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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 21 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 691) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; ta rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Le sieur Claude-Marie-Edouard Butch, facteur des postes à Florenville, né à Diekirch (Luxembourg), demande la naturalisation, avec exemption de droits d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les tanneurs et corroyeurs du canton de Walcourt demandent que les peaux brutes et fraîches de vaches, de bœufs, de chevaux, etc., soient frappées à la sortie du pays du droit auquel cet article est soumis à la sortie en France. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Des électeurs de Houlvenne demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton, et que le cens électoral soit établi de telle sorte que, relativement à la population, il y ait autant d'électeurs dans les campagnes que dans les villes. »

« Même demande des électeurs de Ramset. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Wesemael demandent que les élections aus chambres puissent se faire au chef-lieu du cantou, et que le cens électoral différentiel soit établi. »

« Même demande des habitants d'Hever. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Boucle-St-Blaise demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

- Même renvoi.


« Des électeurs de Westmalle demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes. »

- Même renvoi.


« Les habitants de Poperinghe demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »

« Même demande des électeurs à Tavigny, Keerbergen. »

- Même renvoi.

M. Jacques. - Depuis le commencement de la session, il nous est arrivé un grand nombre de pétitions ayant pour but de demander des modifications à la loi électorale. La chambre, dans une précédente séance, a décidé que le rapport sur les pétitions de cette nature serait ajourné, afin de comprendre dans un seul rapport toutes les pétitions qui arriveraient à la chambre sur cet objet jusqu'à une époque déterminée.

Je crois qu'il est temps de faire un premier rapport. Les trois premières commissions des pétitions, celles d'octobre, de novembre et de janvier, (il n'a pas été institué de commission pendant le mois de décembre) m'ont chargé de faire rapport à la chambre sur les pétitions de cette nature qui leur ont été renvoyées. Ces pétitions sont au nombre de 153. Je demanderai la permission de présenter à la chambre ce rapport mardi 1er mars.

M. le président. - Vous ne faites pas de proposition relative aux nouvelles pétitions ?

M. Jacques. - Elles seront renvoyées à la nouvelle commission dont je ne suis plus membre. C'est un motif de plus pour qu'il soit fait un premier rapport.

M. Rogier. - Je crois que le rapport de l'honorable M. Jacques devrait comprendre aussi les pétitions nouvelles.

M. le président. - Cela concerne la commission des pétitions et non la chambre.

M. Rogier. - M. le rapporteur a exprimé tout à l'heure une opinion.

M. le président. - Il n'y a pas de résolution à prendre sur l'opinion de M. le rapporteur. Cela dépend de la commission des pétitions qui fera son rapport comme elle l'entend. M. Jacques ne fait plus partie de la nouvelle commission des pétitions ; il a demandé à faire son rapport sur les pétitions renvoyées aux trois précédentes commissions.

M. Dumortier. - Je demande que toutes les pétitions sur le même objet soient renvoyées à la même commission. Il est inutile d'entendre une demi-douzaine de rapports sur le même objet.

M. Rogier. - Il importe à la chambre de savoir si elle délibérera sur une seule conclusion ou sur deux conclusions qui peuvent être différentes.

Si vous avez deux rapports différents sur des pétitions relatives au même objet, vous exposez la chambre à se trouver en présence de deux conclusions qui se contrarient.

M. Coomans. - Je dois faire remarquer que le résultat que redoute l'honorable M. Rogier est inévitable. Car, en supposant même que nous renvoyions les pétitions arrivées jusqu'aujourd'hui à la commission dont l'honorable M. Jacques est rapporteur, lorsque cette commission, par l'organe de l'honorable M. Jacques, aura fait son rapport, il est probable qu'il arrivera d'autres pétitions encore, lesquelles seront rapportées à la chambre par un autre rapporteur, qui pourra avoir à présenter des conclusions différentes de celles de l'honorable M. Jacques, je ne vois donc pas moyen d'éviter l'inconvénient que signale l'honorable député d'Anvers.

M. Rogier. - Il y aura nécessairement une discussion sur les conclusions du rapport de l'honorable M. Jacques et cette discussion amènera sans doute un résultat qui exercera de l'influence sur les rapports subséquent.

M. le président. - M. Jacques a fait partie de trois commissions des pétitions, qui toutes l'ont nommé rapporteur. Il demande à faire un rapport sur les pétitions arrivées à ces trois commissions et vous annonce qu'il sera prêt à le déposer demain.

M. Allard. - L'honorable M. Jacques a fait partie de la commission des pétitions pendant trois mois ; il est arrivé, pendant ces trois mois, des pétitions qui ont été renvoyées, par conséquent, à trois commissions différentes ; quelle est celle de ces commissions à laquelle le rapport sera soumis ? Est-ce celle de novembre, celle de décembre ou celle de janvier ? Car, enfin, il faudra convoquer l'une de ces trois commissions pour entendre la lecture du rapport de M. Jacques.

J'ai fait partie de la commission des pétitions pendant deux mois ; j'avais l'honneur d'être président ; il nous est arrivé de ces pétitions ; nous avons chargé l'honorable M. Jacques de les examiner ; est-ce une de ces deux commissions qui fera le rapport ?

M. Jacques. - Je ferai remarquer à l'honorable M. Allard qu'il a peut-être perdu le souvenir de ce qui s'est passé à l'une des dernières réunions de la commission de novembre, réunion dans laquelle cette commission m'a autorisé à laisser à la commission suivante les pétitions qu'elle m'avait remises concernant la loi électorale et à en soumettre le rapport à la commission de janvier. Je proposerai donc au président de cette commission de la convoquer, pour prendre connaissance de la rédaction du rapport : de cette manière, il n'y aura qu'un seul rapport, présenté au nom de la commission de janvier.

M. Allard. - Je ne me rappelle nullement qu'une des deux commissions des pétitions dont j'avais l'honneur d'être président ait chargé la commission du mois de janvier de faire rapport sur les pétitions dont il s'agit. Je me rappelle fort bien que des pétitions nous sont parvenues et que nous avons chargé M. Jacques de les examiner ; mais la chambre a pris, quelque temps après, une détermination en vertu de laquelle un seul rapport doit être fait sur toutes ces pétitions. Il s'agit de décider par quelle commission le rapport sera fait.

M. Dumon. - Messieurs, pour faire cesser cette espèce de doute, je propose que la commission de janvier fera rapport sur toutes les pétitions.

M. Rousselle. - Messieurs, il me semble que la proposition que vient de présenter l'honorable membre est inacceptable. Il y a une commission des pétitions pour chaque mois ; je crois qu'il convient d'avoir auisi un rapport pour chaque mois. Puisque les commissions des pétitions peuvent être composées diversement, chaque commission me semble devoir être appelée à présenter un rapport sur les pétitions qui sont arrivées pendant qu'elle était en fonctions.

Je demande donc que toutes les pétitions arrivées pendant le mois de novembre soient rapportées par la commission de novembre et ainsi successivement, mois par mois. Il est possible que par suite de la composition des commissions le même rapporteur soit chargé de faire le rapport pour plusieurs mois, mais c'est là l'affaire des commissions elles-mêmes qui doivent choisir leur rapporteur.

M. Jacques. - Messieurs, nous avons agi d'après tous les antécédents des commissions des pétitions ; il n'est presque jamais arrivé que la commission d'un mois ait fait rapport sur toutes les pétitions arrivées à la chambre pendant ce mois-là ; au contraire, toutes les commissions, au moment où elles se séparent, laissent toujours des pétitions sur lesquelles elles n'ont pas fait présenter de rapport, pétitions qui sont remises aux commissions subséquentes. C'est ainsi qu'il m'est arrivé, à ma rentrée à la chambre en 1848, d'avoir, comme rapporteur d'une commission des pétitions, à faire rapport sur des pétitions qui reposaient dans les cations depuis plus de deux ans.

Il n'y a donc pas le moindre inconvénient à faire ce qui a été convenu dans le sein de la commission des pétiiions.

M. Dumortier. - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Rousselle est inacceptable. Comment veut-on qu'on vienne présenter divers rapports sur un seul et même objet ? Je rappellerai, que la chambre a déjà décidé qu'il y aurait un seul et même rapport ; ainsi, la proposition, de l'honorable M. Ch. Rousselle vient en opposition formelle avec une décision prise par l'assemblée tout entière.

Maintenant, il y a un fait qui doit satisfaire tout le monde, c’est que l'honorable M. Jacques a été nommé rapporteur par les commissions de novembre, de décembre et de janvier, et qu'il fera un rapport sur toutes les pétitions arrivées à la chambre pendant ces trois mois. Toutefois, comme le rapport ne doit être présenté que le 1er mars, je demanderai qu'on fasse en même temps le rapport sur les pétitions arrivées depuis (page 692) le 1er février, pour qu'il n'y ait pas divers rapports sur le même objet.

