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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 10 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 587) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des habitants de Bouchaute demandent l'achèvement du canal de Zelzaete. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Namur prient la chambre d'adopter la proposition de loi, concernant l'exemption de droits en faveur des actes relatifs à l'expulsion de certains locataires. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le sieur Schirmer, lieutenant en non-activité, demande à jouir du bénéfice de la loi du 20 janvier dernier, qui règle la position de quelques officiers étrangers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Heris, directeur de l'école moyenne à Stavelot, demande qu'un de ses élèves, qui est abandonné par son père, puisse être admis gratuitement dans une école d'agriculture, dans une école d'arts et métiers ou dans un établissement de bienfaisance, et prie la chambre de lui accorder une indemnité du chef des frais que lui a occasionnés l'entretien de cet élève. »

- Même renvoi.


« Des industriels à Callenelle présentent des observations en faveur du chemin de fer projeté de Tournai à Saint Ghislain, passant par Antoing, Peruwelz et Blaton, dont la concession est demandée par M. Maertens. »

- Même renvoi.


« Quelques habitants d'Idegem prient la chambre d'allouer au budget des travaux publics un crédit pour achever les travaux d'amélioration de la Dendre entre Ath et Alost. »

« Même demande des habitants de Nederboulaere, Grammont, Santbergen, Grimmingen et Renaix. »

-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.


« Des électeurs à Seeverghem demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande des électeurs à Godveerdegem, Elene, Oombergen, Velsique-Ruddershove, Leeuwergem, Marie-Audenhove, St-Gorix-Audenhove, Zulle, Aspere, Nokere, Mullem, Lombeeck Ste-Marie, Ertveldt. Adegem, Appelterre-Eychem, Assenede, Synghem, Meerdonck, Huysse, etc. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le comice agricole des premier et deuxième districts du Limbourg prie la chambre d'accorder au sieur Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Wespelaer par Aerschot, Diest, Hasselt, Bilsen, vers Maestricht, avec embranchement de Bilsen par Tongres à la station d'Ans. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Rommershoven déclare adhérer à la pétition relative à la construction du chemin de fer de Hasselt à Maestricht, par Bilsen, projeté par l'ingénieur Delaveleye. »

« Même adhésion des conseils communaux de Mopertingen, Grand, Spauwen. Eygenbilsen, Genck, Petit-Spauwen, Hasselt, Martensliude. »

- Même renvoi.


« Des électeurs de Blaesvelt demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes, qu'ils aient chacun à procéder à l'élection d'un représentant, et que cette élection puisse se faire daus toutes les communes. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Lichtaert demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Beersel demandent que les districts électoraux pour la nomination aux chambres soient composés de 40,000 âmes, qu'ils aient chacun à procéder à l'élection d'un représentant et que cette élection puisse se faire au chef-lieu du canton ou autre point central du district de 40,000 âmes. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Morkhoven demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du cantn, ou par districts de 40,000 âmes. »

- Même revnoi.


« Des électeurs à Rymenam demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes, et que l'élection puisse se faire dans toutes les communes. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Beveren demandant une loi qui augmente le cens électoral pour les villes et qui donne aux habitants des campagnes les facilités dont jouissent les habitants des villes d'exercer leurs droits électoraux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Alexandre Van Laer, demeurant à Saint-Willebrord, né à Maestré (Pays-Bas) demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Hemmeryckx, ancien militaire, congédié pour infirmités contractées au service, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs à Etichove demandent que les élections pour les chambres puissent se faire dans toutes les communes, et que le nombre des électeurs soit partout en rapport avec la population de la localité. »

- Même renvoi.


« La chambre de commerce et des fabriques à Charleroi déclare appuyer la pétition de la société concessionnaire des chemins de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage en faveur du principe de la plus courte distance. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au tarif des marchandises transportées sur le chemin de fer de l'Etat.


« Le sieur Servais, instituteur primaire à Melreux, réclame l'intervention de la chambre pour que l'administration communale lui continue l'allocation dont il jouissait, en 1848, à titre de rétributions scolaires et de location de la salle d'école. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Anvers demandent des modifications à la loi qui règle les formalités et le tarif des frais pour le déguerpissement des locataires insolvables. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi concernant l'exemption de droits en faveur des actes relatifs à l'expulsion de certains locataires.


« Plusieurs membres des quatre légions de la garde civique de Bruxelles demandent la division de la garde civique en deux bans. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« Le sieur Lecrivain demande une loi qui exempte des droits de barrière et de navigation le transport des matériaux destinés au pavage et à l'empierrement des routes vicinales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs membres de la garde civique de Gand déclarent adhérer à la pétition tendant au maintien de l'organisation actuelle de la garde. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi.


« Le sieur C.-J. Dassesse, chef de la division de comptabilité à la cour des comptes, membre-secrelaire du conseil d'alministration de la caisse des veuves et orphelins du ministère de la justice, demande la place de greffier de la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le conseil communal de Mont-Sainte-Aldegonde déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Binche tendant à écarter tout projet qui amènerait la suppression de la ligne de Manage à Erquelinues par Binche. »

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Manage à Erquelinnes.


« Le sieur Cohen soumet à la chambre une copie de sa lettre à M. le ministre des finances, relative au projet de loi sur les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Le sieur Collignon réclame l'intervention de la chambre pour faire supprimer un aqueduc qui a été construit sous la route de Virton à (page 588) Lassoye ou pour obtenir une indemnité du chef des pertes que cette construction lui occasionne. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Blankenberghe présentent des observations contre le tracé proposé par M. Wolters, pour l’achèvement du canal de Schipdonck, et prient la chambre de ne point donner son adhésion à ce tracé tant qu'une enquête n'aura pas eu lieu et que les autorités de la Flandre occidentale n'auront pas été consultées. »

« Même demande de l'administration communale de Bruges. »

M. Peers. - Vu l'importance de ces pétitions, j'en demande le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'ua prompt rapport.

M. Rodenbach. - Il paraît que la pétition des habitants de Blankenberghe est le contre-pied de la pétition de Gand.

Les pétitionnaires se plaignent de ce qu'un seul individu, l'ingénieur Wolters aurait décidé que le tracé du prolongement du canal de Schipdonck n'aurait pas lieu en faveur de la Flandre occidentale. Quand il s'agit de travaux d'art représentant une dépense de dix millions, on aurait bien pu consulter les autorités de la Flandre occidentale. Il aurait fallu tout au moins un procès-verbal de commodo et incommodo. La décision prise par l’ingénieur Woltersn, si elle est acceptée, est un véritable déni de justice au préjudice d'un grand nombre de communes, et notamment des villages situés entre Blankenberghe et Bruges qui souffrent des inondations pendant une grande partie de l'année.

Je ne pense pas que le gouvernement puisse sanctionner une pareille décision. Je demande, un prompt rapport sur cette pétition. Plusieurs requêtes ont déja été adressées à la chambre. Il serait à désirer que la commission fît demain un rapport sur ces pétitions, car on pourrait arriver à l'article du budget auquel elles s'appliquent.

Je le répète, la Flandre occidentale est fortement froissée dans ses intérêts agricoles par le projet de l'ingénieur Wolters. Un gouvernement ne doit pas favoriser l'une province au détriment de l'autre, et quand il s'agit de travaux d'intérêt matériel qui comportent plusieurs millions, il ne peut avoir deux poids èt deux mesures.

M. Vander Donckt. - Je ne m'oppose pas à cette proposition ; mais je suis loin d'admettre les observations de l'honorable préopinant. Ce n'est pas le moment de les discuter. Je me réserve d'y répondre quand le moment de les discuter sera venu.

M. Sinave. - Puisque le budget des travaux publics est en discussion, ce qu'il y aurait de plus convenable à faire, serait de renvoyer les pétitions à la section centrale du budget des travaux publics.

M. Vander Doncktprès la proposition de l'honorable M. Peers. Je m'oppose donc au renvoi à la section centrale.

M. Manilius. - Plusieurs pétitions traitant de ces questions, ont déjà été renvoyées à la commission des pétilions. Nous sommes à la veille de discuter ce chapitre du budget. Quelque célérité qu'y mette la commission des pétitions, je doute fort que son rapport soit présenté en temps utile. Cette question est connue. Les pétitions ne donnent que de nouvelles lumières. Je crois donc que, contrairement aux habitudes, on pourrait ordonner le dépôt des pétitions sur le bureau pendant la discussion et l'impression dans les Annales parlementaires. Chacun pourrait lire les pétitions, et ferait son rapport à sa manière.

M. le rapporteur de la section centrale du budget des travaux publics donnera aussi son idée, et chacun de nous pourra ainsi examiner cette grave question, qui surgit à propos de l'exécution d'une loi.

Je propose donc l'insertion aux Annales parlementaires et le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

M. Rodenbach. - Je ne m'oppose pas, messieurs, à l'impression de ces pétitions aux Annales parlementaires ; je désire, au contraire, que la chambre puisse voir le pour et le contre : on verra alors que les intérêts de la Flandre occidentale ont été froissés ; M. Sinave avait demandé le renvoi à la section centrale, je crois que cela nous ferait perdre du temps d'autant plus que l'honorable M. de Brouwer a déjà fait son rapport sur le budget. La commission des pétitions pourra examiner la requête dans un très bref délai.

M. Vander Donckt. - Je ne m'oppose pas au renvoi à la commission des pétitions, mais je demande qu'on suive la même marche pour toutes les requêtes qui concernent cet objet et qu'elles soient toutes insérées aux Annales parlementaires.

M. le président. - Il est contraire aux usages de la chambre de faire imprimer des pétitions qui n'ont pas été examinées par une commission ou par une section centrale.

M. Vander Donckt. - Alors je demande que celle dont on vient de présenter l'analyse ne soit pas imprimée non plus.

M. Manilius. - Je ferai remarquer qu'il n'y aurait peut-être pas d'inconvénient à s'écarter ici de la règle qui vient d'être rappelée par M. le président, car il ne s'agit pas d'esprit de parti, il ne s'agit que d'une question d'affaires.

Mais si l'on ne veut pas voter l'impression, qu'on ordonne le renvoi à la commission des pétitions et que la commission fasse un prompt rapport ; qu'elle vous fasse au moins connaître le fond de la pétition.

