni de compléter les secondes voies du chemin de fer, ni de construire les stations là où elles manquent.

Cet ajournement est très fâcheux, et il est encore une preuve de plus de cette impuissance relative de l'Etat, dont j'ai parlé tout à l'heure, en matière d'exploitation de chemins de fer.

En effet, de deux choses l'une : ou les doubles voies et les stations sont nécessaires, ou elles ne le sont pas ; si elles sont nécessaires, il faut les construire immédiatement ; si elles ne le sont point, il faut y renoncer.

Mais, messieurs, il est certain que ces travaux, surtout ceux des secondes voies, sont dans plusieurs localités d'une absolue nécessité.

Je citerai, entre autres, le parcours entre Châtelineau et Namur, où la simple voie est constamment une cause de longs retards et de dangers pour les convois de voyageurs.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre sur ce point. Chose curieuse, en effet, messieurs ! Le gouvernement a, d'une manière absolue, interdit au chemin de fer de Namur à Liège toute espèce de transport avant que la dernière cheville fût placée aux deux voies de ce chemin de fer, tandis que depuis plus de dix ans celui de Namur à Charleroi est en exploitation ; là où le trafic est si considérable, l'Etat n'achève pas encore la seconde voie, et semble même ajourner cet achèvement indéfiniment. Avouez, messieurs, que cela n'est ni conséquent ni raisonnable.

Or, quelle est messieurs, la conclusion des observations que je viens de présenter à la chambre ? C'est que tout en rendant hommage à l'intelligence active et à la bonne volonté de M. le ministre des travaux publics, bien éloigné que je serais d'ailleurs de lui faire chose désagréable, je ne pourrais refuser mon vote à la proposition qui serait faite d'une enquête, indiquée par la section centrale, sur tout ce qui concerne l'administration et l'exploitation de nos chemins de fer, persuadé que je suis qu'il est de l'intérêt du pays et du gouvernement lui-même, que toutes ces questions soient parfaitement éclairées.

Messieurs, c'est au défaut d'entente entre le gouvernement et la société du chemin de fer de Mons à Manage et de Namur à Liège, que ces deux dernières villes et même les deux provinces de ce nom sont privées d'une correspondance directe avec Paris et la France. Cet état de choses ne peut cependant pas durer, car il faut bien que le pays retire des voies de communication qu'il possède, tous les avantages qu'il est possible d'en faire ressortir.

En attendant cet accord si nécessaire, les villes de Namur et de Liége demandent au moins que le gouvernement mette le premier départ du matin de Braine-le-Comte en correspondance immédiate avec l'arrivée du courrier de Paris ; on gagnerait de cette manière plusieurs heures, ce qui est très précieux ; mais il est à regretter que Je gouvernement reste sourd à cette demande bien légitime.

Messieurs, encore quelques mots sur un point de la plus haute importance pour la province qui m'a envoyé dans cette enceinte.

Lors de la fameuse loi des travaux publics en 1851, on a fait, pour ainsi dire, la part de chaque province dans ces grands travaux. Mais, messieurs, au train dont vont les choses, on doit craindre que cette part accordée aux provinces de Namur et de Luxembourg ne soit gravement compromise.

En effet, bien loin que les travaux du chemin de fer de Luxembourg soient commencés depuis le printemps dernier, comme cela devait avoir lieu aux termes d'un contrat passé entre la société et le gouvernement, les plans de ce chemin de fer ne sont pas même encore arrêtés.

La ville de Ciney devait être un lieu de station pour cette voie ferrée, et elle se voit menacée d'être privée de cet avantage.

Une loi serait en tous cas nécessaire pour opérer ce changement à la loi primitive de concession, et si cette loi n'est pas proposée dans la session actuelle de la législature, l'adoption des plans ne pourra pas même avoir lieu pendant cette campagne, et les travaux seront retardés au moins d'un an.

Quelques personnes ont même, je ne puis le cacher, des provisions plus sinistres encore et prétendent que cette ligne sera totalement abandonnée.

Quelques explications de M. le ministre des travaux publics sont, je pense, nécessaires pour rassurera cet égard les intérêts alarmés.

D'un autre côté, messieurs, la loi de 1851 avait accordé aux provinces de Namur et de Hainaut un crédit de 600,000 fr. pour prévenir les inondations de la Sambre.

Ce chiffre fixé au hasard, sans aucune étude préalable des travaux à faire, mais après prélèvement de nombreux millions pour une autre célèbre dérivation, ce chiffre, dis-je, paraît aujourd'hui insuffisant, et cette insuffisance empêche qu'un ne mette la main à l'œuvre.

J'aurai l'honneur de prier l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien dire à la chambre quel parti il compte prendre, dans cette conjoncture, afin d'assurer l'exécution complète de la loi du 21 décembre 1851, dans son esprit.

Je bornerai là mes observations, messieurs, me réservant d'en présenter d'autres, au besoin, dans la discussion des articles.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Avant d'aborder le débat qui va occuper la chambre et de rencontrer les observations qui viennent d'être produites par les honorables préopinants, je crois utile (page 564) de présenter à la chambre un exposé impartial et complet des faits qui se rattachent à la discussion, et qui dominent en quelque sorte les questions sur lesquelles la chambre peut être appelée à se prononcer.

L'ensemble des services qui constituent le département des travaux publics comprend trois branches principales d'administration, qui, chacune dans les limites de son action propre, exercent une influente marquée sur les dépenses et les recettes.

Ces branches sont :

1° L'administration des postes, que je considère isolément de l'administration du chemin de fer ;

2.° L'administration des ponts et chaussées, que je sépare de l'administration des mines ;

3° Enfin l'administration du chemin de fer, que je sépare de l'administration des télégraphes ; car cette dernière administration ne peut être aujourd'hui l'objet de la moindre appréciation.

J'ai voulu me rendre un compte exact de l'action que ces divers services ont exercée dans ces dernières années, de l'effet utile qu'ils ont produit et de l'accroissement successif des dépenses qu'ils ont déterminé.

Le résultat auquel cet examen conduit est remarquable. D'après les faits et les chiffres que je vais avoir l'honneur de faire passer sous les yeux de la chambre, le résultat financier auquel cet examen nous conduit, c'est que, pour l'administration des postes, il y a accroissement notable de dépenses, mais augmentation pleinement justifiée aux yeux de la chambre, j’en ai la ferme conviction ; que, pour l’administration des chemins de fer, si l’on veut en excepter l’article « Salaires », sur lequel il y a une augmentation assez notable, mais qui est justiiée et par l’allongement du réseau et par le développement prodigieux des transports, il y a réduction sur l’article « Personnel », économie pour l’entretien, pour les réparations, économie réalisée avec un personnel inférieur à ce qu’il était autrefois, par des transports bien plus considérables et malgré un service beaucoup plus étendu.

Pour l'administration des ponts et chaussées, le résumé de mon examen est : moins de dépense, moins de personnel ; plus d'affaires, infiniment plus d'affaires et beaucoup plus de travaux utiles exécutés pour compte de l'Etat.

