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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 27 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 501) M. Maertens procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Fayt-le-Franc prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer du Couchant de Mons à Gand, passant par la station de Thulin. »

« Même demande du conseil communal d'Athis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Flobecq prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleyc la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain vers Gand. »

- Même renvoi.


« Le sieur Hermans$ réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Grisail, chimiste, demande que les dispositions pénalessur la sophistication des denrées alimentaires soient revisées. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Gand déclare appuyer la demande de la ville de Renaix, relative à la construction d'un chemin de fer de Renaix à Gand, passant par Audenarde, pour aboutir par Leuze à Thulin. »

- Même renvoi.


« Le sieur J. Schneider, facteur rural à Martelange, né à Pelange (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs d'Hanins de Moerkerke et Helleboudt président et secrétaire de la société littéraire dite Yver en Broedermin demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Plusieurs instituteurs dans la province d'Anvers déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration de quelques habitants de Tourneppe. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Junes, Seldenslagh et autres membres de la société dramatique l'Espérance demandent que dans les provinces flamandes l'enseignement agricole se donne en flamand et que les tribunaux soient obligés de faire usage de la langue flamande lorsque l'accusé n'en connaît pas d'autres. »

- Même renvoi.


« Quelques habitants de Wielsbeke demandent que l'usage de la langue flamande soit obligatoire dans la correspondance administrative, dans les cours et tribunaux et dans l'enseignement agricole des provinces flamandes. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 26 janvier, M. le ministre de la guerre donne des explications sur la réclamation du sieur J. Van Lierde, boulanger à Alost, tendant à obtenir le payement d'une somme de 730 fr. 82 c. pour fournitures de pain et de bois effectuées à l'armée hollandaise pendant le mois de septembre 1830. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi de naturalisation

M. de Perceval, au nom de la commission des naturalisations, dépose un projet de loi ayant pour objet d'accorder une naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet, qui sera mis ultérieurement à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais d’administration dans les provinces

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur le chapitre IV : « Frais d'administration dans les provinces ».

M. Rousselle. - Messieurs, je n'avais pas l'intention de renouveler cette année les réclamations que j'ai fait entendre bien des fois au sujet de la classification et des traitements des employés des administrations provinciales. J'attendais avec confiance le résultat des études qui ont été annoncées dans le rapport de la section centrale ; car je suis convaincu que si, comme je l'espère, ces études sont dirigées avec la ferme volonté non seulement de mettre un ordre régulier dans cette branche du service public, mais aussi de rendre justice à tous, le grief que j'ai signalé viendra à cesser.

Mais mon nom a été prononcé au commencement de cette discussion par l'honorable M. de Steenhault, et si je gardais le silence ou pourrait croire que j'ai renoncé à faire valoir les droits de la province que je représente plus particulièrement ici. Loin de là, messieurs, je les réserve et je persisterai à les appuyer tant que justice ne lui aura pat été rendue. Je ne suis pas d'ailleurs fâché de mettre sous les yeux de la Chambre un détail que me fournissent les développements du budget dont nous nous occupons.

Il existe dans les administrations provinciales 311 employés de tous grades dont les salaires s'élèvent à la somme de 376,815 fr. ; c'est une moyenne par employé de fr. 1,211 62.

Cette moyenne est dépassée dans les cinq provinces suivantes : Anvers. 1,413 fr. 73 ; Brabant 1,339 fr. 56 ; Luxembourg 1,325 fr. 00 ; Limbourg 1,314 fr. 81 ; Flandre occidentale 1,214 fr. 70 Elle n'est pas atteinte dans les quatre autres provinces : Namur 1,161 fr. 20, Flandre oriental 1,153 fr. 84, Hainaut 1,100 fr. 83, Liège 1,042 fr. 85.

Dans ces calculs ne sont pas comprises les sommes de 3,000 francs et de 3,150 francs qui sont accordées extraordinairement aux deux provinces de la Flandre occidentale et de la Flandre orientale.

Je ne veux pas me prononcer maintenant sur ces différences ; je constate un fait. Nous le discuterons plus tard, s'il perdure, après le travail qui se prépare au département de l'intérieur, et quand la Chambre sera en possession de tous les éléments propres à en faciliter l'appréciation.

Je dois cependant déclarer que s'il se produit une proposition d'augmentation pour l'une ou l'autre province, je me croirai obligé d'en déposer une pour le Hainaut.

M. Verhaegen. - Messieurs, comme vous l'a dit, dans la séance d'hier, l'honorable M. de Steenhault, le chiffre de 105,975 irancs alloué à la province de Brabant dans les frais d'administration est évidemment insuffisante ; et cette province qui se trouve dans une position tout exceptionnelle, se trouve plus maltraitée dans la répartition faite au budget qu'aucune des huit autres.

Le travail auquel a fait allusion M. le ministre de l'intérieur et qui est en ce moment soumis à l'avis des députations permanentes n'a pour but que d'améliorer les positions par suite de vacances d'emplois, et par suite il ne fera pas cesser le grief de la province de Brabant, car le chiffre des employés dans cette province a atteint la dernière limite, et s'il fallait le réduire encore par suite de vacalures, l'administration en souffrirait dans ses parties essentielles.

Le Hainaut qui prend pat dans les frais d'administration pour une somme de 109,470 francs et qui par conséquent touche 3,500 francs de plus que le Brabant, se plaint également de la répartition, et, je crois, à juste litre.

Mais si le Hainaut a le droit de se plaindre, à plus forte raison le Brabant peut-il faire valoir sa juste prétention.

Sans nous occuper des autres provinces, établissons une comparaison entre le Hainant et le Brabant, et nous aurons la conviction que s'il y avait une différence à faire, ce devrait être au profit de cette dernière province.

Il est vrai que le Hainaut, à raison de ses mines, offre plus de grandes affaires à traiter que le Brabant ; mais dans le Brabant les affaires sont beaucoup plus considérables, outre qu'on en traite aussi de très importantes et par suite que le travail matériel y est beaucoup plus étendu.

Le Brabant, d'après le relevé du 1er janvier 1853, a une population de 758,519 âmes, et elle tend encore tous les jours à s'augmenter, tandis que le Hainaut n'en compte que 749,528.

Le nombre des pièces entrant annuellement dans les bureaux du Brabant dépasse aujourd'hui soixante mille, le nombre des pièces sortantes est encore beaucoup plus considérable ; dans le Hainaut le nombre des pièces entrantes et sortantes ne s'élève pas à moitié.

Les affaires soumises à la députation permanente du Brabant s'élèvent à plus de dix mille, et si cette députation ne se réunit pas tous les jours, c'est que chacun de ses membres examine, en dehors des séances, les affaires qui présentent quelques difficultés et en fait ensuite rapport à l'assemblée. La députation du Hainaut n'atteint pas la moitié de ce chiffre.

En regard des mines du Hainaut, nous pouvons placer pour le Brabant :

1° Les établissements considérés comme dangereux, insalubres ou incommodes dont le nombre s'élève à 6,807.

2° Les usines ou fabriques établies sur des cours d'eau au nombre de 459.

(page 502) 3° Les machines à vapeur au nombre de 109 dont la force exprimée en chevaux est de 1,561.

4° Les routes provinciales dont la longueur est de 374,561 mètres tandis que le Hainaut n'en a que 96,906 mètres.

Nous ne parlerons pas des routes de l'Etat qui sont à peu près égales dans les deux provinces.

5° Les chemins de grande communication au nombre de 65.

6° Les fondations de bourses d'étude donnant un chiffre de 412 tandis que celui du Hainaut n'est que de 118.

7° Les brevets d'invention, au nombre de 376, tandis que dans le Hainaut il n'est que de 28 ;

8° Les prisons et les dépôts de mendicité ;

9° La garde civique qui dans le Brabant donne autant de besogne que la milice ;

10° L'énorme travail qu'exigent les constructions le long des grandes routes, constructions qui pour le Brabant seul sont plus considérables que les constructions pour toutes les autres provinces réunies.

Ajoutons à tout cela que la somme des contributions est plus considérable dans le Brabant que dans le Hainaut, et que le budget provincial du Brabant est quatre fois plus élevé que celui du Hainaut qui est cependant le deuxième en rang.

Si, en les envisageant au point de vue administratif, les provinces de Brabant et de Hainaut peuvent être considérées comme d'une égale importance, on doit cependant tenir compte aux employés du Brabant du surcroît de dépenses résultant de leur résidence obligée dans la capitale où la vie est plus chère qu'en province.

Nous ne pouvons pas admettre la comparaison qu'on voudrait faire en répartissant les allocations des provinces, en raison du nombre d'employés. En effet telle province du deuxième et même du troisième ordre a quatre divisions et un personnel nombreux, tandis que le Brabant n'a que trois divisions et un personnel très restreint.

Il serait possible sans doute de réduire le nombre des employés dans certaines provinces en simplifiant la besogne, mais cela serait impossible dans le Brabant où ce nombre a atteint les dernières limites.

Les employés des gouvernements provinciaux n'ont aucune espèce de perspective en dehors de leurs bureaux.

Ils ne sont admis à aucun des nombreux emplois ressortissant aux différents départements ministériels. Leur avancement est très lent, ils n'arrivent pas toujours au grade de chef de bureau ; leur position tout exceptionnelle ne doit donc pas être aggravée encore par le refus d'un juste salaire pour les services qu'ils rendent, à moins que les administrations provinciales ne doivent se recruter de sujets moins que médiocres.

La distance entre les traitements des employés des départements ministériels et les traitements des employés provinciaux du Brabant serait encore assez grande si on augmentait ces derniers jusqu'à concurrence d'un crédit de six mille francs.

Les traitements actuels des employés des départements ministériels sont en dehors de toute proportion avec les appointements des employés provinciaux du Brabant qui restent même beaucoup en dessous des employés communaux.

Voici le tableau comparatif de ces appointements.

(Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Il est impossible de maintenir cet état de choses, et j'ose espérer que M. le ministre, en procédant à une nouvelle répartition, aura égard aux circonstances que je viens d'exposer.

L'honorable M. Liedlt, qui a été longtemps à la tête du gouvernement provincial du Brabant, pourrait fournir d'utiles renseignements à son honorable collègue de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois, messieurs, pouvoir mettre un terme à cette discussion qui vient d'être soulevée de nouveau par l'honorable M. Verhaegen. Je ne conteste aucune des raisons qu'il a présentées pour faire comprendre la différence qui existe entre les employés de diverses provinces, mais je pense avoir donné hier satisfaction à toutes les réclamations raisonnables. J'ai eu l'honneur d'annoncer à la Chambre que des mesures sont préparées, qui auront pour but, d'une part, de fixer les conditions d'avancement des employés provinciaux, d'autre part, de régler plus équitablement certains traitements, et cela soit au moyen de suppressions d'emploi, si cela est possible, et par attribution aux employés restants des fonds qui deviendraient libres ; soit par une augmentation de crédit qui serait éventuellement demandée aux Chambres. J'ai ajouté que j'attendais encore quelques renseignements à cet égard ; et que, si le besoin en est démontré, le budget de 1855 comprendrait une proposition destinée à compléter le traitement de ceux de ces employés dont la position actuelle est insuffisante.

M. Osy. - Depuis quelques années on a pris dans cette enceinte la position de considérer le silence de la Chambre comme une adhésion à des mesures que le gouvernement vient annoncer dans la discussion. J'ai pris la parole pour faire toutes mes réserves à cet égard. Il est arrivé très souvent, surtout sous l'ancien ministère, qu'on venait nous dire : Le gouvernement a annoncé telle chose, il n'y a pas eu de réclamation, donc la Chambre a approuvé. Quant à moi, c'est un système que je n'admets en aucune manière ; quand le gouvernement annonce une mesure, j'écoute et j'attends ses propositions ; mais je n'entends nullement donner mon adhésion d'avance à une mesure quelconque sur des paroles prononcées devant une Chambre inattentive. Je réserve mon libre examen en toute circonstance, comme je le fais aujourd'hui en ce qui concerne les paroles prononcées tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur.

Je reconnais, messieurs, qu'il y a quelque chose à faire pour la bonne répartition des employés des gouvernements provinciaux, mais je crois aussi qu'on pourra arriver au résultat désiré sans augmentation de dépense.

Ce que je demande au gouvernement, c'est qu'en même temps qu'il fait l'examen d'une nouvelle organisation, il recherche le moyen de diminuer, autant que possible, le travail bureaucratique. Alors vous pourrez diminuer le nombre des employés et allouer des traitements plus élevés à ceux que vous conserverez.

Il y a une correspondance véritablement exagérée entre les départements ministériels et les gouverneurs. En voici un seul exemple : Lorsqu'un ministre a besoin d'un renseignement à fournir par une chambre de commerce, il ne s'adresse pas directement à cette chambre, il s'adresse au gouverneur de la province ; le gouverneur, qui n'a pas à s'occuper de l'affaire, écrit une lettre à la chambre de commerce, la chambre de commerce répond au gouverneur, et le gouverneur répond au ministre qui a demandé le renseignement. A quoi servent toutes ces écritures ? Pourquoi le ministre ne demande-t-il pas directement ces renseignements à la chambre de commerce ? On y gagnerait du temps et l'on épargnerait aux employés piovinciaux des travaux inutiles.

J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à examiner, dans l'organisation nouvelle qu'il se propose de faire, s'il n'y a pas moyen de simplifier les écritures dans les gouvernements provinciaux ; je suis persuadé qu'avec un bon règlement organique, on pourra faire une bonne et équitable répartition des crédits actuels, sans augmenter de ce chef le budget. J'espère aussi que les arrêtés royaux que M. le ministre de l'intérieur nous a annoncés, ne paraîtront pas avant le vote de la Chambre, pour le cas où il devrait en résulter un accroissement de dépenses.

M. de Bronckart. - Messieurs, ainsi que j'ai eu l'honneur de le faire remarquer hier à la Chambre, je ne conteste pas les renseignements statistiques fournis par l'honorable M. de Steenhault en ce qui concerne le nombre des employés dans la plupart des administrations provinciales et celui des affaires soumises aux députations permanentes. Je les tiens même comme parfaitement exacts pour huit de nos provinces. Mais ce que je tiens à constater, c'est que les chiffres produits par lui pour la province de Liège sont tout à fait erronés.

L'honorable M. de Steenhault vous a dit, en effet, messieurs, que la province de Liège avait une somme de 43,800 fr. pour 37 employés, et 4,000 affaires soumises annuellement à la dépulalion permanente.

Eh bien, messieurs, ce n'est pas 37 employés qu'exige l'administration provinciale de Liège, c'est 43, et ce n'est pas 4,000 affaires qui y sont annuellement soumises à la députation permanente, mais on resterait (page 503) encore en dessous de cette vérité en fixant, en moyenne, ce nombre a 7,000 annuellement.

Et vous le comprendrez du reste, messieurs, si vous voulez bien considérer que la province de Liège est une des plus industrielles de la Belgique, et une des plus importantes, sinon la plus importante au point de vue de l'industrie minière. Or personne n'ignore, messieurs, que l'instruction des demandes en concession donne lieu à un grand nombre d'actes de procédure administrative, qui tous, pour ainsi dire, émanent des députations permanentes.

