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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 4 avril 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Ansiau fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal d'Autreppe prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer destiné à relier la Flandre orientale avec les charbonnages du Couchant de Mons et Bavay. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Castaigne, fermier et maître de la poste aux chevaux à Enghien, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité du chef d'abattage de trois chevaux, atteints d'une maladie contagieuse. »

M. Matthieu. - Je prie la Chambre de renvoyer cette requête à la commission avec demande d'un prompt rapport ; l'affaire est instruite depuis longtemps, et il y a intérêt à la terminer le plus tôt possible.

- Adopté.


« Le sieur Van Montagu prie la Chambre de lui accorder un secours pour l'indemniser des pertes qu'il a essuyées dans ses fournitures de vivres à la garnison de Termonde. »

- Renvoi à la commission des pétiîions.


« Les sieurs Dubois et compagnie présentent des observations concernant le projet de loi sur la réunion des faubourgs à la capitale et demandent la concession d'un chemin de fer de ceinture de Bruxelles. »

M. Desmaisières. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet, en tant qu'elle puisse encore s'en occuper, sinon le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

- Adopté.


« Le sieur Remi-Alphonse-Joseph Carrette, ancien maréchal des logis au 3ème régiment d'artillerie, né à Camphin-en-Pévèle (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le baron Mertens et le sieur Ledocte, membre et secrétaire de la société centrale d'agriculture, adressent à la Chambre 118 exemplaires d'un rapport sur la distillation des betteraves et demandent des modifications à la loi sur les distilleries. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi, distribution et dépôt à la bibliothèque.


« Par messages, en date du 3 avril, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi ouvrant au département des travaux publics un crédit de 170,000 fr. et le budget de la dette publique. »

- Pris pour notification.


« M. de Portemont demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Nomination du greffier de la Chambre

Nombre de votants, 71.

Majorité absolue, 36.

M. E. Huyttens obtient 71 suffrages.

En conséquence, M. Huyttens est proclamé greflier de la Chambre.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 6

« Art. 1er. Traitement du ministre ; fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service ; fr. 487,200. »

- Adopté.


« Art. 3. Honoraires des avocats et desavoués du département. Frais de procédures, etc.

« Charge ordinaire ; fr. 81,500.

« Charge extraordinaire ; fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de tournées ; fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel ; fr. 46,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Service de la monnaie ; fr. 42,000. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. Achat de matières et frais de fabrication de pièces de monnaie de cuivre ; charge extraordinaire... 100,000. »

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, une section a demandé s'il ne conviendrait pas d'ajourner le crédit de 100,000 fr. réclamé pour la fabrication des monnaies de cuivre jusqu'à ce que le gouvernement soit à même de prendre une décision sur la question de la conversion des monnaies de cuivre en monnaies de bronze.

La majorité de la section centrale ayant été amenée à penser que le gouvernement s'exagérait les inconvénients de la mesure, je demanderai à la Chambre la permission d'ajouter quelques considérations à celles qui ont trouvé place dans le rapport de la section centrale.

L'or et l'argent monnayés ne doivent être admis dans les échanges qu'en raison de leur valeur réelle, cest un point sur lequel il n'y a plus de contestations aujourd'hui.

Mais dans tous les pays civilisés on a reconnu la nécessité d'avoir recours à un métal plus commun pour faciliter les échanges de menue valeur et pour former les appoints qui à cause de leur petitesse ne peuvent pas se solder en argent.

De là l'origine de la monnaie de convention ou de billon, différente en tous points des autres. Ainsi tandis que tout particulier peut, en s'adressant à l'hôtel des monnaies, y faire fabriquer, conformément à la loi, autant de pièces d'argent qu'il le juge convenable, l'Etat s'est réservé l'émission de la monnaie de billon. Il est livré à la circulation en quantités limitées au besoin des petits échanges et seulement avec l’autorisation de la législature.

La différence entre la valeur réelle et ia valeur nominale des monnaies de cuivre est variable d'un pays à l'autre ; elle est entre la moitié et les deux tiers. Ainsi, un gramme de cuivre passe dans la circulation comme s'il en valait 2 ou 3 ; il représente en fait une pièce d'argent trop petite pour qu'il soit possible de la frapper en argent. L'Etat lui donne sa garantie.

Le billon, on le voit, ne peut donc représenter qu'une monnaie de convention ayant cours légal, et, d'après l'expression de Say, elle remplit dans les petites transactions le rôle des billets de banque.

S'il fallait donner à la monnaie de billon sa valeur intrinsèque, la question serait bientôt tranchée. Le décime devrait être taillé à 40 ou 50 grammes, et le centime à 4 ou 5 grammes.

Mais que dirait le commerce, que dirait l'ouvrier, si pour transporter cinq francs, par exemple, ou devait se charger d'un poids de deux kilogr. de métal ?

Ajoutons que si l'on voulait, donner une valeur exacte aux monnaies de cuivre, de fréquentes refontes deviendraient nécessaires, car il y a peu de matières dont le prix varie autant que celui du cuivre. Les prix courants des dernières années présentent des fluctuations de 25, de 30 et même de 40 p. c.

L'insuffisance de la valeur intrinsèque de la monnaie de billon étant une nécessité absolue, il ne serait pas rationnel d'y voir une cause de discrédit.

Le principe admis, la nature du métal ou plutôt de l'alliage devient en quelque sorte indifférente, au point de vue économique, et le poids des pièces est une véritable gêne, un embarras, au lieu d'être un avantage.

Le problème à résoudre c'est de rendre la circulation la moins onéreuse et la plus commode possible, et en même temps d'empêcher la contrefaçon.

En Allemagne, en Suisse, dans le grand-duché de Luxembourg on a eu recours à des combinaisons nouvelles pour améliorer la monnaie de billon. En France, la question a occupé le gouvernement, les chambres et les conseils généraux pendant plus de 20 années, et enfin la refonte a été décidée par le décret du 6 mai 1852.

L'alliage qui a été préféré est le bronze. Il se comporte mieux que tous les autres au laminoir et au monnayage. Il est par conséquent le plus économique ; les pièces sont moins lourdes que le cuivre, d'une plus belle couleur ; elles se conservent propres à l'air et défient la contrefaçon par la combinaison de l'alliage lui-même et par l'extrême perfection de l'empreinte.

Aux craintes qui ont été manifestées par l'auteur du mémoire qui se trouve joint au rapport de la section centrale, j'opposerai le rapport d'une commission spéciale, portant la date du 5 février 1840, celui de M. Pouillet, fait en 1845 et les travaux plus récents de MM. Pelouze et Dumas.

Ils ont démontré de la manière la plus péremptoire que la monnaie de bronze échappe beaucoup mieux que toute autre aux périls de la contrefaçon, devenus plus menaçants eucore depuis les découvertes de l'électrotypie et de la galvanoplastie.

Les faussaires se livreront de préférence à la contrefaçon des monnaies d'or et d'argent, d'abord parce que ces monnaies réclament un outillage moins complet et parce qu'il est beaucoup plus facile de faire pénétrer dans la circulation des pièces fausses en argent et en or que d'y faire pénétrer une certaine valeur sous forme de billon.

Une objection plus sérieuse a été faite au sujet de l'infiltration des monnaies de bronze de la France.

Mais je demanderai si aujourd'hui même, depuis que la monnaie de bronze a été introduite en France, il n'y a aucune infiltration de ce côté. Je crois qu'on ne parviendra jamais, dans aucun système, à l'empêcher d'une manière complète.

Nous avons déjà fait observer dans le rapport de la section centrale que lorsque la Belgique et la France avaient la même monnaie de cuivre, la proportion des quantités introduites n'a jamais suffi pour remplacer la monnaie de cuivre du pays, ni par conséquent pour enlever au trésor le bénéfice de la fabrication. Ne peut-on pas en conclure que, lorsque la Belgique modifiera le système actuel, elle aura le bénéfice tout entier de la conversion, et continuera ensuite son émission dans la même proporiion qu'auparavant pour les besoins du pays ?

