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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 28 janvier 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 583) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Tack, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des habitants de Bonsin présentent des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »

« Mêmes observations d'habitants de Xhendremael, Castilhon, Merxem, Ville-en-Hesbaye, Rebaix, Tourinne-la-Grosse, Annevoie, Evégnée, Gallaix, Ways, Ophasselt, Neufmaison, Court-Saint-Etienne, Mont-Saint-Guibert, Chastre, Blanmont, dans le canton de Fauvillers et des membres du conseil communal de Lasne-Chapelle-Saint-Lambert et Ohain.»

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.


« Plusieurs juges de l'arrondissement de Nivelles demandent que le traitement des juges de paix des cantons ruraux soit fixé à 3,000 fr. et que leurs vacations soient portées à 3 fr. 75 c. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.

M. Mascart. - J'appuie fortement la pétition des juges de paix de l'arrondissement de Nivelles ; les considérations sur lesquelles elle est appuyée sont de nature à attirer l'attention sérieuse de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.

« Le juge de paix du canton de Couvin et son greffier demandent que le traitement des juges de paix soit porté à 2,000 fr., et celui des greffiers aux deux tiers de cette somme, et prient la Chambre d'établir l'uniformité du tarif en matière civile. »

- Même renvoi.

M. de Baillet-Latour. - Je demanderai que la pétition adressée à la Chambre par M. le juge de paix de Couvin et son greffier fixe l'attention de la commission à laquelle elle vient d'être renvoyée ; elle pourrait aussi être déposée sur le bureau, comme les autres, pendant la discussion qui aura lieu, lorsque le projet de loi sur l'ordre judiciaire sera à l'ordre du jour.

M. Lelièvre. - Je me joins à l'honorable M. de Baillet-Latour pour faire la même recommandation.


« Le comte G.-A.-L.-R.-P.-L.-L. d'Hemricourt de Grunne, ayant perdu la qualité de Belge en prenant, sans autorisation, du service militaire à l'étranger, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Gaspard Hilgers, directeur de poudrière à Clermont, né à Deutz (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Châtelet prient la Chambre de modifier la législation sur le système monétaire, soit en rétablissant l'étalon de la monnaie d'or, soit en donnant cours légal aux pièces d'or françaises. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal d'On demandent que le gouvernement construise une route entre le pont de Harsin et le village de Jemeppe. »

- Même renvoi.


« Les habitants de la ville et de l'arrondissement d'Ypres prient la Chambre d'allouer au budget du département des travaux publics un crédit pour l'exécution des travaux d'approfondissement du bief inférieur du canal d'Ypres. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du département des travaux publics.


Il est fait hommage à la Chambre:

« 1° Par M. le ministre des travaux publics, de 110 exemplaires d'une brochure traitant de la réforme des péages perçus sur les voies navigables.

« 2° Par le sieur Ledocte, de 110 exemplaires de documents relatifs à la législation des distilleries de betteraves ;

« 3° Par le sieur Keller, de 110 exemplaires d'un mémoire à l'appui de sa demande en concession d'un chemin de fer direct entre Anvers et le Rhin. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


M. de Renesse demande un congé de quelques jours.

- Accordé.

Projet de budget de la chambre des représentants de l’exercice 1858

Rapport de la commission

M. de Perceval. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur, le bureau le rapport de la commission de comptabilité sur le budget de la Chambre pour l'exercice 1858.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur les jurys d’examen universitaire

Discussion des articles

Titre premier. Des grades académiques et des jurys d'examen

Chapitre premier. Des grades
Articles 3, 4 et 5

La Chambre en est arrivée à l'article 3.

La section centrale propose de réunir en un seul article les articles 3, 4 et 5 du projet du gouvernement. Ces articles sont ainsi conçus :

« Art. 3. Nul n'est admis à l'examen de candidat en droit, s'il n'a reçu le titre de candidat en philosophie et lettres.

« Art. 4. Nul n'est admis à l'examen de candidat en médecine, s'il n'a reçu le titre de candidat en sciences naturelles.

« Art. 5. Nul n'est admis à subir l'examen doctoral dans une science, s'il n'a déjà été reçu candidat dans la même science.

« En outre, nul n'est admis au grade de docteur en médecine, s'il ne prouve qu'il a fréquenté avec assiduité et succès, pendant deux ans au moins, la clinique interne, externe et des accouchements. »

La section centrale propose ce qui suit :

« Art. 3. Nul n'est admis:

« A l'examen de candidat en droit, s'il n'a reçu le titre de candidat en philosophie et lettres :

« A l'examen de candidat en médecine, s'il n'a reçu le titre de candidat en sciences naturelles ;

« A l'examen de docteur dans une science, s'il n'a déjà été reçu candidat dans la même science ;

« En outre, nul n'est admis au grade de docteur en médecine, s'il ne prouve qu'il a fréquenté avec assiduité et succès, pendant deux ans au moins, la clinique interne, externe et des accouchements. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je me rallie au changement proposé par la section centrale.