J'avais cru qu'en demandant l'impression, je donnais plus de satisfaction aux honorables membres qui nous combattent en cette circonstance : il peut arriver, en effet, qne la discussion générale du budget des travaux publics soit close aujourd'hui, il en résulterait que nous discuterions demain le chapitre III, sans avoir le rapport sur cette pétition. Ordinairement, en pareil cas, on ordonne le dépôt sur le bureau. Eh bien, j'ai demandé quelque chose de plus, j'ai demandé l'impression. Il est rare que 10 membres puissent examiner une pièce déposée sur le bureau, tandis que, quand la pièce est imprimée, chacun peut en prendre lecture.

M. Vander Donckt. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions ; elle est convoquée pour demain.

M. Sinave. - Je me rallie à cette proposition.

M. Manilius. - Je me rallie aussi à la proposition de M. Vander Donckt.

- La proposition de M. Vander Donckt est mise aux voix et adoptée.


« Des électeurs de Lessines demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu de canton. »

« Même demande des électeurs à Hives, Haltinne et Sottegem. »

M. Matthieu. - Je demande que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions pour être jointe aux nombreux documents dont cette commission est déjà saisie, et sur l'ensemble desquels elle se propose, à ce qu'il paraît, de faire un rapport général. Je ne viens pas demander que ce rapport général spot présenté dans un délai très court ; je crois, au contraire, qu'il est convenable de laisser écouler un délai moral suffisant pour donner le temps aux manifestations de se produire sur cette grave question.

- La proposition de M. Matthieu est adoptée.

M. de La Coste. - Je demanderai, messieurs, que les explications fournies par M. le ministre de l’intérieur sur la pétition des distillateurs de Louvain soient insérées aux Annales parlementaires. Je ferai plus tard la même demande pour les explications que M. le ministre des finances donnera également sur cette pétition.

- La proposition de M. de la Coste est adoptée.


« Le conseil communal de Malines présente des observations en faveur de la concession d'un chemin de fer sur Turnbout, et demande que cette ligne parte de Malines et passe par Herenthals. »

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics et à la section crnlrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Lierre à Turrhout.

M. le président. - La section centrale pourra proposer le renvoi au ministre, mais pour le moment, on doit se borner à renvoyer la pétition à la section centrale.

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'adhère à cette observation.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.


« Les sieurs Van Pottelsberghe, de Pauw et autres membres de la commission déléguée à cet effet par le conseil communal de Gand, prient la chambre de voter les fonds nécessaires à l'achèvement des canaux de Schipdonck et Selzaete. »

M. Manilius. - Notre honorable collègue, M. Delehaye, s'était chargé d'appeler l'attention de la chambre sur cette pétition qui lui a été remise par le conseil communal de Gand ; mais, se trouvant indiposé, il m'a prié de demander un congé et de le remplacer pour recommander la pétition dont il s'agit, à la chambre,

Des requêtes analogues viennent d'être renvoyées à la commission des pétitions ; je me suis rallié à ce renvoi et je me borne pour le moment à demander la même chose pour la pétition de Gand. Je prierai la commission d'en faire l'objet d'un très prompt rapport et d'y prêter une attention toute particulière.

- La chambre accorde le congé demandé peur M. Delehaye et ordonne le renvoi de la pélition à la commission.


(page 607) « M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 110 exemplaires de l'exposé de la situation administrative du royaume, pendant la période décennale de 1841 à 1850. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.


(erratum, page 843) « M. Gezelschap fait hommage de deux exemplaires de son essai sur l’étude des langues modernes. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. de Renesse demande un congé pour cause de maladie d'une proche parente. »

- Accordé.


« M. Mercier demande un congé pour cause de maladie de son père. »

- Accordé.


« MM. Devaux et Le Bailly de Tilleghem demandent un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Motion d'ordre

(page 587) M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur sera obligé de déposer une demande de crédit supplémentaire d'environ 900,000 francs, afin de couvrir et de régulariser les dépenses que son prédécesseur a faites en dépassant la limite des budgets qui ont été votés. Une régularisation aussi importante exigera, de notre part, un examen sérieux et approfondi. Pour que cet examen soit sérieux et approfondi, deux conditions sont nécessaires. Il faut d'abord que cette proposition de crédit soit faite en une fois, forme un ensemble ; ensuite, il faut que le gouvernement n'attende pas que nous soyons sur le point de nous séparer, pour nous la présenter, comme cela s'est fait trop souvent dans les sessions antérieures. Il faut que le projet de loi soit déposé dans un moment où nous aurons tout le loisir nécessaire pour l'examiner d'une manière sérieuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'examen du projet de crédit est commencé depuis quelques jours ; il me faudra encore une semaine entière pour épuiser cette matière ; je pourrai très probablement déposer le projet de loi dans le courant du mois.

M. Rogier. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il se propose de présenter aussi, dans un bref délai, le projet de loi tendant à obtenir des chambres les crédits nécessaires à l’achèvement de la (page 589) colonne du Congrès. Une première allocation a été votée au budget de l'intérieur, et, ensuite, il a été entendu qu'un crédit spécial serait proposé pour cet objet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne puis répondre d'une manière précise quant à présent, à la question que m'adresse l'honorable préopinant ; j'ai besoin d'obtenir un complément d'instruction que j'ai demandé ; je ne sais pas quel sera le chiffre de la somme nécessaire. En tous cas, je pourrai probablement dans le courant du mois me fixer sur le point de savoir s'il y a lieu oui ou non de présenter, quant à présent, un projet de loi à ce sujet.

M. Lebeau. - Messieurs, puisque la chambre s'occupe de régler son ordre du jour, je ferai à mon tour une motion d'ordre.

Je demanderai à quelle époque M. le ministre de l'intérieur compte pouvoir nous présenter le projet de loi sur la milice. Il est d'autant plus désirable que la présentation de ce projet ne se fasse pas attendre, que d'après la décision de la chambre, l'examen du budget du département de la guerre et de la loi sur l'organisation de l'armée ne doit avoir lieu, dans les sections, qu'après la présentation du projet tendant à modifier la loi sur la milice.

Il me paraît utile de préparer des travaux dans les sections, pour ne pas exposer la chambre à chômer, et abstraction faite de la convenance qu'il y a à ne pas trop retarder l'examen des questions relatives à l'organisation définitive de l'armée.

Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous dire s'il pourra nous présenter dans un délai rapproché le projet de loi sur la milice.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je regrette beaucoup que ce projet de loi dont je reconnais l'urgence n'ait pas pu encore être présenté ; mais la faute en est un peu aux circonstances. Quand le ministère actuel s'est constitué, il a trouvé l'instruction de cette affaire inachevée ; il a dû en prescrire l'achèvement par les voies que le conseil de recrutement avait indiquées ; c'est-à-dire l'appel aux provinces, pour obtenir leur avis sur les modifications proposées à la loi sur la milice par un projet qui a été élaboré par le conseil de recrutement ; les avis, sauf ceux de trois ou quatre commissariats, sont arrivés.

Déjà, répondant à une interpellation qui m'était adressée, j'ai informé la chambre que le conseil de recrutement allait être saisi des réponses des commissariats d'arrondissement au projet qui leur avait été communiqué. Le gouvernement n'a pas attendu le complément des avis, pour lui demander de mettre la dernière main à son œuvre.

Déjà le conseil de recrutement s'est réuni une fois, il continuera à se réunir cette semaine et, dans le courant de la semaine prochaine, il aura pu arrêter le projet définitif. Le gouvernement pourra vous saisir d'un projet complètement achevé.

Je regrette que dix jours doivent encore s'écouler avant la présentation de ce projet. Le gouvernement a fait tout ce qui élait humainement possible pour que ce travail fût terminé plus tôt.

Je regrette que la chambre en attendant ce projet ait cru devoir postposer l'examen du projet d'organisation de l'armée ; l'examen de ce projet n'était pas impossible en l'absence du projet de loi sur la milice, car on est à peu près fixé sur la nécessité de porter à dix le nombre des années de service imposé à la milice.

Il me semblait que le projet d'organisation de l'armée pouvait être l'objet de l'examen en sections, car il est un point sur lequel tout le monde est en quelque sorte d'accord, c'est le chiffre de cent mille hommes auquel il faudra porter la force de l'armée ; que vous fixiez à 10 ou à 8 ans la durée du service, dans un système, il vous faudra un contingent annuel de 10 mille hommes et dans l'autre un contingent de 12,500 hommes.

Vous comprenez d'après cette observation, qu'il n'était pas absolument impossible d'examiner le projet de loi d'organisation militaire. Cependant le gouvernement s'incline devant la volonté de la chambre ; il vous présentera incessamment un projet contenant les dispositions nécessaires pour porter à cent mille hommes le chiffre de la force de l'armée.

M. Van Grootven. - J'avais demandé la parole lorsque j'ai entendu M. Rogier engager le gouvernement à demander un crédit pour la construction du monument du Congrès national. Je ne viens pas m'opposer à l'achèvement de ce monument, mais en présence de nouvelles demandes de crédit qui ont été annoncées et notamment du crédit formidable de 900,000 francs pour dépenses arriérées au département de l'intérieur, je pense que le gouvernement ferait chose prudente et convenable de s'occuper d'abord des travaux infiniment plus urgents. Qu'on délivre avant tout les Flandres des inondations qui les désoldent périodiquement. C'est une calamité publique à laquelle il faut remédier avant de songer à des dépenses qui peuvent être remises sans le moindre inconvénient.

M. Rogier. - J'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur quand on présenterait la demande de crédit nécessaire pour l'achèvement du monument en l'honneur du Congrès (interruption) : je suis étonné qu'une proposition aussi simple, pour un objet aussi urgent... (Interruption.) Je regrette de soulever des murmures, n'est-il pas urgent d'achever le monument que la nation a voulu élever à la mémoire du Congrès ?

- Un membre. - Il y a des travaux plus urgents.

M. Rogier. - Celui-là est de la plus grande urgence : ce monument est commencé, on ne peut pas le laisser daus l'état où il est.

M. Van Grootven. - Les canaux aussi sont commencés.

M. Rogier. - Je regrette d'avoir excité l'humeur de M. Van Grootven.

Il m'est impossible de ne pas insister pour que M. le ministre présente une demande de crédit pour cet objet ; les travaux sont suspendus, ils ne peuvent pas rester dans cette situation toute une année. (Interruption), je suis peiné des murmures que je soulève dans cette circonstance de la part des membres de l'ancienne opposition. La souscription nationale n'a pas complètement réuisi ; je ne veux pas revenir sur les motifs qui ont nui au succès de cette souscription ; je ne veux pas signaler le silence qui a été gardé par un certain nombre de journaux relativement à cette souscription...