(page 1398) Si les pièces françaises prennent place dans la circulation de la Belgique, les pièces belges entreront aussi dans la circulation de la France.

Il est peu probable que dans la pratique il en résulte un préjudice pour nous.

Lorsque la monnaie de billon est trop abondante, c'est un véritable fléau, je me hâte de le proclamer. Mais une fabrication exagérée est-elle à craindre avec le contrôle de la législature ? Alors surtout que le billon ne peut être employé dans les transactions que de gré à gré et seulement jusqu'à concurrence de 5 fr. Afin de rassurer les esprits les plus timorés je ne verrais, pour ma part, aucun inconvénient à réduire cet appoint à 2 francs.

Avant 1810 on se plaignait à bon droit d'une véritable inondation de billon. Mais vous remarquerez, messieurs, que le cuivre était admis dans les payements jusqu'à concurrence d'un quarantième. Alors sans doute il y avait gêne et même perte notable par suite de l'obligation où l'on se trouvait de recevoir dans une proportion aussi forte une véritable monnaie de confiance.

Aujourd'hui, grâce aux limites posées par la loi, si ce qu'on appelle un franc en cuivre vaut en réalité moins qu'un franc en argent, le débiteur ne peut en tirer aucun parti au détriment du créancier parce que celui-ci n'est tenu d'accepter qu'un faible appoint et que l'Etat d'ailleurs s'engage à recevoir dans ses caisses le signe représentatif qu'il a émis.

En résumé, messieurs, s'il est démontré que le billon ne peut, dans aucun système, contenir tout le métal que sa valeur nominale comporte, sous peine de ne plus répondre à sa destination spéciale, je demanderai quels principes l'on invoquerait pour s'opposer à la conversion de la monnaie de cuivre en monnaie de bronze. D'une part l'intérêt du trésor se trouve fortement engagé, le mémoire du gouvernement renferme à cet égard différentes appréciations.

Mais je crois que le bénéfice peut sans exagération être porté au chiffre d'un million.

D'un autre côté, les classes ouvrières, qui sont plus particulièrement appelées à se servir de la monnaie de cuivre, ne se plaindraient pas d'avoir à leur disposition une monnaie plus propre, moins lourde et plus facile à compter. Le transport du cuivre en quantité un peu considérable est aussi embarrassant qu'onéreux.

En outre le maniement continuel d'un métal que s'oxyde avec une grande facilité présente au point de vue de l'hygiène publique des inconvénients plus sérieux qu'on ne le croirait au premier abord.

Avant donc d'abandonner le projet de la conversion de notre monnaie de cuivre en monnaie de bronze, je crois qu'un examen plus approfondi est indispensable, et j'engagerai M. le ministre des finances à faire étudier la question sous toutes ses faces. Si les avantages de la conversion sont reconnus, il y aura à se préoccuper du chiffre de la circulation, du choix de la matière, de la fixation du poids, de la proportion des coupures, du module et de l'empreinte.

Je me borne pour le moment à indiquer les éléments de la discussion. Pour ma part, je désirerais que la monnaie de bronze fût aussi belle que les médailles.

Tandis que l'or et l'argent subissent des transformations continuelles, suivant les convenances de la spéculation, la monnaie de bronze me paraît destinée à devenir en quelque sorte la monnaie monumentale, la monnaie historique, si je puis m'exprimer ainsi ; et je suis persuadé qu'en Belgique surtout elle atleindrait au plus haut degré de la perfection artistique.

M. Rodenbach. - J'ai écouté avec le plus vif intérêt le voeu qn'a formé, après la section centrale, l'honorable préopinant. Les honorables membres qui soutiennent cette opinion voudraient substituer à la monnaie de cuivre actuelle la monnaie de bronze. Mais, messieurs, cette monnaie, comme vient de nous le dire l'honorable député de Gand, sera plus belle, et si j'ai bien entendu, ce seront des espèces de médailles.

Mais croyez-vous que ce système ne nous serait pas nuisible sur notre frontière ? Nous avons vu qu'à l'époque où la monnaie de cuivre était la même en France et en Belgique, nous avons vu considérablement de mauvais cuivre français s'infiltrer chez nous ; il nous en venait en telle abondance qu'on devait perdre jusqu'à 2 ou 3 p. c. pour la faire rentrer en France si on ne voulait pas que les coffres de nos boutiquiers en fussent remplis. Si nous devions suivre le système français, comme on fabriquera beaucoup plus de cette monnaie de bronze en France que chez nous et que nos relations avec ce pays sont très considérables, de même que nous voyons beaucoup de monnaie d'argent française, nous verrons aussi beaucoup de monnaie de bronze sur nos frontières, d'autant plus qu'il y aura grand bénéfice à la faire.

Si donc nous admettons cette monnaie nous serons dupes. Mais comme ce n'est qu'un vœu que forme la section centrale et que l'honorable preopinant lui-même ne fait qu'engager M. le ministre à examiner et à faire étudier cette question, je me bornerai à dire que je ne crois pas que l'idée émise soit heureuse. Nous avons un antécédent.

On demande encore cent mille francs pour battre de la monnaie de cuivre ; on en demande dans plusieurs provinces, cela prouve que la quantité de cuivre que nous possédons n'est pas trop considérable ; au reste la fabrication de la monnaie de cuivre nous donne aussi un bénéfice, il était précédemment de 33 p. c, mais comme depuis quelque temps la valeur du cuivre a considérablement augmenté le bénéfice n'est plus que de 20 à 25 p. c. ; mais c'est déjà un assez beau bénéfice.

Cependant l’idée émise est à examiner ; nous sommes à la veille d'introduire un nouveau système de monnaie, car nous avons encore le double prototype d'or et d'argent. Vous savez qu'il est arrivé en Europe d'Australie et de Californie depuis quatre ans pour deux milliards d'or, ce qui fait un demi-milliard par an. Vous savez tous que la valeur de l'or commence à baisser et que nous serons forcés de n'avoir plus qu'un seul prototype, celui d'argent.

Puisque, dis-je, nous sommes à la veille d'avoir un nouveau système monétaire, il faut être très prudent.

Les banquiers de Paris ont fait venir des quantités considérables d'or ; on bat aujourd'hui à la monnaie de Paris pour au-delà d'un million d'or par jour. Cela prouve que nous serons bientôt forcés de changer notre système monétaire ; quand nous en serons là, on pourra examiner s'il y a bénéfice pour le pays de substituer le bronze au cuivre.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment, d'autant plus qu'il ne s'agit que d'un vœu qui a été émis par l'honorable préopinanl et par la section centrale.

M. Osy. - Messieurs, sur notre frontière du côté de la France, il a toujours été impossible d'exclure le cuivre français ; le gouvernement s'est toujours donné beaucoup de peine pour y parvenir, il n'a jamais réussi. Aujourd'hui le gouvernement retire son cuivre et le remplace par une monnaie de bronze ; je crois qu'il est de notre intérêt de suivre cet exemple. Il y a un an le gouvernement français a démonétisé les pièces de 25 centimes et a créé des pièces de 20 centimes qu'on a trouvées beaucoup plus convenables ; notre gouvernement s'est empressé de nous présenter un projet de loi pour substituer également les pièces de 20 centimes aux pièces de 25 centimes, et nous avons adopté ce projet sans aucune réclamation ; eh bien, messieurs, quand la France aura sa nouvelle monnaie de brouze, soyez persuadés qu'elle continuera à s'infiltrer en Belgique ; il est impossible que, dans les provinces limitrophes de la France on n'accepte pas cette monnaie dans les ventes en détail ; je crois donc que nous devrions admettre le système français ; alors nous infiltrerions également notre monnaie en France, et il y aurait compensation.

Cette mesure serait sous tous les rapports favorable ; d'abord il serait beaucoup plus agréable aux particuliers d'avoir une monnaie de bronze comme celle que la France vient de créer, que d'avoir de lourdes pièces de 5 et de 10 centimes ; ensuite l'Etat ferait un bénéfice, et d'après les calculs qui se trouvent à la suite du rapport de la section centrale, ce bénéfice s'élèverait au moins à 800,000 fr. sur la quantité de monnaie actuellement en circulation.