Je suis persuadé que l'honorable membre conviendra lui-même de l'inexactitude de ses chiffres, s'il veut bien remarquer que la province du Limbourg, très petite, quant à son étendue territoriale, et essentiellement agricole, aurait, selon lui, 4,300 affaires à expédier annuellement par la députalion permanente, c'est-à-dire 300 de plus qu'il n'en accorde à Liège.

Je ne puis pas admettre non plus, avec l'honorable membre, que la province de Hainaut et celle de Brabant soient plus fondées à se plaindre que les autres.

Je vois au contraire, par le budget de l'intérieur que nous discutons, que la province de Hainaut est le mieux partagée dans la répartition actuelle ; elle prélève, en effet, une somme de 52,840 fr. pour ses employés, et le Brabant celle de 49,575 francs.

Je ne sais quel est le chiffre du traitement d'un chef de division au gouvernement provincial du Hainaut, mais je sais que si un chef de division an gouvernement provincial du Brabant est en droit de se plaindre d'un traitement de 5,700 fr., à bien plus forte raison des chefs de division qui n'ont que 3,050 fr. sont-ils fondés à le faire. Et c'est ce qui a lieu à Liège. Quant à l'argument tiré de ce que les choses nécessaires à la vie seraient plus chères à Bruxelles qu'à Liège, ceux qui ont habité l'une et l'autre ville savent que c'est le contraire qui est vrai.

Messieurs, je serais désespéré que la Chambre pût croire un instant que j'ai pris la parole pour défendre ici les intérêts exclusifs des employés de la province qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte.

Je suis le premier à reconnaître que les employés des gouvernements des neuf provinces ne sont pas payés en raison du travail que l'on exige d'eux et des services qu'ils rendent. Ils sont misérablement rétribués, je l'ai dit hier, et je le répète aujourd'hui. Mais sera-ce en augmentant l'allocation de quelques provinces sans augmenter le chiffre global et sans nuire aux autres provinces, comme le demandait l'honorable M. Rousselle en 1850 (et ce qui me semble passablement difficile), que l'on fera cesser cet état de choses ? Evidemment non. Vous aurez beau répartir la somme de 877,032 francs demandée par le gouvernement pour les frais d'administration dans les provinces de la manière la plus savante et avec tous les raffinements de chiffres possibles, vous ne changerez rien à l'état des choses, parce que cette somme est absolument insuffisante. Il n'y a qu'un seul remède, c'est une augmentation de crédit. Je suis, comme je l'ai dit hier, disposé à la voter lorsqu'elle sera proposée par le gouvernement, et j'ai trop de confiance dans les lumières de la Chambre pour ne pas être convaincu d'avance, quoi qu'en dise l'honorable M. Osy, qu'elle l'accueillerait à une grande majorité.

Je remercie, en terminant, l'honorable ministre de l'intérieur des explications qu'il a données à la Chambre dans la séance d'hier, et je prends acte des assurances qui les ont suivies pour le budget de 1855.

M. Rousselle. - Messieurs, je renonce pour le moment à la parole. J'aurais voulu répondre aux comparaisons que l'honorable M.Verhaegen a présentées à la Chambre que je n'accepte pas, et, que je croyais devoir être suivies d'une conclusion tout autre que celle qu'il a produite. Sa conclusion tend, en effet, à appuyer les réclamations du Hainaut bien plus qu'à les combattre. Je renonce donc à la parole quant à présent, me réservant de la demander encore ultérieurement s'il y a lieu.

M. de Steenhault. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à M. de Bronckaert qui m'a reproché d'avoir commis une inexactitude dans l'appréciation du nombre des affaires traitées à l'administration provinciale de Liège. Je pourrais lui renvoyer son reproche, car il vous a parlé d'un chef de division du Brabant dont le traitement serait de 5,700 fr.

M. de Bronckart. - J'ai pris ce chiffre dans votre discours, aux Annales parlementaires.

M. de Steenhault. - J'ai cité les chiffres des traitements des fonctionnaires du département de l'intérieur et de l'administration provinciale que j'avais pris dans un document officiel où le traitement du chef de division de l'administration provinciale du Brabant est porté à 3,700 fr.

Ce n'est que par suite d'une erreur typographique que l'honorable membre a pu lire le chiffre de 5,700 fr. dans les Annales parlementaires.

L'honorable député de Liège a prétendu que j'avais commis des erreurs en citant le nombre d'employés du gouvernement de Liège ; ce chiffre est de peu d'importance ; mais je puis affirmer qu'il m'a été donné comme authentique au gouvernement provincial du Brabant pour 1848, seule année pour laquelle il nous était donne d'établir une proportion.

Quant au nombre d'affaires il est très aisé de venir dire : Vos renseignements ne sont pas exacts, vous n'avez pas dans votre province plus d'affaires que nous n'en avons dans la nôtre. Mais au moins faudrait-il citer des chiffres et les opposer à ceux qu'on taxe d'inexactitude ; or, l'honorable membre n'en cite aucun ; quant à ceux que j'ai cités, je les ai pris au gouvernement provincial où on me les a donnés pour authentiques.

- La discussion sur le chapitre IV est close.

Articles 10 à 12 (province d'Anvers)

(page 118) « Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »

- Adopté.

Articles 13 à 15 (province de Brabant)

« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 49,575 »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »

- Adopté.

Articles 16 à 18 (province de la Flandre occidentale)

« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,300.

« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250 »

- Adopté.

Articles 19 à 21 (province de la Flandre orientale)

« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 45,000.

« Charge extraordinaire : fr. 3,150. »

- Adopté.


« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »

- Adopté.

Articles 22 à 24 (province de Hainaut)

« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 23. Traitement des employés et gens de service : fr. 52,840. »

— Adopté.


« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,930. »

- Adopté.

Articles 25 à 27 (province de Liège)

« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 43,800. »

- Adopté.


« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »

- Adopté.

Articles 28 à 30 (province de Limbourg)

(page 504) « Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 35,500. »

- Adopté.

Article 30


« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues, ordinaires : fr. 12,497. »

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Le gouvernement a demandé à la section centrale qu'elle consentît à transférer une somme de 1,500 fr. de l'article 30 à l'article 29. Cette proposition a pour but de donner à quelques employés de l'administration provinciale du Limbourg, chargés d'un travail extraordinaire, un traitement ordinaire et fixe, c'est-à dire de convertir une charge extraordinaire en une charge ordinaire.

La section centrale a conclu au rejet du transfert ; à l'appui de cette proposition, je pourrais, m'emparant de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur, dire : Puisque M. le ministre de l'intérieur s'est engagé à prendre un arrêté d'organisation établissant une nouvelle répartition, nous devrions maintenir le statu quo.

D'ailleurs, messieurs, s'il est des provincesqui sont administrées avec économie, et je puis citer à ce propos la province de Brabant dont les bureaux sont organisés de manière à n'être partagés qu'en 3 divisions, et c'est à l’honorable M. Liedls, aujourd'hui ministre des finances, que cette organisation est due, il en est d'autres, telle que celle du Limbourg, dont l'administration provinciale compte 5 divisions. Or, il est impossible de penser que cette province puisse être rangée dans la première classe, quand les administrations provinciales auront reçu une organisation régulière. Si dans cette province le nombre de divisions était réduit, il est probable que celle réduction permettrait de rétribuer convenablement les employés et même d'en augmenter le nombre.

Je demande donc que le transfert ne soit pas adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, dans la province de Limbourg, les dépenses du personnel comme celles du matériel sont réglées avec la plus sévère économie et ceux qui connaissent l'honorable M. de Schiervel savent qu'il n'a pas l'habitude de mettre de la prodigalité dans les dépenses. Du reste le chiffre demandé au budget pour la province de Limbourg comparé aux chiffres demandés pour les autres provinces, démontre également qu'il n'y a aucun reproche à formuler sous ce rapport.

Voici l'origine de cette demande de transfert. Les traitements, dans la province de Limbourg, sont réglés d'une manière très modique. Mais, parmi les employés qui sont le moins bien rétribués, il en est qui sont souvent soumis à un travail extraordinaire, travail que M. le gouverneur de la province est parvenu jusqu'ici à rémunérer en faisant un léger emprunt sur l'article du matériel. Cela s'est fait de tout temps de cette manière. Mais récemment la cour des comptes a élevé une difficulté sur cette imputation de 1,500 fr. faite pour payer un service extraordinaire rendu par quelques employés ; et c'est pour que cette rémunération puisse être accordée comme elle l'a été jusqu'ici, sans qu'il en résulte un centime d'augmentalion, que le transfert a été demandé.

On me répond : Pourquoi ne pas attendre que le travail général qui se fait soit achevé, et que la mesure annoncée par le gouvernement puisse avoir son exécution ? Pourquoi, messieurs ? Parce qu'on ne compose pas avec des besoins aussi évidents que ceux qu'il s'agit de satisfaire par ce transfert de 1,500 francs. Les employés qui, jusqu'aujourd'hui, ont reçu cette faible rémunération se trouveraient cette année dans le plus grand dénuement, s'il fallait attendre le prochain budget.

Mais enfin, il ne s'agit que d'une mesure de régularisation ; et comme il n'en résulte en définitive aucune dépense nouvelle, je prie la Chambre de consentir au transfert demandé.

- Le transfert demandé par M. le ministre de l'intérieur est aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article est adopté.

Articles 31 à 33 (province de Luxembourg)

« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 31,800. »

- Adopté.


« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »

- Adopté.

Articles 34 à 36 (province de Namur)

« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 36,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700 »

- Adopté.

Chapitre V. Frais d’administration dans les arrondissements

Article 37

« Art. 37. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 166,800. »

M. Clep. - Messieurs, dans l'intérêt du district qui m'a fait l'honneur de me nommer à la Chambre, j'ai cru devoir indiquer une erreur ou une faute d'impression qui s'est glissée dans le rapport de la section centrale sur le budget de l'intérieur qui nous occupe.

Au chapitre V, commissariats des districts, page 12 dudit rapport, le district de Furnes se trouve désigné comme étant compris parmi ceux qui sont dits avoir été supprimés.

L'erreur consiste en ce que ni le district de Fumes, ni son chef-lieu n'a jamais été supprimé ou réuni à un autre district.

Voilà, messieurs, ce que j'ai désiré de dire, pour signaler l'erreur ou la faute d'impression et pour que personne ne puisse supposer que le district administratif de Furnes ait été supprimé.

M. Rodenbach. - C'est par mesure d'économie que l'on a mis à la tête de deux districts un seul commissaire d'arrondissement. Sous ce rapport il en est de Roulers comme de Dixmude. Le district de Roulers et celui de Thielt sont administrés par le même commissaire d'arrondissement. Ce fonctionnaire réside à Thielt, parce qu'il est habitant de cette ville, qu'il y a sa demeure ; mais le successeur du titulaire actuel pourrait résider à Roulers comme à Thielt, cela dépend de la volonté du gouvernement.

Messieurs, si, par mesure d'économie, le gouvernement a jugé à propos de ne nommer qu'un commissaire d'arrondissemeut pour deux districts, il n'y a pas eu suppression d'un de ces districts. Les deux districts continuent à exister, et l'un d'eux ne pourrait être supprimé que par une loi. Or une loi semblable n'a été ni présentée ni votée.

Voilà le peu d'observations que j'avais à faire pour appuyer les observations de l'honorable M. Clep.

M. de Naeyer, rapporteur. - Dans la séance du 25 novembre 1852, à l'occasion du budget de l'intérieur pour l'exercice 1853, j'ai eu l'honneur de présenter quelques considérations relativement aux commissariats d'arrondissement. J'ai soutenu alors que cette institution, qui nous coûte annuellement environ 300,000 francs, n'est plus réclamée aujourd'hui par les besoins de l'administration ; qu'elle a cessé d'être nécessaire en présence des nombreuses facilités apportées aux relations entre les administrations supérieures et les administrations communales et aussi en présence des développements de notre éducation constitutionnelle et administrative.

Messieurs, cette opinion est encore la mienne. Je dirai même qu'une observation attentive des faits a corroboré et confirmé ma première conviction. Il y a quarante ans que les villes ont été affranchies de la tutelle des commissaires d'arrondissement et je suis plus convaincu que jamais, que le moment est venu d'en affranchir également les communes rurales.

Toutefois, je sais parfaitement que cette manière de voir n'est pas partagée par la majorité de la Chambre ; pourquoi donc faire naître sur ce point une nouvelle discussion qui ne peut pour le moment aboutira aucun résultat ? Je m'en abstiendrai ; mais je tiens à faire toutes mes réserves pour l'avenir.

J'ai pris surtout la parole pour constater ceci : c'est qu'en attaquant assez vivement l'institution dont il s'agit, j'ai su respecter les personnes et que jamais je n'ai révoqué en doute ni le zèle ni le dévouement ni les connaissances même des commissaires d'arrondissement. S'il y a des exceptions, elles ne devaient m'occuper en aucune manière alors qu'il s'agissait d'une question de principe.

Je suis amené à faire cette déclaration par suite d'un discours prononcé, il y a quelques jours, par l'honorable M. Vander Donckt. Cet honorable membre ne partage pas ma manière de voir en ce qui concerne les commissariats d'arrondissement, mais il est fâcheux qu'il ait attendu quatorze mois pour répondre à mes observations de 1852. Il en est résulté que la mémoire de cet honorable membre s'est trouvée en défaut ; et, involontairement sans doute, il m'a attribué des paroles qu'il a qu’a lifiées assez durement, mais que je n'avais pas prononcées. Voici ce que je lis dans son discours, prononcé dans la séance du 23 de ce mois : « L'honorable membre qui a le plus combattu l'utilité des commissaires d'arrondissement a dit : ils viennent faire une apparition dans la commune ; et ils vont diner chez le bourgmestre ; voilà à quoi se borne leur besogne. » L'honorable membre ajoute : « Il me semble que de semblables propos peuvent se tenir dans des conversations particulières ; mais devant la législature ils sont tout au moins inconvenants. »

Vous conviendrez, messieurs, que la semonce est passablement verte, à en juger par les termes dans lesquels elle est formulée ; mais j'ai l'intime conviction qu'elle n'a pas ce caractère dans l'intention de l'honorable membre. Je ne suis pas nommé dans le passage que je viens de citer, mais la désignation employée ne peut évidemment s'appliquer qu'à moi.

Le membre qui a le plus combattu les commissaires d'arrondissement, (page 505) on ne peut pas s'y tromper, c'est moi, car je suis allé jusqu'à demander la suppression de ces fonctions. On devrait donc croire que c'est moi qui ai tenu le propos auquel l'honorable membre a cru devoir appliquer une épithèle qui n'est pas tendre ; j'ignore si le propos a été tenu devant la Chambre ; mais dans tous les cas ce serait une grave erreur de croire qu'il émane de moi. J'ai ici les deux discours que j'ai prononcés en 1852 et je défie qui que ce soit d'y trouver un seul mot de blâme pour les personnes revêtues des fonctions dont il s'agit, ni rien qui ressemble au propos en question.

Je ne me suis occupé sous aucun rapport de la manière de dîner des commissaires d'arrondissement ; qu'ils trouvent convenable de restaurer leurs forces chez MM. les bourgmestres, chez MM. les curés ou ailleurs, cela ne me préoccupe aucunement ; j'ajouterai que cela ne me regarde en aucune façon ; mais ce qui m'a préoccupé, ce sont les 300,000 fr. que nous payons aux commissaires d'arrondissement ; je trouve que c'est beaucoup trop pour une institution que je considère comme surannée.