M. de Haerne. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Nous sommes toujours animés des mêmes sentiments pour la Constitution, pleins de respect et d'admiration pour ses auteurs ; nous pensons que tout ce que le pays compte d'hommes patriotes, dévoués à ses institutions, doit vouloir que le monument décrété en l'honneur du Congrès s'achève ; je regrette les murmures que j'entends pour ceux qui s'y livrent.

On repousse à l'avance cette dépense comme devant être excessive. Mais en ajoutant aux fonds de la souscription qui a été insuffisante un crédit de 200,000 francs, on pourrait arriver à élever non un monument ruineux, mais un monument convenable répondant à sa destination. Je désire que le gouvernement examine cette affaire déjà ancienne qui pourrait en huit jours être présentée à la chambre.

Je n'insisterai pas pour que le monument se fasse en bronze, la dépense serait peut-être trop considérable, mais il peut être convenablement achevé en pierres. J'insiste donc pour la présentation de la demande de crédit ; quant aux dépenses urgentes de travaux publics, je m'y associerai de grand cœur ; il faut sans doute doter le pays des travaux dont le besoin est reconnu, mais il faut aussi le doter de monuments publics qui donnent à tous confiance dans la nationalité et témoignent de leur respect pour la Constitution et leur reconnaissance pour ses auteurs.

J'insiste donc pour que le projet de loi annonce soit présenté le plus tôt possible, et pour que les travaux commencés soient achevés.

M. le président. - Nous ne pouvons ouvrir une discussion sur un projet de loi qui n'est pas encore présenté.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - C'est l'observation que je voulais présenter ; c'est que toute discussion serait prématurée. M. le ministre de l'intérieur vient d'annoncer que, dans peu de jours, il ferait connaître les intentions du gouvernement relativement au monument qui doit rappeler le souvenir du Congrès. Je crois que la chambre fera bien d'attendre la présentation de ce projet de loi pour se livrer à une discussion à ce sujet.

M. de Haerne. - Je ne tiens pas à prolonger cette discussion. Je crois, comme l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, qu'elle est prématurée. Cependant je désirerais dire un seul mot en réponse à quelques insinuations que nous venons d'entendre.

Sans admettre que le projet de loi soit tout à fait urgent, je le crois important et très utile, parce qu'ilaun caractère tout à fait patriotique. Si nous ne nous y associions pas, nous commettrions une faute. J'entends parler de toutes les opinions.

Maîs qu'il y ait urgence, je ne le comprends pas ; puisqu'il y a plusieurs années que les travaux sont commencés, je ne vois pas qu'il faille, au point de vue patriotique, mettre plus d'empressement à les continuer que par le passé. Nous tenons tous, du reste, à l'achèvement d'un monument qui a été inauguré par la présence du chef de l'Etat et des corps constitués ; l'honnenr du pays y est engagé.

J'ajouterai un mot pour expliquer pourquoi les souscriptions particulières ont été insuffisantes. Cela provient de ce que de prime abord on a compté sur le gouvernement. Il en est ainsi de bien des monuments, notamment de celui de la Reine. On compte trop sur le gouvernement en Belgique. Si dès le principe on n'avait pas eu la conviction que l'Etat allait lui-même achever les monuments dont il s'agit, les rétributions volontaires eussent été bien plus considérables. L'insuffisance des souscriptions ne peut donc pas être attribuée à un défaut de patriotisme ; mais à l'idée qu'il ne fallait pas payer deux fois, d'abord comme souscripteur, et ensuite cemme contribuable.

Sans cette idée, la proposition seule de l'érection des deux monuments dont je viens de parler, aurait donné lieu à l'élan national qu'on voit éclater en Belgique dans toutes les circonstances où l'intérêt du pays est en jeu.

J'insiste sur ce point pour qu'on ne doute pas à l'étranger du patriotisme qui existe dans le pays. Voilà le motif qui m'a fait prendre la parole.

Motion d’ordre relative à

M. Moncheur. - L'honorable M. Destriveaux, que nous venons de perdre, était membre et président de la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi apportant quelques modifications au Code pénal militaire.

Je demande que la chambre autorise son bureau à le remplacer. A ce propos, messieurs, je crois devoir informer la chambre du motif pour lequel la commission dont je viens de parler n'a pas pu jusqu'à présent et ne peut pas encore se livrer utilement à l'examen du projet qui lui est confié, le voici :

(page 590) On est d'accord, messieurs, dans cette chambre, que la discussion de la loi d'organisation militaire ne peut point précéder la discussion de la loi qui nous est promise sur la milice et sur le recrutement. Eh bien, messieurs, la loi apportant des modifications au Code pénal militaire ne peut préaller ni à la loi de milice et de recrutement, ni à la loi d'organisation militaire elle-même.

En effet, vous vous rappelez peut-être, messieurs, qu'une des dispositions fondamentales du projet de modifications au Code pénal militaire, consiste dans la substitution, comme peine, de la prolongation du temps de service actif, à la peine actuelle de l'emprisonnement ; or, avant de pouvoir déterminer qu'elle sera la durée de cette peine de la prolongation du temps de service actif, il est nécessaire de connaître d'abord quel sera la durée de ce temps normal du service actif ; car on ne peut retenir les militaires pendant un nombre trop considérable d'années sous les armes, tant à titre de peine qu'à titre de service ordinaire.

Je joins donc, messieurs, mes instances à celles de plusieurs de mes honorables collègues, afin que le projet de loi sur la milice nous soit présenté dans le plus bref délai possible ; car c'est après l'adoption de cette loi qui est entièrement liée à celle d'organisation militaire que la commission et la chambre pourront discuter la loi de modifications aux lois pénales militaires.

C'est là d'ailleurs, messieurs, ce qu'un ministre de la guerre ad intérim a fait remarquer en 1850 à la commission spéciale qui lui avait transmis, ainsi qu'à son collègue de la justice, des observations sur le projet dont elle est saisie.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion générale

La motion faite par M. de Naeyer à la fin de la précédente séance (renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics d'une pétition des administrations communales de Saint-Antelinckx et de Woubrechtegem, tendant à obtenir un subside pour l'achèvement d'une route pavée d'Aspelaere à Herzeele), appuyée par M. de Ruddere, est mise aux voix et adoptée.

M. Manilius. - Je ne viens pas faire d'opposition au ministre des travaux publics. Mais, d'après ce qui a été dit dans la discussion générale de ce budget, je ne puis m'empêcher de prendre la parole, afin de rectifier les faits qui ont été avancés et de me joindre à mes honorables collègues, non pour faire des reproches au gouvernement, mais pour l'engager à avoir plus d'égards pour la pénible situation des provinces flamandes, si dignes d'intérêt, attendu qu'elles sont une des ressources principalesdu trésor de l'Etat.

Messieurs, j'ai demandé la parole surtout après les explications de M. le ministre des travaux publics, et les observations que vous a présentées l'honorable comte de Muelenaere, député de Thielt.

Cet honorable membre a eu soin de nous prévenir qu'à ce titre on ne devait pas le supposer d'être entaché de partialité en faveur d'une partie de la Flandre occidentale.

Or, à deux reprises différentes, une fois par motion d'ordre, une fois dans cette discussion par des observations qui étaient la répétition de cette motion, il a, avec une adresse inqualifiable, cherché à nous amener à modifier ce que la loi a définitivement établi.

Messieurs, j'ai devant moi la loi de 1846. Elle nous a accordé, pour l'écoulement des eaux de la Lys, une première partie du canal se dirigeant vers la mer du Nord, sans décider le point où se canal devait aboutir à la mer.

L'honorable comte de Muelenaere, alors député de Courtrai et gouverneur de la Flandre occidentale, insista avec beaucoup de vigueur pour obtenir la majorité dans la commission qui devait être nommée pour la manœuvre des écluses.

Ce n'était pas, messieurs, dans la crainte des inondations qu'il défendait ces prétentions ; c'était dans la crainte que le canal de Deynze, envoyant les eaux au canal de Bruges pût aussi, par l'établissement d'écluses, les arrêter en été.

Aujourd'hui, les députés de la Flandre occidentale vinrent s'opposer au canal de Schipdonck, par des raisons tout opposées à celles que nous invoquions pour l'obtenir. Nous demandons le canal de Schipdonck jusqu'à la mer du Nord, pour évacuer nos eaux, et Bruges, dans une crainte peu fondée, veut se rendre maitre de cet écoulement, afin d'obtenir des eaux en été.

M. Sinave. - Du tout.

M. Manilius. - Puisqu'on conteste, je vais le prouver de la manière la plus exacte.

La première partie du canal ne pouvait se rendre que dans le canal de Bruges, au moyen d'une écluse. Pourquoi ? Parce que, pour être maître des eaux en été, il fallait une sage manœuvre de cette écluse, afin de protéger la navigation du caualde Bruges.

Parce que, pendant trois mois de l'année, il y a absence d'eau pour la navigation. C'est partout la même chose ; sur la Meuse, sur la Lys, les eaux manquent pendant les trois mois d'été.

Eh bien, l'honorable comte de Muelenaere, très adroit et très expert dans ces sortes de choses, savait fort bien ce qu'il faisait, quand il demandait que la majorité de la commission fût composée de membres appartenant à la Flandre occidentale, c'est-à-dire trois sur cinq, le gouverneur de Bruges devait présider.

Je dis donc qu'il y a ici deux intérêts opposés qui malheureusement ne s'entendent pas du tout et qui feraient beaucoup mieux de s'entendre.

