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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 191) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Le sieur Meyer, ancien maître de postes à Gand, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu'il a éprouvées dans son service pendant les années 1846 à 1852. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Masnuy prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à la suppression d'impositions communales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Des propriétaires et habitants de Mouscron demandent la révision de la loi sur l'expulsion des locataires. »

M. de Haerne. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport ; l'objet est très imporiant pour la localité, et il est urgent de faire droit à la demande des pétitionnaires qui font valoir des considérations importantes tirées surtout du régime français, au sujet des explicatlions données par le ministère sur cette question.

- Adopté.


« M. le ministre de la justice fait hommage à la chambre de deux exemplaires de la première partie (1751 à 1780) de la liste chronologique des édits et ordonnances des Pays-Bas autrichiens de 1751 à 1794. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Matthieu demande un congé pour affaire urgente. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1854

Rapport de la section centrale

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur certaines majorations proposées au budget des travaux publics par M. le ministre.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et mis à l'ordre du jour avec le budget des travaux publics.


M. de T'Serclaes. - Je désire faire connaître à la chambre les motifs qui ont empêché quelques-uns de nos collègues et moi d'assister aux dernières séances de la chambre : le jury d'examen diplomatique dont les opérations ont été terminées hier, a absorbé notre temps depuis le commencement de cette semaine ; je dois déclarer, en ce qui me concerne, que j'aurais donné mon vote approbatif aux diverses dispositions que la chambre a adoptées, si j'avais pu être présent à ses travaux.

M. le président. - Il serait désirable que les commissions nommées par MM. les ministres, et dont nos collègues font partie, ne fussent pas réunies aux heures des séances de la Chambre.


M. Vermeire, rapporteur. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale sur l'article 4, et les amendements y relatifs qui lui ont été renvoyés. (Nous donnerons ce rapport.)

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi attribuant au trésor l’accroissement de la valeur imposable des nouvelles bâtisses

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, vous savez tous que la crise alimentaire imposera des sacrifices considérables au trésor public. Pour couvrir en partie la perte qu'on éprouvera sur les recettes, le Roi m'a chargé de présenter un projet de loi qui a pour but, non d'augmenter l'impôt foncier, mais d'attribuer au trésor en accroissement de recettes le produit de l'application de la répartition aux nouvelles bâtisses.

- Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi sur les brevets d’invention

Discussion des articles

Article 8

« Art. 8. La date légale de l'invention est constatée par le procès-verbal qui sera dressé lors du dépôt de la demande de brevet.

« Un duplicata de ce procès-verbal sera remis, sans frais, au déposant. »

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. Les descriptions des brevets concédés seront publiées textuellement ou en substance, à la diligence de l'administration, dans un recueil spécial, trois mois après l'octroi du brevet. Lorsque le breveté requerra la publication complète ou par un extrait fourni par lui, cette publication se fera à ses frais.

« Après le même terme, le public sera également admis à prendre connaissance des descriptions, et des copies pourront en être obtenues moyennant le payement des frais. »

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, la publication des brevets dans un recueil spécial a donné lieu, dans la section centrale, à une discussion.

La minorité de la section centrale à laquelle j'ai appartenu, aurait préféré que les brevetés eussent été obligés de publier à leurs propres frais les brevets et les dessins qui devront être joints à ces publications. Envisageant ensuite cette question sous le point de vue pratique, elle a pensé que si, pour les frais d'insertion, on exigeait une légère rétribution, on obtiendrait des descriptions claires, succinctes sans digressions inutiles, ainsi que des plans nets et restreints aux seuls points essentiels de l'invention.

On a pensé encore que laisser au gouvernement la faculté de publier seulement une partie de l'invention, c'était en quelque sorte lui reconnaître le droit d'une espèce d'examen préalable, d'autre part s'exposer peut-être à tous les inconvénients du favoritisme, et par conséquent autoriser des plaintes de la part des brevetés.

Je pense, messieurs, que ceux qui obtiennent un privilège peuvent bien payer les frais auxquels l'octroi de ce privilège donne lieu. Ces frais pourraient être fixés par un règlement.

Ainsi, si l'on faisait payer 5 ou 10 centimes par ligne d'impression et tant pour une planche dont la grandeur serait déterminée et en remettant à celui qui obtient le brevet une cinquantaine d'exemplaires, il y aurait là pour le breveté une occasion de donner une plus grande publicité à l'objet pour lequel il a obtenu le brevet, et d'autre part les frais qui incomberont de ce chef au gouvernement disparaîtraient entièrement.

Je persiste donc à croire que les frais auxquels donnera lieu la publication des brevets doivent être supportés par les brevetés eux-mêmes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le gouvernement, par cette disposition, a eu pour but principal de faciliter au public la connaissance des inventions pour lesquelles les brevets sont accordés. C'est (page 192) pour cela qu'on a pensé qu'il était convenable de laisser les frais de la publication à charge de l'administration. Mais pour que ces frais ne puissent pas augmenter dans une mesure disproportionnée, on autorise l'administration à ne publier que par extrait l'objet breveté. Cependant, conciliant sous ce rapport l'intérêt du trésor avec les exigences de certains inventeurs, on a laissé au choix de ceux-ci de faire publier d'une manière complète les brevets et tout ce qui en dépend, les dessins, les plans, etc. Mais alors il est évident que cette publication doit se faire à leurs frais.

Je pense donc que dans l'intérêt du travail national qui se lie intimement à l'intérêt des inventeurs, il est prudent de laisser au gouvernement la faculté qu'il réclame de faire connaître les brevets dans un recueil qu'il dirigera lui-même et qui représentera par conséquent tous les intérêts que nous voulons sauvegarder.

Un autre motif qui doit engager la Chambre à adopter la proposition que nous lui faisons, c'est que les frais qui en résulteront seront largement couverts par le produit de la taxe. Il n'y a donc aucune raison de se préoccuper des frais qui seront imposés au trésor.

Ces motifs suffiront, je crois, pour faire maintenir la proposition du gouvernement à laquelle la section centrale s'est ralliée.

M. de Muelenaere. - Vous me permettrez, messieurs, de demander un mot d'explication sur le sens de l'article 9, soit à M. le ministre de l'intérieur, soit à M. le rapporteur de la section centrale.

D'après cet article, les descriptions des brevets qui seront concédés seront publiées textuellement ou en substance.

Je demanderai si le gouvernement lui-même aura toujours la faculté de faire publier textuellement, aux frais du trésor, la description des brevets, ou s'il a été entendu par la section centrale que lorsqu'il n'y a pas d'intervention de la part des titulaires, la publication, en règle générale, ne portera que la substance du brevet.

Je crois que c'est dans ce dernier sens que l'article 9 doit être entendu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je pense que l'article 9 répond de la manière la plus nette à la question que vient de poser l'honorable comte de Muelenaere.

Le gouvernement a voulu se réserver la faculté de publier ou textuellement ou en substance, suivant l'importance des brevets qu'il s'agit de rendre publics et les frais qui doivent en résulter : mais si en raison de l'importance des frais qui doivent résulter d'une publication complète et textuelle, le trésor devait en être trop chargé, le gouvernement se bornera à un extrait. Voilà ce qui résulte des termes de l'article 9.

Dans l'un et l'autre cas, le gouvernement ayant apprécié et décidé la publication, soit complète, soit partielle, celle-ci se fera aux frais du trésor. Mais lorsque par une exigence qui lui serait personnelle et nonobstant l'avis du gouvernement qu'une publication partielle suffît, le breveté voudra une publication complète, cette publication se fera à son compte.

M. Van Overloop. - Messieurs, la description textuelle doit avoir lieu trois mois après l'octroi du brevet. Il me semble que ce délai est extrêmement court.

En pratique voici ce qui se passe.

Une personne fait une découverte ou du moins croit avoir découvert un principe à l'aide duquel elle espère pouvoir produire des objets nouveaux. Cette personne prend un brevet pour conserver la propriété du principe ; ce n'est qu'après avoir rempli cette formalité qu'elle fait les applications qui doivent justifier si le principe est bon ou non.

Les expériences qu'on a à faire de ce chef demandent ordinairement beaucoup plus de temps que trois mois.