M. Lelièvre. - Voici les motifs qui justifient mon amendement. Il importe que l'article en discussion énonce d'abord d'une manière formelle que pour être admis à l'examen de pharmacien, l'on doit préalablement obtenir le grade de candidat en pharmacie ; or, c'est là une omission que présente l'amendement de la section centrale.

D'un autre côté, à mon avis, au lieu de certificats délivrés par une des commissions médicales provinciales, il est préférable de dire : « certificats approuvés par l'une des commissions, etc. » En effet, la commission médicale ne délivre pas un certificat sur des faits qu'elle ne connaît pas, mais elle approuve le certificat que délivre le pharmacien dont le récipiendaire a fréquenté l'officine.

Il me semble donc qu'il vaut mieux substituer le mot « approuvé » à celui « admis » par la section centrale.

Mon amendement est, du reste, conforme à la rédaction de l'article 15 proposé par le gouvernement, rédaction à laquelle la section centrale a emprunté la disposition que nous discutons. (Interruption.)

M. le président. - On vient de faire observer que c'est ainsi que la chose est entendue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - La proposition de M. Lelièvre se trouve virtuellement comprise dans la rédaction de la section centrale. Il est bien entendu qu'il faut réunir deux conditions : d'abord avoir le grade de candidat en pharmacie et, en outre, justifier de deux années de stage officinal. Cela résulte de la rédaction de la section centrale.

Il est vrai que cette réunion des deux conditions pourrait être indiquée d'une manière plus claire, comme dans l'amendement de M. Lelièvre. J'avais eu d'abord l'intention de présenter moi-même un amendement dans ce sens ; mais j'y ai renoncé après avoir relu la rédaction de la section centrale, qui me paraît suffisante.

M. de Theux, rapporteur. - Ce que M. Lelièvre propose se trouve prescrit par l'article 2 de la section centrale comme par le projet du gouvernement.

M. Lelièvre. - Je persiste à penser que la disposition de la section centrale contient une véritable lacune ; en effet, la rédaction logique exige qu'on décrète en termes formels l'obligation pour le pharmacien d'obtenir préalablement le grade de candidat en pharmacie. C'est là une condition formelle qui doit être écrite en termes formels dans l'article et qu'on y cherche vainement. La rédaction que je propose me semble donc préférable à celle de la section centrale.

Quant aux énonciations certificats délivrés par la commission médicale, elles sont inexactes, comme je l'ai démontré.

M. de Theux, rapporteur. - C'est inutile, l'amendement de M. Lelièvre ne serait même pas à sa place ; c'est une mesure préalable, nul n'est admis à l'examen de pharmacien qu'autant qu'il justifie qu'il est candidat en pharmacie et qu'il a fait deux années de stage officinal ; lorsqu'il s'agira de l'exercice de la profession, on prendra une autre disposition.

M. Lelièvre. - Avant d'être pharmacien, il faut être candidat en pharmacie.

(page 584) M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Lelièvre n'a pas lu attentivement la fin de l'article 6 tel qu'il est rédigé par la section centrale ; car non seulement il stipule que pour être admis à l'examen de pharmacien, il faut non seulement deux années de stage officinal, mais aussi le grade de candidat en pharmacie, puisqu'il faut justifier de deux années de stage après avoir obtenu ce grade.

Cependant, il me semble qu'il y aurait lieu d'admettre un léger changement de rédaction, et de dire :

« Nul n'est admis à l'examen de pharmacien s'il ne justifie au moyen de certificats approuvés par la commission médicale de la province.....» (Le reste comme à l'article.)

M. Lelièvre. - Je considère ma rédaction comme meilleure, mais M. le ministre pensant que l'obligation d'obtenir préalablement le grade de candidat en pharmacie résulte suffisamment de l'article, j'admets les explications comme interprétation de la disposition et je n'insiste pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je me bornerai à proposer de substituer le mot « approuvés » au mot « délivrés ».

- L'article 6 de la section centrale est mis aux voix et adopté avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Chapitre II. Des examens
Article 7

« Art. 7. Toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades, sans distinction du lieu où elle a étudié, et de la manière dont elle a fait ses études. »

M. Vander Donckt. - L'article 7 dispose que toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades, sans distinction du lieu où elle a étudié et de la manière dont elle a fait ses études. D'autre part le deuxième paragraphe de l'article 5 qui a été adopté porte : « En outre, nul n'est admis au grade de docteur en médecine, s'il ne prouve qu'il a fréquenté avec assiduité et succès pendant deux ans au moins la clinique interne, externe et des accouchements. »

Il y a entre ces articles deux contradictions : la première est relative à la manière dont les études devront être faites ; la seconde, au lieu où se feront les études : car la fréquentation de la clinique suppose un cours, or il n'y a de cours de clinique que dans les universités, il n'y a pas, en dehors des villes d'universités, des hôpitaux où l'on puisse suivre des cours de clinique.