M. Verhaegen. - Messieurs, puisqu'on attache de l'importance à la question, il faut procéder régulièrement.

Si l'on prétend qu'un seul et même rapport doit être fait et qu'il y aurait de l'inconvenance à faire examiner les pétitions par les commissions successives qui ont été nommées, en se reportant aux époques auxquelles ces pétiiions sont arrivées, eh bien, alors il faut les faire examiner par la commission des pétitions du mois de novembre, c'est-à-dire par la première qui en a été saisie, parce que celle-là, aux termes de la disposition prise par la chambre, doit rester saisie de toutes les autres pétitions qui sont arrivées depuis.

Je ne sais ce qui s'est fait à la commission des pétitions de novembre.

D'après les usages, on remet, à fin d'examen, un certain nombre de pétitions à l'un ou à l'autre membre de la commission.

Un rapporteur a-t-il été nommé pour faire un rapport sur ces pétitions ? C'est ce que je désirerais savoir de la part des membres qui composaient à cette époque la commission des pétitions ; car autre chose est de faire un examen préparatoire, et de venir ensuite énoncer son opinion au soin de la commission des pétitions. Lorsque la commission prend une décision d'après une majorité qui s'est produite, un rapporteur est nommé pour faire un rapport dans le sens de l'opinion de la majorité.

Je ne sais pas si la commission des pétitions s'est occupée régulièrement de cet objet : s'il a été pris une décision ; si une majorité s'est produite ; si cette majorité a nommé un rapporteur. C'est donc une question à examiner.

Dans tous les cas, je fais la proposition formelle que toutes les pétitions soient examinées par la commission des pétitions du mois de novembre.

M. de Theux. - Messieurs, je suis étonné de la discussion qui s'élève à propos d'un objet aussi simple que celui dont il s'agit ; je comprendrais qu'on y attachât de l'importance, si la commission avait à prendre une résolution. Mais que fait-elle ? Elle propose des conclusions ; c'est la chambre qui décide quelque marche que vous suiviez ; on a envie d'empêcher M. Jacques de faire un rapport, on n'y parviendra pas ; il est nommé rapporteur par la commission de janvier, personne ne peut l'empêcher de faire un rapport ; sur ce rapport la discussion s'ouvrira ; qu'on fasse cinq ou six rapports, peu importe, la discussion s'ouvrira sur le rapport de la commission de janvier. Puisqu’en définitive c'est vous qui décidez, peu importe, qu'il y ait quatre rapports ou un seul, ce n'est là qu'une question de mots.

M. Osy. - Je suis vraiment étonné de la proposition de M. Verhaegen. Quand des pétitions sont venues dans la session actuelle demandant la réforme électorale, on a décidé qu'on ne s'en occuperait pas pour le moment, qu'on attendrait qu'il y eut plus de pétitions et qu'on s'en occuperait ensuite.

C'est au mois de janvier qu'on a décidé qu'on s'en occuperait. Vous ne pouvez pas renvoyer à la commission du mois de novembre des pétitions arrivées en janvier.

La proposition de M. Jacques doit êire maintenue, nous devons entendre son rapport. Je trouve très irrégulière la proposition de M. Verhaegen ; je maintiens que toutes les pétitions arrivées jusqu'à présent doivent être renvoyées à la commission de janvier et que nous devons entendre le rapport de M. Jacques.

M. Rousselle. - Je ne saurais admettre la proposition de l'honorable baron Osy. La chambre a décidé qu'on attendrait, pour faire rapport, qu'il y eût un plus grand nombre de pétitions demandant une réforme électorale, mais elle n'a pas décidé par quelle commission les pétitions seront rapportées ; pas plus la commission de novembre que celle de décembre ou de janvier ; eu un mot, elle n'a pas désigné la commission qui serait chargée de faire le rapport ; elle n'a pas témoigné qu'elle voulût avoir un prompt rapport, au contraire.

Je ne vois pas pourquoi on se montre si pressé, et je suis d'avis que, dans la situation des choses, c'esi la chambre qui doit décider par quelle commission les pétitions doivent être rapportées, et qu'aucune commission ne peut se donner la mission de faire rapport sur des pétitions de cette importance.

Je maintiens donc ma proposition, ou plutôt comme elle ne paraît pas avoir grande chance d'être adoptée, je fais la proposition subsidiaire que la chambre ne décide pas aujourd'hui par quelle commission le rapport sur ces pétitions sera fait, se réservant de statuer ultérieurement.

M. Verhaegen. - Je trouve extraordinaire qu'on insiste pour faire faire un rapport au nom d’une seule commission des pétitions : les propositions de MM. Osy, de Theux, Dumon tendent en effet à faire faire le rapport de toutes les pétitions au nom de la commission des pétitions du mois de jauvier.

Nous sommes au mois de février, et les premières pétitions ont été renvoyées à la commission des pétitions du mois de novembre.

Voilà bien les faits ; ils sont incontestables, il est un autre fait que je crois exact, c'est qu'on aurait décidé qu'on attendrait encore pour faire rapport sur les pétitions déjà arrivées, jusqu'à ce que d'autres pétitions fussent arrivées encore. On a donc décidé de laisser les choses en suspens.

Mais je n'admets pas (et ici je crois que l'honorable M. Osy est dans l'erreur) que par une autre décision récente on aurait arrêté que l'on ferait de suite un rapport sur ces pétitions et que ce rapport serait fait au nom de la commission des pétitions actuelle. Là nous ne sommes plus d'accord. Nous sommes d'accord sur le premier fait ; nous ne le sommes pas sur le second.

Si le rapport doit être fait, si l'on ne veut pas tenir à ce qui semble avoir été arrêté il y a quelque temps, ce qu'il y aurait de mieux à faire, serait de faire rapport au nom de la première commission à laquelle les pétitions ont été renvoyées. Pourquoi se jeter dans l'incertitude sur le point de savoir si le rapport sera fait par telle ou telle commission, par tel ou tel rapporteur qui se prononcera plutôt dans le sens de l'affirmative que dans le sens de la négative ? Il faut tenir comme sérieuse la commission à laquelle les premières pétitions ont été renvoyées et les lui renvoyer toutes.

M. Dumortier. - Je ne conçois en vérité pas l'intérêt qu'on porte en quelque sorte à vouloir destituer l'honorable M. Jacques ds ses fonctions de rapporteur de la commission des pétitions.

M. Verhaegen. - Il ne s'agit pas de cela.

M. Dumortier. - Il ne s'agit que de cela.

Permettez-moi de vous exposer les faits.

L'honorable M. Verhaegen demande que l'on renvoie toutes les pétitions à la commission des pétitions du mois de novembre.

M. Verhaegen. - Je demande qu'on les lui laisse.

M. Dumortier. - Oui, qu'on les lui renvoie.

Dans le courant de novembre, à ce que je viens d'apprendre, il y a eu deux pétitions sur la matière. Dans le courant du mois de décembre, il en est arrivé un peu plus. Presque toutes sont arrivées en janvier. De manière que le système de l'honorable M. Verhaegen serait de renvoyer 150 pétitions à une commission qui n'a eu à en examiner que deux.

Maintenant autre chose : l'honorable M. Jacques a été nommé rapporteur, pour ces pétitions, par la commission de novembre, par la commission de décembre, par la commission de janvier ; de manière qu'il a été nommé rapporteur par les trois commissions. Le fait est complètement exact.

M. Verhaegen. - Donc on ne veut pas le destituer. Il s'agit de savoir au nom de quelle commission sera fait le rapport.

M. Dumortier. - Les trois commissions l'ont nommé rapporteur. Et qu'est-ce que cela fait qu'on me présenta tel ou tel rapport sur ces pétitions ? Je ne m'en inquiète pas. C'est la chambre qui décide. La commission des pétitions n'a rien à dire dans son rapport ; ce rapport ne modifiera l'opinion de personne. De manière que ce débat semble n'avoir qu'un seul but : destituer M. Jacques de ses fonctions de rapporteur.

Mais ce n'est pas tout : avons-nous ce droit ? Evidemment non. Lorsqu'un membre a été chargé d'un rapport, vous n'avez plus le droit de le lui enlever. Vous exigez d'un membre un rapport, par exemple, sur un budget, et lorsqu'il se présente pour le faire, il dépendrait de tel ou tel membre de lui dire : Votre figure me déplaît. Un autre fera le rapport ! De pareilles choses ne sont pas admissibles.

Je ne conçois pas l'importance qu'on attache à cette question, d'autant plus que le rapport doit se borner a une simple analyse des pétitions, et que les conclusions ne changeront rien à l'opinion de la chambre. C'est la discussion de la chambre qui précisera la question, et il importe assez peu comment le rapport est fait. Je dis donc que nous ne pouvons pas destituer l'honorable M. Jacques des fonctions dont il est investi, et, comme la chambre a statué en janvier que toutes les pétitions feraient l'objet d'un même rapport, il est juste que ce soit la commission de janvier qui examine cet objet.