Je crois donc qu'on devrait prolonger ce délai et le porter au moins à six mois. Car, qu'arriverait-il de la publication et de la description du brevet au bout de trois mois ? C'est que des tiers pourraient demander un brevet pour des applications nouvelles à faire à l'aide du principe découvert ; or, n'est-il pas juste de laisser, sous ce rapport, une espèce de droit de priorité à l'inventeur ?

Je ne sais si l'honorable ministre de l'intérieur aura quelque objection à faire à cette observation. Ce n'est qu'une simple question de temps, ce sont des industriels qui m'ont suggéré ces observations en me faisant connaître que ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire se passe régulièrement.

A quoi bon, d'ailleurs, cette publication au bout de trois mois ? Si je ne me trompe, dans les législations étrangères le délai est beaucoup plus long. Je voudrais avoir à cet égard quelques renseignements de M. le ministre de l'intérieur.

Vient ici maintenant, messieurs, sur l'article 9, l'observation faite hier par l'honorable M. de La Coste : Faut-il que la description soit faite en entier ou en substance ? Mais, messieurs, si la description est de nature à porter, par exemple, atteinte à la morale publique, est-il entendu que le gouvernement reste libre de ne pas donner la description, lorsque cette description est de nature à porter atteinte à la morale publique ? (Interruption.) Si cela est entendu, je n'insiste pas davantage. Je désire cependant que l'honorable ministre de l'intérieur s'explique catégoriquement à cet égard. Je désirerais aussi des explications relativement à la courte durée de trois mois.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, quant à la description textuelle ou partielle d'un objet qui ne serait pas, dans l'opinion du gouvernement, susceptible d'être breveté, je croîs avoir eu l'honneur de m'en expliquer hier : le gouvernement n'accordera jamais de brevet pour une chose contraire à l'ordre, à la morale ou à la sûreté de l'Etat.

L'honorable M. Van Overloop pose une autre question au sujet de l'article 9. D'après l'article 9, dit-il, le brevet ne peut être publié qu'après un délai assez court, 3 mois après l'octroi du brevet, et il demande pourquoi l'on ne prolongerait pas ce délai de publication afin de laisser à l'inventeur le temps de donner une description suffisante du procédé qui fait l'objet du brevet. Messieurs, dans la législation d'un pays voisin, ce délai a paru suffisant ; on a pensé qu'il ne fallait pas accorder un délai trop considérable, parce que l'intérêt de l'industrie s'oppose à ce qu'un procédé soit tenu en quelque sorte sous clef.

Quel inconvénient peut-il y avoir dans le délai de 3 mois ? Si vous avez affaire à un inventeur sérieux, cet inventeur sera à même de faire connaître par une description exacte l'objet qu'il veut faire breveter. Or, messieurs, c'est aux inventeurs de cette catégorie qu'on doit faire attention.

Si c'est au contraire un inventeur non sérieux, si c'est une de ces personnes qui saisissent au vol une idée appartenant peut-être à un autre, je dis que ce n'est pas à un pareil intérêt que nous devons une protection plus complète que celle qui est accordée par la loi à tous les inventeurs.

Il arrive très souvent que l'inventeur sérieux a intérêt à publier le plus tôt possible son invention. On craint que d'autres personnes ne puissent s'emparer de l'objet du brevet ; mais, messieurs, cela n'est pas à craindre, par la raison que j'ai indiquée tout à l'heure : si l'inventeur est en possession des moyens de produire l'objet pour lequel il veut se faire breveter, il le fera immédiatement. S'il trouve plus tard à perfectionner son œuvre, il pourra demander un brevet de perfectionnement. Donc ses intérêts sont à couvert. Mais les intérêts de l'industrie ne le seraient pas suffisamment, si on prolongeait le délai de trois mois. En définitive, je ne vois aucun motif sérieux pour une prolongation. J'en vois au contraire plusieurs pour faire maintenir la disposition du projet.

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, le système que j'ai développé tantôt, par rapport à la publicité obligatoire des brevets, me paraît devoir être préféré à celui que soutient le gouvernement. Dans mon système, les conflits entre les brevetés et le gouvernement sont impossibles ; dans le système du gouvernement, ces conflits se reproduiront assez souvent.

En effet, il faudra des hommes spéciaux qui seront chargés d'examiner les termes de la description et de choisir les parties des plans qu'on veut livrer à la publicité. Il est certain que l'on fera trop ou trop peu ; si l'on fait trop peu, il est indubitable qu'il y aura des conflits ; alors si le breveté veut une publication entière, les frais seront plus considérables que s'ils étaient déterminés par un règlement qui les spécifierait.

On invoque encore, en faveur de la mesure préconisée par le gouvernement, l'intérêt qu'inspirent les inventeurs peu aisés, qui sont les plus nombreux et qui, par conséquent, se trouvent dans l'impossibilité de donner de la publicité à leurs découvertes. Cette raison me paraît ne pas en être une, puisque en faisant la publication aux frais des brevetés, on pourrait, d'autre part, les indemniser, en leur remettant 30 exemplaires de la publication.

De cette manière, ils éviteraient toute autre dépense et trouveraient dans l'application de cette mesure, un moyen de publicité très efficace. Aujourd'hui la publication des brevets ne se fait qu'après leur expiration. En les livrant à la publicité après le délai de 6 mois, il y aurait incontestablement une grande amélioration.

Lorsqu'on a examiné cette disposition du projet de loi en section centrale, on y a agité la question de savoir si le délai de 6 mois ne devait pas être préféré à celui de 3 mois. La majorité a accepté le dernier terme, mais la minorité, dont je faisais partie, a voté en sens contraire.

Le breveté, d'après moi, a tout intérêt à livrer, le plus tôt possible, à la publicité, l'objet pour lequel il a obtenu le brevet. Ce ne peut donc être que quand ce terme est absolument trop court pour apporter à l'invention les additions nécessaires, qu'il ferait usage du délai de six mois.

Il me paraît qu'il ne peut y avoir aucun inconvénient à ce que le délai obligatoire de la publication soit porté à six mois. On pourrait donc laisser au breveté la faculté de faire publier son brevet ;5 mois après son obtention.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, e'est précisément parce que la loi ancienne était défectueuse sous ce rapport que le gouvernement a proposé une modification. Aujourd'hui la publication complète du brevet ne se fait qu'après l'expiration du temps pour lequel le brevet a été accordé, c'est-à dire quand elle n'est plus utile à personne ; mais à côté de cette obligation, imposée au gouvernement, il y a dans la loi de 1817 une faculté accordée au public d'avoir connaissance du brevet, immédiatement après la concession.

(page 193) Nous estimons au contraire que si la publication de l'invention est utile pour, il faut s'empresser de la prescrire.

C'est cela que le projet actuel a fixé à trois mois le temps après lequel la publication du brevet pourrait se faire.

On dit qu'il n'y a pas d'inconvénient à porter ce délai à six mois. J'y trouve un inconvénient dans l'intérêt que le public peut avoir à être mis au courant des inventions nouvelles. A côté de cet inconvénient qui est réel, je demande quel avantage il peut y avoir pour l'inventeur à retarder la publication pendant six mois. Cet avantage ne peut exister que pour ceux qui n'ont pas suffisamment mûri leur idée. Eh bien ! ceux-là ne me paraissent pas dignes de l'intérêt de la législature.

- L'article 9 est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - M. T'Kint propose un article 9bis ainsi conçu :

« Toute transmission de brevet par acte entre-vifs sera enregistrée au droit fixe de 10 fr. »

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, en donnant aux brevets d'invention plus de durée et des garanties plus complètes, il faut s'attendre à ce qu'ils deviennent l'objet de transactions plus nombreuses, plus importantes. Dans le projet primitif de la commission spéciale, un chapitre entier était consacré à la transmission des brevets.

Le gouvernement a supprimé cette disposition. Je crois qu'il a bien fait, car il vaut mieux en pareille matière éviter toute complication et s'en rapporter au droit commun.

Mais si les transactions auxquelles les brevets donneront lieu ne sont soumises à aucune règle spéciale, il importe cependant de les faciliter et d'en favoriser la transmission par acte public. C'est à ce point de vue que je me suis placé en proposant un article nouveau, d'après lequel toute transmission de brevet, par acte entre-vifs, sera enregistrée au droit fixe de 10 fr.