Je doute qu'il soit possible d'arriver au grade de docteur en médecine au moyen des études privées. Mais, avec l'article 5, on ne pourrait même pas le tenter.

M. le président. - L'article 5 est adopté.

M. Vander Donckt. - Je le sais, M. le président. Mais je crois pouvoir faire remarquer qu'il est en contradiction avec l'article 7 qui est en discussion.

M. de Theux, rapporteur. - Il n'y a aucune contradiction. Ces deux dispositions de l'article 5 et de l'article 7 sont extraites de la loi de 1835 et de la loi de 1849.

En effet, l'on peut suivre un cours de clinique où l'on veut, mais il faut que ce soit un cours de clinique. Je suppose que quelqu'un suive un cours de clinique dans un hôpital de Paris, il sera en règle en produisant un certificat constatant la fréquentation de ce cours. Quant à des études privées, il est inutile d'en parler. Un particulier ne peut pas faire un cours de clinique.

- L'article 7 est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8 (projet du gouvernement). L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en philosophie et lettres comprend :

« Des explications d'auteurs grecs et latins ;

« Les principes de rhétorique et de littérature ;

« Une traduction en langue latine et une composition française ou flamande, au choix du récipiendaire ;

« L'histoire de la Belgique ;

« Les principaux faits de l'histoire romaine ou de l'histoire grecque ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement ;

« La géométrie élémentaire.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en sciences comprend :

« Des explications d'auteurs grecs et latins ;

« Les principes de rhétorique et de littérature ;

« Une traduction en langue latine et une composition française ou flamande, au choix du récipiendaire ;

« L'histoire de la Belgique ;

« Les principaux faits de l'histoire romaine ou de l'histoire grecque ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement, et la théorie des progressions et des logarithmes ;

« La géométrie élémentaire et la trigonométrie rectiligne ;

« Les notions élémentaires de physique ;

« La logique, l'anthropologie et la philosophie morale.

« A la demande du récipiendaire, ces trois dernières matières seront réservées pour une épreuve spéciale qu'il subira dans une autre session.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en pharmacie comprend :

« Le latin ;

« Le français ou le flamand, au choix du récipiendaire ;

« L'arithmétique ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement ;

« Les éléments de géométrie ;

« L'histoire de la Belgique.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat notaire comprend :

« Le latin ;

« Le français ou le flamand, au choix du récipiendaire ;

« L'arithmétique ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement ;

« La géométrie plane ;

« La trigonométrie rectiligne ;

« L'arpentage ;

« L'histoire de la Belgique. »

« Art. 8 (projet de la section centrale). L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en philosophie et lettres comprend :

« Une traduction en latin ;

« Une traduction de la même langue en français ;

« Une traduction du grec en français ;

« Une composition française ;

« La solution de deux problèmes d'algèbre appartenant aux équations du second degré ;

« La démonstration de deux théorèmes de géométrie appartenant à la géométrie à trois dimensions.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en sciences comprend les mêmes matières.

« Elle comprend en outre :

« La théorie des progressions et des logarithmes ;

« La trigonométrie rectiligne ;

« Les notions élémentaires de physique.

« A la demande des récipiendaires, ces trois dernières matières seront, réservées pour une épreuve spéciale, qu'il subira dans une autre session.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en pharmacie-comprend :

« Le latin ;

« Le français ou le flamand, au choix du récipiendaire ;

« L'arithmétique ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement ;

« Les éléments de géométrie.

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat notaire comprend :

« Le latin ;

« Le français ou le flamand, au choix du récipiendaire ;

« L'arithmétique ;

« L'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement.

« La géométrie plane. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale, sauf qu'après les mots une composition française, il ajoute : « flamande ou allemande, au choix du récipiendaire. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne sais si dans le: système de la section centrale il y a lieu de maintenir ce paragraphe : « A la demande du récipiendaire, ces trois dernières matières seront réservées pour une épreuve spéciale qu'il subira dans une autre session. » Le gouvernement avait emprunté cette disposition à la loi de 1849, parce qu'il voulait laisser au récipiendaire la faculté de subir une épreuve spéciale sur la logique, l'anthropologie et la philosophie morale. Mais maintenant que les épreuves préparatoires ne comprennent plus les matières philosophiques, cette disposition me paraît inutile. J'en propose la suppression.

