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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Maertens (page 729) procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des secrétaires communaux dans l'arrondissement de Bruxelles déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 22 décembre dernier. »

« Même déclaration de secrétaires communaux de Bellinghen, Brages, Castre et Pepingen et de l'arrondissement de Namur. »

M. Wasseige. - Les secrétaires communaux de l'arrondissement de Namur viennent, à l'unanimité, joindre leurs réclamations à celles de leurs collègues de toute la Belgique, sollicitant une amélioration à leur position actuelle. Tout le monde paraît d'accord sur ce point qu'il y a lieu de faire quelque chose en faveur de ces utiles et modestes fonctionnaires. M. le ministre de l'intérieur lui-même l'a reconnu lors de la discussion de son budget ; mais il serait temps que les faits vinssent se mettre en harmonie avec les paroles, et c'est pour arriver le plus promptement possible à ce résultat, que je prie la Chambre de renvoyer la pièce dont il s'agit à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« La chambre de commerce et des fabriques de Courtrai demande que la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai projeté par le sieur Tarte, ne soit accordée que sous l'obligation d'exécuter cette ligne dans tout son parcours. »

M. de Haerne. - Messieurs, la chambre de commerce de Courtrai se joint à d'autres corps qui ont déjà demandé la construction du chemin de fer de Saint-Ghislain à Courtrai.

Je propose le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Thielt demande que la concession du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ne soit accordée que sous condition de prolonger cette ligne jusqu'au camp de Beverloo par Winghe-Saint-Georges et Diest. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs chemins de fer.


« L'administration communale de Louvain demande que la concession des chemins de fer de Bruxelles à Louvain et de Louvain à Diest et au camp de Beverloo soit accordée à la compagnie qui consentirait à construire à la fois ces deux lignes. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Bourg-Léopold demande que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue d'exécuter la ligne de Louvain au camp de Beverloo par Winghe-Saint-George, Diest à Beeringen, et subsidiairement qu'il soit accordé une garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour assurer l'établissement du chemin de fer de Louvain à Bourg-Léopold ou que le gouvernement soit autorisé à traiter avec les demandeurs en concession de cette ligne, sur des bases analogues à celles admises pour le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

- Même renvoi.


« Il est fait hommage à la Chambre, par MM. Ch. Minne et Amand Colson, directeurs de la boulangerie économique de Bruxelles, de 110 exemplaires de l' « Aperçu qu'ils ont fait publier sur le nouveau producteur alimentaire philhygiène. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Rapports sur des pétitions

M. Deliége, rapporteur. - Par pétitions datées l'une de Louvain le 28 décembre dernier, l'autre de Liège le 7 février courant, les conseils communaux de ces villes demandent la construction d'un chemin de fer direct de Louvain a Bruxelles.

L'importance de cette demande a engagé la commission des pétitions à demander des renseignements à M. le ministre des travaux publics qui nous a transmis la note suivante :

« L'utililé d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain est incontestable, non seulement au point de vue de l'intérêt des relations entre ces deux localités, mais encore au point de vue de l'intérêt du trésor.

« En effet, après l'achèvement du chemin de fer direct de Bruxelles à Namur, la distance de Bruxelles à Liège, en empruntant ce chemin de fer et celui de Namur à Liège, sera à peu près la même qu'en empruntant la ligne actuelle de l'Etat par Louvain, et il est à remarquer que dans la première de ces directions on ne sera pas assujetti, comme on l'est dans la seconde, au passage d'un plan incliné, qui est souvent une cause de retard pour les convois.

« Il est dès lors évident que, si on ne construisait pas un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, les lignes combinées de Bruxelles à Namur et de Namur à Liège pourraient enlever à celle de l'Etat tous les transports qui se font entre Bruxelles et Liège, ce qui causerait une perte considérable au trésor.

« Ces considérations n'ayant pas échappé au gouvernement, son intention est de comprendre l'exécution d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, par voie de concession, dans le projet de loi qu'il se propose de présenter aux Chambres législatives, pour l'établissement d'un certain nombre de chemins de fer. »

Le projet de loi annoncé dans cette note a été déposé sur !e bureau de la Chambre, dans la séance du 12 février courant.

Il ne nous reste donc qu'à vous proposer le renvoi des pétitions des conseils communaux de Louvain et de Liège à la section centrale qui sera chargée d'examiner ce projet de loi.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Deliége, rapporteur. - Par pétition datée de Tervueren le 22 janvier dernier, le conssil communal de cette localité demande que le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain passe par Tervueren.

Nous avons l'honneur de vous proposer de renvoyer cette pétition à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics qui vous a été présenté dans votre séance du 12 de ce mois.

Nous avons l'honneur de vous proposer de renvoyer à la même section les deux pétitions qui nous ont été transmises les 28 janvier dernier et 7 février courant, l'une du sieur Desforge, réclamant que la priorité pour la concession d'un chemin de fer direct de Louvain à Bruxelles lui soit conservée, l'autre du conseil communal de Diest demandant que la concession du même chemin ne soit accordée que sur la condition de prolonger cette ligne jusqu'à Diest. Le conseil communal prie en outre la Chambre de n'accorder la concession d'une voie ferrée de Hasselt à Malines qu’à la condition de comprendre Diest dans le parcours de cette ligne.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donck, rapporteur. - Par pétition datée de Lokeren, le 19 janvier, plusieurs négociants et industriels, à Lokeren, demandent l'abolition de la surtaxe à laquelle se trouve soumis le charbon du Centre qui n'emprunte le canal de Charleroi qu'a partir de Seneffe.

Même demande de négociants en charbon, industriels et habitants de Louvain, Wetteren, Bruxelles, du conseil communal de Molenbeek-St-Jean, des sieurs de Smedt et Cie, d'industriels à Boom, Tamise, St-Nicolas, Lembecq, Hal, Ruysbroeck, Leeuw-St-Pierre et Tubise.

Par pétition datée de St-Vaast, le 13 décembre 1855, les sieurs Warocqué, de Quanter, et autres exploitants de charbonnages du Centre demandent que leurs produits ne soient plus assujettis à la surtaxe qu'ils payent pour leur transport par le canal de Charleroi à Bruxelles.

Votre commission, messieurs, m'a autorisé à comprendre toutes ces demandes dans un même rapport.

Les pétitionnaires se plaignent de ce que les industriels qui empruntent le canal de Charleroi, seulement à la hauteur de Seneffe, sont obligés de supporter les mêmes péages que ceux qui empruntent le canal de Charleroi même jusqu'à Bruxelles.

La distance de Charleroi à Bruxelles et de 14 lieues. La distance de Seneffe à Bruxelles n'est que de 9 lieues. Le péage est de 2 fr. par tonne. Par conséquent, disent les pétitionnaires, il y a une injustice à redresser ceux qui empruntent le canal à la hauteur de Seneffe ne voudraient plus payer que dans la proportion de 2 fr. pour le parcours de 14 lieues.

Mais votre commission, messieurs, ne s'est pas dissimulé le but des pétitionnaires. D'un côté il y a réellement une injustice apparente ; mais d'un autre côté, la conséquence du redressement de ce grief, c'est que le trésor y perdrait considérablement.

Or, pour que le trésor n'y perde pas, votre commission s'est posé la question de savoir s'il ne serait peut-être pas utile, pour le cas où il faudrait toucher aux péages du canal de Charleroi, et redresser ce prétendu grief, de maintenir en principe le péage de 2 fr. pour tous ceux qui empruntent le canal à Seneffe, et de l'augmenter pour le parcourt, depuis Seneffe jusqu'à Charleroi. Alors tout le monde sera mis sur le même pied, et au lieu de 2 fr. on payera à peu près 3 fr., de Charleroi à Bruxelles.

C'est cette considération que j'ai l'honneur de communiquer à la Chambre et au gouvernement.

- Les conclusions de la commission sont le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Faignart. - Messieurs, je viens appuyer la demande faite par de nombreux pétitionnaires qui, depuis un temps excessivement long, sont assujettis à payer un droit que, certes, en équité ils ne doivent point.

