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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 décembre 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 277) M. Ansiau procède l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les bourgmestres des communes de Palisoeul, Offagne, Ochamps, Jehonville, Villance, Anloy, Opont et Naomé se plaignent des retards qu'éprouve le service du transport des dépêches par la malle-estafette de Namur à Arlon et par le courrier de Rochefort à Bouillon. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Longchamps prient la Chambre d'accorder au sieur Delstanche la concession d'un chemin de fer de Luttre à Maestricht. »

- Même renvoi.


« Le sieur Holkett réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une somme qui a été déposée dans la caisse du corps du 4ème régiment d'artillerie. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Moustier présente des observations en faveur du chemin de fer destiné à relier le Hainaut aux Flandres, et dont la concession est demandée par la compagnie Maertens. »

- Même renvoi.


« Des cultivateurs de l'arrondissement de Nivelles prient la Chambre de voter les fonds nécessaires pour le maintien du haras de l'Etat et pour l'acquisition d'étalons. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« L'administration communale de Rebecq-Rognon demande que le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw soit raccordé à la station de Tubize de préférence à celle de Lembecq. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à ce chemin de fer.


« Le sieur Delaveleye présente des observations contre le mode de concession proposé, relativement au chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant cette concession.


« La cour des comptes adresse à la Chambre son cahier d'observations relatif au compte définitif de 1852 et à la situation provisoire de 1853. »

- Impression et distribution aux membres de la Chambre.

Proposition de loi relative à la récusation des magistrats

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi qui a été développée hier. Cette proposition est ainsi conçue :

« Les soussignés ont l'honneur de soumettre à la Chambre la proposition de loi suivante :

« Art. 1er. Tout juge doit s'abstenir de connaître des causes dans lequelles l'un de ses parents ou alliés en ligne directe ou au second degré en ligne collatérale est l'avocat plaidant ou l'avoué de l'une des parties.

« Art. 2. La disposition de l'article précédent est applicable au ministère public, même lorsqu'il est partie principale.

« Art. 3. Les ordonnances, jugements et arrêts rendus en contravention aux dispositions de la présente loi sont déclarés nuls.

« Bruxelles, le 19 décembre 1855.

« (Signé) X. Lelièvre, Frère-Orban, Ch. Lesoinne, N.-J.-A. Delfosse et Deliége. »

M. le président. - Je demanderai à l'un des auteurs de la proposition, M. Lelièvre, quand il désire, au nom de ses collègues, présenter les développements de cette proposition.

M. Lelièvre. - Il convient que M. le ministre de la justice assiste à la'séance à laquelle la proposition émanée de mes collègues et de moi sera développée. Je demande que la Chambre veuille bien nous entendre le 17 janvier prochain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi prorogeant la loi interdisant l'exportation des eaux-de-vie indigènes

Rapport de la section centrale

M. Deliége. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant prorogation de la loi du 30 novembre 1854, relative à l'exportation des eaux-de-vie fabriquées avec des grains indigènes.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Prise en considération d'une demande en naturalisation

M. le président. - L'ordre du jour appelle d'abord la prise en considération d'une grande naturalisation.

M. de Perceval. - Messieurs, je demande que cet objet soit mis à la fin de tous ceux qui se trouvent à l'ordre du jour, parce que le pétitionnaire a fait parvenir hier à la commission des naturalisations un document sur lequel elle n'a pas encore pu statuer.

- La proposition de M. de Perceval est adoptée.

Projet de loi établissant un service régulier de navigation entre la Belgique et le Levant

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet de loi.

La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Osy.

M. Osy. - Messieurs, dans le temps, à l’occasion des communications à vapeur établies avec les Etats-Unis et le Brésil, j'ai dit que je remerciais le gouvernement, au nom du commerce et de l'industrie, d'avoir trouvé une combinaison très heureuse, propre à les faire profiter des progrès qu'avaient faits toutes les nations dans la navigation. Aujourd'hui je remercie également le ministère aeluel d'avoir étendu les deux points pour lesquels on avait fait des propositions.

Je suis certain que la ligne qu'on va établir avec le Levant amènera pour la Belgique de nouvelles relations qu'il serait difficile d'établir au moyen de navires à voiles.

En général, messieurs, tant pour la marine militaire que pour la marine marchande, il y a un progrès qu'on ne peut méconnaître.

Il faut absolument qu'avec le temps la marine à voile soit convertie en marine à vapeur ou plutôt en marine à hélice, système mixte dans lequel s'emploient et la voile et la vapeur.

La proposition que nous fait aujourd'hui le gouvernement est un nouveau pas dans cette voie.

Aussi vous voyez qu'aucune section n'a fait d'observations contre le projet. Une section seulement a fait remarquer que tout était pour Anvers et rien pour Ostende.

Je vous avoue que ce reproche ne me touche guère. Le gouvernement a accueilli favorablement les propositions qui lui sont venues d'Anvers pour établir trois lignes de navigation, mais je suis persuadé que, si Ostende parvient à former des sociétés qui établissent des services de navigation vers d'autres points du globe, et il y en a encore beaucoup, le gouvernement accueillera ces propositions avec faveur, et la ville d'Anvers verra avec plaisir sa sœur, la ville d'Ostende, établir une marine à la hauteur du progrès.

Je puis assurer les honorables députés d'Ostende et de Bruges que lorsque de pareilles propositions nous arriveront, je les soutiendrai avec la même énergie que j'ai soutenu l'établissement des trois lignes partant d'Anvers.

Toutefois, il ne suffit pas d'avoir une société pour établir des bateaux à vapeur. Car les bateaux à vapeur font des exportations et des importations, et il faut qu'Ostende, en établissant ses lignes, établisse également un marché pour y vendre les produits de ses importations. Or, je ne sais pas si les produits du Brésil, de New-York, etc., qui seraient importés à Ostende, trouveraient à s'y vendre.

J'engage donc les honorables députés d'Ostende, de Bruges et autres localités qui désirent voir établir des relations à vapeur entre Ostende et d'autres points du globe, à établir avant tout un marché pour vendre le produit des importations.

Je dois à cet égard rappeler à regret un fait. Avant 1830, sous le gouvernement des Pays-Bas, la société de commerce avait autorisé la vente à Bruges des produits que cette ville et Ostende avaient importés par leur marine marchande. Eh bien, les produits mis en vente à Bruges ont dû être achetés en gros par le commerce d'Anvers qui les a revendus en détail à tous les débitants de la province de la Flandre occidentale. Je connais entre autres une affaire assez importante en café Java importé à Bruges ; ce café a été acheté par des Anversois qui l'ont revendu aux détaillants de la province de Flandre occidentale.

Il ne suffit donc pas d'avoir des bateaux à vapeur ; il faut également avoir un marché, car il est certain que sans marché, les actionnaires ne ce présenteront pas.

J'engage donc beaucoup ceux de nos honorables collègues qui s'intéressent à la prospérité de la ville d'Ostende, à se montrer favorables à l'un et l'autre objet, si on peut les obtenir ; ils peuvent être convaincus qu'il ne s'élèvera aucune opposition de la part de la ville d'Anvers à l'égard de sa sœur à la ville d'Ostende.

M. Sinave. - Messieurs, j'ai deux points à traiter. En premier lieu je veux renouveler la protestation dont a parlé l'honorable membre qui vient de s'asseoir, ensuite prouver a l'évidence avec titres à l'appui, que l'établissement d'une société telle qu'on le propose à Anvers, n'est pas sérieux, et que d'autres compagnies se présentent pour exploiter la ligne dont il est question dans la convention, sans aucun subside. J'ai les documents en mains. J'en ferai la preuve au besoin.

(page 278) Il s'agit d'une société qui a des capitaux immenses, il s'agit d'une compagnie européenne. Je dois déclarer avant tout que je suis désintéressé dans la question, moi et les miens ; ma localité l'est également, elle ne demande rien.

On se méprendrait singulièrement si l'on pensait que c'est un intérêt personnel qui m'a engagé à prendre la parole lors de la discussion relative aux bateaux transatlantiques. M. le ministre a même prétendu que mes attaques étaient dictées par un intérêt particulier. Il n'en est rien.

S'il en avait été ainsi, je me serais tu.

Quant à la ville d'Ostende, mon honorable ami, l'honorable représentant d'Ostende, est persuadé qu'il n'y a rien à obtenir, aussi il ne dira rien.

Messieurs, je vais d'abord renouveler ma protestation et énumérer tous les énormes avantages dont Anvers est en possession. Le premier devoir du gouvernement est de faire administrer toutes les parties du pays indistinctement avec impartialité, et de soumetlre à la législature le partage à faire de certains avantages entre les localités qui se trouvent en position d'y participer.

Malheureusement les choses ne se passent pas ainsi. Il suffit de lire le préambule de l'exposé des motifs pour en avoir la conviction.

« Faire d'Anvers îe centre d'un grand mouvement de navigation à vapeur, rayonnant dans toutes les directions, c'est une idée qui n'a plus besoin d'être ni exposée, ni défendue devant vous. La législature en a sans peine saisi la sérieuse portée et deux fois elle lui a donné la sanction de son vote. »

Je vous le demande, dans un exposé de motifs d'une loi, peut-on créer un avantage exclusif en faveur d'une localité en excluant toutes les autres ?

Messieurs, on a dit tout à l'heure qu'il n'y avait aucune section qui eût fait des observations. J'en demande bien pardon ; la cinquième section en a fait de sérieuses. On ne les a pas insérées dans toute leur étendue dans le rapport de la section centrale. Voici un paragraphe de la cinquième section :

« La cinquième section, qui ne comptait que quatre membres présents, a protesté contre cette préférence marquée donnée au port d'Anvers : d'après elle, ce serait un abandon complet du second port du royaume, celui d'Ostende. »

Depuis 1830, le gouvernement donne une préférence trop marquée au port d'Anvers. Il en résulte un abandon complet du second port belge, celui d'Ostende. Lorsqu'il a été question de la navigation à vapeur transatlantique, les mêmes observations ont été présentées. Le gouvernement a allégué alors que le grand tonnage des navires à vapeur ne permettait pas de faire participer le port d'Ostende à ces avantages. Aujourd'hui qu'il est question d'un ordre de choses plus modeste, d'une navigation avec des bateaux d'un moindre tounage, les mêmes motifs d'exclusion à l'égard du port d'Ostende n'existent plus. Il serait donc équitable de faire jouir ce dernier port des mêmes avantages que le port d'Anvers. Quand je dis des mêmes avantages, c'est impossible ; mais on aurait pu faire quelque chose. Anvers est comblé de bienfaits, et je vais vous les énumérer. Une partie de la Chambre a déjà entendu plusieurs fois la liste de ces bienfaits ; mais il est des membres qui n'ont pas assisté à cette discussion. Le gouvernement oublie les faveurs accordées à Anvers depuis 1830 : il faut en donner le relevé.

Pour le péage de l'Escaut, un million annuel, ensemble vingt-cinq millions.

Quelles sont les conséquences de ce fait ? C'est qur le transit par le port d’Ostende avec l'Angleterre est impossible. On transporte aux frais des contribuables les marchandises sur un parcours de trente lieues à l'intérieur ; le trajet devient ainsi moitié plus court que d'Ostende à Cologne.

Il est évident qu'on n'ira pas payer par le chemin de fer un péage double, le péage par les eaux intérieures vers le Rhin.

On me dira que les 500,000 francs qu'on paye annuellement sont un capital retenu sur la liquidation avec la Hollande. C'est là une grave erreur. Les dix millions sont un capital belge, ou vous vous êtes laissé tromper en liquidant avec la Hollande à 50 le 2 1/2 p. c, tandis qu'au même instant ce capital était négocié à 600 à une maison de Paris. Les 10 millions dont vous payez la rente, sont votre propre capital, et je défie M. le ministre des finances de nier le fait.

Vous allez voir maintenant tous les essais malheureux qu'on a faits à Anvers.

Subside à la navigation à voile transatlantique et autres lieux. Aujourd'hui on convient que c'était un essai malheureux, au moins deux millions de perte pour le trésor, et on y renonce pour y substituer une affaire beaucoup plus considérable puisqu'il s'agit d'une rente à perpétuité assez élevée à payer, à un capital employé à une nouvelle institution.

Je ne vous parlerai pas des 4 ou 5 millions que nous avons payés peur l'affaire de la British Queen. Nous avons passé l'éponge sur cette affaire ; cependant il n'est pas mauvais d'en dire un mot en passant.

Les équipages de la marine royale mis à la disposition de la marine civile ; vivres et équipages aux frais de l'Etat. C'est encore un essai malheureux auquel on a consacré un million.

J'en viens à la petite prime monstre de deux millions sur le sucre que malheureusement depuis 1830, le peuple paye annuellement pour faire manger le sucre plus cher au pays et à meilleur marché aux Turcs, aux Marocains et autres.

A cette occasion je demanderai à M. le ministre des finances si maintenant il va appliquer son système favori, c'est-à-dire faire raffiner le sucre en entrepôt. M. le ministre se rappellera que dans la discussion de la première loi un amendement a été présenté par lui-même, par M. de Brouckere et par moi ; cet amendement a obtenu 32 voix ; il n'y a eu qu'une différence de 8 voix en faveur du système actuel.

Quant au projet de loi sur la navigation transatlantique, vous vous rappellerez tous, messieurs, ce qui s'est passé ; on est venu le dernier jour, je me trompe, à la dernière heure, car il était minuit.

Nous avons eu la discussion générale et le vote de la loi à minuit. Beaucoup d'honorables membres n'ont pas trouvé très convenable de délibérer de cette manière. Eh bien, messieurs, vous avez accordé 3 ou 4 millions.

Cela ne suffit pas pour Anvers ; il faut encore autre chose ; nous y viendrons tout à l'heure.

