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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 29 avril 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1551) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Plusieurs négociants et industriels à Chièvres prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer destiné à relier les charbonnages du Couchant de Mons à la ville de Gand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par cinq pétitions, un grand nombre de propriétaires et habitants de Saint-Josse-ten-Noode, Cureghem, Molenbeek-Saint-Jean, Ixelles, Laeken, Schaerbeek, Etterbeek, Saint-Gilles et du Quartier-Léopold demandent l'annexion des faubourgs à la ville de Bruxelles. »

« Même demande faite par cinq pétitions d'habitants de Saint-Josse-len-Noode. »

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi.


« Par 6 pétitions, plusieurs négociants, marchands, fabricants, industriels et autres habitants de la ville de Bruxelles, prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »

- Même renvoi.


« Par 168 pétitions, des habitants de Schaerbeek présentent des observations contre le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Mêmes observations d'habitants de Molenbeek-Saint-Jean. »

- Même renvoi.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1855

Rapport de la section centrale

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Delehaye. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le budget de la justice et le rapport sur les crédits supplémentaires demandés pour le même département.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1855

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements proposés par M. le ministre des affaires étrangères à son budget.

- Ce rapport sera imprimé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je suis prêt à discuter immédiatement les amendements sur lesquels on vient de faire rapport, mais peut-être conviendra-t-il à la Chambre d'attendre que le rapport soit imprimé, afin de pouvoir l'examiner avant de le discuter.

Le gouvernement est prêt à discuter dès à présent comme à accepter le renvoi de la discussion à un autre jour.

- Plusieurs voix. - L'impression ! l'impression !

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je demande alors qu'on fixe la reprise de la discussion du budget des affaires étrangères à l'ouverture de la séance de mardi.

- Cette proposition est adoptée.

Rapport sur une pétition

M. H. de Baillet. - Je viens présenter un prompt rapport qui a été demandé par la Chambre.

Le sieur de Marneffe, ancien commandant en chef des corps francs du Limbourg, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement des avances qu'il a faites pour la cause de la révolution en 1830 ou du moins pour obtenir une gratification équivalente.

Le pétitionnaire a pris dès le principe une part active aux événements de la révolution et aux combats qui ont eu lieu à Bruxelles en septembre 1830 ; déjà le 25 août il avait reçu une blessure. Il a, en outre, rendu des services à l'ordre en empêchant des pillages à Saint-Gilles et à Bruxelles même. Il a organisé dans le Limbourg un corps de volontaires pour la solde duquel il a fait des avances dont on lui avait promis le remboursement, sans que celui-ci ait eu lieu. Devenu vieux et infirme, il se trouve aujourd'hui dépourvu de moyens d'existence.

Déjà en 1840 le sieur de Marneffe s'est adressé à la Chambre pour réclamer le remboursement de ses avances. Sa réclamation fut renvoyée avec demande d'explications au ministre de la guerre ; ce haut fonctionnaire fit connaître qu'elle ne pouvait pas être accueillie en l'absence de tous moyens de justification ; mais il ne contesta pas les services rendus par le pétitionnaire, qui étaient d'ailleurs suffisamment prouvés par les pièces produites à l'appui de la réclamation.

En 1844, le sieur de Marneffe adressa à la Chambre une nouvelle pétition, qui, dans le courant de la même session, fit l'objet d'un rapport de votre commission des pétitions par l'organe de M. de Naeyer.

Ce rapport, où les services rendus à la cause de la révolution par le pétitionnaire sont favorablement mentionnés, constate qu'il a une conduite régulière et qu'il se trouve dans une position gênée. La commission émettait l'avis qu'il convenait d'améliorer la position du sieur de Marneffc en lui accordant une indemnité ou gratification, et dans ce but, elle proposait le renvoi de la pétition aux ministres de la guerre et des finances.

C'est sa pétition de 1844 que le sieur de Marneffe rappelle spécialement aujourd'hui : n'ayant reçu jusqu'à ce jour que des secours insignifiants que l'on accorde à de vieux militaires en détresse, mais qui ne sont aucunement en rapport ni avec les services qu'il a rendus, ni avec les sacrifices pécuniaires qu'il a faits.

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. Dumortier. - Messieurs, je viens appuyer de toutes mes forces la réclamation sur laquelle l'honorable comte de Baillet vient de faire un rapport ; j'estime que peu de réclamations ont un caractère plus sacré que celle dont on vient de vous entretenir.

Le major de Marneffe est un des hommes qui ont rendu les plus grands services au pays en 1830. Il est connu que c'est lui qui commandait les postes avancés de la Place-Royale le premier jour ; si cette première journée n'avait pas eu lieu, les trois glorieuses qui ont suivi n'auraient pas eu lieu non plus.

Après les quatre journées, le major s'est mis à la tête d'un corps de volontaires pour propager le mouvement dans le reste du pays ; il s'est porté dans le Luxembourg, il avait reçu l'assurance d'obtenir le remboursement de ses avances ; cependant ce digne citoyen en a été réduit à devoir vendre son propre patrimoine pour payer des dépenses faites pour la cause sacrée de la révolution ; et cet excellent homme n'a pu obtenir ni le remboursement ni l'équivalent des sacrifices faits pour la patrie.

Je répète donc qu'aucune pétition n'a un caractère aussi sérieux que celle sur laquelle vous venez d'entendre un rapport.

J'appuie pour la troisième fois la demande du pétitionnaire et j'ajouterai à la proposition qui vous est faite par la commission des pétitions, celle du renvoi à M. le ministre de l'intérieur. Il y a un fonds spécial pour les blessés de septembre ; M. de Marneffe est un blessé de septembre et il faut que l'on trouve sur un budget ou sur l'autre le moyen de réparer enfin le préjudice qui a été causé à l'honorable M. de Marneffe, préjudice qui certes aurait dû se traduire en récompense nationale et non en perte des propriétés de sa famille.

- Le renvoi à M. le ministre de la guerre et à M. le ministre de l'intérieur est ordonné.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

- La discussion est ouverte sur les propositions du gouvernement.

M. Rogier. - Messieurs, le troisième rapport de la section centrale sur les crédits supplémentaires au département de l'intérieur, ne donnera pas lieu, je pense, à d'aussi longues et d'aussi désagréables discussions que les deux rapports précédents. Je reconnais qu'il est conçu dans la forme d'une manière plus bienveillante ; il y a moins de récriminations que par le passé, moins d'accusations, et en définitive on accorde les crédits demandés, sauf trois que l'on rejette et un que l'on réduit. M. le ministre de l'intérieur aura à s'expliquer sur ces conclusions de la section centrale ; je constate seulement que de tous les crédits qu'on avait réservé, pour le troisième rapport, trois, dont l'un de 3,000 et l'autre de 4,761 francs, sont rejetés ; un autre, de 20,000 fr. est réduit de moitié.

Je demanderai, messieurs, à la Chambre, un moment d'attention ; je tâcherai d'être très court et très précis.

J'ai d'abord deux rectifications à faire ; ne voulant pas élargir le cercle de la discussion, je néglige le reste.

Le rapport de la section centrale, page 2, m'attribue une doctrine qui n'est pas de moi. En relisant la discussion du mois de juin, le rapporteur de la section centrale aurait pu s'assurer que la doctrine que j'ai exposée alors, en ce qui concerne les crédits supplémentaires, n'était pas de moi, mais était d'un de mes honorables prédécesseurs, M. de Theux. Voici ce que disait l'honorable M. de Theux.