Il est permis d'espérer que ce sera un moyen efficace de prévenir les transmissions clandestines, sources de tant de chicanes et de procès. D'un autre côté, on doit reconnaître qu'il serait extrêmement difficile d'appliquer le droit proportionnel à des inventions dont la valeur est en général très problématique.

Jusqu'à présent les transmissions de brevet oui été assez rares, mais je sais de bonne part qu'en général les évaluations ont été dérisoires. La moyenne du droit perçu à Bruxelles n'a pas même atteint dix francs.

J'ajouterai que la disposition n'est pas sans antécédents ; elle se trouve notamment, comme mon honorable ami M. Lelièvre l'a fait remarquer hier, dans la loi du 17 décembre 1851.

Telles sont, messieurs, les considérations que je me bornerai à vous soumettre pour le moment, me réservant d'en présenter d'autres si ma proposition était combattue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La disposition proposée a pour but de faciliter la transmission des brevets par acte entre-vifs, je ne vois pas de difficulté à l'adopter ; pour rassurer la Chambre sur la portée financière de la proposition, je dirai qu'elle n'aura aucune influence sur les recettes du trésor.

Il n'y a donc pas de difficulté, mais de l'avantage à adopter la disposition.

- L'article 9bis proqosé par M. T'Kint de Naeycr est mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10. Un brevet sera nul de plein droit pour les causes suivantes :

« a. Lorsque, dans l'espace de deux années, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention, sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera ;

« b. En cas de non-acquittement de la taxe fixée à l'article 3 ci-dessus. »

M. E. Vandenpeereboom. - Je trouve qu'un des cas de nullité énoncés dans cet article est trop rigoureux. D'nn autre côté, je crois que l'article est incomplet. Il me semble que le terme de deux ans pour la mise en exploitation du brevet est trop court. En effet, il pourrait arriver que l'on accordât des brevets avec la certitude qu'ils ne pourraient être exploités endéans le délai fixé. Je citerai, par exemple, la grande invention Ericsson. Il ne suffit pas, pour exploiter un pareil procédé, d'avoir obtenu un brevet ; indépendamment des épreuves, il faut former la société, réunir les capitaux, installer les ateliers ; tout cela demande beaucoup de temps.

En déclarant que tous ces préliminaires devront être terminés dans les deux ans, vous imposez une condition que vous savez ne pas pouvoir être exécutée. Si je n'écoutais que mon sentiment particulier, je supprimerais cette clause de déchéance, m'en rapportant à l'intérêt de l'inventeur pour la mise en œuvre de sa trouvaille.

Soyez-en certains, ces chercheurs de procédés nouveaux ne travaillent pas, ils n'inventent pas pour ensuite rester à ne rien faire. Vous pouvez y compter, quand tout sera prêt pour l'exploitation, ils n'attendront pas une heure.

En Angleterre, en Amérique, il n'y a pas de terme fixé pour la mise en exploitation. Et cependant, en fait d'inventions, tout y marche mieux qu'ailleurs. Je me rallierai donc à toute proposition de suppression, ou, tout au moins, d'extension de délai.

Il y a des brevets qui nécessitent pour leur mise en œuvre la réunion d'une foule de conditions d'art, conditions de temps, conditions d'argent. Ainsi, pour la construction d'un bateau à vapeur d'après des procédés connus et éprouvés, il faut 12 ou 14 mois avant d'en obtenir l'achèvement.

Allez donc exploiter quelque chose de nouveau qui soit applicable aux bateaux à vapeur, si ou ne vous donne que deux ans pour tout achever et livrer au commerce ou à l'industrie ! Vous n'arriverez pas.

Mais, dit-on, le gouvernement est juge de l'empêchement, il pourra accorder un délai nouveau. Ce droit me paraît exorbitant ; si le gouvernement est en droit d'accorder, il est aussi en droit de refuser. L'inventeur peut être pauvre, avoir des adversaires puissants, qui sont venus après lui et qui le mettront hors de cause ; il peut être malade et ne pas être en état de faire les démarches nécessaires pour obtenir un délai et arriver trop tard ; on lui dira : Le termie est là ; vous êtes déchu.

Il se présentera des circonstances de guerre, des crises commerciales ; dans de pareils moments où aller chercher les capitaux nécessaires pour l'exploitation de l'objet pour lequel vous avez un brevet ?

Allez à la bourse, ou chez les banquiers, on vous demandera une hypothèque. Un inventeur, souvent, n'a que son génie à offrir, et l'on sait que cette hypothèque-là n'est pas toujours reçue à la bourse.

Il suffit d'insérer une condition qui soit une garantie que l'inventeur ne retardera pas trop longtemps l'exploitation de son brevet. A cette fin j'ai formulé une disposition ainsi conçue :

« Toutefois, celui-ci (le titulaire) pourra prolonger ce délai pendant trois autres années, à condition d'en avertir le gouvernement un mois avant l'échéance et moyennant le payement d'une somme de 30 francs pour chaque année de prolongation. »

Il va sans dire que si la Chambre vent admettre une autre prolongation de terme, ou même une suppression totale du délai fatal, j'y souscrirai. Ce que je vois d'essentiel, c'est de donner un terme de plus de deux années.

Je trouve, en outre, un autre inconvénient à l'article 10, c'est celui du vague qui existe sur ce qui arrivera, lorsque la déchéance aura été prononcée. Car on n'indique pas ce que deviendra le brevet. On dit : Le brevet tombera dans le domaine public. Mais un brevet tombé dans le domaine public est, permettez-moi le mot, un brevet tombé dans l'eau. Personne ne reprendra un brevet tombé dans le domaine public, précisément parce que tout le monde pourra l'exploiter.

J'avais imaginé de vendre le brevet. Le gouvernement ferait la vente sur la mise à prix de la taxe et sur le supplément de taxe échue. S'il se présente un acheteur, il devient propriétaire du brevet. S'il ne se présente personne, le brevet tombera dans le domaine public, sans qu'on puisse s'en plaindre.

Si ce principe élait admis, je proposerais un amendement en ce sens que si, par suite de circonstances extraordinaires, la vente produisait une somme plus forte que les termes échus, la moitié serait pour l'inventeur primitif, l'autre moitié pour le gouvernement. Ce serait une manière de reconnaître les droits de l'inventeur. Ce serait aussi, pour le gouvernement, une ressource éventuelle, qui pourrait augmenter le produit de ce revenu.

Pour arriver à ce but, j'avais formulé la disposition suivante ;

« Si le titulaire est en retard d'accomplir une des conditions ci dessus, le gouvernement pourra mettre en vente ledit brevet sur la mise à prix de la taxe et supplément de taxe, dont on aura omis de faire le payement. »

Je le répèle, je tiens moins à l'adoption de cette dernière proposition qu'à celle du prolongement ou de la suppression du délai de déchéance.

M. de Steenhault. - Je complais précisément prendre la parole pour parler de la déchéance pour non-exploitation du brevet dans le délai de deux ans, qui me paraît, comme à l'honorable préopinant, beaucoup trop rigoureuse.

La déchéance de plein droit pour non-payement de la taxe pourrait avoir des conséquences très graves. Il peut arriver que le brevelé soit absent et qu'à son retour il se trouve déchu. En toute autre matière nous avons au moins un avertissement avant d'être passible d'une peine quelconque. La déchéance ne devrait, ce me semble, être prononcée qu'en cas de refus de payement de la taxe constaté par un avertissement. Je crois que l'on pourrait utilement modifier en ce sens les termes de la loi. La disposition ainsi modifiée serait beaucoup moins dure

Je proposerai à la Chambre de rédiger le littera B de l'article 10 de cette façon ;:

« En cas de refus de la taxe fixée à l'article 3 ci-dessus... »

M. Van Overloop. - Je propose de modifier le paragraphe 2 de l'article 10 delà manière suivante :

« En cas de non-acquittement de la taxe fixée à l'article 3 ci-dessus, dans la huitaine de l'avertissement donné par écrit au domicile élu par le breveté. »

Je crois que par cet amendement je me mets d'accord avec l'honorable baron de Steenhault et que toutes les difficultés disparaissent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la disposition contre laquelle on s'élève en ce moment est précisément une de celles qui n'ont donné lieu jusqu'à présent à aucune réclamation fondée. Dans la loi de 1817, il se trouvait une disposition analogue. Seulement elle n'était pas aussi précise que celle qui vous est soumise.