L'honorable M. Osy a dit tout à l'heure, et le rapport de la section centrale le dit textuellement : Ostende ne présente rien, qu'Ostende présente une compagnie, comme Anvers en présente une, et, mon Dieu, la Chambre, le gouvernement et tout le monde fera pour Ostende comme pour Anvers. Eh bien, messieurs, est-ce que, sous le précédent gouvernement, et tout à l'heure M. Osy a parlé de la Handelmaatschappy, est-ce que Ostende avait seulement des actions ? L'honorable M. Osy a dit qu'Ostende en possédait une ; je me suis informé et j'ai appris que c'était encore une action empruntée. Qu'est-il arrivé ? A-t-on exclu Ostende ? Non, messieurs, on a dit : Vous participerez tous à l'entreprise, quoique vous ne soyez pas intéressés.

Ainsi Anvers aurait fait tout le capital, ce n'était pas encore une raison pour établir l'entreprise à Anvers. Anvers est riche sans doute, Anvers renferme je ne sais combien de millionnaires, mais cette société, où est son capital ? Qui allez-vous subsidier ? Vous avez subsidié dans le temps Lamina, chef des Nalous, et savez-vous, qui vous allez subsidier maintenant ? Le pacha d'Egypte.

Et quel est le deuxième intéressé ? Ce n'est pas non plus un chrétien qui obtient la préférence ; c'est toujours le même homme de Paris.

Messieurs, je ne puis m'empêcher de dire un mot sur ce qui s'est passé, il y a quelques jours à Anvers : on a inauguré un bateau transatlantique ; on a fait une grande démonstration.

Il y a eu d'abord une cérémonie religieuse très respeclable sans doute ; chez nous aussi, messieurs, chaque année on bénit ; chaque année la mer de notre littoral est bénie ; on y assiste avec recueillement, et la cérémonie finie, on se retire en silence chez soi profondément ému.

Je n'ai donc rien à dire contre la cérémonie religieuse qui a eu lieu à Anvers, bien au contraire, j'y applaudis de toute mon âme, mais qu'est-il arrivé ? Après la cérémonie religieuse, Son Eminence monseigneur l'archevêque s'est retiré, comme de juste, et les autres invités auraient bien fait d'en faire autant ; mais, par un coup de baguette magique, ce lieu bénit s'est transformé en un local profane, on y respirait encore l'encens de cette cérémonie, tout le monde en était encore frappé, lorsqu'on s'est livré à une orgie avec les subsides du peuple.

M. le président. - Je ne puis pas laisser passer des semblables paroles.

M. Sinave. - Je me suis trompé, je relire le mot « orgie ». Je dirai copieux « festin » avec l'argent du peuple.

J'arrive à la deuxième question, et je dis que l'exposé des motifs renferme des calculs qu'on ne peut considérer comme de simples erreurs de plume, non plus comme des erreurs volontaires commises dans le but de faire accorder le subside.

M. le président. - M. Sinave, de pareilles suppositions ne sont pas du tout parlementaires.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Laissez continuer.

M. Sinave. - Je n'ai pas dit la chose positivement, mais je vais la prouver ; ce sera mieux.

J'ai ici des renseignements signés et s'ils ne sont pas exacts, je recevrai volontiers la réprimande qui est due à celui qui ne dit pas la vérité. Je me bornerai à une ou deux citations.

Voici, messieurs, comment on argumente. On dit un colis de... kil. coûte... et on arrive ainsi à conclure qu'un tonneau coûterait...

Eh bien, messieurs, je dis que le dernier employé du chemin de fer ne ferait pas un calcul comme celui-là.

Voici un compte où l'on opère ainsi : « J'ai expédié un colis de Bruxelles à Malines ; pour ce colis de 1 kilog. et 1/2 j'ai payé 50 centimes, donc 100 kilog. coûteraient..., appliquez maintenant ce même calcul de Bruxelles à Marseille ou à Constantinople.

Tout le monde sait qu'il y a un minimum de fret et un maximum. Au lieu de tenir compte de cela, on calcule comme si le fret payé pour un colis d'un demi-kilogramme devait se multiplier par 1,000 pour arriver au fret d'un tonneau ; c'est en opérant de cette manière qu'on obtient le chiffre de 956 fr. 10 c. Je vous le demande, messieurs, peut-on admettre que ce soit là une erreur ? C'est impossible : le tarif repose à peu près sur les mêmes bases que nos tarifs du chemin de fer ; à mesure que vous augmentez en poids vous diminuez le fret.

(page 279) J'ai ici un compte d'une expédition de 1,240 kil. et une fraction.

Il résulte de ce compte que ces 956 fr. 10 c. ne donnent plus qu'un fret de 480 fr. Cela est évident. La pièce est là. J'en donnerai communication à M. le ministre des affaires étrangères.

J'ai également des comptes pour les petits colis ; ils contiennent des exagérations de la même force.

Faites maintenant la comparaison : d'un côté, on dit : le fret est de 956 fr. 10 c. par tonne ; d'un autre côté, dans l'exposé des motifs on déclare que les bateaux à vapeur à créer acceptent la condition de transporter les marchandises lourdes à raison de 25 fr. la tonne, pour les marchandises lourdes, et de 50 fr. pour les marchandises de cubage. Si on voulait donner à la société un subside de cinq cent mille francs pour exécuter ces conditions, je serais le premier à le voter. Mais.ces conditions sont d'une réalisation impossible.

Dans la section centrale, j'ai demandé l'insertion de cette clause ; mais la section centrale n'a pas voulu entrer dans cette voie. Mais l'exposé des motifs mentionne la clause littéralement ; pourquoi l'y a-t-on insérée ? C'est pour faire voir l'avantage qu'on voulait procurer à la Belgique.

Or, tout à l'heure, on a dit que je ne devais pas supposer ; je ne suppose rien ; tout ce que je dis est fondé sur des pièces.

Je pense qu'il suffit d'avoir indiqué ces fautes ; qu'elles soient volontaires ou erronées, c'est toujours la même chose. Voici tout le détail :

Messieurs, au premier abord, ce qui saule aux yeux est le manque de logique dans l'exposé des motifs ; d'un côté, on présente l'entreprise comme excellente, comme lucrative, comme devant amener une révolution complète dans les transports ; on dit : (page 5) Nous ferons à 25 et 50 francs ce que, jusqu’ici, l'on ne faisait que pour 400 francs ; on en conclut que, par cette réduction de prix, tous les transports vont affluer vers l'entreprise, qui aura un avenir à donner le vertige (car c'est immense en commerce que cette différence de fr. 350 et 375), et d'un autre côté, après avoir bien démontré le brillant de l'affaire, on demande... un subside.

Je trouve cela illogique, je comprends qu'une entreprise nouvelle, présentant quelques avantages à l'intérêt général du pays, mais dont les chances pécuniaires en faveur des fondateurs soient problématiques, demande au gouvernement un encouragement, un subside qui, en cas de pertes, atténue un peu le mauvais résultat ; mais je ne comprends pas qu'on porte aux nues les avantages d'une entreprise, tout en mendiant un secours au gouvernement.

J'estime que la seule manière rationnelle d'expliquer cette contradiction consiste dans le peu de foi qu'ont les auteurs du projet dans les chiffres qu'ils présentent comme bases de la bonté de leur affaire ; cette idée m'a amené à vérifier l'exactitude de leurs dires et de leurs chiffres, et je suis resté confondu de l'aplomb avec lequel on argumente, au moyen de chiffres inexacts ; les auteurs du projet, hommes du métier, pouvant difficilement prétendre s'être trompés.

J'aurais du choix, si je voulais signaler toutes les erreurs ; je me tiendrai à l'argument principal (pages 4 et 5).

On argumente de ce qu'un colis de 73 kilog. a coûté 74 fr. 58 c., pour arriver à dire qu'une tonne coûte 956 fr. 10 c.

En laissant de côté l'exagération évidente du compte de frais, à l'appui (V. annexe n°1), l'argument consiste à dire : J'ai expédié un colis de Bruxelles à Malines ; ce colis pesait 1 1/2 kil.,. ; j'ai payé 50 c. de transport, donc les 100 kil. coûteront 33 fr. soit la tonne 330 fr. Un calcul pareil serait-il sérieux ? Il ne l'est pas davantage, appliqué à la route de Marseille à Constantinople ; il existe un minimum de fret, et que vous expédiez un colis de 2 kil. ou de 11 kil., ou de 50 kil. (V. annexe n° 2), le fret est le même ; le colis relaté (page 4), n'aurait pas payé davantage, s'il avait pesé 100 kil., et les frais auraient été, en grande partie, les mêmes, sur un fort colis que sur le petit, dont il est question. Prétendre donc que la tonne de 1,000 kil. coûte 956 fr. est une affirmation dénuée de toute exactitude ; c'est exagérer de près du double ; pour preuve, voici un connaissement (annexe n°3) d'un envoi de 1,240 kil., qui a coûté, de Bruxelles à Constantinople, 609 fr. 57 c, tout compris, soit envion 480 fr. par 1,000 kil. Et il est à remarquer qu'à cette date les chemins de fer du Midi de la France et les vapeurs de la Méditerranée élaient encombrés de transports pour la Crimée, ce qui a fait hausser tous les frets de 30-à 40 p. e. En temps normal (avant la guerre), on payait beaucoup moins.

Une autre erreur bien grave est celle énoncée page 5. On dit : Le fret total de Belgique à Constantinople est de 400 francs la tonne, et nous prendrons 25 et 50 francs. On oublie d'ajouter que ces deux prix se rapportent à deux quantités d'une énorme différence ; la tonne est 1,000 kilog., le tonneau à 50 francs est une capacité de 40 pieds anglais ; telle quantité de marchandises peut peser 1,000 kilog. et cuber 6 à 7 tonneaux. Il y a eu assez souvent des discussions à Anvers à propos de la navigation à voiles subsidiée, pour que le gouvernement sache qu'il y a une immense différence entre tonne et tonneau.

Si c'était une entreprise privée, on n'aurait rien à voir dans les prix ; mais, le gouvernement subsidiant, on peut les discuter, et affirmer que les prix (indiqués pour faire de l'effet) de 25 et 50 fr. ne sont pas réels. Notons que 50 francs s'entend jusqu'à Constantinople, destination la plus éloignée ; admettons un instant que chaque voyage les bateaux seront remplis de marchandises, payant le fret le plus élevé (fr. 50), c^est faire la part belle ; que touchera-t-on ? 500 tonneaux à 50 fr. (fr. 12,500). Soit douze voyages par an, fr. 150,000. Mettons que le retour dans les mêmes conditions (navires pleins et pour les distances les plus éloignées) rapporte fr. 250,000, voilà fr. 400,000 qui ne couvriront pas les frais !

Mais, dira-t-on, les passagers ! Les passagers ne viendront pas, car croit-on sérieusement que celui qui doit se rendre au Levant s'embarquera à Anvers pour faire l'énorme trajet de mer jusqu'à Marseille (10 jours), plutôt que de prendre jusqu'à Marseille le chemin de fer (par la France) qui l'y transporte à des prix très modérés ? Quelque soit le bon marché du tarif des vapeurs, sa nourriture coûtera seule à peu près autant que le transport par chemin de fer.

De Marseille, il se rendra en Orient par les innombrables steamers qui sillonnent la Méditerranée, et qui vont pour la plupart directement et fréquemment vers chaque destination ; au lieu de faire le voyage par steamer belge, et d'être ballotté aux nombreuses échelles (voir une carte d'Europe pour se rendre compte du zig-zag du voyage), sources de dépenses et de pertes de temps. Il me semble bien évident que le riche ne mettra pas 10 jours de voyage de mer, quand il peut atteindre sa destination en trois jours, et que le moins fortuné estimera que sa dépense sera en total moindre par chemin de fer que par les steamers.

Ne perdons pas de vue que nos calculs sont établis sur des navires constamment pleins à 50 francs le tonneau, la majeure partie des exportations belge à Constantinople se compose de verres à vitres et sucres. En ce moment les frets sont très chers, et les steamers auront des sucres, mais dans l'état normal, lorsque le fret à voiles est de fr. 18, 20 et 25, ils ne peuvent pas y compter.

En résumé, j'estime que l'opération ne sera pas fructueuse, et que le gouvernement en sera pour ses 300,000 fr. ; veut-on la rendre plus fructueuse, on majorera les frets, et par là on éloignera encore davantage les marchandises lourdes, qui forment la base de nos échanges avec la Turquie, la Turquie nous envoie beaucoup de grains, il va bien de soi que cet article ne se servira jamais de vapeur.

Le gouvernement commet donc une imprudence en affectant une somme aussi importante à une entreprise très chanceuse, et puisque les fondateurs en ont une si haute opinion, eh bien, qu'ils soient conséquents et qu'ils fassent l'affaire à leurs risques et périls. J'ajouterai que le gouvernement commettrait une injustice ; en effet, depuis 2 mois la compagnie générale maritime (crédit mobilier) de France a annoncé qu'elle se propose de réunir le Nord de l'Europe au Midi ; un des éléments de ce projet est une ligne de navigation à vapeur jusqu'à Marseille ; l'intention première était de faire partir cette ligne de Dunkerque ; je suis parvenu à présenter les avantages d'Anvers de telle manière, qu'il a été décidé que le point de départ serait Anvers ; voilà donc Anvers et Marseille reliés ; il y a plus : au moyen de ses propres lignes transatlantiques et des arrangements pris avec les paquebots à vapeur des messageries impériales desservant l'Italie, le Levant, etc., « elle se chargera des transports directs (par le même connaissement) pour toutes destinations au-delà de Gibraltar ». Je dis que quand une compagnie étrangère établit en Belgique avec ses capitaux et sans demander une obole au gouvernement, un service qui répondra à tous les besoins, il y a injustice à méconnaître ces bonnes dispositions, et à faciliter, en subsidiant avec l'argent du pays, une entreprise qui ne répond pas à des besoins indispensables.