Messieurs, je fais un appel à la patience de la chambre, à sa longanimité ; j'en aurai besoin : les détails que je vais fournir sont puisés non pas seulement dans le budget, mais aussi dans les écritures de la comptabilité à la cour des comptes ; ces calculs sont basés non pas seulement.sur les allocations du budget, mais aussi, quant au chemin de fer, sur les dépenses réelles effectuées.

J'ai dit, messieurs, que pour l'administration des postes il y a accroissement des dépenses. C'est en effet cette branche des services publics ressortissant à mon département, qui a reçu pendant ces dernières années l'extension la plus considérable et qui a déterminé, par voie de conséquence, les dépenses les plus sensibles.

Je prends, au hasard, l'année 1847. Je pourrais prendre 1846 ou 1845, le résultat de la comparaison serait le même.

La dépense allouée au budget des postes pour 1847 s'élève à 1,490,000 francs. Pour 1851, exercice clos, la dépense se montée 1,661,850 francs. Il y a donc pour l'administration des postes une augmentation de 171,850 francs, et cette augmentation porte pour une plus forte somme sur les dépenses de personnel.

J'ai ici sous les yeux un éiat comparatif des dépenses du personnel des postes pendant les années 1845 a 1851 inclusivement.

En 1845 les dépenses du personnel se sont élevées à 854,607 francs, le nombre d'agents était de 1,124.

En 1846, dépense 904,124 fr. ; 1,165 agents.

En 1847, dépense 919,655 fr. ; 1,172 agents.

En 1848, dépense 976,655 fr. ; 1,243 agents.

En 1849, dépense 992,000 fr. ; 1,252 agents.

En 1850, dépense 1,037,190 fr. ; 1,323 agents.

En 1851, dépense 1,107,215 fr. ; 1,533 agents.

En 1852, dépense 1,153,498 fr. ; 1,577 agents.

Ainsi, messieurs, à chaque exercice augmentation du chiffre de la dépense ; accroissement du nombre des agents.

Par rappott à 1845, la dépense est en 1852, de plus de 292 mille fr. supérieure à ce qu'elle était à la première de ces deux époques, et le nombre d'agents, qui n'était que de 1,124 en 1845, est dépassé de 453 aujourd'hui.

Mais sur quoi porte cette augmentation ? Est-ce, comme on l'a insinué, sur les gros traitements ? Voici, messieurs, la vérité à cet égard.

En 1845, l'administration supérieure des postes comprenait un inspecteur général, 8 directeurs et 12 contrôleurs, touchant ensemble 91,000 fr. de traitements ; en 1851, l'administration supérieure comprend un inspecteur général, 3 directeurs, 9 contrôleurs, soit 13 fonctionnaires d'un rang supérieur, au lieu de 21, touchant ensemble 52,000 fr., au lieu de 91,000 fr., dépensés en 1845, et de 103,000 fr., dépensés en 1846.

L'augmentation de la dépense du personnel des postes porte exclusivement sur les perceptions dont le nombre a été augmenté, sur les commis et adjoints-commis, sur les facteurs et les facteurs ruraux. Ainsi en 1845, il y avait 571 facteurs ruraux, touchant 310,235 fr. ; en 1852 il y en a 830, touchant 448,095 fr.

Quant au petit personnel des postes, les mesures qui ont été prises récemment par moi ont eu pour effet de faire disparaître 30 surnuméraires sur 53 qui touchaient pour traitement zéro à qui j'ai alloué 600 fr. de traitement.

Voici, messieurs, quelle était à cet égard la situation. Au 1er janvier 1852, toute l'allocation pour le personnel des postes se trouvait engagée. Au 1er janvier 1850, l'on comptait dans l'administration :

27 commis-adjoints à 1.200 fr., 32,400 fr.

40 commis adjoints à 900 fr., 36,000 fr.

et 68 surnuméraires, touchant zéro, ce qui faisait 135 agents touchant 507 fr, traitement moyen.

Aujourd'hui quelle est la situation ? Au 1er janvier 1853, il y a :

32 commis à 1,200 fr. : fr. 38,400

41 commis-adjoints à 1,000 fr. : fr. 41,000

6 commis-adjoints à 900 fr. : fr. 5,400

14 commis-adjoints à 750 fr. : fr. 10,500

24 commis adjoints à 600 fr. : fr. 14,400

et 15 surnuméraires seulement ne touchant rien.

En tout 152 agents, qui reçoivent 109,700 francs, ce qui fait un traitement moyen de 831 francs.

J'ai donc raison de dire que j'ai trouvé le moyen d'améliorer, dans une proportion notable, la position d'un grand nombre d'agents inférieurs qui appartenaient depuis plusieurs années à l'administration et qui lui rendaient des services signalés et qui cependant n'avaient aucune espèce de traitement.

Messieurs, cette augmentation de la dépense du personnel des postes, je dis qu'elle est pleinement justifiée ; et, en effet, sans parler ici de la réforme postale que je ne veux point examiner au point de vue des résultats financiers, tout le monde reconnaîtra qu'il a fallu faire face à un mouvement beaucoup plus considérable, puisque, au lieu de 6 millions de dépêches, nous en avons aujourd'hui 7 millions. La suppression du décime rural a aggravé la position des facteurs ruraux. La suppression du timbre des journaux a aussi contribué à aggraver les pénibles fonctions de ces agents subalternes auxquels tout le monde s'intéresse.

Une autre mesure qui a augmenté les dépenses, c'est l'organisation du service rural, qui est aujourd'hui à peu près complète et qui a mis les habitants des campagnes à même, là où il y a des bureaux de distribution, d'opérer le dépôt des lettres chargées et l'expédition des articles d'argent, qui sont extrêmement nombreux dans nos communes rurales.

Pour donner à la chambre une idée des effets utiles produits par l'organisation de ce service, je me bornerai, messieurs, à faire connaître simplement les faits que voici : jusqu'au commencement de 1850, les communes rurales n'avaient été divisées qu'en... tournées, ce qui faisait, en moyenne, 3 1/2 localités par tournée ; d'un autre côté, 578 facteurs seulement jouissaient d'un traitement de 500 à 700 francs ; la nouvelle organisation comporte 871 tournées, ce qui ne présente, en moyenne, que 2 1/2 communes, plus une petite fraction, par tournée, et 658 traitements de 500 à 700 francs par an ; de manière que les anciens facteurs ruraux ont, en général, obtenu une amélioration, les uns par une diminution de leur service, réclamée dans l'intérêt de l'humanité et de la prompte remise de la correspondance, les autres, par l'augmentation de leur traitement.

Les avantages accordés aux communes ne sont pas moins remarquables ; une double levée de boîte accordée antérieurement à 360 localités, a été prescrite dans plus de 1,300 communes qui ont aujourd'hui le moyen de répondre par le retour du facteur et de faire parvenir leurs réponses 24 heures plus tôt à destination.

La création de plus de 200 nouvelles tournées a permis, d'un autre côté, d'accélérer la distribution des lettres dans les communes qui les composent, lesquelles n'étaient auparavant desservies qu'en dernier lieu.