« Plus vous vous montrez sévère dans l'appréciation des crédits supplémentaires, plus un ministre, dans la crainte de cette sévérité, se montrera disposé à augmenter les crédits normaux qu'il vous propose, afin de ne pas avoir à dépasser ces crédits. »

Voilà la doctrine qu'opposait l'honorable M. de Theux aux membres de cette Chambre qui lui reprochaient l'abus des crédits supplémentaires.

J'ai reproduit dans la discussion de l'année dernière, cette doctrine, ne la faisant pas mienne, la donnant comme ayant été produite dans (page 1552) cette enceinte par un ministre qui avait la confiance du rapporteur de la section centrale et de ses amis.

Aujourd'hui le rapport de la section centrale m'attribue cette doctrine, et il formule contre cette doctrine une autre théorie qui consiste à dire que plus les ministres se montreront prodigues, plus la Chambre sera disposée à restreindre les crédits du budget normal, et sera portée à rejeter les crédits supplémentaires.

Je ne sais si l'honorable auteur de la doctrine que j'ai citée prendra sur lui de la défendre. Quant à moi, je n'ai pas dit que je l'acceptais dans son entier ; mais je crois qu'elle peut parfaitement se défendre, et l'honorable M. de Theux aurait pour lui les faits à l'appui de sa théorie, que plus on se montre sévère dans l'allocation des crédits supplémentaires, plus les ministres se sentent portés à augmenter les crédits du budget, afin de ne pas avoir recours aux crédits supplémentaires. Les faits, dis-je, donnent raison à cette doctrine.

Car qu'avons-nous vu ? C'est que depuis qu'on a combattu avec un redoublement d'énergie les crédits supplémentaires, M. le ministre de l'intérieur a été amené à demander des augmentations à son budget. C'est ainsi que le budget de 1853 a été plus élevé que le budget de 1852 d'une somme de 70,000 francs. C'est ainsi que le budget de 1854 est de 300 à 400 mille francs plus élevé que le budget précédent.

En outre, M. le ministre de l'intérieur, afin d'éviter les crédits supplémentaires, avait proposé à son budget des augmentations qui n'ont pas été accueillies. Ainsi tout en se débarassant de l'arriéré, en ce qui concerne les beaux-arts, tout en se trouvant en présence d'un budget entièrement dégagé, il vous avait demandé 38,000 fr. d'augmentation, que vous n'avez pas accordés, il est vrai, mais qui avaient été jugés nécessaires par M. le ministre de l'intérieur pour éviter cette extrémité des crédits supplémentaires.

Voilà, je pense, ce que pourrait faire valoir en faveur de son opinion, l'auteur de la doctrine que j'ai reproduite à la Chambre l'année dernière.

J'ai, messieurs, une autre rectification à faire en ce qui me concerne.

En discutant les crédits relatifs aux beaux-arts, dans la discussion de l'année dernière, j'avais évalué à 48,000 fr. pour les lettres, et à 197,000 fr. pour les arts, le montant des engagements dont se trouvait grevé le budget de 1847 à mon entrée au ministère.

J'avais dit que d'une part il y avait, sur l'exercice 1847, une somme de 48,000 fr. engagée pour les lettres, et une somme de 197,000 fr. pour les beaux-arts ; en tout 245,000 fr.

D'après les tableaux qui ont été produits par la section centrale, tableaux fournis par l'administration, il y a une rectification à faire sur ces chiffres. L'engagement sur les lettres n'était pas de 48,000 fr. ; il était de 97,000 fr. pour les années 1847, 1848 et suivantes. L'engagement pour les arts n'était pas de 197,000 fr., il était de 158,000 fr.

Voilà les engagements tels qu'ils ont été successivement réalisés par les payements. Les engagements sur les lettres et les arts, contractés par mes honorables prédécesseurs, s'élevaient donc à 245,000 fr. d'après mon opinion de l'année dernière. D'après le tableau fourni par l'honorable M. de Man, ces engagements s'élevaient non pas à 245,000 fr., mais à 255,000 fr., donc 10,000 fr. de plus que le chiffre que j'avais donné.

Ainsi, en 1847, je le répète, le budget des lettres et des arts, d'après les tableaux fournis par la section centrale, présentait des engagements pour 255,000 fr. Pour faire face à ces engagements, le budget renfermait une allocation de 111,000 fr.

Il élait dès lors impossible au ministère de faire quoi que ce fût, non seulement pendant l'année 1847, mais aussi pendant l'année 1848 : Au budget de 1847, il y avait 111,000 fr., en 1848, 111,000 fr., en tout 222,000 fr., chiffre encore au-dessous des engagements d'une somme de 33,000 fr. Je prie l'honorable rapporteur et MM. les comptables spéciaux, chargés d'examiner le budget de l'intérieur, de me prêter un moment d'attention et de contester les chiffres que je vais citer s'ils sont les moins du monde inexacts.

Il y avait donc 255,000 fr. engagés au 12 août 1847. Je ne désavoue pas ma grande propension à être libéral envers les lettres et beaux-arts, non point prodigue, car personne plus que moi n'est ennemi de la prodigalité ; mais, messieurs, voilà quelle était au vrai ma position. Pour entrer en campagne je manquais d'approvisionnements. Les approvisionnements de deux années et plus avaient été entièrement dévorés.

Mais, dit-on, si vous avez trouvé des engagements pour 255,000 fr., si vous avez trouvé au-delà de deux exercices entièrement engagés, vous avez eu des crédits supplémentaires, vous avez eu des fonds à prendre sur le million qui vous a été alloué. Eh bien, messieurs, je vais faire mon compte. Je prie mes honorables contradicteurs de tenir note des chiffres que je citerai.

Il m'a été alloué comme crédits supplémentaires une somme de 38,000 fr., en deux crédits. Sur le crédit de un million, j'ai dépensé 65,000 fr. pour les lettres et les arts, d'après les comptes fournis à la Chambre. Voilà 103,000 fr.

Voilà, messieurs, les ressources extraordinaires que pendant 5 ans j'ai obtenues pour faire face aux besoins et en présence, je le répète, d'un engagement qui allait à 255,000 fr.

Mais, dit-on, aujourd'hui on demande pour vous des crédits supplémentaires ; vous en avez, d'après le rapport de la section centrale, pour 282,000 fr. Cela est vrai, messieurs, et il faut rendre justice à M. le ministre de l'intérieur, il n'y a pas été de main morte ; ou lui a dit : Nous voulons dégager entièrement le passé et le futur de tous les engagements pris : faites-nous votre compte ! et M. le ministre de l'intérieur a fourni un compte très complet. Il dit qu'il reste peut-être encore quelque chose, mais enfin il est arrivé à demander 282,000 francs. Je ne sais pas pour quelle part M. le ministre figure dans cette somme de 282,000 lr., mais j'accepte cette somme entièrement pour mon compte.

J'additionne, messieurs, ces trois sommes : 38,853 fr. de crédits supplémentaires ; 65,530 francs employés sur le million, et 282,183 francs de crédits supplémentaires que vous allez voter, je présume ; en tout, 386,366 fr. Voilà, messieurs, le chiffre exact de tous les engagements qui ont été pris par moi en dehors du budget, de toutes les dépenses qui ont été faites en dehors des allocations ordinaires affectées aux lettres et aux sciences : 386,000 fr. En déduisant de cette somme les 255,000 francs que j'ai pris pour compte de mes prédécesseurs, il reste la somme de 131,000 francs. 131,000 fr. dépensés ou engagés en 5 ans sur l'allocation des lettres et des arts, cela fait par an 20,000 fr.

Eh bien, M. le ministre de l'intérieur, comme tous ses prédécesseurs, a reconnu que l'allocation pour les lettres et les arts était de beaucoup insuffisante.