Messieurs, en janvier la commission de novembre avait cessé d'exister ; elle n'avait plus de pouvoirs. Vous voulez donc renvoyer des pétitions à une commission qui a cessé d'exister ! C'est une chose qui n'est pas exécutable ; d'autant plus que d'après tous les usages de la chambre, depuis vingt-deux ans, les pétitions sur lesquelles il n'a pas été fait rapport, sont toujours remises à la commission des pétitions du mois suivant. C'est un usage dans lequel la chambre n'a jamais varié. Eh bien, la commission du mois de novembre n'a pas fait rapport ; elle a remis les pétitions dont elle était saisie à la commission du mois suivant, celle de décembre ; celle de décembre en a fait de même ; c'est donc à celle de janvier à nous faire rapport.

Je dis que la proposition que nous fait l'honorable M. Verhaegen est contraire à tous les précédents de l'assemblée.

M. A. Vandenpeereboom. - Lorsque les premières pétitions relatives à la réforme électorale ont été déposées sur le bureau, il a été décidé qu'il ne serait pas fait immédiatement rapport sur ces requêtes. Je demande qu'on maintienne cette décision, car les motifs qui l'ont dictée existent encore.

En effet, messieurs, d'après ce que nous a dit l'honorable M. Jacques, il nous est arrivé jusqu'ici 150 pétitions ; ce n'est pas beaucoup, quand on considère qu'il y a 2,500 communes environ en Belgique ; il est donc probable qu'il nous arrivera encore un certain nombre de requêtes. Or, pour avoir un rapport d'ensemble qui puisse embrasser toute la question, il me semble qu'on doit ajourner la présentation du rapport. Je propose donc de charger la commission des pétitions qui a été nommée avant-hier, ou celle qui sera nommée en mars prochain de faire un rapport sur toutes les requêtes qui nous sont arrivées ou qui nous arriveront encore jusqu'à cette époque.

(page 693) De cette manière nous restons dans les termes du règlement, nous on finissons avec la difficulté actuelle, et js suis persuadé que l'honorab'e M. Jacques ne se considérera pas comme destitué par l'adoption de cette proposition ; il comprendra qu'elle n'a d'autre but que celui de permettre à la chambre d'examiner très sérieusement et dans son ensemble la grave question soulevée par les pétitionnaires.

M. Allard. - On a parlé de la destitution de l'honorable M. Jacques. En prenant la parole la première fois, je n'ai nullement eu l'intention de destituer l'honorable membre. J'ai seulement demandé quelle commission des pétitions serait chargée de faire le rapport.

On nous a dit : L'honorable M. Jacques a été nommé rapporteur. Voici ce qui s'est passé.

La commission des pétitions a remis le dossier à l'honorable M. Jacques en lui demandant de l'examiner. Il est certain que l'honorable M. Jacques devait faire connaître ses conclusions à la commission des pétitions, et je le déclare, elle n'a pas été appelée à se prononcer sur ces conclusions ; la commission n'a donc pu autoriser l'honorable M. Jacques à les présenter à la chambre.

Que l'on décide que ce sera la commission de novembre, ou celle de décembre, ou celle de janvier qui fera le rapport, peu m'importe ; mais je tiens à ce qu'on ne dénature pas les faits qui se sont passés.

M. Orban. - Si la chambre persiste à maintenir la difficulté qui vient d'être soulevée, j'aurai à faire une proposition qui ne peut rencontrer aucune objection.

L'honorable M. Jacques nous a annoncé qu'il devait faire prochainement un rapport sur les pétitions relatives à la réforme électorale ; eh bien, personne ne peut l'empêcher de faire ce rapport au nom de la commission de janvier.

Les droits de la commission des pétitions sont tracés par le règlement ; il n'appartient pas à la chambre d'y déroger. La commission des pétitions est régulièrement saisie de toutes les pétitions qui nous sont arrivées dans le courant du mois. Cette commission a nommé son rapporteur ; vous n'avez pas le droit d'intervenir dans les travaux mais seulement à prononcer sur ses propositions.

Il ne pourrait y avoir de difficulté, que si un rapport unique devait être fait pour les pétitions des trois mois précédents. Je conçois alors que nonobstant que les trois commissions aient nommé le même rapporteur, le rapport fait au nom de la commission de janvier pourrait n'être pas approuvé par les commissions des mois précédents. Si donc on persiste à s'opposer à ce que la commission de janvier fasse rapport sur toutes les pétitions, j'engage l'honorable M. Jacques à ne présenter son rapport que sur les pétitions arrivées en janvier. C'est un droit que personne ne peut lui contester.

M. de Steenhault. - J'ai eu l'honneur de faire partie de la commission des pétitions du mois de janvier, et pour rétablir les faits tels qu'ils se sont passés, je dois dire qu'à ma connaissance, il n'est pas entré dans les intentions de cette commission de nommer l'honorable M. Jacques rapporteur et de lui donner la mission de faire un rapport. Les pétitions ont été remises à l’honorable M. Jacques, mais nous avons cru que le rapport ne serait fait qu’ultérieurement, la chambre ayant manifesté le désir que le rapport ne fût fait que lorsqu'un plus grand nombre de pétitions nous seraient arrivées.

C'est au moins ainsi que j'ai compris la volonté de la commission, et je pense que telle a été aussi l'intention de mes collègues.

M. de Mérode. - Les autres membres de la commission s'expliqueront sur ce que vient de dire l'honorable M. de Steenhault. Mais il faut qu'un rapport sur ces pétitions nous soit fait dans le courant de cette session, et nous sommes arrivés à une époque assez avancée pour qu'il soit temps de s'occuper de ce rapport. Nous avons reçu 150 pétitions. On dit : 150 pétitions ce n'est rien. Je dis que c'est beaucoup, et on ne peut différer de prendre une décision quelconque. Que l'on accepte le rapport de l'honorable M. Jacques ou un autre, il nous en faut un prochainement, et il n'y a pas de motif pour ne pas accepter celui que l'honorable membre a préparé. Il me semble qu'on soulève ici une difficulté qui tend plutôt vers la chicane que vers une solution sérieuse.

M. Coomans. - Tout ce débat repose sur une pointe d'aiguille ; nous avons mieux à faire. Nous discutons la question de savoir si l'honorable M. Jacques endossera la livrée de la première, de la seconde ou de la troisième commission des pétitions, qui toutes les trois, c'est un point incontestable, l’ont nommé rapporteur. Messieurs, cela importe peu. S'il est entré dans l'intention de quelques honorables préopinants d'empêcher que le rapport ne soit fait par l'honorable M. Jacques, ce but ne peut être atteint sans frapper un coup de parti, puisque l'honorable M. Jacques a été nommé trois fois rapporteur.

Mais ce qu'il a de plus grave, c'est la motion que l'honorable M. de Steenhault vient de faire, d'ajourner indéfiniment le rapport. Messieurs, on a souvent invoqué le respect dû au droit de pétition ; ce respect a été invoqué dans des circonstances où il s'agissait d'une seule pétition ; or on nous signale déjà 153 pétitions pour la réforme électorale, sans compter celles dont nous avons entendu aujourd'hui l'analyse.

Je crois que ce respect que nous devons au droit de pétition nous conseille, nous ordonne de ne pas ajourner davantage le rapport. Le renvoi aux sections de mars équivaut au renvoi à Pâques ou à la Trinité, résolution qui serait injurieuse pour les pétitionnaires, pour les trois commissions dont M. Jacques est rapporteur, et elle trahirait, de la part d'une partie de cette chambre, une bien grande peur de discuter la réforme électorale demandée.

M. Vander Donckt. - J'ai eu l'honneur de présider la commission des pétitions de janvier. Le dossier des pétitions qui concernent les modifications demandées à la loi électorale est resté déposé sur le bureau jusqu'à notre dernière réunioa. C'est dans cette dernière réunion que M. Jacques nous a dit qu'il avait été nommé rapporteur par les deux commissions des mois précédents et que nous lui avons remis tout le dossier qui contenait une infinité de pétitions en le chargeant également d'en faire l'objet d'un rapport. Je tiens à justifier, sous ce rapport, l'honorable M. Jacques.

Comme nous avions déjà au-delà de 150 pétitions, nous avons cru qu'on ne pouvait différer indéfiniment de faire justice aux pétitionnaires ; il pourrait arriver qu'il y eût des élections.

Eh bien, messieurs, ces pétitions demandent un changement à la loi électorale ; que cette demande soit fondée ou non, je n'examine pas cette question, mais il faut que la chambre prenne une décision quelconque sur les requêtes qui lui sont adressées. Que deviendrait donc le droit du pétitionnement si on remettait indéfiniment d'y faire droit ? Ce serait un véritable déni de justice.

M. Orban. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour rectifier un fait avancé par l'honorable M. de Steenhault, à savoir que M. Jacques n'aurait pas été chargé de faire le rapport. Vraisemblablement l'honorable membre n'était pas présent à la séance dans laquelle nous nous sommes occupés de cet objet, mais je puis affirmer de la manière la plus positive que dans notre dernière réunion non seulement M. Jacques a été chargé de faire le rapport, mais que la commission s'est occupée, point par point, des différentes questions soulevées par les pétitions et qu'elle a décidé dans quel sens le rapport serait fait sur chacune de ces questions ; elle s'est réservé seulement de prendre ultérieurement connaissance des termes dans lesquels le rapport sera conçu.