Je pense, messieurs, qu'avant de faire usage du crédit de 100,000 fr. qui nous est demandé, le gouvernement devrait examiner sérieusement cette question, car si dans quelque temps on doit refondre les monnaies de cuivre, il est fort inutile d'en fabriquer maintenant. Quant à moi, d'après tout ce qu'a dit l'honorable M. T'Kint de Naeyer, d'après toutes les pièces, d'après ce qui se passe en France, je suis convaincu que nous ferions parfaitement bien d'adopter le système français.

M. Pirmez. - Je crois, messieurs, que nous ne devons pas nous hâter de faire fabriquer de la monnaie de bronze. Il y a quelque temps le commerce éprouvait une grande gêne à cause de l'introduction de la monnaie française dans les provinces frontières ; il faut bien se garder de rien faire qui puisse donner lieu à un semblable inconvénient.

Remarquez bien, messieurs, que nous n'avons plus réellement le système monétaire français ; nous avons démonétisé la pièce d'or française, et d'après les faits tels qu'ils se passent, la monnaie française différera bientôt notablement de la monnaie belge ; le franc de France sera d'or, le franc belge sera d'argent. L'or, d'après les découvertes qui se font journellement, diminuant de prix relativement à l'argent, il est naturel que la pièce d'argent disparaisse de France et que la France ait le système d'or ; cela n'est pas possible en Belgique, puisque d'après la loi qui nous régit, la pièce de 20 fr. n'a plus cours légal.

Ainsi, messieurs, notre système monétaire n'est plus le système monétaire français, et c'est une raison de plus pour ne pas faire des pièces de bronze semblables aux pièces françaises.

Je le répète, messieurs, notre système diffère déjà complètement du système français, et de jour en jour la valeur du franc belge augmente relativement au franc de France ; la différence deviendra de plus en plus grande à mesure que l'or expulsera l'argent de France.

On a parlé de rétablir la monnaie d'or, eh bien, messieurs, vous ne pouvez déjà plus le faire sans porter atteinte à une grande quantité de contrats intervenus depuis votre dernière loi.

Au reste il ne s'agit pas maintenant de cette question, si elle se présente, il sera encore temps de s'en occuper.

M. Dumortier. - Messieurs, c'est à propos du budget des finances qu'on arrive naturellement à traiter les questions monétaires. Or, je suis d'avis, contrairement à l'opinion de l’honorable préopinant, que le syslème que nous avons aujourd'hui est très funeste au pays. L'expérience a démontré la vérité de ce que je viens d'avancer, car depuis 1830 nous avons déjà vu trois fois le pays privé de sa monnaie. Nous avons vu le pays tellement dépourvu de monnaie, qu'il a fallu autoriser l'émission de petites coupures de billets de banque pour faciliter les transactions. C'est ce qui est arrivé notamment en 1848. En 1839 l'argent a manqué complètement en Belgique pour un instant. La même chose a eu lieu encore lors de la guerre de Syrie. Qu'une crise politique survienne et qu'elle soit accompagnée, comme cela arrive toujours, d'une crise industrielle, le même résultat se reproduira ; la monnaie disparaîtra de nouveau dans notre pays.

(page 1399) D'où cela provient-il ? D'une seule et unique chose, de ce qu'on a voulu avoir en Belgique la même monnaie que dans un pays voisin et de ce que, par conséquent, notre monnaie circulant dans ce pays voisin, beaucoup plus étendu que le nôtre, l'or et l'argent disparaissent très facilement. C'est un mouvement de va-et-vient ; aujourd'hui il n'y a plus de monnaie, demain il y en aura beaucoup ; ce sont des vicissitudes continuelles, ce système est tout entier dans l'intérêt des banquiers, et je comprends toute l'importance que les banquiers et les grandes sociétés financières attachent à avoir une monnaie qui circule à l'étranger ; mais je ne crois pas que la monnaie ait été faite dans l'intérêt des banquiers ; elle a été faite dans l'intérêt du peuple, et il faut chercher avant tout que le peuple ne soit pas dépourvu de monnaie.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer a parlé tout à l'heure de la possibilité de la refonte de la monnaie de cuivre ; déjà à plusieurs époques on a entretenu la Chambre d'observations de cette nature, mais je trouve, moi, qu'il y aurait au moins cet avantage à conserver notre monnaie de cuivre, c'est que celle-là ne pourrait pas sortir du pays, et c'est déjà quelque chose.

Vient ensuite la monnaie des petites transactions, la monnaie de billon, le franc, le demi-franc ; eh bien, c'est précisément cette monnaie qui manque presque toujours dans le pays. A peine a-t-on battu pour un million, pour deux millions de cette monnaie, que tout cela disparaît. Rien n'est plus rare aujourd'hui en Belgique que la petite monnaie. On ne sait pas comment s'en procurer.

En était-il de même sous le gouvernement des Pays-Bas ? Nullement ; pendant les quinze années de ce gouvernement, la Belgique ne s'est jamais trouvée dépourvue de petite monnaie ; pourquoi ? Parce qu'il y avait un système monétaire spécial et que ce système comportait une monnaie de billon. J'entends par monnaie de billon celle qui est mélangée d'argent et de cuivre. Cette monnaie n'ayant cours que dans le pays pour lequel elle est faite, ne quitte jamais le pays, et quels que soient les événements politiques, quelles que soient les crises financières qui surviennent, il reste toujours dans la circulation une quantité suffisante de petite monnaie pour pourvoir aux besoins quotidiens. Eh bien, ce qui manque à la Belgique, c'est un système spécial en cette matière. (Interruption.)

Je sais bien qu'on peut élever beaucoup d'objections sur ce point. Mon Dieu ! on peut faire des objections sur toutes choses. On peut dire, par exemple, qu'on peut faire de la fausse monnaie de billon ; on le disait autrefois, et pourtant cette même monnaie existe dans toute l'Allemagne, elle existe encore en Hollande.

J'ajouterai que depuis les découvertes nouvelles, rien ne peut se contrefaire avec plus de facilité, par les procédés de la galvanoplastique, que la monnaie d'or et d'argent.

D'un autre côté, on sait que nous avons maintenant des pièces de monnaie fourrées avec une telle adresse qu'il faut un œil très exercé pour s'en apercevoir.

Ce système des pièces fourrées commence à prendre un assez grand développement, et je crois que le gouvernement doit porter son attention sur ce point.

Ceci est bien plus dangereux que la contrefaçon de la monnaie de billon. S'il est vrai qu'on peut contrefaire la monnaie de billon, il est vrai aussi que le faux monnayeur a un plus grand intérêt à contrefaire une monnaie qui a une valeur réelle que celle qui n'en a pas. Quand un faux monnayeur a contrefait une pièce de 5 francs et qu'il la place, il a fait 5 francs d'affaires, tandis que lorsqu'il a contrefait une pièce de 5, de 25 ou de 50 centimes, il n'a pas fait une opération bien avantageuse, le produit de son travail couvre à peine la dépense.

J'appelle donc toute l'attention du gouvernement sur ce point qui me paraît tout à fait d'intérêt national, celui de créer en Belgique une monnaie qui soit de nature à ne pas quitter le pays et qui laisse toujours les transactions faciles pas sa présence sur le sol.

Vient maintenant la question de la monnaie d'or et d'argent. Ici, je suis au regret de ne pas pouvoir être de l'opinion de mon honorable ami, M. Pirmez.

Je n'ai jamais compris, je ne comprends pas encore le système qui consiste à dire ; « L'argent, c'est de la marchandise ; l'or, c'est de la marchandise. »

L'or et l'argent sont marchandises quand ils sont en lingot ; mais lorsqu'ils sont battus, ils sont de la monnaie. Voilà la vérité. Tout le reste finit par être de la théorie, et rien de plus. L'or qui est monnaie, redevient monnaie lorsqu'on le refond ; mais aussi longtemps qu'il est à l'état de monnaie, il est monnaie. Voilà la vérité. Tout le reste n'est que de la subtilité.