Il y a dans le discours de l'honorable M. Vander Donckt une autre observation qui me va beaucoup mieux ; c'est celle-ci : « Il est pour les commissaires d'arrondissement, comme pour tous les autres hommes, un devoir, celui de se restaurer quand ils ont faim. » A la bonne heure, voilà les bons et les vrais principes auxquels j'applaudis de tout mon cœur. Je terminerai donc en constatant avec infiniment de plaisir qu'en fait de dîners je m'entends beaucoup mieux avec mon honorable ami M. Vander Donckt qu'en fait de commissaires d'arrondissement.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai à répondre deux mots à ce qui a été dit par l'honorable M. Clep. Il s'est plaint de ce que le rapport indique le district de Furnes parmi les districts supprimés par mesure d'économie et à cause de leur peu d'importance. Le gouvernement a réuni ainsi le district de Furnes à celui de Dixmude ; je conviens que ce dernier existe encore, mais il n'a plus de chef-lieu, et le chef qui administre les districts de Furnes et de Dixmude réside à Furnes. C'est donc par erreur que le mot « Furnes » a été inséré dans cette partie du rapport. Il en est de même du mot « Thielt », qui doit également être supprimé.

M. Vander Donckt. - Messieurs, nous avons déjà eu tant de discussions oiseuses depuis deux ou trois séances que, si je n'étais pas, en quelque sorte provoqué, je me dispenserais de prendre la parole. Mais comme il y a quelque chose de personnel dans les observations qui ont été faites, je suis bien forcé de répondre. Sans cela j'ai l'habitude, quand je n'ai rien de bon ou d'utile à dire, de me taire.

L'honorable membre a bien voulu me rendre cette justice que je n'ai nullement eu l'intention de faire allusion à aucun membre de la Chambre ; je n'ai, surtout, pas voulu faire allusion à l'honorable M. de Naeyer ni à l'honorable M. Magherman. Or il est un proverbe flamand qui dit : « Niemand genommeerd is niemand geblameerd. » Je n'ai prononcé aucun nom propre.

Maintenant, messieurs, si j'ai défendu, contre l'opinion de l'honorable, M. de Naeyer, l'institution des commissaires d'arrondissement, c'est que j'ai la conviction intime que ces administrateurs sont indispensables.

Je ne répéterai pas tout ce que j'ai dit à cet égard, mais je sais par expérience, ayant fait partie de l'administration pendant longtemps, que dans les communes rurales il serait impossible de faire marcher le service s'il n'y avait pas un guide dont les conseils et les connaissances viennent en aide aux administrations communales. Voilà, messieurs, le seul motif qui m'a porté à défendre l'institution des commissaires d'arrondissement. L'honorable M. de Naeyer s'est étonné que j'eusse attendu 14 mois pour prendre la parole à cet égard ; mais, messieurs, je vous rappellerai que, lors de la discussion du dernier budget, la Chambre était très pressée d'en finir, comme elle le sera probablement encore avant que le budget actuel ne soit entièrement voté.

Ensuite l’honorable ministre de l’intérieur avait dit que le budget de 1854 serait présenté immédiatement après le vote de celui de 1853. J'ai cru qu'il en serait ainsi, mais les circonstances ne l'ont pas permis. Voilà, messieurs, pourquoi j'ai attendu 14 mois avant de répondre aux observations de M. de Naeyer.

Je n'ai qu'un mot à ajouter, c'est que, dans mon opinion, depuis que l'honorable membre a agité la question des commissaires d'arrondissement, la position de ces fonctionnaires s'est beaucoup affermie. En mettant en question l'existence des commissaires d'arrondissement il leur a rendu un très grand service, car il a puissamment contribué à leur maintien.

M. Magherman. - Messieurs, j'abonde entièrement dans le sens du préambule du discours que vient de prononcer l'honorable M. Vander Donckt, c'est-à-dire que je suis peu partisan des paroles inutiles. Aussi n'ai-je pas relevé les paroles peu obligeantes prononcées par l'honorable préopinant dans une de nos séances précédentes, paroles par lesquelles il faisait allusion à l'un de mes discours de la dernière session, et sans la circonstance que l’honorable M. de Naeyer vient de répondre à ce discours de M. Vander Donckt et me forcer, en quelque sorte, à une explication sur la partie de ce discours qui devait être à mon adresse, je ne serais pas entré dans des explications que je crois d'un médiocre intérêt pour la Chambre.

Dans la précédente session, lors de la discussion du budget de l'intérieur, l’honorable M. de Naeyer a combattu l'institution même des commissaires d'arrondissement. Moi, au coniraire, je me suis borné à signaler l'inefficacité de leur intervention dans la surveillance de la voirie vicinale. C'est à cet endroit que l'honorable M. Vander Donckt a commis une confusion en attribuant à l'orateur qui avait combattu l'institution même des commissaires d'arrondissement des expressions qui m'appartiennent. Ces expressions, d'ailleurs, n'avaient pas la portée que l'honorable M. Vander Donckt leur a prêtée, et il pouvait se rappeler que ces mêmes paroles ayant été relevées par l'honorable M. Visart, j'avais donné des explications dont il résultait à l'évidence que je n'avais aucunement entendu incriminer la manière d'agir de ces fonctionnaires.

Dans la Flandre orientale, il n'existe pas de commissaires-voyers ; la surveillance de la voirie vicinale se fait par les collèges échevinaux sous le contrôle des commissaires d'arrondissement. J'ai signalé ce qu'il y a d'insuffisant dans ce mode de surveillance. En effet, les commissaires d'arrondissement ont une foule d'attributions qui ne leur permettent pas de consacrer le temps nécessaire à la surveillance de la voirie vicinale Ils doivent par la force des choses se borner à faire, toutes les années, une. seule apparition dans chaque commune. Certes, sur leur journée, ils doivent prendre le temps nécessaire pour se restaurer, et s'ils acceptent le dîner du bourgmestre, il n'y a pas là de quoi les accuser. Mais si le bourgmestre, dans la tournée qu'il indique, a soin d'éviter les endroits où il est resté en défaut de faire effectuer les réparations nécessaires, cela n'est que très naturel, et c'est ce qui arrive dans la pratique.

Du reste, je l'ai dit et je le répète, les commissaires de district que je connais, et je ne parle que de ceux-là, sont des fonctionnaires très estimables et à la hauteur de leur mission ; mais ils ne peuvent pas se multiplier et faire l'impossible.

Voilà quel a été le sens de mes paroles. Je ne crois pas qu'elles méritent le blâme qu'un honorable préopinant a voulu déverser sur elles, quoique, je le reconnais volontiers, sans intention malveillante de sa part.

M. Thibaut. - Messieurs, trois sections se sont occupées de la classification des commissariats d'arrondissement sous le rapport des traitements : elles ont présenté des observations à cet égard. Ces observations ont été transmises à M. le ministre de l'intérieur, et, comme nous l'apprend le rapport de la section centrale, M. le ministre a répondu que, lors de la discussion du budget, il ferait connaître à la Chambre les résultats du travail auquel il s'est livré sur cette question. Je prierai l'honorable ministre de l'intérieur de vouloir bien donner suite à celle déclaration.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la question relative aux commissariats d'arrondissement se présente de nouveau à votre examen sous un double rapport. Quelques honorables membres ont demandé cette année, comme l'année dernière, le rétablissement des commissariats supprimés. Sur ce point, après l'étude particulière que j'en ai faite, je puis exprimer aujourd'hui à la Chambre l'opinion qu'il me paraît inutile au bien-être du service de rétablir les commissariats supprimés.

Les motifs pour lesquels le gouvernement persiste dans la mesure qui a été prise en 1849, sont : d'une part, que le service administratif en lui-même n'est pas en souffrance dans les arrondissements réunis ; en second lieu, qu'il n'y a de disproportion, ni pour la population, ni pour le nombre et l'importance des affaires, entre les arrondissements réunis et quelques-uns des arrondissements restés à l’état d'isolement.

La seconde partie de la question relative aux commissariats d'arrondissement a un caractère plus général et plus sérieux si l'on considère les réclamations qui se sont élevées à plusieurs reprises dans cette enceinte à l'égard de la position qui a été faite à quelques-uns des commissaires d'arrondissement.

Messieurs, la classification actuelle, après un assez grand nombre de remaniements, repose sur trois bases essentielles, savoir : la population, le nombre des communes, et l'étendue du territoire.

La Chambre sait que tous les arrondissements sont divisés en quatre séries, formées par la combinaison des trois bases appliquées aux divers arrondissements.

Des réclamations ont été adressées au gouvernement et dans la Chambre, on a également réclamé an nom des quelques arrondissements qui se croient lésés. Je citerai notamment Malines et Termonde.

M. Vilain XIIII. - Et Tongres.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Tongres, c'est possible.

A l'occasion de Malines et de Tcrmonde, d'honorables membres ont fait entendre l'année dernière des plaintes qu'ils ont motivées sur des considérations diverses. On a dit notamment qu'il ne suffira pas, pour ranger un arrondissement dans telle classe, d'avoir égard à l'étendue du territoire. Celle base est généralement assez fautive. Elle n'influe guère sur l'augmentation de la besogne et ne peut être prise en considération que pour la fixation des indemnités à payer aux commissaires d'arrondissement pour frais de tournée.

La population est une base beaucoup plus certaine ; la plus certaine de toutes, c'est le nombre des communes qui composent un arrondissement, et voici pourquoi :

Le travail dévolu à un commissaire d'arrondissement dépend du nombre des communes qu'il a sous sa surveillance. En effet, il n'est pas de commune qui n'ait des rapports obligés avec le commissaire d'arrondissement notamment pour son budget, pour son bureau de bienfaisance, pour tous les actes d'administration qui partent continuellement (page 506) de l'autorité centrale pour aboutir aux communes par l'intermédiaire des commissaires d'arrondissement.

Ainsi, la base la plus certaine est le nombre de communes. La base de la population a aussi son caractère de certitude, mais n'est pas aussi absolue dans ses effets, car dans les arrondissements les plus populeux, les chefs-lieux échappent à la juridiction des commissaires d'arrondissement. L'étendue du territoire est une base sur laquelle je viens de m'expliquer.

Mais, a-t-on dit, il y a, et je le reconnais, d autres éléments d'appréciation qu'on ne doit pas négliger, notamment il faut faire état de la résidence imposée aux commissaires. Ainsi, le commissaire d'arrondissement qui réside dans une ville est, sous le rapport des frais inséparables de sa position, dans une situation moins favorable que le commissaire d'arrondissement appartenant à une classe supérieure et qui serait relégué dans une commune ordinaire.

Messieurs, de l'examen auquel je me suis livré, je lire donc la conclusion suivante : Quant aux éléments qui doivent servir à l'appréciation de la classification, il faut, en première ligne, faire état du nombre des communes ; en second lieu de la population des communes ; en troisième lieu, du nombre des affaires qui se traitent, de l'industrie et du commerce de l'arrondissement et en général de la richesse, parce que la richesse est le signe le plus caractéristique de l'importance et du nombre des affaires. Le quatrième élément d'appréciation, qu'on ne peut pas dédaigner, c'est la résidence qu'on a imposée au commissaire d'arrondissement.

Enfin au nombre des éléments d'appréciation je n'admettrai qu'en dernier lieu l'étendue du territoire, car cela n'apporte pas des affaires plus considérables aux commissaires d'arrondissement, mais seulement quelques frais de route de plus qui sont payés d'une manière spéciale.

Une autre question est celle de savoir si la classification en quatre séries était généralement bien faite, relativement aux bases qui ont été admises ; on s'est plaint pour les arrondissements de Malines et de Termonde qui se trouveraient lésés si on les compare sous le rapport de l'importance du chef-lieu et des affaires qui s'y traitent à d'autres arrondissements placés dans la troisième série.

D'autres arrondissements encore qui sont placés comme ceux de Malines et de Termonde, dans la quatrième série, sont relativement à ceux la troisième, dans une situation peu équitable.

Ainsi, il y a parmi les arrondissements de la quatrième classe, l'arrondissement d'Ath, qui a 64 communes et une population de 93 mille habitants, cependant Ath est dans la quatrième classe, alors que d'autres arrondissements, tels que Neufchâteau et Thuin, sont dans une classe supérieure et cependant ils sont inférieurs en population et quant au nombre des communes. Ainsi Neufchâteau compte 57 communes seulement et sa population est inférieure à celle de l'arrondisement d'Ath.

Mais Neufchâleau retrouve ce qui lui manque sous ces deux rapports dans l'étendue de son territoire ; si vous tenez note de ce que j'ai dit sur l'insuffisance de cet élément d'appréciation : l'étendue du territoire, vous arriverez à cette conclusion que le commissariat d'Ath a été moins favorisé dans la répartition que Neufchâteau.

L'arrondissement d'Audenarde a 106 mille habitants et se trouve dans la quatrième classe, si on le compare à l'arrondissement de Neufchâteau, vous le trouvez encore supérieur sous le rapport du nombre des communes et de la population.

Car Neufchâleau ne compte que 46 mille habitants et 57 communes, alors qu'Audenarde en compte beaucoup plus. Vous voyez que sous le rapport des deux premières bases, qui sont les plus essentielles, Audenarde est lésé comparativement à Neufchâteau.

Il en est de même pour Thuin qui compte 100,000 habitants et dont le nombre de communes est inférieur à celui de l'arrondissement d'Audenarde. Je citerai un autre exemple :

L'arrondissement de Soignies compte 95,000 habitants et 51 communes ; il se trouve, relativement à celui de Neufchâteau, dans une position à peu près égale quant au nombre des communes, mais inférieure quant à la population.

Voilà quelques exemples qui prouvent que quand on s'attache aux bases les plus sérieuses qui ont servi pour l'appréciation respective des arrondissements on trouve des inégalités, et que Malines et Termonde ne sont pas les seules qui croient avoir à se plaindre. L'importance du chef-lieu doit aussi entrer en ligne de compte.

En effet, selon que le chef-lieu est plus ou moins considérable, le commissaire d'arrondissement est obligé de faire plus de dépenses pour se loger et tenir un rang convenable.

La résidence de Malines et de Termonde est plus coûteuse évidemment que celle de Neufchâteau et de Waremme, et les deux premiers retrouvent, sous le rapport de la résidence, l'avantage qu'ils perdent si on les considère quant au nombre des communes.

Ceci posé, que faut-il faire pour ramener un rapport plus équitable dans la classification des commissariats d'arrondissement ? Si on ne veut qu'opérer un déplacement, faire passer un arrondissement de la quatrième dans la troisième et vice-versâ, rien de plus simple, mais à l’instant même vous entendriez surgir de tous côté des plaintes contre cette transposition, car les commissaires d'arrondissement qui sont en possession depuis de longues années des traitements et des indemnités, telles qu'ils sont réglés, réclameraient contre la mesure qui serait prise par le gouvernement, et il faut reconnaître qu'une position administrative consacrée parle temps doit être ménagée et qu'on ne peut sans injustice y porter atteinte, surtout quand on considère que le traitement des commissaires d'arrondissement est réglé avec uue grande modération. Le déclassement ne pourrait se faire sans porter atteinte en quelque sorte à des droits acquis et à un sentiment de justice qui trouverait de l'écho dans cette enceinte.