Cela aura le grave inconvénient d'écarter les capitaux étrangers, personne ne voudra entreprendre quelque chose, si l'on risque que peu de temps après le gouvernement va subsidier une entreprise concurrente.

Le gouvernement est exposé à perdre si l'entreprise tourne mal, ou à avoir sacrifié une forte somme qu'on pourrait mieux employer, si l'entreprise a, par elle-même, des chances de succès, comme on l'annonce avec tant d'aplomb. J'aurais beau jeu si je voulais indiquer le mobile et le but de la concurrence que l'on élève. Je désire maintenir cette discussion dans les termes de l'intérêt général, et je préfère terminer ces longues observations par une remarque. Page 14, il y a une phrase bien singulière ! Elle est du consul belge à Beirout, mais le gouvernement en lui donnant place sans remarque dans un rapport officiel, l'a faite sienne.

On indique les motifs qui engagent à faire échelle dans divers ports, et on s'exprime ainsi : « Gibraltar est le grand point de réunion de la contrebande et de l'introduction en fraude de nos marchandises en Espagne, au Maroc, etc. » Il me semble que le gouvernement espagnol doit être peu édifié de ce propos. Que dirait le gouvernement belge, si un gouvernement étranger subsidtait une entreprise de transport et appuyait sur la nécessité de relâches à Bath et à Maestricht, afin d'avoir toutes facilités à frauder en Belgique. ?

Maintenant je viens à un fait plus grave. On vous demande 300 et autant de mille francs. Je pose ici en fait, avec offre de preuves, qu'il y a une société qui consent à commencer gratuitement l'exploitation, aussitôt après l'ouverture des eaux. Le gouvernement peut-il l'ignorer ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je l'ignore également.

M. Sinave. -- Je vous dirai que le directeur du commerce, M. Varlet, a reçu une information ; quant à vous, vous M. le ministre (page 280) personnellement, vous avez reçu une circulaire d'une compagnie, il y a deux mois, à la date du 10 septembre 1855, Par suite de l'envoi de cette circulaire, on s'est transporté chez votre directeur, et on lui a communiqué ce que je viens de dire : celui-ci, à ce que vient de dire M. le ministre, ne lui fait aucune communication. Ce qui n'a pas été fait peut encore se faire, cela ne fait absolument rien à la question.

J'ai ici la lettre de la personne qui s'est présentée ; elle est signée d'elle ; si on dit que la chose n'est pas exacte, je déposerai aussi la lettre.

Or, messieurs, que doit-on conclure de tout cela ? On vient ici vous demander un subside de 300,000 fr. ; la société qui se présente sait ce qui se passe ; elle prend les devants et veut empêcher l'établissement d'une autre société qui ne réclame aucun subside.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je demande à l'honorable M. Sinave la permission de l'interrompre pour dire un mot.

M. Sinave. - Volontiers.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je prie la Chambre de vouloir bien ajourner la discussion à demain pour que je puisse faire une réponse péremptoire. Je déclare, du reste, dès à présent, que j'ignore complètement les demandes qui auraient pu être faites par une société qui ne réclama aucun subside.

M. Sinave. - Je renoncerai à la parole jusque-là, si M. le président l'ordonne.

- Des membres. - Non ! non ! Parlez !

- D'autres membres- . - Le nom de la société ?

M. Sinave. - On me demande le nom de la société, c'est la compagnie générale Maritime (crédit mobilier). Je donnerai lecture des lettres, cela vaut mieux.

Voici une première lettre :

« Monsieur,

« J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint quelques observations sur le projet de loi concernant la navigation à vapeur entre Anvers et Constantinople. J'y joins quelques documents à l'appui de mes observations.

« Puisque l'affaire est si bonne, d'après les auteurs, il est au moins inutile de subsidier ; comment veut-on que la compagnie générale maritime établisse des lignes de navigation pour lesquelles elle ne demande pas de subside, si l'on donne à des entreprises similaires un appui aussi formidable ? Qu'arrivera-t-il ? La nouvelle entreprise travaillera à perte (le subside pouvant payer les intérêts dus aux actionnaires) et quand elle aura détruit la ligne annoncée sur Marseille, elle aura le monopole et exploitera le commerce. Dans la convention, il n'est pas question des prix des frets, comme c'était l'usage dans celles qui concernaient les lignes à voiles subsidiées. Pourquoi cela ? c'est que les auteurs se retireraient bien vite si on les prenait au mot en ce qui concerne les 25 et 50 francs par tonneau relatés page 5. Il me semble que le gouvernement ou les Chambres, pour s'assurer que le commerce obtiendra ce bas prix de fret, doivent exiger que cette limite des prix soit stipulée.

« Si d'autres renseignements pouvaient vous être agréables, je me trouverai honoré d'en recevoir la demande.

« Vous m'obligeriez infiniment de me faire connaître le jour de la discussion à la Chambre, je m'y trouverai et je serai par là à votre disposition immédiate si l’un ou l'autre argument se produisait auquel on devrait répondre de suite.

« Je saisis cette occasion, monsieur, ponr vous prier de vouloir agiéer l'assurance de ma haute considération.

« Bruxelles, 10 décembre 1855.

« U. Scihmidt. »

Voici une deuxième lettre :

« Ce 15 décembre 1855.

« Monsieur,

« J'ai eu l'honneur de recevoir vos deux billets des 11 et 14 courant. Je me mets à la disposition de M. Sinave comme à la vôtre, pour tous renseignements.

« En réponse aux deux questions que vous voulez bien m'adresser ; j'observe que la Compagnie générale maritime n'a fait aucune offre au gouvernement ; car, ne demandant ni faveur, ni encouragement d'aucune espèce, elle n'avait rien à offrir, ni à proposer au gouvernement, seulement, par raison de convenance, et à titre de renseignements, j'ai adressé la circulaire incluse au ministère des affaires étrangères et à M. Varlet en particulier ; de plus, j'ai eu l'honneur de me rendre chez M. Varlet ; je lui ai fait connaître que la Compagnie avait eu d'abord l'intention de prendre Dunkerque pour poiui de départ, mais que, sur mes instances, elle avait modifie cette intention, et que j'avais été assez heureux d'obtenir qu'Anvers devienne ce point de départ, ce dont il a bien voulu me féliciter.

« J'ai expliqué à M. Varlez que cette ligne serait en correspondance directe au Havre avec les lignes transatlantiques ; pour les Etats-Unis et le Brésil, à Marseille avec les lignes sur l'Italie et le Levant, etc., et qu'elle serait donc dans une meilleure position que toute autre ligne directe sur le Levant qui, faisant une concurrence à la toute-puissante ligne des messageries impériales, la trouverait pour redoutable adversaire, tandis que notre ligne, devenant un utile auxiliaire pour elle obtiendrait tout son concours et des avantages exceptionnels.

« Il entrait dans la suite du projet de relier Hambourg et la Hollande par steamers avec Anvers, de façon que tous les grands ports se seraient reliés par entremise d'Anvers.

« Ma réponse à votre seconde question est en partie faite par ce qui précède (que la Belgique serait desservie), la compagnie comptait commencer les opérations très prochainement ; et probablement à la reprise de la navigation, soit d'ici à 2 où 3 mois. Je ne me dissimule pas que le subside que le gouvernement accorde si injustement à une ligne rivale, nous fera grand tort et pourra influer sur la suite des opérations ; notre devis comprenant les envois vers le Levant que la nouvelle compagnie pourra faire à meilleur marché avec son énorme subside. J'ai été hier à Anvers et j'ai appris bien des choses encore sur cette affaires ; j'en ai demandé la note écrite, et je m'empresserai de vous la faire parvenir dès réception.

« Veuillez agréer, etc.

« U. Schmidt. »

Ainsi, vous voyez que je n'avance rien et que je ne crois pas mériter les reproches de l'honorable président.

- Un membre. - Par qui est-ce signé ?

M. Sinave. - M. Schmidt, consul du Chili à Bruxelles, chargé de procuration de cette compagnie.

J'attendrai donc jusqu'à demain avant d'entrer dans une discussion ultérieure.

Je désire savoir ce que le ministre a à dire pour pouvoir y répondre.

M. le président. - Je n'ai pas adressé de reproche à M. Sinave je me suis borné à l'engager à ne pas supposer des intentions mauvaises à ses adversaires.

M. Sinave. - Je n'ai pas supposé d'intentions mauvaises.

M. le président. - Vous avez dît qu'on avait inséré à dessein de faits inexacts dans l'exposé de motifs.

M. Sinave. - J'ai dit qu'on ne pouvait pas croire à des erreur sque le plus simple employé du chemin de fer ne commettrait pas. Car tout le monde sait que le prix de transport d'un kilogr. n'est pas l'unité qui sert de base pour établir le fret d'une tonne.

L'exposé des motifs est un tissu d'erreurs. Je n'ai pas dit autre chose.

M. le président. - Les pièces seront déposées sur le bureau.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je voudrai savoir s'il a été fait auprès du gouvernement une démarche autre qur cette circulaire à laquelle fait allusion M. Sinave, et qui a été envoyée par la société maritime française constituée au capital de 40 millions à tous les négociants de l'Europe, en les invitant à prendre part à ses opérations.

S'il n'y a eu que cela, je dois dire que cette circulaire a passé dans mes bureaux et même sous mes yeux sans attirer un instant l'attention ; à cette occasion je déclare que je préférerai toujours une société belge même subsidiée à une société étrangère qui se présentera dans ces conditions.

Je demande donc à l'honorable membre si une proposition formelle d'établir un service de navigation à vapeur d'Anvers vers l'Orient, a été faite au gouvernement.

Si sa réponse est affirmative, à mon tour je répondrai.

M. Sinave. - Je crois avoir dit que M. le ministre n'avait reçu que la circulaire, mais que le représentant de la compagnie s'était rendu auprès du directeur du commerce au département des affaires étrangères, lui avait donné toutes les explications désirables ; il lui a même dit que la société changeait son point de départ fixé d'abord à Dunkerque et avait porté le point de départ à Anvers.

- Un membre. - Pour où ?

M. Sinave. - Pour toutes les localités. (Interruption.) Et encore d'autres que celles indiquées au projet de la convention.

J'entends dire : Je parie que cela n'est pas ; je ne parie pas, j'ai en main les pièces qui le prouvent, je les dépose.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Avez-vous d'autres pièces ?

M. Sinave. - J'ai les comptes d'expédition de marchandises qui constatent que l'exposé des motifs est un tissu d'erreurs d'un bout à l'autre.

M. Malou. - J'ai demandé la parole pour expliquer le fait que M. Sinave a si étrangement dénaturé. Il est d'usage en d'autres pays, au commencement d'une grande entreprise de navigation à vapeur, d'appeler la religion à bénir l'entreprise. La même chose a eu lieu à Anvers samedi dernier, à propos du départ du premier bâtiment destiné à ouvrir la ligne de navigation à vapeur entre Anvers et les Etats-Unis. S. E. le cardinal-archevêque de Malines a béni le navire, en présence de S. A. R. le Comte de Flandre ; à la suite de la cérémonie religieuse la compagnie a offert un déjeuner auquel ont assisté le Comte de Flandre, le cardinal-archevêque, les consuls étrangers résidant à Anvers, le ministre des Etats-Unis, les représentants et sénateurs, les autorités civiles et militaires, les fondateurs de la société, eic.

Le banquet a été terminé vers quatre heures. S. A. R. le Comte de Flandre, S. E. le cardinal et tous les assistants se sont retirés en même temps.

(page 281) M. de Perceval (pour une motion d’ordre). - Je propose d'ajourner cette discussion après les vacances du nouvel an.

Je ne pense, pas que M. Sinave puisse d'ici à demain faire classer convenablement les nombreux documents dont il nous a donné communication, et que nous avons intérêt à apprécier à leur juste valeur.

Je fais donc la proposition d'ajourner jusqu'après le nouvel an la discussion de ce projet de loi.

M. Loos. - Je viens combattre la proposition d'ajournement. Je crois que la proposition, dont vous a parlé M. Sinave, n'est pas plus sérieuse que ce qu'il a dit de la cérémonie qui a eu lieu à Anvers.

Aussi, je me suis levé moins pour donner des éclaircissements à la Chambre qu'un démenti à ce qu'a dit M. Sinave. J'ajouterai qu'il est odieux de parler comme il l'a fait, n'en sachant pas plus qu'il n'en paraît savoir, ce qu'il avait de mieux à faire était de se taire. Je crois qu'il est inutile de remettre la discussion à demain.

Si l'honorable membre veut déposer sur le bureau les pièces qu'il possède, tout le monde reconnaîtra qu'elles n'ont pas un caractère sérieux et que nous aurions tort de remettre d'un jour la discussion.

Dans tous les cas, si le temps manquait pour examiner les pièces en séance, je demanderais qu'on se bornât à remettre la discussion à demain.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je veux constater que le gouvernement n'a été saisi d'aucune proposition antre que celle qui est soumise à la Chambre. M. Sinave a parlé d'une circulaire qui a été envoyée à toute l'Europe ; ce n'est pas sur une circulaire semblable, sur une circulaire imprimée, qu'un gouvernement traite, ce n'est pas d'après une conversation entre un représentant quelconque d'une compagnie et un employé d'un département qu'une affaire s'instruit.

Il aurait fallu, pour que l'honorable membre fût dans le vrai, qu'une demande régulière eût été adressée an ministre des affaires étrangères afin d'établir une ligne de navigation entre Anvers et l'Orient.

Or voilà ce qui a été dit, voilà ce qui m'a ému, voilà ce qui n'est pas vrai.