Suivant moi, elle aurait été de 26,000 fr. par an pendant 5 années ; suivant M. le ministre de l'intérieur, elle serait de 38,000 fr. pour les arts seuls ; puisque c'est l'augmentation qu'il a demandée dans le budget de 1854, chiffre qui lui a été refusé. D'où je conclus que M. le ministre de l'intérieur, malgré son excellente résolution de ne pas retomber dans les crédits supplémentaires, à moins de laisser cette partie de son service dans une situation qu'il ne voudrait pas accepter ; d'où je conclus que M. le ministre de l'intérieur aura à demander des crédits supplémentaires pour les beaux-arts, s'il n'obtient pas une augmentation au budget. Alors viendra à se réaliser la doctrine mise en avant par l'honorable M. de Theux. Je constate que pendant cinq ans l'insuffisance a été de 26,000 fr. pour les lettres et les arts,et que M. le ministre de l'intérieur juge que ces 26,000 fr. ne sont pas assez, puisqu'il a proposé lui-même d'augmenter l'article de 38,000 fr. pour les arts seuls.

Après ce compte que je donne pour très exact et que j'engage mes contradicteurs à vouloir bien examiner et réfuter, s'ils le peuvent, j'espère que ces mots de ministre prodigue qui figurent encore dans le rapport, quoique adouci, de l'honorable M. de Man, j'espère que ces mots de prodigue seront retirés en ce qui concerne l'administration des beaux-arts.

J'aurais voulu, je l'avoue très naïvement, mériter ici un peu plus cette qualification de prodigue ; loin de là, j'ai été réduit à une portion congrue très insuffisante... (Interruption.)

Je ne comprends pas ces murmures ; je viens de prouver mon assertion par des chiffres que je soumets à ceux qui murmurent, en les priant de vouloir les rectifier, s'ils le peuvent. Je sais bien que c'est un parti pris pour certains membres de dire que l'ancien ministre de l'intérieur a prodigué l'argent du trésor ; j'interpelle ceux qui m'interrompent, et je les prie, non pas de m'interrompre, mais de me réfuter.

Maintenant, puisqu'il s'agit d'une troisième et dernière bataille qu'on me livre au sujet des crédits supplémentaires, eh bien, messieurs, je voudrais bien en finir dans cette dernière rencontre, si c'est possible, avec toutes ces accusations de prodigalités dans les dépenses.

La Chambre n'a pas beaucoup de temps, je ne lui demande que quelques instants d'attention.

Je prends mes chiffres dans le travail que M. de Man, rapporteur de la section centrale, a insérés dans son rapport sur le budget de l'intérieur pour 1854.

La prodigalité dans les dépenses a trois manières de se manifester : d'abord par les crédits supplémentaires, puis par les crédits extraordinaires et en troisième lieu par les budgets.

Voyons, sous ce triple point de vue, comment les choses se sont passées dans ces dix dernières années pour les crédits supplémentaires.

Je prends dans le rapport les chiffres tels qu'ils sont, bien que, j'ai déjà eu occasion de le dire, M. de Man m'ait imputé deux fois les mêmes dépenses ; mais peut-être en a-t-il fait de même pour mes prédécesseurs. J'admets donc les doubles emplois, les doubles dépenses. En fait, il y a eu pendant les années 1844, 1845, 1846 et 1847, pour les quatre années qui ont précédé mon administration, pour 1,536,000 fr. de crédits supplémentaires, et pour les quatre années qui ont suivi, 1848, 1849, 1850 et 1851 il y a eu 1,790 mille fr., donc 254 mille fr. de plus dans les quatre années de 1848 à 1851 que dans les quatre années précédentes.

Voilà donc 254 mille fr. de plus en quatre ans. Mais vous ferez la part des circonstances que nous avons eu à traverser. Je ferai d'ailleurs remarquer que dans les 1,790 mille fr, figurent 393 mille fr. pour des dépenses qui ne m'appartiennent pas ; ce sont les crédits pour les travaux au palais de Liège, qui n'ont été que l'exécution d'engagements pris par mes honorables prédécesseurs.

C'est un très beau monument qu'on a bien fait, je ne dirai pas de réparer, mais de construire en attendant qu'on restaure le reste.

Voilà donc 254 mille fr. en plus pour mon compte, mais d'un autre côté 393 mille fr. en moins.

M. Osy. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Je vous attends ; vous me ferez plaisir en prenait la parole.

(page 1553) M. Osy. - Je prendrai la parole, non pour vous faire plaisir, mais pour remplir mon devoir.

M. Rogier. - Je sais que l'honorable M. Osy n'est guidé que par l'amour de son devoir et par l'amour de la vérité ; que jamais il n'entre dans sa pensée de se livrer à des insinuations malveillantes ; aussi est-ce à tort qu'un ancien ministre lui disait en 1844 ou 1845 :Vous m'avez habitué à vos insinuations malveillantes ; cet honorable membre n'est guidé que par l'amour du devoir et de la vérité, jamais aucune insinuation malveillante ne se fait jour dans ses discours. Cela est constant.

Je l'engage donc à faire son devoir comme toujours, à m'accorder un moment d'attention et à me réfuter pour l'acquit de son devoir.

Vous avez eu, me dira-t-on, des crédits extraordinaires indépendamment des crédits supplémentaires ; dans une séance précédente on a prétendu que le déficit provenait de là. Oui, j'ai eu des crédits extraordinaires ; j'en trouve le compte dans le précieux tableau publié par M. de Man dans son rapport sur le budget de l'intérieur : ils s'élèvent à 7 millions 40 mille francs depuis le 25 décembre 1847 jusqu'à la fin de 1852.

Ces crédits sont :

Mesures pour les Flandres, fr. 500,000.

Pour le mainiien du travail industriel, fr. 3,000,000

Pour armement de la garde civique, fr. 500,000

Pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène, fr. 450,000

Pour l'exposition de Londres, fr. 150,000.

Pour la convention colonnière de Gand (200,000). Je ne puis pas accepter cette dernière dépense pour mon compte ; je n'ai fait qu'exécuter les engagements pris par MM. Malou et de Theux avec des industriels de Gand ; les engagements allaient à un million, nous nous en sommes tirés avec 200,000 fr.

Pour les défrichements, fr. 600,000

Pour l'hygiène et les écoles primaires, fr. 1,600 000

Pour mesures en faveur du Luxembourg, fr. 150,000

Pour complément des primes d'exportation, fr. 110,000

En tout, fr. 7,040,000.

Voilà le compte exact de tous les crédits extraordinaires qui m'ont été votés en cinq années.

Procédons par comparaison, non par récrimination. Cinq années, c'est 60 mois ; pendant une période de 20 mois, un ministère qui avait les sympathies des honorables MM. de Man et Osy, a obtenu, en y comprenant les 200 mille francs pour la convention cotonnière, 5 millions 100 mille francs de crédits extraordinaires, ce qui pour 60 mois ferait 15 millions 300 mille francs. J'en ai reçu, je viens d'en donner le détail, pour 7 millions 40 mille francs ; j'aurais pu aller jusqu'à 15 millions 300 mille francs et rester dans les limites de mes prédécesseurs qu'on n'a pas accusés, cependant, d'avoir dilapidé la fortune publique ou apporté de la prodigalité dans les dépenses de l’Etat.

J'aurais trop à dire si je voulais examiner le résultat des dépenses faites avec ces crédits. J'y renonce quant à présent.

Je rencontrerai M. Osy qui m'a donné rendez-vous sur les crédits employés à l'encouragement de l'industrie. Ce point pourra être l'objet d'une discussion séparée quand M. le ministre viendra rendre compte des sommes prêtées qui doivent faire retour au trésor, car toute la somme qui m'a été votée n'est pas absorbée ; une partie a dû rentrer au trésor. Le ministre doit présenter le compte des sommes rentrées, ce sera le moment d'entamer la discussion sur la destination qu'ont reçue ces fonds dans l'intérêt de l'industrie des Flandres.