Si vous voulez que l'or et l'argent à l'état de monnaie restent marchandise, alors ne leur attribuez plus en cet état une valeur fixe ; mais alors aussi qu'arrivera-t-il ? C'est qu'il n'y aura plus de valeur fixe dans vos échanges ; la pièce vaudra une fois 19 fr. 50, une autre fois 20 fr. une autre fois 20 fr. 50, et alors l'homme qui ne sera pas au courant des variations de la valeur de l'or et de l'argent, c'est-à-dire le petit particulier, sera trompé par ceux qui voudront exploiter le métal.

Maintenant la coexistence des deux monnaies est-elle impossible ? Vous savez, messieurs, que depuis le commencement de ce siècle il y a en France de la monnaie d'or et de la monnaie d'argent, sans que jamais la monnaie d'or ait porté préjudice à la monnaie d'argent et vice-versa. Sous l'empire, il y avait une quantité considérable de monnaie d'or, et cependant il y avait aussi beaucoup de monnaie d'argent.

Il y a eu une époque où la consommation du métal qui s'appelle or a été beaucoup plus grande que la quantité qui en était importée ; et alors, pendant 10 ou 15 ans, on n'a plus battu de la monnaie d'or.

C'était sous la monarchie de juillet. Mais ensuite l'or s'est retrouvé en plus grande quantité, et l'on a battu de nouveau de la monnaie d'or.

Maintenant, il existe un fait très sérieux ; c'est la disparition totale de l'or en Belgique, disparition qui coïncide précisément avec l'accroissement du nombre des billets de banque.

Nous n'avons pas voulu avoir une monnaie d'or, et nous avons engendré une monnaie de papier. Je vous le disais récemment ; le chiffre de cette monnaie de papier est effrayant ; nous avons aujourd'hui 86 millions de monnaie de papier, eh bien, quelle que soil la solvabilité incontestable de l'établissement qui livre ce papier dans le pays, quelque confiance qu'inspire cet établissement et qu'il mérite, je crois que généralement les habitants du pays préféreront avoir du métal dans leurs poches à y avoir du papier-monnaie.

Je dis, messieurs, qu'il serait à désirer qu'on fît cesser la défense de battre de la monnaie d'or dans le pays. Le jour où le gouvernement aura remis en vigueur la loi que nous avons faite sur le titre de la monnaie d'or, nous aurons ce qui nous manque, une monnaie pour faire nos échanges, nos transactions. La vérité est que la monnaie d'argent a une tendance à émigrer d'Europe ; vous savez qu'une quantité considérable de pièces d'argent s'expédie en Australie où on les poinçonne pour les mettre en circulation ; en retour, l'Australie nous envoie de la poudre d'or.

Les pièces de 5 francs ont donc une grande tendance à diminuer en France et en Belgique, et nous ne mettons rien pour les remplacer. Il arrive, par cette double coïncidence, une disparition des pièces de 5 fr. qui vont à la Nouvelle-Hollande. Par suite de la facilité qu'on a de transporter les pièces battues en Belgique et en France, il arrive que le pays a trop peu de monnaie.

Quand on vous fait un payement en pièces de 5 fr. examinez la première pile venue, vous verrez que les pièces à l'effigie de notre souverain ne forment pas la centième partie de ce qui circule dans le pays. C'est à peine s'il nous reste la centième partie de ce que nous avons battu.

C'est un état de choses digne de fixer l’attention du gouvernement. Qu'une petite crise arrive, nous sommes exposés à revoir ce qui s'est passé en 1848. Notre système est favorable aux opérations de change des banquiers ; il suffira du plus petit agio pour faire sortir notre monnaie ; nous nous trouverons alors sans argent ; nous aurons des billets de banque comme dans la crise de 1848 ; la confiance bientôt se perd, et il arrive que les billets de banque se négocient à perte, comme à cette époque. Il est à désirer qu'un système de monnaie nationale soit créé, que nous ayons une monnaie qui soit propre, exclusivement propre à notre pays. Si, dans l'intérêt du commerce, on veut laisser battre de la monnaie au type français, je ne m'y oppose pas ; mais une monnaie nationale nous est d'une indispensable nécessité. Le jour est venu de mettre pour l'avenir le pays à l'abri des crises par lesquelles il a passé.

M. Mercier. - Je dirai d'abord quelques mots de la proposition que renferme le rapport de la section centrale d'adopter le système décrété en France par la loi du 6 mai 1852, et qui consiste à substituer le bronze au cuivre dans la confection de la monnaie, et d'en diminuer le poids dans une forte proportion.

Une question de cette importance ne peut être tranchée incidemment et mérite d'être mûrement examinée. Sans me prononcer d'une manière absolue, j'incline, quant à moi, pour la monnaie dont la valeur intrinsèque se rapproche le plus de la valeur légale. Je ne voudrais pas pour un bénéfice de 600,000 à 700,000 fr. que procurerait la transformation de notre monnaie de cuivre, dévier de cette règle et contrarier les habitudes récemment contractées de l'usage presque exclusif de la monnaie nationale. Depuis que nous avons fait battre de la monnaie belge en quantité suffisante et que le cours légal a été retiré à la monnaie de billon étrangère, l'infiltration si considérable qui se faisait de la monnaie française a presque entièrement cessé. Ce n'est qu'à l'extrême frontière qu'on en voit encore une certaine quantité.

Qu'arriverait-il si nous adoptions à cet égard le nouveau système français ? Il arriverait très problablement que le pays serait de nouveau inondé d'une quantité de petite monnaie étrangère, au grand détriment de nos populations. L'invasion de cette monnaie ne se bornerait plus à quelques communes de l'extrême frontière, mais pénétrerait partout dans l'intérieur. C'est un danger contre lequel nous devons nous prémunir.

Nous devons, a dit un honorable préopinant, suivre l'exemple de la France comme nous l'avons fait lorsque nous avons créé la pièce de 20 centimes. De ce que nous avons introduit dans notre législation une mesure que nous avons considérée comme une amélioration et qui avait été adoptée par un Etat voisin, il ne s'ensuit pas que nous devions, l'imiter dans tout ce qui se rapporte à son système monétaire ; il me paraît au contraire être entré dans une voie où je ne conseillerais pas au gouvernement belge de le suivre.

L'honorable M. Dumortier ne reconnaît pas que l'or et l'argent sont des marchandises soumises aux mêmes lois que tous les autres objets qui sont dans le commerce, même lorsque ces métaux sont convertis en monnaie. C'est cependant là une vérité incontestable, que les faits démontrent à chaque instant. Dans les pays où le système monétaire repose sur le double étalon de l'or et de l'argent, lorsque la valeur relative de ces deux métaux subit des modifications, les conséquences s'en font immédiatement sentir dans la circulation numéraire.

(page 1400) Si c'est la valeur intrinsèque de l'or qui est relativement moindre, la monnaie d'argent devient plus rare et disparaît quelquefois presque entièrement. C'est un phénomène que l'honorable membre signale en ce moment, mais dont il ne se rend pas bien compte. Pourquoi la monnaie d’argent devient-elle rare en France ? Mais précisément parce que la valeur intrinsèque de la pièce de 20 fr. en or est moindre que la valeur intrinsèque de 20 fr. en argent. Voilà le motif pour lequel l'argent disparaît et l'or reste dans la circulation. Aux époques où la valeur de l'or a été supérieure à la proportion établie entre l'or et l'argent par la loi de 1803, c'était la monnaie d'or qui devenait plus rare.