M. Rogier. - Messieurs, j'avais demandé une chose très simple et je ne m'attendais pas à provoquer une discussion. M. Jacques a annoncé qu'il ferait son rapport le 1er mars ; j'ai demandé que toutes les pétitions qui nous arriveraient d'ici au 1er mars fussent renvoyées à la commission pour être comprises dans ce rapport. Voilà à quoi se bornait ma proposition.

J'insiste pour que, quel que soit le rapporteur, les pétitions qui nous arriveront d'ici au 1er mars, soient comprises dans le rapport.

M. Verhaegen. - Je crois, messieurs, qu'il serait facile de tout concilier si on voulait y mettre un peu de bonne volonté. Il se présente ici, il faut l'avouer, une chose assez extraordinaire : plusieurs commissions se sont occupées de pétitions ayant pour objet de demander une réforme électorale ; ces commissions, qui ont été successivement saisies de ces pétitions, auraient nommé un rapporteur, M. Jacques si l'on veut, car il ne s'agit pas du tout de destituer M. Jacques ; mais toujours est-il que le rapporteur sera obligé de lire son rapport aux commissions respectives qui l'ont nommé ; car elles ne lui ont, certes, pas donné un pouvoir absolu, celui de faire tout ce qu'il voudrait.

Vous comprenez, messieurs, qu'il est important d'avoir une décision de la commission des pétitions, à moins, puisqu'on parle de destitution, qu'on ne veuille destituer la commission des pétitions. Eh bien, à qui M. Jacques soumettra-t-il son rapport ? Soumettra-t-il un rapport à la commission de novembre, un rapport à la commission de décembre et un rapport à la commission de janvier ?

Voulez-vous, messieurs, ne pas faire une espèce de course au clocher pour ces pétitions, ou jouer un jeu de hasard ; voulez-vous faire quelque chose de juste, de sérieux ! Faites nommer par les sections une commission spéciale, à l'effet d'examiner toutes les pétitions relatives à la réforme électorale, objet important. Tout le monde sera informé de la convocation des sections, et vous aurez une commission investie d'un mandat spécial...

- Un membre. - Et le règlement !

M. Verhaegen. - Le règlement ne s'y oppose pas.

Ce que je demande, msssieurs, est un acte de justice, et un acte de bonne administration ; si on ne le veut pas, c'est qu'on veut se jeter dans les hasards, et c'est alors que ce serait une question de parti.

M. le président. - Voici les différentes propositions :

M. Dumon propose de renvoyer les pétitions à la commission du mois de janvier.

M. Verhaegen propose de les renvoyer à une commission spéciale, à nommer par les sections.

M. Rousselle propose de charger chacune des trois commissions de faire le rapport sur les pétitions arrivées pendant qu'elle était en fonctions.

M. Rousselle. - Je me rallie à la proposition de M. Vandenpeereboom.

M. le président. - M. Vandenpeereboom propose de renvoyer toutes les pétitions à la commission du mois de février ou à celle du mois de mars. (Interruption.)

M. Rogier propose que le rapport soit fait le 1er mars et que toutes pétitions qui arriveront d'ici là soient renvoyées à la commission pour être comprises dans le rapport.

M. Rogier. - Je n'ai pas demandé que le rapport fût fait le 1er mars, c'est M. Jacques qui a annoncé qu'il en serait ainsi. Je m’étais borné à demander que toules les pétitions qui arriveraient a la chambre avant le 1er mars, seraient comprises dans son rapport.

Maintenant M. Vandenpeereboom propose de renvoyer toutes les (page 694) pétitions, y compris celles qui pourront encore arriver, à la commission des pétitions qui sera nommée pour le mois de mars…

M. Verhaegen. - C'est la même chose que ma proposition : j'avais demandé une commission spéciale, M. Vandenpeercboorn propose le renvoi à la commission des pétitions qui sera nommée pour le mois de mars ; je me rallie à cette proposition.

M. le président. - Il n'y a donc plus que deux propositions, celle de M. Dumon : le renvoi à la commission de janvier, et celle de M. A. Vandenpeereboom : le renvoi à la commission qui sera nommée pour le mois de mars.

- La proposition de M. Vandenpeereboom est mise aux voix et adoptée.

En conséquence, toutes les pétitions relatives à la loi électorale, qui sont parvenues à la chambre jusqu'à ce jour ou qui lui parviendront d'ici au 1er mars, sont renvoyées à la commission des pétitions du mois de mars.


« Le sieur Van Allemeersch, capitaine pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour être admis à participer à la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Lubbeek demandent la construction d'un chemin de fer direct de Diest à Louvain. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Maubrai présentent des observations contre l'établissement d'un chemin de fer de Tournai à Saint-Ghislain. »

« Mêmes observations de l'administration communale de Péronnes. »

- Même renvoi,


« Le sieur Vandevivere, ancien militaire pensionné, prie la chambre de lui accorder un secours. »

- Même renvoi.


« La chambre de commerce et des fabriques de Tournai prie la chambre de voter la construction d'un canal de Zwynaerde à Melle, ou du moins de décider que le gouvernement fera faire sans retard les études nécessaires pour présenter un projet de loi à ce sujet. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Plusieurs habitants à Ryckevorsel présentent des observations contre le chemin de fer projeté de Lierre à Turnhout, et prient la chambre de décider la construction du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job in t'Goor, et l'établissement d'un chemin de fer d'Anvers à Turnhout à travers la Campine. »

« Mêmes observations et même demande des bourgmestres et propriétaires de Westmalle, Oostmalle, Zoersel, Brecht, Saint-Léonard, Hoogstraeten, Beersse, Merxplas et Vlimmeren et des propriétaires de Beersse. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout.


« L'administration centrale de Boisschot demande que le chemin de fer projeté sur Turnhout parte de la station de Malines et passe par Heyst-op-den-Berg et Herenthals. »

« Même demande du conseil communal de Wickevorst. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Zoerleparwys déclare adhérer à la pétition des habitants du canton de Westerloo, tendant à faire modifier le tracé du chemin de fer projeté de Lierre à Turnhout. »

« Même adhésion du conseil communal de Catlerlé, des habitants de Gheel et des administrations communales du canton de Beeringen, qui demandent, en outre, que le concessionnaire du chemin de fer soit obligé de construire un embranchement vers le camp de Westerloo. »

- Même renvoi.


« Quelques distillateurs, dans le Brabant, présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur les distilleries qui réduit à 26 fr. le taux de la décharge. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« L'administration communale de Contich présente des observations en faveur du projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout. »

« Mêmes observations des conseils communaux d'Oolen, Herenthals, Grobbendonck, du bourgmestre de Vorsselaer, des habitants de Norderwyck. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs distillateurs dans le Brabant présentent des observations sur le projet de lui concernant les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« L'administration communale de Malines adresse à la chambre 110 exemplaires d'un croquis du tracé proposé par la ville de Malines pour le chemin de fer vers Turnhout. »

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Il a été déposé sur le bureau de la chambre un projet de loi. Les sections seront assemblées demain pour en prendre connaissance et en autoriser la lecture s'il y a lieu.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il est probable que la discussion du budget des travaux publics ne se prolongera plus longtemps ; je demanderai à la chambre (et je fais cette demande d'accord avec mes collègues) qu'elle veuille bien mettre à son ordre du jour, immédiatement après le budget des travaux publics le projet de loi relatif à la légation russe, celui qui est relatif à l'armement du Duc de Brabant, et celui qui concerne les primes pour construction de navires. Aucun de ces projets ne doit entraîner une très longue discussion ; d'un autre côté, il est à désirer qu'une décision intervienne promptement.

- La proposition de M. le ministre des affaires étrangères est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées, bâtiments civils, etc.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Article 42

M. le président. - La chambre est arrivée à l'article 42.

« Art. 42. Traitement des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées, frais de bureau et de déplacement.

« Charge ordinaire : fr. 504,200.

« Charge extraordinaire : fr. 47,000. »

La parole est à M. Osy.

M. Osy. - Messieurs, à l'occasion du crédit qu'on demande pour le personnel des ponts et chaussées, je dois attirer l'attention du gouvernement et de la chambre sur une observation que j'ai trouvée consignée dans le cahier de cette année de la cour des comptes.

Cette observation porte sur ceci : que dans des chemins de fer concédés, ou a fait faire aux dépens de l'Etat des travaux qui sont à la charge des compagnies. La cour des comptes a refusé de payer les mandats que le gouvernement lui avait adressés pour l'acquittement de cette dépense. Cependant, dans les commencements, comme l'affaire était de peu d'importance, la cour des comptes s'est rendue à la réclamation de M. le ministre des travaux publics qui promettait de régulariser cette affaire ; mais plus tard le gouvernement a continué de faire faire des travaux qui ne le concernent nullement et qui n'étaient nullement urgents ; aussi la cour des comptes s'est-elle refusée à liquider les nouveaux mandats que le gouvernement lui avait adressés.