Car, en 1846, qu'avons-nous fait en présence de la prétention de l'honorable comte de Muelenaere ? Nous avons cédé ; nous avons accordé à la Flandre occidentale la majorité dans la commission. Et qu'en est-il résulté ? C'est que lors de la discassion de la loi de 1851, Bruges s'est empressé de demander qu'on élargisse et approfondisse le canal de Bruges, afin d'y recevoir nos eaux, ce qui est une preuve encore que les eanx y manquent pendant les mois de sécheresse, lorsque les sources se tarissent ou ne donnent plus des eaux suffisantes. Messieurs, cette question étant tranchée, elle ne doit plus nous embarrasser. Mais il y en a une autre, c'est celle qui concerne la seconde partie du canal. Cette seconde partie, depuis le canal de Bruges à l'endroit appelé Schipdonck, jusqu'à la mer par Heyst, se trouve aujourd'hui contestée, et je ne sais à quel titre ni à quel droit. Si les honorables députés de Bruges veulent obtenir le canal de Bruges à Blankenberghe, messieurs les députés de la Flandre orientale ne s'y opposeront pas.

J'ai déclaré souvent et je déclare encore qu'on ne peut faire trop de travaux d'utilité publique, et chaque fois qu'on demandera de semblables travaux, ils auront l'appui de mon vote et de ma parole.

Mais, messieurs, nous avons le droit de demander de la réciprocité ; il ne suffit pas d'exécuter tous les travaux qu'une localité vous demande, comme cela s'est fait pour Bruges. Nous avons fait beaucoup pour Bruges ; nous avons donné un écoulement à ses eaux du sud, nous avons donné un écoulement aux eaux du nord, nous avons voté les fonds pour élargir son canal dont les eaux refluent vers Gand. Nous ne nous sommes refusés à rien ; et voilà que Bruges, alors que nous avons obtenu la prolongation du canal de Schipdonck jusqu'à la mer, par Heyst, veut y mettre une entrave, et elle agit en cela d'une manière tellement irréfléchie qu'elle ne comprend pas qu'elle s'oppose à l'exécution de la loi. Car l'article 8, 4° de la loi de 1851 est positif ; cet article est très simple ; le voici : « Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst. »

Je ne sais à qui peut appartenir le droit de changer la loi. Y eût-il mille pétitions de Bruges et des environs, la loi ne serait pas changée pour cela, il ne faut pas qu'à l'occasion d'un budget, on vienne demander de modifier une loi. La discussion d'un budget, par son essence, n'est pas la discussion d'une loi de travaux spéciaux ; elle peut être l'occasion de critiques sur la marche du gouvernement ; elle peut être l'occasion de demander qu'on mette plus d'activité dans certains travaux décrétés, qu'on applique à ceux-ci plus de fonds. Mais on ne peut, à cette occasion, venir demander que l'on modifie des plans, des tracés, une destination définitive qui ne peut varier que très peu. Car il n'est pas dit que le canal devra aboutir au centre de la commune de Heyst ou à l'une de ses extrémités ; mais on a voulu que les écluses de mer et les écluses de garde se trouvassent sur une partie du littoral appartenant à la commune de Heyst ; et il doit en être ainsi, à moins que le gouvernement ne vienne déclarer que des obstacles insurmontables s'y opposent et demander une modification à la loi.

Mais loin de là, M. le ministre des travaux publics nous a dit que cette exécution des écluses de mer et des écluses de garde était prête à être mise en adjudication, que toutes les études préparatoires, tous les plans étaient parachevés. Il a ajouté qu'avec l'intervention du conseil des ponts et chaussées et des ingénieurs, il avait examiné s'il n'y aurait pas avantage à dévier de la commune de Heyst vers la commune de Blankenberghe, sa voisine ; qu'indépendamment de la résolution qui avait été prise et de la loi qui avait été votée, il y avait eu de nouvelles levées de plans, un nouvel examen par les ingénieurs en chef et par le conseil permanent des ponts et chaussées, et que la première résolution avait été maintenue. Peut-on, messieurs, pousser plus loin les soins pour arriver à la perfection dans l'achèvement d'un travail ? Non, messieurs, il n'est pas possible d'aller plus loin.

Que réclamons-nous ? Qu'ont demandé nos honorables collègues ? Qu'est-ce que je viens demander aujourd'hui ? Je demande que l'on continue à marcher dans cette bonne voie, que l'on fasse usage de tous les moyens que la situation peut fournir, pour imprimer la plus grande activité à ces travaux. Eh bien, messieurs, c'est une question de fonds ; j'ai parlé tout à l'heure de l'article 8 de la loi, maintenant c'est l'article 11 qui a tranché la question ; je vais encore prendre la liberté d'en donner lecture, il est très simple mais il est extrêmement expressif, il décide la question sur laquelle nous discutons depuis trois jours. Voici ce qu'il porte :

« Pour couvrir la dépense à résulter des travaux mentionnés à l'article 8, le gouvernement est autorisé à emprunter un capital effectif de 26 millions de francs. »

Eh bien, messieurs, l'article 8 contient tous les travaux à faire par le gouvernement ; l'addition s'y trouve et elle porte précisément 26 millions. J'y trouve 4,500,000 fr. pour le prolongement jusqu'à Anvers, des canaux de la Campine ; j'y trouve ensuite 8 millions pour la Meuse, 4,500,000 fr. pour joindre la Meuse à l'Escaut ; enfin, messieurs, chacun y a sa part, et Bruges y a une part très large ; personne n'y a été oublié. J'ai voté cet article, je l'ai voté avec beaucoup de plaisir tant en ce qui concerne les Brugeois qu'en ce qui conceree les Liégeois, et j'en demande l'exécution ; c'est même dans ce seul but que je m'en occupe encore aujourd'hui.

Je suis étonné d'entendre l'honorable M. de Muelenaere nous dire que (page 491) la capitale de la Flandre orientale pèse de tout son poids sur le gouvernement. Est-ce parce que nous avons un députe de Gand dans le cabinet ? Mais, messieurs, vous avez entendu ce que lui a répondu M. le ministre des finances ! Oui, messieurs, nous pesons dans le gouvernement, mais c'est par nos fonds ; nous pesons par les impôts que nous payons.

C'est nous qui payons la plus large part de tout ce qui se fait, et quand nous demandons une chose on ne nous l'accorde qu'en nous arrachant beaucoup plus encore. En 1842, nous avons demandé qu'on nous délivrât des inondations qui étaient le fait du gouvernement : le gouvernement venait de traiter avec la Hollande, et on nous enlevait le Capitalen Dam, qui était une embouchure, l'écluse on la livrait à notre voisin, qui n'était pas tout à fait notre ami.

L'honorable M. de Muelenaere aime bien à être maître des écluses ; il voulait être maître de l'écluse de Schipdonck, comme nous voulions être maîtres du Capitalen Dam ; eh bien, le Capitalen Dam a été abandonné et toute une partie de notre province se trouve ainsi entre les mains des Hollandais qui peuvent nous submerger quand ils le veulent.

L'honorable M. Desmaisières était alors au ministère, mais il se trouvait alors dans la même position que l'honorable M. Van Hoorebeke aujourd'hui ; il avait un collègue, l'honorable M. de Theux, Nothomb je veux dire, qui était aussi très influent et qui ne lui accorda le canal de Zelzaete qu'à la condition d'avoir le canal de la Campine.

Nous avons accordé le canal de la Campine, nous avons agi comme en 1851, lorsque nous avons dit : Faites les travaux à la Meuse, rectifiez le cours de la Meuse ; mais, au moins, ne nous laissez pas submergés, donnez-nous aussi notre part.

J'ai dit tout à l'heure, que quand il s'est agi du canal de Zelzaete, l'honorable M. de Theux était au ministère ; il n'y était plus, mais il avait été dignement remplacé après le renversement du ministère libéral en 1841.

Eh bien, messieurs, ce qui était vrai pour le canal de Zelzaete est encore vrai pour le canal de Schipdonck ; nous ne l'avons obtenu qu'à la condition de faire quelque chose pour Bruges et de faire beaucoup pour la Meuse ; nous l'avons fait, nous l'avons fait de la meilleure grâce possible, et nous n'en aurions pas parlé sans l'énorme lenteur dont nous sommes victimes. (Interruption.) Le canal de la Campine est très utile, mais il n'est pas urgent comme le canal de Schipdonck.

Le canal de la Campine a pour but de créer des richesses, de donner au trésor beaucoup de contribuables, dans l'avenir ; mais cela ne brûlait pas, au moins cela n'était pas inondé, tandis que le canal de Schipdonck est de l'urgence la plus absolue. Les propriétaires de la Campine se plaignaient de ne rien retirer de leurs propriétés ; nous possédions à cette époque le regrettable M. Werner de Mérode, qui avait quelques 800 bonniers de terre dont il déclarait ne rien recevoir ; il disait : Oui j'ai beaucoup de terres, mais les contributions absorbent le revenu. Aujourd'hui, messieurs, ces terres rapportent beaucoup. (Interruption.) C'est ainsi.

Maintenant la troisième période. Il fallait continuer le canal de Schipdonck jusqu'à la mer ; cela a été reconnu depuis, comme tout finit par être reconnu ; on a donc décrété l'achèvement du canal jusqu'à Heyst. Maintenant on a obtenu l'achèvement du canal de Schipdonck, qui a été reconnu utile par tous les hommes compétents, par la chambre entière après deux discussions approfondies.

Comment l'avons-nous obtenu ? Il faut que vous le sachiez, messieurs ; nous l'avons obtenu, à la condition de voter huit millions pour la dérivation de la Meuse. Je le dis hautemement : on ne reconnaît notre droit à avoir des travaux publics rigoureusement nécessaires qu'à la condition qu'on donnera des travaux d'utilité publique en compensation à d'autres provinces.

Puisque nous marchons pour ainsi dire à reculons, tandis que les autres marchent en avant à pas de géant, il faut bien que je dise à quel prix nous avons obtenu les canaux que nous avons. Oui, nous avons dû payer rançon ; et cependant quelles sont encore une fois les provinces sur lesquelles ont pesé principalement les nouveaux impôts qui ont servi à rétablir l'équilibre des finances ? Ce sont les provinces auxquelles nous appartenons.

Ces lois frappent des contributions indirectes ; et qui est-ce qui paye ces contributions indirectes. Ce sont les individus qui consomment. Ce ne sont pas les landes de la Campine ou les forêts du Luxembourg ; c'est sans doute dans les provinces de 800,000 à 900,000 habitants qu'on paye la majeure partie des contributions indirectes, qui sont venues mettre le trésor public à couvert.

Encore une fois, je ne fais pas de cela un grief ; je cite ces faits pour montrer que plus que toutes les autres nous avons des droits à la sollicitude du gouvernement.