(page 730) Vous savez, messieurs, que, comme l'a dit l'honorable rapporteur, de Charleroi à Bruxelles par le canal, il y a quinze lieues. Les produits du bassin de Charleroi arrivent à Seneffe sans avoir dû payer un centime sur le canal de l'Etat, et là seulement, ces produits concourent, sous le rapport du péage, avec ceux du bassin du Centre, lorsque ceux-ci ont déjà été soumis à un droit sur les embranchements. A partir de Seneffe chacun paye deux francs par tonne. Vous remarquerez facilement, messieurs, l'injustice qu'il y a dans cette mesure, si vous la comparez à ce qui se passe sur les chemins de fer et sur les routes. Certainement c'est là une criante injustice qu'il importe de faire disparaître.

Il faut ausssi remarquer, messieurs, que les expéditions du Centre, qui vont de Seneffe à la Sambre, par conséquent en empruntant à Seneffe le canal de Charleroi, sont soumises au droit, tandis que de Charleroi l'on ne paye rien jusqu'à Seneffe.

L'on rend indemnes, les produits d'un bassin houiller, et l'on impose ceux d'un autre, lorsque les produits de ce dernier parcourent le canal de Seneffe à Charleroi, là où Charieroi n'a rien à payer.

Voilà deux anomalies qu'il est indispensable de faire disparaître et j'appelle sur cet objet toute l'attention de la Chambre.

Du reste, messieurs, cette faveur n'a lieu que pour le canal de Charleroi, car pour tous les autres canaux, le péage est fixé en raison de la distance parcourue comme sur le chemin de fer, comme sur les routes pavées.

La Chambre sait qu'un grand nombre de réclamations lui ont été adressées à ce sujet. Vous en avez reçu dernièrement encore, revêtues de nombreuses signatures par beaucoup d'industriels, de négociants et de consommateurs. Ces personnes qui sont établies le long du canal de Charleroi depuis Tubize, Lembecq, Bruxelles et au-delà, voire même jusqu'à Lokeren, Saint-Nicolas, Gand, Anvers, tous ces industriels, certainement, ont le droit de se plaindre puisqu’on leur impose une surtaxe sur les produits dont ils ont besoin.

Je ne m'étendrai pas davantage, messieurs, sur ces considérations. J'appuie les conclusions de l’honorable rapporteur et je propose d'y ajouter une demande d'explications. Il est temps que cet état de choses finisse. Il faut que le gouvernement s'explique, et qu'il donne satisfaction à des réclamations légitimes s'il ne veut être accusé de partialité envers certains exploitants et d'indifférence par les consommateurs.

M. de Steenhault. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Faignart d'ajouter aux conclusions de la commission une demande d'explications. Il faut que nous sachions à quoi nous en tenir sur un fait qui, réellement, ne peut plus durer, qui constitue une véritable anomalie et, peut-on dire, le sublime du genre en fait de protection.

Voilà une industrie qui n'est pas satisfaite de ses immenses débouchés à l'extérieur, d'une protection jadis douanière, d'une protection résultant aujourd'hui des traités, du prix élevé de ses produits, mais à laquelle il faut encore une protection à l'intérieur, qui veut infliger une augmentation de prix aux consommateurs les plus rapprochés du centre de production, parce que malheureusement il y a un centre de production qui s'en trouve plus éloigné.

Si cette disposition était générale, elle ne serait qu'absurde ; mais elle est malheureusement injuste. J'ai ici le relevé des divers modes de tarification établis pour nos voies navigables, ; or, sur tous nos canaux on perçoit par tonne et par lieue ; ce n'est que sur le canal de Charleroi qu'on paye, pour quelque distance que ce soit, à raison de toute la ligne.

Du reste, la question n'est pas neuve. En France, avant 1836, la même chose existait ; en 1836, la tarification a été rendue uniforme. En Belgique, dès 1850, la question a été agitée au ministère des travaux publics. Voici une circulaire qui a été adressée par M. le ministre des travaux publics en 1851 ; j'y lis ce qui suit : (L'orateur donne lecture de cette circulaire.)

Voici une circulaire qui est adressée aux gouverneurs pour les inviter de demander l'avis des chambres de commerce ainsi que des ingénieurs des ponts et chaussées :

« Je n'ai point à examiner ici si le système de tarification en vigueur sur nos voies navigables est conforme à la raison, si ce système n'aurait pas dû être en harmonie avec ce qui se passe sur nos routes, sur nos chemins de fer, où la perception s'opère en raison des distances parcourues ; je n'ai point à examiner ce qu'il eût été convenable qui fût, mais j'ai à tenir compte de ce qui est. »

Ce que disait alors M. le ministre des travaux publics prouve assez combien il était loin de considérer le système en vigueur comme raisonnable et comme bon à être conservé.

Messieurs, l'honorable rapporteur disait tout à l'heure qu'il fallait sauvegarder les intérêts du trésor. C'est très bien, mais il ne faut pas qu'il y ait injustice ; or, ici les intérêts du trésor ne peuvent être sauvegardés qu'à l'aide d'une injustice flagrante.

Si la disposition contre laquelle je m'élève était juste, pourquoi ne l'appliqueriez-vous pas à tous les chemins de fer que vous allez concéder ?

Nous sommes dans un véritable labyrinthe, il faut en sortir, il faut une tarification générale et uniforme. Ce n'est pas à une époque où toutes les denrées de première nécessité sont à des prix si élevés, à une époque où l'industrie en général, et l'industrie charbonnière surtout est aussi prospère, qu'il faut encore, par des combinaisons artificielles et souverainement arbitraires et injustes, tendre à augmenter le prix d'une denrée aussi nécessaire.

J'insiste donc pour demander le renvoi avec demande d'explication.

M. Osy. - Je pense aussi que l'anomalie qui est signalée doit disparaître ; en effet ; il est une foule de localités qui, pour les houilles venant de marché du Centre, doivent payer le péage, à raison de quinze lieues de parcours, tandis qu'il n'y a qu'un parcours de neuf lieues. Il est donc temps que cette affaire se termine. Il faut faire payer le parcours réel.

J'appuie donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explication.

M. Van Cromphaut. - Messieurs, je viens à mon tour appuyer les pétitions sur lesquelles il vient d'être fait un prompt rapport. Elles méritent au plus haut point l'attention de la Chambre et du gouvernement.

Comment serait-il possible de laisser exister plus longtemps une charge aussi arbitraire qui ne trouve sa justification nulle part ? Il est temps de faire cesser cet abus ; car c'est bien un abus que de faire payer un droit de tonnage pour un parcours de 15 lieues, alors qu'on n'emprunte le canal que sur une distance de 9 lieues seulement. Les extracteurs du centre ont de graves motifs de se plaindre de l'illégalité de la taxe dont sont frappés les produits de ce bassin. Il suffit de jeter un coup d'œil sur l'exposé du comité des houillères qui a été déposé sur le bureau de la Chambre le 19 décembre dernier, pour se convaincre de ce qu'il y a d'arbitraire et d'injuste dans cette taxe.

Messieurs, ce ne sont pas seulement les intérêts des charbonnages en question qui souffrent de cet état de choses, mais plus particulièrement encore ceux des consommateurs du Brabant, de la province d'Anvers, de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale qui sont principalement dupes de la surcharge dont il s'agit.

Le péage de Charleroi à Bruxelles, sur un parcours de 15 lieues, est de 2 fr. par tonne, et chose étonnante, on fait payer la même taxe pour le parcours de Seneffe à Bruxelles qui n'a qu'une distance de 9 lieues, au lieu de 1 fr. 20 seulement qu'on devrait payer, en se basant sur la justice toute naturelle de la chose, c'est-à-dire la distance parcourue.

Il serait inutile d'entrer dans de plus longs développements pour faire ressortir l'utilité et l'équité d'abolir un droit de péage aussi injuste qui, comme je viens de le dire, ne trouve nulle part sa justification. Je me plais à croire que le gouvernement comprendra l'urgence de faire droit à des réclamations aussi parfaitement fondées.