Voilà ma position pour les crédits extraordinaires et pour les crédits jaupplémenlaires.

Voyous maintenant les budgets.

S'il y a eu dans l'administration de 1847 une tendance à dépenser légèrement et avec prodigalité les revenus publics, comme le soutient l'opposition avec tant de persistance, cette tendance a dû se manifester au moins dans les budgets, puisqu'il faut bien renoncer à la trouver dans les crédits supplémentaires, ni dans les crédits extraordinaires.

Voyons donc les budgets et comparons.

J'ai obtenu de la Chambre quatre budgets, 1849, 1850, 1851 et 1852. Opposons à cette période de quatre ans, quatre autres budgets, les deux qui l'ont précédée et les deux qui l'ont suivie.

Le budget de l'intérieur a été pour l'exercice 1847, 6,478,000 fr., 1848, 6,315,000 fr., 1853, 6,678,000 fr. et 1854, 7,198,000 fr. Ensemble 26,660,000 fr.

A quelle somme s'est élevé le montant des quatre budgets que j'ai obtenus de la Chambre ? En voici le détail : pour l'exercice 1849 6,074,000 fr., 1850 5,977,000 fr., 1851 6,160,000 fr. et 1852 6,510,000 fr. Ensemble 24,721,000 fr.

C'est-à-dire que les quatre budgets de cette période sont de 1,948,000 fr. inférieurs aux quatre budgets de la période qui s'en rapproche le plus.

Je demande s'il y a là des preuves de cet esprit dépensier, dont l'opposition m'a si souvent gratifié, et dont le rapport, tout adouci qu'il est dans ses termes, je le reconnais, porte encore des traces.

Je le répète, les chiffres que j'ai donnés sont extraits des documents officiels, et pour la plupart du rapport de l'honorable M. de Man lui-même. J'engage donc l'honorable M. de Man, l'honorable M. Osy et d'autres à vouloir bien examiner les chiffres et à vouloir bien me dire en quoi ils sont erronés.

Comme preuve (et c'est par là que je termine), comme preuve après tout que les attaques si vives, si sévères, qui ont été dirigées contre mon administration du chef des dépenses, et répétées avec beaucoup de fracas dans la presse, n'ont pas grand fondement, c'est que la Chambre, quand il s'est agi de conclusions, a généralement accueilli les dépenses proposées, les crédits supplémentaires demandés, c'est que, l'année dernière, lorsque voulant sortir du vague, je priai mes honorables contradicteurs de vouloir bien préciser des faits à l'appui de leurs assertions, sur je ne sais combien d'articles, ils n'étaient parvenus qu'à en signaler trois, qu'ils prétendaient irréguliers, et qui furent accueillis par la Chambre.

Aujourd'hui, après ces longs efforts, après ces longues recherches, après ce soin minutieux, avec lequel ont été préparées, non pas une attaque, non pas deux attaques, mais trois attaques contre les crédits supplémentaires, à quoi conclut-on ? On avait réservé la part la plus mauvaise, les crédits les plus difficiles à justifier, disait-on, pour les derniers.

On s'est livré, de nouveau, à beaucoup de recherches ; des comptables spéciaux, émérites de la chambre, ont mis leurs efforts en commun. La section centrale, sans vouloir le moins du monde porter atteinte à son caractère, à ses intentions, est composée d'hommes sévères. Il suffit de lire les noms. Je citerai en tête notre honorable président.qui n'a jamais passé pour être complaisant pour les dépenses qui peuvent être considérées comme des prodigalités.

A quoi conclut la section centrale, après ce long travail, après tant de peine que s'est donnée l'honorable M. de Man ? A rejeter trois articles (y compris une proposition relative à l'arriéré de traitement d'un gouverneur de province, proposition qui n'émane pas de moi) et à en diminuer un quatrième.

Je crois donc que lorsque M. le ministre de l'intérieur aura donné des explications, il sera difficile à la Chambre d'adopter ces conclusions. Voilà donc à quel résultat négatif vous aurez abouti.

Cela prouve que les attaques dont j'ai été si souvent l'objet de la part de l'opposition, manquent de bases sérieuses, qu'arrivé aux conclusions on a été dans l’impuissance de traduire les accusations en faits positifs et significatifs.

Dira-t-on que la Chambre a usé d'indulgence, qu'une majorité complaisante, comme on disait autrefois, a obéi à mon impulsion ? Cette majorité, je l'ai perdue. Ce qui le prouve, c'est que je suis sur ces bancs et pas sur les autres (désignant les bancs ministériels).

La majorité d'autrefois qui était aussi indépendante que patriotique a disparu ; la majorité nouvelle, je ne lui demande pas d'indulgence, pas plus que je ne lui impose son vote, je la laisse entièrement libre ; je lae place en présence de simples chiffres et de simples explications, et j'aime à croire que les votes qui ont accueilli les précédentes propositions sur les crédits supplémentaires accueilleront les propositions actuelles qui, je l'espère, seront les dernières en ce qui concerne mon administration.

M. Osy. - Messieurs, je ne pensais pas prendre la parole dans la discussion générale.

M. Rogier. - Vous m'aviez cependant donné rendez-vous.

M. Osy. - Je me serais borné à soutenir l'opinion que j'ai exprimée en section centrale sur plusieurs des sommes demandées. Mais l'honorable M. Rogier a passé en revue toute son administration, et la conclusion en est que tout ce qu'il a fait, est parfaitement bien.

Messieurs, je trouve précisément le contraire, et pour ma part, je ne retire pas le mot de prodigalité ; je maintiens tout ce que j'ai dit en section centrale, car ce que je dis en section et en section centrale, j'ai pour habitude de le dire en séance publique. Maintenant, comme on me provoque à donner ces explications, je dois bien entrer dans quelques détails.

Il est vrai que les précédents ministères ont pris des engagements pour les beaux-arts. Mais les engagements pris par le ministère de 1847 sont tellement considérables qu'il me paraît que nous pouvons très bien en parler.

Je vois entre autres, dans le rapport, qu'avec la petite somme que nous avons votée l'année dernière à la suite d'un premier rapport, il y avait d'engagé pour les seuls beaux-arts une somme de 247,000 fr. Je demande si lorsqu'on prend des engagements semblables en deux ans, ou ne dépasse par toutes les limites du budget.

M. Rogier. - En cinq ans.

M. Osy. - Oui, mais il sagit de crédits de 1851 et de 1852.

Messieurs, outre cette somme, nous avons voté, dans les premières années du ministère de l'honorable M. Rogier, des sommes très considérables sans imputation. Or. comme l'a très bien dit l'honorable M. Rogier lui-même, sur la somme d'un million qui a été mise à sa disposition, on a encore dépensé 75,000 fr. pour les beaux-art. Vous (page 1554) voyez donc qu’on ne s'en est nullement tenu aux limites du budget, que non seulement on a dépensé des sommes plus fortes que celles que nous votions, mais qu'on a fortement engagé l'avenir. Car dans la note que l’honorable M. Piercot a envoyée à la section centrale, il déclare que la somme de 111,000 fr. qu'il nous demande encore, ne représente pas une réalité, ne représente pas la totalité des engagements qui grèvent le crédit des beaux-arts ; plusieurs tableaux n'ont pas encore été payés.

Eh bien, je demande si, lorsqu'on dépasse ainsi les crédits du budget, ou ne peut pas dire qu'il y a prodigalité de l'argent des contribuables !