Nous contribuons aussi le plus dans les contributions directes ; et pourquoi ? parce qu'on n'a pas révisé les opérations cadastrales ; en attendant cette révision, on nous a dit : « Vous êtes surchargés, nous le reconnaissons, vous devriez même obtenir un dégrèvement ; mais cependant vous ne pouvez être dégrevés pour le moment que de moitié, parce que nous ne pouvons pas mettre tout d'un coup cette nouvelle charge sur les autres provinces. » Ainsi de ce chef, nous payons en trop une moitié, et je viens de dire que nous payons la plus forte partie des droits indirects.

Je le répète, je ne fais pas de tout cela un texte de critique, qui serait hors d'à propos, mais il faut bien énumérer les titres que nous avons à la sollicitude du gouvernement : il faut bien montrer que nous méritons quelque chose ; il faut bien établir que loin de faire sortir à notre profit de l'argent du trésor public, c'est nous qui l'alimentons en grande partie. C'est une raison, me semble-t-il, pour se montrer à notre égard plus généreux, et surtout plus actif, alors que la loi a décidé irrévocablement.

Maintenant un mot de réponse à M. le ministre des finances provisoire. M. le ministre des finances provisoire, ministre d'Etat et gouverneur du Brabant, nous a effrayés. J'ai dit tout à l'heure par quel moyen étaient fournis les fonds pour le canal de Schipdonck. Quant au canal de Zelzaete dont la quatrième section reste à faire, il faut forcément que nous ayons l'aide de M. le ministre des finances. J'ai aussi sous les yeux la loi qui décrète l'exécution du canal de Zelzaete ; eh bien, la loi dispose que les voies et moyens pour l'exécution des travaux seront réalisées par voie d'emprunt ou au moyen d'une émission de bons du trésor. Ainsi ce canal dont les travaux datent depuis onze ans, doit être fait au moyen d'un emprunt ou d'une émission de bons du trésor.

Et que nous a dit M. le ministre des finances provisoire dans une des dernières séances ? Il vient nous dire que le trésor est obéré, que la situation financière ne lui permet pas de porter en une fois au budget fa somme de 800,000 fr. que lui a demandée son collègue M. le ministre des travaux publics.

Je ne sais si le langage de M. le ministre des finances provisoire serait tel, s'il était ministre définitif. Je crois que M. le minisre des finances provisoire a le désir de rendre sa caisse en bon état à celui qui viendra le dégager de sa position.

Mais, messieurs, là n'est pas la question pour nous. Quand nous demandons l'exécution de dispositions impératives de la loi, il faut que M. le ministre des finances produise d'autres arguments que la majesté de ses craintes. Nous lui demandons, nous avons le droit de lui demander 800,000 fr. qui au besoin peuvent et doivent être couverts au moyen d'une émission de bons du trésor.

M. le ministre des finances provisoire ne montre pas toujours les mêmes scrupules ; il y a de l'argent, chaque fois qu'il s'agit d'une affaire qui convient.

M. le ministre des finances provisoire n'a pas été parcimonieux à ce point lorsqu'il s'est agi de faire telles ou telles acquisitions. On a acheté une masse de choses. Il ne s'est pas montré si parcimonieux, quand il s'est agi d'ambassades nouvelles ; tout cela sans doute, à son avis, est convenable et doit être fait ; il aurait cru sans doute avoir mauvaise grâce de dire à son collègue M. le ministre des affaires étrangères ; « N'envoyez pas d'ambassadeur en Russie, car je n'ai pas d'argent. »

Eh bien, on a très mauvaise grâce de dire : « Je n'ai pas d'argent, » à des provinces qui sont soumises périodiquement au fléau des inondations, qui sont par là même dans le marasme, alors que des lois réparatrices prescrivent l'exécution de travaux sans la subordonner à l’état de la caisse et que, pour qu'elle ait lieu, il suffit d'émettre des bons du trésor qu'on convertit ensuite en dette consolidée.

M. le ministre des finances provisoire, je regrette qu'il ne soit pas présent, car je désire ne rien dire qui soit désagréable à sa personne, je l'estime trop pour cela. Je combats ici pour les intérêts d'une grande partie du pays, et, en pareil cas, je ne vois plus les hommes, quelle que soit l'amitié que je leur porte, la reconnaissance vient après, je lutte avec vigueur, avec toute la conviction qui m'anime et l'intention bien sincère de ne m'arrêter devant rien ; le ministre des finances provisoire est venu prononcer des paroles auxquelles on a applaudi ; c'est à-dire que j'ai entendu un seul membre l'applaudir ; c'était un représentant de la province de la Flandre occidentale qui avait justement obtenu l'achèvement de la partie du canal de Zelzaete qui intéresse sa province ; il ne reste plus à achever qus la partie qui intéresse la Flandre orientale ; aussi, dans sa jubilation, il a dit : « Très bien ! très bien ! très bien ! »

Mais moi de lui répliquer : Très mal ! très mal ! très mal !

En effet, M. le ministre des finances qui redoute tant le vide du trésor, n'avait pas les mêmes scrupules lors de son passage au département de l'intérieur. Vous vous rappelez qu'on a fait alors l'acquisition de deux grands navires sans avoir un denier, à tel point que l'un des deux qu'on a dû payer comptant a été acheté avec des fonds empruntés à la caisse des veuves. Voilà comment on trouve moyen de se tirer d'affaire quand il s'agit d'exécuter un caprice ; mais quand il s'agit de donner à une province qui supporte la plus lourde part des charges publiques une juste réparation, pour rien au monde on ne consentirait à à mettre le trésor à découvert.

Mais s'agit-il donc d'obérer le trésor ? On l'enrichit par les dépenses de la nature de celles que nous réclamons, les travaux utiles enrichissent un pays. Si le principe contraire était admis en matière de travaux publics, il faudrait supprimer le ministère des travaux publics, rattacher les ponts et chaussées et le chemin de fer au département de l'intérieur, et ne plus faire de travaux publics aussi longtemps qu'on n'aurait pas d'argent en caisse.

El vous attendriez longtemps.

Je suis fatigué ; j'ai dit.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Avant de répondre aux chiffres produits par M. le ministre et aux conclusions qu'il en a tirées, permettez-moi, messieurs, de vous entretenir un instant d'une question toute personnelle.

Quelques-uns de mes honorables collègues m'ont reproche d'avoir mis une grande lenteur dans la rédaction de mon rapport ; l'on m'a presque (page 592) accusé d'avoir été sur le point de faire chômer la chambre. Je tiens beaucoup à ce qu'ils sachent la vérité sur les causes qui ont retardé le dépôt de mon rapport.

La section centrale s'est réunie, une première fois, le 11 novembre. Elle a dépouillé, dans cette séance, les procès-verbaux des sections. Ce dépouillement a été long, car les questions soulevées par les sections étaient nombreuses : la cinquième section surtout avait fait un grand nombre de demandes de renseignements. La série de questions posées par les sections a été renvoyée à M. le ministre à la suite de cette première séance. Ce n'est qu'au mois de décembre que la section centrale a reçu les pièces du département. Nous nous sommes réunis pour en faire l'examen le 7 décembre ; d’autres réunions, pour la discussion des articles, ont eu lieu le 9, le 10, le 11, le 21 et le 22 décembre.

Le rapporteur a été nommé dans la séance dut 9 et dans celle du 22 seulement la section centrale a décidé que le chapitre IV, qui est relatif au chemin de fer serait refondu. Il y avait dès lors impossibilité absolue à ce que le rapport fût déposé avant les vacances de Noël et vous voyez, messieurs, que cette impossibilité n'avait pas pour cause notre inactivité.

La refonte du chapitre IV devait occasionner au rapporteur un travail long et pénible : j'y employai une partie des vacances ; cette refonte nécessita en outre plusieurs conférences avec l'administration et avec M. le ministre. Le 18 janvier seulement, jour de la rentrée des chambres, j'obtins le travail définitif du département sur le montant des évaluations à mettre en regard des articles du nouveau projet de budget.

Le travail demandé à l'administration avait à son tour été long et pénible, et je rends grâce ici publiquement au zèle et à l'intelligence de l'employé qui en a été chargé. Le 20 le rapport a été déposé à la chambre. Je ne pense pas qu'il fût possible d'y mettre plus de célérité, et je tiens à le dire, messieurs, le travail du rapporteur s'en ressent beaucoup : ce travail est imparfait ; il ne donne pas de développements à plusieurs parties sur lesquelles il aurait été utile de s'étendre avec plus de détail. Plusieurs questions importantes ont dû être complètement négligées et j'ai à demander à la chambre toute son indulgence à cet égard.

Je viens de parler de la refonte du chapitre IV. La section centrale a mis beaucoup de prix à cette partie de son travail. Elle a pensé que, dans l'intérêt du chemin de fer comme dans celui du trésor public, elle a pensé que, pour que le contrôle de la chambre fût sérieux, il fallait chercher à mettre dans le budget toute la vérité possible ; il ne faut pas, ni pour le bien du chemin de fer, ni pour nos prérogatives, que les fonds que vous avez voulu allouer pour un service, soient détournés pour un autre service. Cela s'est fait jusqu'à ce jour ; cela ne doit plus se faire !

M. le ministre est d'accord sur ce point avec la section centrale, et j'aime à lui rendre ici publiquement cet hommage. Des difficultés avaient été soulevées d'abord ; l'administration craignait que la division des articles que nous présentions n'eût donné lieu, pour la liquidation des dépenses, à certains inconvénients. Nos explications ont éloigné ces craintes et dès lors, M. le ministre, animé, comme il l'a dit, d'un juste esprit de conciliation, a accepté notre rédaction, qu'il reconnaît aujourd'hui constituer, à ses yeux comme aux nôtres, un moyen pour la chambre de mieux exercer son contrôle sur tous les chefs de dépense.

J'arrive au discours prononcé par M. le ministre dans la séance du 2 février.

Il a passé en revue les trois grandes branches de son administration : les ponts et chaussées, les chemins de fer et les postes, il n'a eu que des éloges à faire de ces trois branches.

Quant à moi, je n'ai rien à dire sur les ponts et chaussées ; si j'en disais quelque chose, j'aurais plutôt à louer qu'à blâmer ; pour ce qui concerne les postes, je pense qu'il y a quelques réformes à introduire dans cette administration ; pour ce qui concerne l'administration du chemin de fer, j'ai à blâmer, beaucoup à blâmer.