M. de Theux. - Je trouve l'observation de M. le ministre de l'intérieur fondée. Ce serait multiplier les opérations du jury, ce qu'il faut éviter.

- L'article 8 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté, avec les deux amendements proposés par M. le ministre de l'intérieur

Article 8bis

« Art. 8bis. Les aspirants aux grades académiques doivent, préalablement aux examens, justifier par certificats d'avoir fréquenté les cours déterminés par la présente loi. »

M. Lelièvre. - Je partage entièrement l'avis de la section centrale qui, à l'égard de certains cours, se borne à exiger un certificat de fréquentation.

Le principe des certificats a été admis à l'occasion de l'épreuve préparatoire, et aucun motif plausible ne me paraît repousser ce système en ce qui concerne les examens définitifs.

D'abord, il est certain que les matières d'examen sont trop multipliées. Je prends pour exemple le premier examen en droit. Dans les universités établies sous le gouvernement des Pays Bas, l'élève qui aspirait au grade de candidat en droit devait subir l'épreuve sur les institutes du droit romain seulement. Ce système avait pour avantage de permettre à l'élève de connaître parfaitement les principes fondamentaux du droit romain, indispensables pour approfondir la législation moderne.

(page 585) Aujourd'hui l'examen porte sur l'encyclopédie du droit, le droit naturel, l'histoire politique, l'histoire du droit romain, les institutes de ce droit et les éléments du Code civil.

Je suis convaincu que, dans l'intérêt de la science, il faut revenir à l'ancien système. Le cours élémentaire de droit civil n'a aucune utilité réelle. Il ne peut donner aux élèves qu'une connaissance imparfaite et très superficielle du Code civil. Or, cette matière devant faire l'objet de deux années d'étude sérieuse pour le doctorat, je ne vois aucun motif fondé d'occuper l'élève, dès la première année, d'un cours qui l'empêche d'étudier d'une manière approfondie les principes d'une législation qui a mérité le nom de raison écrite.

D'un autre côté, les autres matières sur lesquelles porte aujourd'hui.l'examen sont tout à fait accessoires ; elles ne sont pas indispensables pour l'exercice de la profession d'avocat, et dès lors je pense qu'il serait utile, comme cela se pratiquait avant 1830, d'exiger seulement à leur égard un certificat de fréquentation des cours. Cette observation s'applique à toutes les parties de l'enseignement supérieur. Du reste, il est préférable d'admettre le système des certificats que de supprimer complètement les matières, parce que, comme l'a fort bien démontré l'honorable M. Devaux, dans l'intérêt de l'enseignement supérieur et pour maintenir celui-ci à la hauteur qu'il doit avoir dans un pays civilisé, il est important que les matières dont il s'agit soient enseignées dans l'université.

Du reste, les cours accessoires seront suivis avec fruit par un grand nombre d'étudiants qui ont un désir sincère d'acquérir une instruction solide et élevée.

Il en était ainsi sous le régime des universités du roi Guillaume. Les «ours accessoires étaient fréquentés avec autant de zèle que ceux sur lesquels portaient les examens.

Il y a plus, comme les élèves devront produire des certificats réguliers, ils seront astreints à une assiduité particulière.

Je partage donc, sur les matières des examens, l'opinion de la section centrale, qui me paraît avoir apprécié sainement les choses au point de vue de l'intérêt de la science et des inconvénients qu'il s'agit de faire disparaître.

Je dois, du reste, déclarer que, dans mon opinion, la réforme la plus essentielle que réclame l’enseignement supérieur, c'est la simplification des matières.

Or, c'est précisément le but que nous voulons atteindre par le système des certificats. Du reste, à mon avis, on ne doit pas craindre que ces certificats soient délivrés complaisamment.

Les professeurs des universités de l'Etat et des établissements libres sont des hommes honorables. On ne peut supposer qu'ils attestent des faits faux et mensongers. Il me semble qu'on peut avec confiance se reposer sur les sentiments d'honneur et de délicatesse qui caractérisent des hommes occupant une position élevée. En ce qui me concerne, j'attends de bons fruits du régime nouveau, et je crois devoir l'appuyer.

M. de Theux, rapporteur. - Dans la discussion générale, on a exprimé la crainte que les cours à certificats ne fussent délaissés, et l'on est allé jusqu'à dire que mieux vaudrait supprimer ces cours. Je ne partage pas cette opinion. Ces cours devront être fréquentés. Cette garantie résulte de deux dispositions de la loi. Le professeur dont le cours aura été fréquenté, devra délivrer des certificats, et ces certificats devront être visés par le chef de l’établissement. Vous avez donc là une double garantie morale, qui me paraît irrécusable.