A cet égard, je ne pense pas qu'il entre dans l'esprit de qui que ce soit dans cette chambre de critiquer l'allocation destinée au service des postes. Au contraire, si on pouvait augmenter le crédit pour améliorer la position des facteurs, je serais le premier à m'y associer.

En ce qui concerne l'administration des ponts et chaussées, on conviendra que, par suite du vote de la loi sur les travaux publics, les affaires ont pris un développement considérable. Il y a aujourd'hui, pour le compte de l'Etat, pour près de 20 millions de travaux en projet ou en cours d'exécution. Une pareille impulsion n'a existé à aucune époque. J'ai eu l'honneur de faire parvenir à la section centrale le relevé des travaux qui ont été exécutés en 1833, 1837, 1846 et 1849 ; si, comme je le suppose, ce relevé est imprimé comme annexe au rapport de la section centrale, la chambre pourra se convaincre qu'en 1849, époque où les travaux publics avaient le plus de développement, il y en avait pour 5 millions 600,000 fr. seulement.

Il y a une autre cause qui donne aux affaires un développement extraordinaire : ce sont les diverses concessions qui ont été votées par les chambres. On a voté plus de 140 lieues de chemins de fer. Tous les plans qui se rapportent à ces concessions, comme les nombreuses correspondances auxquelles ils donnent lieu, sont traités aujourd'hui par l'administration des ponts et chaussées. Or, quelle est la composition de ce corps, quelle est la dépense qu'on affecte à ce service, service auquel à l'étranger on se plaît à rendre un juste hommage, par l'appel qu'on fait à l'intelligence et aux lumières de nos ingénieurs ?

Il y a quelques années, il y avait 220 membres en activité de service ; aujourd'hui, le corps n'est composé que de 181 membres, c'est-à-dire qu'il y a 39 ingénieurs en moins qu'en 1846 ou en 1847.

L'allocation, en 1847, était de 637,360 francs ; elle est aujourd'hui de 601,209 francs.

(page 565) Il y a donc encore une différence de plus de 36,000 francs ; mais il est à remarquer que l'allocation qui est proposée au budget de 1853 pour l'administration des ponts et chaussées, comprend une somme de 50,000 francs, qui ne constitue qu'une charge extraordinaire, temporaire et même fictive, parce que les compagnies concessionnaires sont obligées, par le contrat qui les lie envers Ie'gouvernement, de verser une somme de 52,000 francs, à titre de frais de surveillance et d'entretien.

En second lieu, il est à noter que l'allocation de 601,209 fr. qu'on demande, comprend une somme de 30,000 ou 35,000 fr., (je ne me rappelle pas le chiffre exact), qui constitue encore une charge temporaire, puisqu'elle est destinée à rétribuer des agents qui sont dans la position de disponibilité.

J'ai donc raison de dire que, comme cadres et comme dépense, le corps des ponts et chaussées se trouve au-dessous de ce qu'il était il y a quelques années.

Veut-on le comparer à l'organisation qu'on a donnée au corps des ponts et chaussées, dans d'autres pays, à l'organisation qui existe, par exemple, en France et en Hollande ? Voici les éléments de ce parallèle :

En France, le nombre des ingénieurs est 15 fois plus considérable qu'en Belgique, et le nombre des conducteurs 17 fois.

Le corps des ponts et chaussées est composé en France de 6 inspecteurs généraux qui reçoivent chacun 12,000 franes ; en Belgique, ie traitement maximum, déterminé par l'arrêté organique, est de 9,000 francs.

Il y a en France 18 inspecteurs divisionnaires à 9,000 fr. ; 75 ingénieurs en chef de première classe à 5,000 fr., et touchant des indemnités dont le minimum est de 2,400 fr. et ie maximum de 10,000 francs ; 73 ingénieurs en chef de seconde classe, à 4,500 fr. ; 147 ingénieurs ordinaires de première classe, 221 ingénieurs ordinaires de deuxième classe, 71 ingénieurs ordinaires de troisième classe et 2,500 conducteurs.

En France, le développement imprimé aux travaux publics est beaucoup moins considérable qu'en Belgique. En Belgique, on a calculé qu'en 1795 il y avait 483 lieues de routes ; de 1795 à 1815, on a fait 88 lieues ; de 1815 à 1830, 60 lieues de 5 kilomètres, et depuis 1830 à 1850, en en a fait plus de 600 lieues.

En Hollande, la dépense est aussi plus considérable ; elle est de 403,466 francs. Mais il est à remarquer que les provinces parfont les traitements des ingénieurs, de manière qu'on arrive à un chiffre beaucoup plus élevé.

Quant aux indemnités, la section centrale a également reçu un état indicatif des indemnités qui ont été payées aux ingénieurs dans ces derniers temps. Ces indemnités, en 1847, s'élevaient à 105,506 francs, et en 1851, elles se sont montées à 65,368 francs ; il y a donc de ce chef une différence de 40,138 francs.

Messieurs, j'aborde maintenant le troisième grand service, l'administration des chemins de fer.

La chambre a déjà pu se convaincre par le discours de l'honorable M. Moncheur, que, s'il y a dans cette enceinte des membres qui attaquent l'administration des chemins de fer au point de vue des dépenses qu'elle occasionne, que s'il y en a d'autres qui attaquent l'institution des chemins de fer au point de vue de la recette qu'elle produit ou ne produit pas, il y en a aussi qui en principe contestent la compétence, l'habileté de l'Etat à exécuter et à exploiter économiquement un chemin de fer. De ce nombre est l'honorable M. Moncheur.

Je n'ai que peu de mots à dire quant au principe : c'est que ce principe n'en est pas un, selon moi. La question de savoir si le gouvernement doit intervenir dans l'éxecution des travaux publics, s'il doit construire et exécuter des chemins de fer, cette question est moins une question de principe, qu'une question de fait ; c'est une question qui ne peut pas être résolue a priori, qui n'a été résolue à priori nulle part pas même en Angleterre.

En Angleterre, on suit un système de travaux publics qu'il serait fort désirable de voir introduire chez nous ; mais malheureusement il faut désespérer d'arriver à ce résultat. En Angleterre, quand on a besoin d'une route ou d'un canal, on provoque un meeting.

Les localités intéressées constituent par voie de souscription un certain fonds qui suffit à payer les premiers frais ; elles délèguent le soin de défendre la constitution de la société et de poursuivre le bill d'incorporation à quelques hommes qui ont leur confiance, et le bill obtenu, la société se constitue et le chemin ou le canal s'exécute.

Ensuite, quelles conditions leur fait-on ? Leur parle-t-on de cautionnement, de confiscation, de déchéance, de concession temporaire ? On ne leur impose rien de semblable ; on ne leur demande pas de cautionnement, on leur accorde des concessions perpétuelles ; on ne leur impose presque pas de tarifs, car les tarifs dans lesquels les sociétés se meuvent sont tellement généraux et si élevés qu'on peut dire qu'il n'en existe pas.

Aux Etats-Unis, si je voulais consulter mes notes, il me serait facile de prouver que la plupart des canaux ont été exécutés avec des fonds des Etats qui sont souverains.

En France, la question a reçu des solutions différentes.