On a dit, il y a un an, que je faisais la guerre aux personnes ; je repousse cette insinuation, je ne veux pas qu'on vienne affaiblir mes raisons en me prêtant des intentions que je n'ai pas.

Dans une cause aussi importante, je ne veux pas qu'on vienne atténuer la force naturelle des faits en y mêlant une part quelconque de personnalités qui m'exposerait à gâter la cause que je défends.

Je n’ai devant moi d'autre adversaire, dans cette circonstance, qu'une mauvaise organisation. C'est celle-là seule que j'attaque ; je n'attaque pas les personnes. Il ne me répugne pas de reconnaître que le ministre est animé des meilleures intentions, que l'homme qui se trouve à la tête du chemin de fer est un homme d'une grande capacité, mais les bonnes intentions, les capacités sont rendues impuissantes par l'imperfection du mécanisme qu'ils conduisent ; devant cette imperfection les meilleures intentions s'évaporent en efforts inutiles, et l'homme le plus capable ne peut rien produire.

M. le ministre a divisé ceux qui attaquent l'administration du chemin de fer en trois grandes catégories : dans la première, il a placé ceux qui croient que l'Etat est inhabite à exploiter le chemin de fer. Dans les deux autres il a rangé ceux qui attaquent le chemin de fer, les uns parce qu'il ne produit pas assez, les autres parce qu'il coûte trop. Je ne trouve pas ma place dans la première catégorie.

Si j'avais eu l'honneur de faire partie de cette chambre lorsqu'on a voté la loi du Ier mars 1834, j'aurais voté avec la majorité, j'aurais voté pour l'exploitation par l'Etat.

M. de Man d'Attenrode. - La loi du 1er mai 1834 ne consacre pas le principe de l'exploitation par l'Etat ; elle a simplement décrété la construction du chemin de fer par l'Etat.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Pour moi la question n'est pas de savoir si l'Etat exploite aussi bien ou moins bien qu'une compagnie. Je crois pour ma part que l'Etat peut exploiter tout aussi bien qu'une compagnie, et mon opinion se fonde sur des faits. Il m'est arrivé, dans le courant de cette année, de visiter plusieurs chemins de fer qui sont administrés par le gouvernement, et je dois déclarer que leur administration n'est nullement inférieure à celle des compagnies.

M. Osy. - Dans quel pays ?

M. de Brouwer de Hogendorp. - En Allemagne. Je citerai à l'honorable membre les chemins de fer de Saxe, de Bavière, de Wurtemberg, de Bade et les lignes les plus importantes de Prusse !

M. le ministre vous a parlé de ce qui se passe en Allemagne ; je veux y ajouter un mot. Il y a quelques années, tous les chemins de fer étaient concédés à des compagnies, une réaction se produit aujourd'hui contre le système de concession. Plusieurs lignes concédées à des compagnies ont été reprises par les gouvernements ; je vous citerai la grande ligne de la Basse-Silésie en Prusse, le chemin de fer de Chemnitz-Risa et de Silésie en Saxe.

Dans le courant de 1851, on n'a pas fait, a dit M. le ministre, une seule concession de chemin de fer, en Allemagne, à l'exception du chemin de fer de Munich à Salzbourg.

M. Osy. - Citez-nous des exemples pris dans des pays constitutionnels.

M. de Brouwer de Hogendorp. - C'est de la Bavière que je parle et je crois que la Bavière est un pays constitutionnel. M. le ministre a dit que le chemin de fer de Salzbourg faisait exception. Cette exception n'existe pas. La ligne de Salzbourg pour laquelle une concession avail été demandée, n'a pas été concédée. C'est l'Etat qui l'exécute en ce moment à ses frais.

La question n'est pas non plus pour moi de savoir s'il vaut mieux pour le pays que le chemin de fer soit exploité par le gouvernement, ou par une compagnie, s'il vaut mieux que le chemin de fer soit érigé en une espèce de service public ou livré à des capitalistes qui ont pour premier mobile non pas les intérêts des populations mais leurs intérêts propres.

Je ne me place pas à ce point de vue. Il y a pour moi une question qui prédomine toutes les autres. C'est celle-ci : N'y aurait-il pas un danger politique à remettre notre chemin de fer entre les mains d'une compagnie ? Si le chemin de fer était cédé à une compagnie, il est certain qu'au bout de très peu de temps toutes les compagnies qui exploitent les chemins de fer en Belgique n'en feraient plus qu'une seule. Il y aurait bientôt fusion de toutes en une grande association. Eh bien ! une association aussi puissante ne créerait-elle pas pour la Belgique un véritable danger ? Ne peut-on imaginer des cas où ce colosse immense étendant ses bras sur toutes les parties du pays pèserait d'un poids écrasant sur nos destinées ? Son influence et sa puissance n'éclipseraient-elles pas en beaucoup de circonstances, je ne dirai pas les partis, mais le gouvernement lui-même ?

Je crois qu'il y aurait là pour le pays un immense danger et c'est parce que ce danger m'effraye que je repousse et que j'ai repoussé au sein de la section centrale l'exploitation de notre réseau national par une compagnie.

Mais, messieurs, si je ne trouve pas uue place parmi ceux qui combattent l'administration du chemin de fer parce qu'ils croient que l'Etat est incapable d'exploiter, je me range dans la classe des deux autres espèces d'sdversaires. Je crois que le chemin de fer ne produit pas assez et qu'il nous coûte trop.

Cependant, ne croyez pas que je veuille amoindrir la question. Ne croyez pas que, lorsque je dis que le chemin de fer nous coûte trop, j'aie simplement en vue les traitements qu'on accorde aux fonctionnaires. Non, messieurs ; cette question, comme je l'ai dit dans le rapport, reste pour moi une question tout à fait secondaire. Les employés du chemin fer, pour qu'ils travaillent bien et que le chemin de fer soit convenablement exploité, doivent être convenablement rétribués. Mais je suis d'avis qu'il se fait beaucoup de dépenses inutiles, et je suis d'avis aussi que ces dépenses inutiles ont leur source dans une mauvaise organisation.

Je crois que le chemin de fer pourrait être plus productif, et encore une fois, je crois que s'il ne produit pas davantage, la faute n'en est imputable qu'à l'organisation défectueuse des services. Nous obtenons à peu près tous les voyageurs qu'il est possible d'obtenir, mais obtenons-nous toutes les marchandises dont le transport devrait nous être assuré ? Transportons-nous toutes les marchandises transportables par chemin de fer des localités situées sur nos lignes ?

Mon honorable collègue, M. Osy, a répondu d'avance à cette question. On a été obligé, disait-il, dans une séance précédente, de transporter certaines marchandises en destination de l'Allemagne par canal d'Anvers jusqu'à Louvain, à cause des mauvaises dispositions prises par rapport au matériel de transport ; et un journal disait, il y a peu de jours, que certains ballots expédiés en même temps par le roulage et par le chemin de fer, lui étaient parvenus plus tôt par le roulage que par la voie ferrée. Je ne savais pas que notre vieux voiturage devait détrôner un jour la machine à vapeur !

Nous ne transportons pas tout ce que nous devrions transporter, et (page 593) ce qui devrait nous arriver sans autre effort qu'une grande régularité dans le service. Mais une bonne administration veut autre chose que ces transports qui lui sont acquis à si peu de frais ; elle veut autre chose, parce que presque toujours ces transports ne suffisent pas à sa prospérité. C'est au-delà des points extrêmes de la ligne et sur les localités situées dans une zone plus moins étendue qu'une bonne administration porte ses efforts, Ainsi fait le chemin de fer du Nord, ainsi fait le chemin de fer de Strasbourg, ainsi fait le Great-Northern en Angleterre, ainsi font toutes les pricipales compagnies.

Je ne demanderai pas ce que l'on a fait dans cette vue en Belgique ; mais je demanderai ce que l'organisation aurait permis de faire. Je répète encore une fois que je ne fais pas la guerre aux personnes ; c'est le mécanisme que j'attaque. Rien n'a été fait ni pour converger vers nos lignes des transports qui pouvaient prendre d'autres voies, ni pour attirer le transit qui jusqu'ici ne nous appartient pas, ni même pour conserver celui que nous avions. On est allé jusqu'à repousser des transports qui venaient s'offrir volontairement ! Et ce sont là, messieurs, les effets d'une organisation à laquelle M. le ministre dit qu'il craint de toucher, craignant de bouleverser la progression des recettes par une réforme trop radicale.

Savcz-vous ce que c'est que cette organisation qui est une arche sainte pour M. le ministre ? C'est une exploitation qui, pour la moitié de nos lignes, coûte de 70 à 117 p. c. des recettes brutes, c'est une exploitation ou un convoi ne rapporte sur une ligne importante (je parle de celle de Charleroi à Namur) que 1 fr. 95 c. par kilomètre parcouru, c'est-à-dire à peine quelques centimes de plus que ne coûte la locomotion.

J'ai dit tout à l'heure que j'attache une très faible importance à tout ce qui concerne les traitements des employés, que c'est pour moi une question secondaire. Cependant, comme nous nous occupons du bidget, il convient que nous examinions cette question.

L'honorable ministre a dit que le nombre des agents de l'administration est diminué depuis quelques années. Il est aujourd'hui, a-t il dit, de 148 en moins qu'au 1er janvier 1848.

Entendons-nous sur ce point. Quelle est la classe d'agents qui a été diminuée ? Sont-ce les agents de l'administration centrale ? Non. En 1848, le nombre des employés à la direction était de 134 ; au département il était de 12 ; il y avait donc un total de 146 agents à l'administration centrale proprement dite.

Quel est, en 1853, le nombre des agents à cette administration ? Il y a un an, on se plaignait du grand nombre d'employés qui composaient la direction, et l'honorable ministre disait, d'accord avec moi, qu'il fallait en diminuer le nombre, qu'il fallait centraliser les services. Il devait en résulter une diminution considérable dans les écritures et, par conséquent, aussi une diminution dans le nombre des commis.

Eh bien ! le nombre des agents dans l'administration centrale du chemin de fer (j'en excepte les postes), est absolument encore aujourd'hui ce qu'il était en 1848, il est de 146.

Cependant, messieurs, comme je vous l'ai dit, c’est sur cette catégorie d'employés que les réductions devaient porter.