Il faut, messieurs, dans toute question de brevet, se préoccuper d'un double intérêt : l'intérêt des inventeurs, et celui-là me paraît suffisamment garanti par le projet en discussion, puis l’intérêt de l'industrie. Sous ce rapport on a pris le temps le plus long pour qu'un brevet puisse être sérieusement exploité.

Il est évident que tout objet d'industrie peut être exploité dans un (page 194) délai de deux ans. Nous n'en connaissons pas en général qui exige un temps plus long pour être mis en pratique. Mais si néanmoins il arrivait de ces circonstances exceptionnelles à raison desquelles un temps plus considérable serait nécessaire, s'il se présentait de ces événements de force majeure comme ceux auxquels on a fait allusion, des crises politiques, des crises financières ou des événements qui affectent la personne de l'inventeur et le placent pour quelque temps dans l'impossibilité de produire, le projet y pourvoit.

Il exprime la réserve pour le gouvernement de pouvoir, en toute circonstance semblable, prolonger les délais. Mais ce que vous devez vouloir, c'est que l'exploitation dos brevets devienne une chose certaine, une chose sérieuse et que l'on ne fasse pas languir indéfiniment l'industrie nationale dans la perspective d'une invention ou d'un perfectionnement que, remarquez-le bien, l'inventeur ou l'importateur pourrait avoir jusqu'à un certain point intérêt à ne pas exploiter en Belgique.

En effet, il pourrait arriver qu'en inventeur étranger, breveté chez lui, obtînt un brevet d'importation en Belgique et que cet inventeur eût intérêt à exploiter sa découverte exclusivement dans son pays.

Ainsi il pourrait s'entendre avec des constructeurs de son pays pour fournir à tous les pays étrangers, même à celui où il aurait eu la précaution de prendre un brevet d'importation, pour enchaîner le travail national, et faire attendra à l'industrie de ce dernier pays, les bienfaits de la découverte.

C'est pour nous mettre en garde contre des faits semblables que le gouvernement a cru devoir proposer, et qu'il insiste fortement pour que le temps soit fixé dans la loi et ne dépasse pas le délai de deux ans.

Je le répète, dans les cas exceptionnels, le gouvernement pourra accorder un délai plus long.

On demande pourquoi le gouvernement serait juge de ces cas. Mais peut-on supposer que le gouvernement prendra vis-à-vis des inventeurs une position hostile. Messieurs, quel est l'intérêt du gouvernement ? N'est-il pas, comme celui de la législature, de favoriser par tous les moyens possibles le travail national ?

Mais aussi l'intérêt du gouvernement, et cet intérêt c'est celui du pays, est de mettre un terme à l'esprit de spéculation qui pourrait faire de l'obtention d'un brevet une affaire d'agiotage qui, loin de profiter au travail national, tournerait au détriment de l'industrie du pays et au profit du travail étranger.

Par ces considérations je crois qu'il y a lieu de maintenir le délai de deux ans.

On s'est aussi occupé du littera B, qui prononce la déchéance en cas de non-acquittement de la taxe.

M. le président. - Si vous le permettez, je donnerai lecture de l'amendement de M. de Steenhault. M. de Steenhault propose de rédiger le littera b en ces termes :

« En cas de refus de payement de la taxe fixée à l'article 3 ci-dessus. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Eh bien, je crois qu'une demande du gouvernement pour se faire payer une somme de 10 francs, de 20 francs, est chose parfaitement inutile. On veut une mise en demeure. Mais la mise en demeure coûterait autant que la taxe. En second lieu, la mise en demeure est perpétuelle ; elle commence du jour où l'inventeur obtient son brevet. Car dans ce brevet se trouve inscrite l'obligation qu'il contracte de payer annuellement la taxe mentionnée à l'article 3. Tout le monde est averti que quand on obtient un brevet, il faut payer, et qu'une obligation comme celle-là est une obligation sérieuse.

Je crois qu'il n'est pas nécessaire de multiplier les écritures et les formalités pour des cas semblables.

M. Lesoinne. - Messieurs, je pense qu'il vaudrait mieux supprimer le paragraphe 2 de l'article 10. Il est une chose certaine, c'est que l'inventeur lui-même, le propriétaire du brevet d'invention comme le propriétaire du brevet d'importation a le plus grand intérêt à ce que son invention soit mise en pratique. Cependant si l'on voulait faire une distinction pour les brevets d'importation, bien qu'elle ne me paraisse pas utile, je ne m'y opposerais pas.

Pour les brevets d'invention, le gouvernement demande à rester juge de la nécessité de prolonger les délais pour la mise en pratique de l'invention et je le conçois. Car il y a des inventions qu'il ne dépend pas de l'auteur de mettre en pratique même dans le délai de deux ans. Je suppose l'invention d'un système de ponts. S'il ne se présente pas de ponts à construire, l'inventeur ne pourra mettre son système en pratique. Il en sera de même en cas d'invention d'un système nouveau de chemin de fer, d'un système nouveau de haut fourneau.

L'article ajoute : « Sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera. » Mais pourquoi donner au gouvernement un pouvoir aussi exorbitant que celui de priver un inventeur de son brevet ?

J'ajouterai que le gouvernement n'a pas intérêt à cela. Le gouvernement a renoncé à l'examen préalable, pourquoi voulez-vous lui donner ici une espèce de deuxième examen préalable, l'examen du point de savoir si l'inventeur a pu ou n'a pas pu mettre son invention en pratique ? Je crois que le gouvernement perdra à faire tomber un brevet dans le domaine public au moment où il allait rapporter 10 fr. de plus. J'engage le gouvernement à retirer son article ; s'il veut le limiter aux brevets d'importation, je ne m'opposerai pas à ce qu'il soit maintenu, dans ces limites, bien que je n'en voie pas la nécessite.

M. Roussel. - Messieurs, il m'est impossible de partager la manière de voir de l'honorable ministre de l'intérieur relativement à la nécessité d'un terme rigoureux fixé par le littera « a » de l’article 10. Quant aux brevets d'invention il est évident que l'Etat belge n'a pas intérêt à contraindre l'inventeur à l'exploitation du brevet endéans les deux années si la nature de l'invention ne le permet pas. Dans le cas contraire, si la nature de la découverte le permet, nul n'est plus intéressé qne l'inventeur à l'exploitation du brevet.

L'observation de M. le ministre de l'intérieur, quant à l'importateur, est fondée : il est possible que l'importateur, voulant conserver son invention au marché de son pays, vienne demander un brevet en Belgique sans l'exploiter dans ce pays. La suppression du littera « a » de l'article 10 aurait donc un inconvénient, sous ce rapport ; mais la limitation de cet article aux brevets d'importation seulement pourrait présenter de grands avantages.

Je crois donc que toute la question se résume dans la substitution des mots « brevets d'importation » au mot « brevets » pur et simple, qui se trouve dans le littera « a ».

Quant au point de savoir ce qui doit arriver en cas de non-acquittement de la taxe, j'estime que le projet dit tout ce qu'il doit dire : il est impossible de ne pas considérer comme en demeure une personne qui s'est engagée à payer annuellement une taxe.

Veuillez, messieurs, observer qu'il ne s'agit pas d'une somme à payer en une seule fois et dont le terme et la quotité pourraient échapper à la mémoire ; c'est au contraire un payement annuel duquel il s'agit et au moyen duquel on doit obtenir un avantage permanent qui par conséquent ne se peut oublier. Il serait peu convenable, à mon avis, d'exiger que l'Etat dût mettre un débiteur en demeure pour obtenir un résultat si simple et si naturel.

M. E. Vandenpeereboom. - D'après ce que m'a répondu M. le ministre de l'intérieur, il me semble qu'il a trouvé mon amendement incomplet plutôt que défectueux. Pour éviter l'inconvénient qu'il a signalé, je proposerai d'ajouter à la fin de la disposition ces mois : « et pourvu que le brevet ne soit pas exploité à l'étranger. » De cette manière, il sera de l'intérêt du détenteur du brevet de l'exploiter le plus tôt possible en Belgique. Ce que je veux par dessus tout c'est de faire repousser un délai trop court, et, si la chose était possible, de supprimer tout terme de déchéance.