En 1838, on avait pris pour système d'abandonner aux compagnies les lignes principales, les grandes artères et de réserver pour l'Etat les lignes d'embranchement, les lignes secondaires. Ce système avait cet avantage : si la part du gouvernement était onéreuse, si on lui réservait seulemeut les lignes dont les bénéfices étaient problématiques, il avait cet avantage de ne pas deshériter les localités pauvres qui ne présentent pas assez de chances de produits pour attirer les capitaux.

Plus tard un autre système prévaut ; c'est l'exécution des grandes lignes par l'Etat et l'abandon des embranchements aux compagnies. En 1842 ce système est abandonné pour faire place à un système de conciliation, qui a pour objet de faire concourir les forces vives de l'industrie privée avec l'action du gouvernement. Mais dans ce système c'était Etat qui semait ; c'étaient les compagnies qui récoltaient ; l'Etat se chargeait des acquisitions de terrain, de la construction des tunnels et des gares ; il abandonnait les, travaux ainsi faits aux compagnies.

C'est ainsi que le chemin du Nord a été livré à la compagnie qui l'exploite. Aussi, en 1850, le ministre des travaux publics évaluait-il à six cents millions les engagements contractés par l'Etat dans les diverses lignes concédées et il n'y comprenait pas toutes les dépenses effectuées.

Indépendamment de cette dépense on est entré plus récemment dans le système de la garantie d'intérêt, mais dans des proportions bien autrement larges, bien autrement colossales que chez nous.

Je ne veux pas faire passer sous les yeux de la chambre tous les faits que j'ai recueillis sur ce point, niais pour donner la mesure de l'extension de l'intervention de l'Etat au moyen de la garantie d'intérêt, je me borne à citer quelques exemples.

Le chemin de Lyon à Avignon a reçu une subvenlion de 60 millions et 5 p. c. de garantie d'intérêt pendant 50 ans sur 30 millions.

Le chemin de Paris à Lyon a obtenu une garantie de 4 p. c. sur 200 millions. Pour le chemin de Bordeaux à Cette, l'Etat abandonne à la compagnie le canal latéral à la Garonne, qui a coûté 60 millions, la concession de terrains d'une superficie de mille hectares ; 2° une subvention de 35 millions et une garantie de 4 p. c. d'intérêt pendant 50 ans sur 40 millions. Les concessions de Strasbourg à la frontière bavaroise ; de Dijon à Besançon ; de Dôle à Salins, de Lyon à la Méditerranée ont été octroyées d'apiès les mêmes principes.

En Allemagne, si en veut consulter les faits, on trouve une réaction évidente vers l'abandon du système d'exploitation par les compagnies ; les chemins de fer exploités présentaient, en 1851, une longueur de 8,125 kilomètres, et l'étendue des chemins exploités par l'Etat était de 3,969 kilomètres, c'est-à-dire près de la moitié de la longueur totale des chemins de fer existants.

En 1850, de tous les chemins qui ont été construits, un seul acte concédé à une compagnie privée, c'est celui de Munich à Salzbourg.

An reste, le gouvernement, en cette matière, ne s'est jamais montré absolu. Il l'a prouvé tout récemment, dans la loi des travaux publics, et ne s'est réservé que les travaux qui n'étaient pas concessibles, les travaux d'amélioration auxquels se liait le développement du bi en-être du pays et vers lesquels les capitaux ne pouvaient pas être attirés. Depuis 1845, presque toutes les lignes qu'on prévoyait pouvoir être exécutées, ont été livrées par le gouvernement à l'industrie libre.

Tous les jours il arrive que de nouvelles demandes de concession se produisent. Le gouvernement se préoccupe très secondairement de la question de savoir si une ligne peut être exécutée par l'Etat ou par une compagnie. Pour ce qui me regarde, je serais toujours heureux de pouvoir assurer le concours simultané de ces deux grandes forces qui doivent s'unir dans l'intérêt du bien public.

En Belgique, depuis 1830, plus de 250 miilions ont été consacrés à des travaux publics, j'ai le relevé officiel dans mes notes. Ces travaux, si l'on veut calculer les intérêts des capitaux qu'on y a consacrés à raison de 5 p. c. et y ajouter les frais d'entretien, de surveillance et d'entretien général, répondent à une somme annuelle d'environ 25 millions. Si d'autre part on veut au budget des voies et moyens se renseigner sur les produits que donnent ces 250 millions, on trouve 22 millions ; c'est-à-dire que pour 25 centimes par habitant et par an, on a doté le pays d'un immense réseau de communications qui non seulement ont ajouté au développement de notre prospérité publique à l'intérieur, mais ont donné à la Belgique une grande considération au-dehors.

Veut-on un exemple de l'influence qu'a exercée l'exécution des chemins de fer sur le prix des transports ?

Un seul fait : Avant l'ouverture des chemins de fer on payait par diligence en moyenne 45 centimes par lieue ; aujourd'hui on paye 25 centimes.

Il y a donc une économie (je ne parle pas de celle du temps) en argent, de 4 centimes par personne et par kilomètre. On a calculé qu'en 1830, 125 millions de personnes avaient été transportées à un kilomètre sur nos chemins de fer, cela représente en argent une économie de cinq millions de francs.

Pour les marchandises, c'est plus considérable. Le chemin de fer transporte quinze cent mille tonnes de marchandises.

Avant l'exécution du chemin de fer, les marchandises payaient un franc par lieue ; elles payent maintenant moins de 50 centimes, et elles font, en moyenne, dix lieues sur le chemin de fer. Il en résulte donc qu'il y a, sur le transport des marchandises, une économie de 7 millions de francs.

On a calculé en Angleterre (c'est un travail très long qu'a publié le Journal des chemins de fer anglais) que l'économie sur le transport des marchandises par chemin de fer, en Angleterre, représente annuellement une somme de 220 millions.

Le développement que recevront plusieurs branches de notre industrie nationale par le vote de la loi sur les travaux publics est considérable. (page 566) D'après un relevé que j'ai fait dresser, il y aura, rien que pour les rails, les coussinets et le matériel, plus de 50 millions de commandes à faire.

Je crois donc que, si l'on veut mettre de côté la question de principe, de théorie, de savoir si le gouvernement doit exécuter des chemins de fer, s'il doit ou peut les exploiter, on se trouve inévitablement devant cette double objection : les uns reprocheront au chemin de fer de ne pas produire assez ; d'autres lui reprocheront de trop dépenser. C'est le double grief qui se produit constamment dans toutes les discussions de ce genre.

Pour la question des produits, je prierai la chambre de réserver la discussion. La chambre est saisie d'un projet de tarif du transport des marchandises par le chemin de fer. Toutes les opinions pourront se produire sur ce sujet. Moi-même, quant aux marchandises, j'en appelle à ce que j'ai dit dans d'autres discussions. Je n'ai jamais été exclusif, et je vais en fournir une seule preuve à la chambre.

Dans la discussion qui a eu lieu le 28 février 1851, M. Cools avait dit que l'on pourrait obtenir une économie d'un ou de deux millions. Je l'interrompis pour lui dire : « Oui, sur les marchandises. » Ainsi, quant aux marchandises, je réserve formellement la discussion, parce qu'elle trouvera sa place, quand le rapport aura été fait, et que la chambre en sera saisie.