Pour moi, j'ai toujours trouvé que le gouvernement avait au budget une somme assez forte pour encourager les beaux-arts. Je suis persuadé que M. le ministre de l'intérieur actuel ne dépassera pas le crédit que nous avons mis à sa disposition, et que s'il se présente une occasion extraordinaire d'acquérir un tableau, comme cela est arrivé l'année dernière, il nous demandera une allocation spéciale.

Mais ce n'est pas de cette manière qu'on a agi. Ainsi je demande si c'est encourager les beaux-arls que d'accorder 30,000 fr. à une société qui a donné une fête et qui ne sait pas payer les dépenses qu'elle a fatles ; et cela pour acquérir quoi ? Des objets qui faisaient peut-être très bien pour la fête, mais que vous ne reverrez plus, parce qu'on les mettra au grenier. Vous devez laisser les sociétés agir comme elles l'entendent ; si elles trouvent convenable de donner des fêtes, libre à elles ; mais à elles aussi à payer leurs dépenses. On donne des fêtes dans beaucoup d'autres villes et l'on ne vient pas demander que le gouvernement prenne part à la dépense aux dépens du trésor.

Il est plus que temps, messieurs, que nous rentrions dans la légalité. La Constitution veut que toutes les dépenses soient portées au budget. Le gouvernement ne doit pas les dépasser, excepté dans des circonstances tout à fait extraordinaires et bien motivées.

Mais ici, nous voyons le gouvernement obligé de venir nous dire que l'on a engagé l'Etat pour des sommes considérables, au-delà du budget. Et si le ministère de 1847 était resté aux affaires, soyez persuadés que nous ne le saurions pas ; on aurait continué le même système : on aurait soldé quelques dépenses, et des sommes dues, même en vertu d'engagements pris, n'auraient pas été payées. Vous vous rappellerez tous que l'année dernière, l'honorable M. de Brouckere, comme bourgmestre de Bruxelles, vous a dit que des engagements résultant de contrats n'avaient pas été payés, et l'argent que nous avions voté pour solder ces engagements avait été distrait pour couvrir d'autres dépenses qui n'avaient pas été votées.

Une autre irrégularité que nous signale le rapport, c'est l'affaire de Bruges. Le gouvernement a engagé le pays pour une somme très forte en dehors du budget, et cela pour un achat destiné à agrandir les bureaux et les locaux du gouverneur de Bruges.

Sous le gouvernement français, où il y avait un préfet, sous le gouvernement des Pays-Bas, où il y avait un gouverneur qui recevait beaucoup de monde, sous le gouvernement actuel, depuis 1830, l'hôtel du gouvernement provincial à Bruges avait suffi. Il y avait des locaux très convenables pour recevoir et pour loger les bureaux.Mais sans consulter la Chambre, sans la prévenir, on permet au gouverneur de Bruges d'acheter un hôtel soi-disant pour 90,000 francs, on promet d'en payer un tiers et nous voyons aujourd'hui que la dépense au lieu d’être de 90,000 francs, se monte à 157,000 fr. dont l'Etat doit payer le tiers.

Eh bien, si le gouverneur de Bruges ou tout autre gouverneur de province trouvait convenable de demander un agrandissement de locaux, je lui aurais dit : Je présenterai votre demande à la Chambre ; elle l'examinera. Mais pas du tout ; on ne tient aucun compte des Chambres ; on fait la promesse ; on fait la dépense, et quand la dépense est faite on vient demander les fonds.

Voilà des irrégularités que je ne puis approuver, car si l'on continuait à suivre cette marche, il serait tout à fait inutile de voter des budgets.

Quelques mots maintenant sur l'administration intérieure.

Autrefois on nous demandait pour l'adminislralion intérieure une somme de 30,000 francs. En 1852, lorsque l'honorable M. Veydt a fait son rapport, on a reconnu que cette somme de 30,000 francs ne suffisait pas et qu'il serait convenable de la porter à 40,000 francs. Mais en 1851, au lieu de 40,000 on a dépensé 55,000 francs. On aurait dû croire que le crédit de 30,000 francs augmenté d'un tiers pouvait suffire ; mais pas du tout, nous voyons encore dans le rapport qu'au lieu de 40,000 francs on a dépensé 56,000 francs. En 1851, on démontre qu'on a besoin de 45,000 francs, l'année suivante nous augmentons le crédit de 10,000 francs ; et on dépense encore 56,000 francs.

Maintenant je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si, avec les 40,000 fr. que nous votons, il ne peut pas faire face à tous les besoins ? Je suis convaincu que nous aurons à lui faire le même compliment que l'honorable M. Vilain XIIII faisait hier à M. le ministre des affaires étrangères, c'est-à-dire qu'il restera au-dessous du crédit.

Le grand malheur, messieurs, ce sont les millions qui ont été votés en 1848 et en 1849, sans imputation. C'est au moyen de ces millions qu'on a créé beaucoup de services qui existent encore, sans avoir demandé l'autorisation des Chambres. Rappelez-vous, messieurs, les écoles d'agriculture qui n'ont jamais été adoptées par la Chambre.

Dès la première année nous avons dit que c'était contraire à la Constitution, d'après laquelle on ne peut établir des écoles qu'en vertu de la loi. On avait porté au budget 90,000 fr. pour ces écoles ; eh bien, cette somme, que nous avons été en quelque sorte forcés d'accepter, cette somme a été dépassée de beaucoup ; au lieu de 90,000 fr. on a dépensé 136,000 fr., en prenant le surplus sur d'autres litteras du même article. Nous avons même été obligés de ne pas convertir les litteras en articles, parce qu'il en serait résulté qu'on aurait dû augmenter le crédit.

Messieurs, parmi les sommes qui ont été avancées sur les millions dont je viens de parler, il en est beaucoup qui restent à recouvrer, il en est même beaucoup qui ne rentreront jamais.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de vouloir déposer dans la session prochaine, avant la discussion du budget, l'état des sommes dont il s'agit, afin que nous puissions nous rendre compte des créances que nous avons, tant de l'ancien gouvernement que du gouvernement actuel et du ministère de 1848. Je me rappelle, entre autres, une somme de 100,000 fr. avancée à une maison d'Anvers, garantie par une maison d'Alost et dont une grande partie reste à récupérer ; je demanderai si au moins on ne négligera pas, au besoin, de recourir à la caution pour faire rentrer la totalité de cette créance. Il est encore bien d'autres sommes qui appartiennent à la même catégorie, et j'engage beaucoup M. le ministre de l'intérieur à faire rentrer toutes ces créances le plus tôt possible.

M. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que lorsqu'on a dépassé les crédits alloués au budget pour certains objets de luxe, comme les dépenses qui concernent les beaux-arts, on ne devrait pas dire qu'on a observé les règles administratives, on ne devrait pas se vanter d'avoir agi régulièrement. Il est évident que sous l'administration précédente on n'a pas suivi les règles auxquelles on était obligé de se soumettre lorsque aucune urgence ne forçait le gouvernement à sortir des termes du budget. J'estime beaucoup les beaux-arts, j'ai insisté plusieurs fois en faveur de certaines dépenses de cette nature, mais je considère la nécessité de se maintenir dans les limites du budget, comme bien plus importante que l'utilité de ces dépenses, quelque prix d'agrément qu'on y mette.

L'honorable M. Osy a donc parfaitement raison de rappeler aux administrations précédentes les torts qu'elles ont pu avoir à ce sujet ; et que ces administrations fussent composées de mes amis politiques ou d'autres, cela ne changerait rien à mon opinion. J'ai reproché à d'autres administrations d'avoir trop souvent recours aux bons du trésor au lieu de chercher des ressources qui n'eussent pas chargé l'avenir, mais personne, dans les administrations précédentes, n'a poussé, ce me semble, aussi loin le sans-gêne que celle à laquelle l'honorable M. Osy a fait allusion.