Je demande que la discussion continue, car cela n'est pas sérieux.

M. Sinave. - J'ai demandé la parole pour répondre à M. Malou.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Répondez d'abord à mon démenti.

M. Sinave. - L'honorable M. Malon vient de dire que j'aurais voulu en quelque sorte jeter de l'odieux sur ce qui s'est passé. Pas le moins du monde, sinon que les dépenses sont les deniers du peuple, il paraît qu'on ne les ménage pas.

M. Malou. - Ce n'est même pas odieux ; ce n'est que ridicule.

M. Sinave. - J'aurai l'honneur de vous faire observer, M. Malou, que dans toutes les cérémonies de ce genre, il est d'usage de se retirer dn local après la cérémonie, et le peuple jugera qui, de nous deux, mérite vos grossièretés qui ne sont que dignes de celui qui les débite sans y être provoqué de ma part.

M. de Mérode-Westerloo. - Assez ! assez !

M. Sinave. - Maintenant, je réponds à l'observation de M. le ministre des affaires étrangères. Je n'ai pas dit qu'il y eût des propositions de contrat. J'ai dit qu'une communication avait été engagée, il n'y avait pas de contrat à proposer, on ne demande aucun subside, l'agent s'était adressé au directeur. Qu'est-il arrivé ? C'est qu'immédiatement on est venu présenter une convention. L'affaire n'était pas assez mûre, le temps a manque pour présenter un exposé ; il fallait avoir une entrevue avec les personnes intéressées pour savoir s'il y avait lieu à aller plus en avant ou non en présence du projet de loi.

Si vous voulez continuer la discussion et voter, je ne m'y oppose pas le moins du monde.

Si vous croyez, au contraire, que mes observations méritent un examen, vous devez remettre la discussion ; mais demain, c'est évidemment trop tôt.

Du reste, la personne qui s'est avancée devra se mettre à mon lieu et place. Je n'ai avancé ici que des faits, par quel motif ? J'ai voulu éviter à l’Etat de payer une somme de 300,000 fr. Si l'on trouve que cela ne vaut pas la peine, je m'y soumettrai volontiers comme à l'observation qu'on vient de faire.

M. David. - Malgré ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères, qui tantôt était d'un autre avis, je viens tâcher de vous démontrer que nous devons ajourner la discussion.

Rien n'est encore fait, il n'existe qu'un projet de convention, ce n'est qu'un projet aussi longtemps que la Chambre ne l'a pas approuvé. Par ce projet de convention, nous consentirions à accorder un subside de 330,000 fr. Il paraît qu'une société, également sérieuse, se présente, et qu'elle ne réclame absolument rien du gouvernement. Dans cette position de la question, et la chose n'étant aucunement urgente, à quinze jours près, nous devons ajourner pour voir si la société, qui maintenant se met sur les rangs, fera des offres positives et acceptables. C'est dans l'intérêt du trésor public que nous devons en agir ainsi. Moi aussi je demande le très prompt établissement du service à vapeur en question. Nos relations avec le Levant n'eu souffriront pas. Cette société étant plus puissante que celle d'Anvers, elle pourrait sans aucun doute ouvrir son service plus tôt et donner à ses bâtiments des départs et des arrivées à Anvers plus fréquents que celle qui a conclu avec le gouvernement la convention qui, actuellement, est soumise à nos délibérations.

M. Malou. - S'il suffisait d'une pièce comme celle que M. Sinave nous a lue pour interrompre nos discussions, je crois que nous serions sous ce rapport à la discrétion du premier venu. Que dit cette lettre ? Ce n'est pas une offre au gouvernement, comme la section centrale l'avait affirmé. Il y a une lettre d'un consul qui dit qu'une société disposée à établir une ligne de navigation avec le Levant admettrait, dans une hypothèse donnée, que le point de départ serait Anvers, au lieu de Dunkerque. Je vous le demande, y a-t-il là une proposition, un fait quelconque dont on puisse argumenter pour suspendre la discussion actuelle ?

M. Sinave dit que ce consul viendra se mettre en son lieu et place. J'en doute très fort. Dans la position qu'a prise M. Sinave, je crois que nul ne serait tenté de se mettre à sa place, après la discussion qui a eu lieu.

Y a-t-il quelque chose sur quoi nous puissions discuter ? Il y a une lettre d'un consul qui parle d'un projet qui a existé, et c'est là-dessus qu'on nous propose d'ajourner la discussion au mois de janvier. Il y va de la dignité de la Chambre de continuer le débat.

M. de Mérode. - Il me semble qu'il n'y a pas lieu de se fâcher dans cette affaire-ci. Il s'agit d'obtenir une communication commerciale avec le Levant, gratuitement ou moyennant un subside de 300,000 francs. S'il est possible, que ce soit gratuitement, j'en serai charmé.

Puisqu'on nous demande jusqu'à demain, il me semble que nous pouvons attendre jusqu'à demain.

Si ces propositions sont tellement importantes, tellement intéressantes, et de nature à nous donner un véritable espoir d'obtenir un service qui ne nous coûte pas 300,000 fr. j'en serai charmé.

Il faut que les propositions soient sérieuses et de nature à nous donner un véritable espoir.

Du reste, je dis encore qu'il n'y a pas lieu de se fâcher dans cette discussion ; car l'honorable M. Sinave a prétendu que l'on aurait dû conduire le prince et le cardinal au cabaret après la bénédiction du navire. C'est plaisant. Mais, je le répète, il n'y a pas de quoi se fâcher.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Ce qui n'est pas plaisant, c'est non pas qu'on m'ait accusé d'avoir donné à une ligne subsidiée la préférence sur une ligne qui ne devait pas l'être ; je ne me suis pas ému un seul instant de cette accusation ; mais c'est que M. Sinave ait prononcé le nom d'un directeur du département des affaires étrangères, le nom de M. Varlet.dont toute la carrière administrative est un long acte de probité.

- Un grand nombre de membres. - Cela est vrai.

M. Sinave. - Qui conteste cela ? On ne le conteste pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Si vous ne le contestez plus, je me rassieds ; mais vos paroles tendaient à l'incriminer.

M. Frère-Orban et M. de Moor. - Du tout !

M. Osy. - Certainement, je ne puis m'opposer à la remise de la discussion. Mais je ne puis consentir à la remise à la session prochaine.

Quelques mots d'explication démontreront que tout cet échafaudage ne repose sur rien. Je connais parfaitement cette affaire. En deux mots je vais vous l'expliquer.

Vous savez tous que le « Crédit mobilier » est une grande société qui a créé la « Société maritime » au capital de 40 millions.

Tous les négociants d'Anvers, tous les particuliers ont reçu de cette société une circulaire par laquelle on demandait à entrer en relations d'affaires. Vous l'avez peut-être reçue, comme je l'ai reçue moi-même. Il s'agissait d'ouvrir des relations avec le commerce d'Anvers et avec la Belgique.

Je vous le demande, parce qu'une société maritime demande à entrer en relations d'affaires, est ce une proposition dont le gouvernement soit saisi ? Il n'y a pas eu la moindre proposition, ni à des particuliers de Belgique, ni au gouvernement.

Je vous demande si nous pouvons ajourner, parce que, au nom d'une société maritime, on écrit au commerce qu'il peut faire des affaires avec elle.

Voilà tout ce qu'il y a dans l'affaire de la « Société maritime » de 40 millions dont a parlé l'honorable M. Sinave.

M. Loos. - Je crois qu'il est d'autant moins nécessaire de remettre cette discussion après les vacances, que mes souvenirs me revenant maintenant, je suis convaincu que dans toutes les pièces que possède l'honorable M. Sinave, relativement aux offres qui ont pu être faites par la Société maritime, il n'est pas question d'une navigation vers le Levant. La Société maritime dont vient de parler l'honorable M. Osy n'avait pas pour but d'exploiter le Levant, et quand on aura pendant dix minutes pris connaissance des pièces que peut posséder M. Sinave, on sera convaincu de ce que j’avance. Il s’agit d’une exploitation de lignes vers différentes colonies et quelques ports d’Europe, mais il ne s’agit pas de créer une ligne de Dunkerque, du Havre ou d’Anvers, ni même de Marseille vers le Levant, en dehors des lignes qui existent depuis grand nombre d'années de Marseille.

(page 282) M. Lelièvre. - Je pense qu'il ne faut pas traiter légèrement l’affaire soumise actuellement à la Chambre. Un représentant signale des faits importants, il convient de les vérifier. L'intérêt de la dignité de la Chambre, comme celui de la vérité, exige qu'on ne statue qu'en connaissance de cause. M. Sinave invoque des documents que nous devons nécessairement examiner. A mon avis, aucun motif sérieux ne s'oppose à l'ajournement de la discussion à demain, et en ce qui me concerne, je crois devoir l'appuyer.

M. Delfosse. - Je voulais faire la même observation que l'honorable M. Lelièvre. M. le ministre des affaires étrangères avait d'abord été très raisonnable, il avait été le premier à demander la remise de la discussion à demain. Je ne sais pas pourquoi il est revenu sur cette résolution en se fâchant quelque peu. Il n'y avait pas lien de se fâcher. L'honorable M. Sinave s'était borne à dire que la personne qu'il a nommée avait eu une conversation avec un directeur du ministère des affaires étrangères ; mais il n'avait pas contesté la probité de ce directeur, que je crois, comme M. le ministre, incontestée.

M. le ministre aurait donc dû maintenir sa proposition de la remise de la discussion à demain.

L'honorable M. de Perceval a fait la proposition d'ajourner la discussion après les vacances. Je crois qu'il ne faut pas se prononcer aujourd'hui sur cette proposition. Les pièces vont être déposées sur le bureau. D'ici à demain on les examinera. S'il résulte de cet examen que d'autres renseignements sont nécessaires, la proposition de l'honorable M. de Perceval pourra venir utilement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je ne puis pas accepter l'espèce de mercuriale de l'honorable M. Delfosse. Il dit que j'ai eu tort de me fâcher. Je ne crois pas avoir eu tort. Si M. Varlet, comme on l'en accusait, avait reçu des propositions sérieuses et ne m'en avait pas rendu compte, il aurait complètement manqué à ses devoirs. Je n'ai donc pas eu tort de prendre un peu vivement la défense de là probité et du caractère d'un fonctionnaire très honorable.

M. Delfosse. - Que M. le ministre des affaires étrangères reçoive ou ne reçoive pas ce qu'il appelle une mercuriale, je maintiens les observations que j'ai présentées. Le public appréciera la conduite de M. le ministre des affaires étrangères et la mienne ; il verra de quel rôle se sont trouvés le calme et la modération.

M. David. - Je demande l'impression des pièces.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je crois qu'il convient que la lettre, dont l'honorable M. Sinave a donné en partie lecture, soit imprimée. Dans tout ce que l'honorable membre a allégué, il n'y a que cette pièce qui puisse fournir une preuve quelconque. C'est donc la seule dont l'impression puisse être utile.

- Un membre. - Elle sera imprimée, puisqu'elle a été lue.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Elle n'a été lue qu'en partie. J'en demande l'impression in extenso.

- La Chambre ordonne l'impression de cette pièce et renvoie la discussion à demain.

Rapports sur des pétitions

Le rapport de la commission d’industrie, présente par M. de La Coste, sur la pétition des sieurs d’Erckenteel et Delforge, relative à la libre entre du zinc, est ainsi conçu. -

M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, au moment où se terminaient les travaux de la session dernière, dans la séance du 2 juin, la Chambre a renvoyé à la commission permanente d'industrie une pétition des sieurs d'Erckenteel et Delforge, par laquelle ils demandent la libre entrée du zinc en Belgique, ou tout au moins et provisoirement la restitution du droit sur le zinc étranger qu'on exporte après qu'il a été laminé dans le royaume.

Les réclamants exposent que les 9/10 du zinc extrait des mines du pays s'exportent et soutiennent au-dehors la concurrence des produits similaires de l'Allemagne et de l'Angleterre. La protection de fr. 4 20 c., dont jouit cette exploitation, est donc surabondante, et le produit du droit est nul pour le trésor.

Les réclamants, pourtant, auraient gardé le silence, s'il ne s'était formé une puissante association de producteurs belges et étrangers à l’effet d'élever le prix du zinc et d'en réserver, à l'intérieur, le laminage aux associés, à l'exclusion des autres industriels. En Belgique, spécialement où cette association a son siège, elle ne consent à vendre le zinc que par petites parties et pour autant qu'il conste qu'il doit servir à la fabrication du laiton ou cuivre jaune. Les réclamants, qui ont engagé d'importants capitaux dans des usines destinées au laminage du zinc et pourraient y employer de nombreux ouvriers, se voient ainsi forcés de les laisser inactives ou de leur donner à grands frais une autre destination Tels sont, en substance, les faits qu'ils allèguent à l'appui de leur demande.

Dans le projet de loi présenté à la Chambre le 19 janvier 1353, le zinc brut était déclaré libre à l'entrée, et le droit de fr. 5 30 cent. sur le zinc laminé ou étiré était réduit à fr. 50 cent. Suivant l'auteur du projet, outre que le droit d'entrée sur le zinc ne rapporte rien au trésor, il forme une sorte d'anomalie dans un pays qui produit cette substance dans d'aussi bonnes conditions. La chambre de commerce de Liège avait même exprimé l'opinion que le zinc laminé pourrait être déclaré libre à l'entrée, comme le zinc brut.

En 1854, le droit de douane sur l’entrée du zinc brut n'a rapporté que 5 francs : le trésor est donc ici sans intérêt. L'importation est nulle, et les laminoirs ne travaillent que du zinc belge, en y comprenant celui qui provient du territoire indivis de Moresnet. Une coalition qui aurait pour effet dè réserver exclusivement ce zinc aux laminoirs des exploitants serait donc aussi contraire aux intérêts de l'industrie en général et à ceux des consommateurs qu'à l'esprit libéral de notre législation sur les mines.