Il y a une diminution, mais sur quelle classe d'employés ? L'honorable ministre nous disait que les transports avaient été beaucoup plus considérables en 1851 et 1852 qu'antérieurement, que par conséquent le travail étant devenu beaucoup plus considérable, il fallait un plus grand nombre d'employés. Eh bien ! c'est précisément sur cette partie de l'administration où le travail est devenu plus considérable que la réduction a eu lieu ; c'est surtout sur le service du trafic et du mouvement, sur ce qu'on nomme ordinairement le service des stations et le service des convois.

Il y a eu une diminution dans le nombre des agents pour le service des convois. Chacun de vous a pu s'apercevoir que le nombre des gardes-convois est diminué. Une mesure récente a été prise, d'après laquelle on a réduit encore le nombre des gardes, qui déjà était très peu considérable. Des plaintes à cet égard avaient même été soulevées au sein de la seetion centrale. On avait dit en section centrale que les convois n'étaient plus suffisamment surveillés, qu'ils étaient absolument abandonnés à la Providence. Eu effet, les gardes sont surchargés de travail pendant le parcours ; ils ne peuvent plus exercer de surveillance, les convois sont entièrement abandonnés aux machinistes, et vous avez pu voir dans le rapport que ces machinistes ne sont pas toujours des hommes expérimentes, ne sont pas toujours des machinistes capables, puisqu'on a réduit leur traitement à 3 fr. et à 2 fr. 60 c, ce qui n'existe dans aucun pays du monde.

Eh bien, déjà le personnel des convois n'était pas considérable.

Et cependant, ce personnel a encore été diminué, c'est sur cette espèce de personnel que portent les réductions.

Oti a réduit le personnel des convois à trois gardes : le chef-garde, un garde qui s'occupe des marchandises et qui est en même temps garde de frein, et un seul garde pour recueillir les billets des voyageurs. Il m'est arrivé, messieurs, il y a peu de jours, d'en causer avec un chef de service ; il me disait, la chambre veut des économies, la chambre en aura ; j'ai réduit ie nombre des gardes-convois à trois. Je lui répliquai que la chambre ne pouvait pas désirer des économies de cette espèce, parce qu'il en résultait un danger immense pour les voyageurs, (Interruption.)

Il me contesta le danger et s'avisa de me dire qu'il placerait des miroirs à la locomotive, pour que le mécanicien pût examiner le convoi.

Le chef de service ignorait que ce moyen avait été tenté dans d'autres pays et qu'il avait dû être immédiatemeut abandonné.

Voilà, messieurs, les expédients que l'on tente, voilà les réductions que l'on fait, réductions qui sont peu importantes quant au chiffre, mais qui exposent la vie des voyageurs et qui auront peur effet de faire perdre d'un autre rôle à l'Etat beaucoup plus qu'on n'économisera, car il est évident que lorsqu'il y aura un seul garde pour recueillir les bulletins des voyageurs, il y aura certaines gens qui ne prendront pas de bulletin.

Si le nombre des agents n'a pas été diminué dans les branches où des réductions auraient dû être faites, est-ce que le chiffre des traitements, au moins a été diminué ? C'est encore une thèse qui a été soutenue par l'honorable ministre En 1848, les traitements et indemnités du personnel du chemin de fer et de la deuxième division du département, s'élevaient à 1,252,534 fr. ; en 1851, ces mêmes traitements et indemnités, primes comprises, s'élevaient à 1,253,348 fr., il y avait donc une augmentation insignifiante ; mais en 1853, d'après le budget refondu, les traitements s’élèvent à 1,459,279 fr. Il faut en déduire 24,200 fr., qui résultent d’un transfert concernant le personnel des postes. L’augmentation est donc pour 1853, sur 1848, de 182,545 fr.

Voilà, messieurs, la réduction qui nous a été annoncée par M. le ministre.

Il est vrai que nous avons confondu dans le nouveau budget les 140,000 fr. de primes avec le chiffre des traitements. Mais, messieurs, nous avons été obligés d'en agir ainsi, parce que la somme que vous votiez antérieurement pour primes était devenue réellement une allocation pour traitements.

Voici ce que l'on a fait : On a diminué le traitement de quelques agents subalternes, on a diminué le traitement des gardes-convois, on a diminué le traitement de quelques employés aux marchandises, et cette diminution a été remplacée par une espèce de traitement variable, que l'on prend sur ce que vous aviez voté pour primes. Comme la section centrale a voulu rétablir la vérité dans le budget, nous avons confondu les primes avec le traitement ; de cette manière, messieurs, vous savez au moins ce que vous votez.

La vérité n'existait pas dans le budget ; nous avons voulu l'y mettre ; aurons-nous réussi ? Je l'espère mais je n'ose pas m'en flatter.

En effet, messieurs, à l'article 2, Traitement des fonctionnaires, on a demandé une somme de 520,610 francs ; or, d'après les états de traitements qui ont été livrés à la section centrale, le traitement et les indemnités des fonctionnaires de l'administration centrale s'élèvent à une somme de 555,000 francs ; il manquerait donc, pour parfaire le montant réel des traitements payés en ce moment, une somme de 29,190 francs ; où la cherchera-t-on ? Antérieurement on la trouvait d'une manière quelconque. Comme nous ne voulons plus de ces transferts, il faudra bien que le chiffre de l'article 2 soit majoré de cette somme. Cependant je dois dire que, depuis quelque temps, à la suite du décès d'un inspecteur des postes et à la suite d'une mutation d'employé, cette somme de 29,000 fr. se réduit à 21,990 fr.

Messieurs, je viens de dire que tous les efforts de la section centrale ont eu un seul but, c'est de rétablir la vérité dans le budget ; je viens de dire que je crains fort que nous n'atteignions pas ce but. Il y a toujours quelque chose qui reste cachée ; il y a toujours une espèce de mystère ; et de même, messieurs, qu'il n'a fallu à M. le ministre des travaux publics qu'une simple comparaison des dépenses faites en Belgique et des dépenses faites en France, pour établir, selon lui, la supériorité de notre orginisalioii, il ne faudrait à moi si j'étais complètement étranger aux questions de chemins de fer que ce mystère seul pour comprendre que cette organisation est nécessairement mauvaise. Si cette organisation était bonne, il n'y aurait pas lieu à mystère. On jouerait cartes sur table ; ou exposerait le véritable étal des choses à la chambre, parce qu'on n'aurait rien à craindre de son contrôle. Si on cache quelque chose aujourd'hui, c'est qu'on a quelque chose de mauvais à cacher.

Je reviendrai dans une autre séance sur les vices de l'organisation des chemins de fer. Je ne veux en parler aujourd'hui qu'en ce qui touche un seul service, parce que c'est le seul dont vous a entretenu M. le ministre pour en faire l'éloge, comme s'il avait senti que là il y avait le plus à critiquer.

C'est une manœuvre assez adroite de sa part ; il a prouvé qu’il était taclicien habile.

Il fallait disposer favorablement la chambre en faveur d'un service que l'on sentait devoir être attaqué ; c'était un moyen adroit, si ce n'est pour parer les coups, au moins pour empêcher qu'ils produisissent tout leur effet.

Mais quoi qu'il en soit, je ne m'en plains pas ; je m'en plains d'autant moins que cette partie du discours de M. le ministre est la plus pratique ; à mon avis, c'est la partie la plus essentielle de son discours du 2 février.

J'ai souvent tâché de savoir de l'administration elle-même ce que coûte le service de la locomotion, c'est-à-dire le service des locomotives et des voitures et waggons.

Lorsque le budget des travaux publics de 1852 a été discuté en section centrale, l'on a demandé au gouvernement quelles étaient les dépenses de ce service. Il n'a pas été possible d'obtenir une réponse satisfaisante. Quand il s'est agi de l'examen du projet de loi sur le transport des marchandises, une des premières questions posées par la section centrale a été encore le coût de la locomotion ; il a été répondu qu'on ne pouvait pas répondre à cette question.

La cinquième section dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur à la section (page 591) centrale pour le budget que nous discutons en ce moment, avait posé une série de questions afin d'arriver à connaître le prix de la locomotion, nous fîmes parvenir à M. le ministre les questions de la cinquième section ; il nous fut répondu qu'il faudrait un travail de dépouillement très long pour pouvoir donner les renseignements demandés ; il faudrait des semaines, des mois.

Personnellement je suppliai qu'on me donnât le chiffre global si le détail ne pouvait être donné ; je l'attends encore. N'est-ce pas là un de ces mystères dont je parlais tout à l'heure à la chambre. Pourquoi ce secret ? Ignore-t-on vraiment ce que coûte la locomotion ? Mais le chemin de fer est une entreprise industrielle et ne sait-on pas que la première règle du manufacturier doit être une connaissance parfaite du prix de revient de ses produits ? S'il n'observe pas cette règle il court aveuglément vers la banqueroute.

L'ignore-t-on réellement ? Mais quelle est donc la comptabilité du chemin de fer ? Ce serait pour moi un grief de plus contre l'administration actuelle. Il n'y a pas un fabricant dont la comptabilité est bien tenue, qui ne puisse, en ouvrant ses livres, vous dire en quelques minutes le prix de revient de ses fabricats ; il n'y a pas de chemin de fer administré par une compagnie ou par un Etat, qui ne puisse en moins de temps encore vous dire les dépenses de la locomotion, et ici, cette administration qu'on loue, cette administration où les employés sont si nombreux, où les écritures sont si considérables, on aurait négligé de tenir un compte aussi indispensable.

Pour l'honneur des hommes capables qui sont au chemin de fer, je ne veux pas le croire ; j'aime mieux encore croire au mystère.

Ce que je n'ai pas pu obtenir, je vais tâcher de le faire moi-même. Je prends des pièces officielles, des pièces imprimées ou remises à la section centrale ; je n'oserais faire usage d'autres de crainte qu'il ne m'arrivât ce qui m'est arrivé il y a un an. J'avais indiqué, vous vous le rappelez, messieurs, le coût de certaines dépenses de réparations faites à l'arsenal de Malines.

Un employé supérieur du service de l'arsenal en avait remis l'état au rapporteur de la section centrale ; l'état était extrait des livres.