Ces cours, donc, seront fréquentés. Rien n'empêche le professeur d'un cours d'interroger ses élèves, pour voir s'ils suivent ses leçons avec fruit. C'est déjà ce qui se pratique aujourd'hui dans toutes les universités ; dans toutes les universités les jeunes gens sont interrogés fréquemment par leurs professeurs et c'est une excellente mesure.

Cela stimule leur zèle ; ils n'aiment pas à paraître ignorants aux yeux de leurs condisciples. Mais d'après le système de la section centrale, ils n'auront plus l'embarras de répondre sur toutes les matières devant le jury, et le jury pourra les examiner d'une manière approfondie sur les matière essentielles. Dans le système que nous sommes appelés à réformer, l'examen était trop étendu et le jury ne pouvait donner que quelques instants à l'examen sur les matières importantes ; c'était là un vice fondamental qui a été parfaitement signalé dans les enquêtes.

On a dit, messieurs, qu'il vaudrait mieux supprimer les cours. Je n'admets cela en aucune manière.

C'est un grand honneur pour l'organisation de toutes les universités, des universités de l'Etat comme des universités libres, d'avoir complété l'enseignement des sciences. C'est un grand progrès de l'époque actuelle, mais il y avait un vice dans l'examen qui ne pouvait pas être sérieux et dans lequel chaque examinateur attachait la même importance à la matière sur laquelle il interrogeait. Ainsi, par exemple, il m'a été dit par un président du jury que le professeur de pharmacie interrogeait les élèves en médecine avec autant de développement que le processeur de médecine proprement dite et qu'il voulait, dans l'appréciation du mérite de l'élève, attacher autant d'importance à la pharmacie qu'aux branches les plus essentielles de la médecine.

Il ne s'agit donc en aucune manière de l'abandon des branches spéciales, il s'agit de permettre que l'examen soit plus approfondi sur les matières importantes. L'honorable M. Devaux, dans la discussion générale, est entré, dans beaucoup de détails pour justifier le système qui a été admis et je pense qu'il serait difficile d'y ajouter des considérations nouvelles.

M. Devaux. - Messieurs, je me suis déjà, dans la discussion générale, beaucoup étendu sur cette matière, parce que la disposition qui nous occupe me paraît la clef de toute amélioration importante dans l'instruction universitaire.

Si on veut porter remède à l'état actuel des choses, à ce mal dont tout le monde se plaint et qui consiste en ce que les élèves sont réduits à apprendre par cœur leurs cahiers et à ne faire que cela, si on veut y remédier il faut nécessairement diminuer les matières d'examen.

Or, on ne peut arriver là que par deux moyens : diminuer les matières d'enseignement, ne pas faire porter l'examen sur toutes les matières enseignées ; le premier de ces moyens, messieurs, vous ne l'adopterez pas, vous ne voudrez pas retourner de trente ans en arrière, vous ne voudrez pas détruire les universités et en revenir aux écoles spéciales. Si l'on veut retrancher de l'enseignement les matières que la section centrale propose d'écarter de l'examen, il n'est plus besoin d'universités, on fera une petite école de droit dans chaque province, une petite école de médecine, il n'en faut pas davantage.

C'en est fait des universités, c'en est fait de ces foyers scientifiques.

Si, au contraire, on veut conserver plus de matières dans l'enseignement qu'il n'en est exigé pour les examens, je ne connais d'autres moyens que les certificats. Ce n'est pas un moyen nouveau ; on en a fait l'expérience, et cette expérience a produit de bons résultats.

La seule objection qu'on fasse, c'est de dire, ou l'enseignement pour lequel vous demandez un certificat, est sérieux, et dans ce cas il faut en faire l'objet d'un examen ; ou il n'est pas sérieux et alors que risquez-vous de le retrancher ?

Ainsi, messieurs, on s'engoue tellement des examens, qu'on va jusqu'à croire que, sans examens, il n'y a plus d'instruction sérieuse.

Mais, messieurs, la plupart des cours les plus célèbres, et qui ont le plus contribué au progrès de la civilisation littéraire et scientifique ont été indépendants de toute espèce d'examen.

En Allemagne, on n'examine pas sur tant de cours que la jeunesse suit en foule. En France, les cours de MM. Guizot, Cousin et Villemain, qui ont fait une si profonde impression, étaient des cours parfaitement libres.

Si aucune instruction ne pouvait être sérieuse sans examen, après l'université nous n'aurions plus aucun moyen de nous instruire ; les livres ne nous instruisent-ils pas tous les jours et pendant toute notre vie sans qu'on nous examine sur ce que nous avons lu ? Ne nous instruisons-nous pas dans des conférences, au prêche, dans la conversation d'hommes instruits sans qu'on nous soumette à un interrogatoire sur ce que nous avons entendu ?