On a été jusqu'à prendre sur le produit d'une souscription demandée pour un monument en mémoire du Congrès, une somme de 20,000 ou 25,000 fr. pour publier une Constitution illustrée, qu'on ne voit nulle part, que personne ne se soucie d'acquérir, car elle n'a pas même l'avantage d'être illustrée d'une manière gracieuse. L'argent d'une souscription particulière a été employé ainsi fort arbitrairement, et lorsqu'on s'est permis un fait semblable il vaudrait mieux dire : J'ai eu tort, que de s'obstiner à le justifier. Cependant moi qui suis un des souscripteurs, je n'irai pas demander qu'on me restitue mon argent, tout en n'agréant point l'emploi qu'on en a fait.

Il en est de même de la Chambre : elle est, en quelque sorte, obligée de voter les crédits demandés parce qu'elle ne voudrait pas contraindre un ministre à payer de sa poche des dépenses qui concernent l'Etal ; pour ce motif je voterai ces crédits, mais je les volerai à regret, vu que l'exemple est mauvais ; et il faut dorénavant que SIM. les ministres se renferment dans les limiles du budget.

S'il s'agissait de la défense du pays, je comprendrais que l'on fît certaines dépenses urgentes, sans en avoir l'autorisation préalable, parce que là il y a nécessité. Il faut, avant tout, conserver la nationalité, ne pas se laisser envahir par l'étranger. Mais pour des objets comme les beaux-arts, il est évident qu'aucune force impérieuse n'oblige à commander des tableaux, des statues, ou autres œuvres quelconques.

Le goût des dépenses était à cet égard tellement exagéré que, lorsqu'il s'est agi du monument du Congrès, on a voulu nous faire voter le projet en pleine nuit ; il était presque interdit de prononcer une parole sur ce monument ; il fallait le voter d'enthousiasme, sans en examiner la forme, sans considérer ce qu'il coûterait. Alors j'ai dû protester ici contre une pareille manière d'enlever un vote ; et certainement lorsqu'on procède ainsi pour des dépenses éminemment facultatives, on a raison de critiquer le gouvernement.

Si semblable critique doit être supprimée, il est inutile de maintenir des Chambres. Ayons-en qui soient figuratives, au lieu de Chambres représentatives ; tout sera pour le mieux sur les bancs des ministres, ils seraient libres en ce cas de disposer du trésor public à leur fantaisie, de tailler à volonté dans le budget. Nous devons au contraire vouloir que la surveillance des Chambres soit sérieuse, sur tout après ce qui se passe dans le monde aujourd'hui. Les gouvernements constitutionnels véritables encore sur pied ne sont pas très-nombreux, il est donc à propos pour nous, qui conservons le régime du contrôle, de savoir le maintenir dans ses véritables conditions..

M. Rogier. - Messieurs, je suis complétement d'accord avec l'honorable préopinant ; il serait très regrettable que le gouvernement parlementaire, qui n'est qu'un gouvernement de contrôle, interdit la critique. Ai-je trouvé mauvais qu'on critiquât ? Mais si la critique est l'essence du gouvernement parlementaire, la défense doit aussi, (page 1555) être permise. L'honorable M. de Mérode ne serait pas sans doute très grand partisan d'un gouvernement qui permettrait la critique et interdirait la défense. Ce serait un genre de gouvernement dont nous ne nous soucions guère, ni lui, ni moi, je présume.

Ainsi, qu'on permette la critique, c'est l'esprit d'un gouvernement représentatif ; mais qu'on permette aussi la défense, et que, lorsqu'on vient se défendre contre des critiques, on ne soit pas accusé de vanité, de présomption. Je ne crois pas avoir fait preuve de vanité en exposant des faits, en donnant des chiffres. J'avais soumis ces chiffres aux comptables spéciaux de la Chambre. L'honorable M. de Mérode ne les a pas abordés ; l'honorable M. Osy ne les a pas abordés davantage ; il s'est tenu en dehors de la question des chiffres, et il s'est livré à de nouvelles récriminations, qui déjà ont été réfutées plusieurs fois. Je vais les reproduire. (Interruption.) L'honorable M. Osy, me dit-on, n'est plus présent, mais ses amis sont là. Lancer la flèche et se retirer ensuite, je ne sais si c'est très parlementaire.

Un mot de réponse d'abord à l'honorable M. de Mérode qui est venu prêter le concours de ses lumières et de son expérience financière à l'honorable membre de la section centrale. L'honorable M. de Mérode trouve que l'honorable M. Osy a parfaitement raison ; je ne.blâme pas l'honorable M. de Mérode d'admirer l'honorable M. Osy ; mais je demande qu'il me soit permis aussi de me défendre contre l'honorable M. Osy. Est-ce présomption de ma part ?

L'honorable M. de. Mérode m'a adressé le reproche bien grave d'avoir abusé des fonds d'une souscription nationale pour les appliquer à une autre destination ; vous avez été cette fois plus modéré qu'à la fin de la session dernière, je vous en remercie ; vous avez été extraordinairement violent à cette époque, si vous vous le rappelez. Eh bien, vous méconnaissez les faits. Une souscription a été ouverte pour élever un monument au Congrès et à la Constitution ; et, grâce à Dieu, ce monument est aujourd'hui en voie d'exécution. Pour attirer des souscriptions, le ministre de l'intérieur, autorisé par le Roi, a annoncé qu'un exemplaire de la Constitution illustrée serait donné à tout souscripteur qui souscrirait pour une somme de 10 ou de 20 fr., je ne me rappelle pas bien le chiffre.

Cette Constitution illustrée se lie d'une manière très intime au monument lui-même... (Interruption). Vous le niez, soit ; mais je soutiens que la Constitution illustrée se lie d'une manière très intime à l'hommage rendu à la Constitution même. Eh bien, cette Constitution illustrée a été distribuée aux souscripteurs, à raison du montant de leur souscription. La souscription n'a donc pas été détournée de son but.

On a attaqué ce travail, on dit qu'on ne le voit nulle part ; mais il me paraît fort étonnant qu'il ne soit vu nulle part, puisqu'il y a eu de 3,000 à 4,000 souscripteurs. On dit que ce travail n'est pas digne de son objet. Ce jugement me paraît très injuste, au point de vue typographique et au point de vue de l'art : cette Constitution illustrée a été appréciée par beaucoup de personnes tout aussi compétentes que l'honorable M. de Mérode...

M. Coomans. - Cela dépend des goûts.

M. Rogier. - Sans doute les goûts diffèrent ; il y a des gens de bon goût et des gens de mauvais goût ; mais enfin des gens d'un certain goût ont trouvé ce travail très remarquable au point de vue typographique et au point de vue artistique. L'artiste qui a été chargé des dessins, a été détaché d'un travail considérable qu'il exécutait à une chapelle inaugurée, je pense, par les amis de l'honorable M. de Mérode. Il passe pour un des meilleurs dessinateurs du pays.

J'arrive maintenant à l'honorable M. Osy. Je serai très bref.

L'honorable M. Osy n'a contesté aucun de mes chiffres ; il a dû admettre que tant pour les crédits supplémentaires et extraordinaires que pour les budgets, mon administration était restée au-dessous des administrations précédentes, et même pour le budget au-dessous de l'administration qui l'a suivie. L'honorable membre est revenu sur trois faits. Il a dit que j'avais consacré 30,000 fr. à payer les frais d'une fête d'une société particulière.

Je me réserve, à moins que M. le ministre de l'intérieur ne m'évite cette peine, de démontrer que celle allocation est parfaitement justifiable ; je suis convaincu que la Chambre, sans y mettre la moindre complaisance, votera l'allocation. Du reste, si la Chambae ne vote pas l'allocation,je prends volontiers sur moi les conséquences de la mesure.