J'appelle sa sérieuse attention sur cet objet, et j'appuie le renvoi de toutes les pétitions qui y ont rapport, à M. le ministre des finances qui voudra bien, dans un bref délai, pourvoir au moyen de mettre un terme à cette criante injustice.

M. Dechamps. - Messieurs, ce n'est pas un moment opportun pour discuter à fond, à propos d'un rapport de pétitions, une question aussi importante que la réforme du tarif des péages ; car, veuillez bien remarquer, messieurs, que le principe dont les pétitionnaires demandent l'application, implique la réforme générale de notre système des péages. L'anomalie dont le bassin du Centre et les consommateurs se plaignent, à bon droit, devra être redressée. Le principe des péages par distance qu'on veut faire prévaloir, est celui que j'ai constamment défendu à cette tribune. J'appuie doue le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

La Chambre de commerce de Charleroi a demandé depuis longtemps l'application générale de ce principe. Mais évidemment nous ne pouvons en vouloir l'application partielle ; ce serait une nouvelle injustice grevée sur toutes les autres. Je ne discute pas, je ne fais que poser la question. L'honorable rapporteur, si j'ai bien compris, exprimant une opinion individuelle, dans l'intérêt du trésor public, a émis l'avis que l'uniformité des péages à établir sur le canal de Charleroi, le serait, non par voie d'abaissement, mais en élevant les péages entre le bassin du centre et Charleroi, afin que le trésor public n'en souffre pas.

C'est une erreur de fait. Si on élevait les péages du canal de Charleroi, contre l'exagération et l'exorbitance desquels je me suis tant de fois élevé, ce ne serait pas au profit du trésor, mais au profit des chemins de fer concédés, que cette élévation aurait lieu.

Le chemin de fer de Louvain à la Sambre, pour ne citer que celui-là, aurait bientôt le monopole des transports vers Bruxelles, vers Anvers et les Flandres.

Le gouvernement sera bien forcé, quoiqu'on fasse, à réduire prochainement ces péages, s'il veut que la voie du canal de Charleroi ne soit pas abandonnée.

Je me borne à cette observation, je ne m'oppose pas au renvoi proposé, mais sans adopter les commentaires du rapport.

M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. de Steenhault ; il a dit que je voulais maintenir l'injustice que présente la fixation du péage sur le canal de Charleroi, parce que le trésor en souffrirait. Telle n'a pas été mon intention. J'ai dit qu'il y avait deux moyens de rendre justice aux plaintes des pétitionnaires, soit en abaissant le péage, soit én le maintenant de Seneffe à Charleroi, et en l'augmentant sur la partie du canal depuis Seneffe jusqu'à Charleroi ; par ce dernier moyen, le trésor ne perdrait rien et vous ne recevriez plus aucune pétition venant demander le redressement de grief.

- Plusieurs voix. - La clôture !

(page 731) M. de Theux. - Messieurs, la question est assez importante. Les exploitants du Centre se plaignent d'un grand grief ; ce grief-est-il fondé ? La construction du canal a été faite moyennant une concession dont la condition essentielle a été l'égalité des péages afin d'élever les revenus à une hauteur suffisante pour couvrir la dépense. Maintenant que le gouvernement a racheté la concession, faut-il que l'Etat subisse la perte de la réduction de péage qu'on demande ?

Je ferai observer que déjà on a opéré une réduction d'un quart et ensuite une autre réduction depuis l'établissement du chemin de fer, et le bassin du Centre a obtenu un embranchement.

Je livre ces faits à l'attention du gouvernement, afin qu’il les médite avant de prendre une détermination. (Aux voix ! aux voix !)

M. de Steenhault. - Je ne vous tiendrai pas longtemps. Cette affaire regarde les deux départements des travaux publics et des finances, je demande que la pétition soit renvoyée aux ministres des finances et des travaux publics avec demande d'explications.

M. de Perceval. - On est d'accord. Assez, assez ! Aux voix !

M. Faignart. - Je ne désire pas entrer dans la discussion du fond. Je demande que les pétitions soient renvoyées aux ministres des finances et des travaux publics avec demande d'explications. Je désire que cette affaire se termine incessamment afin que le commerce sache à quoi s'en tenir.

- Le renvoi à MM. les ministres des finances et des travaux publics, avec demande d'explications, demandé par M. Faignart, est mis aux voix et prononcé.

Projet de loi modifiant la loi sur les extraditions

Discussion générale

M. le président. - Deux propositions viennent d'être déposées sur le bureau ; elles sont ainsi conçues :

Proposition de M. Lelièvre : « Je propose de rédiger le projet de loi en ces termes :

« Le paragraphe suivant est ajouté à l’article 6 de la loi du 1er octobre 1833 :

« L'attentat contre la personne du chef d'un gouvernement étranger ou contre celle des membres de sa famille, lorsque cet attentat constitue le fait soit de meurtre, soit d'assassinat, soit d'empoisonnement ne sera pas réputé délit politique. Il pourra ainsi être réputé fait non connexe à semblable délit. »

Proposition de M. Devaux :

« Paragraphe additionnel à la proposition de M. Lelièvre :

« Nul ne pourra être considéré comme complice s'il n'a sciemment et matériellement aidé à la perpétration de ces crimes, ou s'il n'a fourni des instruments ou moyens matériels de les commettre, sachant qu'ils doivent y servir. »

Hier, on avait demandé le renvoi à une commission spéciale de sept membres à nommer par le bureau. Je suppose que d'après la proposition de M. Vervoort ces propositions devraient aussi être renvoyées à cette commission.

M. Vervoort. - Oui, M. le président,

M. Lebeau (pour un rappel au règlement). - Le règlement exige que les amendements soient avant tout développés et appuyés. Je demande qu il en soit ainsi avant qu'il soit statué sur le renvoi à une commission.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'il n'est pas impossible d'arrêter uue rédaction qui puisse être acceptée par la Chambre entière. Remarquez que nous sommes d'accord sur les principes qui sont la base du projet.

Mes amis et moi, nous ne voulons pas soustraire à l'extradition l'assassinat et le meurtre des souverains étrangers, alors même que le fait est posé comme moyen ou comme but politique.

D'un autre côté, nos contradicteurs conviennent qu'en cas d'une insurrection armée le fait dont il s'agit peut être de telle nature qu'il ne donne pas lieu à l'extradition.

Puisque les principes ne sont pas contestés, il serait déplorable qu'on ne pût s'etendre sur une rédaction qui convînt aux deux opinions.

Pour moi, je pense qu'il ne faut pas inscrire dans la loi le principe absolu que jamais l’attentat ne sera considéré comme un fait non connexe à un délit politique, puisqu'on convient que cette connexité pourra se produire dans une insurrection. A mon avis, on pourrait rédiger le projet en ces termes :

« Le paragraphe suivant est ajouté à l'article 6 de la loi du 1er octobre 1833 :

« L'attentat contre la personne du chef d'un gouvernement étranger ou contre celle des membres de sa famille, lorsque cet attentat constitue le fait, soit de meurtre, soit d'assassinat, soit d'empoisonnement, ne sera pas réputé délit politique. Il pourra aussi être réputé fait non connexe à semblable délit. »

On laisserait ainsi une liberté complète d'appréciation aux autorités chargées de statuer sur la demande d'extradition. Ainsi la cour d'appel (chambre des mises en accusation) émettrait son avis et le gouvernement statuerait ensuite sous sa responsabilité.

D'ailleurs, il est évident que la disposition ne peut pas être générale est absolue puisque si ordinairement le meurtre n'est pas connexe à un délit politique, on convient cependant que cette connexité existe dans certains cas. Il est donc évident qu'il faut se borner à établir une faculté dont l'appréciation doit être laissée aux autorités qui, d'après la loi 'de 1833, sont appelées à intervenir sur les demandes en extradition.

J'espère que la Chambre verra dans ma proposition le désir que j'éprouve de voir clore le débat d'une manière conciliante.

M. Devaux. - Hier, j'ai en quelque sorte développé à l'avance l'amendement que je propose aujourd'hui.

Cet amendement n'est que partiel : il ne remédie qu'à une partie des dangers que j’ai signalés.