Quant aux voyageurs, je demanderai aussi à la chambre de vouloir suspendre son jugement jusqu'au dépôt que je me suis engagé à faire sur cette question d'un travail considérable qui se résume en une foule de détails et de chiffres. La chambre comprendra facilement que le tarif relevé qui a été introduit à la suite du vote de l'amendement de l'honorable M. Osy a eu pour effst de créer trois situations différentes :

Il y a des relations et en grand nombre pour lesquelles les prix n'ont pas varié.

Il y en a d'autres et aussi en grand nombre, pour lesquelles il y a eu relèvement des prix.

Enfin, il y en a pour lesquelles il y a eu abaissement des prix.

Entre Liège et Verviers, on paye beaucoup moins qu'on ne payait avant la ratification nouvelle. Il en résulte que pour juger de l'influence produite par le relèvement des prix, il faut isoler les relations pour lesquelles il y a eu maintien ou abaissement de taxe de celles sur lesquelles il y a eu relèvement, de même qu'il faut tenir compte de l'augmentation normale, et enfin isoler soigneusementle mouvement supplémentaire, résultant de l'exposition de Londres, ce qui est facile par l'examen du mouvement aux stations extrêmes du chemin de fer et aux ports d'embarquement d'Anvers et d'Ostende.

Sur ce point (je suis bien aise d'avoir l'occasion de m'en expliquer), l'opinion du gouvernement n'a jamais été fanatique, absolue. Voici ce que j'ai dit à la séance du 28 février 1851, dans la discussion du tarif :

« Je puis déclarer dès à présent à la chambre que toute tarification nouvelle, quelle qu'elle soit, qu'elle consacre un relèvement ou un abaissement de prix, constituera, dans ma pensée, une chose utile, puisqu'elle sera une expérience nouvelle et que personne, en cette matière, n'a, que je sache, la prétention d'avoir trouvé le chiffre heureux. »

Je supplie donc la chambre, si la discussion s'engage sur la question des produits, d'ajourner toute résolution. Il est du reste à remarquer qu'à mesure que le réseau s'allonge, la recette kilométrique augmente. C'est le contraire en Angleterre, où la recette kilométrique a été :

En 1846 de 3,305 livres par mille, en 1847 de 2,870, en 1848 de 2,556, en 1849 de 2,302, en 1850 de 2,227, en 1851 de 2,285 et en 1852 de 2,238.

Ainsi avec l'allongement du réseau, la recette kilométrique baisse.

M. Dumortier. - C'est pourquoi il ne fallait pas concéder de chemins de fer avec la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c._

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si pour l'exécution du chemin de fer du Luxembourg on n'avait pas donné cette garantie sur un capital de 22,500,000 fr., d'honorables membres, et surtout l'honorable M. Dumortier, qui a donné au Luxembourg des preuves de sollicitude, auraient été amenés à proposer d'exécuter ce chemin de fer au moyen d'un emprunt que l'on n'aurait certainement pas réalisé à 4 p. c.

Chose remarquable, nous avons chaque année une progression constante des recettes kilométriques. C'est, si j'ose le dire, la poule aux œufs d'or.

Tous les ans le transport des marchandises par le chemin de fer produit un million de plus.

Je craindrais de bouleverser cette progression par une réforme radicale, si je pouvais, comme d'honorables membres, en exprimer le vœu.

La recette kilométrique a augmenté comme suit d'année en année (c'est complètement indépendant de l'exécution du réseau, puisqu'il s'agit de l'unité de kilomètre) :

1835, 19,214 fr. par kilomètre ;

1836, 22,920 fr.

1837, 15,744 fr.

1838, 15,335 fr.

1839, 15,682 fr.

1840, 16,517 fr.

1841, 18,367 fr.

1842, 18,842 fr.

1843, 18,192 fr.

1844, 20,090 fr.

1845, 22,188 fr.

1846, 24,213 fr.

1847, 25,794 fr.

1848, 20,349 fr.

1849, 20,830 fr.

1850, 24,510 fr.

Et aujourd'hui, 27,000 fr.

Je n'en dis pas davantage sur cette question des produits. J'aborde immédiatement un troisième point qui fait plus spécialement l'objet du rapport de l'honorable M. de Brouwer. Il voudra bien, j'espère, reconnaître que dans beaucoup de points j'ai fait preuve d'un juste esprit de conciliation, surtout en adoptant la division en articles qu'il réclamait avec tant d'insistance l'année dernière et qui constitue, à ses yeux comme aux miens, un moyen pour la chambre d'exercer son contrôle sur tous les chefs de dépense.

Messieurs, les dépenses du chemin de fer doivent être fixées, non d'après les allocations du budget, car à la fin de chaque exercice on présente de s crédits supplémentaires, mais sur les dépenses réellement effectuées. Les chiffres que je vais produire peuvent être contrôlés sur les écritures officielles de la comptabilité de mon département, sur les écritures de la cour des comptes et celles de la trésorerie.

D'abord, quant au nombre des agents de l'administration du chemin de fer, je tiens à déclarer à la chambre, qu'il est inférieur à celui que renfermait cette administration il y a quelques années. Aujourd'hui le nombre des agents est de 118 en moins qu'au 1er janvier 1848.

Il y a, messieurs, trois catégories de dépenses ; il y a les dépenses de personnel, les dépenses de travaux et de fournitures et les dépenses de salaires.

Il faut soigneusement distinguer entre ces divers chefs de dépenses. En 1847, on a payé en traitements de personnel pour les services extérieurs du chemin de fer 1,149,557 fr. 93 c. Les indemnités de toute nature se sont élevées à 97,456 fr. Total, 1,247,013 fr. 93 c.

En 1851 la dépense a été de 1,068,379 fr. ; les indemnités de toute nature 54,600 fr. rt les primes pour le personnel 4,541 fr. Donc en total 1,127,524 fr., c'est-à-dire 119,489 fr. en moins en 1851.

Mais pour être juste, je le reconnais, il faut retrancher de cette somme, d'abord l'accroissement de dépenses du personnel de l'administration centrale du chemin de fer du département, 56,753 fr.

Secondement les traitements imputés en 1851 sur les articles salaires et reportés en 1850 dans la catégorie des ouvriers. C'est une mesure qui a été prise par mon honorable prédécesseur, et en vertu de laquelle il a fait passer à l'article « salaires » un certain nombre dagents qui élaienl payés sur l'article « personnel ».

Il faut donc déduire de cette somme de 119,000 francs celle de 61,082 fr.

D'autre part, si l'on tient compte de la charge extraordinaire de 45,000 fr., charges temporaires pour agents placés dans la position de disponibilité, l'on constate qu'il y a eu en 1851, par rapport à 1847 sur le personnel, une diminution de 46,653 fr.

Mais pour se rendre un compte exact de la valeur de cette économie, qui en argent semble être peu de chose, il faut comparer les situations. Il faut savoir ce qu'on faisait en 1847 et ce qu'on fait aujourd'hui. Or, voici les deux situations.