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, l'obligation d'exploiter dans le pays l'objet pour lequel on a été breveté, n'a pas fait, de la part des sections ni de la part de la section centrale, l'objet d'un examen approfondi ; seulement la sixième section avait proposé la suppression de ce paragraphe, et la section centrale en avait adopté le maintien, mais le rapport ne donne pas les motifs de ce vote.

L'opinion que je viens exprimer est celle que je me suis faite en examinant de plus près la question, et conséquemment, c'est mon opinion personnelle.

Il me semble, messieurs, que l'obligation d'exploiter dans le pays, endéans les deux années, l'objet pour lequel on a été breveté, est inutile.

En effet, lorsqu'on a approfondi cotte question dans la grande commission, deux opinions différentes se sont fait jour : les uns, c'est-à-dire ceux qui veulent attacher aux inventions un caractère de propriété, disaient : Il est inutile d'exproprier l'inventeur dans un terme si court, puisque personne, pas même le gouvernement, n'y peut rien gagner ; l'invention est bonne ou mauvaise ; dans le premier cas, l'inventeur la mettra en œuvre aussitôt qu'il pourra le faire ; dans le second cas, la société n'a aucun intérêt à ce que l’invention soit appliquée.

Du reste l'inventeur se soumet à une taxe annuelle et progressive, et il aura soin d'examiner tous les ans s'il a intérêt à en commuer le paiement ; s'il trouve qu'il n'a pas cet intérêt, il renoncera de lui-même à son brevet. Lorsqu'on a discuté en France, en 1844, la loi sur les brevets, cette obligation a été également controversée. Un orateur, M. Arago, a soutenu que pour qu'une invention de quelque importance puisse s'implanter dans un pays, il lui faut un temps beaucoup plus long que deux ans, et il a cité, à l'appui de son assertion, les exemples suivants :

Fourneyron n'a pas réussi à établir une seule de ses turbines ;

La perrotiue n'a pu s'introduire qu'après onze années ;

M. le Blanc, qui a inventé le moyen d'extraire la soude du sel marin, est mort de faim ;

M. Girard, l'inventeur de la filature du lin, n'a pas trouvé moyen d'établir son industrie eu France ;

Le célèbre Watt est resté huit années avant de faire accueillir sa principale invention.

Ainsi, messieurs, d'une part, impossibilité de mettre en œuvre une invention quelque peu importante dans un délai de deux ans, et, d'autre part, inutilité pour le gouvernement de forcer l'inventeur à exploiter dans un si bref délai l'objet pour lequel il a été breveté.

Je dois, messieurs, faire une autre observation. Ni en Angleterre, ni aux Etats-Unis d'Amérique, ni en Russie, ni en Saxe, la loi ne fixe de délai ; tandis que la France, la Suède, le Portugal et le Wurtemberg ont adopté celui fixé par la loi du 25 janvier 1817, c'est-à-dire, deux ans. En Prusse, en Autriche, en Espagne, dans les Etats-Romains et au Hanovre, on n'accorde qu'un an à six mois.

La commission, qui a fixé son attention toute particulière sur ce fait, en tire cette conclusion que plus l'industrie est développée dans un pays, plus on peut prolonger le délai dans lequel l'invention doit s'exploiter.

(page 195) D'où vient, se demande ladite commission, cette différence ?

Précisément de la cause que je viens d'indiquer ;; ainsi elle dit (page 53 de son Rapport) : « Dans un pays comme l'Angleterre, on est certain d'avance, que si un inventeur ne met pas sa découverte en pratique, c'est qu'elle est mauvaise ; car les capitaux et les débouchés n'y manquent jamais aux bonnes entreprises, et l'on ne s'inquiète pas de ce qu'elle devient, parce que l'on est certain aussi que son auteur n'ira point la porter à l'étranger, ou que, s'il l'y portait, ce serait sans préjudice pour l'industrie anglaise. »

Je crois, messieurs, que notre industrie est assez avancée pour que nous puissions nous dispenser d'imposer aux brevetés d'exploiter, dans un délai si court, l'objet de leur invention.

Quant à l'observation faite tantôt par M. le ministre de l'intérieur concernant les brevets d'importation, il me paraît aussi pouvoir résulter pour le travail national certain préjudice si l'objet breveté était exploité à l'étranger sans l'être en Belgique.

La commission a également examiné la question qui nous occupe, et elle a décidé, à la majorité de ses membres, qu'il était inutile de prescrire l'exploitation d'un brevet endéans les deux années ; mais comme correctif à ce principe absolu, elle a adopté la mesure suivante :

« Que si l'invention est mise en pratique à l'étranger, le breveté sera tenu de l'exécuter en Belgique, dans les deux années suivantes au plus tard ; toutefois, comme la mise en pratique à l'étranger pourrait n'être pas connue du breveté, elle n'a fait partir ce délai que du jour où le gouvernement, la lui aura notifiée. »

Cette disposition faisait l'objet de l'article 75 de l'avant-projcl de loi, ainsi conçu :

« Toute personne brevetée pour un objet d'industrie est tenue de mettre en oeuvre, ou d'exécuter son brevet en Belgique dans les deux ans, à partir de la notification qui lui aura été faite de l'exécution du même objet à l'étranger. »

De tout ce qui précède, messieurs, il résulte pour moi l'évidence la plus complète qu'il est inutile d'inscrire dans la loi l'obligation d'exploiter dans un terme aussi court que celui qui est proposé par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On veut bien convenir, messieurs, qu'il y a un danger contre lequel on doit se prémunir ; celui d'un étranger breveté chez lui et qui, à la faveur d'un brevet pris en Belgique viendrait nous empêcher d'exploiter l'objet de ce brevet, que cependant il n'exploiterait pas lui-même dans notre pays.

L'idée qu'on fait breveter n'est pas une idée dont on soit maître absolu : elle peut germer dans plusieurs têtes à la fois ; et voici la singulière position qu'on ferait à l’industrie et aux inventeurs : celui qui aurait obtenu un brevet et qui le mettrait dans sa poche empêcherait tout autre ayant conçu la même idée que lui, d'utiliser la découverte et d'en faire profiter l'industrie nationale.

Il n'est pas juste de dire, comme le font l'honorable M. Lesoinne et l'honorable M. Vandenpeereboom, qu'il n'y a de danger qu'en ce qui concerne les importateurs ; je dis que le danger est peut-être plus grave encore lorsqu'il s'agit d'un inventeur qui pourrait paralyser l'invention pendant toute la durée du délai qui lui aurait été accordé.

Par lous ces moyens, je pense, messieurs, que le délai de 2 ans est suffisant.

M. Allard. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour citer un exemple qui fera voir à la Chambre qu'il est nécessaire de maintenir le paragraphe tel qu'il est.

Il y a quelques années, une société charbonnière, qui avait dépensé 1,500,000 francs pour le passage d'un fort niveau et de sables mouvants, a employé un nouveau système par l'air comprimé. Un brevet avait été pris en Belgique ; ce brevet n'était pas exploité ; eh bien, cette société, au risque d'avoir un procès avec le breveté, est allée en avant et, avec 100,000 fr., elle a passé le niveau : ce qu'elle n'avait pu faire avec 1,500,000 fr.

M. Lesoinne. - Messieurs, je persiste à croire qu'on ferait mieux de supprimer ce paragraphe. Le gouvernement peut s'attirer des désagréments dans l'appréciation qu'il aura à faire des prolongations à accorder ou à refuser. Ce sera pour lui une position assez difficile. Je pense qu'on ne devrait pas même faire de différence pour les brevets d'importation.

Je suppose qu'un inventeur étranger prenne un brevet d'importation en Belgique et qu'il lui soit impossible de le mettre en œuvre dans les deux ans ; il aura exploité son brevet dans on ; pays, et le brevet tombera en Belgique dans le domaine public. Cela peut engager les inventeurs étrangers à ne pas demander de brevets en Belgique.

On considère les brevets comme quelque chose de nuisible à la généralité ; on dirait que c'est un vol fait à la société. Je crois que la société n'a pas intérêt à ce que les brevets tombent dans le domaine public. La spécialisation des idées ne sera pas un mal, selon moi ; aujourd'hui que les carrières sont encombrées, si on ouvre à l'intelligence des populations le champ de l'invention, si on les pousse vers ce champ sans limites, je crois que ce sera un bien. Il me semble que le gouvernement ferait bien de renoncer à ce droit de juger s'il faut ou non accorder une prolongation.