Un de ces dangers c'est l'extension que le Code pénal permet de donner à la complicité. Je restreins la complicité à certains actes matériels ; j'y comprends le cas qui a été signalé hier par M. le ministre de la justice. Mou amendement dit : « Nul ne sera considéré comme complice (il s'agit de l'extradition) s'il n'a sciemment et matériellement, aidé à la perpétration du crime (il s'agil de meurtre, d'assassinat ou d'empoissonnement), ou s'il n'a fourni les instruments ou moyens matériels destinés à le commettre, sachant qu'ils devaient y servir » ; c'est-à-dire-en d'autres termes, que j'exclus la complicité morale, que j'exclus cette espèce de complicité qu'on pourrait vouloir établir, par suite de lettres écrites d'un pays à l'autre, par suite de discours tenus en Belgique ; tout ce qu’il y a de plus vague dans la complicité du Code pénal.

La complicité devient une chose précise, il faut ou avoir assisté matériellement les auteurs du crime dans sa perpétration ou fourni les moyens matériels de le commettre.

Ce que je propose ne remédie, comme je vous le disais, qu'à une partie des inconvénients que j'ai moi-même signalés. Mais combiné avec d’autres modifications qui vous seront proposées et complété par la commission dont nous avons demandé la nomination, je crois qu'il pourra conduire à une rédaction qui permettra l'adoption de la loi à une grande majorité.

Car tous encore une fois nous voulons le point principal de la discussion. Tous nous voulons que l'assassin, le meurtrier, l'empoisonneur d'un souverain ou d’un membre d'une famille souveraine, puisse être livre à la justice de son pays.

Mais ce que nous ne voulons pas, c'est que, dans l'avenir, sous le faux prétexte d'un assassinat supposé ou d'une complicité imaginaire, on puisse un jour impliquer dans un procès criminel non des assassins, mais des hommes honorables dignes de la protection des lois et qui, dans un pays étranger, dont nous n'avons pas à juger les partis, auraient eu le malheur de se trouver dans le plus faible. Tel est le sens dans lequel j'ai proposé mon amendement.

- L'amendement de M. Devaux est appuyé.

M. Lebeau. - Pour simplifier autant que possible la discussion, je déclare qu'en présence des deux amendements qui viennent de se produire, je retire le mien.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, ainsi que j'ai déjà eu l’honneur de le déclarer à la Chambre, ce n'est pas par un vain amour-propre d'auteur que je me suis opposé à l'amendement de l'honorable M. Lebeau. C’est parce que j'ai pensé que cet amendement, tel qu'il était formulé, n'avait aucune portée réelle et efficace ; la rédaction qui vous est proposée par le gouvernement, au contraire, pare à tous les inconvénients, à toutes les difficultés, pourvoit à toutes les hypothèses, autant que cela est possible dans une matière de ce genre.

C'est qu'en effet, messieurs, je puis le dire, on a apporté à la rédaction de cette disposition additionnelle toute la réflexion, toute la maturité possible. J’ai consulté non seulement, comme c’était naturel, les employés du département de la justice, hommes très capables, mais j’ai consulté les professeurs de droit criminel les plus savants, et c’est à la suite de ces études, de ces divers avis, qu’on en est arrivé à une rédaction qui a été unanimement acceptée.

M. Lebeau. - Pourquoi sommes-nous ici ?

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J’explique comment cette rédaction a été présentée à la Chambre. Je tiens à honneur de prouver que la rédaction du projet a été réfléchie mûrement, pesée avec soin dans toutes ses conséquences.

Ce qui m'a paru, messieurs, prédominer, dans les craitites manifestées par quelques honorables membres, ce sont des scrupules relativement à des poursuites qui pourraient être exercées fallacieusement contre certains réfugiés qui se trouvent dans notre pays.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Certains proscrits, si l’on aime mieux, proscrits qu'on a qualifiés d'honorables. C'est uue expression qui a été acceptée des deux côtés de la Chambre... (Interruption.)

Je dis d'abord qu'elles sont injustes, parce que je n'admets pas que les hommes auxquels on a fait allusion, puissent tramer, puissent comploter des crimes de meurtre, d'assassinat ou d'empoisonnement. Or, nous l'avons déjà dit, pour que notre disposition soit applicable, il faut qu'il s'agisse de fait de meurtre, de fait d'assassinat, de fait (page 732) d'empoisonnement. Les hommes de la valeur de ceux dont on a parlé ne conspirent ni le meurtre ni l'assassinat. Ils savent très bien que la véritable liberté ne se fonde ni sur le crime ni dans le sang, et à cet égard je ne puis que rendre hommage aux paroles si sages et si bien senties que l'honorable M. Lebeau a prononcées dans la séance d'hier.

Les plus dangereux ennemis de la liberté, ce sont précisément ces assassins dont nous voulons assurer la poursuite, ce sont ceux-là qui compromettent la saine liberté, et je ne puis que répéter ici une parole dite par un homme célèbre : Ce sont les Brutus qui engendrent les Tibère. Un pouvoir attaqué par des moyens criminels se défend ; la défense est en raison de l'attaque ; quand l'attaque est criminelle, la résistance peut devenir oppressive, et ainsi tout attentat retombe en servitude sur la nation que l'on prétendait émanciper ; ainsi le veut la force des choses.

Je dis donc, messieurs, que les hommes auxquels on a fait allusion, ne peuvent pas être soupçonnés de tremper dans des complots de meurtre ou d'assassinat.

Jamais non plus, rendons cette justice à tous les gouvernements, on n'a demandé l'extradition d'hommes pareils. A aucune époque elle n'a été réclamée.

Hier on a cité des exemples, on a parlé d'insurrections, de l'insurrection polonaise entre autres. Mais dans ce cas pas plus que dans d'autres semblables, aucune extradition n'a été réclamée. Je ne connais pas d'exemple d'un gouvernement régulier, qui, dans des cas de ce genre, ait demandé l'extradition de ces débris des discordes et des dissensions civiles.

Les craintes sous ce rapport ne sont donc pas fondées. L'hypothèse ne peut pas se réaliser, et d'un autre côté les proscrits dont on parle trouveraient les plus sérieuses garanties dans l'appréciation du gouvernement.

Déjà, je l'ai dit hier, la demande de l'extradition est entourée d'une foule de formalités, les premières doivent d'abord être remplies dans le pays auquel appartient l'étranger, et c'est seulement quand ces préliminaires ont été régulièrement accomplis, que le gouvernement auquel on demande l'extradition doit se prononcer.

Il doit se proponcer sous sa responsabilité, en face de l'opinion publique, en face de la presse, en face du parlement. Il doit se prononcer de bonne foi, avec loyauté, et je n'admets pas qu'il puisse se rencontrer un gouvernement qui, au mépris de ces principes, veuille livrer un proscrit purement politique, une victime des discordes civiles.

C'est là, messieurs, que réside la véritable garantie pour les proscrits de ce genre ; et j'ose le dire un gouvernement qui, au mépris de l'opinion publique, livrerait un de ces hommes tomberait sous le poids de l'impopularité.

La loi sur l'extradition, ne l'oublions pas, est une loi dont on arme le gouvernement peur des besoins internationaux. Il est maître d'accorder, comme il est maître de refuser l'extradition. Mais il agit toujours sous sa responsabilité.

Je crois donc que la loi, telle que le gouvernement l'a proposée, est bonne, que sa rédaction est irréprochable. Elle assure la saine liberté contre l'appui compromettant des sicaires qui procèdent le poignard à la main, et elle est favorable à la véritable hospitalité, parce qu'elle la préserve des souillures de misérables assassins.

J'ai maintenant quelques mots à dire relativement aux amendements qui viennent de se produire.

L'amendement de l'honorable M. Lelièvre accepte presque en son entier la rédaction proposée par le gouvernement et se termine ainsi : « Il pourra aussi être réputé fait non connexe à semblable délit. »

J'avoue que je ne comprends pas trop bien la portée de cet amendement. L'honorable membre semble croire que l'action du gouvernement, quand il s'agit d'extradition, est une action forcée, que le gouvernement doit nécessairement faire l'extradition. Or, depuis deux jours je proteste contre la supposition de cette espèce de servitude. Le gouvernement est toujours maître d'apprécier.