Il paraît, d'après le cahier des observations de la cour des comptes, que ce sont les personnes attachées à ces chemins de fer qui ont fait faire ces travaux, à l'insu du ministre et des ingénieurs, Je dois convenir que cette révélation m'a singulièrement frappé. J'ignore s'il s'est agi de sommes considérables ou non ; je ne m'attache qu'au principe. Je trouve d'abord fort irrégulier que le gouvernement fasse faire des travaux dans les chemins de fer concédés. Si les compagnies sont en défaut de remplir leurs obligations, c'est au gouvernement à les mettre en demeure de les exécuter. Mais ce qui est plus irrégulier encore, c'est que ces travaux se fassent sans l'assentiment du ministre des travaux publics.

Il y a quelques années, l'honorable M. de Man nous a rendu le service de nous signaler que, lors de la construction du canal de la Campine, on avait construit, à l'insu du gouvernement, plusieurs pavillons pour un ingénieur ; il paraît que depuis, ces pavillons ont été vendus, et alors on a trouvé que le premier étage en appartenait au gouvernement, et le second à l'ingénieur. On n'a jamais vu pareille chose dans un gouvernement.

Je demande à M. le ministre des travaux publics comment il est possible que l'on fasse faire, au frais de l'Etat, des travaux qui ne lui incombent pas, sans que le gouvernement en sache rien ; j'espère que les fonctionnaires, qui ont commis une pareille irrégularité, seront réprimandés comme ils le méritent.

Je demande encore à M. le ministre des travaux publics s'il s'est fait rembourser, par les compagnies, des premières dépenses qui ont été liquidées par la cour des comptes. Ces dépenses doivetit être assez considérables, puisque la cour des comptes a fini par refuser de donner son visa aux mandats.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la question qui vient de vous être soumise par l'houorable M. Osy est d'une grande importance.

Cette question est grave par son côté financier, grave comme tout ce qui tend à léser la fortune publique.

Cette question est importante, messieurs ; ce débat est une preuve nouvelle des inconvénients que fait surgir l'intervention des ingénieurs dans des affaires qui sont du ressort de l'administration.

Permettez-moi de réclamer quelques instants de bienveillante attention.

Je suis obligé d'invoquer quelques dispositions légales et réglementaires pour rendre cette affaire compliquée, intelligible et saisissable pour tout le monde.

C'était en 1845, le gouvernement vint proposer à la législature de concéder à une compagnie la construction de deux sections de routes en fer : celle de Tournai à Jurbise et celle de Landen à Hasselt.

L'Etat devait se charger de leur exploitation avec l'intervention de son personnel et de son matériel.

(page 695) 50 p. c. du produit brut de cette exploitation, tel est le bénéfice qui était assuré à la société, qui entreprenait tous les travaux de construction.

La proposition du gouvernement fut adoptée par la législature ; j'appartiens à la minorité qui l'a combattue.

Cette proposition fut donc traduite en loi. Elle fut promulguée le 16 mai 1845 en un article unique.

Cet article donne au gouvernement l'autorisation de concéder la construction des deux sections susmentionnées aux clauses et conditions reprises dans le cahier de charges qui y est annexé.

Quelques extraits des statuts, qui ont constitué les concessionnaires en société anonyme, vous feront connaître l'étendue de leur responsabilité. Quelques extraits du cahier des charges vont vous mettre sous les yeux les engagements qu'ils ont contractés.

Voici ce que nous apprennent les statuts de la société anonyme constituée par acte notarié passé le 2 juillet 1845 pour la construction du chemin de fer de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt.

Ils nous apprennent que : les concessionnaires-fondateurs, c'est-à-dire MM. Barry, Thomas Rhodes, Paterson, Robert-William Kennard, Tercelin-Sigart, Bullot et Bruneau, ex-membres de la chambre des représentants de Belgique, se sont engagés à forfait envers les actionnaires en recevant le prix du capital social : soit 12,500,000 fr. « sous leur responsabilité personnelle, à leurs frais, risques et périls de l'entière et bonne exécution » des travaux d'art et d'établissement des deux lignes d'après les plans et devis définitifs adoptés ou à adopter par le gouvernement belge, et à livrer et à faire accepter lesdites lignes par le gouvernement belge dans le délai fixé par la concession.

Or voyons d'abord quel est ce délai ?

L'article premier de l'annexe de la loi du 16 mai 1845 va vous le faire connaître.

« Les concessionnaires exécuteront à leurs frais, risques et périls par leurs agents sous la surveillance du gouvernement, et dans un délai de 3 ans, à compter de la date de la loi à intervenir, tous les travaux des deux chemins, »

Et quelle est la nature de ces travaux ?

L'article 7 de la convention intervenue va vous le dire :

« Dans les six mois les concessionnaires soumettront au ministre des travaux publics les projets complets consistant en plans, profils en long et en travers, plans détaillés des ouvrages d'art de toute nature, les détails de la voie ferrée, les traversées à niveau des routes et chemins, les ponts à bascule et loges de garde, les projets de stations, bâtiments et dépendances et généralement de tous les ouvrages nécessaires au parachèvement des deux lignes et à leur mise en exploitation régulière. »

L'article 8 exprime ce qui suit.

« Le ministre des travaux publics pourra apporter aux propositions et projets dont il s'agit, telles modifications qu'il trouvera nécessaires et utiles. Les concessionnaires devront se conformer à la décision qui sera prise à cet égard et dans le cours de l'exécution, ils ne pourront s'écarter des projets approuvés, que moyennant l'autorisation expresse et formelle du département des travaux publics. »

L'article 5 porte : « Que le cautionnement d'un demi-million déposé par les concessionnaires est affecté à la garantie des engagements qu'ils contractent par la présente convention. »

Enfin l'article 14 de l'annexe à la loi du 16 mai dit : « Que le dernier cinquième ne sera restitué qu'après l'achèvement total des travaux. »

L'article 2 de la même annexe porte que :

« Les plans et études de M. l'ingénieur en chef Desart, ainsi que le devis estimatif annexé à son rapport, serviront, sans avoir égard aux prix toutefois, de base aux projets définitifs du chemin de fer de Tournai à Jurbise. »

« Les plans et études de M. l'ingénieur en chef Groetaers, ainsi que le devis estimatif annexé à son rapport du 15 mai 1844, serviront également, sans égard aux prix de base, aux projets définitifs du chemin de fer de St-Trond à Hasselt, mais avec cette différence, que le poids des rails sera porté à 24 kil. par mètre courant au minimum, etc. »

« Les travaux seront du reste exécutés conformément aux règles de la bonne construction, et la réception en sera faite par des ingénieurs de l'Etat. »

Les précautions prises par le gouvernement en 1845, pour exonérer l'Etat de toute charge à propos de la mise à exécution de cette convention, ont été telles, qu'un paragraphe de l'article premier de l'annexe porte ce qui suit :

« La surveillance à opérer par le gouvernement pour empêcher les concessionnaires de s'écarter des obligations qui leur incombent, étant toute d'intérêt public, ne peut faire naître à sa charge aucune obligation quelconque. »

Et l'article 48 des statuts de la société met annuellement à la disposition du gouvernement une somme de 4,000 fr., destinée à payer les frais de voyage ou indemnités d'une commission permanente, ou de plusieurs commissaires spéciaux après l'achèvement des travaux et la mise en exploitation des deux lignes.

Examinons maintenant, messieurs, à quoi ont abouti les précautions minutieuses, prises par le ministre des travaux publics, l'honorable M. Dechamps.

Vous verrez par ce qui va suivre, que les garanties ont été éludées, qu'elles ont été illusoires, qu'elles n'ont été d'aucune utilité.

Je me trompe, la violation de ces stipulations va me servir à vous démontrer aujourd'hui, que le département des travaux publics n'est pas constitué de manière à garantir suffisamment l'intérêt public.

Examinons de quelle manière les concessionnaires fondateurs ont rempli leurs engagements.

La construction des bâtiments destinés à abriter les voyageurs, les marchandises, le matériel, les gardes préposés à la surveillance devraient être achevés depuis 1848.

Le sont-ils ? Je le demande au gouvernement.

Je réponds qu'ils ne le sont pas.

Ceux qui ont parcouru la section de Landen à Hasselt vous diront que les constructions ne sont pas commencées.

Les voyageurs s'abritent dans de misérables loges construites en planches.

Le matériel de l'Etat et les marchandises se détériorent à notre détriment, à la belle étoile.

Les gardes surveillants cantonniers subissent le même sort. Non, je me trompe, le gouvernement leur a construit quelques abris en les mandatant à nos frais, à décharge de MM. les concessionnaires-fondateurs.

Quant à la ligne de Tournai à Jurbise, ceux qui l'ont parcourue vous certifieront ce qui suit : le manque d'abris pour le matériel et les marchandises existe partout.

Et ici je recommande au gouvernement de réclamer de la compagnie la restitution des pertes et des dommages que cet état de choses fait subir au matériel de l'Etat.

On a construit sur cette section des abris qui paraissent définitifs pour les voyageurs, je le reconnais. Mais comment a-t-on procédé à leur construction ? Je dis que c'est avec une ignoble lésinerie.