I.c législateur ne peut rien contre de tels effets. Ils se sont produits à toutes les époques et partout. La Belgique en a fait elle-même l'expérience ; sous le gouvernement des Pays-Bas la loi de 1816, qui consacrait le double étalon, a donné lieu à une foule de difficultés et à des pertes considérables. La monnaie d'argent seule, lorsque toutes les coupures ne sont pas basées sur une même proportion, peut donner lieu aux menus phénomènes. La loi de 1816 donnait au franc une valeur de 47 1/4 cents ; par rapport à l'argent fin que contenait le florin des Pays-Bas, le franc n'eût dû avoir qu'une valeur légale de 48 8/10 cents ; qu'arriva-t-il ? que le franc resta dans la circulation et que les pièces d'un et de trois florins disparurent presque entièrement.

La loi du 25 février 1825 fit cesser le cours légal du franc, mais non sans perte pour le pays, puisqu'il fut remboursé au taux de 47 1/4 cents.

La loi de 1825 n'avait fait disparaître qu'une partie du mal. Elle avait donné à la pièce de 10 fl. une valeur intrinsèque moindre relativement au prix du marché qu'à la même valeur légale en argent. Aussi les pièces d'argent qui furent frappées disparurent presque entièrement ; il ne resta plus dans la circulation que de l'or, et les vieilles pièces d'argent. On cessa de battre battre de la monnaie d'argent sous l'empire de cette loi.

Le gouvernement des Pays-Bas éclairé par l'expérience, après de nombreux et de longs débats dans lesquels d'honorables membres se prononçaient en faveur de la conservation du double étalon monétaire, comme on le fait aujourd'hui dans cette enceinte, est enfin parvenu à faire adopter un seul étalon, celui de l'argent. C'est après bien des sacrifices qu'on en est venu chez nos voisins à cette résolution.

Je termine en déclarant que bien loin de conseiller au gouvernement de faire battre de la monnaie d'or, comme l’a fait un honorable préopinant, je l'engage à persévérer dans le système qui est actuellement en vigueur en Belgique.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je crois que la discussion s'égare un peu, et je me bornerai à répondre principalement à la question qui a été agitée en premier lieu par l'honorable M. T'Kint de Naeyer.

La meilleure preuve que le gouvernement a compris l'importance de la question sur la monnaie de cuivre, c'est qu'il a pris l'initiative pour ouvrir une enquête. J'ai commencé par consulter le commissaire attaché à la Monnaie de Bruxelles ; selon son habitude, il a traité la question avec toute l'attention qu'elle mérite ; son rapport est joint au rapport de la section centrale. Ce qui m'a décidé à commencer cette étude, qui n'est pas achevée à l'heure où nous sommes, ce sont ces deux circonstances-ci ; d'abord, l'exemple de la France et de la Suisse, ensuite le prix toujours croissant du cuivre rouge que nous employons pour faire notre monnaie de billon.Ce prix s'élève de telle façon que s'il augmente encore de 20 à 30 p. c. il y aura bénéfice à retirer le cuivre de la circulation pour le convertir en barre.

Il n'est pas sans exemple que le prix du cuivre soit arrivé à cette élévation, et notamment aujourd'hui qu'une guerre, peut-être de très longue durée, commence entre la Russie et les gouvernements de l'Europe occidentale, il n'est pas impossible que le cuivre de Russie ne pouvant plus nous arriver, le prix s'élève de telle sorte qu'il y aurait bénéfice à retirer la monnaie de cuivre en circulation en Belgique. Il y avait donc nécessité d'étudier cette question. Mais cette étude n'est pas complète, comme j'ai eu l'honneur de le dire. L'enquête ne fait que commencer.

Maintenant, que j'ai consulté le commissaire des monnaies, il me reste à consulter les gouverneurs des provinces limitrophes de la France, les chambres de commerçe et même les adminislrations communales.

Remarquez que l'on traite un peu légèrement la question de l'infiltration de la monnaie de cuivre de France dans notre pays ; nous avons une frontière de 70 lieues qui nous sépare de la France ; ce qui s'est vu peut se voir encore ; pendant une vingtaine d'années, la Belgique dans toutes ses provinces limitrophes de la France a été littéralement inondée de la monnaie de cuivre de France. Je sais qu'on me répond ; Que risquez-vous ? Si la France nous envoie de la monnaie de billon, son marché est plus grand que le nôtre, nous lui enverrons de la nôtre. Mais les faits doivent exercer ici une grande influence. La province qui nous envoie le plus de cuivre est une province de manufactures ; c'est le département du Nord. C'est là que la monnaie de cuivre s'amoncelle. Lorsque l'encombrement devient trop grand, ce ne sont pas de grandes spéculations qui s'établissent pour nous l'envoyer ; ce sont les « Keutsers », comme on les appelle en Flandre ; ils viennent au marché de Lille, y apportent des sacs de cuivre et les mettent en circulation dans les provinces limitrophes.

Voici maintenant l'inconvénient pratique ; lorsque, sur un point quelconque de notre pays, il y a encombrement de monnaie de billon, à l'instant même il s'établit pour toutes les denrées deux prix ; un prix pour les denrées que l'on paye en monnaie de cuivre et un prix pour celles que l'on paye en argent. Ceux qui payent en cuivre payent jusqu'à 20 p. c. de plus que ceux qui payent en argent.

Ce sont les journaliers, les ouvriers qui en sont les victimes. Je ne dois pas aller bien loin pour vous citer un exemple qui s'est offert dans le pays. Les députés de Saint-Nicolas se rappelleront qu'il y a deux ans un encombrement de ce genre s'est présenté sur leur marché.

Tous les jours de marché, dans toutes les boutiques il s'établissait deux prix ; voulait-on un bonnet ou autre chose, on vous demandait si vous payiez en cuivre ou en argent. Si c'était en cuivre, on surhaussait le prix. Lorsque le gouvernement en fût informé, à l'instant même, il donna l'ordre aux receveurs des contributions de recevoir le cuivre non seulement comme appoint, mais à toute somme ; de cette manière, il fit rentrer ce qu'il y avait de surabondant et le fit passer dans les parties du pays où il y avait disette de monnaie de cuivre. Quand le mal est purement local, le gouvernement par ce moyen peut y porter remède ; mais lorsqu'il se généralise sur une étendue de 70 lieues, il n'est pas au pouvoir du gouvernement d'y remédier, le mal est sans remède et il est très grave pour les classes ouvrières.

Il se peut que l'on ne voie plus en France ce qui s'est fait à la première révolution, et que l'on modère la fabrication de la monnaie de cuivre. Dans ce cas, l'encombrement sera moins à craindre. Mais s'il y avail surexcitation de fabrication de monnaie de billon, l'inconvénient pour les provinces limitrophes peut devenir très grave.

Si j'indique ces faits, ce n'est pas que je veuille dire que l'opinion de l'honorable M. T’Kint de Naeyer ne doive pas finir par triompher. Je ne les indique que pour faire comprendre à la Chambre combien cette question présente de difficultés, et combien elle a besoin d'être mûre avant d'être traduite en projet de loi.

Il y a une autre question qui n'a pas été examinée. La France touche au moment (c'est un avis personnel) où il faudra apporter un changement à son système monétaire d'or et d'argent. Il est évident pour moi que, depuis les énormes importations d'or les rapports sont brisés entre l'or et l'argent. Lorsque l'on a établi le système décimal, le rapport avait été fixé entre l'or et l'argent comme 15 fois et demi est à un. Ce rapport est détruit, et se détruit tous les jours davantage par les énormes importations des contrées aurifères.

Pour peu que cela continue on arrivera à cette conséquence inévitable que l'argent représentant relativement à l'or une valeur plus grande que sa valeur nominale devra nécessairement disparaître de France. Cette conséquence commence à se faire sentir. Une grande partie des pièces de 5 francs s'exporte. C'est arrivé à ce point que déjà la petite monnaie commence à s'exporter également.

Vous me direz ; Où l'exporte-t-on ? Je vais vous le dire. Ce qui se passe en France, s'est passé aux Etats-Unis il y a quelques années. La monnaie d'argent disparaissait, parce que la relation entre les monnaies d'or et d'argent dans ce pays était détruite. Il y fut pourvu par un bill du congrès qui diminua la valeur des pièces d'argent dans la proportion de 7 à 6, de sorte que leurs dollars n'ont aujourd'hui tout juste que le poids de nos pièces de 5 francs.