M. Roussel. - Messieurs, l'objection présentée par M. le ministre de l'intérieur ne me paraît pas concluante. « Un inventeur belge, dit-il, pourrait prendre en Belgique un brevet d'invention, c'est à-dire, une concession de la propriété de son idée à l'effet d'empêcher les autres d'exploiter cette même idée, et il irait à l'étranger où il livrerait son idée à l'exploitation. »

Messieurs, je ne vois là rien qui ne soit un droit du breveté. Si le breveté trouve plus avantageux pour lui d'exploiter son idée à l'étranger, lui, Belge, n'a-t-il pas vis-à-vis de la Belgique la faculté de conserver la propriété de son idée et de mettre, dans l'intérêt de la Belgique, cette idée en œuvre là où elle doit produire les résultats les plus fructueux ?

Sans m'associer à toutes les opinions qui ont été professées sur le monautopole, je pense que, dans l'intérêt même de l'idée que le génie d'un homme a fait éclore, vous ne pouvez pas refuser à cet homme les moyens d'exploitation qui lui paraissent les plus propres à appliquer sa découverte. Ainsi je suppose qu'un Belge fasse une invention de la plus haute importance, pour laquelle il faille des capitaux qu'il ne trouverait pas en Belgique et qu'il se procurerait en Angleterre, à condition d'exploiter là ; irez-vous faire déchoir ce Belge de son idée, d'une propriété sacrée, parce que ce Belge aura été dans l'obligation d'exploiter son idée à l'étranger ? Je crois qu'il y aurait au fond d'une semblable décision une véritable iniquité.

Mais, me dira-t-on, pourquoi admetlez-vous le contraire, relativement à l'inventeur étranger, importateur de son idée ? La raison en est fort simple : là, il peut y avoir concurrence de nation à nation ; on pourrait soupçonner, de la pari de l'étranger, le désir d'empêcher le progrès de l'industrie belge, en s'assurant la propriété exclusive de son idée sur la territoire belge.

Le cas est tout différent. En d'autres termes, dans le système qui fait l'objet de l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau, la Belgique se trouve en présence d'un étranger arrivant sur le sol belge et venant y usurper un monopole nuisible à l'industrie indigène.

Mais quant à l'inventeur belge, on ne peut l'empêcher d'exploiter son idée à l'étranger, s'il le juge utile. Il me semble que les saines idées de droit et d'équité répugnent au littera « a » de l'article 10 dans sa portée absolue. En conséquence, j'ai pris la liberté de déposersur le bureau un amendement par lequel je restreins la disposition du littera « a » aux brevets d'importation, dans le cas où le titulaire n'aura pas exploité l'invention importée dans les deux ans, laissant encore le gouvernement juge de la question de savoir s'il ne doit pas prolonger le délai à l'égard de cet étranger lui-même.

M. le président. - Voici l'amendement présenté par M. Adolphe Roussel :

« a. Lorsque, dans l'espace de deux années, à partir du brevet d'importation, le titulaire n'aura pas exploité l'invention importée, sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera. »

Voici un nouvel amendement qui a été présente par M. Deliége :

« Remplacer l'article 10 par les dispositions suivantes :

« Art. 10. Le brevet sera nul de plein droit en cas de non-payement dans le mois de l'échéance de la taxe fixée par l'article 3. »

« Art. 11. Le brevet pourra élre annulé par le gouvernement, lorsque dans l'espace de deux années, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention. »

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, il y a quelque chose de fondé dans les observations qui ont été présentées tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur, par rapport à la mise en œuvre à l’étranger d'un objet breveté d'invention en Belgique. C'est pour ce motif que la commission qui a élaboré l'avant-projet de loi sur les brevets d'invention avait adopté l'article 81 ainsi conçu :

« a. Les contrefaçons, le débit, l'exposition en vente, le recèlement et l'importation d'objets contrefaits ne donnent lieu à aucune saisie ni poursuite s'ils sont antérieurs à l'exécution, légalement constatée, du brevet. »

M. Deliége. - Le but de mon amendement est très clair. L'article 10 du projet de la section centrale porte : « Un brevet sera nul de plein droit pour les causes suivantes :

« a. Lorsque dans l'espace de deux années, à partir dela date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention, sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera.

« b. En cas de non acquittement de la taxe fixée à l'article 3 ci-dessus. »

Vous vous serez aperçus, messieurs, qu'il y a dans cet article deux espèces de nullité : l'une qui a lieu de plein droit, par la seule échéance du terme. Elle fait l'objet du paragraphe littera b ; l'autre, qui fait l'objet du paragraphe a, n'a pas lieu de plein droit ; elle est en quelque sorte à la disposition du gouvernement ; c'est ce qui résulte évidemment de ces mots : « Sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera. »

De là, la nécessité de faire deux articles.

Il m'a paru ensuite qu'il serait dur pour un breveté de voir annuler son brevet par la seule échéance du terme de payement ; qu'il fallait an moins lui accorder un délai d'un mois à partir de cette échéance.

Tant que le terme n'arrive pas, le receveur chargé de la perception ne pourra pas envoyer d'avertissement ; si, au contraire, vous adoptez mon amendement, le receveur chargé de la perception de la taxe s'empressera d'envoyer, à l'échéance, un avertissement au breveté qui saura qu'il n'a qu'un mois pour payer et se mettra en mesure. Je pense donc qu'il faut substituer au littera b l'article 10 que je vous propose.

J'en viens à l'article 11.

(page 196) Au lieu de « un brevet sera nul de plein droit pour les causes suivantes a) lorsque dans l'espace de deux ans, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention, sinon pour des raisons dont le gouvernement jugera. »

Je propose de dire : « Le brevet pourra être annulé par le gouvernement, lorsque dans l'espace de deux années, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention. »

Au lieu des mots « le brevet est nul de plein droit », je propose de dire : « le brevet pourra être annulé... »

Je crois que cette modification doit être adoptée, car la rédaction admise par la section centrale est, à mon avis, vicieuse. On ne peut pas dire qu'un brevet est nul de plein droit quand on ajoute plus loin que le gouvernement pourra relever de la déchéance. D'après le texte, voici ce qui peut arriver :

J'ai un brevet ; dans les deux ans je ne l'exploite pas. Après ce délai un tiers fait ce que je me proposais de faire. Il s'agit d'une invention concernant les locomotives.

Un mécanicien construit une locomotive d'après le procédé que j'ai inventé. Immédiatement après, le gouvernement pourra déclarer que cette locomotive ne peut pas entrer dans le commerce, car il pourra me relever, moi breveté, de la déchéance que j'ai encourue.

Il faut donc dire que c'est au gouvernement à déclarer la nullité du brevet. Comme la loi sera rédigée alors, il y aura un ordre logique dans les trois articles : l'article 10 contiendra la nullité de droit, l'article 11 la nullité à prononcer par le gouvernement, et l'art. 12 (11 ancien) les nullités qui pourront être prononcées en justice.

M. de Haerne. - Dans l'article dont il s'agit, comme dans plusieurs autres dispositions de ce projet, nous sommes en présence de deux intérêts distincts et souvent contradictoires. D'un côté, nous avons l'intérêt de l'inventeur qui se confond avec l'intérêt général, et de l'autre, l'intérêt de l'industrie prise en général. Il est toujours difficile de trancher la ligne de démarcation entre ces deux intérêts. Dans l'application à l'objet qui nous occupe, c'est d'autant plus difficile, qu'il y a beaucoup d'amendements qui surgissent au milieu de la discussion.

On a fait ressortir, c'est l'honorable M. Deliége, que la rédaction de l'article était vicieuse, dans ce sens que, d'un côté, on accorde un droit au gouvernement, et de l'autre on le lui enlève ; d'un côté, il y a une règle à établir en faveur de l'inventeur, de l'autre il faut prendre des précautions dans l'intérêt public. Le gouvernement doit être juge des circonstances, mais on ne peut pas lui donner toute latitude, car la disposition deviendrait inutile ; la question à examiner est celle de savoir dans quels cas et à quelles conditions le gouvernement sera appelé à porter exception aux droits stipulés en faveur de l'inventeur ou de l'importateur.