Le seul moyen équitable est donc de demander à la législature quelques fonds nouveaux pour faire cesser les inégalités de position que l'on signale. (Interruption.)

C'est une augmentation de crédit, sans doute, mais si on veut faire des actes de réparation, il faut savon s'y résigner, et ce n'est que par voie d'augmentation de crédit que l'on peut procéder.Tout bien pesé, le moyen qui me paraît le plus propre à atteindre le but qu'on se propose, c'est de fondre en une seule les troisième et quatrième classes.

En effet, les nuances qui les distinguent ne sont pas assez sensibles pour la plupart, et ne sont pas de nature à créer entre ces commissariats une distinction sérieuse et dès lors je ne vois pas de motif suffisant pour les tenir séparées.

Dans le plan de cette réforme, les deux premières classes resteraient ce qu'elles sont et les deux autres seraient confondues en une seule.

L'augmentation de dépenses qui résulterait de cette assimilation serait de 11,000 francs.

Quand vous aurez, commc moi, bien examiné la position des commissariats des troisième et quatrième classe comparées, vous arriverez, j'en suis convaincu, à cette conséquence qu'il n'y a pas de motits suffisants pour mettre les uns au-dessus des autres quant au chiffre du traitement.

M. Roussel. - Qu'en coûterait-il pour niveler ces traitements ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai dit tout à l'heure qu'il en coûterait 11,000 fr.

Toute autre combinaison ne conduirait absolument à rien. Si vous admettez ce mode d'opérer, vous resterez dans le vrai : c'est-à-dire que vous rémunérerez le travail tel qu'il se présente dans les arrondissements, et que vous ferez cesser une inégalité évidente pour quelques-uns de ces fonctionnaires.

M. Orban. - Messieurs, à entendre M. le ministre de l'intérieur, à entendre aussi l'honorable M. Rogier, dans le discours qu'il a prononcé hier, les commissaires d'arrondissement se trouveraient, sous le rapport de leur traitement, dans une situation digne de notre sollicitude et qui demanderait une amélioration prochaine.

M. le ministre de l'intérieur vient de vous dire, en effet, qu'il avait trouvé un moyen très simple de satisfaire tout le monde, et de répondre aux objections sur la manière dont la répartition de l'allocation relative aux commissaires avait été faite. Ce serait d'augmenter le traitement de ceux qui se plaignent et de supprimer la quatrième classe en la portant à la troisième ; opération très simple, en effet, et qui n'exigerait qu'une augmentation de dépense de 10,000 francs.

Je ne sais où l'honorable M. Rogier a découvert que le traitement des commissaires d'arrondissement aurait été diminué dans ces dernières années. Quant à moi, ce que je sais, avec toute la Chambre, c'est que le traitement des commissaires d'arrondissement a été considérablement augmenté à une époque peu éloignée de nous, lorsque l'on a augmenté les traitements de la magistrature. Nous voyons en effet qu'une somme de 40,000 fr. a été portée dans ce but au budget de 1845, et destinée jusqu'à concurrence de 19,000 fr. à augmenter les traitements, et de 10,000 fr. à augmenter les frais de commis et de bureau. Or, messieurs, c'est là une amélioration, me semble-t-il, fort notable qui mérite qu'où s'en souvienne. Quant aux réductions qu'auraient subies ces mêmes traitements, je les ignore ; j'attendrai que M. Rogier nous les fasse connaître.

Quant à la proposition indiquée par M. le ministre de l'intérieur, qui consisterait à supprimer la quatrième classe pour satisfaire à de légitimes réclamations, il serait sans doute difficile de la discuter immédiatement dans ses détails. Cependant je puis soumettre immédiatement à la Chambre deux faits, qui la mettront à même d'apprécier l'urgence d'un pareil acte de justice. Dans la répartition qui a été faite en 1845 de l'augmentation de 40,000 fr. votée à cette époque, il est à ma connaissance deux traitements qui ont été plus que doublés.

L'un de ces traitements était de 1,890 fr., l'autre de 1,785 fr. ; ils ont été portés l’un et l'autre à 4,200 fr. Cest là, me semble-t-il, une amélioration de position telle qu'aucun fonctionnaire et aucun individu en éprouve rarement dans sa carrière à l'espace d'un jour. Eh bien, messieurs, ces deux commissaires se trouvant dans la quatrième classe se trouveraient parmi ceux dont M. le ministre de l'intérieur voudrait encore améliorer la position. Vous pouvez juger, par ce seul fait, de la justesse des considérations exprimées par M. le ministre de l'intérieur.

Un mot encore. Messieurs, en 1845, on a voté une somme pour augmenter les frais de bureau des commissaires en même temps que leurs traitements. Il eût été juste que cette allocation, destinée à faire face aux dépenses de l'administration, reçût cette destination. Il n'est pas indifférent en effet qu'elle vienne accroître le traitement du commissaire d'arrondissement, ou qu'elle soit employée à mettre son bureau à même de pourvoir à l'expédition des affaires, au moyeu des employés nécessaires à cet effet. Le ministre aurait donc dû veiller à ce que chacun de ces fonctionnaires se procurât le concours d'uu nombre d'employés en rapport avec l'importance du commissariat et les frais de (page 507) bureau alloués. L'expédition des affaires éprouve, dans certains commissariats, des retards extrêmement fâcheux qui ne sont pas dus à une autre cause.

M. Thibaut. - L'honorable ministre de l'intérieur nous a exposé tantôt ce qu'il croyait convenable de faire pour donner satisfaction aux justes critiques qui ont été maintes fois émises dans cette enceinte sur la classification des commissaires d'arrondissement. Mais M. le ministre de l'intérieur n'a pas conclu. Nous ne savons pas si nous sommes en présence d'une proposition d'augmentation de crédit, ou si le gouvernement, a l'intention de se borner à demander le chiffre porté dans le projet de budget. Il semble donc que, même dans l'esprit de M. le ministre de l'intérieur, la question n'est pas complètement décidée, et dès lors nous pouvons encore émettre utilement des opinions particulières dont il pourra peut-être faire fruit.

Je vais en peu de mots, messieurs, exposer à la Chambre le travail auquel je me suis personnellement livré pour arriver à une classification plus rationnelle et plus juste des divers commissariats d'arrondissement sous le rapport des traitements. Ce travail méritera, j'espère, votre examen.

Vous vous rappelez, messieurs, que lorsqu'il s'est agi de fixer au budget de 1849 la somme nécessaire pour les traitements des commissaires d'arrondissement, l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, fit annexer à son projet deux tableaux pour justifier le chiffre de 166,800 fr. qu'il demandait. L'un de ces tableaux établissait la classification des arrondissements d'après leur degré d'importance. Cette importance résultait, selon l'honorable ministre, de la population de ces arrondissements, du nombre des communes composant leur ressort et de l'étendue territoriale de chacun d'eux. C'est ce que l'honorable M. Piercot vous a rappelé tantôt.

Le second tableau indiquait le traitement que le ministre de l'intérieur se proposait d'allouer à chacun des commissaires d'arrondissement.

Dans la discussion qui s'est élevée à ce sujet, l'honorable M. Rogier maintint comme bonne la classification des commissariats d'arrondissement quant à leur degré d'importance relative.

L'honorable ministre de l'intérieur actuel propose de prendre d'autres bases que celles qui ont été adoptées en 1849, pour établir ce degré d'importance.

Quoi qu'il en soit, je constate qu'en 1849, l'honorable M. Rogier, dans la discussion, maintint comme bonne la classification qu'il avait adoptée. Mais je dois ajouter qu'il ne justifia pas la division des commissariats eu quatre classes, pour fixer le chiffre du traitement des fonctionnaires placés à leur tête ; il reconnut même alors que cette division pouvait être révisée et corrigée.

Pour moi, messieurs, je crois que si le degré d'importance des arrondissements a été parfaitement établie en 1849, d'après les bases adoptées par M. le ministre de l'intérieur de l'époque, on a cependant négligé de tenir compte d'une manière uniforme d'une considération essentielle pour déterminer les traitements auxquels les divers commissaires peuvent légitimement prétendre.

Cette considération essentielle, c'est l'importance du chef-lieu de l'arrondissement, pris isolément ; c'est l'importance de la résidence même des commissaires d'arrondissement. Cependant on n'a pas négligé complètement cet élément en 1849, et c'est à cette circonstance que l'arrondissement de Liège entre autres a dû de passer à la première classe.

Je voudrais donc, messieurs, que l'on tînt compte, pour tous les commissaires indistinctement, de cette considération. Le motif qui a fait passer Liège dans la première classe doit, me paraît-il, militer pour que Malines, par exemple, qui est l'arrondissement qui a été le plus fortement frappé en 1849, soit placé sur un pied d'égalité avec Louvain et avec Tournai. Au même titre Ypres et St-Nicolas peuvent aussi réclamer la supériorité sur Philippeville, sur Marche, sur Waremme, comme Tournai et Louvain peuvent la revendiquer sur Turnhout ou Alost.

C'est ce qu'on n'a pas voulu reconnaître en 1849, et je crois que c'est de là que résulte tout le vice de la classification de cette époque, classification contre laquelle chaque année plusieurs membres de cette Chambre se sont élevés.

Pour arrivera une juste classification, il suffirait donc, selon moi, d'employer les éléments fournis en 1849 et d'en faire une application uniforme pour tous les arrondissements.

Ainsi voici le système que je préférerais et sur lequel j'appellerais l’attention de la Chambre et surtout l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur.

Je pense qu'il faudrait faire deux parts des traitements des commissaires d'arrondissement : l'une serait fixée d'après la population des chefs-lieux, qui pourraient être divisés en quatre classes. L'autre serait fixée d'après l'importance des arrondissements, telle qu'elle résulte du iableau qui a été fourni par l'honorable M. Rogier en 1849.

J'ai fait l'application de ce système dans un tableau que je. ferai, avec la permission de la Chambre, insérer au Moniteur. (Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée).

Il y aurait quatre classes de chefs-lieux.

La première comprendrait les villes dont la population excède 50,000 âmes ;

La seconde, les villes dont la population varie de 25,000 à50,000 âmes.

La troisième, celles dont la population varie de 12,500 a 25,000 âmes.

La quatrième, les chefs-lieux dont les populations seraient au-dessous de 12,500 fr.

A la première classe correspondrait une première partie du traitement de 4,975 francs, à la second de 4,675 fr., à la troisième de 4,375 fr. et à la quatrième de 4,075 fr.

Il y aurait de ce chef entre chaque classe une différence de 300 francs.

La seconde partie du traitement des commissaires d'arrondissement serait, comme je l'ai dit, fixée d'après l'importance relative de l'arrondissement.

Le maximum de cette seconde partie du traitement, je le porterai à 850 fr. Ce maximum serait accordé à l'arrondissement de Bruxelles.

Il diminuerait de 25 fr. par chaque degré d'importance relative des arrondissements, de manière que cette partie de traitement étant de 850 fr. pour Bruxelles, elle serait de 825 pour Cand, de 800 pour Hasselt, de 775 pour Dinant, de 750 pour Louvain, de 725 pour Liège et ainsi de suite.

Le maximum de traitement des commissaires d'arrondissement s'élèverait donc à 5,825 fr. ; différence avec celui d'aujourd'hui 175 fr.

Le minimum devrait être de 4,075 fr., mais on pourrait conserver le chiffre de 4,200 fr. qui est le minimum, d'après la classification de 1849.

Dans cette classification, telle que je viens de l'exposer, 15 commissaires d'arrondissement recevraient une augmentation de traitement, quinze seraient soumis à une légère diminution, le traitement de cinq commissaires ne suffirait aucune modification.

La différence totale entre le crédit qui serait exigé par ce système et celui que l'on suit aujourd'hui, serait de 375 fr. en moins.

Les commissariats qui obtiendraient une augmentation de traitement sont : Louvain, Bruges, Tournai, Turnhout, Verviers, Dinant, Alost, Malines, (qui obtiendrait l'augmentation la plus élevée), .Nivelles, Ypres, St-Nicolas, Ath, Audenarde, Soignies et Marche.

Après vous avoir exposé ce système, je n'ai, messieurs, qu'une chose a demander, c'est que M. le ministre de l'intérieur veuille bien l'examiner avant la présentation du prochain budget.

M. de Decker. - Messieurs, la classification des commissariats d'arrondissement, telle qu'elle a été organisée en 1849, a été de ma part depuis quatre ou cinq ans l'objet de constantes réclamations ; et ces réclamations je les ai faites consciencieusement parce que je suis (page 508) convaincu qu'en dépit de la bonne foi qui a présidé à cette classification, il y a là des vices et par conséquent des injustices pour quelques-uns des commissariats d'arrondissement.

Je suis heureux de voir que je ne suis plus isolé à critiquer le système que j'ai critiqué depuis quatre ans. Je suis heureux surtout de voir que M. le ministre de l'intérieur a consacré quelques moments de loisir à étudier cette question qui vaut certes bien la peine d'être étudiée, parce que là où il y a une injustice à réparer il y a toujours un intérêt social en jeu.

Pour quiconque veut examiner cette question sans parti pris, il est évident que lorsqu'on procède exclusivement d'après les trois bases qui ont été adoptées, on doit arriver nécessairement à des résultats injustes. Ne considérer que l'étendue du territoire sans distinguer le territoire inculte du territoire enrichi par l'industrie et le commerce, ne voir que le nombre de communes sans tenir compte de l'importance de ces communes, c'est une marche qui doit nécessairement conduire à des résultats vicieux.

M. le ministre de l'intérieur a parfaitement compris les erreurs qui résultent de l'application exclusive et absolue de ces trois bases.

Ce n'est pas tout : comme M. le ministre l'a également reconnu, d'autres erreurs, d'autres injustices, résultent encore de cette circonstance que le gouvernement, dans la nouvelle classification, n'a pas tenu compte de l'importance relative des chef-lieux des arrondissements et de l'augmentation qui en découle pour les frais de bureau.

Je n'insiste plus. Je pense, messieurs, qu'il est impossible de méconnaître les vices du système actuel. La question est de savoir quel remède il faut y apporter.

M. le ministre propose de supprimer l'une des quatre classes et de faire passer dans la troisième classe les commissaires d'arrondissement qui appartiennent aujourd'hui à la quatrième.

Ce moyen est très facile, je l'avoue, mais est-il conforme à l'équité ? M. le ministre dit qu'il ne veut pas faire monter quelques commissaires à une classe supérieure en faisant descendre quelques autres commissaires à une classe inférieure, afin de ne pas toucher aux droits acquis, aux positions faites ; qu'il est beaucoup plus simple de faire passer dans la troisième classe ceux qui sont dans la quatrième et qu'ainsi tout le monde sera content.

Je regrette, messieurs, que lorsqu'on a fait la classification actuelle on n'ait pas été plus scrupuleux à respecter les positions acquises. S’il est vrai, comme l'a dit l'honorable M. Orban, que la classification de 1845 a entraîné une augmentation de dépense de 50,000 francs, il n'est pas moins vrai que des commissaires d'arrondissement ont vu, depuis lors, diminuer leurs traitements ; or c'étaient précisément ceux qui se trouvaient à la tête des arrondissements les plus importants et qui, par conséquent, avaient le plus de droit à ce que leur position fût conservée. Je citerai notamment les commissaires d'arrondissement de Malines et de Termonde. Ces hommes avaient occupé une position distinguée dans le parlement ; ils avaient dans une longue carrière politique rendu d'incontestables services au pays ; il aurait fallu du moins respecter leur passé politique ; qu'a-t-on fait ? On leur a, au contraire, appliqué une véritable expropriation pour cause de classification.