Cette coalition existe-t-elle ? C'est un fait à l'égard duquel la commission ne saurait se prononcer sur le seul témoignage des pétitionnaires,, quelque important qu'il soit. Au surplus, la Chambre s'est jusqu'ici montrée peu disposée à scinder la discussion des changements au tarif des douanes proposés par le dernier ministre des finances ; mais en attendant qu'elle juge convenable de s'occuper de ces changements, en ce qui concerne le zinc, la demande subsidiaire de MM. d'Erckenteel et Delforge semble admissible, pourvu qu'un contrôle sérieux et efficace prévienne toute possibilité d'abus. Les pétitionnaires offrent de justifier de la sincérité de leurs opérations par l'inspection de leurs livres. A cette garantie il en faudrait probablement joindre d'autres, notamment une comparaison en poids des quantités importées et exportées, en tenant compte du déchet, s'il y a lieu, et dans une juste mesure. Par l'article 40 de la loi du 4 mars 1846, sur les entrepôts, « le gouvernement est autorisé à permettre, sous caution pour les droits, l'enlèvement temporaire des marchandises destinées à recevoir une main-d'œuvre dans le royaume. » C'est donc au gouvernement à juger s'il peut, sans inconvénient, faire l'application de cette disposition à l'industrie des réclamants et à quelles conditions.

En conséquence, la commission a l'honneur de proposer le renvoi de la requête des sieurs d'Erckenteel et Delforge à M. le ministre des finances.

M. Moreau. - Je ne viens pas m'opposer aux conclusions de votre commission d'industrie, mais je crois qu'on peut aller plus loin et demander la libre entrée, non seulement du zinc brut, mais encore du zinc laminé ou étiré.

Déjà la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme douanière, dont j'avais l'honneur de faire partie, avait adopté la libre entrée du zinc brut à l'unanimité et maintenu seulement à la majorité de 4 voix contre 3 le droit proposé de 2 fr. 50 c. sur les 100 kil. de zinc laminé.

Et pour rendre hommage à la vérité, je dois dire que l'honorable ministre des affaires étrangères qui présidait cette section centrale, en qualité de vice-président de la Chambre, appuya fortement la proposition de permettre la libre importation du zinc de toute espèce, et lui donna son vote.

Le gouvernement lui-même ne voyait alors aucun inconvénient à l'admettre. J'espère donc que le nouveau projet de loi sur la réforme douanière fera droit à ma demande.

M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, ayant remarqué que l'on avait présenté plusieurs fois à la Chambre des propositions tendant à aborder isolément quelque partie du tarif présenté par l'honorable M. Liedts, et que toujours ses propositions avaient été écartées, la commission' d'industrie n'a pas cru devoir soulever incidemment la question relative au zinc.

Au reste le renvoi à M. le ministre des finances ne préjuge même rien à cet égard. Si l'honorable ministre pense que cette question présente un caractère d'urgence tel, qu'il faille en faire l'objet d'une proposition spéciale ou demander la division de la discussion du tarif, toute liberté lui demeure sur ce point ; mais la commission d'industrie n'a pas cru que cet objet fût d'une nature plus urgente que plusieurs autres propositions contenues dans le même projet de loi.

En effet, il est probable que M. le ministre des finances trouvera le moyen, sans recourir à cet expédient, de faire droit aux réclamations de MM. d'Erckenteel et Delforge.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, en attendant que la question puisse être résolue définitivement par la loi, je me propose d'examiner si on peut appliquer à cette matière l'article 40 de la loi du 4 mars 1846, si l'on pourrait permettre, sans prêter à des abus, le laminage et la réexportation du zinc importé. Je ne puis, quant à présent, me prononcer formellement sur ce point. J'étudierai cette question avec le désir d'arriver à concilier les intérêts des pétitionnaires avec les retards que doit nécessairement encore entraîner l'examen d'une loi définitive.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


Le rapport de la commission permanente de l’industrie sur une pétition des brasseurs de l’arrondissement de Termonde, relative à la prohibition du houblon à la sortie, est ainsi conçu :

M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, par pétition du 5 juin dernier, plusieurs brasseurs de l'arrondissement de Termonde se sont adressés à la Chambre pour demander la prohibition du houblon à la sortie.

Vers la fin de la session dernière, une série de pétitions ayant le même but vous avaient été envoyées de plusieurs points du pays.. Elles ont été, de la part de votre commission de l'industrie, l'objet d'un examen sérieux et d'un rapport (n°236, session de 1854-1855).

Nous croyons pouvoir maintenir tous les motifs que nous avons donnés pour ne pas céder à cette demande. Aujourd'hui, du reste, les (page 283) circonstances qui faisaient alors réclamer cette mesure, n'existant plus, attendu que le prix du houblon est descendu à un taux normal, nous avons tout lieu de croire que les pétitionnaires eux-mêmes n'insisteraient plus, s'ils avaient à se prononcer en ce moment.

Votre commission de l'industrie vous propose, en conséquence, à l'unanimité, le dépôt au bureau des renseignements.

M. Coomans. - Je ne pense pas que le dépôt des pétitions au bureau des renseignements ait une grande signification dans l'esprit de la Chambre ; cependant j'aimerais encore mieux l'ordre du jour, afin de décourager une bonne fois les industriels qui réclament coup sur coup la prohibition de la sortie du houblon. Les prohibitionistes sont tenaces ; ils n'ont pas reculé devant les bonnes raisons alléguées contre cette mesure, ils sont revenus à la charge et insistent encore sur leur injuste exigence. Je les combattrai haut et ferme. De toutes les prohibitions, celle du houblon serait la plus inique et la plus absurde. Cette plante, d'une culture délicate et chanceuse, exige beaucoup de main-d'œuvre, emploie une grande quantité de perches de sapin (produit de notre sol), et fournit le pain quotidien aux petits paysans qui ont des houblonnières. Je connais des centaines de familles qui n'ont pas d'autre ressource que le houblon. Encourageons plutôt leurs efforts, n'envions pas leurs légitimes bénéfices, et reconnaissons que la prohibition serait particulièrement injuste à une époque où le prix du houblon est très bas. Si la commission d'industrie interprète en ce sens le dépôt au bureau des renseignements, mon opposition à ses conclusions sera moins vive.

M. Manilius. - L'honorable préopinant aura perdu de vue sans doute ce que disent les premières lignes du rapport ; c'est que la pétition a été présentée à une époque où elle était beaucoup plus raisonnable qu'elle ne le paraît aujourd'hui. Elle date des derniers jours de la session précédente, du 3 juin 1854.

D'un autre côté, l'ordre du jour est une décision qui présente toujours quelque chose de désagréable pour le pétitionnaire. C'est pour ce double motif que la commission a proposé le dépôt au bureau des renseiguemenis.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur les charbons

Discussion générale

M. le président. - L’article unique du projet est ainsi conçu :

« La loi du 31 décembre 1855 (Moniteur n°1 de 1854), qui autorise le gouvernement à abaisser, à suspendre entièrement, ainsi qu'à rétablir les droits d'entrée sur les charbons de terre, est prorogée jusqu'au 1er janvier 1857. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je ne viens pas combattre le projet de loi en discussion, je compte, au contraire, l'adopter ; mais j'ai demandé la parole pour rappeler à la Chambre que dans la séance du 16 février 1853, usant de mon droit d'initiative, j'ai développé une proposition concernant la redevance des mines, proposition qui a été prise en considération.

Dans le cours de la discussion, la Chambre s'est prononcée pour le renvoi au conseil des mines et l'avis de ce conseil a été transmis à la Chambre le 17 mars suivant. Je demande maintenant, messieurs, que ma proposition soit soumise à l'examen des sections. Je fais cette demande aujourd'hui, afin que pendant la vacance, nos collègues puissent examiner la proposition, qui est compliquée et qui exige une étude toute spéciale.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, nul n'ignore que dans les circonstances actuelles la cherté de charbon est excessive. Il y a même plus, il y a jusqu'à un certain point disette dans quelques provinces et partout le prix de ce combustible a plus que doublé depuis cinq ans. Messieurs, des établissements industriels se trouvent, en ce moment, dans une position extrêmement gênée, et hier encore, on a déposé sur le bureau de la Chambre une pétition émanée d'un grand nombre d'industriels de la ville de Bruges, d'où il résulte que l'établissement du gaz de cette ville est à la veille de devoir chômer, faute de combustible. Ainsi, d'un jour à l'autre Bruges est exposée à se voir plongée dans les ténèbres.

Plusieurs exploitations de chemins de fer, non seulement ne peuvent plus se procurer du coke à un prix double de celui qu'elles payaient, il y a peu d'années, mais ne peuvent plus s'en procurer que des quantités minimes.

En de pareilles circonstances, messieurs, ne faut-il pas prendre les mesures les plus propres à faire cesser ces grands inconvénients ?

Je ne suis point partisan de droits à la sortie, et à moins de circonstances extrêmement graves et pour des matières tout à fait, spéciales, je ne pourrais me résoudre à adopter le système condamné par la science et l'expérience des faits ; mais dans mon opiuiqu il faut autant que possible favoriser l'importation. Je suis donc grand partisan de la libre entrée du charbon.

Messieurs, j'ai de très fortes raisons de croire que le délai d'un an fixé par le gouvernement n'est pas assez long. Suffira-t-il pour établir des relations entre le commerce belge et les pays voisins et notamment avec l'Angleterre ? Jusqu'ici notre tarif n'a pas permis d'y songer. Pour ces motifs, je proposerai à la Chambre un amendement ayant pour objet d'autoriser la libre entrée du charbon, au-delà du 1er janvier 1857 et jusqu'au 1er janvier 1860, en laissant toutefois au gouvernement la faculté de faire cesser les effets de la loi, si les circonstances l'exigeaient ainsi.

On me répondra peut-être que la libre entrée ne produit aucun résultat ; que jusqu'ici il est entré fort peu de charbon ; je demanderai alors à ceux qui font cette objection quel mal il y a à faire proroger la loi pour un délai plus long. Il me semble qu'en prenant une semblable mesure, on obtiendra au moins un effet moral ; les populations verront qu'on se préoccupe de leurs besoins. Il est évident que la libre entrée pour un terme plus long ne peut avoir que de salutaires effets.

Je me réserve de reprendre la parole si mon amendement est combattu.

M. Laubry. - L'honorable préopinant qui vient de se rasseoir se plaint que le charbon est cher, qu'il est rare dans les Flandres, qu'il en manque même. C'est là, je l'avoue, un mal que je suis le premier à déplorer, mais pour être juste on ne doit pas en rendre responsable l'industrie houillère ; ce n'est pas elle qui a créé la situation.

Comme mesures transitoires à une situation meilleure, vous avez décrété la libre entrée provisoire des charbons étrangers et cette mesure n'a pas été sans effet puisque dans une note insérée à la suite de l'exposé des motifs, du charbon est entré, en petite quantité il est vrai, mais suffisante pour satisfaire aux besoins de quelques localités éloignées des bassins houillers.

Vous avez rapporté depuis les faveurs à l'exportation et cependant l'on se plaint encore alors que la Chambre a fait tout ce qu'il était raisonnable de faire dans l'intérêt des consommateurs.

Si le charbon est encore rare dans les Flandres il faut bien chercher le remède ailleurs, et pour moi je pense qu'on peut l'obtenir en créant des moyens de transport prompts, faciles et économiques.

Vous connaissez, messieurs, l'importance des charbonnages du couchant de Mons ; sa production est déjà considérable et s'accroît tous les jours, et pour lui donner tout le développement dont il est susceptible dans l'intérêt de la production et de la consommation, il faut lui ouvrir des débouchés et faciliter ceux qui lui sont pour ainsi dire naturels, les Flandres, en établissant un chemin de fer qui relie le plus directement possible les centres de production aux centres de consommation ; en les rapprochant vous diminuez les frais de transport et par suite le prix du combustible, et l'on ne dira plus comme aujourd'hui que la houille est rare, car les extracteurs du bassin de Mons pourront en tout temps et en toute saison approvisionner les Flandres.

J'aurai l'honneur de vous faire remarquer, messieurs, que les transports des houilles du bassin du couchant de Mons s'effectuent pour la très grande partie au moyen du canal d'Antoing et de l'Escaut.

Mais comme la navigation est interrompue, pendant quelques mois de l'année, tantôt par la gelée, tantôt parce que les eaux sont trop hautes, tantôt parce qu'elles sont trop basses, tantôt à cause des travaux de réparation, l'une ou l'autre de ces causes amène un encombremeut de bateaux qui, pour passer aux écluses, sont obligés d'attendre plusieurs jours.

Vous voyez ce que peut avoir de fâcheux, pour les consommateurs des Flandres, un pareil état de choses.

Rappelez-vous, messieurs, qu'à diverses reprises on s'est plaint dans cette Chambre, que le charbon manquait à Gand, que les fabriques étaient obligées de chômer faute de combustible. Sans tenir aujourd'hui le même langage, l'honorable préopinant vous dit que le charbon est rare, qu'il y a pénurie, alors, messieurs, que sur le carreau des fosses du couchant de Mons et sur les rivages il y a aujourd'hui plus d'un million d'hectolitres de houille.

Eh bien, messieurs, voulez-vous qu'on ne se récrie plus sur la rareté du combustible, voulez-vous éviter les inconvénients que je vous signale, que l'on accorde immédiatement la concession demandée d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, qui rapproche le plus possible les lieux de production des centres de consommation.

Il y a plus, de dix ans que la concession en est demandée.

Son utilité a été reconnue, le gouvernement a admis cette ligne en principe.