Les divers amendements qui surgissent prouvent que la question n'est pas suffisamment mûrie. Je propose le renvoi de l'article et des amendements à la section centrale. Elle nous fera un rapport et des propositions. Nous y verrons plus clair et nous pourrons adopter une rédaction plus logique.

M. K’Tint de Naeyer. - Puisque tous les amendements sont renvoyés à la section centrale, je l'engage à examiner s'il ne serait pas plus simple, en ce qui concerne les article 4 et 5 du projet actuel, de se rapprocher des dispositions analogues de la loi de 1817 (articles 7 et 8) qui avaient été maintenus dans le projet de l'honorable M. Rogier présenté le 4 février 1852 (articles 4 et 10).

Il ne faut pas perdre de vue que la jurisprudence est fixée sur cette matière depuis longtemps, et je ne sache pas qu'elle ait soulevé de sérieuses critiques.

M. de Perceval. - Contrairement à ce que vient de dire l'honorable préopinant, j'engagerai la section centrale à laisser dans l'oubli la loi de 1817 et à ne pas se préoccuper le moins du monde des mauvaises dispositions qu'elle renferme.

Nous faisons en ce moment une loi nouvelle, et nous ne devons pas aller puiser nos inspirations aux idées réactionnaires dans lesquelles a cté conçue la loi de 1817.

M. Lesoinne. - Je dirai que nous avons examiné en section centrale la loi de 1817 comme les autres lois sur la matière, et notamment les articles que l'honorable M. T'Kint a cités, ainsi que celui relatif à la déchéance ; nous l'avons repoussé comme un des plus mal imaginés en fait de brevets. C'est celui qui a donné lieu aux procès les plus préjudiciables aux inventeurs.

M. T'Kint de Naeyer. - ; Il va évidemment malentendu ; mon intention n'est pas le moins du monde de ressusciter la loi de 1817 en ce qu'elle a de vicieux. Je me suis borné à appeler votre attention sur deux dispositions qui avaient été en grande partie maintenues dans le projet de loi primitif.

M. Van Overloop. - Vous avez adopté tantôt un amendement de l'honorable M. T'Kint de Naeyer qui soumet à un droit fixe l'enregistrement des brevets dans le cas de transmission entre-vifs.

Mais cet amendement ne s'occupe pas de la transmission par décès. Puisque la section centrale doit s'occuper de l'article 10, ne pourrait-elle pas s'occuper aussi de cette question ? Je ne fais cette remarque que dans le but de prévenir des diilicullés dans la suite.

- La chambre, consultée, renvoie l’article 10 à l'examen de la section centrale.

Articles 11 et 12

M. le président. - L'article 10 peut être de nature à exercer de l'influence sur les articles 11 et 12. Je propose donc d'ajourner aussi la discussion de ces deux arlicles.

- Cette proposition est adoptée.

Article 13

« Art. 13 (12 ancien). Les brevets qui ne sont ni expirés ni annulés à l'époque de la publication de la présente loi, continueront d'être régis par la loi en vigueur au moment de leur délivrance.

« Néanmoins, il sera libre aux titulaires de faire, dans la première année qui suivra la publication de la présente loi, une nouvelle demande de brevet dans la forme qui sera déterminée par arrêté royal.

« Dans ce cas, le brevet pourra continuer à avoir cours pendant tout le temps nécessaire pour parfaire la durée de vingt ans, sauf ce qui est dit à l'article 5.

« Les brevets de ceux qui voudront user du bénéfice de cette disposition seront régis par la présente loi ; toutefois, les procédures commencées avant la publication de la présente loi seront mises à fin, conformément à la loi antérieure.

« Les titulaires de ces brevets qui auront acquitté la totalité de la taxe primitive payeront, après l'expiration du terme qui avait d'abord été assigné à leur privilège, les taxes afférentes aux années suivantes, d'après ce qui est déterminé à l'article 5.

« Quant aux titulaires des brevets qui n'auraient point soldé la taxe fixée comme prix d'acquisition du brevet primitif, il leur sera tenu compte des versements qu'ils auront déjà opérés, et les annuités seront réglées d'après les versements faits, conformément à l'article 5. »

- Cet article est adopté.

M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin du projet de loi. Il reste à la chambre à statuer sur les articles 4, 10, 11 et 12, et sur les amendements qui s'y rapportent.

- La chambre fixe la séance de demain à une heure.

Rapports sur des pétitions

M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruges, le 12 juin 1853, le sieur Thylis demande un subside pour faciliter l'établissement d'une fabrique de couvertures. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 8 juin 1853, le sieur Van Genabel, ancien militaire, demande une gratification. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 15 juin 1853, le sieur Maison, ancien militaire, demande une gratification. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Cruysstraet, le 6 novembre 1853, le sieur Deschrijver, sous-lieutenant des douanes pensionné, demande que les douaniers, organisés en compagnies par le directeur des contributions de la Flandre occidentale, qui ont fait volontairement la campagne de 1851, soient considérés, pour la liquidation de leur pension, comme s'ils avaient été organisés par les ordres du ministre des finances. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d'explications.

- Adopté.


M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 28 juin 1853, le sieur Cappane prie la Chambre de lui faire obtenir une place. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Orban, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 4 juin 1853, le sieur Sénault, capitaine pensionné, prie la Chambre de lui faire obtenir une pension à titre de receveur à vie, ou une augmentation de pension. »

Conclusions : Renvoi à MM. les ministres des finances et de la guerre.

M. Roussel. - Le pétitionnaire est un ancien capitaine qui a pris part aux combats pour l'indépendance de la Belgique. Auparavant, il exerçait les fonctions de receveur, et dans la liquidation de sa pension il ne lui a pas été tenu compte de ses services civils. Il allègue de nombreux motifs pour que sa pension soit réglée d'une autre façon. Il s'est adressé plusieurs fois au département de la guerre, et a reçu des réponses négatives. J'appuie les conclusions de la commission. Je demanderai même que le renvoi soit prononcé avec demande d'explications. Cette pétition mérite bien cet honneur, le pétitionnaire ayant servi la nationalité belge.

M. Orban, rapporteur. - Je dois déclarer à la chambre qu'après l'examen que nous avons fait de la pétition de M. Sénault nous n'avons pas trouvé des motifs assez sérieux pour que je puisse appuyer la demande d'explications, Nous avons cru agir très favorablement à l'égard du pétitionnaire, en proposant le renvoi à MM. les ministres de la guerre et des finances. Peut-être aurions-nous dû proposer l'ordre du jour ; car ces réclamations sont exclusivement de la compétence des ministres. Comme ils avaient examiné la réclamation et qu'ils avaient statué négativement, nous aurions pu proposer l'ordre du jour.

C'est par une faveur toute particulière et à cause de la qualité toute spéciale du pétitionnaire que nous avons proposé le renvoi à MM. les ministres des finances et de la guerre.

M. Roussel. - Je crois, messieurs, que la commission des pétitions est dans l’erreur : les questions que soulève le pétitionnaire ne sont pas exclusivement du ressort de MM. les ministres.

(page 197) Parfois ces questions rentrent dans le cadre de celles dont les tribunaux peuvent avoir à s'occuper.

Le pétitionnaire, avant de s'adresser aux tribunaux, prie la chambre de réclamer des explications au gouvernement ; il me semble que nous ne pouvons pas refuser cette déférence à un homme qui a exposé sa vie pour la conquête de notre indépendance.

- Le renvoi à MM. les ministres des finances et de la guerre, et la demande d'explications sont successivement mis aux voix et adoptés.

M. Orban, rapporteur. - « Le sieur Dehaes prie la Chambre de le faire indemniser des effets d'habillement qu'il a perdus en travaillant à éteindre l'incendie de la scierie à vapeur, à Molenbeek-St-Jean, le 26 juillet 1846. »

Conclusion ;: renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. Orts (pour une motion d’ordre). - Je désirerais savoir s'il entre dans les intentions de la Chambre d'aborder demain la discussion du budget des travaux publics ; il est bon qu'on soit prévenu du jour d'une semblable discussion, afin qu'on puisse s'y préparer. Il m'est revenu que ce budget ne pourrait pas être discuté demain ; alors il n'y aurait rien à l'ordre du jour.