Et cependant ils sont acceptés dans la circulation pour une valeur de 5 fr. 35 c, de telle sorte que si vous portez une pièce de 5 fr. de Belgique aux Etats-Unis, comme elle a absolument le même poids et le même titre que le dollar, on l'accepte pour 3 fr. 36 c. Il y a donc 35 à 36 c. à gagner à transporter une pièce de 5 fr. aux Etats-Unis. C'est clair comme le jour ; il ne faut pas être un très fort banquier ou un très fort financier pour cela ; et celui qui réunit un million de pièces de 5 fr. et les transporte aux Etats-Unis, fait un énorme bénéfice.

Voilà une des causes de l'exportation de l'argent.

Une autre cause, c'est la richesse même des centrées aurifères. En Australie et en Californie, il y a de l'or à foison ; mais on n'y trouve pas d'argent. Il faut cependant de la monnaie pour les petites transactions. Eh bien, en retour des énormes quantités d'or que ces deux contrées envoient dans toute l'Europe et dans le monde entier, elles font venir autant que possible, pour leurs menues transactions, de la monnaie d'argent.

Voilà donc encore une cause d'exportation. Il y en a momentanément une troisième qui est simple pour tout le monde, c'est la cherté des grains qui a été cause de transactions extraordinaires avec les pays plus fertiles, ou du moins avec les pays qui cette année ont été plus favorisés du ciel que le nôtre et vers lesquels la monnaie s'exporte ; et évidemment quand on exporte, on cherche à exporter la monnaie qui représente plus que sa valeur nominale.

J'ai entendu dire, messieurs, à l'honorable M. Dumortier que ce qui est cause de l'exportation des pièces de 5 fr., c'est l'énorme quantité de billets qui sont en circulation. C'est là une erreur profonde. Ainsi, par exemple, le premier du mois prochain la banque aura à payer, comme caissier de l'Etat, les coupons de nos emprunts. Chacun se présentera pour recevoir les coupons des titres qu'il a en sa possession ; on lui offrira des billets de banque. Si, comme le dit l'honorable M. Dumortier, il n'accepte les billets de banque que parce qu'il ne reçoit pas d'argent, eh bien, qu'il passe au bureau à côté, on lui donnera de l'argent.

M. Dumortier. - Et de l'or ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Et de l'or !

Eh bien ! tous ceux qui ont été en contact avec la Banque vous diront que c'est à son corps défendant qu'on accepte de l'argent et que ce n'est qu'autant qu'il n'y ait pas de billets qui représentent la somme correspondant à la valeur des coupons que l'on accepte de l'argent.

(page 1401) Du reste, je l'ai dit dans une autre circonstance, une banque de circulation ne peut forcer d'une manière quelconque le public à accepter deux billets de plus dans la circulation que la confiance publique ne veut en accepter.

Si la Banque Nationale, qui a aujourd'hui 84 millions de circulation, voulait forcer le public belge à accepter pour deux millions de plus, ces deux millions à l'instant même rentreraient dans ses caisses, parce qu'il est écrit dans la loi qu'à présentation on a de la monnaie d'or ou d'argent contre des billets. Si l'on accepte des billets, c'est parce qu'on les aime mieux, attendu que personne n'est obligé de les garder, que tout le monde est en droit de réclamer des écus sonnants en place des billets.

Messieurs, si, après examen de la question, le gouvernement se décide à vous présenter un projet de loi pour la refonte des monnaies de cuivre, ce ne sera pas non plus par le motif qu'a indiqué l'honorable baron Osy, c'est-à-dire que déjà nous avons suivi la France, lorsqu'il s'est agi de refondre les pièces de 25 centimes. Ici il y avait une cause toute spéciale, qui a été indiquée dans une autre occasion.

Pourquoi a-t-on fait fondre les pièces de 25 centimes, pour les remplacer par des pièces de 20 centimes ? La cause est celle-ci ; c'est que le diamètre des pièces de 20 centimes que faisait frapper la France, était identiquement le même que celui des anciennes pièces de 25 centimes, de telle sorte qu'à moins d'être très attentif, vous confondiez les pièces de 20 centimes avec celles de 25 centimes. Or, si nous avions laissé circuler nos pièces de 25 centimes à côté des pièces de 20 centimes, qui n'auraient pas manqué de s'infiltrer dans le pays, les classes pauvres, les classes laborieuses, qu'on doit surtout ménager en pareille occasion, se seraient trompées à chaque instant, auraient accepté des pièces de 20 c. pour 25 c. et lorsqu'elles se seraient adressées au receveur des contributions ou à toute autre personne capable de distinguer, elles eussent appris à leur détriment qu'il fallait perdre 5 c. par pièce. C'est la crainte de la perte qu'aurait subie le pays qui a déterminé la Chambre à remplacer les pièces de 25 c. par les pièces de 20 c. Sans cela, messieurs, il n'y a eu pour le pays aucun autre avantage, aucun autre bénéfice à attendre de celle opération.

Je me bornerai pour le moment à ces observations. Cependant je dois prier la Chambre de bien vouloir allouer les 100,000 fr. pétitionnés au budget. Mais je déclare qu'il n'en sera fait emploi qu'autant que de l'enquête il résulte clairement qu'on ne peut, sans inconvénient pour les provinces frontières, substituer la monnaie de bronze à la monnaie de cuivre.

M. Dumortier. - Messieurs, je dois répondre deux mots à ce qui vient d'être dit par un honorable préopinant.

L'honorable M. Mercier, en me répondant, a cité l'exemple de la Hollande. Mais je ne crois pas qu'il ait bien saisi ce qui s'est fait en Hollande.

En Hollande, dites-vous, on avait estimé la valeur du franc. Mais il n’y a jamais eu de franc, monnaie de la Hollande. C'est la valeur du florin que l'on avait estimé et non celle du franc. Vous voyez que l'on fait confusion. (Interruption.)

Le franc n'a jamais eu de valeur légale dans le royaume des Pays-Bas. C'était le florin battu dans ce pays qui avait une valeur légale, et par une combinaison très fausse, on avait, en vertu de la première loi monétaire, fabriqué des pièces de 3 florins qui contenaient beaucoup plus d'argent qu'il n'en fallait pour faire une valeur de 3 florins. Qu'en est-il résulté ? C'est qu'à mesure que les pièces de 3 florins sortaient de la monnaie d'Utrecht, les juifs d'Amsterdam les fondaient.

Le gouvernement des Pays-Bas a compris qu'il avait fait une faute, et bientôt il est venu présenter une loi pour réduire sa monnaie à la valeur qu'elle devait avoir. Qu'est-il arrivé ? C'est qu'à la suite de cette loi, on n'a plus vu la monnaie des Pays-Bas aller à la monnaie de Lille, comme le disait l'honorable M. Mercier, c'est que l'on ne l'a plus fondue, parce qu'on n'y avait plus d'intérêt. Mais il va sans dire que si vous faites une monnaie dans laquelle il y a plus d'argent que sa valeur nominale, on la fondra. C'est là le fait de la loi et non du système.

Mais la loi hollandaise avait commis une faute grave ; c'est que la monnaie d'or contenait pour une valeur plus considérable, eu égard à la valeur fixée sur la monnaie elle-même et une valer moins considérable, eu égard à la valeur des deux monnaies, que la monnaie d'argent ; la valeur relative des deux monnaies n'existait pas, et c'est ce qui constituait la faute du système.

On vient dire ; Cela prouve que la coexistence des deux monnaies n'est pas possible.

De tout ce qu'on a dit je conclus, au contraire, la nécessité pour un pays d'avoir une monnaie d'or et une monnaie d'argent ; parce qu'un pays ne vit pas pour un jour, mais qu'il vit pour toujours.