La voie ferrée est posée en quelque sorte sur le lit des carrières. Son parcours s'opère au milieu des exploitations les plus abondantes, les plus actives, et la pierre a été exclue de ces constructions ; on n'en remarque l'emploi ni dans les soubassements, ni aux seuils des fenêtres. On s'est servi exclusivement de briques médiocres, déjà rongées en bien des endroits par l'humidité et par le salpêtre.

Quelques seuils ont été ajoutés depuis un an ; j'ai tout lieu de supposer que le trésor public en a acquitté le prix.

La Compagnie s'est dit sans doute : Nous ne sommes pas chargés de l'entretien dans l'avenir. Pourquoi faire des travaux solides ? Les contribuables belges sont assez riches ; ils ont de quoi y pourvoir.

Je m'explique fort bien la mise en application de ce raisonnement au point de vue de l'intérêt, je me hâte de dire que je ne me l'explique pas au point de vue de la morale. Mais ce que je ne m'explique pas surtout, c'est comment il se fait que l'administration des travaux publics ait toléré une manœuvre de ce genre.

Le ministre a eu la faculté, je viens de le démontrer, d'arrêter les plans, même de les modifier, afin de garantir les intérêts du pays.

Des ingénieurs ont été préposés pour surveiller la mise à exécution de ces plans.

Est-ce le ministre ou les ingénieurs qui doivent être tenus responsables de ce vice de construction ? Je l'ignore.

Mais le fait est constant. La culpabilité existe.

Déjà nous commençons à recueillir les fruits de cette faute.

Car déjà le gouvernement a commencé à se substituer aux charges de la compagnie en faisant des constructiosn aux frais de l'Etat.

La cour des comptes en a refusé la liquidation. Je crois qu'elle a rempli son devoir.

Eu effet, les observations qu'elle nous a adressées nous apprennent des détails curieux ; ces observations nous apprennent que ces dépenses ont été faites à l’insu du ministre, sans adjudication ; et je voudrais bien que M. le ministre des travaux publics m'indiquât le crédit législatif qui était à sa disposition pour acquitter cette dépense, et quelle est la caisse sur laquelle elle a été prélevée ?

Je demanderai de plus à M. le ministre, ce qui est advenu du dernier cinquième du cautionnement destiné à nous garantir la complète exécution des engagements pris par la compagnie ?

A-t-il été remboursé ? S'est-on dépouillé ainsi de cette garantie au profit des concessionnaires ?

Déjà le gouvernement, en consentant à exploiter avant l'achèvement des constructions, a accordé une faveur notable à la compagnie ; mais l'empressement des populations a justifié cette mesure en partie, du moins ; j'en conviens sans peine.

Mais ce n'en était pas moins une faveur considérable ; considérable parce que par cet acte de bon vouloir, l'administration des travaux publics a mis fin au payement des 4 p. c, que les concessionnaires étaient assujettis de payer aux actionnaires, en vertu des statuts, pendant toute la durée des travaux de construction ; cette faveur était considérable ; la mise en activité des transports a mis leur entreprise à fruit en leur assurant 50 p. c. du revenu brut, avant l'accomplissement complet de leurs engagements.

Et ici, je le constate à regret, les concessionnaires-fondateurs ont été peu reconnaissants de ce bon procédé ; qu'en est-il résulté ?

Cet acte de confiance a désarmé le gouvernement ; et quant à nous, nous en sommes les dupes.

Oui, nous en sommes les dupes ; car quelle sera la conclusion de cette lutte de finasseries engagée contre les intérêts du pays ?

Un procès probable ! Le gouvernement semble croire qu'il sera obligé d'avoir recours à ce moyen extrême. Tel est le sens de sa correspondance avec la cour des comptes ; le dernier cahier d'observations en fait foi.

Un procès ! C'est là une triste conclusion !

(page 696) Les procès sont des expédients qui généralement ne satisfont que les avocats qui les plaident.

La mauvaise foi d'un côté ; l’imprévoyance, l'amour-propre de l'autre ; voilà leur origine ordinaire.

Ceux qui, dans cette circonstance, ont eu pour mission de veiller à l'exécution du contrat, à faire respecter l'intérêt public, ont à se reprocher ou de l'ignorance ou de la faiblesse.

Qu'ils choisissent ! Il y a de la modération à leur offrir cette alternative.

Avoir recours à la responsabilité de ceux qui, par leur faute, ont amené les embarras, les dommages, que je viens de signaler : voilà ce qu'exigerait la mise en pratique du principe constitutionnel de la responsabilité des chefs de l'administration.

Je forme des vœux pour que la chambre use des moyens nécessaires pour y arriver.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'honorable préopinant vient de critiquer le système des concessions, car c'est là qu'il arrive en dernière analyse. Il reproche à la compagnie ds Jurbise à Tournai de n'avoir pas rempli ses obligations.

Il y a une étrange exagération daus la manière dont l'honorable préopinant a présenté les faits.

D'abord l'honorable M.de Man aurait dû se faire cette observation très simple, que s'il n'y avait pas eu des difficultés en fait et en droit entre la compagnie et le gouvernement, il y a longtemps que ces constructions auraient été exécutées ; il y a longtemps que le gouvernement aurait pu trouver dans le contrat la sanction nécessaire à l'exécution des obligations de la compagnie. Mais avant de recourir aux tribunaux ne vaut-il pas mieux chercher à tomber d'accord ?

La difficulté est dans la loi de concession qui autorise la compagnie à exécuter les bâtiments et constructions pour la ligne de Saint-Trond à Hasselt d'après les devis estimatifs dressés par l'ingénieur en chef.

La compagnie présente des devis estimatifs en rapport avec ceux des ingénieurs, et l'administration des chemins de fer reconnaît que les bâtiments, exécutés d'après ces devis, ne repondraient pas aux besoins du service ; l'administration constate l'insuffisance notoire, et elle s'appuie sur des dispositions formelles du cahier des charges pour demander à la compagnie de Jurbise à Tournai et de St-Trond à Hasselt, l'exécution des obligations, telles qu'elles résultent du cahier des charges.

Les articles 10 et 11 dont l'honorabls M. de Man a donné lecture, portent ce qui suit :

« Art. 10. Les concessionnaires entreprennent à leurs frais, risques et périls et sans charge aucune pour le trésor de l'Etat, tous les travaux qui font l'objet du présent contrat, ainsi que toutes les fournitures et dépenses qui seront reconnues nécessaires pour l'établissement des chemins de fer de Tournai à Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt. Cette clause doit être considérée comme la base du contrat. Les parties entendent que, dans tous les cas possibles, elle reçoive l'application la plus large. »

« Art. 11. Les concessionnaires demeurent seuls et exclusivement chargés de toutes les indemnités et de tous les frais auxquels donnera lieu, au profit de qui que ce soit, la construction des chemins de fer prémentionnés et de leurs dépendances. »

En ce qui concerne particulièrement les stations de la ligne de Tournai, le troisième paragraphe de l'article 4 du cahier des charges spécial approuvé par l'arrêté ministériel du 20 février 1847 porte in fine :

« Toutefois le gouvernement se réserve la faculté de modifier, d'après les besoins, l'excédant de largeur fixé pour chacune des cinq stations précitées. »

C'est donc dans ces dispositions que le gouvernement, que l'administration puise son droit de forcer la compagnie à exécuter les engagements qu'elle a contractés. Mais la compagnie, dans sa résistance, se fonde sur une disposition de la loi de concession portant que les bâtiments et constructions seront en rapport avec les devis estimatifs joints à la loi de concession.

Il est de fait qu'il y a là un sujet de controverse ; c'est pour ne pas recourir tout d'abord et sans transition à la voie judiciaire que le gouvernement a institué une commission ayant pour mission de terminer à l'amiable, si possible, ces difficultés. Si la commission n'aboutit pas, si la compagnie ne veut pas exécuter les engagements qui résultent, selon moi, des articles 10 et 11 de la loi de concession, le gouvernement engagera un procès ; mais que l'honorable membre veuille bien reconnaître qu'il serait préférable qu'on pût en finir autrement et par voie de transaction. La question, quoi qu'il en dise, n'est pas d'une solution aussi simple, aussi immédiate qu'il le croit.

A entendre les honorables MM. Osy et de Man, il semblerait que l'administration a fait des constructions nombreuses et des dépenses excessives sur la route de Tournai à Jurbise, qu'elle a engagé daus une forte mesure, les fonds de l'Etat, et pour le démontrer, ils citent une observation consignée dans le cahier de la cour des comptes et sur laquelle je vais m'expliquer ; mais qu'ils me permettent d'abord de signaler à l'attention de la chambre que, sous ce rapport, il y a un progtès évident, incontestable.

Les critiques de la cour des comptes, en ce qui concerne l'administration des chemins de fer, ne touchent plus qu'à des faits isolés et individuels. Au point de vue des recettes comme au point de vue des dépenses, les prescriptions de la loi de comptabilité sont rigoureusement observées, et ce n'est pas là une des moindres améliorations qu'il importe de constater.