En 1847, on a exploité la station de Saint-Trond à Alken pendant cinq mois, celle d'Alken à Hasselt pendant un mois, et celle de Jurbise à Maffles pendant trois mois, ce qui équivaut à 1 9/10 lieue exploitée pendant une année.

En 1851, les sections entières de Jurbise à Tournai et de Saint-Trond à Hasselt ont été exploitées, longueur totale, 14 lieues.

En 1847, les chemins de fer concédés de l'Entre-Sambre et Meuse, de Manage à Mons, de Namur à Liège, n'étaient pas ouverts ; celui de la Flandre occidentale ne l'a été qu'en juillet. Le trafic du chemin de fer du Nord, ouvert depuis le mois de juin 1846, n'était pas grand, il était beaucoup moins considérable qu'aujourd'hui.

En 1847, il n'existait de bureaux intérieurs pour les marchandises qu'à Bruxelles, à Liège, à Anvers et à Gand. Depuis lors, on en a établi à Namur, à Mons ; on a créé un bureau spécial à l'entrepôt de Bruxelles pour les déclarations en douane.

Depuis 1847, l'administration a eu à pourvoir au service de 13 stations et haltes sur les lignes de Tournai à Jurbise et de Saint Trond à Hasselt. Rien que pour le service en personnel de ces 13 stations, il faut une somme que l'on peut évaluer de 40,000 à 50,000 francs. De sorte que cette économie, en apparence de 46,000fr., en devient une de 90,000 fr. au moins.

En 1847, les convois de nuit n'étaient établis nulle part. Je crois qne c'est l'honorable M. Osy surtout qui a invité à l'établissement de ces convois.

En 1847, on transportait par le chemin de fer 3,746,390 voyageurs ; (page 567) en 1851 on en a transporté 4,355,756 ; il a donc fallu transporter 609,366 voyageurs de plus.

Pour les marchandises l'augmentation a été de 280,738 tonneaux par rapport à 1847.

Le service des bureaux ambulants n'était pour ainsi dire pas organisé en 1847. Aujourd'hui ce service, qui constitue une dépense réelle pour l'administration du chemin de fer, existe sur les lignes de l'est, de l'ouest, du midi et du nord.

Il comprend 17 bureaux ambulants qui font, en moyenne, 700 lieues par jour.

Sur 1rs allocations du personnel, on n'est donc pas fondé à dire qu'il n'y a pas eu de réductions notables. Que ces réductions soient arrivées à leurs dernières limites, je suis loin de le prétendre. J'ai reconnu que les simplifications dont ce service peut être l'objet sont encore considérables. A cet égard, l'organisation qui date de quelques mois, ne peut être qu'une transition. Jamais une organisation n'a pu être une œuvre définitive, une œuvre immuable, pas plus qu'elle ne peut être une imitation servile de ce qui se fait ailleurs. L'organisation, pour fonctionner convenablement, pour pouvoir passer de la théorie à l'application, doit se rattacher, dans l'esprit de celui qui la conçoit, comme dans l'esprit de celui qui doit la pousser à exécution, aux faits et aux hommes qui sont chargés de la mettre en œuvre. Défectueuse dans quelques-unes de ses parties, cette organisation peut être corrigée, grâce au concours, au zèle éclairé des agents de l'administration, de même qu'elle pourrait être compromise dans son application par le relâchement, l'indiscipline et le défaut de concours.

Quant aux travaux et fournitures, la réduction est plus considérable. En 1847 (j'épargne à la chambre les détails, car il est impossible de les suivre utilement), en 1847, pour travaux et fournitures la dépense s'élevait à 5,189,776 francs ; en 1851, la dépense ne s'est élevée qu'à 4,263,444 fr. ; donc en moins, pour 1851, une somme de 926,232 fr. Mais, pour être exact, il faut retrancher de ces chiffres les dépenses extraordinaires, savoir : d'une part, pour 1851, 295,000 fr. du chef des travaux nécessités par l'inondation de 1850 ; d'autre part, pour 1847, 600,205 fr. du chef du remplacement extraordinaire de billes et de rails et 465,097 francs pour renouvellement du matéiiel au-delà de l'allocation normale. On arrive donc à une économie réelle, pour 1851, de 155,929 fr. sur l'article travaux et fournitures.

La chambre veut-elle avoir une preuve irrécusable des progrès qui ont été faits sous ce rapport ? Il suffira de rappeler un seul fait : en 1847, la dépense de locomotion et d'entretien du matériel, prévue par l'allocation de l'article 63 du budget, s'élève, en chiffres ronds, à 2,298,000 francs ; quelle était-elle en 1851 ? 2,052,000 francs. C'est-à-dire qu'on avait dépensé en moins, pour locomotion et entretien du matériel, 200,000 fr. par rapport à 1847. Et à quel travail utile avait-on fait face aux deux époques ? En 1847, on a eu un parcours de 761,814 locomotives-lieues et de 8,464,181 voitures-lieues, tandis qu'en 1851, le nombre des locomotives-lieues a été de 939,937 et le nombre des voitures-lieues de 10,592,757.

Ainsi, grâce aux progrès que l'on a introduits dans cette partie du service, on est arrivé à faire face à des besoins beaucoup plus variés, beaucoup plus considérables avec une allocation de 200,000 fr. inférieure à ce qu'elle était en 1847.

J'ai dit, messeurs, en commençant, que le seul article sur lequel il y avait augmentation de dépenses, c'était l'article « Salaires ». En effet, en 1847, on a payé pour salaires 2,961,486 fr., et en 1851 on a payé 3,339,321 fr. ; il y a donc une différence en plus pour 1851 de 337,834 fr.

Mais, pour se rendre un compte exact des faits, il faut examiner encore les deux situations. J'ai dit qu'en 1851, on a exploité, en moyenne, 12 1/10 lieues de plus qu'en 1847, qu'en 1851 on a exploité les lignes de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt, qui n'étaient pas complètement achevées en 1847 ; or, veut-on savoir, par des détails officiels, pour quelle fraction la dépense des salaires doit figurer dans cet allongement du réseau ? La chose est facile à établir : La section de St-Trond à Hasselt a coûté, en salaires payés, en 1847, 23,327 francs et en 1851 50,750 fr. La section de Tournai à Jurbise a coûté en 1847, 41,145 fr. et en 1851, 189,719 fr.

Ainsi, messieurs, rien que par l'adjonction de ces 12 lieues au réseau de 1847, il y a une augmentation de plus de 175,000 fr. de salaires pleinement justifiée.

Messieurs, quant à ces salaires, je suis d'accord pour reconnaître que le chiffre en est considérable. Aussi tous mes soins, en ce moment-ci, portent-ils sur cette partie du service. Déjà une mesure récente, empruntée à d'autres chemins de fer, a amené une simplification assez considérable.