Il prend l'avis des tribunaux et c'est alors à lui à décider s'il y a lieu à faire ou à ne pas faire l'extradition.

L'addition proposée par l'honorable membre ne change donc pas la position. Que cette addition se trouve dans la loi ou qu'elle ne s'y trouve pas, le gouvernement sera toujours, selon les circonstances, également maître d'accorder ou de refuser l'extradition.

Je le répète, la mesure de l'extradition est une arme mise aux mains du gouvernement. Il en use ou n'en use pas selon que l'intérêt du pays le lui commande. L'amendement de l'honorable M. Lelièvre me paraît donc inutile, il n'ajoute ni à la force de la disposition ni aux garanties dont elle entoure la mesure de l'extradition.

L'honorable M. Devaux a également présenté un amendement qui, je le pense, doit également être écarté. En effet les principes qui régissent la complicité en matière d'extradition ne peuvent être autres que les principes du code pénal. Les dispositions de l'article 59 du code pénal prévoient tous les actes de complicité réelle. Le paragraphe premier de cet article prévoit les cas où l’on devient complice par dons, par promesses, par menaces, par abus d'autorité ou de pouvoir, par des machinations ou des artifices coupables.

Le paragraphe 2 prévoit ceux où l'on devient complice en procurant des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l'action ou qui devait y servir. Enfin l'article regarde comme complices ceux qui auront avec connaissance aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparé ou facilité ou dans ceux qui l'auront consommé.

Dans tous ces cas donc il faut une coopération réelle, une coopération sérieuse, une coopération coupable. Car tous ces actes dont parle le code pénal doivent avoir été posés avec la certitude de la part de celui qui les a posés, que tel ou tel crime devait se commettre à l'aide de ces moyens.

L'honorable M. Devaux a cru que la disposition de la loi, telle qu'elle est rédigée, permettrait d'arriver à ce qu'il a qualifié de complicité morale et à ce qu'il a justement flétri sous ce titre.

Telle, messieurs, ne sera pas la portée de la disposition. Cette intention n'est entrée dans l'esprit de personne. On a seulement voulu laisser régir les dispositions nouvelles, comme toutes les dispositions de la loi de 1833, par les principes généraux du Code pénal, par les principes sur la complicité qui, je le répète, prévoient tous les actes légalement coupables, légalement répréhensible.

Je pense donc que la disposition de l'honorable M. Devaux est encore inutile.

Cependant, messieurs, je n'ai aucun motif de m'opposer à ce que la Chambre continue la discussion. (Interruption.) Permettez ! Hier on a eu l'air de dire que le gouvernement exerçait sur la Chambre une espèce de pression ; nous avons protesté et c'est pour cela que je déclare maintenant que le gouvernement n'a aucun motif de ne pas désirer que la discussion continue.

Hier j'ai été obligé de combattre d'une manière absolue les amendements proposés parce qu'à mon sens, ils étaient, les uns inutiles, les autres destructifs du système de la loi.

Mais si la Chambre veut ordonner le renvoi des amendements nouveaux à la section centrale, je déclare franchement que je n'ai aucun parti pris de m'y opposer. Mais j'ai voulu, dès à présent, faire mes réserves et établir que dans mon esprit ces amendements ne sont pas da nature à pouvoir être accceplés.

M. le président. - M. Verhaegen vient de présenter un sous-amendement à l'amendement de M. Lelièvre ; il propose d'ajouter après les mots : « il pourra » ceux-ci : « de l'avis conforme de la cour d'appel. »

M. Verhaegen. - Messieurs, le sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter, répond à l'observation que vient faire l'honorable ministre de la justice.

Il a considéré comme inutile l'amendement de l'honorable M. Lelièvre en ce que cet amendement laisse au gouvernement la faculté de faire ou de ne pas faire. J'ai trouvé, moi, qu'il y avait un danger, un danger pour le gouvernement, un danger pour ceux qui pourraient être l'objet de la poursuite, à laisser au gouvernement la faculté dont il s'agit, sans contrôle.

C'est, messieurs, pour parer aux inconvénients de cet état de choses que je propose d'ajouter après les mots : « il pourra » qui donnent la faculté au gouvernement, ceux-ci : « de l'avis conforme de la cour d'appel. »

En effet, messieurs, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de savoir si un fait de meurtre, d'assassinat ou d'empoisonnement doit ou ne doit pasétre considéré comme connexe à un délit politique. D'après la discussion qui a eu lieu hier, cette question est excessivement délicate ; sa solution dépend beaucoup des circonstances.

Il serait difficile de trouver une rédaction qui pût trancher cette question d'une manière générale.

C'est, je pense, ce qui a engagé l'honorable M. Lelièvre de donner une faculté au gouvernement, au lieu d'établir un droit. Quelle est l'autorité compétente pour décider cette question délicate ? Certes, messieurs, c'est la magistrature inamovible, dont la Belgique peut être fiére et qui est considérée, à juste titre, comme la sauvegarde de nos libertés. Lorsque la cour d'appel aura donné son avis sur la question qui se présente, lorsqu'elle aura décidé que le fait ne doit pas, dans cette occurrence, être considéré comme un fait connexe à un délit politique, l'individu qui sera l'objet de l'extradition aura eu toutes ses garanties ; la magistrature inamovible sera là pour le protéger contre tout abus. Eh bien, messieurs, dans ce cas-là nous ne trouvons plus d'inconvénients à la faculté qu'il s'agit d'accorder au gouvernement.

Messieurs, veuillez-le remarquer, ce n'est pas pour le présent que nous statuons. Il ne s'agit pas de réfugiés ou de proscrits qui se trouvent actuellement dans le pays ; l'honorable ministre de la justice a eu tort de s'en expliquer ainsi ; aucun d'eux, j'aime à le dire, ne peut se trouver dans une semblable position et nous n'avons fait allusion à aucun d'eux ; c'est une loi générale que nous allons faire et qui dispose pour l'avenir.

Je puis en dire autant du gouvernement : ce n'est pas le ministère actuel que nous avons à suspecter du chef de l'usage qu'il ferait ou ne ferait pas de la faculté dont il s'agit, mais il peut y avoir, à un moment donné, un autre ministère qui n'inspirerait pas, même à ceux qui ne partagent pas notre opinion, autant de confiance que leur en inspire le cabinet actuel.

Nous faisons une loi qui devra être exécutée par tous les ministères qui se succéderont et par conséquent il ne s'agit pas de dire : Nous avons confiance dans le gouvernement qui est aujourd'hui devant la Chamhre. Il s'agit de faire une loi générale, il s'agit de trancher une question de principe.

(page 733) Messieurs, on vient vous dire qu'il y a ici toutes sorte de garanties ; qu'on apprécie d'abord les faits dans le pays auquel appartient l'individu qu'il s'agit d'extrader ; que là on observe toutes les formalités, qu'il y a ensuite l'avis de la magistrature belge ; qu'enfin le gouvernement examine à son tour et qu'il accorde ou n'accorde pas l'extradition sous sa responsabilité.

D'abord, messieurs, je n'ai pas à m'expliquer sur le point de savoir si la magistrature dans des pays voisins m'inspire bien la même confiance que m'inspire la magistrature belge inamovible. Mais il peut arriver des temps de trouble et de révolution, et c'est surtout dans ces circonstances que la loi pourrait recevoir son application ; or, je ne sais pas si les tribunaux étrangers seraient toujours de la même nature que ceux qui existent aujourd'hui.

Nous avons vu autrefois des tribunaux révolutionnaires, des cours prévôtales, de comités de salut public, des hautes cours nationales, etc., je ne sais si l'on trouverait dans ces juridictions les garanties dont on aurait besoin.

D’ailleurs, si on prend les choses telles que nous le présente le ministre, la magistrature de notre pays peut donner son avis ; mais le gouvernement n'est pas obligé de le suivre : il accorde ou n'accorde pas l'extradition.