Or, dans le cours des événements, c'est aujourd'hui la monnaie d'argent qui a une propension à disparaître ; et demain c'est la monnaie d'or. Eh bien, quand vous avez un type d'or et un type d'argent, vous conservez toujours une monnaie chez vous, tandis que quand vous ne conservez qu'un seul étalon, soit celui d'or, soit celui d'argent, dans le moment où la valeur de ce métal s'élèvera davantage, vous serez exposés à ne plus avoir de monnaie du tout, et quand on a deux étalons, l'un d'eux reste toujours dans le pays. C'est ce qui est arrivé partout où il y a deux étalons, tandis que là où il n'y eu a qu'un seul, on arrive à ce résultat de ne plus en avoir du tout.

L'honorable ministre des finances, répondant à ce que j'avais dit relativement aux billets de banque, s'est appuyé sur ce fait que, lorsqu'on va à la banque recevoir les coupons de l'emprunt, on aime mieux recevoir des billets de banque que de la monnaie ; d'abord ce ne peut être que de la monnaie d'argent, puisqu'il n'existe pas assez d'or ; ensuite c'est parce que dans le moment actuel on a confiance, et ici je répondrai à un autre argument de M. le ministre ; il a dit qu'on ne peut pas émettre plus de papier que la confiance du public ne le permet ; mais, messieurs, quelle conclusion faut-il tirer de là ? C'est que quand la confiance existe il n'y a jamais trop de papier ; mais lorsque la confiance disparaît, il y a beaucoup trop de papier.

Or, y a-t-il au monde quelque chose de plus mobile que la confiance ? Aujourd'hui on a pleine confiance dans la Banque Nationale, mais que demain une crise se manifeste et la confiance n'existe plus au même degré. Or, vous avez établi vos émissions de papier-monnaie sur le niveau de la confiance qui résulte de l'état de paix ; vous auriez nécessairement trop de papier le jour où la confiance viendrait à diminuer par suite des événements politiques.

Si vous voulez avoir le thermomètre de la confiance, consultez la valeur des actions à la bourse et vous verrez que telle action de société qui vaut aujourd'hui 2,000 fr., ne vaudra peut-être demain que mille francs. Voilà ce que c'est que la confiance. Pour moi, je dis que la meilleure manière de chasser l'argent du pays c'esl de favoriser le développement du papier. Il peut résulter de là qu'un jour de crise deviendrait un jour de véritables catastrophes.

Je crois donc, messieurs, qu'il est nécessaire de rétablir la monnaie d'or ; et loin que ce soit un embarras pour la monnaie d'argent, vous auriez toujours la certitude de conserver dans le pays soit l'une monnaie, soit l'autre.

M. Coomans. - Il me semble, messieurs, qu'il n'est pas bon de laisser se répandre des préjugés au sujet de la monnaie. L'histoire nous apprend ce qu'il en coûte aux nations de se tromper en semblable matière.

Je regrette d'être en désaccord avec mon honorable ami M. Dumortier. L'honorable membre se préoccupe de l'extension trop forte que prend, selon lui, la circulation du papier, et de l'exportation de notre monnaie. Pour remédier à ce double fait qui lui semble un mal, il propose la diminution du papier-monnaie et la création d'une monnaie nationale.

Je ne vois pas comment nous pouvons diminuer utilement la circulation du papier-monnaie ; le papier-monnaie n'a pas été créé pour le plaisir d'en avoir, chacun préfère de l'or ; il est le produit de la nécessité et du développement qu'ont pris les affaires de longue haleine. Le papier est, à la fois, un signe et une cause de la prospérité publique ; plus un pays renferme de papier-monnaie, plus il est riche et plus il a de moyens de s'enrichir encore. Je félicite la Belgique d'avoir beaucoup de papier-monnaie de toute espèce en circulation. Il y a des pays où il y a moins de papier-monnaie, il y en a même où il n'en existe pas du tout, ce sont les pays sauvages, mais personne n'envie leur situation.

Je conviens, messieurs, qu'il y a un grand danger dans l'augmentation du papier-monnaie lorsque c'est l'Etat qui force les choses, qui, sans un besoin bien constaté, intervient par la loi pour faire accepter forcément du papier au lieu d'or ou d'argent ; mais nous n'en sommes pas là, et je dis avec M. le ministre des finances, qu'en Belgique l'émission du papier est toujours en rapport avec le degré de confiance que le public y attache.

Quant à la création d'une monnaie nationale, je ne suis pas d'accord non plus avec l'honorable M. Dumortier ; je ne vois pas quel grand avantage il y a à posséder une monnaie nationale, à moins que sa fabrication ne rapporte des bénéfices à l'Etat, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

La fabrication de la monnaie étant devenue loyale, rapporte très peu au gouvernement. Si l'honorable membre veut une monnaie nationale qui ne s'exporte pas, il n'y a qu'un moyen d'atteindre ce but, c'est de faire de la mauvaise monnaie dont personne ne voudra. Aussi longtemps que vous ferez de la bonne monnaie, elle s'exportera lorsque les faits indiqués par l'honorable ministre des finances se produiront. Il me semble qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que nous possédions une monnaie semblable à celle d'un grand marché voisin ; il en résulte beaucoup de facilité pour le commerce et l'industrie.

- Un membre. - Vous favorisez les banquiers.

M. Coomans. - Je vais démontrer qu'une monnaie nationale non exportable ferait précisément l'affaire des banquiers. Quand vous avez, dans un pays restreint, une monnaie nationale qui ne puisse pas s'exporter, vous faites l'affaire des banquiers, parce que chaque fois qu'il se fait une transaction avec l'étranger, vous êtes en présence d'une opération de change qui ne profite qu'aux banquiers. Ce serait un beau jour que celui où l'Europe n'aurait plus qu'une seule monnaie ; ce serait alors que les banquiers feraient très peu d'affaires, et je ne désespère pas que nos neveux ne voient luire ce jour-là.

Il y a moins de cent ans nous avions eu Belgique cinq ou six monnaies nationales, et la Belgique ne s'en trouvait pas plus à l'aise. On avait la monnaie nationale de la Flandre, celle du Brabant, celle du Tournaisis, celle du Namurois, celle du Luxembourg, celle de Liège. Eh bien, messieurs, ç'a été un grand progrès que de fondre toutes ces monnaies en une seule.

M. Dumortier. - C'était la même monnaie.

M. Coomans. - La différence était telle, que la monnaie d’un de nos Etats n'était pas reçue officiellement dans les caisses de l’autre.

(page 1402) M. Dumortier. - C'est une erreur.

M. Coomans. - Ce n'est pas une erreur, c'est de l'histoire.

Eh bien, messieurs, c'a été un grand progrès que la suppression de nos diverses monnaies nationales, de même que ce sera un progrès plus grand encore que la suppression des diverses monnaies nationales de l'Europe.

Maintenant, messieurs, c'est une question très discutable, à mon sens, que celle de savoir s'il convient que nous fabriquions de l'or dans les circonstances actuelles ; il y a beaucoup à dire pour et contre sur ce point. Pour ma part je ne m'effraye pas outre mesure des prédictions de certains optimistes d'après lesquels nous serons bientôt devant une abondance d'or telles que la valeur de ce métal baissera de manière à compromettre le système monétaire des pays civilisés.

Il est bien vrai que l'or se produit en grande abondance, mais il est vrai aussi qu'il s'en perd beaucoup plus que dans les temps anciens. Toutes ces spéculations, auxquelles M. le ministre des finances faisait allusion tout à l'heure, tendent à faire perdre beaucoup d'or. Il s'en consomme aussi en quantité dans les industries. De tous ces faits réunis on peut tirer la conclusion que d'ici à longtemps il n'y aura pas de perturbation sensible dans le système monétaire.

Je ne m'alarmerais donc pas de voir la Belgique battre de la monnaie d'or ; nous pouvons nous convaincre aujourd'hui que les craintes qu'on a manifestées naguère à cet égard étaient pour le moins fort exagérées.

- La discussion sur l'article 7 est close.

L'article 7 est mis aux voix et adopté.