Je sais, messieurs, que c'était le résultat du système adopté et qu'on n'avait pas prévu ce résultat quant aux personnes dont il s'agit ; mais il n'en est pas moins vrai qu'à cette époque les positions n'ont nullement été respectées.

Il me semble donc qu'on ne peut pas s'opposer aujourd'hui à une réforme nécessaire, au nom des positions acquises.

Je crois, quant à moi, qu'il eût été beaucoup plus simple de reconnaître franchement que le système actuel produit deux ou trois anomalies et qu'au moyen de 4,000 ou 5,000 fr., on pourrait faire disparaître ces anomalies.

Du reste, si l'on veut supprimer la quatrième classe, je ne m'y oppose pas ; mais je crois qu'il est impossible de discuter cela séance tenante. C'est une solution qu'il aurait fallu indiquer dans le projet de budget et non point improviser par voie d'amendement.

Nous ne pouvons pas ainsi à la légère nous engager dans des dépenses nouvelles.

Le système proposé par l'honorable M. Thibaut, autant que je puis en juger par une première audition, me paraît assez rationnel : il conserve les trois bases, mais pour neutraliser ce qu'il peut en résulter de vicieux, il admettrait une quatrième base, l'inportance relative du chef-lieu d'arrondissement. Je crois que de cette manière on parviendrait plus ou moins à faire disparaître les vices du système actuel.

Messieurs, le seul but de mes observations, c'est d'engager le gouvernement à revenir sur une classification qui repose, selon moi, sur des bases trop exclusives et d'ailleurs incomplètes.

Les auteurs de ce système ne se sont pas rendu un compte exact, j'en ai la conviction, des résultats vicieux qu'il devait entraîner ; mais ces résultats n'en existent pas moins, et il importe de les faire disparaître.

Je demande donc que M. le ministre de l'intérieur veuille bien continuer l'étude de cette question et rechercher le meilleur moyen de faire disparaître les injustices qui résultent de la classification actuelle.

L'erreur qui a été commise a de l'importance non seulement quant aux personnes, mais aussi quant aux arrondissements. Ainsi, vous voyez aujourd'hui figurer dans la quatrième classe, Malines, Termonde, St-Nicolas, Ath, Soignies, etc.

Et dans la troisième classe, c'est-à-dire, dans une classe supérieure, figurent les arrondissements de Neufchâteau, de Dînant, de Philippeville, etc.

De sorte qu'il y aurait avancement pour un commissaire d'arnondissement qui passerait de Malines à Neufchâteau, ou de Termonde à Philippeville.

Ce sont là des anomalies qu'il est impossible de ne pas faire disparaître, et j'engage vivement M. le ministre de l'intérieur a ne pas laisser durer un état de choses qui constitue un véritable déni de justice pour plusieurs fonctionnaires.

M. Rogier. - Messieurs, je n'ai jamais nié la possibilité de réviser la classification des commissaires d'arrondissement qui a été faite en 1849, à l'occasion, vous ne l'ignorez pas, messieurs, d'économies considérables opérées sur l'article relatif à ces fonctionnaires. N'oublions pas, messieurs, qu’en 1848 il a été opéré une économie de 72,000 fr. tant par la suppression de quatre commissariats d'arrondissement que par une réduction sur les émoluments des fonctionnaires dont il s'agit.

Ainsi, messieurs, c'est avec raison que, hier, nous avons recommandé à M. le ministre de l'intérieur, s'il modifiait le tarif des frais de route et de séjour, d'avoir égard à cette circonstance que les commissaires d'arrondissement ont subi une réduction sur leurs émoluments par suite des économies introduites en 1848 ; il y avait eu une augmentation en 1845 ; mais en 1849 il y a eu, je le répète, une réduction considérable.

Maintenant, dit-on, cette réduction constitue des injustices, on a atteint d'honorables fonctionnaires ; mais, messieurs, je voudrais bien qu'on m'indiquât le moyen de faire des économies sur le traitement de fonctionnaires sans froisser ces fonctionnaires. C'est là un problème tout à fait insoluble. Si les commissaires d'arrondissement de Malines et de Termonde ont eu à subir des réductions, si d'autres ont eu à subir des réductions, c'est qu'il fallait bien répartir les économies sur les fonctionnaires et de quelque matiière qu'on s'y fût pris, il y aurait toujours eu des plaintes et des arguments pour démontrer que la répartition était mauvaise.

Ce que je puis affirmer, c'est que cette répartition a été faite avec une bonne foi entière, sans aucune acception de personnes. Il est regrettable, sans doute, que le commissaire d'arrondissement de Malines, père d'une nombreuse famille, n'ait pas pu conserver le traitement qui avait été attaché à ce commissariat ; je l'ai vivement regretté, mais l'économie été répartie d'après les trois bases que j'ai indiquées ; elle est tombée sur l'un et sur l'autre, sur des amis politiques, sur d'autres qui n'étaient pas aussi amis, mais il n'y a eu aucune considération de personnes, comme l'honorable M. de Decker l'a d'ailleurs reconnu.

Il n'est pas facile, messieurs, de changer une semblable classification. On peut bien dire que la classification repose sur des bases injustes ; mais autre chose est de la changer ; il est si peu facile de la changer, que, pendant les quinze mois que M. Piercot a mis à examiner cette affaire, il n'est pas parvenu à rectifier la classification. Car à quelle conclusion est-il arrivé ? Il y a quatre classes, dit-il, faisons-en trois ; pour contenter les fonctionnaires de la quatrième classe, faisons-les passer à la troisième et ajoutons 11,000 francs au budget. Voilà une solution qui n'a pas demandé de longues études à M. le ministre de l'intérieur.

Eh bien ! vous ne parviendrez pas par là à contenter lout le monde ; vous ne contenterez que ceux qui passeront de la quatrième classe à la troisième ; mais contenterez-vous les députés qui veulent que les commissaires de leur arrondissement de la troisième classe passent à la seconde.

Il est plus facile, je le répète, de critiquer les classifications que de les rectifier ; moi-même je m'en suis occupé ; mon successeur s'en est occupé, et vous voyez, par ses conclusions, qu'il est très difficile de faire droit aux réclamations.

Le moyen de contenter tout le monde serait de traiter les commissaires d'arrondissement comme les gouverneurs. Les gouverneurs ont tous le même traitement. Il n'y aurait plus de réclamations partielles, ou il y aurait des réclamations en masse contre l'insuffisance des traitements.

Ce n'est pas de gaieté de cœur que j'ai proposé une réduction sur les émoluments de cette classe si utile de fonctionnaires. Si M. le ministre de l'intérieur veut proposer une augmentation de crédit, j'examinerai cette proposition avec beaucoup de bienveillance et avec le désir d'améliorer, autant que possible, la position de ces fonctionnaires.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je ne me suis pas occupé de la question de la classification des commissaires d'arrondissement, et vous devez en comprendre les motifs. Si ma manière de voir pouvait prévaloir, toute classification deviendrait absolument inutile.

D'après les explications qui ont été données par M. le ministre de l'intérieur, il paraît qu'il serait quelque peu disposé à remédier au prétendu vice de la classification actuelle par une augmenntation de crédit ; eh bien, j'ai pris la parole pour faire connaître mon intention de combattre énergiquement cette proposition le jour où elle sera soumise à la chambre.

J'ai par devers moi un tableau qui constate qu'il y a aujourd'hui douze commissaires d'arrondissement de la quatrième classe et que leur traitement est de 4,200 fr. Eh bien, je suppose qu'une de ces places vienne à vaquer. Quel sera l'embarras qu'éprouvera M. le ministre de l'intérieur ? L'agréable embarras du choix, et parmi les candidats qui se présenteront en foule, il se trouvera certainement des personnes réunissant toutes les conditions de capacité et de zèle requises pour former (page 509) un bon commissaire d'arrondissement. Il n'est donc nullement nécessaire d'augmenter les émoluments attachés à cette nature de fonctions.

M. de Decker. - Réduisez les émoluments au quart, et vous trouverez encore des amateurs.

M. de Naeyer, rapporteur. - Si vous aviez fait attention à mes observations, vous ne m'auriez pas interrompu. Je ne me suis pas borné à dire qu'avec les traitements actuels vous trouveriez des commissaires d’arrondissement, mais que vous en trouveriez réunissant toutes les conditions désirables. Or, puisque vous pouvez en avoir de bons avec la dépense actuelle, pourquoi dépenser davantage, alors que nous ne disposons ici que de l'argent des contribuables ?

On dit qu'il ne s'agira que d'une bagatelle de 11,000 fr. ; mais veuillez remarquer que cette bagatelle restera au budget, aussi longtemps que subsisteront les commissaires d'arrondissement ; sous ce rapport ce serait une dépense peut-être permanente, et qui représente un capital de plus de 200,000 fr. Je dis « peut-être » permanente, parce que j'espère que dans un avenir pas trop éloigné on finira par comprendre que ces agents intermédiaires sont devenus inutiles ; or, c'est précisément avec ces petites bagatelles, qu'on ajoute successivement à l'un ou à l'autre article du budget que nous arrivons à l'enfler énormément.

Tout le monde est d'accord sur ce point, que nos dépenses ont reçu un accroissement considérable depuis 1830. Si on demandait quels sont les articles sur lesquels ont porté les augmentations, on ne pourrait guère citer beaucoup de chiffres bien saillants ; mais c'est par suite de toutes ces bagatelles, tantôt de 5,000, tantôt de 4,000, tantôt de 3,000, qu'on a fini par se trouver en présence d'une grosse somme creusant un vide considérable dans les caisses de l'Etat, qui finit tôt ou tard par nécessiter une augmentation d'impôts.

On a parlé de positions acquises. Mais ce sont là des positions personnelles ; eh bien, je ne m'oppose pas à ce qu'on accorde aux fonctionnaires dont la position a été froissée, un traitement complémentaire à titre personnel ; je ne m'oppose pas à ce que leurs émoluments soient rétablis au taux où ils étaient avant 1849. Mais ce n'est pas un motif pour augmenter d'une manière permanente le traitement attaché à ces fonctions, car, je le répète, si les commissaires d'arrondissement qu'on a dû exproprier pour cause de classification, venaient à résigner leurs fonctions, on trouverait très facilement à les remplacer d'une manière convenable, avec le traitement tel qu'il est actuellement fixé.

Je fais donc toutes mes réserves et j'espère que M. le ministre de l'intérieur y réfléchira mûrement, avant de s'engager dans une nouvelle voie de dépenses. Il est plus que temps de s'arrêter dans cette voie.

M. Moncheur. - Messieurs, quand on a discuté, en 1849, les bases nouvelles établies par l'ancien ministre de l'intérieur pour la classification des commissaires d'arrondissement, j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre une lacune à ces bases. Je vois avec plaisir que M. le ministre de l'intérieur, dans les études qu'il a faites de la question, a été amené à exprimer la même idée que celle qui me guidait alors, et à reconnaître la nécessité de combler la lacune que je signalais.

Je veux parler du nombre des affaires qui se présentent dans l'administration des communes composant les différents commissariats d'arrondissements, nombre des affaires qui doit être admis comme une des bases de la classification de ces commissariats.

En effet, il ne suffit pas d'avoir égard au nombre des communes, à leur population, et à l'étendue du territoire pour proportionner d'une manière juste et équitable le traitement du commissaire d'arrondissement à sa besogne ; mais il faut encore et surtout prendre en considération les circonstances dans lesquelles les communes se trouvent eu égard à la difficulté de leur administration.

Ainsi il est évident que les communes qui possèdent beaucoup de biens communaux sont d'une administration plus difficile que celles qui n'en possèdent pas.

Ainsi quand dans un commissariat d'arrondissement vous trouvez la plus grande partie des communes dotées de biens communaux, vous devez prendre cette circonstance en sérieuse considération pour établir le traitement du commissaire.

J'ai dû renouveler cette observation, parce que dans les paroles qui ont été prononcées par deux honorables préopinants se trouve l'opinion que le ministre pourrait continuer à prendre uniquement pour bases de la classification les trois éléments précédemment adoptés en y joignant seulement une quatrième considération qui consisterait dans l'importance du chef-lieu.

Or, j'estime que dans ce système on arriverait infailliblement encore à des résultats injustes.

Vous devez, en effet, proportionner la rémunération à la besogne et rétribuer les commissaires qui ont plus d'ouvrage mieux que ceux qui en ont moins.

Dans les communes qui possèdent des biens communaux, plusieurs circonstances multiplient considérablement le travail de l'administration :

Le partage des affouages, les questions de vaine pâture ou de pâturage, les ventes des produits des bois communaux ou des biens ruraux ; les locations, etc., toutes besognes ou toutes questions qui naissent à l’occasion de la possession de biens de communes. En outre les communes comme les particuliers sont soumises à toutes les difficultés de litige auxquelles peuvent donner lieu les propriétés immobilières ; ici ce sont des empiétements à réprimer ; là des délits forestiers à punir.

Bref, il est inutile d'insister sur ce point, que chacun de vous conçoit. Oa connaît le proverbe : « qui terre a guerre a » ce proverbe est vrai pour les communes comme pour les particuliers, et c'est là une des sources les plus abondantes de la besogne des commissaires d'arrondissement et de la députation permanente. De plus, il est souvent nécessaire, dans ces cas, que les commissaires se transportent de leur personne sur les lieux.

Je prie donc M. le ministre de ne pas perdre de vue, dans l'examen qu'il doit faire de la question dont il s'agit, la quatrième base, qui est « le nombre des affaires, » base qui est conforme aux observations que j'avais moi-même présentées il y a cinq ans.

M. Prévinaire. - Messieurs, la question que l'on discute n'est pas mûrie, elle n'est pas en état d'arriver à une solution. Voilà ce qui est constant ; aussi n'aurais-je pas pris la parole pour suivre les honorables membres sur le terrain des considérations qu'ils viennent d'émettre ; je désire faire remarquer à la Chambre que la question des réductions et des augmentations de traitement de certains commissariats d’arrondissement n'a pas l'importance qu'on s'efforce de lui donner.

Quelles ont été les conséquences des réformes introduites au budget de 1849 ? Une économie de 3,300 fr. La réduction opérée sur les traitements a été de 5,700 fr. ; elle a été supportée par dix agents ; d'autre part, les augmentations de traitement se sont élevées à 2,400 fr. et ont profité à cinq fonctionnaires.

Le maximum de la réduction comme le maximum de l'augmentation ne s'est élevé qu'à 600 fr., sauf pour l'arrondissement de Malines. On devrait induire de l'insistance de l'honorable M. de Decker, que le commissaire de l'arrondissement de Termonde aurait été plus maltraité qu'un autre ; il n'en est rien, et le contraire a eu lieu, puisqu'il n'a subi que le minimum de la réduction, celle de 450 fr.

Je n'entends pas le moins du monde...

M. de Decker. - Et les frais de bureau.

M. Prévinaire. - Ils ont été réduits dans la même proportion, parce que les bases étaient les mêmes.

Je n'entends pas critiquer les honorables membres qui défendent les intérêts de leur arrondissement, mais j'ai voulu mettre sous les yeux de la Chambre les résultats des réformes qui ont été introduites, pour démontrer que la question n'a pas l'importance qu'on veut lui donner.