On vint, dans cette chambre, en contester l'authenticité ; on m'opposa d'autres chiffres qui avaient été remis à M. le ministre par les chefs de la locomotion. On veut me taxer d'erreurs, et cependant mes chiffres seuls étaient exacts. Eh bien, je ne veux pas m'exposer à voir renouveler un pareil fait ; je prends cette fois des chiffres qu'il serail impossible de venir contredire.

Il a été dépensé, en 1851, pour traitements et indemnités du personnel du service de la locomotion, d'après une pièce officielle remise à la section centrale et insérée comme annexe au rapport, une somme de 85,263 fr. 20.

Les dépenses de fournitures de bureau se sont élevées d'après l'annexe E, à 36,473 fr.

Au paragraphe locomotion, du compte rendu de 1851, on trouve que les salaires pour la locomotion et l'entretien du matériel se sont élevés (F.compte rendu, 1851, page 5), à 1,497,130 fr.

Les primes pour économie de coke et de régularité se sont élevées (voyez même compte rendu, page 5), à 43,200 fr.

Le renouvellement du matériel a coûté d'après le même compte rendu, page 6) à 300,000 »

Il a été dépensé pour approvisionnement, combustible, etc. (compte rendu, page 6) 2,052,000 fr.

Ce qui fait un total de 4,014,066 fr. 20 c.

Je fais remarquer à la chambre, relativement au chiffre de 2,052,000 francs, pour approvisionnements que, d'après le compte rendu et d'après le discours de M. le ministre, qui dit que cette somme a été appliquée entièrement en dépenses pour la locomotion et l'entretien du matériel, j'aurais droit de l'attribuer, sans réserve, au service des locomotives, des voitures et des waggons. Comme je veux être exact cependant dans mes calculs, je dois prévenir la chambre que cette somme comprend une fraction qui n'est pas applicable à ce service ; il y a quelques dépenses qui s'appliquent à d'autres services ; mais d'un autre côté, je n'ai pas tenu compte dans le relevé que je viens de donner de la différence en moins de 65,863 francs que présentaient les approvisionnements du magasin central au 1er janvier 1852, comparativement aux quantités en magasin au 1er janvier 1851. (Voyez compte rendu, p. 11.) Une grande partie de cette somme doit être appliquée au service de la locomotion pendant l'exercice de 1851. J'ai négligé les 65,863 francs, et j'ai porté la somme entière de 2,052,000 francs. Il y a là une compensation qui, si elle n'est pas tout à fait exacte, se rapproche beaucoup cependant de la vérité.

J'ai donc d'abord 4,014,066 francs. Ne dois-je pas, messieurs, tenir compte de la part proportionnelle à porter par le service de la locomotion dans les dépenses d'administration générale ? Ne dois-je pas tenir compte de ce que coûte le magasin central ? Dois-je mettre la part proportionnelle à porter par le service de la locomotion dans les dépenses de la régie ? Non, n'est-ce pas ? Toutes ces sommes réunies s'élèvent à une dépense considérable : la direction de la traction au département coûe en traitement seulement fr. 35,700 ; la conservation des approvisionnements exige une somme de 58,550 fr.

Il est encore d'autres dépenses dont je dois tenir compte. N'est-ce rien que l'entretien des bâtiments, les intérêts des capitaux engagés dans les terrains, les bâtiments, dans les engins, dans l'outillage ? Ce sonl là des choses dont tout industriel tient compte quand il s'agit d'établir son prix de revient. Je prends 200,000 fr. pour ces diverses dépenses. Est-ce trop ?

M. Osy. - Non, ce n'est pas assez.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je ne veux pas exagérer. Je prends donc 200,000 fr.

Cela me donne comme coût total de la locomotion, c'est-à-dire traction des convois, entretien des locomotions, entretien, surveillance des voitures, graissage enfin de la locomotion toute entière 4,214,000 fr.

Voyons maintenant quel a été le travail effectué. D'après le compte rendu page 11 (je prends toujours les chiffres officiels), les convois ont parcouru en 1851 3.790,645 kilomètres. Le prix de la locomotion, c'est-à-dire du service des locomotions et des voitures a donné pour chaque convoi par kilomètre parcouru fr. 1 11.

Mais on doit tenir compte aussi de l'intérêt du capital dépensé pour l'achat des locomotives, des voitures, du matériel roulant en fer en général.

Après déduction de l'outillage, il a été dépensé pour le matériel des transports 23 millions 500 mille francs, ce qui à raison de 5 p. c. donne un chiffre annuel de fr. 1,175,007. Ne dois-je pas tenir compte aussi des 114,400 francs, payés pour redevances aux compagnies ? Si j'en tiens compte, je trouve que la locomotion nous a coûté pour chaque convoi, par kilomètre parcouru 1 fr. 45 c.

Je devrais encore tenir compte de l'usure du matériel. Au chemin de fer de Cologne à Minden cette usure est comptée à raison de 10 p. c. du capital. Je ne compterai que 7 et demi p. c, car je le repète, je ne veux rien exagérer. A ce taux le convoi-kilomètre ne coûterait pas moins de fr. 1 91.

Est-il possible, messieurs, que de pareils faits se produisent dans un pays où le coke est à bon marché, où nous payons ce combustible fr. 15 82 et fr. 17 27 par tonne, tandis qu'on veut nous opposer des lignes où le prix est de 45 à 50 fr. ? Le premier traité conclu entre M. Duddicom et les compagnies de Rouen et du Havre a été conclu à une époque où le coke ne coûtait pas moins de 50 fr. à Rouen.

Est-il possible que de pareils faits se produisent dans un pays où le fer, l'acier, tous les matériaux employés sont à bas prix, où la main-d'œuvre est à bon marché, où des machinistes sont payés à raison de 3 fr. et 2 fr. 60 c. ? De pareils faits devraient-ils se produire sur une ligne, dont le profit est des plus favorables ? Non, messieurs, cela ne devrait pas être et cependant cela est. A quelle cause attribuer de pareils résultats ?

Il n'y a qu'une seule chose qui puisse les expliquer : c'est une organisation défectueuse, c'est un manque de responsabilité, le défaut d'un chef.

Si le service de la locomotion était bien géré, le service de l'entretien du renouvellement de la visite et du graissage des voitures et des waggons ne devrait coûter, abstraction faite des intérêts des capitaux et de l'usure, que de 600,000 à 700,000 francs.

Au chemin de fer badois ce service ne coûte que 4 cent.15 par voiture transportée à une lieue, et la charge des voitures n'est pas moins grande que chez nous. A ce taux le service des voitures n'aurait dû coûter en 1851 que près de 440,000 fr.

Il n'y a pas de chemin de fer dont le matériel roulant soit mieux entretenu que celui de Cologne à Minden. Si nos dépenses eussent été proportionnelles à celles qu'à faites cette compagnie pour le service de ses voitures, elles ne se fussent pas élevées à plus de 600,000 fr.

Quelles ont été les dépenses de ce service en Belgique ?

Je ne puis pas m'appuyer ici sur des chiffres exacts.

La dépense se trouve confondue dans les 4,214,000 fr. qu'a coûtés notre locomotion. Disons qu'elle s'est élevée à 1 million de francs. C'est 540,000 fr. de plus qu'on n'aurait dépensé pour le même nombre de kilomètres parcourus au chemin de fer badois ; c'est 400,000 fr. de plus qu'au chemin de fer de Minden. Déduisant 1 million pour le service des voitures, la traction proprement dite aurait coûté par convoi, par kilomètre, 85 centimes.

Je n'hésite pas à dire, car je suis fondé à le dire, que la traction ne devrait coûter que 50 centimes.

Elle a dû coûter plus cher ailleurs ; je ne dénie pas la véracité des exemples cités par M. le ministre ; mais je dis qu'à conditions égales elle n'a coûté nulle part aussi cher que sur le chemin de fer belge. Cherchez un pays où tous les les éléments du coût soient à si bon marché et dites-moi, si vous trouvez un pareil pays, si la traction y a coûté ce qu'elle coûte chez nous. En Hanovre on dépense 79 c. Le combustible, les matériaux y sont plus chers qu'ici ; au chemin de fer de Cologne à Minden on a payé 58 c. et demi. Les matériaux coûtent plus cher qu'en Belgique. Au Great-Northern le coût est de 62 cent. Le coke et la main-d'oeuvre exigent une plus grande dépense.

Au London et Norih Western, division du nord, on paye 48 centimes, les salaires y sont plus élevés.

J'ai dit qu'en Belgique la traction par convoi et par kilomètre ne devrait pas coûter plus de 50 centimes.

On a parlé de confier le service de la traction à un entrepreneur qui se chargerait, moyennant un prix fixé à forfait, de l'entretien et de la réparation des locomotives et de la traction des convois.

Je tiens à la main une lettre d'un des premiers ingénieurs d'Angleterre, d'un homme qui dirige la locomotion d'un grand chemin de fer ; (page 595) la lettre est du 7 février. Je suis prêt, me dit-il, à offrir au gouvernement belge de me charger de la traction des convois à raison de 8 den. par mille, ou 50 centimes par convoi et par kilomètre, à me charger de leur entretien. Vos locomotives seront mises dans le meilleur état possible ! Toute garantie sera donnée par des capitalistes du premier ordre, et je puis donner l'assurance que vos machines seront mises dans la condition de pouvoir marcher avec plus de rapidité et de traîner des poids plus lourds. Je m'engagerais à ne faire des changements dans les employés que de commun accord avec le gouvernement, et je lui laisserais fixer d'une manière absolue les heures des convois et la rapidité de leur marche.

Quoique la lettre soit confidentielle, je la dépose sur le bureau ; les membres pourront en prendre connaissance et voir la signature.

Je ne recherche pas en ce moment la convenance d'un pareil arrangement.

Le succès d'une opération de ce genre ne dépend pas seulement de l'habileté et du caractère personnels de l'entrepreneur. Elle dépend aussi de l'administration.

Si l'entrepreneur, disent MM. Petiet et Pelonceau, dans un ouvrage sur le service des machines, avait affaire à une administration peu équitable et dirigée par des vues étroites, cherchant à restreindre l'autorité qu'elle aurait donnée d'abord, il risquerait fort d'aboutir à une liquidation désastreuse.

J'aurais peur que, si la chambre se prononçait pour un pareil arrangement, l'entrepreneur ne rencontrât des difficultés sérieuses.

Je borne là, pour aujourd'hui, mes réponses à M. le ministre.

- La séance est levée.