Je le répète, il n'y a que quelques faits isolés, accidentels, qui aient donné lieu à des observations de la part de la cour des comptes. Je rencontre ici la critique signalée par l'honorable M. Osy. Il a bien voulu ma prévenir de l'intention où il était de m'interpeller sur ce fait. Il y a deux barrières à Ath et à Leuze dont l'importance nécessite la présence constante des gardes ; ces deux barrières étaient dépourvues de tout abri ; les gardes préposés se trouvant à l'entrée de l'hiver de 1851 dans une position intolérable, l'ingénieur de la ligne autorisa la construction de deux baraques qui ont coûté chacune 268 fr.

Une inspection ayant eu lieu à cette époque, l'inspecteur demanda des explications sur l'existence de ces abris ; tout en reconnaissant la convenance pour la sécurité de la route de donner un abri aux gardes, il désapprouva une construction faite sans autorisation. L'ingénieur fut officiellement blâmé par l'administration supérieure ; on présenta la dépense en liquidation, la cour n'a pas voulu approuver, la dépense jusqu'à présent n'est pas soldée. Si quelques dépenses sont faites ainsi, c'est sous toute réserve, le recours contre la compagnie est formellement garanti par les soins de l'administration supérieure.

Quant à la difficulté qui existe entre le gouvernement et la compagnie, la commission n'a pas encore terminé son travail ; si son rapport ne résout pas le différend, force me sera de recouriraux tribunaux.

M. de Man d'Attenrode. - Le cautionnement est-il remboursé ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis sans information positive à cet égard, mais je pense qu'il ne doit pas l'être, car la réception définitive de la route n'est pas faite.

M. de Theux. - L'état de choses qui existe à la station de Hasselt est véritablement incompréhensible ; il y a des plaintes unanimes sur le mauvais état de la baraque destinée à abriter les voyageurs, et sur l'absence complète de hangars pour abriter les marchandises qui restent en plein air dans les waggons ; rien n'est abrité. On s'étonne des pertes que le gouvernement subit, le matériel sa détériore ; d'autre part on est obligé de faire voyager les locomotives de Hasselt à St-Trond pour les abriter, faute d'avoir un hangar à Hasselt. C'est un état de choses qui ne peut pas se prolonger.

D'après les explications de M. le ministre, il y a opposition de la part de la compagnie concessionnaire à l'exécution de ses engagements. M. le ministre aurait bien fait, du moment qu'elle ne s'exécutait pas, de la mettre judiciairement en demeure et de lui réclamer des dommages-intérêts. Il y a un grand nombre d'années que cet état de choses existe, la compagnie ne perd rien, elle conserve ses capitaux ; si elle avait été mise judiciairement en demeure, elle se serait hâtée et les intérêts du gouvernement auraient été sauvegardes.

J'engage M. le ministre à ne pas tarder davantage à mettre la compagnie en demeure. Quant à l'argument que le devis ne correspondrait pas à la dépense qu'on exigerait d'elle, l'article 2 de l'annexe du cahier des charges de la loi de 1845 y répond en termes très précis.

« Les plans et devis ainsi que les devis estimatifs annexés au rapport de l'ingénieur Desart, serviront de base sans avoir égard aux prix. »

Je ne sais si la même stipulation se trouve dans le cahier des charges de St-Trond à Landen.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Elle y est.

M. de Theux. - Alors il n'y a aucune objection sérieuse, il peut y avoir procès, mais il est impossible que le gouvernement soit condamné ; c'est au gouvernement qu'il appartient de statuer définitivement sur les bâtiments qui doivent être faits aux stations ; la décision appartient au gouvernement ; à moins que la compagnie ne prétende que l'administration a exagéré la dépense inutilement et de mauvaise foi, elle doit s'y conformer.

S'il y a mise en demeure, la compagnie sera responsable judiciairement de toutes les pertes que le gouvernement pourra éprouver. Le gouvernement pourrait demander des dommages-intérêts ; il mettrait plus tôt un terme à ces tergiversations vraiment scandaleuses.

M. Dumortier. - Voici comment les concessions de Tournai à Jurbise et de Sainl-Trond à Hasselt ont eu lieu. M. Dechamps avait fait faire les études du chemin de Tournai à Jurbise par l'ingénieur Desart. Les études faites, elles ont été communiquées à tous les membres de l'assemblée.

Si ma mémoire est fidèle, un projet d'exécution par l'Etat était arrêté quand une société est venue se présenter, offrant de construire la route moyennant 75 p. c. du produit brut que lui donnerait l'Etat exploitant. Comme rapporteur, j'ai proposé de réduire ce tantième à 50 p. c.

C'est en vertu de la loi de concession que toutes les études ont été faites par M. l'ingénieur Desart et que la demande de 75 p. c. a été réduite sur notre demande à 50 p. c. du produit brut.

Le chemin de fer a été ouvert un peu tard par suite des événements de 1848, qui ont retardé l'achèvement des travaux. Mais, j'en appelle aux députés de Tournai, comment est-il possible que le gouvernement tolère, sur cette ligne, des constructions comme celles-là ?

A la station de Maffles, le chemin de fer traverse en quelque sorte une carrière de pierres de Maffles, pierres qui ont une célébrité. C'est tellement vrai, que les accotements sont en pierre. Eh bien, dans la construction des bâtiments de la station, il n'est pas entré une seule de ces (page 697) pierres, ni pour les soubassements, ni pour les montants, ni pour les corniches ; il n'y a pas même une tablette en pierre ; tout est en mauvaise brique. Il en est de même à la station d'Ath, qui est à cinq kilomètres de celle de Maffles ; et cependant la encore la pierre ne manquait pas ; car les fondements de la station reposent sur la pierre.

Je vous laisse à penser d'après cela comment ont été faites les constructions des stations.

On dit : Voilà ce que c'est que les concessions ! Cela ne prouve rien contre les concessions. Cela prouve seulement que ces constructions ont été reçues avec beaucoup de légèreté, qu'elles n'ont pas été exécutées, conformément au cahier des charges, d'après les plans et devis de M. l'ingénieur Desart ; et je ne pense pas que la compagnie puisse se soustraire à l'exécution de ses obligations ni que le gouverne ment puisse transiger sur ce point avec la compagnie.

M. le ministre dit que la réception définitive n'a pas eu lieu. Mais je vois dans le rapport de la section centrale qu'il y a eu une réception partielle. Et qu'est-ce que signifie une réception partielle ?

Au reste, non seulement la société ne s'exécute pas sur ce point, mais elle met de l'obstination à refuser à la ligne de Jurbise le droit commun, quint au transport des voyageurs et des marchandises. En vertu du cahier des charges fait par mon honorable ami M. Dechamps, la société devait adopter pour la tarification les bases du tarif belge.

Ce n'est pas seulement le tarif ; car si l'on n'avait voulu parler que du tarif, on n'aurait pas dit les bases. Les bases du tarif, cela veut dire : la distance combinée avec le prix. Eh bien, pour aller de Bruxelles à Tournai par Jurbise, on fait un détour de quatre lieues ; sur les autres lignes on calcule la distance à vol d'oiseau, et sur le parcours qui excède cette distance on fait une réduction de prix de moitié. Sur cette ligne seule, on ne diminue pas un mètre pour tout le parcours. Cependant le contrat est aussi clair qu'il peut l'être. Les bases du tarif, cela indique bien que la distance doit être combinée avec le prix.

Il est évident qu'il y a ici un mauvais vouloir auquel le ministre doit s'opposer.

Cette ligne est la plus avantageuse que le gouvernement ait entreprise : d'abord, elle est très bonne quant à ses produits. Ensuite, c'était la meilleure combinaison qu'on pût imaginer. L'Etat n'a contribué en rien aux dépenses de l'établissement de la route.

Ensuite, pour l'exploitation, on donne la moitié du produit brut. Si ce système avait été appliqué à toutes nos lignes de chemins de fer, nous aurions à notre budget 220 millions de moins. Ce qui n'est pas du tout à dédaigner.

Revenant à ce que je disais tout à l'heure, je dis que M. le ministre des travaux publics doit s'occuper sérieusement de faire exécuter la loi par la société. Si la société ne veut pas s'exécuter, le gouvernement a un devoir à remplir : c'est de faire transporter les marchandises par la ligne de Gand ; il faudra bien alors qu'il exécute la loi.

J'aborde une autre question : puisqu'on a parlé de ce chemin de fer, je dirai quelques mots de l'exploitation.

L'exploitation du chemin de fer, bien que faite par l'Etat, laisse beaucoup à désirer. Croiriez-vous que sur cette ligne il n'y a pas un seul convoi direct ? Nous devons attendre à Jurbise pendant trois ou quatre heures, dans cette saison, qu'il plaise au convoi de Paris d'arriver. Nous avons tous réclamé auprès de M. le ministre un convoi direct.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Oui, un convoi en plus.

M. Dumortier. - Non, pas en plus. Nous demandons seulement un convoi direct.

Je dis qu'il est inconcevable que la sixième ville du royaume n'ait pas un convoi direct sur la capitale. Je demande que l'on mette un terme à ces abus.