Il sera très facile, avec une dépense très minime, de réparer les quelques injustices qui peuvent résulter de la classification qui a été adoptée.

La réduction générale opérée au budget de 1849 sur le montant de l'allocation pour traitements fixes des commissaires d'arrondissement a été de 24,300 francs ; cette économie a été obtenue sans nuire au service par la classification des arrondissements, par la suppression de quelques arrondissements sous un même titulaire et en ne donnant pas suite à la création résolue d'un nouveau commissariat.

Il est bon de remarquer qu'une somme d'environ 40,000 fr. a été économisée sur l'allocation pour émoluments et frais de bureau des commissaires d'arrondissement ; tels ont été les résultats de l'organisation de 1849.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Mon but en prenant la parole a été de répondre à une interpellation, non de faire en ce moment une proposition formelle. Si elle doit être faite, ce sera au budget qui doit être présenté bientôt pour l'exercice 1855.

En présentant ces observations j'ai voulu recueillir l'avis de ceux d'entre vous qui ont examiné la question d'une manière spéciale, afin de donner à l'étude qui reste à compléter un caractère plus approfondi.

Ce qu'il importe de faire observer, c'est que quelque soit le résultat auquel on veuille arriver, il est impossible d'améliorer la position de quelques commissaires d'arrondissement sans augmentation de dépense. La Chambre n'entrera pas dans un système qui consisterait à dépouiller les uns pour améliorer la position des autres.

- La discussion est close.

L'article 37 est mis aux voix et adopté.

Articles 38 à 40

« Art. 38. Emoluments pour frais de bureau : fr. 81,200. »

- Adopté.


« Art. 39. Frais de routes et de tournées : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Plusieurs collègues ont désiré qu'on fît connaître à l'avance le jour où les sections seraient convoquées pour l'examen du projet de loi relatif aux établissements de bienfaisance et aux dons et legs charilabes.

Veut-on fixer l'examen de ce projet à mercredi ? (Adhésion.)

L'examen en sections du projet de loi relatif aux établissements de bienfaisance et aux dons et legs charitables aura lieu mercredi, deux heures avant la séance.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VI. Milice

Article 41

« Art. 41. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le (page 510) conseil) et des secrétaires de ces conseils. - Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice ; vacations des officiers de santé en matière de milice ; primes pour l'arrestation des réfractaires : fr. 63,000. »

M. de Perceval. - Dans le courant de la dernière session, M. le ministre de l'intérieur a déposé un projet de loi tendant à modifier les lois sur la milice. La Chambre n'a point fait un accueil très sympathique aux dispositions qui nous étaient présentées pur te gouvernement ; aussi, ne s'en est-elle pas occupée immédiatement. Le bruit a bientôt circulé sur nos bancs que ce projet de loi était retiré.

Je. demanderai à M. le ministre de l'intérieur quelques explications à ce sujet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne connais rien de ces bruits. Je sais qu'un projet de loi a été présenté. La Chambre est libre d'en faire ce qu'elle jugera convenable.

M. de Perceval. - Je demande alors que ce projet de loi, qui est dans les cartons de la Chambre depuis plus d'un an, en sorte et qu'il soit examiné par les sections.

M. le président. - On pourrait l'examiner après le projet de loi dont j'ai parlé tantôt. Il y a aussi le projet de loi sur l’enseignement agricole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Qui presse davantage.

M. le président. - Oui. Auquel de ces deux projets veut-on donner la priorité ?

- - Plusieurs membres. - A l’enseignement agricole.

M. le président. - M. de Perceval ne réclame pas la priorité ?

M. de Perceval. - Non, M. le président. Je ne désire qu'une chose, c'est que le projet de loi soit examiné avant la clôture de la présente session.

M. le président. - Très bien.

- L'article 41 est adopté.

Article 42

« Art. 42. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription ; frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 3,700. »

- Adopté.

Chapitre VII. Garde civique

Articles 43 et 44

« Art. 43. Inspecteur général et commandants supérieurs de la garde civique : fr. 6,885. »

- Adopté.


« Art. 44. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin central, personnel et matériel : fr. 15,115. »

- Adopté.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, j'accorderai la parole à M. de Baillet-Latour, qui était inscrit pour parler sur le chapitre de la garde civique, et qui n'était pas présent au moment du vote. (Adhésion.)

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, l'honorable auteur du rapport de la section centrale est connu pour ne pas porter un bien profond attachement à l'institution de la garde civique ; aussi je ne suis point surpris qu'il veuille la suppression du magasin central d'armes et d'équipements de la garde civique. Ce n'est pas la première fois que l'on a rêvé une garde civique armée à la façon des constables de Londres. Ou n'a pas pu, comme on l'aurait voulu, supprimer la garde civique, on veut arriver au même but en la désarmant. La Chambre ne se laissera pas prendre à ce piège. Je la prie de me permettre de lui donner quelques explications sur la nécessité de maintenir le magasin central et son personnel.

Le magasin central d'armes et d'équipements à distribuer aux trente-cinq ou quarante mille gardes civiques du royaume, était à l'hôtel de ville de Bruxelles. L'autorité communale, ayant eu besoin du local qu'il occupait, invita le gouvernement à faiee reprendre tous les objets appartenant à l'Etat.

C'est alors que fut louée la maison n°10 au Grand-Sablon. Celle maison est située de la manière la plus convenable ; à proximité du palais, des ministères, du palais de justice. On pourrait au besoin y réunir six bataillons qui de là seraient facilement dirigés vers tous les points.

Cette maison est pourvue d'une grande cour indispensable pour armer et équiper les gardes, ainsi que pour inspecter les armes ; pour emballer les fusils, ceinturons, gibernes, que l'on expédie dans toutes les parties du pays, ainsi que pour recevoir les armes et objets d'équipement qui arrivent. Elle a un local convenable pour les travaux de l’armurier charge de réparer, de nettoyer, d'entretenir les armes, d'empêcher la détérioration d'un matériel considérable appartenant à l'Etat dont la valeur est très élevée.

Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance de l'armement. Dans les régiments, il y a des inspections toutes les semaines ; un officier d'armement, plusieurs armuriers et un contrôleur d'armes font, une fois par an, une inspection générale. La loi du 8 mai 1848 prescrit, article 65, deux inspections d'armes par an. Il est donc nécessaire d'avoir des armuriers pour démonter et remonter les fusils, carabines, mousquetons, etc., constater les dégradations, et les réparer sous la surveillance des officiers. Tous les hommes qui connaissent un peu la question reconnaîtront qu'il est indispensable d'avoir au magasin central un bon ouvrier armurier pour entretenir les armes en bon étal. Il y a des économies ruineuses ; la suppression de cet ouvrier, dont le traitement n'est que de 300 fr., coûterait cher à l'Etat, par la détérioration de son matériel. Il en est de même du concierge qui ne reçoit que 300 fr. par an et qui veille sur le dépôt d'armes. De plus ce concierge aide, au besoin, l'armurier.

Il est impossible, comme le propose M. le rapporteur, de déposer les armes dans les magasins de l'Etat. La plupart des gardes, employés, commerçants, occupés toute la journée de leurs affaires, ne peuvent venir s'armer que le soir, après l'heure où sont fermés les magasins de l'Etat. D'ailleurs il est bon que la garde civique n'ait pas à recevoir directement ses armes du département de la guerre. C'est une garantie de plus pour la défense de nos institutions, pour la défense de l'ordre, que la garde civique a pour mission de protéger.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - L'honorable M. de Baillet-Latour vient de vous communiquer quelques remarques critiques adressées à la section centrale. Ces observations concernent surtout la recommandation faite au gouvernenent d'examiner la question de savoir si, au budget prochain, il ne serait pas possible d'épargner au trésor public la dépense du loyer d'un hôtel loué pour servir de dépôt d'armes ou plutôt d'arsenal de la garde civique, et les dépenses de personnel et d'entretien qui en sont la suite.

La section centrale rappelle au gouvernement que la loi sur la garde civique n'impose à l'Etat que les dépenses d'armement, d'équipement et celles qui concernent les munitions.

Aussi est-elle d'avis que rien n'autorise le département de l'intérieur a dépenser au-delà de 2,000 francs pour distribuer des armes de luxe aux gardes civiques pour favoriser l'exercice du tir.

Enfin la section centrale estime que bien des dépenses seraient évitées, si les armes étaient délivrées aux gardes par l'intermédiaire des chefs de la garde civique et des autorités communales.

Ces observations ne sont pas du goût de l'honorable préopinant ; et pour établir que ces observations sont peu fondées, il a déclaré que je n'étais pas le partisan de cette institution, que je voulais transformer les gardes civiques en constables anglais.

C'est là, il faut en convenir, un singulier argument.

Les observations de la section centrale sont sans autorité, parce que je serais l'adversaire de la garde civique.

Et pourquoi suis-je déclaré son adversaire ? Parce que j'ai contribué à faire modifier la loi d'organisation.

Or, ces modifications ne nuisent en rien aux services que le pays doit attendre des gardes civiques ; ces modifications ont rendu cette charge un peu moins lourde. En voilà la conséquence ; je ne pense pas que les gardes s'en plaignent beaucoup.

Qu'on prouve la nécessité de cet arsenal créé par le département de l'intérieur, et qui se trouve dans ses attributions, et les observations de la section centrale resteront comme non-avenues.

Qu'on prouve qu'il n'est pas possible d'utiliser les arsenaux de la guerre pour la garde civique.

Qu'on établisse qu'il n'est pas possible de faire délivrer des armes par le département de la guerre aux chefs des légions des gardes civiques avec l'intervention des autorités communales.

Qu'on établisse qu'il vaut mieux faire réparer les armes de la garde civique par les ouvriers du département de l'intérieur que par les ateliers du département de.la guerre, et je passe condamnation.

Voici un des résultats de cette intervention des bureaux du département de l'intérieur dans le service pour lequel il n'est pas organisé, et pour lequel il est incompétent. Ecoutez :

20,000 fusils à silex ont été tirés des arsenaux de la guerre et livrés au département de l'intérieur.

La direction de la garde civique a cru qu'il convenait de les transformer dans le système à percussion.

Des armes à silex n'étaient pas convenables pour le service des gardes civiques.

La transformation fut donc arrêté au département de l'intérieur, sans consulter le département de la guerre, et la transformation se fit sous la direction d'un chef de division de ce département.

Or, il faut vous dire, messieurs, que cette opération exige beaucoup de soins. C'esl une opération délicate, qui exige des ouvriers habiles, bien outillés, et la surveillance d'hommes du métier.

Cette transformation aurait dû se faire à la manufacture d'armes de l'Etat. Eh bien, elle a été faite par des ouvriers peu connus, offrant peu de garanties, et de plus, la réception a été faite on ne sait trop comment.

Quelle assurance avons-nous dès lors que cette transformation a eu lieu d'une manière convenable, que les armes n'ont rien perdu de leur valeur ? qu'elles n'ont rien perdu de leur sûreté ?

Aussi, ai-je lieu de croire que le département de la guerre ne consentirait pas à les reprendre dans ses arsenaux.

Le pays n'a donc rien à gagner par cette nouvelle intervention du département de l'intérieur. L'entretien, la réparation, la transformation des armes de guerre ne sont pas de sa compétence.

(page 511) Et, je le déclare, je suis étonné qu'il ait pris une aussi grave responsabilité.

Cette dépense considérable était d'ailleurs inutile : des fusils à silex sont suffisants pour maintenir l'ordre ; ils ont bien suffi à faire les grandes guerres de l'empire.

La section centrale n'a pu approuver non plus les dépenses faites au nom de l'Etat pour achat d'armes de luxe à délivrer en prix aux cardes civiques.

La loi de son organisation n'autorise pas le gouvernement à imposer cette dépense aux contribuables.

La loi ne l'autorise pas non plus à louer des bâtiments aux frais de l'Etat pour les transformer en arsenaux.

Je compte, au reste, revenir sur cette question à propos des crédits supplémentaires qui restent à voter. Un crédit de 40,000 fr. y figure pour l'armement et la transformation des armes des gardes civiques. Nous pourrons alors discuter cette question à fond avec l'honorable député de Philippevillc.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que c'est un de ces articles qui devraient passer sans observations, car elles ne conduisent à rien. Cependant on ne se fait pas faute de critiques.

D'abord ce prétendu arsenal dont on fait une espèce de citadelle est un local qui est devenu nécessaire, parce que la ville de Bruxelles n'a pu continuer de mettre à la disposition du département de l'intérieur le local où il faut bien recueillir les armes sans emploi actuel.

Cette maison coûte 3,000 fr., mais il faut en déduire pour une indemnité de logement payée par la personne qui l'occupe 800 fr. ; pour le loyer des états-majors de deux légions 1,200 fr. Ensemble 2,000 fr. La dépense n'est donc en définitive que de 1,000 fr. cette dépense est nécessaire, car il faut bien un local où soient déposées les armes remises par les gardes dont le service est expiré, celles qui attendent une destination, et enfin les armes qui exigent des réparations qui ne sont pas aux frais des gardes.

C'est dans ce local qu'on les dépose.

On reproche au gouvernement d'acheter des armes de luxe et des êpingletles comme prix des exercices de tir. Ce sont des dépenses qui dans tous les corps armés sont nécessaires. Partout on exerce les corps armés au tir. Quand on leur distribue des récompenses, qui peut le trouver mauvais ? Quand on veut une garde civique, on doit la vouloir sérieuse, encourager les citoyens qui se dévouent pour le maintien de l'ordre et ne pas se récrier pour de pareilles misères.

C'est en définitive une dépense insignifiante, et je ne conçois vraiment pas qu'on ait le courage de venir élever la voix pour rencontrer de prétendus abus qui n'existent que dans l'imagination de ceux qui les l'ont connaître.

M. Manilius. - Comme l'article était déjà voté, j'avais cru, comme M. le ministre vient de le dire, qu'il était inutile de relever les assertions qui se trouvent dans le rapport. Malheureusement il n'en est pas ainsi, on a réchauffé les observations qui se trouvent dans le rapport et qui étaient déjà refroidies. Ces observations occupent deux pages du rapport et je puis déclarer, j'en suis fâché pour l'honorable rapporteur, qu'il n'y a pas une ligne de ces deux pages conforme à la réalité des faits.

Ainsi l'honorable rapporteur parle comme si la garde civique avait un arsenal général.

Messieurs, il y a un arsenal pour les légions et armes spéciales qui sont à Bruxelles, comme il y a à Gand un arsenal pour les légions et armes spéciales de cette ville. Cet arsenal à Gand est à l'hôtel de ville ; quelques salles de cet édifice sont employées à cet usage, comme à Bruxelles on loue une maison pour la même destination.

Et comment l'honorable rapporteur veut-il qu'il en soit autrement ? Il faut que l'honorable membre n'ait pas la moindre connaissance du service intérieur de la garde civique.

Messieurs, la garde civique constitue un corps armé. Comme tous les corps armés qui forment la force publique, il faut qu'elle ait des armes en proportion de son personnel. Vous avez une armée d'environ 30,000 citoyens qui demandent des fusils. Qu'en résulte-t-il ? C'est qu'il faut 30,000 fusils. Mais ces fusils restent-ils constamment dans les mêmes mains ? Non, chaque année vous avez dans la garde civique une inscription et non une conscription réglée comme dans l'armée ; vous n'avez pas 10,000 miliciens qui viennent remplacer 10,000 hommes libérés.