J'ai foi dans notre magistrature inamovible ; mais c'est précisément parce que j'ai foi dans la magistrature inamovible belge que je demande l'avis conforme de cette magistrature.

On dit que, quelle que soit l'instruction, le gouvernement doit inspirer confiance. Qu'il me soit permis de ne pas partager cette opinion d'une manière illimitée. Le gouvernement lui-même, dans certaines circonstances, se trouvera embarrassé. Si un gouvernement étranger vient à demander l'extradition dans un cas extrêmement difficile, des considérations politiques n'engageront-elles pas notre gouvernement à ne pas refuser l'extradition. Ainsi, la disposition, telle qu'il la propose, pourrait avoir pour le ministère de très graves conséquences. C'est donc aussi bien dans l'intérêt du gouvernement lui-même que dans l’intérêt de ceux contre lesquels la mesure serait exercée, que nous demandons la garantie qui fait l'objet de notre amendement.

Que répondrai-je aux dernières paroles de M. le ministre de la justice ? « Le gouvernement, dit-il, est responsable ; il y a la tribune : il y a la presse ; cela doit suffire. »

Mais on vous l'a déjà dit : autre chose est l'expulsion ; autre chose est l'extradition. Que deviendront toutes ces garanties, quand un homme aura été extradé, traduit devant un tribunal, qu'il aura été condamné et exécuté ? Elle sera belle cette garantie, lorsque le fait sera accompli ! Je pense que ce n'est pas sérieusement qu'on fait valoir de semblables considérations.

Je crois en avoir dit assez pour espérer que la Chambre accueillera favorablement mon amendement.

M. Malou. - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi soit à la section centrale, soit à une commission spéciale, des amendements qui viennent d'être déposés, parce que depuis hier la situation est complètement changée ; hier, nous nous trouvions en présence d'une proposition que l'honorable M. Lebeau nous présentait comme pouvant être le germe d'une amélioration, comme un canevas sur lequel on pouvait broder quelque chose de bon. Il eût été sans précédent de renvoyer cet amendement soit à une commission spéciale, soit à la section centrale. La première condition d'un semblable renvoi, c'est que l'amendement soit complet, ou du moins que celui qui le propose, le trouve complet. Telle n'était pas la situation où nous étions hier ; telle est la situation où nous sommes aujourd'hui. Que cet examen ait lieu par une commission spéciale ou par l'ancienne section centrale, peu m'importe.

Je dirai cependant, dès ce moment, quelques mots sur la proposition de l'honorable M. Verhaegen.

L'extradition est un acte de gouvernement à gouvernement ; l'exécution d'un traité. Cet acte engage la politique générale du pays vis-à-vis d'un pays étranger. Aussi, la proposition qui a été faite par l'honorable M. Gendebien, en 1833, d'exiger l'avis conforme de la cour d'appel, a-t-il été rejeté, et vous ne pourriez pas admettre cette proposition, sans intervertir complètement l'ordre des attributions constitutionnelles.

Une cour d'appel déciderait si, oui ou non, un traité doit recevoir son application dans tel ou tel cas déterminé.

Encore un mot sur ce point que nous discuterons plus tard d'une manière plus approfondie.

On croit par là donner plus de garantie ; mais on amoindrirait singulièrement les garanties de l'étranger, parce qu'on ne lui en donne qu'une seule qui est l'avis d'une cour d'appel. Cette garantie peut ne pas être extrêmement efficace. On a vu dans la contestation qui a donné naissance au doute sur lequel nous sommes appelés à statuer, des corps judiciaires disposer dans des sens différents.

Dans le système, au contraire, qui laisse intactes les attributions et la loi de 1833, toutes les garanties que j'ai signalées hier et que M. le ministre de la justice rappelait tout à l’heure, subsistent.

Voilà, nous dit-on, de belles garanties, quand l'individu sera exécuté ! Mais ces garanties existent précisément pour l'empêcher d'être extradé ou exécuté. Il semble vraiment, à entendre d'honorables membres, qu'un homme soit livré et exécuté du jour au lendemain, sans forme de procès, par justice sommaire ; mais lisez la loi, et vous verrez les formalités dont elle prescrit l'accomplissement. Elle permet l'arrestalion provisoire de l'étranger, elle ne permet l'extradition que quand l'instruction a été complète dans le pays auquel l'étranger appartient, quand il y a un acte de mise en accusation rendu après instruction de l'affaire. L'étranger ne peut être détenu provisoirement pendant plus de trois mois ; si l'instruction n'est pas complète après les trois mois, l'étranger est relâché.

Quoi ! la magistrature belge est appelée à apprécier les faits en donnant son exequatur sur le premier acte de la poursuite, elle est appelée à donner un avis motivé lorsqu'elle est saisie des résultats de l'instruction faite à l'étranger. Quoi ! le gouvernement ne dispose qu'après l'accomplissement de ces formalités, et vous dites que ce n'est rien ! Vous croyez que les garanties qui résultent da l'examen impartial par la magistrature, de la liberté de la presse, de la liberté de la tribune et de la responsabilité ministérielle ; vous croyez que que tout cela n'est rien ! Là se trouvent les véritables garanties pour l'étranger et je pense que si ceux qui sont intéressés dans ce débat, avaient à se prononcer, ils donneraient la préférence au système du projet de loi sur l'amendement de l'honorable M. Verhaegen.

On nous dit que les formes judiciaires d'autres pays peuvent ne pas nous présenter toutes les garanties que nous devons désirer.

Messieurs, j'ai eu l'honneur de participer à la négociation d'un traité d'extradiction avec un pays où les institutions judiciaires sont différentes des nôtres ; la plus grande difficulté consistait à bien définir quel était, dans la législation de ce pays, l'équivalent d'un mandat d'arrêt ou d'une mise en accusation ; et c'est seulement quand le gouvernement s'était assuré que telle pièce, d'après la procédure usitée dans ce pays, était réellement l'équivalent d'un mandat d'arrêt ou d'une mise en accusation, constatait que les charges avaient été appréciées, lorsqu'il était bien démontré, en outre, que les formes judiciaires étaient garantissantes, que le droit de libre défense existait et que les accusés ne pourraient être traduits devant une commission ou tribunal exceptionnel ; c'est alors, mais seulement alors que le traité a été conclu. J'insiste sur ces faits parce qu'à entendre certains orateurs, il semblerait que l'extradition d'après le mécanisme de la loi qui l'autorise, n'est pas autre chose qu'un acte par lequel le ministre de la justice se fait l'auxiliaire machinal de la gendarmerie ou de la police des gouvernements étrangers.

Notre législation est plus juste, plus libérale ; il faut le proclamer hautement ; la pensée qui l'a inspirée aussi bien que l'exécution qu'elle a reçue sont toutes différentes.

On suppose encore que l'action du gouvernement est forcée. Eh bien, pour le pays avec lequel nous avons le plus de relations, à l'égard duquel la mesure d'extradition est plus fréquemment invoquée, il y a une disposition formelle qui permet au gouvernement de ne pas livrer les étrangers réclamés, même quand ils sont reconnus accusés de crimes qui sont incontestablement des infractions de droit commun et nullement politiques.

Cet article existe dans le traité conclu avec la France, et il en a été fait application pour un crime de droit commun, lorsque les circonstances étaient telles, lorsque la conduite de l'étranger en Belgique pendant une longue suite d'années avait été irréprochable, lorsque le crime, si cette expression est permise, se trouvait moralement prescrit, bien qu'il ne le fût pas légalement.

Le gouvernement a usé alors du droit qu'il s'est réservé. Dans un cas douteux, quand il y aura un doute sérieux sur la question de savoir si le fait à raison duquel on demande l'extradition est un crime de droit commun ou un fait politique, il est donc impossible de supposer que l'extradition puisse être accordée.

Je me borne pour le moment à ces courtes observations ; après l'examen ultérieur qui doit avoir lieu, je me réserve d'apprécier les diverses propositions.