L'on a dit en deuxième lieu que j'avais engagé le trésor public dans des dépenses considérables sans consulter la législature, en faisant l'acquisition de l'hôtel provincial de Bruges. C'est une complète inexactitude. Je suis fâché que l'honorable M. Osy ne soit pas présent pour le reconnaître. Il a été fait une demande de crédit spécial, et c'est quand le crédit a été voté par la Chambre que le marché a été conclu définitivement.

Donc je n'ai pas engagé le trésor sans l'autorisation des Chambres.

Un troisième fait sur lequel on revient encore à la charge, quoiqu'il y ait été répondu maintes fois, c'est que j'aurais engagé le trésor pour les écoles d'agriculture, sans vote de la Chambre. J'ai répété à satiété qu'elles ont été instituées au sa et vu de la Chambre en vertu d'une proposition formelle de ma part portée et discutée au budget.

Malgré cela on persiste à prétendre que les écoles d'agriculture ont été instituées sans autorisation de la Chambre.

M. Coomans. - Il fallait une loi.

M. Rogier. - Oui ou non, ai-je été autorisé à accorder des subsides à des établissements d'enseignement agricole ? Une proposition faite par moi n'a-t-elle pas été examinée, discutée dans cette enceinte et votée par la Chambre ?

Qu'on ne dise donc pas que j'ai engagé le trésor sans autorisation, alors que j'ai été autorisé par la loi du budget. Il a été entendu qu'après quelques années d'expérience, on proposerait une loi pour régulariser l'enseignement agricole. C'est ce qui a été fait. Je me suis conformé aux prescriptions de la Constitution en proposant le crédit qui a été discuté et voté.

M. Coomans. - Il fallait une loi spéciale !

M. Rogier. - Alors c'est la Chambre qu'il faut accuser d'avoir violé la Constitution.

Lorsque la dépense a été proposée au budget, quand j'ai demandé l'autorisalion d'organiser provisoirement les écoles agricoles, la Chambre a voté l'allocation, et il a été décidé qu'après quelques années d'expérience on viendrait proposer une loi pour constituer définitivement cet enseignement. Il faut être possédé de la manie de tout critiquer, pour trouver là matière à critique.

Voilà pourtant à quoi se réduit le discours de l'honorable M. Osy ; après les provocations formelles directes que je lui avais adressées avec modération, voilà à quoi se réduisent ses griefs.

Je prends acte de cette discussion ; je n'entends pas en tirer d'autre parti pour moi que de m'ètre victorieusement défendu ; mon ambition ne va pas au-delà.

J'appelle une dernière explication sur l'application des crédits ent ce qui concerne l'industrie des Flandres, je l'aborderai quand on le voudra.

Je ne dirai rien en ce moment sur les quatre articles qui se trouvent contestés par la section centrale ; M. le ministre défendra sans doute ses propositions. Si des explications étaient nécessaires sur des faits qui me concernent, je me réserve de les fournir à la Chambre.

M. de Mérode. - Je n'ai jamais prétendu empêcher un ancien ministre qui se trouve dans celle Chambre de répondre à des attaques dirigées contre une administration à laquelle il a appartenu ; mais en se défendant, il ne faut pas attaquer par trop ceux qui vous critiquent, quand ils ont des motifs plausibles de vous critiquer. Comme on n'est pas infaillible, j'ai dit qu'il valait mieux reconnaître certains torts, que de persister à les défendre sans tempérament, sans vouloir reconnaître qu'il y a eu des abus commis.

Par exemple, quant à la souscription pour la colonne du Congrès, il est évident que cette souscription a été faite pour un monument en pierres et non pour des figures, pour des images ; elle a été destinée au monument auquel on travaille en ce moment, et qu'on a beaucoup étendu, à ce point que la souscription y participera dans une proportion bien faible ; encore fallait-il ne l'employer qu'à l'objet auquel elle était destinée. Si je souscrivais pour une église et que le curé chargé de recueillir les souscriptions imaginât de faire faire un magnifique bréviaire par M. Hanicq, l'excellent imprimeur de Malines, qui produit de très beaux ouvrages à l'usage du clergé, je trouverais ce curé blâmable, parce que je n'aurais pas donné mon argent pour un ouvrage de M. Hanicq, mais pour une église.

J'ajouterai que je n'ai pas reçu l'ouvrage destiné aux souscripteurs, quoique ayant souscrit pour une somme assez notable, de sorte que je ne puis pas en juger, je ne sais pas ce que c'est ; cependant on doit avoir reçu le montant de ma souscription.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Le discours prononcé par l'honorable M. Rogier, ancien ministre de l'intérieur, au début de cette discussion, a été prononcé sous deux impressions toutes différentes.

Il a d'abord commencé par déclarer que le rapport de la section centrale était conçu dans des termes très modérés, fort convenables.

Quant aux chiffres qu'il renferme, il n'en a contesté aucun.

Il se proposait de présenter des observations succinctes ; il voulait être court ; il n'avait en vue que deux rectifications.

Mais à peine avait-il commencé son discours dans cette forme modérée, qu'il a parlé d'attaques manquant de bases sérieuses. Et il est rentré dans cette voie, qui aboutit aux discussions irritantes, qui se sont si souvent renouvelées, et que je me suis proposé d'éviter dans cette circonstance.

Et quelles sont les attaques manquant de bases sérieuses ? L'honorable M. Rogier a dépensé des sommes considérables sans crédit législatif, bien que nos lois exigent que le gouvernement ne dispose des ressources des contribuables qu'avec votre consentement préalable. Q'a'a fait la section centrale chargée d'examiner ces actes ?

Elle n'a pas même formulé un blâme. Elle s'est bornée à constater l'irrégularité de ce système d'administration dans les termes les plus modérés. Elle s'est bornée à donner de la publicité à ces actes. Elle s'est bornée à user de ce contrôle, qui est de droit et de quelque efficacité dans les gouvernements représentatifs.

L'honorable député d'Anvers nous avait promis d'être concis. Comment a-t-il tenu cette promesse ?

(page 1556) Afin d'établir quïl n'était pas juste d'accuser son administration de prodigalité, il est rentré dans la discussion des budgets du département de l'intérieur des exercices précédents ; et il nous a mis, l'honorable H. Osy et moi, en demeure de retirer cette qualification.

Je le regrette beaucoup, mais il m'est impossible de déférer à cette invitation. Retirer le mot, ce serait déclarer que les tendances de l'administration de l'honorable M. Rogier étaient dirigées vers l'économie. Or, les faits démontrent le contraire. Je ne puis déclarer ce que je ne pense pas.

Suivre mon honorable adversaire dans sa digression sur les budgets de l'intérieur des anciens exercices est impossible, vous le comprendrez, messieurs, cela est inutile ; cette discussion serait sans issue, et vous ne consentiriez pas à nous suivre sur ce terrain.

Je me bornerai à rectifier une seule assertion de l'honorable M. Rogier, elle donnera une idée de la valeur des autres.

Il s'est plaint de ce que j'avais compris dans son tableau de dépenses, qui est inséré dans le rapport de la seclion centrale sur le budget de l'intérieur de l'exercice de 1854, une somme d'environ 230,000 francs, qui a été employée pour restaurer le palais du gouvernement provincial à Liège.

Il a déclaré que cette dépense ne pouvait être inscrite parmi celles dont il doit être tenu responsable, attendu que le principe de cette dépense a été voté sous l'administration de l'un de ses prédécesseurs.