M. le président. - Nous aurons demain la reprise de la discussion de la loi sur les brevets d'invention.

M. Orban. - L'honorable préopinant me fournit l'occasion de rappeler à la chambre qu'il y a un rapport à faire sur le Code forestier et que, s'il n'y a rien à l'ordre du jour, c'est parce que ce rapport n'est pas encore déposé.

M. le président. - La commission s'est réunie tantôt ; le rapport sera présenté demain.

M. Orts. - Je répondrai à l'honorable M. Orban qu'il n'entre pas dans mes habitudes de rapporteur d'une commission, de faire le rapport avant que la commission n'ait délibéré.

La commission a été en séance jusqu'à l'heure où la Chambre s'est réunie et, à moins de condamner le rapporteur à ne pas assister à la séance publique ou à faire son rapport pendant cette séance, on ne peut pas lui reprocher de n'avoir pas encore présenté son travail.

M. Orban. - Je n'ai pas voulu faire de reproche à l'honorable membre, je n'ai pas l'habitude de séparer le rapporteur de la commission ; mais comme l'honorable M. Orts disait qu'il n'y aurait rien à l'ordre du jour de demain, j'ai cru devoir lui rappeler le rapport à faire sur le Code forestier.

M. le président. - La commission du Code forestier s'est réunie avant-hier, le lendemain du jour où les amendements lui avaient été renvoyés ; elle n'a pas pu prendre de décision dans cette première séance ; elle devait se réunir de nouveau hier, mais M. le Ministre de la justice dont la présence était nécessaire, ayant fait connaître qu'il ne pourrait pas être présent, la séance a été remise à aujourd'hui ; aujourd'hui la commission a terminé son travail et le rapport sera déposé demain. On y a mis toute la diligence possible.

M. Osy. - Je trouve l'observation de l'honorable M. Orts très juste et je crois que la chambre fera bien de décider qu'elle ne s'occupera que lundi du budget des travaux publics. Chacun sera prévenu et pourra se préparer à cette discussion.

M. Rodenbach. - Messieurs, le rapport sur le budget des travaux publics n'est pas complet. Il ne s'occupe pas du chapitre relatif au chemin de fer. Je ne sais dès lors si l'on peut fixer la discussion à lundi. Il me paraît rationnel de ne la commencer que lorsque nous aurons reçu le complément du rapport. Je crois donc que le jour de cette discussion devrait être fixé ultérieurement.

M. Rogier. - Avant de mettre à l'ordre du jour non pas le budget des travaux publics, mais le rapport sur une partie de ce budget, je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il accepte la discussion sur une partie de son budget.

Jusqu'ici nous avons discuté des budgets entiers et non des fragments de budget. Toutefois je m'en référerai à l'opinion de M. le ministre. Mais je demande qu'où ne fixe pas l'ordre du jour avant de l'avoir entendu.

M. Osy. - Effectivement, messieurs, la section centrale ne nous a fait rapport que sur une partie du budget ; elle a laissé de côté tout ce qui concerne le chemin de fer et les postes. Mais je ne vois aucun inconvénient à discuter immédiatement le rapport qui nous est fait, sauf à nous occuper ultérieurement du rapport supplémentaire qui vous sera fait sur le chapitre des chemins de fer et des postes.

Il faut remarquer, messieurs, qu'il nous reste peu de temps avant l'époque à laquelle la chambre prend ordinairement des vacances, et que nous avons encore trois budgets importants à voter : celui des travaux publics, celui de l'intérieur et celui de la guerre.

Nous devons accélérer nos travaux, si nous ne voulons pas qu'à la fin de l'année nous soyons tellement surchargés de besogne que toute discussion deviendra impossible.

J'insiste donc pour qu'on commence lundi la discussion du budget des travaux publics.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Il est vrai que la section centrale n'a présenté son rapport que sur la première partie du budget des travaux publics. Mais quel en est le motif ? C'est qu'on s'est montré extrêmement pressé. On a dit que la Chambre devrait chômer si ce rapport n'était pas déposé.

Je dois dire que la section centrale n'a pas vu un grand inconvénient à faire un rapport partiel, parce qu'elle ne croit pas que lacronnexité entre le budget des travaux publics proprement dit, et celui du chemin de fer soit tellement intime que la Chambre ne puisse s'occuper du premier avant d'avoir le rapport sur le second.

Au surplus la section centrale jusqu'à ce jour ne s'est pas occupée du chemin de fer. Mais elle va s'en occuper immédiatement, et je déclare que je ne serai pas en défaut. Le lendemain du jour où la section centrale aura terminé son travail, j'aurai l'honneur de venir présenter le rapport à la chambre.

M. Rodenbach. - Messieurs, nous connaissons l'activité de l'honorable rapporteur ; mais je crois qu'il a été nommé dans la session dernière et il me paraît que depuis lors son travail devrait être achevé.

La marche que l'on nous propose ne me semble pas régulière. Voilà vingt-trois ans que je siège dans cette enceinte et jamais je n'ai vu qu'on s'occupât des budgets par fragments. Il n'entre pas dans les habitudes des gouvernements constitutionnels de discuter des lambeaux de budget.

Je persiste donc à demander qu'on ne fixe le jour de la discussion du budget des travaux publics que lorsque le rapport sera complet.

M. le président. - Je réclame quelques moments d'attention.

Pour la séance de demain, nous aurons la reprise de la discussion du projet de loi sur les brevets d'invention. J'ai déjà dit que le rapport sur les amendements relatifs à l'article 4, article très important, sera imprimé et distribué ce soir.

La section centrale vous fera probablement demain son rapport sur les amendements relatifs à l'article 10 ; ou pourrait donc terminer demain la discussion de cette loi.

Le rapport sur le budget de l'intérieur est à l'impression ; il sera distribué ce soir ou demain matin. Mais on ne pourra en aborder la discussion avant mardi ou mercredi.

Il n'est pas dans nos usages de discuter un budget par fragments. Cependant, si la chambre n'avait rien à l'ordre du jour, pour ne pas perdre de temps, elle pourrait s'occuper des deux parties du budget des travaux publics sur lesquelles il a été fait rapport. Cela ne nous empêcherait pas d'avoir plus tard une discussion libre et complète sur le chemin de fer.

Ce que nous pouvons faire de mieux aujourd'hui, c'est mettre à l'ordre du jour de demain la reprise de la discussion sur le projet de loi relatif aux brevets d'invention ; demain nous verrons ce que l'on pourra porter à l'ordre du jour de la prochaine séance. M. le ministre des travaux publics pourra être présent et faire connaître s'il accepte la discussion snr une partie de son budget.

Rapport sur une pétition

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition en date du 2 janvier 1853, l'administration communale de Saint-Gilles et autres habitants notables demandent l'observation des lois qui défendent la pêche en temps de frai. »

Les pétitionnaires, à l'appui de leur requête, avancent que dans quelques cours d'eau non navigables, la pêche est menacée d'une destruction complète, que le principal moyen de prévenir le dépeuplement progressif de nos rivières, c'est d'empêcher qu'on ne détruise le frai et le poisson du premier âge, que c'est sur la Senne surtout en amont de la capitale que s'exerce cette industrie, d'autant plus coupable qu'à l'époque du frai on prend le poisson avec une grande facilité ainsi que le frai qu'il porte, que de Bruxelles à Hal la rivière est occupée par un nombre incroyable det filets à cette époque. Ils ne demandent pas le bénéfice d'une loi nouvelle ; dans leur opinion les lois existantes plus ou moins tombées en désuétude, si elles étaient remises en vigueur et bien exécutées, suffiraient pour atteindre le but qu'ils vous proposent et faire cesser les abus qu'ils signalent. Ils terminent en établissant la comparaison entre les lois sévèrement exécutées sur l'exercice du droit de chasse et celles qui règlent le droit de pêche dans les rivières.

Votre commission, considérant qu'un but d'utilité générale a principalement guidé les pétitionnaires dans cette démarche ; considérant, en outre, que la Chambre a accueilli avec bienveillance les observations présentées par notre honorable collègue, M. Vandenpeereboom, dans la séance du 16 février 1853, sur l'utilité et les avantages de la pisciculture, a cru pouvoir vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.

La séance est levée à 3 heures et demie.