Au chemin de fer du Nord, les fonctions de garde-barrière sont remplies par des femmes d'ouvriers. Or, il y a en Belgique près de 900 gardes-barrières et gardes haltes. Si l'on pouvait seulement donner ces fonctions à 150 femmes d'ouvriers, il en résulterait une économie d'environ 50,000 à 60,000 fr. par an, puisque le salaire moyen u'une femme d'ouvrier n'est que de 50 centimes par jour, tandis que les gardes-barrières touchent, en moyeune, 1 fr. 50 c.

Sous ce rapport, messieurs, nous sommes dans une position défavorable, relativement à d'autres chemins de fer. Au chemin de fer du Nord il n'y a que 564, si je ne me trompe, gardes-barrières, tandis que chez nous il y en a au-delà de 600.

Je dis donc, messieurs, que sur cet article « salaires » on peut espérer une économie sssez notable.

Une autre circonstance, messieurs, qui amènera une réduction dans les dépenses de salaires, ce sera l'achèvement de nos stations et la construction des hangars. Il est évident que quand les diverses stations seront pourvues de hangars et des engins nécessaires à l'embarquement des marchandises, il en résultera une économie de main-d'œuvre et, par conséquent, une réduction dans la dépense des salaires.

Maintenant si la chambre voulait, par exemple, dans la discussion du projet de loi sur le transport des marchandises, établir un système beaucoup plus simple et abandonner aux intermédiaires toutes les formalités préalables à l'embarquement de la marchandise, il en résulterait encore une diminution de dépense de 300 et des mille francs.

Il y aurait, d'un autre côté, une recette moindre, mais, rien qu'à la station de Bruxelles, on pourrait réaliser ainsi une économie de 50,000 fr. sur les salaires.

Je dirai, messieurs, à l'honorable M. Moncheur que, s'il veut me faire l'honneur de passer chez moi pour prendre communication de renseignements au sujet de ce qu'il appelle la question des courtes distances, je pourrai le convaincre que ce n'est pas de mon côté que la conciliation a manqué. J'ai fait la part excessivement belle à la compagnie dont il parle.

Je dis donc, messieurs, pour me résumer sur ce point : quant au personnel il y a eu économie ; quant aux salaires il ya eu augmentation, j'en ai dit la cause ; pour les travaux et fournitures, encore une fois il y a une diminution par rapport aux autres exercices, et une diminution notable.

Messieurs, je passe un certain nombre de faits, pour présenter une considération qui suffirait à moi, si j'étais complètement étranger à toutes les questions d'exploitation, pour me convertir au système de ceux qui prétendent que nous ne dépensons pas trop. Si j'étais complètement étranger aux questions d'exploitation et que j'eusse à me prononcer sur la question des dépenses d'un chemin de fer, d'une exploitation aussi compliquée que le nôtre, voici ce que je me demanderais : On propose pour l'exploitation du chemin de fer une somme de 8 millions 474 francs ; quel travail utile produit-on pour cette somme ?

Je prendrais un point de comparaison ; je m'adresserais à une compagnie qui a à sa tête des hommes éminents, pratiques ; je chercherais dans ce qu'on y fait et dans ce que nous faisons, dans ce qu'on y dépense et dans ce que nous dépensons, la réponse à la question que je me serais posée.

Je prends donc la compagnie du chemin de fer du Nard ; tout le monde sait que ce chemin est dirigé par des hommes éminents et avec une intelligence remarquable des intérêts commerciaux. Prenons le compte rendu de la compagnie pour l'année 1851 :

I. L'administration centrale du chemin de fer du Nord coûte 533,300 fr.

On demande pour notre administration centrale du chemin de fer :

Traitements : fr. 285,500.

Frais de route : fr. 9,000.

Matériel : fr. 15,000.

Salaires : fr. 16,000.

Total : fr. 325,500.

En moins : fr. 207,800.

IL Le service d'exploitation coûte au chemin de fer du Nord 2,502,000 fr., non compris le camionnage et les pertes et avaries qui figurent en déduction des recettes.

Nous demandons, y compris 118,000 fr. pour papiers, impressions portées au service général, 1,964,000 fr.

En moins, 538,000 fr.

III. Le service du matériel et des ateliers coûte au chemin de fer du Nord 4,624,300 fr.

Nous demandons, y compris 58,500 fr. de dépenses portées au service général, et 300,000 du chef des renouvellements de matériel, pour lesquels il n'est pas porté un centime au budget du Nord, 3,585,700 fr.

Différence en moins, 1,038,600 fr., et en tenant compte du renouvellement du matériel, 1,338,600 fr.

IV. Le service des voies et travaux coûte au chemin de fer du Nord 1,557,900 fr.

Nous portons au budget 2,549,500 fr., soit près d'un million en plus, somme qui représente exactement les dépenses en renouvellements de billes et rails et travaux d'amélioration que le chemin du Nord ne porte pas encore à son budget d'exploitation.

En résumé, la dépense d'exploitation du chemin du Nord figure à son compte rendu de 1851, pour 9,216,800 fr.

On demande au budget belge, y compris l'administration centrale, 8,476,353 fr.

Différence en moins au budget belge, 740,447 fr.

(page 568) Maintenant on ne doit pas se demander ce que produit le chemin de fer. La question des produits est pour beaucoup dans la question des tarifs ; mais la question des dépenses est précisément en rapport avec l'effet utile qu'on produit, avec le nombre des voitures qu'on a à réparer, avec le nombre des personnes qu'on a à transporter, avec le nombre des tonneaux qu'on a à mettre dans les waggons. Voilà ce qui constitue l'élément essentiel de la dépense.

En 1851, on a transporté sur le chemin de fer du Nord, 3,980,241 voyageurs, sur le chemin de fer belge, 4,355,756 voyageurs. (Interrruption.) Je parlerai tout à l'heure des distances, et je profite de l’interruption pour dire que si je pouvais arriver à ce résultat, que le parcours moyen, au lieu d'être de 34 kilomètres, pouvait être de 53 kilomètres, comme sur le chemin de fer du Nord, je ferais avec le tarif actuel 6 millions de recette en plus.

Ce n'est évidemment pas en augmentant la taxe que j'engagerais les voyageurs à faire un plus grand parcours. Si le parcours moyen est plus long sur le chemin de fer du Nord, cela tient à cette circonstance que les voyageurs qui partent de Paris sont très nombreux.

La question de recette doit donc être complètement réservée. Je m'occupe ici uniquement de la question de dépense, et je ne puis assez engager la chambre à concentrer son attention sur ce point spécial.

Je dis donc que l'on a transporté sur le chemin de fer belge, avec un matériel beaucoup plus ancien que celui du chemin de fer du Nord, avec des locomotives beaucoup moins fortes, sur des rails plus faibles ; qu'on a transporté sur notre chemin de fer en 1851, 4,355,756 voyageurs et 600 mille tonnes de marchandises en plus que sur le chemin de fer du Nord.

Sur le chemin de fer du Nord, les locomotives ont fait 4,481,206 kilomètres ; sur le chemin de fer belge, elles ont fait 4,699,185. En Belgique, les marchandises transportées ont effectué 34,120,400 kilomètres ; sur le chemin de fer du Nord, ce chiffre ne s'est élevé qu'à 32,613,612 kilomètres.