Mettez des jeunes gens instruits en présence d'un homme de mérite, comme doivent l'être des professeurs d'université, et qui leur parle d'une matière intéressante comme le sont généralement les cours secondaires, ils écouteront ce professeur, ils profiteront de son cours, sans être en état de subir un examen minutieux sur toutes les parties des leçons qu'ils ont entendues ; ils auront acquis les notions principales du cours ; ils en connaîtront les parties saillantes, les auteurs à consulter ; ils auront les moyens de pousser cette étude plus avant par eux-mêmes ; tous ne se préoccuperont pas également des mêmes cours qu'ils suivent ; chacun s'adonnera un peu plus à la matière qui lui sourira davantage.

Cette liberté de suivre dans certaine limite ses goûts personnels sera utile là où il s'agit d'un enseignement qui n'est pas tout à fait indispensable.

Quant à moi, j'ai suivi les leçons de l'enseignement supérieur en Belgique et à l'étranger, et j'ose affirmer que celles auxquelles je dois le plus n'ont été suivies d'aucune espèce d'examen.

Nous ne pouvons pas nous dispenser de tout examen, puisqu'il faut pour certaines professions une garantie à la société ; mais, au moins, n'étendons pas l'examen au-delà de la nécessité ; faisons une part à la liberté. Ayons quelque confiance dans le désir que la jeunesse a dû s'instruire quand on n'éteint pas chez elle par de fausses mesures l'amour de la science.

Si je demande des certificats, c'est principalement pour garantir que les cours à certificats subsisteront dans l'enseignement ; car si vous retranchiez de l'examen certaines matières, sans parler des certificats, il en résulterait que dans les institutions libres on pourrait les retrancher de l'enseignement. Comme vient de le dire l'honorable rapporteur, les certificats donnent le moyen de faire durer plus longtemps l'examen sur les matières indispensables.

J'ai déjà dit combien il est plus favorable à un jeune homme studieux d'être interrogé pendant une demi-heure que pendant quelques minutes. Dans le dernier cas s'il est troublé, si le hasard lui soumet quelque question inattendue sur laquelle la mémoire est en défaut, il n'a pas le temps de se relever.

Si, au contraire, l'examen à une certaine durée, le jeune homme qui a étudié est sûr de ne pas passer pour un ignorant aux yeux de ses juges.

J'espère donc que la Chambre adoptera le système des certificats, car si on rejetait ce système, il faudrait renoncer à toute, amélioration (page 586) importante, et ces améliorations sont urgentes ; les pères de famille vous les demandent ; les professeurs d'universités vous ont signalé le mal ; les présidents des jurys attestent la décadence des études universitaires. Puisque personne ne nous signale aucun autre remède pratique qui ait quelque chance d'adoption, faisons l'expérience de celui qui est proposé ; il n'est pas parfait sans doute. S'il ne répond pas à toutes nos espérances dans l'avenir, alors peut-être s'en révélera-t-il un autre ; faisons au moins un effort pour sortir d'un état de choses dont tout le monde se plaint.

M. Orts. - Messieurs, dans la discussion générale, j'ai combattu le système des certificats par des raisons que je crois devoir me dispenser de reproduire ; la Chambre les a encore présents à la mémoire ; et d'ailleurs, les observations que viennent de faire d'honorables membres ne peuvent qu'avoir rafraîchi les esprits sous ce rapport.

Je répondrai simplement à deux ou trois considérations sur lesquelles l'honorable M. Devaux a particulièrement insisté.

L'honorable membre, faisant un appel à son expérience personnelle, appel qu'il était parfaitement en droit de faire, nous a dit : Les cours dont j'ai le plus profité étaient ceux sur lesquels je n'ai jamais subi d’examen.

L'honorable membre, avec sa logique habituelle, aurait dû, me semble-t-il, conclure de ses prédisses qu'il faut supprimer l'examen pour toute espèce de cours, et surtout le supprimer pour les branches les plus importantes ; mais que fait l’honorable membre ? Il maintient l'examen pour les branches importantes, et il le supprime pour les matières accessoires.

L'honorable membre insiste sur l'expérience qui a été faite du système des certificats dans les universités de l'ancien royaume des Pays-Bas. Eh bien, il manque à cette citation le seul mérite de toute citation, l'exactitude.

Le système des certificats qui nous est proposé par la section centrale n'est pas le système en vigueur dans les universités de l'ancien royaume des Pays-Bas ; il ne l'est pas non plus aujourd'hui dans les universités hollandaises. De quel certificat s'agit-il dans le projet de la section centrale ? D'un simple certificat de fréquentation ? Or, quels étaient tels certificats que nous avions à fournir dans les anciennes universités, sous l'empire du règlement universitaire de 1816 ? Quels sont les certificats qu'on doit fournir actuellement dans les universités hollandaises encore soumises à ce régime ?