Articles 8 et 9

« Art. 8. Magasin général des papiers : fr. 110,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Documents statistiques : fr. 19,500. »

- Adopté.

Chapitre II. Administration du trésor dans les provinces

Articles 10 à 12

« Art. 10. Traitements des directeurs et agents du trésor : fr. 123,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Frais de bureau, de commis, de loyer, etc., des directeurs et agents : fr. 25,300. »

- Adopté.


« Art. 12. Caissier général de l'Etat : fr. 200,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Administration des contributions directes, douanes et accises

Articles 13 à 25

« Art. 13. Surveillance générale. Traitements : fr. 334,900. »

- Adopté.


« Art. 14. Service de la conservation du cadastre. Traitements : fr. 304,700. »

- Adopté.


« Art. 15. Service des contributions directes, des accises et de la comptabilité. Traitements fixes : fr. 1,204,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Idem. Remises proportionnelles, et indemnités (crédit non limitatif) : fr. 1,450,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Service des douanes et de la recherche maritime : fr. 3,966,350. »

- Adopté.


« Art. 18. Service de la garantie des matières et ouvrages d'or et d'argent : fr. 47,900. »

- Adopté.


« Art. 19. Suppléments de traitements : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Traitements temporaires des fonctionnaires et employés non replacés ; charge extraordinaire : fr. 55,000. »


(Les crédits portés aux articles 13, 14, 15, 17, 18, 19 et 20 du présent chapitre pourront être réunis et transférés de l'un de ces articles aux autres, selon les besoins qui résulteront de la mise à exécution de l'organisation de l'administration des contributions dans les provinces.)

- Adopté.


« Art. 21. Frais de bureau et de tournées : fr. 68,840. »

- Adopté.


« Art. 22. Indemnités, primes et dépenses diverses : fr. 284,200. »

- Adopté.


« Art. 23. Police douanière : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Matériel : fr. 117,800. »

- Adopté.


« Art. 25. Frais généraux d'administration de l'entrepôt d'Anvers : fr. 19,450. »

- Adopté.

Chapitre IV. Administration de l’enregistrement et des domaines

Discussion générale

M. Lelièvre. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des finances sur quelques points que je recommande à sa sollicitude.

La loi sur le droit des successions en ligne directe donne lieu, dans son exécution, à des difficultés assez compliquées. C'est ainsi que l'un des époux venant à décéder, il doit s'établir une liquidation de communauté qui doit servir de base à la perception.

Il faut liquider les reprises de chacun des époux et procéder au règlement des droits respectifs. Ce mode de procéder est encore aujourd'hui ignoré des contribuables et de leurs hommes d'affaires.

Il est à ma connaissance que des déclarations inexactes ont été déposées, ce qui a donné lieu à des amendes assez élevées, dont je suis convaincu qu'il sera fait remise.

Je pense que le département des finances ferait chose utile à l'intérêt général, en donnant la plus grande publicité possible aux instructions qu'il a transmises à cet égard aux agents de l'administration de l'enregistrement.

Une loi nouvelle, telle que celle dont il s'agit, nécessite des instructions ministérielles qui doivent être connues du public, et j'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances.

Je pense également que le gouvernement ferait bien de donner aux conservateurs des hypothèques des instructions sur certaines dispositions de la loi du 16 décembre 1851, concernant le régime hypothécaire.

C'est ainsi que quelques-uns de ces fonctionnaires ont pensé que dans l'hypothèse de l'article 60 de cette loi, relative à la réduction des garanties fournies par les tuteurs, le ministère public devait être assigné pour voir procéder contradictoirement avec lui, tandis qu'il est évident, d'après le texte même de la loi, que c'est par pure forme d'avis que le ministère public agit devant le tribunal, et que s'il est considéré comme légitime contradicteur du tuteur, c'est uniquement dans le sens de l'ancien article 2135 du Code civil.

Je signale ce point de discussion parce qu'il a donné lieu à des procès qu'il faut éviter autant que possible dans l'intérêt général. Les conservateurs des hypothèques doivent se rappeler qu'ils ont cette qualité dans l'intérêt public et non pour eux-mêmes ; qu'en conséquence ils ne doivent pas, sans des motifs graves et sérieux, entraîner les contribuables dans des procès toujours dispendieux pour ceux-ci.

Enfin, messieurs, je rappellerai à M. le ministre ce qui a souvent été exprimé dans cette enceinte sur la nécessité de dresser sur des bases plus équitables les tableaux des valeurs des propriétés, à l'effet de servir de règle pour les déclarations de succession en ligne directe. Il est certain que, dans l'état actuel des choses, les évaluations du fisc sont portées à un taux exorbitant, de sorte que les parties ne peuvent profiter de la faveur que la loi du 17 décembre 1851 a voulu leur assurer sur ce point.

Telles sont les courtes observations que je crois devoir soumettre an gouvernement.

Articles 26 à 32

« Art. 26. Traitement du personnel de l'enregistrement et du timbre. Fr. 386,380.

« (La partie du crédit concernant les traitements des seconds commis pourra être transférée, jusqu'à concurrence d'une somme de 6,380 fr., à l'article 31, littera C, relatif aux frais de bureau des directeurs.) »

- Adopté.


« Art. 27. Traitement du personnel du domaine.

« Charge ordinaire : fr. 95,940.

« Charge extraordinaire : fr. 8,260. »

- Adopté.


« Art. 28. Traitement du personnel forestier : fr. 241,900. »

- Adopté.


« Art. 29. Remises des receveurs. Frais de perception (crédit non limitatif) : fr. 850,000. »

- Adopté.


« Art. 30. Remise des greffiers (crédit non limitatif) : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Matériel : fr. 52,620. »

- Adopté.


« Art. 32. Dépenses du domaine.

« Charge ordinaire : fr. 90,000.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

Chapitre V. Administration de la caisse générale de retraite

Articles 33 à 35

« Art. 33. Administration centrale. Traitements. Frais de route et de séjour : fr. 7,400. »

- Adopté.


« Art. 34. Administration centrale. Matériel : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 35. Remises proportionnelles et indemnités (page 1403) des fonctionnaires chargés de la recette et du contrôle (crédit non limitatif) : fr. 3,500. »

- Adopté.

Chapitre VI. Pensions et secours

Articles 36 et 37

« Art. 36. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 17,500. »

- Adopté.


« Art. 37. Secours à des employés, veuves et familles d'employés qui, n'ayant pas de droits à une pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 7,500. »

- Adopté.

Chapitre VII. Dépenses imprévues

Article 38

« Art. 38. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 12,000. »

- Adopté.

Vote de l'article unique et sur l’ensemble du projet

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu ;

« Le budget du ministère des finances est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de dix millions neuf cent quatre-vingt-cinq mille sept cent nonante francs (fr. 10,985,790), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.

En voici le résultat :

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 60 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu : MM. Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Mascart, Mathieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Pierre, Rodenbach, A. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, A. Vandenpeereboon, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Visart, Allard, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Bronckart, de Haerne, Delehaye, F. de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, Dumon, Dumortier, Jacques, Jouret, Lange, Le Hon et Veydt.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, demain nous devons nous occuper du projet de loi sur lequel l'honorable M. Lelièvre a fait rapport ; je vois ensuite figurer à l'ordre du jour le projet de loi sur les distilleries qui est très important et doit nous occuper trop longtemps pour que nous puissions l'aborder avant les vacances.

Je proposerai à la Chambre de décider qu'elle s'ajournera à partir de samedi prochain, jusqu'au mardi 25 et de porter en tête de l'ordre du jour de mardi le projet de loi relatif aux distilleries.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je n'ai pas d'objection à faire quant à l'ajournement proposé. S'il est adopté, il est nécessaire de renvoyer la discussion du projet de loi sur les distilleries à l'époque de la rentrée, car si on l'abordait cette semaine, on devrait la scinder ; il serait impossible de la terminer avant l'ajournement de la Chambre, le projet n'a pas moins de 50 articles.

- La motion de M. Osy est mise aux voix et adoptée.

La séance est levée à 4 heures 3/4.