M. le ministre des travaux publics a promis à la fin de la session dernière, de présenter à notre rentrée un projet qui le consacre, et je suis fâché de le dire, jusqu'à ce jour il n'a pas tenu sa promesse.

Je saisis cette occasion pour lui demander s'il est disposé à présenter ce projet ; car il est urgent de faire droit aux réclamations de la ville de Gand et du bassin de Mons dont les intérêts sont réciproques.

Il y aurait encore un moyen de faire baisser le prix des combustibles dans certaines localités, ce serait de suspendre provisoirement la taxe de l'octroi sur la houille, et on arriverait ainsi à en faire diminuer le prix.

Par une étrange anomalie, plus une ville esitéloignée des lieux de production, plus le transport est coûtex et plus est forte la taxe de l’octroi. Ainsi, les droits perçus à Gand de ce chef sont plus élevés qu’à Bruges. Gand perçoit 64 centimes aux 1,000 kilog., Bruges 3 fr. 25 c.

Si le gouvernement voulait ou pouvait mettre à la disposition des producteurs un matériel suffisant, les consommateurs n'auraient pas autant à se plaindre de la rareté du combustible.

J'espère qu'il est en mesure aujourd'hui, pendant la saison d'hiver (page 284) que nous allons traverser, de satisfaire aux demandes qui lui seront faites.

L'honorable préopinant vous a présenté un amendement qui tend à donner à la loi que nous discutons une durée de quatre ans : amendement que je ne puis admettre.

L'honorable membre compte sur l'effet moral que cette mesure produira.

Cette mesure à mon sens ne produira ni ne peut produire aucun effet

Tout le monde sait que l'entrée des charbons étrangers est libre et qu'elle demeurera libre aussi longtemps que nous nous trouverons dans cette situation anormale.

Le gouvernement n'a pas l'intention de rétablir en partie les droits, il ne le ferait que pour des motifs sérieux que vous approuveriez tous pour soustraire nos charbonnages aune concurrence ruineuse.

Nos producteurs ont dépensé des capitaux immenses pour donner à la production tout le développement dont elle est susceptible et ce n'est pas quand ils ont fait ces sacrifices que la Chambre consentirait à compromettre l'existence d'une industrie qui enrichit le pays.

Dans le courant de l'année prochaine nous nous occuperons du tarif des douanes et ce sera alors le moment de s'occuper sérieusement de la question des houilles question, qui est réservée pour le moment. Je pense, messieurs, que les explications consignées dans le rapport de la section centrale sont suffisantes pour espérer que la Chambre n'admettra pas l'amendement proposé et votera le projet tel qu'il est présenté par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, le gouvernement ne peut pas accepter l'amendement qui vient d'être proposé. Demander à proroger la loi jusqu'en 1860, c'est vouloir que l'on traite la question des houilles dans toute son étendue, c'est provoquer une discussion dans les plus vastes proportions.

Qu'allègue l'honorable membre à l'appui de son amendement ? Une seule et unique raison. Il me sera facile de démontrer que cette raison n'a pas de fondement. L'honorable auteur de l'amendement dit que le commerce doit avoir un certain espace de temps devant lui pour organiser l'importation des houilles étrangères ; et c'est en vue d'un tel but qu'il a fait sa proposition ; mais l'honorable membre ne s'est pas aperçu que rien ne serait changé sous ce rapport.

Dans l'état actuel des choses comme dans celui qui existerait si l'amendement était adopté, le commerce ne pourrait pas compter avec certitude sur l'avenir, puisqu'on laisse au gouvernement le droit de suspendre ou de faire cesser les effets de la loi. L'amendement ne peut donc avoir aucun effet à ce point de vue ; cependant en le présentant on nous jette à l'improviste dans une discussion qui embrasse le fond de la question houillère. Proroger la loi jusqu'en 1860 équivaut à une décision définitive ; supprimez la date de 1860 et proposez de voter une loi permanente ; la position sera plus nette. La législature peut toujours revenir sur les lois votées et je puis ajouter qu'il en est beaucoup en matière de douane dont la durée ne se prolonge pas au-delà de quatre ou cinq ans.

Pour ménager des moments précieux, j'engage l'honorable auteur de l'amendement à le retirer ; je prévois que la discussion peut se prolonger plusieurs jours, si on la continue dans les termes où elle est posée ; une mesure d'une telle portée serait, en quelque sorte, une surprise. Beaucoup d'honorables membres de cette Chambre, s'ils avaient pu croire qu'une pareille proposition surgirait, absents aujourd'hui se trouveraient sur leur banc prêts à la traiter dans toute son étendue. J'espère que la Chambre comprenant les considérations que je viens d'exposer, repoussera l'amendement si l'honorable membre ne consent pas à l'abandonner. Les lois de la nature de celle qui vous est soumise sont d'ordinaire adoptées sans opposition et même sans discussion ; la proposition qui est faite la dénature au point qu'elle acquiert la plus haute importance dans un moment inopportun.

M. Moncheur. - Je voterai pour la loi telle que la propose la section centrale. Je pense que dans les circonstances actuelles, il y a lieu d'adopter une mesure législative qui permette la libre entrée du charbon jusqu'au 31 décembre de l'année prochaine, mais je m'oppose à ce que l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom soit adopté.

En effet, nous ne pouvons pas savoir ce qui arrivera d'ici à 1860. Sans être prophète, on pourrait prédire que pendant les quatre années qui vont s'écouler, il pourra se présenter telles circonstances où non seulement vous ne pourrez pas maintenir la libre entrée des houilles en Belgique, mais encore où vous serez contraints par les faits de rétablir un droit d'entrée plus ou moins élevé sur les charbons. (Interruption.)

Ceux qui siégeront ici en 1860 pourront voir si ce que je dis est vrai ou faux. En effet, pourquoi le charbon anglais ne nous arrive-t-il pas à présent ? Tout le monde sait que c'est surtout à cause des événements de la guerre, événements par suite desquels le fret est devenu tellement exorbitant qu'il emporterait une valeur supérieure au prix du charbon anglais lui-même. Eh bien, supposez la paix rétablie, supposez tous les navires qui sont occupés aujourd'hui à opérer des transports pour la guerre, rendus au transport de la houille et des autres produits industriels et vous ne douterez pas que la houille anglaise ne puisse arriver chez nous en telle abondance et à un prix tellement bas que vous serez obligés de revenir à des mesures qui assurent le travail de l'ouvrier houilleur.

M. Lesoinne. - Cela n'est pas !

M. Moncheur. - Vous dites : cela n'est pas ; c'est très tôt dit ; mais il faudrait le prouver. Moi je dis que cela a toujours été et à une époque très rapprochée de nous, et de ce que cela a été, je tire, moi, la conséquence que cela pourra être encore ; il suffît, du reste, que cela soit possible, ce que personne ne niera (et, quant à moi, je crois que celaeest probable), pour que la législature ne se lie pas pour un terme des quatre ans.

Ou a dit qu'il fallait produire un effet moral sur les populations et que cet effet serait produit si vous permettiez la libre entrée de la houille jusqu'en 1860 ; mais je suis étonné de cette grande sollicitude à l'endroit de l'effet moral qui devrait être produit eu égard au charbon, alors que pour le grain, qui n'a, certes, pas moins d'importance que la houille pour les besoins des populations, on a cru qu'il suffisait d'en permettre la libre entrée pendant un an. Je ne sache pas qu'il soit plus nécessaire de se chauffer que de se nourrir. Se nourrir va même avant tout.

Je fais des vœux pour que le charbon baisse de prix et qu'il soit mieux à la portée de tous ; mais vous m'avouerez qu'il n'est pas plus nécessaire de produire un effet moral en ce qui concerne les moyens de se garantir du froid qu'en ce qui concerne le moyen d'éviter la famine.

Messieurs, le meilleur moyen de faire baisser le prix du charbon pour les consommateurs, c'est de rendre moins coûteuse, plus facile la manière de le mettre à la disposition de ces mêmes consommateurs. En d'autres termes, je dis qu'il est absurde qu'une denrée coûte autant et même davantage par les frais de transport, et cela dans l'intérieur du pays, que par le coût de la denrée elle-même prise à quelques lieues de l'endroit où elle se consomme.

On sait que le transport du charbon coûte quelquefois plus du double de sa valeur sur les lieux d'extraction.

Il y a donc lieu de diminuer considérablement le taux des péages là où ils sont trop élevés et surtout de les rendre uniformes. Je le demande, en effet, est-il juste que le gouvernement dise à tel producteur de charbon ou d'autres denrées : Vous concourrez sur tels et tels marchés, non seulement avec vos coproducteurs, mais encore avec l'étranger et vous payerez 15 centimes au quinial pour vos transports, tandis que tel autres producteur ne payera que 2 centimes ou moins encore ? Non, cela n'est pas juste, et il y a là une véritable anomalie. Evidemment encore, quand on dit à la Belgique entière : Vous concourrez sur votre propre marché, sur le marché belge, avec tous les étrangers, il faut que les producteurs belges ne soient pas astreints à des frais de transport infiniment supérieurs à ceux que payent les étrangers chez eux.

Pourquoi les Flandres se plaignent-elles avec raison de la cherté du charbon ? Pour deux motifs : d'abord parce que les péages sont trop élevés, et ensuite parce que les moyens de transport sont trop imparfaits, ou en d'autres termes parce que les véhicules manquent pour opérer ces transports.

Si ceux qui se plaignent en ce moment de manquer de charbon voyaient sur les lieux de production les tas énormes qui s'y trouvent, ils seraient convaincus de ce que j'avance et ils ne comprendraient pas comment le gouvernement ne prend pas toutes les mesures possibles pour que ces marchandises de première nécessité puissent être mises à leur disposition.

Disons donc que le matériel du chemin de fer n'est pas suffisant, et que les moyens de transport, tant par eau que par terre, ne sont pas en rapport avec les besoins de la production et de la consommation. C'est là, messieurs, le point véritablement important sur lequel il faut appeler sans cesse l'attention et du gouvernement et des Chambres.

Je me résume, et je dis, en premier lieu, que la libre entrée des charbons jusqu'au 31 décembre 1856 me paraît parfaitement rationnelle, mais aussi parfaitement suffisante, et en second lieu, que le gouvernement doit prendre des mesures efficaces pour activer les moyens de transport de tous genres et les rendre le moins coûteux possible.

M. le président. - M. Brixhe propose à l'amendement de M. Vandenpeereboom un sous-amendement tendant à fixer le terme de la loi au 1er janvier 1858, au lieu du 1er janvier 1860. Il a la parole pour développer ce sous-amendement.

M. Brixhe. - D'après les observations qu'a présentées M. le ministre des finances, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'espérer qu'il se rallie à mon sous-amendement. Mais je crois devoir le maintenir et le développer. Je livre son sort à la décision que la Chambre dans sa sagesse jugera convenable de prendre.

Messieurs, j'ai très peu de mots à dire pour justifier mon sous-amendement.

L'élévation de prix qui affecte les produits des houillères, comme ceux de toutes les industries minérales et manufacturières en général, résulte d'une situation qui n'a rien de factice. Cette situation repose sur des besoins réels qui se manifestent et sont en développement dans toute l'Europe, en Amérique comme aux Indes. Les transports par voies de terre, les transports par mer nécessitent dans le monde entier une énorme consommation de combustible, et cependant les chemins de fer, la navigation à vapeur ne sont encore qu'à leur début. Quant aux chemins de fer, des faits significatifs se passent chez nous, sous nos yeux, et le grand nombre de demandes en concessions nouvelles qui sont en instance vous permettent de pressentir, de ce côté, les besoins toujours croissants auxquels il faudra pourvoir.

(page 285) Que dirai-je des besoins de la marine ? Vous savez l'échelle immense suivant laquelle s'est faite et se poursuit l'application de la vapeur, comme puissance de propulsion, aux navires de guerre de toutes les sortes, de toutes les tailles.

On fera peut-être cette objection qu'à la paix, qui se fera bien quelque jour, cette dernière cause de consommation disparaîtra avec ses énormes appétits. Je le reconnais volontiers. Mais ne seront-ils pas aussitôt remplacés par d'autres consommateurs tout aussi affamés ? Je veux parler de la marine marchande. Car, on ne peut pas supposer qu'à la paix on continuera exclusivement, suivant le caprice des vents, à naviguer au long cours, vers le Pacifique, l'Inde, l'Australie où les mers de Chine, pendant 4, 6 ou 8 mois, quand avec l'hélice, on peut en six semaines, faire la moitié du tour de notre globe.

Les armateurs, les grands capitaux sont trop intelligents pour cela.

Je néglige, afin d'abréger, l'invention et la réalisation d'industries nouvelles et l'extension des anciennes, ainsi que la progression incessante du nombre des foyers domestiques.

Les courtes observations qui précèdent me semblent suffire à frapper vos esprits, et vous partagerez peut-être avec moi la conviction raisonnable, ce me semble, autant, du moins, qu'il est donné à l'homme de former des prévisions, que pendant longtemps le combustible, comme tous les produits minéraux et industriels qui en dépendent, sera recherché et cher dans le monde entier, partout où l'on travaille, partout où l'on commerce.

D'après cela, messieurs, je ne sais vraiment pas, je l'avoue, quand arrivera le moment où les charbons étrangers pourront affluer sur nos marchés en quantité assez considérable pour inquiéter sérieusement les travailleurs et nos mines.

Pourtant, si je me trompais dans mes prévisions ! et qu'en sais-je réellement ? Je n'y mets donc qu'une confiance limitée, car l'événement dément trop souvent la pauvre sagesse humaine, et ainsi je redoute toujours les inconnues de l'avenir, même le plus prochain. En effet, la production du combustible va croissant d'année en année, mais des lors une réaction dans les affaires pourrait entraîner des perturbations d'autant plus graves.