Les certificats qu'on obtenait de son professeur, après qui vous avait fait subir un examen particulier dans son cabinet, c'est-à-dire en définitive un diplôme constatant que vous aviez suivi non seulement matériellement, mais avec fruit, avec distinction, les cours pour lesquels vous produisiez les certificats.

Mais le régime qu'on nous propose est tout autre chose. Si ce régime nouvellement introduit n'était pas différent du régime auquel on le compare, il ne produirait pas les résultats qu'on s'en promet.

Pourquoi l'honorable préopinant demande-t-il le certificat ? C'est pour alléger le fardeau des études, c'est pour permettre aux élèves de ne pas approfondir, comme ils le font aujourd'hui, certaines matières de l’enseignement. Donc le certificat doit être une altération de simple fréquentation matérielle, et non le résultat d'un examen.

Lorsque jadis le certificat était délivré après un examen chez le professeur, il forçait l'élève d'un professeur consciencieux et rigide observateur de la loi, à étudier la matière à certificat plus que toute autre.

L'étude qu'on en avait faite était livrée à l'appréciation isolée, secrète, arbitraire du professeur de la matière à certificat. Un professeur a toujours une tendance involontaire à se persuader que la matière qu'il enseigne est la plus importante. Force était d'étudier et sérieusement.

Vous voyez que le système hollandais, le système du gouvernement des Pays-Bas, n'est pas celui qu'on nous propose d'introduire dans la loi.

Mais, dit l'honorable M. Devaux, si vous n'admettez pas les certificats, si vous préférez la simplification des matières d'examen, l’enseignement sera incomplet, les institutions libres sur lesquelles le gouvernement n'a pas d'action ne donneront plus les cours a l'égard desquels vous n'aurez pas remplacé l'examen par un certificat.

Les matières de ces cours ne seront plus représentées dans une portion importante de l’enseignement supérieur du pays. (Interruption.)

De ce que le gouvernement aura forcé les établissements d'enseignement à maintenir l'enseignement de certaines branches sur leur programme, et croit-on qu'il aura fait grand-chose dans l'esprit de la jeunesse pour lui imposer l'obligation de s'occuper de ces matières ?

Les jeunes gens étudieront les prescriptions de la loi.

Les établissements libres les y aideront ouvertement ; les établissements de l'Etat le feront sous main. L'intérêt des élèves les y poussera fatalement. Dans l'intérêt des élèves, les cours à certificats seront nominaux pour la plupart des établissements. Je prends un exemple dans la faculté de droit. L'encyclopédie du droit est un cours semestriel auquel on consacre trois heures par semaine ; on réduira cet enseignement à un cours de six semaines. (Interruptions.) Vous contestez ! mais vous n'avez aucune espèce d'inspection sur les établissements libres, comment saurez- vous ce qui s’y passe ? Pourrez-vous dire à un professeur qu'il n'a pas suffisamment enseigné une matière, parce qu'il n'a pas consacré matériellement à enseigner le même temps qu'un autre ? Cette absence d'uniformité existe aujourd'hui. Elle tient a la liberté des méthodes et ne nuit pas à la science.

Dans les universités de l'Etat, par exemple, l'économie politique fait l'objet d'un cours semestriel ; elle y est bien enseignée. Dans les universités libres, à Louvain et à Bruxelles, le cours est annuel et l'enseignement n'est pas inférieur.

Du moment que vous permettez de remplacer l'examen par un certificat, la durée des cours n'est qu'une question de plus ou de moins ; il demeure facile d'éluder les prescriptions de la loi, ou la loi entrave la liberté, l'indépendance de l'enseignement.

Un honorable membre a dit encore : On peut profiter de beaucoup d'enseignements en y assistant sans pour cela devoir subir des examens ; il en est ainsi des prêches, des sermons.

Il y a à cette comparaison un défaut capital, l'inexactitude. Je comprends qu'un homme fait, un homme arrivé à l'âge où l'on se gouverne à sa fantaisie où l'on choisit les études pour lesquelles on se sent des aptitudes intellectuelles plus grandes, je comprends qu'un pareil homme suive avec fruit les cours de M. Villemain ou de M. Guizot, des cours que ne couronne aucune espèce de contrôle, pas plus le certificat que l'examen.

Mais ici il s'agit de jeunes gens qui ont autre chose à faire que de consulter leur goût dans les études auxquelles ils se livreront.