Tous les citoyens belges qui ont atteint 21 ans doivent faire partie de la garde civique ; il en résulte tous les ans une entrée et une sortie irrégulières ; et généralement les fusils qui sont rendus par les hommes qui, ayant 50 ans, reçoivent leur congé, ne sont pas suffisants pour armer les gardes nouveaux ; d'abord parce que la population de la nouvelle génération est plus considérable que celle de la vieille génération et surtout parce que le nombre d'hommes qui arrivent à 50 ans est beaucoup moindre que le nombre de ceux qui atteignent 21 ans. Il en résulte que chaque année il entre dans la garde plus d'hommes qu'il n'en sort, et il faut leur distribuer des armes.

Mais, dit l'honorable rapporteur, que le département de la guerre qui doit armer la garde civique, donne un fusil à chaque homme et tout sera dit. Il ne faut pas, pour cela, d'arsenal.

Messieurs, je le repète, il ne faut pas avoir la moindre idée de l'administration d'un corps armé, pour raisonner ainsi. Mais le système de l'honorable M. de Man ne pourrait pas même s'appliquera un corps de pompiers. Car chaque année il y a des hommes qui meurent, des hommes nouveaux qui entrent et entre-temps il faut un lieu où les armes puissent être déposées.

Est-ce que l'honorable M. de Man croit peut-être que les chefs de corps, malgré tout leur dévouement, vont établir un arsenal chez eux ? Veut-il qu'un chef de légion prenne chez lui les armes des gardes qui viennent à mourir ou qui quittent la commune ? Où veut-il mettre ces armes ? Je le lui demande.

Messieurs, lorsque j'ai lu le rapport, j’étais bien disposé à combattre toutes les assertions qu'il contient. Mais je me suis d'abord tu, parce que j'ai vu que la Chambre avait haussé les épaules et avait voté. Car l'article est déjà voté.

Il est un dernier point auquel déjà l'honorable ministre a répondu.

L'honorable ministre de l'intérieur vous a dit avec raison qu'il devait être permis au gouvernement de donner un peu d'émulation à un corps armé de 30,000 hommes qui coûte, combien à l'Etat ? Les 3,000 fr. que vous venez de voter. Car pour les inspections, pour ces fameux arsenaux dont on vous parle, pour les généraux et pour tous les besoins quelconques de la garde civique, l'Etat dépense 20,000 fr. Et vous avez pour cette somme une armée de 30,000 hommes, non compris les officiers et les hommes non armés ! et pour cette armée sédentaire il n'y aura pas un peu d'indulgence dans cette Chambre ! Il ne faut pas lui donner le moindre encouragement, il ne faut pas lui distribuer des épingleltes d'honneur, car cela coûte à l'Etat ; cela lui est fatal ! Non, il faut décourager cette institution. Vous pouvez donner des millions pour toute autre chose, mais il ne faut pas donner un centime pour le service de l'Etat envers 30,000 citoyens qui ne demandent rien.

Messieurs, la Chambre a déjà jugé ; je n'en dirai pas davantage.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je ne puis laisser sans réponse les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Manilius. Il a déclaré d'abord qu'il n'y avait pas deux lignes dans le rapport de la section centrale concernant la question qui nous occupe qui fussent exactes.

M. Manilius. - Je le maintiens.

M. de Man d'Attenrode. - Vous pouvez le maintenir, si cela vous convient, mais vous ne devriez pas en rester là, il faudrait le prouver. Or, les deux tiers de la note qui fait l'objet des critiques de l'honorable membre sont des emprunts faits aux réponses que le gouvernement a adressées à la section centrale. Si donc il y n'a pas deux lignes exactes, c'est que les renseignements donnés par l'administration ne le sont pas.

L'honorable M. Manilius vous a dit ensuite comme M. le ministre de l'intérieur qu'il étaient indispensable que l'Etat fît les frais d'un hôtel transformé en arsenal à Bruxelles. Je vais établir par les paroles de l'honorable M. Manilius lui-même que cela n'est nullement nécessaire. Que vous a dit cet honorable membre ? Il vous a dit qu'un dépôt destiné au même usage existait à Gand, qu'il se trouvait à l'hôtel de ville. Eh bien, s'il en était à Bruxelles comme à Gand, l'Etat n'aurait pas à supporter les frais de location d'un arsenal et du personnel qui en est la conséquence.

L'honorable M. Manilius croit, et je pense avec lui, qu'un dépôt d'armes pour la garde civique est nécessaire. Mais c'est à la commune à fournir ce local ; la loi le veut ainsi.

L'honorable M. Manilius a donc indiqué au gouvernement comment il devait s'y prendre pour loger à Bruxelles les armes disponibles de la garde civique. Il faut imiter ce qui se passe à Gand.

Quant à la dépense d'au-delà de 2,000 fr. qui a été imputée sur le budget de l'exercice précédent et qui l'a été à notre insu, pour distribuer des prix aux gardes, M. le ministre de l'intérieur traite encore cela de bagatelle. 2,000 fr. pour lui, c'est encore une bagatelle. Mais comme ces bagatelles se renouvellent souvent, l'on finit par arriver en les additionnant à un chiffre considérable, et c'est ainsi que les budgets augmentent insensiblement sans diminuer jamais.

On ne peut pas traiter de bagatelle des dépenses inutiles et que la loi n'autorise pas, et qui sont prélevées sur les contribuables. Que M. le ministre de l'intérieur nous indique l'article de la loi de la garde civique sur lequel il se fonde pour justifier cette dépense. Aussi lorsque la cour des comptes se refuse à liquider des dépenses comme celle-là, elle est fondée à le faire, il est de son devoir d'en agir ainsi. Aucun article de la loi n'autorise le ministre à faire des dépenses semblables.

Je le répète, le trésor n'a d'autre dépense à supporter pour la garde civique que celle qui concerne la délivrance des armes, l'équipement et les munitions. Toute autre dépense est communale ou concerne les gardes eux-mêmes.

M. Manilius. - Messieurs, il est évident que la question n'est pas de nature à entraîner une longue discussion, mais je tiens à rectifier quelques faits.

L'honorable M. de Man raisonne comme si j'avais prétendu qu'il n'y avait à Bruxelles qu'un arsenal semblable à celui pour lequel la ville de Gand donne des locaux. Mais il n'en est rien. Car lorsqu'il nous manque des fusils à Gand, c'est à Bruxelles que nous les demandons ; quand nous en avons trop, c'est à Bruxelles que nous les renvoyons.

D'ailleurs, M. le ministre s'en est expliqué, c'était bien assez ; mais (page 512) si l’honorable M. de Man veut que je lui dise tout ce qui se passe dans l'administration d'une garde civique, qu'il ait la bonté de passer chez moi, je le lui ferai connaître. Je n'ai pas employé deux pages d'impression pour m'expliquer là-dessus, j'ai seulement tenu à rectifier les faits, et je regrette que l'honorable rapporteur ne juge pas à propos de prendre connaissance des faits, avant de faire ses observations.

M. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que quand on se donne la peine de faire un rapport avec beaucoup de soin, on ne devrait pas être attaqué parce qu'on cherche à faire régner l’ordre dans l'administration. Certainement si aucune somme ne figure au budget pour épinglettes et autres objets dont il a été parlé, il ne faut pas faire de ces dépenses. Si vous permettez aujourd'hui de dépenser irrégulièrement 2,000 fr., je ne vois pas pourquoi l'on n'irait pas à 4,000, à 6,000, à 10,000 et ainsi de suite. On ne nous a que trop habitués précédemment à voir fouiller dans le budget sans autorisation, et il ne faut pas faire des reproches à un rapporteur de la section centrale, parce qu'il cherche à faire connaître à la Chambre ce qu'il peut y avoir d'abusif dans l'emploi qu'on fait des deniers de l'Etat ; on devrait, au contraire, lui savoir gré des peines qu'il se donne.

On oublie trop, d'ailleurs, que l'opinion exprimée dans un rapport est l'opinion de la section centrale tout entière et non pas seulement celle du rapporteur. Je ne comprends pas non plus qu'on dise à un rapporteur : Si vous étiez venu me consulter, je vous aurais donné tel ou tel renseignement. Les rapporteurs auraient bel à faire s'ils devaient aller chez tous les membres de la chambre demander s'ils ne se sont pas trompés dans leurs observations.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la dépense relative aux épinglettes n'est pas illégale du tout, car elle a été faite en vertu de la loi de budget ; tous les ans il en a été de même, et jamais la Chambre n'a trouvé mauvais qu'on encourageât la garde civique dans des exercices aussi essentiels que ceux du tir.

Chapitre VIII. Fêtes nationales

Article 45

« Art. 45. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - Ici vient l'amendement proposé par MM. Lesoinne, Adolphe Roussel, de Renesse, de Bronckaert, Moreau, Closset, et de Wouters, et qui est ainsi conçu :

« Subside à l'association générale des carabiniers belges : fr. 10,000. »

La parole est à M. Lesoinne, pour développer cet amendement.

M. Lesoinne. - Messieurs, le subside que nous avons l'honneur de proposer à la Chambre d'accorder à l'association générale des carabiniers belges, ne vous est pas demandé dans un but de plaisir ou de simple agrément, mais dans un but plus sérieux et plus noble, celui de la défense nationale. Dans notre pays, messieurs, où, grâce aux institutions libérales sous lesquelles nous avons le bonheur de vivre, l'esprit de nationalité a jeté de si profondes racines, la pensée de rechercher tous les moyens possibles de maintenir et de défendre notre indépendance devait naturellement se produire et fructifier. C'est sous l'impression de cette patriotique pensée que les sociétés de tir à la carabine du royaume ont compris qu'elles pouvaient donner une direction plus utile et plus noble à la fois à un exercice qui, comme le dit la pétition que vous avez sous les yeux, n'avait jusqu'alors servi qu'à leur amusement. Elles ont saisi avec empressement l'idée de concentrer leurs efforts afin de les faire servir efficacement à la défense du territoire.

Nous pensons, messieurs, que pour une guerre défensive, qui est la seule que nous puissions avoir à soutenir, la formation de corps volontaires, composés entièrement de tireurs d'élite, serait d'un puissant secours. Je pourrais m'appuyer sur l'opinion de plusieurs officiers distingués de notre armée, je pourrais citer aussi celle de feu le général sir Charles Napier qui a commandé en chef les forces anglaises dans les Indes et dont la haute réputation est répandue dans toute l'Europe.

En effet, ces corps bien commandés, armés de carabines de grande précision et connaissant parfaitement le pays, formeraient une force redoutable, que l'ennemi qui voudrait nous envahir ne peut pas évaluer, et qui serait de nature à le faire réfléchir avant de s'engager sur notre sol.

D'un autre côté, l'armée se sachant soutenue dans toutes les parties du territoire par des tirailleurs d'une adresse consommée, en acquerrait une confiance et une force très grandes.

Cette association, messieurs, est donc appelée, suivant nous, à rendre de grands services au pays, et à ce titre nous croyons qu'elle mérite les sympathies de la Chambre.

Le subside que nous proposons de lui accorder est destiné à couvrir en partie les frais d'organisation et de construction de tirs nationaux, de manière à les mettre à l'abri de tout accident. Comme ces tirs ont lieu successivement dans chaque chef-lieu de province, le subside demandé présente un certain caractère d'utilité générale et de justice distributive.

Ce seront de belles et utiles fêtes auxquelles toutes les provinces seront à tour de rôle appelées à participer.

La somme que nous demandons est minime, si on la met en regard des résultats à obtenir.

En vous faisant cette proposition, messieurs, nous croyons sincèrement agir dans l'intérêt bien entendu du pays. C'est ce qui nous fait espérer que vous voudrez bien l'accueillir favorablement.

Messieurs, les garanties de stabilité les plus fortes du gouvernement représentatif consistent dans l'accomplissement des devoirs. Parmi ces devoirs, l'un des plus sacrés sans contredit c'est de défendre le pays, et nous pensons qu'il est bon et utile d'encourager ceux qui veulent se vouer à l'accomplissement de ce patriotique devoir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la proposition qui vient de développer l'honorable M. Lesoinne est due sans doute à un sentiment patriotique puisqu'elle intéresse la défense du pays. Cependant d'après les explications que l'honorable membre a données à l'appui de son projet, il s'agirait, si je l'ai bien compris, de créer en quelque sorte un corps auxiliaire destiné à concourir avec l'armée à la défense du territoire.

Si c'est là, et il n'est guère permis d'en douter, le but de la création du corps des carabiniers belges, la proposition trouverait bien mieux sa place dans le budget du département de la guerre que dans celui de l'intérieur. Mon collègue de ce département pourrait avoir à s'expliquer à cet égard.

J'avais pensé d'abord qu'en proposant l'amendement au chapitre des fêtes nationales, on n'avait en vue que de faire examiner jusqu'à quel point le budget de l'intérieur pourrait intervenir, par le crédit destiné aux fêtes nationales, dans les dépenses de l'association, et je m'apprêtais à dire que sans recourir à la demande d'un crédit de 10,000 francs, le gouvernement examinerait avec la plus grande bienveillance dans quelles limites il pourrait faire participer la société aux solennités des fêtes anniversaires de l'indépendance.

Dans le courant de l'année dernière, les carabiniers belges s'étaient déjà adressés au gouvernement à cet effet, et il avait été répondu qu'il n'était pas impossible de trouver sur le crédit de 10,000 francs mis à la disposition du gouvernement, une somme destinée à couvrir une partie des frais d'un grand concours de tir. La société de carabiniers aurait été traitée comme beaucoup d'autres sociétés qui concourent, à Bruxelles, soit pour le tir, soit pour d'autres réjouissauces, et contribuent à donner à nos fêtes un caractère vraiment national et imposant. Mais hors de ces limites et par les motifs que j'ai indiqués tout à l'heure, je ne puis m'associer à la pensée des honorables auteurs de la proposition.

M. Orban. - La réponse de M. le ministre ne me paraît pas suffisante. Si la société en faveur de laquelle on réclame un subside est une compagnie exercée au maniement des armes et organisée de manière à concourir avec l'armée à la défense du pays, alors, la chose me paraît fort sérieuse, et il y aurait lieu de se demander : Où sont les garanties que devrait offrir au pays une force organisée de cette nature ?

M. Prévinaire. - Messieurs, je viens m'associer à la pensée des honorables auteurs de la proposition. Je crois que lorsqu'on examinera cette proposition sérieusement et sans préventions, elle ne sera pas considérée comme aussi futile ou comme aussi dangereuse qu'on paraît le croire. Je crois que quand M. le ministre de l'intérieur voudra réfléchir à la portée de la proposition, il verra qu'elle se rattache essentiellement à son budget, qu'elle n'a aucun rapport avec le département de la guerre.

En effet, il ne s'agit nullement de créer un corps militaire ; il s'agit d'encourager dans le pays une organisation qui aurait pour base, à la vérité, des récréations plutôt qu'autre chose, mais qui, en fin de compte, fournirait à l'Etat une garantie très considérable, en offrant, comme moyen de recrutement de la garde civique, des forces qui lui manquent aujourd'hui.

Quel est le reproche qu'on fait souvent à la garde civique ? De manquer d'habileté dans le maniement des armes. Eh bien, cet inconvénient serait corrigé en partie par le développement des sociétés de tir à la carabine.