Je conviens que le principe de cette dépense a été voté antérieurement à l'administration de M. Rogier ; reste à savoir cependant si l'honorable M. Rogier n'aurait pas pu modérer une dépense excessive, qui s'est élevée à près de 900,000 fr.

Mais voici ma réponse pour le fond à l'objection de l'honorable M. Rogier.

Si c'est à tort que j'ai rangé parmi les dépenses de son administration les 230,000 fr. qui ont été employés pour le palais de Liège pendant qu'il dirigeait le département de l'intérieur, alors il serait équitable de porter à son compte les 520,000 fr. qui ont été votés pour l'érection de la colonne du Congrès pendant l'administration de l'honorable M. Piercot, car c'est bien l'honorable M. Rogier qui est l'auteur de ce monument.

Il faudra même y ajouter encore quelques centaines de mille francs, car cette construction coûtera environ 800,000 fr. au trésor public. Vous voyez, messieurs, que cette manière de procéder ne réduirait pas le tableau des dépenses dont l'ancien ministre de l'intérieur peut être tenu responsable.

Passons maintenant à une rectification à laquelle l'honorable député d'Anvers paraît tenir beaucoup, à propos d'une doctrine formulée par lui dans une séance du mois de juin dernier.

Il avait mis dans cette séance deux membres de la seclion centrale en demeure de répondre à l'axiome suivant :

« Plus vous vous montrerez sévères dans l'application des crédits supplémentaires, plus les ministres seront disposés à augmenter les crédits normaux qu'ils auront à vous proposer, afin de ne pas avoir à dépasser les crédits. »

Le but de la rectification de l'honorable M. Rogier était de déclarer qu'il n'était pas l'auteur de cette phrase, mais qu'elle appartenait à l'honorable M. de Theux. Vous aurez pu vous apercevoir ensuite que cette rectification était inutile, car l'honorable M. Rogier a adopté cet axiome, il le trouve parfaitement juste, et il l'a cité avec complaisance, afin de nous démontrer l'inutilité de nos efforts pour arrêter un système contraire à la Constitution et à la loi sur la comptabililé publique.

La section centrale a répondu à cette doctrine, comme elle devait le faire, elle a répondu que plus les ministres se montreront prodigues, plus la Chambre sera disposée à restreindre les crédits du budget normal, que telle doit être la conséquence de l'abus des crédits supplémentaires sous un gouvernement constitutionnel. Cela devrait être ainsi. Mais je conviens avec l'honorable M. Rogier qu'il n'en est pas ainsi. J'en conviens avec peine.

Mais voici ce que prouve le langage que l'on vous tient ici, voici ce que prouve l'axiome de l'honorable M. Rogier, c'est que la bonne administration du pays dépend surtout des hommes qui sont chargés de la diriger.

Nous aurons beau rédiger des rapports sévères contre les crédits supplémentaires, prononcer des discours, le désordre continuera quand nous aurons pour ministres des hommes prodigues et peu soucieux des intérêts des contribuables.

Je compte m'arréter ici, me réservant de prendre la parole dans la discussion des articles.

J'ai promis d'être coucis et modéré ; je tiens à tenir ma parole.

M. de Theux. - Je crois devoir répondre un mot sur ce qui a été dit au sujet des budgets des exercices 1846 et 1847.

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils fussent mis en cause par l'honorable M. Rogier. Je me bornerai à dire qu'il y a une maxime extrêmement vulgaire qui dit que toute comparaison pèche, parce que la plupart des comparaisons sont inexactes. Ainsi l'on ne peut comparer une administration de 20 mois qui, pendant toute sa durée, a eu une crise alimentaire et financière, avec une administration de 60 mois qui n'a pas été dans les mêmes conditions.

Du reste, je conviens que l'honorable M. Rogier, en indiquant les dépenses qui ont été faites, ne les a pas blâmées. Je me borne à dire que je ne puis admettre ces bases de comparaison, que d'ailleurs le temps me manque pour vérifier l'exactitude des chiffres indiqués par l'honorable membre.

Mais ce que je sais parfaitement, c'est que si nous n'avions pas été économes des deniers publics on aurait dépensé 10 ou 20 millions de plus ; car on nous reprochait de ne pas demander assez de fonds pour venir au secours de la détresse publique. Nous répondions que si le gouvernement prétendait tout soulager par lui-même, il tarirait les sources de la bienfaisance individuelle et attirerait sur lui toutes les charges. D'autre part, on voulait nous engager dans des travaux publics, pour lesquels il nous était impossible de nous procurer des fonds. Si donc nous avions à nous justifier, ce serait plutôt de ne pas avoir dépensé assez. Mais pas un membre, à cette époque, ne nous a reproché d'avoir dépensé trop.

Voilà la seule observation que je voulais faire.

On m'a reproché ce que j'ai dit dans une discussion sur des crédits supplémentaires. J'ai dit que si l'on était trop minutieux, trop difficile pour accorder des crédits supplémentaires résultant quelquefois d'inadvertances, quelquefois de circonstances fortuites qui se présentent, pour se mettre à l'abri de ces critiques, on élèverait le chiffre des budgets.

Ce que j'ai dit alors s'est vérifié : les articles du budget ont été énormément grossis, et aujourd'hui la Chambre, au lieu d'être minutieuse dans la discussion des budgets, comme elle l'était dans les premières années de notre indépendance, se montre très large. Aussi me garderai-je bien de répéter aujourd'hui l'observation que je faisais alors ; car si elle était juste alors que les crédits étaient renfermés dans les bornes de la plus stricte économie, elle ne l'est plus maintenant alors que, la Chambre ayant admis une doctrine plus large, tous les articles du budget ont été augmentés. Aussi me garderais-je bien de répéter ce que je disais dans d'autres circonstances et à une autre époque.

On a dit que mes prédécesseurs et moi avions contracté, en ce qui concerne les lettres et les arts des engagements qui avaient pesé sur l'administration qui a succédé à la mienne.

M. Rogier. - Oui, pour 255,000 francs.

M. de Theux. - Je ne puis vérifier le chiffre. Je ne veux pas d'ailleurs entrer dans les détails de la discussion.

Je me bornerai à rappeler à la Chambre que quand je suis entré au ministère en 1846, je n’ai pas demandé que les engagements pris par mes prédécesseurs, qui grevaient les budgets de 1846 et de 1847, fussent levés par des crédits supplémentaires. J'ai accepté la situation telle qu'elle était. J'ai trouvé des engagements, j'en ai laissé d'autres, voilà le fait.

Mais je reconnais que ces deux chapitres des lettres et des arts donnent lieu habituellement à des difficultés et qu'on roule dans un cercle vicieux. Je pense que le seul moyen d'y mettre un terme, c'esl de suivre la théorie de la cour des comptes, c'est d'imputer sur le budget de l'exercice tous les engagements qui ont été pris pendant cet exercice, quelle que soit l'époque de la liquidation. Ainsi la situation sera nette. Autrement vous aurez beaucoup de peine à en sortir. Vous prendrez des engagements, votre successeur en prendra d'autres. Puis viendra un ministre qui demandera que le budget soit libéré ; de manière que la Chambre roulera dans un cercle de crédits supplémentaires. Je pense que c'est le moyen que la cour des comptes a indiqué et qui résulte de la loi de comptabililé maintenant en vigueur qui doit être appliqué. Autrement les mêmes questions se représenteront toujours avec les mêmes inconvénients.

Je n'en dirai pas davantage, mon intention n'étant pas de prendre part à la discussion du projet de loi.

- La discussion générale est close.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur m'informe que la cérémonie de la pose de la première pierre de l'église de Laeken, qui devait avoir lieu lundi, est remise à cause du mauvais temps. Nous aurons donc séance à 2 heures.

- La séance est levée à 4 heures et un quart.