M. le président. - Je mets aux voix le renvoi à la section centrale.

M. Lebeau. - Plusieurs amendements ont été proposés par des membres de la section centrale, vous ne pouvez en renvoyer l'examen à eux-mêmes ; je propose le renvoi à une commission spéciale composée de sept membres.

M. Vervoort. - Je maintiens la proposition que j'ai déposée hier, j'ai demandé que l'examen du projet et de tous les amendements soit renvoyé à une commission composée de sept membres, à désigner par le bureau.

- La proposition de M. Vervoort est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi visant à améliorer le sort des officiers qui ont combattu en 1830

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er (projet du gouvernement). Par extension à l'article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution, dans les quatre derniers mois de 1830. »

La section centrale propose de rédiger cet article, de la manière suivante :

« Par extension à l'article 35 de la loi du 24 mai 1858, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont (page 734) pris part aux combats de la révolution ou au service militaire, dans les quatre derniers mois de 1830. »

M. Thierry propose la rédaction suivante :

« Par extension de l’article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris les armes dans les quatre derniers mois de 1830. »

M. Dumoriier propose à cet article un paragraphe nouveau ainsi conçu :

« Les années de campagne seront comptées aux officiers et volontaires de 1830 qui, depuis, ont pris service dans l'administration civile. »

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, l'article premier du projet de loi présenté par le gouvernement dit :

« Par extension à l'article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830. »

L'amendement que propose la section centrale est conçu en ces termes :

« Par extension de l'article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution ou au service militaire dans les quatre derniers mois de 1830. »

Le gouvernement ne peut pas se rallier à l'amendement parce que cette rédaction change entièrement l'esprit et l'économie de la loi. En effet, le gouvernement a voulu récompenser le zèle et le dévouement de ces hommes qui, à l’appel du tocsin, se sont rendus à Bruxelles et sont venus compromettre leur existence et leur avenir dans l'intérêt de l'indépendance nationale.

Cette catégorie, bien spécifiée par l'article 35 de la loi de 1838, est tout à fait distincte de celle que la section centrale tend à introduire par son amendement. En étendant à cette nouvelle catégorie le bénéfice de l’article 1er de la loi, nous sortons des principes posés par cette loi de 1838, mûrement préparée par le gouvernement et soigneusement rédigée par la législature.

Si nous admettions l'expression que la section centrale veut introduire, nous étendrions le bénéfice de la loi à presque tous les officiers qui, dans les derniers mois de 1830, faisaient partie de l'armée, dont l'effectif était de 80 mille hommes.

Ces volontaires n'étaient pas tous mus par des sentiments d'exaltation patriotique ; la plupart ont voulu saisir une occasion avantageuse d'entrer dans une carrière sans subir les inconvénients du noviciat ; ils sont entrés qui sous-lieutenant, qui lieutenant, qui capitaine ; ils me semblent avoir été suffisamment récompensés par les grades qu'ils ont obtenus d'emblée et l'avancement qu'ils ont reçu ensuite. On a fait une observation ; on a dit : ils se sont mis à la disposition du gouvernement, ils auraient pu combattre. Sans doute ils auraient pu combattre, mais ils n'ont pas combattu.

En définitive, que voulons-nous faire ? Récompenser ceux qui dans les quatre derniers mois de 1830 ont pris part aux combats de la révolution. Or, ceux qui sont entrés au service dans des localités où il n'y avait pas de combat ne peuvent être admis an bénéfice de la loi que le gouvernement propose.

Si la section centrale n'a eu d'autre intention que de faire étendre le bénéfice de la loi aux officiers de santé, aux officiers du service administratif, l'amendement est complètement inutile ; les membres du corps administratif et du corps sanitaire (soit que ces derniers soient médecins, pharmaciens ou vétérinaires) sont compris dans le nombre des combattants, alors même qu'ils ne combattent pas, comme s'étant trouvés au poste que leur devoir leur assigne pendant l'action.

L'amendement serait en outre extrêmement dangereux, parce qu'il ouvrirait la porte à des prétentions qu'il serait difficile de préciser et auxquelles il serait difficile de se soustraire.

Par l'examen auquel nous nous sommes livrés, nous avons des prévisions établies qui portent sur un chiffre de 60,000 fr.

En admettant t'amendement, je ne puis plus répondre du chiffre qui serait nécessaire pour tenir compte des droits qui seraient basés sur cette nouvelle rédaction.

Quant aux amendements proposés par M. Dumoriier aux articles 2 et 3, comme ils rentrent dans l'esprit du projet, qu'ils ne portent que sur un nombre d'hommes fort restreint ci qu'ils n'auraient pas les mêmes conséquences financières que l'amendement proposé à l'article premier, je ne vois pas de raison pour m'y opposer.

En conséquence je demande le maintien pur et simple de l'article premier du projet du gouvernement.

M. le président. - Le bureau vient de nommer la commission chargée d'examiner les amendements proposés au projet de loi sur les extraditions. Il l'a composée de MM. Vervoort, Orts, Frère, de Theux, Malou, Dechamps et Veydt. Ces messieurs voudront bien se réunir demain.

- M. de Naeyer remplace M. Delehaye au fauteuil.

M. Thiéfry. - L'article premier du projet de loi a été rédigé de manière à n'accorder les dix années de service qu'aux officiers qui, comme volontaires, ont combattu pendant les quatre derniers mois de 1830.

La section centrale a voulu étendre cette faveur et l'accorder à ceux qui se sont mis spontanément à la disposition du gouvernement provisoire et ont fait le service de garnison. Son rapport constate qu'elle s'est mise d'accord avec M. le ministre de la guerre ; et comme on avait laissé subsister l'article tel qu'il avait été rédigé, j'ai présenté mon amendement pour rendre clairement la volonté du législateur.

Le droit de ces volontaires à une récompense particulière est incontestable ; ils ont fait acte de patriotisme en venant spontanément se mettre à la disposition du gouvernement provisoire ; leur présence dans certaines villes a puissamment contribué au maintien de la tranquillité. Sans eux, d'ailleurs, l'armée active n'eût pas été aussi nombreuse, puisqu'il aurait fallu en détacher une partie pour faire le service de garnison en place de ces volontaires.

Ces hommes ont donc rendu un grand service au pays, ils ont aidé à faire reconnaître l'indépendance de la Belgique ; et ce n'est pas après avoir été prodigue envers des étrangers, qui n'avaient pas eu l'occasion d'être aussi utiles, que la Chambre refusera aux volontaires une légère augmentation de pension.

M. le ministre de la guerre dit qu'il y en a eu 80,000. Mais dans ce nombre combien y en a-t-il qui ont eu le bonheur d'obtenir le grade d'officier ? Fort peu, et si l'on cite un chiffre aussi élevé, c'est pour faire supposer que la proposition de la section centrale aurait des conséquences très onéreuses pour le trésor public.

Il ne peut pas en être ainsi. Ce sera un acte de justice que d'accorder les dix années de service à ceux à qui nous sommes redevables de notre indépendance ; je dirai plus, il y aurait ingratitude de notre part en les leur refusant. Et comme l'a bien fait ressortir la section centrale dans son rapport, il n'a point dépendu d'eux de n'être pas envoyé sur le champ de bataille. C'est leur patriotisme que nous devons récompenser.

J'appuie fortement la proposition de la section centrale.

M. Lelièvre. - Je prends la confiance d'appeler l'attention de M. le ministre de la guerre sur la pétition de M. Ancion. Les considérations que ce dernier développe nous paraissent graves et mériter l'examen particulier du gouvernement. Je désire qui M. le miuistre veuille bien nous dire quelle est son opinion à cet égard et s'il ne serait pas possible d'adopter un amendement dans le sens de la réclamation de M. Ancion.

Il est évident que l'ordre de choses actuel n'est pas équitable, Un major mis à la retraite comptant dix années d'activité dans son grade obtient une pension supérieure à celle du lieutenant-colonel.