La Belgique est la terre classique des sociétés d'archers et d'arquebusiers, et jamais ces sociétés n'ont constitué le moindre danger. Je les considère au contraire comme représentant l'un des caractères distinctifs de notre nationalité.

Je pense qu'aujourd'hui plus que jamais il y a lieu d'encourager le développement de ces sociétés particulières, par le motif qu'elles fourniront des éléments qui ne peuvent que fortifier certaines fractions de la garde civique, et en effet, l'organisation de la garde civique se prête parfaitement au recrutement de ses membres dans les rangs des sociétés de tir. Dans presque toutes nos grandes villes la garde civique comprend des compagnies de chasseurs éclaireurs dont l'organisation est susceptible d'une grande amélioration et qui, composées d'hommes bien exercés au tir de précision, offriraient des ressources précieuses pour la défense du pays et surtout des places de guerre. Une pareille organisation ne coûtant rien au budget et offrant des ressources militaires réelles me paraît mériter l'attention sérieuse du gouvernement. L'histoire de la Suisse nous a donné un exemple des avantages que présentent au jour du danger les sociétés de tir que nous voudrions voir encourager.

La Suisse a mis en ligne des combattants faisant presque tous partie des sociétés de tireurs ; or, les Suisses, défendant leur indépendance contre l'invasion étrangère, ont soutenu des luttes très honorables.

(page 513) Considérée au point de vue que je viens d'avoir l'honneur d'indiquer, la proposition me paraît digne d'être prise en considération favorable et j'espère que la Chambre l'appréciera de même.

M. Lesoinne. - Messieurs, je ne crois pas avoir été bien compris lorsque j'ai développé ma proposition. Il ne s'agit pas de former un corps d'armée en dehors de toute autorité, comme semble le croire l'honorable M. Orban, contre lequel on aurait besoin de prendre des garanties ; il s'agit d'organiser des tirs nationaux, à l'instar de ceux qui sont organisés en Suisse, et nous pourrions les organiser ici avec beaucoup plus de facilité que dans ce pays. La somme que nous demandons n'est pas le quart de ce que les gouvernements des cantons et le gouvernement fédéral donnent pour ces fêtes, et la Suisse n'est pas cependant plus riche que nous.

Nous avons déjà une force organisée qui présente toutes les garanties : ce sont les chasseurs éclaireurs de la garde civique qui sont armés de carabines.

Il ne s'agit pas pour les auteurs de la proposition de former des corps spéciaux ; il s'agit d'encourager le tir de manière que si une invasion menaçait la Belgique, on pût trouver dans toutes les parties du pays des hommes sachant manier la carabine, comme les Suisses savent la manier, et cette grande habileté ne peut s'acquérir que dans les concours.

On pourrait alors réunir ces hommes qui, j'en suis sûr, se présenteraient volontairement en grand nombre et les faire commander par des officiers de l'armée qui connaîtraient la manière de les employer utilement.

Messieurs, comme je l'ai déjà dit, l'accomplissement des devoirs est une des plus sûres garanties de stabilité dans un gouvernement représentatif, la loi oblige forcément une partie de nos concitoyens à se sacrifier pour ceux qui restent tranquillement chez eux, et c'est le sort qui les oblige à faire ce sacrifice ; n'est-il pas juste d'encourager ceux qui veulent les seconder dans ce devoir que nous leur imposons ?

Craint-on que cette société ne se recrute d'hommes prêts à porter le trouble dans le pays ? On se trompe : cette société ne peut se composer que d'hommes d'ordre, car pour faire partie de cette société, il faut avoir de quoi s'armer à ses frais, il faut avoir le loisir de s'exercer, il faut, en un mot, faire des dépenses que les gens dont on semble soupçonner les intentions, ne pourraient pas s'imposer.

Je le répète, cette proposition est faite dans l'intérêt du pays, et c'est pourquoi je prie la Chambre de vouloir bien l'accueillir favorablement.

M. de Perceval. - Messieurs, il me paraît que M. le ministre de l'intérieur n'a pas compris la véritable portée de la proposition soumise à la sanction de la Chambre par l'honorable M. Lesoinne, et il a donné au discours de l'honorable député de Liège une portée que ce discours ne comporte point.

L'association des carabiniers dont, soit dit en passant, je m'honore d'être membre, est une société d'agrément et non un corps militaire ; quand j'y suis entré, je n'ai nullement pris l’engagement d'y servir comme un soldat de l'armée. La corporation possède un caractère sérieux, cela est incontestable, car elle joint l'utile à l'agréable. Ce que nous voulons établir en Belgique, c'est un tir à l'instar des tirs fédéraux qui existent en Suisse.

Nous demandons un subside de 10,000 fr., parce qu'il entre dans les intentions de la société des carabiniers de se transporter à des époques déterminées dans les grandes villes du royaume pour y organiser des concours, et resserrer ainsi le lien national qui doit unir nos neuf provinces. Nous voulons, comme l'a dit l'honorable M. Lesoinne, que cette association puisse rendre des services réels au pays, si, ce qu'à Dieu ne plaise, notre nationalité était menacée un jour.

Voilà, messieurs, réduits à leur plus simple expression et le but de la société et les motifs qui me paraissent militer en faveur de la proposition.

- La discussion est close.

La proposition est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

Chapitre IX. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article 46

« Art. 46. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité, impression et calligraphie des diplômes ; frais de distribution, etc. : fr. 8,000. »

La section centrale propose une réduction de 1,000 fr.

M. de Mérode. - Si je demande la parole à propos de cet article, ee n'est pas pour ouvrir une discussion. Je remarque, je n'ai pas d'autre occasion que celle-ci pour le dire, je remarque qu'on donne de ces petites récompenses à des individus qui se sont exposés d'une manière extrêmement remarquable pour sauver plusieurs individus en danger de perdre la vie ; je trouve qu'on devrait plus souvent accorder à ces hommes de dévouement l'ordre national de Léopold. On en accorde extrêmement peu à ceux qui s'exposent ainsi par pur sentiment d'humanité.

Parmi ces hommes si dévoués, il y en a qui mériteraient mieux que ces récompenses consistant en une gratification ou une médaille. C'est une observation que j'adresse à M. le ministre de l'intérieur, non comme critique, mais pour provoquer des récompenses plus distinguées que celles-là en faveur d'hommes qui font des choses véritablement admirables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je déclare maintenir le chiffre proposé par le gouvernement.

Je vais répondre aux observations de l'honorable M. de Mérode. Le gouvernement accorde des récompenses en vertu d'un arrêté organique qui a institué des médailles pour récompenser les actes de dévouement, ce qui ne veut pas dire qu'on n'a jamais recours à un autre mode de récompense nationale, plus éclatant ; mais on la réserve pour les cas qui semblent mériter une distinction tout exceptionnelle. En pareil cas le gouvernement n'est pas resté en arrière de l'accomplissement de ses devoirs.

Quant à la réduction proposée, je ne puis y consentir, par la raison que dans aucun temps une somme inférieure à celle qui est demandée n'a suffit et qu'il a fallu plusieurs fois procéder par voie de crédits supplémentaires. La Chambre se rappellera que ce crédit était autrefois de 10 mille fr. ; qu'il a été réduit à 6 mille et même à 5 mille fr., mais que jamais on n'a pu se renfermer dans ces limites. La Chambre a été forcément amenée à voter des crédits supplémentaires, parce qu'il n'est pas plus possible de limiter un crédit de cette nature, que de circonscrire les actes de dévouement.

Chaque année, au lieu de se plaindre d'avoir un plus grand nombre de médailles à distribuer on devrait se féliciter de voir s'accroître le nombre des citoyens généreux qui se dévouent pour sauver la vie de leurs semblables.

Je persiste dans les propositions du gouvernement.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, le crédit porté à cet article pour l'exercice antérieur est de 7,000 fr.

Le gouvernement réclame, pour l'exercice 1854, 1,000 fr. d'augmentation.

La section centrale vous propose de ne pas accueillir cette demande. Les motifs paraissent très fondés.

D'où provient l’insuffisance dont se plaint l'administration ? Elle provient de ce que, par suite d'une innovation introduite depuis trois ans, il a pris fantaisie au gouvernement de faire venir des provinces à Bruxelles les personnes auxquelles il destine des récompenses.

Cette mesure nécessite des frais, car ces voyages exigent des indemnités de route et de séjour, des décorations. Ces dépenses sont-elles nécessaires, utiles même ? La section centrale ne l'a pas pensé.

Elles ne sont pas nécessaires, il vaut même mieux que ces récompenses soient distribuées en province au milieu des populations parmi lesquelles ces actes louables ont eu lieu, afin de les stimuler à en mériter de nouvelles.

Elles ne sont pas utiles ; ces voyages sont une occasion de dépense et de perte de temps qui nuisent plus qu'ils ne profitent à ceux qui sont appelés à recevoir du prix de leur bonne conduite.

Messieurs, en acceptant le mandat de membre de la section centrale, j'ai pris la résolution et l'engagement de m'opposer à toute augmentation nouvelle de dépense.

On dit sans doute que celle qui fait le sujet de cette discussion est peu considérable.

Elle est peu considérable, c'est vrai ; mais si une fois vous ouvrez la porte aux augmentations, je crains fort que le budget ne sorte de cette discussion augmenté, comme cela arrive tous les ans.

Veuillez réfléchir que ce sont les petites augmentations multipliées sans cesse, qui sont la cause de ces budgets si considérables, dont la progression m'épouvante pour l'avenir du pays.

N'oubliez pas le tableau fort sombre que vous a fait M. le ministre des finances à la fin du mois de décembre. Le déficit est considérable. Faut-il l'augmenter ?

Cela n'empêche pas M. le ministre de l'intérieur de prendre sous son patronage toutes ces augmentations. Je le prierai de nous dire s'il se charge de nous indiquer le moyen de les couvrir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est invoquer de bien grands mots à l'appui de petites choses. D'abord, il n'y a pas d'économie réelle. Quand le chiffre était inférieur à celui pétitionné par le gouvernement il a fallu demander des crédits supplémentaires que vous avez votés ; ils se sont élevés à 5,392 fr. pour l'exercice 1851, à 2,208 fr. pour l'exercice 1852. Pourquoi le gouvernement demande-t-il les 1,000 francs de plus ? C'est pour fermer la voie aux crédits supplémentaires.

L'honorable rapporteur de la section centrale dit qu'il espère bien que le budget ne sera pas adopté avec des augmentations. C'est un vœu qu'il peut former sans doute. Je ne m'y oppose pas ; mais ce n'est pas le fait d'un administrateur qui doit se rendre compte des besoins constatés et voter les dépenses justifiées ; or, les besoins ont été constatés de la manière la plus évidente. Si l'honorable rapporteur se rendait compte du soin qu'on apporte à l'instruction de ces affaires et de la manière dont les dépenses sont faites, il ne critiquerait pas l'éclat qu'on donne à la distribution des médailles. Il dit que l'on ferait mieux de remettre les médailles dans les provinces ou dans les communes.

Mais le gouvernement ne distribue à Bruxelles que les médailles d'or ou de vermeil, c'est-à-dire les médailles décernées pour des cas extraordinaires. Voilà dans quelles limites le gouvernement a restreint son intervention dans la distribution des récompenses.

(page 514) Maintenant peut-on dire que parce qu'on portera au budget 1,000 fr. de plus pour éviter qu'il y ail des crédits supplémentaires, les finances de l'Etat seront compromises ? Ce n'est pas sérieusement que l'honorable M. de Man fait de semblables observations.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Chaque fois qu'il s'agit d'une augmentation, M. le ministre de l'intérieur fait valoir que ce n'est qu'une bagatelle. Mais veuillez remarquer que ces bagatelles réunies finissent par former des augmentations considérables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une économie

M. de Man d'Attenrode. - Voilà qui est un peu fort ! Voulez-vous savoir comment M. le ministre de l'intérieur parvient à se persuader que c'est une économie que de voter une augmentation ? C'est parce que, pendant les années précédentes, des crédits supplémentaires ont été demandés.

Mais pourquoi ces crédits supplémentaires ? Ils ont été demandés pour couvrir des dépenses faites au-delà du crédit, des dépenses irrégulières.

Ainsi, c'est parce que le gouvernement a violé une loi de crédit, qu'il se croit fondé à venir vous demander une augmentation.

Or, si nous accueillons des motifs semblables, nous encourageons évidemment l'administration à continuer à dépasser les crédits ; nous l'y encourageons, car le gouvernement comprendra que le moyen d'obtenir une augmentation, c'est de commencer par dépasser la limite des crédits qui lui sont accordés.

Messieurs, d'ailleurs l'insuffisance n'est nullement démontrée. Il est constant que l'on multiplie trop les récompenses. Voulez-vous qu'elles conservent quelque valeur, il ne faut pas les prodiguer autant.

Qu'on s'abstienne de faire voyager les individus qui méritent des récompenses, qu'on renonce à ces mises en scène dont le cabinet précédent était si partisan, et le crédit sera suffisant.

M. Rogier. - La somme de 7,000 fr. a été insuffisante pour les années antérieures. M. le ministre de l'intérieur demande 1,000 fr. de plus. On les refuse, et l'on donne les motifs suivants : Ces récompenses sont prodiguées ; on fait venir à Bruxelles des hommes qui feraient mieux de rester chez eux. Mais dans quelle circonstance a-t-on prodigué ces récompenses ? Peut-on trouver mauvais que des hommes qui se sont distingués, comme l'a dit l'honorable M. F. de Mérode, par des actes de dévouement dignes des plus hautes récompenses, viennent recevoir des mains du gouvernement et, dans ces dernières années, des mains du Roi et du Prince la récompense due à de grands actes de dévouement ? C'est une marque de sollicitude à laquelle ils sont très sensibles. On ne les fait pas venir en masse ; on ne fait venir que ceux qui se sont distingués assez pour obtenir la médaille d'or ou de vermeil.

Si l'honorable M. de Man avait pu assister à la cérémonie de la distribution des médailles, je suis convaincu qu'avec la générosité de son caractère il aurait applaudi à cette mesure au lieu de la critiquer. Mais il est dit qu'on doit critiquer tous les actes du ministère !

On dit qu'on a dépassé le crédit. Mais je demanderai à l'honorable M. de Man comment il serait possible de renfermer les dévouements dans les limites exactes du budget, comment on peut être certain que les dévouements s'arrêteront au chiffre de 7,000 fr. Il y a telle catastrophe qui amène de nombreux actes de dévouement ; de sorte qu'il faut une dépense plus considérable une année que l'autre.

Il faut voir les choses raisonnablement et d'une façon pratique. On demande une faible augmentation de mille francs parce que le grand nombre des actes de dévouement a obligé à dépenser, en moyenne, 1,000 fr. au-delà du chiffre du budget. On ne peut que féliciter le gouvernement de ce que c'est une telle circonstance qui l'empêche de se renfermer dans les limites du budget.

M. de Muelenaere. - Lorsqu'un individu qui a mérité une médaille préfère une récompense pécuniaire, je demanderai s'il a la faculté d'opter.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement apprécie la position des personnes. Celui qui a mérité une médaille l'obtient toujours. Mais on y joint une récompense pécuniaire, quand la personne est dans une situation gênée.

- L'article 46 est adopté avec le chiffre de 8,000 fr.

La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.