Vous voyez donc que si l'on veut considérer la question de la dépense seulement, la comparaison est à l'avantage de notre chemin de fer.

Je ne tire de là aucune espèce de conclusion contre le chemin de fer du Nord, et je proteste contre toute supposition qu'on pourrait faire à cet égard.

Je dois dire encore que sous ce rapport, les réductions et les simplifications qu'on ne cesse d'introduire dans les divers services du chemin de fer belge sont telles qu'on peut espérer que si les transports augmentent, le prix de revient sera moindre d'année en année.

Pour le nombre des convois, il n'y a pas d'exploitation plus onéreuse que celle des chemins de fer belges.

Les voyageurs chez nous font un parcours moyen de 6 à 7 lieues, tandis que partout ailleurs ce parcours moyen est beaucoup plus considérable. Pour faire face au service des marchandises, nous avons 93 convois par jour.

Sur le chemin de fer du Nord qui a (erratum, page 575) 750 kilomètres de développement il y a 42 convois par jour, tandis qu’en Belgique il y en a 93, et l’on comprend que les dépenses que 51 convois en plus nécessitent sont considérables. Si sur ce fait la chambre pouvait se constituer en corps spécial, je pourrais faire passer sous ses yeux des renseignements des plus curieux et des plus intéressants, il existe en France en ce moment trois compagnies qui ont adjugé la traction : ce sont la compagnie de Rouen, la compagnie d'Orléans, qui a fait un contrat que l'ingénieur a bien voulu me communiquer et où j'ai puisé de nombreux renseignements.

Il y a aussi la compagnie de Strasbourg qui a adjugé la traction et l'entretien à un entrepreneur moyen ; oit une redevance par kilomètre de traction et une redevance pour l'entretien par voiture et par kilomètre, redevance variable, suivant que ce sont des voitures de première, deuxième ou troisième classe. Rien n'est plus facile que de savoir si, sous ce rapport, nous sommes dans une position inférieure ou non ; on n'a qu'à calculer les éléments que nous avons en notre possession pour voir si nous payons plus que ces compagnies.

Le contrat le plus favorable est celui de Strasbourg. Il est pour la traction de 1 fr. 15 c. par convoi de voyageurs et par kilomètre, quand le train a moins de 14 voitures, et de 35, quand c'est un train de marchandises ; j'ai tous les éléments de ce calcul sous la main, il en résulte qu'en Belgique la traction par kilomètre d'un convoi de 14 voitures de voyageurs comme celui de Strasbourg, et d'un convoi de marchandises de 55 voitures est pour le premier et par kilomètre de 68 c. et de 1 fr. 3/10 de centime par train de marchandise. Par conséquent, ce serait une mesure injustifiable que d'adjuger la traction aux conditions qui sont faites ailleurs. Je ne dis pas qu'on ait tort ailleurs, mais, dans les conditions actuelles, les prix chez nous sont inférieurs à ceux que l'on paye ailleurs.

Je pourrai revenir dans un autre discours sur certaines considérations que je laisse de côté maintenant.

Je veux seulement faire remarquer un point qui est assez important : c'est que les réductions et les suppressions de dépenses qui ont été introduites dans les différentes branches de service ressortissant au département des travaux publics ont été assez fortes, assez marquées pour permettre, malgré les augmentations qu'on a dû faire, de maintenir le budget à un niveau favorable. Ainsi, j'ai sous les yeux le tableau résumant par chapitre les sommes dépensées pendant les exercices 1847 à 1851 : en 1847, on a dépensé 18,269,823 fr. ; en 1848, 16,388,625 fr. ; en 1849, 15,298,169 fr. ; en 1850, 10,811,995fr. ; en 185l, 10,295,594 fr.

On a voté à diverses reprises à la fin de chaque exercice des crédits supplémentaires pour les chemins de fer.

J'ai voulu me rendre compte par compte des excédants disponibles ; les compagnies quand elles font une économie sur un service peuvent la reporter sur un autre ; elles n'ont pas de budget détaillé comme le nôtre, pas de chambre, pas de cour des comptes ; pour le gouvernement c'est différent, les transferts étant interdits, il faut recourir aux crédits supplémentaires ; mais on peut savoir ce qu'on a payé en réalité de ce chef. Or, depuis 1842, époque de l'achèvement du chemin de fer, voici les dépenses qui ont été effectuées à l'aide de crédits supplémentaires ; elles se sont élevées de 1842 à 1850 à 2 millions 855 mille francs. Les excédants de crédit se sont élevés à la somme de 2 millions 45 mille francs, de manière que les crédits supplémentaires se sont élevés en réalité en 8 ans à huit cent mille francs. Je dois dire que la loi de 1851 qui alloue aux travaux publics un crédit supplémentaire de 876,516 fr. comprend 708,000 francs destinés à payer des dépenses résultant des inondations de 1850.

Je termine ici cet exposé déjà assez long et je me résume. Je crois avoir établi d'une manière irréfragable que quant à l'administration des postes l'augmentation a été pleinement justifiée par les améliorations successivement introduites dans cette partie du service. Quant aux ponts et chaussées, malgré les augmentations que présente cette année ce service, la dépense est moindre encore qu'elle n'était il y a quelques années, de même que le personnel est inférieur à ce qu'il a été.

Quant à l'administration des chemins de fer, si on accepte les salaires dont l'augmentation est justifiée, les dépenses ont subi une réduction incontestable.

A l'avenir pour les questions de dépenses la chambre pourra se rendre un compte exact de l'affectation qui aura été donnée aux diverses sommes mises à la disposition du gouvernement.

La division nouvelle proposée par la section centrale et à laquelle je me suis rallié doit faire cesser toute espèce de doute. L'honorable rapporteur disait l'année dernière que les articles n'étaient pas assez multipliés, que la division des dépenses n'était pas assez tranchée, qu'il pouvait y avoir imputation d'un article sur l'autre.

A l'avenir les dépenses du chemin de fer seront divisées en quatre grandes catégories, lesquelles comprendront elles-mêmes les principaux chefs de dépense.

Je dirai simplement un mot d'une idée à laquelle l'honorable M. Moncheur a déclare se rallier à l'avance, c'était celle d'instituer une commission d'enquête.

Mais je demande sur quoi porterait cette enquête : sur la question des recettes ? Mais la question des recettes, c'est la question des tarifs, et la chambre est saisie d'un projet de loi sur cette matière.

La question des dépenses ? Mais la section centrale et le gouvernement sont d'accord pour adopter une division nouvelle qui permette des investigations détaillées.

Sur quoi donc porterait l'enquête ? Elle n'aurait pour résultat que de provoquer l'indiscipline dans les rangs de l'administration, la confusion et le désordre.

M. Desmaisières. - Dans une précédente séance, l'honorable ministre des travaux publics, répondant à mon honorable ami M. Vander Donckt, a annoncé qu'il donnerait des explications à la chambre sur l'indispensable nécessité, selon lui, d'achever promptement le canal de Selzaete. Je le prierai de vouloir bien donner demain ces explications et ces conclusions, afin que d'ici à la discussion sur la section III du chapitre II, nous ayons le temps de les méditer.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures et trois quarts.