Je sais que nous approchons beaucoup de la saison d'été. J'espèrs qu'alors les choses ne se passeront plus de la sorte ; car un pareil état de choses est intolérable. C'est un des vices qu'on peut signaler dans le chemin de fer de l'Etat. Il est facile d'y remédier. J'espère qae M. le ministre n'y manquera pas.

Une chose très désagréable aussi, c'est le défaut de fixité dans les heures de départ du chemin de fer. Il serait facile d'avoir d’avoir des heures fixes et invariables pour la période d’hiver et d’ajouter un certain nombre de convois pour la période d’été, de manière qu’on sache toujours l’heure de certains convois qui resterait invariable.

Eh bien ! il est des villes dans lesquelles les heures de départ varient presque tous les mois, de manière qu'on ne sait jamais quand un convoi va partir, quand il est parti. Cela est très désagréable.

Rien, je le répète, ne serait plus facile que de fixer définitivement les heures de départ des convois normaux et ensuite d'ajouter quelques convois l'été lorsque le nombre des voyageurs augmente. De cette manière les voyageurs et les habitants auraient une certitude que personne ne peut avoir aujourd'hui.

Messieurs, j'engage beaucoup le gouvernement à montrer vis-à-vis de la société la fermeté qu'il doit avoir en pareil pas. Je l'engage à ne pas fléchir sur l'exécution du contrat que la société a signé. La société s'est engagée ; il faut qu'elle s'exécute ; j'engage M. le ministre à forcer la société de laisser adopter par le gouvernement les bases de la tarification adoptée pour toute la Belgique ; il ne faut pas que les villes de Tournai et de Bruxelles fassent seules, dans leurs rapports, exception à toutes les autres.

M. Osy. - Je remercie M. le ministre des travaux publics des renseignements qu'il nous a donnés. Mais je voudrais qu'il pût les compléter, si ce n'est pas aujourd'hui, au moins dans la séance de demain. Car je voudrais savoir si le gouvernement a eu soin de ne pas remettre à la compagnie le cinquième de son cautionnement que devait conserver l'Etat jusqu'à ce que les travaux du chemin de fer fussent complètement achevés. Je prie M. le ministre de nous donner sous ce rapport quelques renseignements lorsque nous arriverons au chapitre « Chemin de fer ». Je ne puis concevoir que le gouvernement, depuis la mise en exploitation des chemins de fer de Tournai à Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt, n'ait pas tenu la main à l'exécution des travaux auxquels cette société était obligée.

M. de Man d'Attenrode. - Il y a six ans que l'on exploite.

M. Osy. - C'est une raison de plus pour que le gouvernement ait dû, dans un aussi long intervalle, forcer la société à terminer les travaux.

Il me paraît extraordinaire que si la société n'exécute pas ses obligations, le gouvernement continue à lui remettre les 50 p. c. du produit brut. Le gouvernement devrait dire à la société : Si vous ne terminez pas les travaux, je déposerai les 50 p. c. à la caisse des consignations jusqu'à ce que vous vous soyez exécutée.

Voilà donc la mesure que devrait prendre le gouvernement : conserver le cautionnement et ne plus remettre à la compagnie les 50 p. c. de la recette brute. C'est la véritable marche à suivre avec cette société : comme avec toutes celles qui ne rempliraient pas leurs engagements.

J'engage le gouvernement à y réfléchir et à ne pas faire des travaux qui ne concernent pas l'Etat.

Je trouve qu'on a très bien fait de blâmer l'ingénieur qui, sans le consentement de M. le ministre, a fait des travaux ; mais c'est là un fait individuel ; et quant à nous, nous devons tenir à ce que le chemin de fer soit entièrement exécuté aux frais de la société.

M. de Man d'Attenrode. - La réponse que M. le ministre des travaux publics vient de m'adresser n'exige de ma part aucune réplique.

Tout son discours se base sur le mot : « exagération ». En attendant, tout ce que j'ai dit reste debout, je n'ai pas à en retrancher un mot.

Je tiens néanmoins, quant à la question de savoir si le cautionnement a été remboursé ; je tiens à vous faire remarquer, qu'il est étonnant que le chef du département des travaux publics n'ait pas été à même de répondre à cette question, il ignore donc, lui, qui paraît décidé à intenter une action aux concessionnaires, il ignore si le cautionnement a été remboursél

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cmment voulez-vous que je connaisse tous les détails ?

M. de Man d'Attenrode. - Ce n'est pas là un détail à dédaigner ; je le crois, au contraire, d'une haute importance. Mais voici pourquoi je me suis levé. M. le ministre, en me voyant diriger mes attaques contre une compagnie, a été charmé de pouvoir saisir cette occasion pour dire : Voilà ce qui arrive quand on a recours à une industrie privée.

Cette observation ne pouvait rester sans réplique de ma part. Elle tend trop directement à attaquer mes convictions.

Pourquoi l'industrie privée ne remplit-elle pas ses engagements en cette circonstance ? C'est qu'elle se trouve désintéressée dans l'exploitation.

Les motifs pour lesquels elle ne remplit pas ses engagements sont précisément les mêmes qui s'opposent à ce que l'Etat exploite d'une manière satisfaisante et fructueuse.

La compagnie met tant de lésinerie à accomplir ses engagements, parce qu'elle n'est pas stimulée par l'intérêt.

En Belgique on a fait les choses à rebours, les compagnies construisent et l'Etat exploite ; en France l'Etat a construit et les compagnies exploitent,e t elles administrent comme nous savons que savent exploiter les compagnies du Nord et d'Orléans.

Encore une observation. Pourquoi ce laisser-aller administratif, qui engendre les abus que je viens de vous signaler ?

Cela provient de ce que nous permettons aux ingénieurs d'intervenir dans des affaires pour lesquelles leur corps n'a pas été constitué.

Non, les ingénieurs ne sont pas faits pour administrer ; c'est-à-dire, pour dresser les cahiers des charges, approuver les adjudications, faire des commandes de fournitures, se contrôler entre eux.

Tant que les ingénieurs conserveront des attributions incompatibles avec leur spécialité, vous verrez se renouveler des plaintes basées sur de criants abus.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je tiens à faire une simple observation en réponse à ce que vient de dire l'honorable M. de Man : c'est que la compagnie de Tournai à Jurbise est intéressée au succès de l'entreprise. Elle a 50 p. c. de la recette brute ; on comprend donc l'intérêt qu'elle peut avoir à ce que cette recette atteigne son maximum.

D'autre part, messieurs, il est à remarquer que le système de sévérité absolue ne peut être adopté à l’égard des compagnies. On connaît la situation financière de la société de Tournai à Jurbise. Quoique l'honorable M. de Man prétende que les compagnies qui exploitent des chemins de fer obtiennent des bénéfices nets de 5, de 6 et de 7 p., la compagnie de Tournai à Jurbise donne, je crois, à ses actionnaires un dividende de 3 à 3 1/2 p. c.

(page 698) Je n'ai pas prétendu que le gouvernement n'ait pas dans le cahier des charges les armes nécessaires pour forcer la compagnie à l'exécution de ses engagements.

Mais je dis qu'on ne peut à son égard avec une sévérité impitoyable, et vouloir confisquer les 50 p. c. de la recette brute qui lui reviennent, ce serait là un système par trop rigoureux et auquel il ne faudrait recourir qu'à la dernière extrémité.

M. de Man d'Attenrode. - Un mot de réponse encore, s'il vous plaît, messieurs. M. le ministre des travaux publics vient de déclarer qa'il est inexact de dire, comme je l'ai fait, que la compagnie qui a construit les chemins de Jurbise et de Hasselt est désintéressée dans le plus ou le moins de perfection apportée à l'exécution des travaux de construction, et à leur complet achèvement.

La compagnie est sans doute intéressée à ce que les constructions se terminent ; oui, si c'est aux dépens du trésor public, j'en conviens, c'est évident.

D'ailleurs peu lui importe, si notre matériel, privé d'abri, se détériore, dévoré qu'il est par le soleil, abimé par la pluie ! peu lui importe, les réparations ne la concernent pas. Quant au nombre des voyageurs, peu lui importe encore, si les stations sont commodes ou ne le sont pas, cela ne lui fait pas perdre un voyageur, elle n'a pas à redouter de ligne concurrente.

L'honorable M. Osy a conseillé au gouvernement, comme moyen d'obliger la compagnie à remplir ses engagements, de cesser le payement de 50 p. c. de la recette brute, et de verser ces sommes à la caisse des consignations.

J'abonde complètement dans l'opinion de l'honorable député d'Anvers. J'y vois même un autre avantage ; cela dispenserait l'Etat d'intenter une action judiciaire à MM. les fondateurs-concessionnaires, et si ces messieurs croient devoir attaquer le gouvernement, ils seront obligés d'administrer les motifs de cette agressson. Cette position est meilleure. J'engage M. le ministre des travaux publics de suivre le conseil de mon ami le baron Osy.

- La discussion est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.