Le projet de loi permet au gouvernement d'abaisser et de suspendre entièrement les droits d'entrée, et, en vue du bon ordre, par raison d'Etat, il l'autorise aussi à rétablir, au besoin, ces droits d'entrée. Ainsi la prorogation pourrait, certes, en principe, être accordée pour dix ans comme pour 20 ans, et même à perpétuité, sans que j'y trouvasse fort à redire.

Mais, par contre, je me demande pourquoi cette prorogation ne pourrait pas également bien être renouvelée tous les deux ans, par exemple, aussi longtemps que l'intérêt général solliciterait une pareille mesure ?

Or, dans la pratique, j'accorde la préférence à ce système de renouvellement appaisement parce que, tout en causant peu d'embarras, il donnerait certain appaisement à de grands intérêts qui méritent des égards et, tout à la fois, à des populations considérables toujours assez promptes à s'effaroucher.

En adoptant mon amendement, messieurs, vous leur marqueriez une sorte de sollicitude là où l'on serait, peut-être, trop disposé à ne voir, quand même, que des tendances en quelque manière agressives, et, d'après les considérations que je viens de soumettre à votre attention, vous atteindriez le but sans sacrifier aucun principe essentiel.

Voilà, messieurs, ce que j'ai à dire pour vous persuader et essayer de vous amener à accueillir mon sous-amendement.

M. de Mérode. - Je ne crois pas, avec l'honorable M. Laubry, que la construction de nouveaux chemins de fer amène une baisse dans le prix des houilles. Je crois au contraire que ces nouveaux chemins de fer et les services de navigation à vapeur, tous grands consommateurs de houille, contribueront à en faire hausser le prix.

Je pense que le terme proposé par M. Brixhe est suffisant, et qu'il concilie les intérêts du producteur et du consommateur. Je voterai pour son sous-amendement.

M. Osy. - Je suis très contraire à toutes les lois temporaires et exceptionnelles. Cependant nous avons été obligés l'année dernière de faire une loi provisoire sur l'entrée des charbons, et je reconnais qu'il n'est pas plus possible que l'année dernière de faire une loi définitive. Mais le gouvernement s'est engagé à faire une enquête sur tout ce qui concerne tous les produits industriels indistinctement.

Il est donc probable que dans la session de 1850-1857, nous pourrons nous-occuper de l'affaire dont il s'agit. Est-ce que nous aurions raison de faire aujourd'hui une loi pour quatre années, avant d'avoir approfondi la question qui doit être traitée à fond par la Chambre dans un an ? Je pense donc qu'il est plus prudent d'adopter la loi telle qu'elle est présentée par le gouvernement, c'est-à-dire pour l'année 1856, sauf à la renouveler pour une année encore, si la loi industrielle n'était pas votée, pour 1857.

Je ne crois pas que les importations de l'étranger soient considérables. Rien ne peut nous le faire supposer.

Je pense donc qu'il est plus prudent de voter le projet de loi présenté par le gouvernement et dont la section centrale propose l'adoption.

Je voterai en ce sens.

Nous verrons l'an prochain s'il y a lieu de voter une loi définitive.

M. Visart. - Je viens appuyor l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom. Sans doute, il aura sur la situation un effet moral qui pourra amener une baisse dans les prix. C'est extrêmement désirable ; car la cherté du charbon est une véritable calamité qui nuit à bien des industries, en rendant même quelquefois impuissantes leurs luttes avec l'étranger ; nous devons plutôt blesser encore un principe, que de ne point venir à leur secours.

Si, en ces temps calamiteux, les pauvres ont faim, ils ont froid aussi ; il est de notre devoir d'alléger de toute manière leur pénible situation.

C'est même, après tout, faire trop peu de chose qu'adopter cet amendement.

M. Laubry vient de dire que des chemins de fer plus nombreux amélioreraient la situation. Je viens appuyer la proposition de l'honorable représentant de Mons.

Je suis persuadé aussi que de nouvelles lignes de chemins de fer, exécutées promptement et avec intelligence, viendraient en aide a là situation.

Mais il y a un autre mal, c'est que le charbon est trop cher, au lieu même de production. Nous devons faire tout notre possible pour ramener des prix normaux.

L'agriculture, par suite des mesures extra-légales que nous avons dû prendre, éprouve des rigueurs en dehors de la loi commune. Ce serait lui donner une insuffisante mais juste compensation que de ramener vers un chiffre normal le prix du charbon.

J'espère qu'avant la fin de la session une proposition sera faite pour les frapper d'un droit de sortie. (Interruption.) Oui, je l'espère, je le désire de toutes mes forces, que je voudrais voir infiniment plus puissantes en cette occasion.

Je sais que ce sera vivement combattu. Mais j'espère que la philanthropie, que la sympathie que j'invoque ne me fera pas défaut chez, un grand nombre de membres de cette Chambre.

J'attends donc cette proposition, en quelque sorte je la provoque, ou, si je suis appuyé, par de franches et suffisantes convictions, j'en prendrai moi-même l'initiative.

Je termine en déclarant que j'appuierai de mon vote l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable orateur, qui a pris la parole avant moi, a parlé avec grand éloge de l'industrie houilleresse, des efforts qu'elle fait, des progrès qu'elle a réalisés.

Dans toutes les paroles que j'ai prononcées, je n'ai pas dit un mot qui puisse porter atteinte à cette grande industrie. Je ne nie pas que l'industrie houilleresse ne fasse de grands efforts pour augmenter la production, mais je constate un fait. Les charbons sont très chers ; il y a presque pénurie.

Quelle est la cause de cette cherté, de cette pénurie qui est presque une disette ? D'après l'honorable M. Laubry, ce seraient les octrois. D'autres membres ont indiqué les péages. Mais, il y a trois ou quatre ans les péages et les octrois n'étaient-ils pas ce qu'ils sont aujourd'hui ?

Les péages sont restés les mêmes, ils ont plutôt été diminués. Les octrois n'ont pas été augmentés, le gouvernement ne le permettrait pas. Dans certaines villes même on a diminué les octrois sur les charbons, notamment à Bruxelles et à Ypres, et, comme on me le fait remarquer, le charbon est cher partout, même dans les localités où il n'y a pas d'octroi du tout. On ne peut donc accuser les péages et les octrois d'être la cause de la cherté croissante du charbon.

Ce haut prix tient à d'autres causes ; on ne peut même les reprocher à l'industrie ; elle tient à l'augmentation de la demande et à la nature même de cette industrie ; la production du charbon n'est pas, comme pour d'autres, illimitée. On ne peut pas extraire telle ou telle quantité voulue de ce produit, comme on fait une quantité courante de mètres de toile ou de coton, quantité qu'on peut augmenter en achetant les ustensiles nécessaires.

Je constate un fait, il est de notre devoir d'y porter remède autant que possible.

L'honorable ministre des finances, qui a parlé après l'honorable M. Laubry, a semblé m'accuser de présenter ici un amendement par surprise. Y a-t-il la moindre suprise ? La question a été examinée dans les sections. Une section a proposé de voter un délai plus long. On a discuté la question en section centrale ; la proposition, il est vrai, y a été rejeléc par cinq voix contre une, j'étais l'opposant. Moi, messieurs, qui ai été condamné en section centrale, je viens en appeler devant la Chambre et je propose un amendement. Il me semble qu'il y a là une chose très naturelle et qu'il n'y a pas la moindre surprise.

On a objecté que les lois transitoires n'ont ordinairement que la durée d'un an. Cela est possible dans des circonstances normales. Mais dans des circonstances extraordinaires il faut prendre des mesures de même nature, il faut donner aujourd'hui beaucoup de confiance aux acheteurs, je crois, donc que nous pouvons sortir des règles ordinaires.

L'honorable ministre croit que ma proposition est inopportune, que je viens soulever la question houillère tout entière. C'est une erreur. Je propose une simple prorogation de délai et je demande que le gouvernement puisse retirer la libre entrée, si les circonstances actuelles viennent à cesser. Dans une pareille situation je ne vois pas qu'il y ait lieu de discuter toute la question des houilles.

(page 286) L'honorable ministre allègue que nous perdons un temps précieux. Maïs il doit reconnaître que nous sommes ici pour faire quelque chose et si nous pouvons, en discutant un peu, obtenir le charbon à meilleur marché, je crois que notre temps sera très utilement employé.

Du reste, je cherche à ne pas prolonger ce débat. Je ne traite la question qu'au point de vue des circonstances actuelles.

On a objecté encore que la proposition de donner une durée plus longue à la loi n'aura pas d'effet, puisque le gouvernement pourra la retirer quand bon lui semblera. Mais les relations, surtout pour les affaires industrielles, ne se créent pas du jour au lendemain. Jusqu'ici on n'a pas acheté de houilles en Angleterre ; mais j'ai la conviction que si vous donnez à la loi une durée suffisante, et si les prix actuels se maintiennent, il entrera du charbon anglais dans une partie des Flandres, et je pense que si l'on accorde un délai plus prolongé, les marchés seront contractés pour un temps assez long.

L'honorable M. Moncheur nous a dit qu'il pourrait se faire que les charbons anglais nous arrivassent dans des proportions assez fortes. Je ne vois pas où serait le grand mal, s'il nous arrivait une certaine quantité de charbons anglais que nous payerions un peu moins cher.

Vouloir la libre entrée du charbon à condition qu'il n'en entre pas, c'est adopter un remède qui ne peut guérir. S'il en entre trop, si l'industrie du pays se trouve trop fortement lésée, le gouvernement pourra arrêter les exportations. Je ne comprends pas pourquoi on a si peur du charbon anglais et pourquoi il faut à notre grande industrie houillère une protection extrême et dont aucune autre industrie ne jouit. Et qui sont les plus ardents défenseurs de cette protection que je qualifie d’exagérée ? Ce sont en général des libre-échangistes ! Je ne veux citer ni noms propres ni faits. Mais très souvent les honorables membres qui se sont en mainte circonstance posés les défenseurs de la théorie du libre échange, oublient leurs principes aussitôt que se présente la question des houilles, du fer, et même du minerai. On est convenu d'appeler les personnes qui ignorent les principes économiques, des ignorants. Mais je le demande, quelle différence y a-t-il entre les économistes et les ignorants ?

Messieurs, au nombre de mes adversaires plus ou moins déclarés, je trouve l'honorable M. Brixhe qui a présenté un sous-amendement.

Je le crois animé d'un désir sincère de conciliation, et je reconnais que l'honorable membre est parfaitement raisonnable. Appartenant à un arrondissement très intéressé dans la question, l'honorable député a compris qu'il fallait, dans certaines circonstances, faire une concession. C'est très habile et, je le répète, très raisonnable. Je ne veux pas être moins conciliant que mon prudent et sage ami et si le gouvernement veut se rallier à la proposition de l'honorable M. Brixhe, je m'y rallierai également. J'aurai du moins gagné quelque chose et l'honorable député de Charleroi aura de son côté rendu service à ses commettants, il aura écarté de nos débats pour deux ans la question houillère, qui n'a, je crois, rien à gagner à être souvent discutée dans cette enceinte.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Mon opinion est qu'il serait préférable de laisser la Chambre libre d'examiner la question et de se prononcer chaque année, comme cela se fait ordinairement pour des lois de ce genre. Cependant je dois avouer que je ne trouve pas dans l'amendement de l'honorable M. Brixhe les mêmes inconvénients que dans une disposition qui permettrait pendant un temps beaucoup plus long la libre entrée. Si l'on peut, par une concession, éviter de longs et fâcheux débats, je ne m'opposerai pas à l'adoption de la proposition de l'honorable M. Brixhe, à laquelle se rallie l'honorable député d'Ypres ; je m'y détermine d'autant plus facilement que l'honorable député de Charleroi a une connaissance parfaite de la question.

M. Vandenpeereboom. - Je retire mon amendement.

Vote de l’article unique

L'amendement de M. Brixhe est mis aux voix et adopté.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, ainsi amendé, et il est adopté a l'unanimité des 79 membres présents.

Ce sont : MM de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Steenhault, de TSerclaes, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pirmez Prévinaire, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Trémouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Remoortere, Van Renynghe Vervoort, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters 't Wallant, Daulrebande, David, de Breyne, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont et Delehaye.

La Chambre adopte ensuite les conclusions du rapport de la section centrale tendant au renvoi à M. le ministre des finances de la pétition d'un grand nombre d'habitants du canton d'Eeckeren, au nord d'Anvers, qui demander que la faveur de l'entrée libre soit étendue au bois à brûler venant du Brabant septentrional.


M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Je demande, par motion d'ordre, que ma proposition relative à la redevance sur les mines soit renvoyée à l'examen des sections.

- Cette motion est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. Lelièvre. - Je dois déclarer à M. le ministre des travaux publics qu'il ne me sera plus possible de voter aucune allocation pour son département si l'on ne fait droit aux réclamations des habitants de la ville de Namur en ce qui concerne les travaux de la dérivation de la Sambre décrétés par la loi de décembre 1851. La ville de Namur est privée contre toute justice du bénéfice des dispositions que cette loi a sanctionnées en sa faveur.

Le prédécesseur de M. le ministre actuellement en fonctions ava déclaré positivement que la somme par lui proposée suffisait pour effectuer les travaux dont il s'agit ; il est donc évident que le gouvernement doit au besoin demander à la législature toutes sommes nécessaires pour exécuter une prescription formelle d'une disposition législative.

Lors de la discussion du budget des travaux publics, les représentants de Namur se sont plaints vivement de ce qu'on ne faisait pas droit aux réclamations des habitants de Namur. Le gouvernement est resté depuis dans une complète inaction. Je m'abstiendrai par conséquent de voter le crédit demandé, et tous crédits quelconques jusqu'à ce qu'on soit devenu plus juste vis-à-vis de la ville qui m'a envoyé dan cette enceinte.