M. le ministre de la guerre, réformateur des abus qu'il cherche à constater, doit nécessairement faire cesser cette anomalie.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je n'ai pas bien pu saisir les paroles de l'honorable M. Leliévre ; il me semble qu'il a fait allusion à un article de la loi sur les pensions qui, à mon avis, a été fort mal calculé. C'est celui d'après lequel la pension d'un lieutenant-colonel, après quatre années de grade, est inférieure d'environ 25 fr. à celle du major après dix années de grade. Cet abus s'est glissé dans la loi, je ne sais comment. Je l'ai reconnu depuis fort longtemps.

La seclion centrale a émis un avis que l'honorable préopinant doit avoir sous les yeux. Elle pense que la chose n'est pas assez importante pour faire modifier une loi qui fonctionne convenablement depuis dix-huit ans.

Je saisirai volontiers une occasion favorable pour présenter à ce sujet une disposition quelconque, mais je me bornerai, en ce moment, a me rallier à l'opinion de la section centrale sur l'importance assez secondaire de l'objet en question.

Je répéterai à l'honorable M. Thiéfry ce que j'ai déji dit la première fois que j'ai été appelé à prendre la parole ; je reconnais que ces officiers volontaires qui sont venus se mettre à la disposition du gouvernement pour faire partie des corps qu'on organisait dans les garnisons, auraient pu combattre, si l'on avait disposé d'eux. Mais toujours est-il qu'ils n'ont pas combattu. Or, la récompense que le gouvernement confère en accordant le bénéfice de dix années de service, doit naturellement tomber sur les hommes qui ont réellement exposé leurs jours. Ceux qui se sont bornés à organiser leur peloton, leur compagnie, leur escouade, ont été suffisamment récompensés par les grades qui leur ont été accordés.

Je citerai un exemple qui m'est personnel. J'étais en garnison à Mons occupé à concourir à la formation du 3ème régiment de ligne. Nous avons reçu une dizaine de jeunes gens de 18 à 22 ans, qui ont été admis par le gouvernement provisoire comme sous-lieutenants, comme lieutenants et même comme capitaines. Ces jeunes gens n'ont couru aucune espèce de danger. Evidemment, si les circonstances avaient été malheureuses pour la Belgique, ils auraient eu à subir une très petite part de responsabilité.

Ils ont fait leur devoir ; ils l'ont fait entier ; mais ils se regardent comme suffisamment rémunérés par les grades qu'ils ont acquis. Si quelques-uns d'entre eux ont été envoyés sur le champ de bataille pour les besoins du service, ils entrent dans la catégorie des officiers dont parle l’article premier, et ils reçoivent la récompense que le pays veut accorder aux hommes (page 735) qui ont effectivement combattu pour son indépendance et pour sa liberté.

- La discussion est close.

L'amendement proposé par la section centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article premier, rédigé comme le propose le gouvernement, est adopté.

Article 2

« Art. 2. Toutes les pensions accordées, depuis la promulgation de la Constitution, aux officiers de la catégorie mentionnée à l'article précédent, seront révisées.

M. Dumortier a proposé le paragraphe additionnel suivant, auquel le gouvernement s'est rallié :

« Les années de campagne seront comptées aux officiers et volontaires de 1830 qui, depuis, ont pris service dans l'administration civile. »

M. Dumortier. - Lorsque j'ai présenté cet amendement à la Chambre, j'étais bien convaincu que M. le ministre de la guerre, qui avait donné tant de preuves de patriotisme en 1830, ne voudrait pas le repousser. Je dois le remercier de l'accueil qu'il a fait à ma proposition, et je ne doute pas que la Chambre l'accueillera de même.

- L'article modifié, comme le propose M. Dumortier, est adopté.

Article 3 (nouveau)

« Art. 3 nouveau (proposé par M. Dumortier.) Les anciens officiers de 1830, pensionnés pour services civils, jouiront des mêmes droits. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 5 (devenu art. 4). Ceux dont les pensions devront être augmentées, en exécution de l'article premier, jouiront de cette augmentation à partir de la promulgation de la présente loi. »

M. Moreau. - Il faut substituer au mot « promulgation » le mot « publication ». La date de la promulgation n'est jamais certaine.

- L'article 5, modifié comme le propose M. Moreau, est adopté.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le projet de loi qui vient d'être adopté devra être revu dans sa rédaction. L'amendement présenté par l'honorable M. Dumortier, notamment, à l'esprit duquel le gouvernement s'est rallié, devra être conçu en d'autres termes. Le gouvernement se propose de présenter quelques changements de rédaction au second vote.

Je pense qu'entre autres la disposition que nous a soumise l'honorable M. Dumortier pourrait être rédigée de la manière suivante : « Les années de campagne seront comptées aux officiers qui, s'étant trouvés dans les crsconstances mentionnées à l'article premier, sont entrés dans l’administration civile. »

M. Dumortier. - La disposition que nous soumet M. le ministre a absolument le même sens que mon amendement. On pourra au second vote modifier ce que la rédaction laisse à désirer.

- Le vote définitif du projet de loi est fixé à lundi.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous avons maintenant le projet de loi sur la falsification des substances alimentaires.

- Plusieurs membres. - A demain.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je demanderai à la Chambre de fixer un autre jour que demain pour la discussion du projet de loi concernait la falsification des denrées alimentaires.

- La Chambre consultée met cet objet à l’ordre du jour de lundi.

M. le président. - Il y a ensuite à l'ordre du jour la proposition relative à la récusation des magistrats.

M. Delfosse. - M. le ministre de la justice a maintenant reçu les avis de la cour de cassation et des trois cours d'appel ; j'espère que M. le ministre de la justice sera bientôt en mesure de nous soumettre ses propositions. Lorsqu'elles nous seront soumises, je demanderai qu'elles soient renvoyées à l'examen de la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'ai reçu les derniers rapports il y a quelques jours et je viens de les faire imprimer, mais la Chambre comprendra que, pendant la discussion qui vient de se terminer, il ne m'a pas été possible de les lire.

M. Lelièvre. - Il est impossible d'aborder la discussion du projet relatif à la récusation des magistrats avant que M. le ministre de la justice ait déposé le contre-projet qu'il a annoncé et avant l'examen que doit en faire la section centrale. Je prie donc M. le ministre de bien vouloir faire le dépôt dont il s'agit le plus tôt possible.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je demanderai alors que la discussion de ce projet de loi soit fixée après le vote définitif de la loi sur les extraditions.

- Cette proposition est adoptée.

M. de Perceval. - Ne pourrait-on pas mettre à l'ordre du jour de lundi les interpellations de l'honorable M. Sinave ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - J'espère pouvoir déposer le rapport lundi : je n'en suis pas tout à fait certain parce que ce matin j'ai encore reçu des renseignements. Dans tous les cas, ce rapport, qui est volumineux, devra être inséré dans les Annales parlementaires, et je pense qu'il serait utile de différer les interpellations jusqu'à ce que les membres de la Chambre aient pu lire le rapport.

M. Vandenpeereboom. - Nous avons encore |un projet de loi sur la libre sortie du minerai de fer ; il me semble qu'on pourrait mettre ce projet à l'ordre du jour.

- Plusieurs membres. - Demain !

M. Vandenpeereboom. - Les avis des chambres de commerce sont imprimés.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - J'ai annoncé à la Chambre que le gouvernement attendait les rapports des inspecteurs en chef des mines ; un de ces rapports nous est parvenu ; jusqu'ici je n'ai pas connaissance du second. Pour décider cette question avec connaissance de cause, il faut absolument que ces rapports aient été consultés. J'ai de nouveau réclamé celui qui manque, et j'espère qu'il sera fourni dans le plus bref délai. La question est importante, et sans doute la Chambre trouvera d'utiles éléments d'appréciation dans les rapports de ces fonctionnaires très compétents.

M. le président. - Nous aurons donc à l'ordre du jour de demain le crédit de 3,646,648 francs, puis un feuilleton de pétitions.

Projet de loi accordant un crédit au ministère de la guerre, pour le camp retranché d'Anvers

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) présente un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de la guerre un crédit de 8,900,000 francs destiné à compléter le camp retranché sous Anvers, crédit qui serait réparti sur les exercices 1856, 1857, 1858 et 1859.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.

La séance est levée à quatre heures et un quart.