M. Laubry. - Je prierai M. le ministre des travaux publics de nous dire s'il est en mesure de nous présenter un projet de concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand. Il y a très longtemps qu cette affaire est en instruction et M. le ministre doit avoir tous ses apaisements.

Il a présenté un projet de chemin de fer de Denderleeuw, et s'il est juste de donner cette voie de communication au bassin de Charleroi, il est juste aussi que le bassin de Mons obtienne la sienne.

Je ne conçois pas cette lenteur de M. le ministre pour le chemin de Saint-Ghislain à Gand, alors qu'il se montre si empressé pour le chemin de Denderleeuw.

Je prie M. le ministre de me donner une réponse, et j'espère que cette réponse sera telle, qu'elle satisfera le Couchant de Mons.

M. le ministre aura égard aux nombreuses pétitions qui lui ont été adressées ; il connaît les vœux des nombreux pétitionnaires, et notamment des négociants de Gand, de Saint-Ghislain et d'une grande partie des extracteurs du bassin de Mons. Ce qu'ils demandent, c'est que l'on rapproche le plus possible les centres de production des lieux de consommation pour pouvoir obtenir les transports aux meilleures conditions.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable membre voudra bien remarquer qu'il n'est pas au département des travaux publics de question aussi grave que celle des débouchés à donner aux bassins houillers. D'abord l'intérêt des consommateurs exige, que sur les lieux de consommation les plus importants, le charbon arrive de différents centres pour qu'une légitime concurrence y réduise le prix autant que possible. D'un autre côté le gouvernement doit s'efforcer de maintenir l'équilibre entre les différents bassins. C'est dans cet ordre d'idées que toute l'inslruction a été dirigée. Si on est arrivé à une solution plus rapide pour la voie qui doit relier l'un des bassin houillers à la ville de Gand, c'est que les différences essentielles qu'offraient les projets ont peimis de les apprécier plus facilement.

Quant à la ligne de Mons vers Gand, les études se poursuivent, et je puis déclarer à l'honorable membre qu'à l'époque où le chemin de Luttre à Denderleeuw sera en discussion, le gouvernement pourra communiquer à la Chambre ses intentions. Elle verra qu'il n'a pas étudié la question d'une manière isolée, que tous les intérêts engagés auront eu le moyen de se faire entendre.

Je remercie l'honorable membre de m'avoir procuré l'occasion de faire cette déclaration, qui sera utle, je pense, pour l'examen auquel les membres de la Chambre doivent se livrer du projet de loi qui a été soumis à vos délibérations dans une de vos dernières séances.

M. Laubry. - Je remercie M. le ministre des travaux publics de ce qu'il vient de dire. J'insisterai cependant pour que le gouvernemen présente un projet de chemin de fer du couchant de Mons vers Gand.

Je ne demande pas mieux qu'on discute les deux projets simultanément ; mais je ne veux pas qu'on discule d'abord un projet destiné à donner satisfaction aux intérêts d'un bassin, qui est déjà favorisé au détriment d'un autre.

M. le ministre des travaux publics a dit qu'il ne voulait pas rompre l'équilibre entre les bassins ; eh bien, pour rester conséquent avec cette déclaration, M. le ministre doit faire discuter et voter les deux projets simultanément.

M. le ministre a dit qu'il n'était pas encore parfaitement édifié sur le projet qui intéresse le couchant de Mons. Mais, messieurs, il y a longtemps que le gouvernement a un parti pris. S'il ne s'explique pas aujourd'hui, c'est qu'il ne le veut pas ; l'instruction est terminée depuis longtemps ; du moins l'opinion du gouvernement était déjà arrêtée à l'époque où, sur une interpellation de notre honorable président, l'on disait : Oui, vous aurez le chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, Je demande aujourd'hui l'exéculion des promesses qu'on a faites alors ; je demande le dépôt d'un projet de loi.

M. Allard. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics (page 287) vient de nous dire qu'il ne veut pas rompre l'équilibre qui doit exister entre tous les bassins houillers ; eh bien, pour ne pas le rompre, il n'aurait pas dû se borner au projet de loi qu'il a déposé dans une de nos dernières séances : il aurait dû en présenter en même temps un pour le bassin du centre et un pour le Borinage. Il est incontestable qu'on veut faire une position privilégiée âu bassin de Charleroi qui est celui des trois bassins le plus éloigné du marché de Gand, marché dont il serait le plus rapproché par le chemin de fer qui fait l'objet du projet de loi présenté récemment.

La Chambre devrait se refuser à discuter ce projet, avant d'être saisie de projets de loi pour les deux autres bassins.

- La discussion générale est close. On passe aux articles.

Vote des articles et sur l'ensemble

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un crédit provisoire de trois millions trois cent quatre-vingt-trois mille sept cent soixante et quatorze francs (3,383,774 fr.), à valoir sur le budget des dépenses de ce département pour l'exercice 1856.

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1856. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Voici le résultat de cette opération :

80 membres sont présents.

79 membres répondent oui.

1 membre s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont et Delehaye.

M. Lelièvre, qui s'est abstenu, motive son abstention en ces termes. - Je me suis abstenu parce qu'on n'exécute pas la loi de décembre 1851 en ce qui concerne les travaux de la dérivation de la Sambre garantis à la ville de Namur.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy (pour une motion d’ordre). Messieurs, il reste à l'ordre du jour un crédit provisoire pour le département de l'intérieur ; nous pourrons encore le voter aujourd'hui.

Nous avons ensuite le projet de loi concernant la fabrication des eaux-de-vie et sur lequel l'honorable M. Deliége a déposé un rapport au commencement de cette séance. Il s'agit de proroger une loi. Il y a enfin un crédit supplémentaire pour le département des travaux publics, crédit sur lequel l'honorable M. Van Hoorebeke a fait un rapport hier. Ce rapport ne nous a pas encore été distribué. Il paraît qu'il nous sera impossible de nous occuper de cette affaire avant les vacances de Noël. Je demande, en conséquence, que ce crédit soit discuté à notre rentrée que je propose de fixer au 15 janvier prochain, à 2 heures ; la Chambre se séparerait samedi ; demain elle reprendrait la discussion du projet de loi relatif à la navigation à vapeur vers le Levant, et elle discuterait ensuite le projet de loi sur les distilleries.

M. le président. - La Chambre a décidé que la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Contich a Lierre serait ajournée à un mois ; je dois faire observer que le délai expire demain.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, j'avais l'intention de soumettre demain à la Chambre la nouvelle convention que j'ai projetée ; cette convention est rédigée dans des termes à peu près semblables à ceux qui ont été indiqués par les membres qui ont pris part à la discussion.

M. Prévinaire. - N'y aurait-il pas lieu de renvoyer la nouvelle convention à la section centrale qui a examiné le premier projet ?

M. Malou. - Messieurs, il ne faut pas décider dès à présent qu'on ne discutera pas le rapport de l'honorable M. Van Hoorebeke sur le crédit supplémentaire de 1,900,000 francs demandé par le département des travaux publics ; demain chacun de nous aura le rapport ; nous pourrons apprécier alors s'il y a lieu de remettre la discussion de ce crédit jusqu'à notre rentrée.

Les crédits supplémentaires qui sont toujours remis ont cette conséquence, que l'Etat est le plus mauvais payeur de tous, qu'il est le plus mal servi et qu'il paye beaucoup plus cher.

M. Delfosse. - Je suis du même avis que l'honorable M. Malou ; il ne faut pas qu'il y ait des retards dans le payement des sommes dues aux fournisseurs de l'Etat, mais il ne faut pas non plus que des projets importants soient adoptés sans examen, avec précipitation.

Le gouvernement a souvent le tort de présenter les demandes de crédits supplémentaires à une époque où la Chambre n'a plus le temps de les examiner.

Il n'y a du reste aucun inconvénient à ne statuer que demain sur la proposition de M. Osy.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable M. Delfosse vient d'adresser au ministre des travaux publics un reproche qui n'est pas fondé ; la demande de crédits supplémentaires a été déposée le 20 novembre dernier ; on ne pouvait pas la présenter avant de s'être assuré de l'insuffisance de crédits à laquelle il s'agit de parer. J'avoue que la somme est importante et que la Chambre doit prendre le temps nécessaire pour examiner le projet de loi. Je suis aux ordres de la Chambre, si elle veut le discuter demain ; mais si elle préfère le renvoyer après les vacances, je n'y vois aucun inconvénient, si ce n'est de retarder encore le payement de créances pour lesquelles on attend déjà depuis quelque temps.

M. Delfosse. - J'ai parlé en règle générale, j'ai dit et je le maintiens, que le gouvernement attend presque toujours le moment, où la Chambre va prendre des vacances et où la session est sur le point de se clore pour présenter des demandes de crédits supplémentaires.

M. le président. - Demain nous aurons les prompts rapports de pétitions qui ont été demandés.

M. Lebeau. - Messieurs, on a demandé que la Chambre prît une vacance de trois semaines et s'ajournât au 15 janvier. En présence d'un ordre du jour aussi chargé que celui que nous avons, une vacance de 15 jours ne serait-elle pas suffisante ? Nous avons encore à voter deux budgets de l'exercice prochain, de sorte que nous en aurons six à voter dans une session nécessairement limitée.

Au surplus ne me proposant pas de prendre de vacances, de m'absenter de la capitale, il me convient peut-être moins qu'à tout autre de proposer de borner la vacance à 15 jours.

M. Osy. - Je concevrais l'observation de l'honorable membre si les rapports sur les budgets étaient faits et je me rallierais à sa proposition, mais vous n'aurez pas même ces rapports à votre rentrée, de sorte qu'il n'y a pas d'inconvénient à s'ajourner au 15, comme je l'ai proposé.

- La proposition d'ajournement au 15 janvier à partir de samedi est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de l’intérieur

Discussion générale

M. Devaux. - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas présent. A l'occasion du crédit provisoire demandé pour sont département, j'ai à émettre une observation dont je prie ses collègues de lui faire part.

Une loi très importante est soumise à la Chambre, je veux parler de la loi sur l'instruction supérieure. Je ne sais si le gouvernement adopte le projet dont la Chambre a été saisie par le cabinet précédent. S'il n'en est pas ainsi, je l'engage vivement à retirer le projet et à nous en présenter un dont il prenne la responsabilité. Il y a danger à discuter unet loi aussi importante et aussi compliquée en présence d'un projet que le gouvernement ne soutiendrait pas. Ce que je conseille ne doit pas effrayer, ce n'est pas seulement là le rôle le plus naturel et le plus honorable pour le gouvernement, mais c'est encore celui dont il s'applaudira le plus ; et en réalité si on veut procéder avec loyauté et modération, il n'y a pas là de difficulté dont il faille s'effrayer. Le cabinet du 12 août a montré qu'il n'était pas difficile de résoudre la question sous le rapport politique sans qu'aucune opinion eût à se plaindre. Et quant à la question scientifique je dis que si le gouvernement veut s'y employer de bonne foi, il n'est pas difficile d'arriver à une solution aussi satisfaisante pour tous. Je pense même que plus d'une voie peut conduire à ce but, mais c'est évidemment par le gouvernement lui-même, agissant avec maturité et prudence, après s'être entouré de lumières, qu'un tet résultat peut être atteint.

Si dans une loi organique de cette importance le gouvernement voulait s'effacer ou prendre une position secondaire, il est facile de prévoir que dans la discussion sa position deviendrait aussi difficile que peu digne et qu'il arriverait plus d'une fois ce qui est arrivé pour l'examen du grade d'élève universitaire, que des hasards d'une discussion conduite par d'autres que le gouvernement sortiraient des résolutions que regretteraient plus tard ceux mêmes qui les auraient prises. (Interruption.)

Les murmures peu nombreux que j'entends essayent en vain de contester ce qui n'est nullement douteux. Un grand nombre de ceux qui se sont laissé aller à donner leur vote à cette résolution de la Chambre l'ont regretté depuis, et, si la mesure prise alors devait être remise aux voix aujourd'hui, le résultat serait tout différent.

Il ne faut pas risquer de tels hasards ; le gouvernement, si c'étaient là les résultats de son inaction, en serait, à juste titre rendu responsable, car, s'il ne sait pas s'élever à la hauteur de son rôle, il est à peu près impossible que d'une discussion mal conduite ne sorte pas une loi funeste pour l'instruction supérieure. Si, au contraire, le gouvernement prend la position qui lui convient, il y a plus d'un moyen d'amener une solution qui, tant sous le rapport politique que sous celui des intérêts de la science, satisfasse les diverses opinions.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il est à ma connaissance que M. le ministre de l'intérieur s'est déjà occupé de cette question ; mais c’est à lui que je dois laisser le soin de répondre à l'interpellation de l'honoorable membre. Je me borne donc à déclarer que le gouvernement ne manquera pas de faire connaître ses intentions à cet égard.

M. Orts. - Comme membre de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi concernant l'instruction supérieure, je dirai que M. le ministre de l'intérieur aura d'autant moins de peine à faire connaître son système qu’ayant été notre collègue dans la section centrale, il y a exposé et défendu cee système comme membre de la Chambre.

En outre, M. le ministre de l'intérieur, quand il s'est agi de recomposer la section centrale devenue incomplète par suite du changement du cabinet, a annoncé qu'il présenterait les idées du gouvernement comme amendement au projet de la section centrale.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit provisoire de un million deux cent mille francs (1,200,000 fr.), à valoir sur le budget des dépenses de ce département pour l'exercice 1856. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1856. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

Il est adopté à l'unanimité des 76 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. de Renesse, de Rudderc de Te Lokeren, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters't Wallant, Dautrebande, David, de Breyne de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, Félix de Merode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer de Perceval, de Portemont et Delehaye.

- La séance est levée à 4 heures et demie.