Ils doivent avoir en vue la profession qu'ils veulent embrasser. Si vous divisez l'enseignement pour chaque profession en matières à certificat et en matières à examen, il est évident que les jeunes gens régleront l'emploi de leur temps de manière à approfondir les matières sur lesquelles ils devront être examinés et s'occuperont très peu des matières à certificats.

Si un jeune homme a des goûts qui le portent vers des études qui ne sont pas celles qui doivent faire l'objet de l'examen, il dira : Je vais me débarrasser du fardeau de l'examen, et quand j'aurai du temps devant moi, quand je serai maître de choisir ma carrière, que je pourrai faire autre chose que suivre la volonté de mes parents, je me livrerai à mes études de prédilection.

Mais soyez en convaincus, dans les études universitaires faites en vue de l'obtention des grades, les matières à certificat seront forcément sacrifiées. Pour avoir un certificat, l'élève se bornera à aller s'asseoir à des cours, où son premier soin sera, et il aura raison, de se boucher les oreilles pour ne pas être distrait de la besogne sérieuse et pratique qu'il fera pendant que parlera le professeur. Cette besogne, c'est l'étude, la répétition des cours d'examen.

Quant à la dignité personnelle du professeur à certificat, pérorant devant un auditoire occupé d'autre chose, je laisse à la Chambre le soin de l'apprécier.

M. de Theux, rapporteur. - L'honorable préopinant pense que les cours à certificats pourront être négligés outre mesure. L'article a prévu ce danger. Mais, dit-on, vous n'avez pas de droit d'inspection, il n'y a aucun moyen de vérification. Je répondrai qu'il y a la notoriété ; on sait ce qui se passe dans les universités ; on connaît le programme, on sait quel est le nombre des professeurs, quelle est la durée des cours ; on peut parfaitement savoir ce qui se passe dans ces établissements, et s'assurer si la loi est exécutée ou non ; rien n'est plus facile.

Ce que j'ai observé dans la discussion générale, c'est que les professeurs des cours à certificats craignent que leurs cours ne perdent de leur importance et qu'ils obtiennent l'appui de leurs collègues pour le maintien de l'ancien système. Ce n'est pas là une raison qui puisse avoir d'effet sur la détermination de la législature.

On a présenté deux systèmes: l'un qui divise l'examen en cours essentiels et en cours accessoires, l'autre qui admet des cours à certificats et des cours à examen. La section centrale a opté pour le système des cours à examen et des cours à certificats.

Du moment que ce système est admis, l'opération du jury doit porter sur les matières essentielles, il est convenable d'écarter les autres matières de l'examen ; est-ce à dire que les cours qui comprennent ces matières seront négligés, auront perdu de leur importance ?

Les matières à certificats sont celles qui exigent le plus de libre allure ; les professeurs qui les enseignent seront plus à l'aise pour diriger leur enseignement, parce qu'ils ne professeront pas en vue de l'examen.

Mais, dit-on, si ce système est bon pour ces matières, pourquoi ne pas l'admettre pour des matières plus importantes, pour le droit romain, pour le droit civil, qui sont des cours à examen ? C'est que le droit romain et le droit civil sont des enseignements positifs ; il n'y a pas deux manières d'enseigner ces matières, il n'y en a qu'une seule : c'est d'en faire connaître toute l'essence aux élèves.

Au point de vue social, ce sont des matières fondamentales dont la connaissance complète est nécessaire à l'exercice de la profession à laquelle le candidat se destine ; la société doit acquérir la certitude de la capacité du récipiendaire ; elle l'acquiert par le projet de la section centrale qui accorde au jury plus de temps pour constater la science du récipiendaire.

C'est ce qui est réclamé par la plupart des personnes qui ont pris part aux examens des jeunes gens qui ont fait des études supérieures.

M. Verhaegen. - On parle beaucoup de certificats ; mais je ne sais pas si jusqu'à présent on apprécie bien la valeur de ce système.

Est-il admis, oui ou non, qu'un certificat, quel qu'il soit, suffit, du moment que la signature est légalisée ? Ou bien le jury appréciera-t-il la sincérité et la valeur du certificat ?

M. de Theux et M. Tesch. - La sincérité.

(page 587) M. Verhaegen. - Mais qu'entend-on par la sincérité des certificats ? Cela veut-il dire que lorsqu'un professeur aura délivré un certificat et que sa signature sera légalisée, le jury devra apprécier la valeur du certificat ? L'honorable M. Devaux me dit qu'il en est ainsi.

M. de Theux, rapporteur. - Il a raison.

M. Verhaegen. - Fort bien ! Mais qu'il me soit permis de continuer mon raisonnement.

Il faut donc que le jury examine la sincérité du certificat et dans votre sens, c'est en examiner la valeur.

M. de Theux, rapporteur. - Oui, jusqu'à un certain point de fait.

M. Verhaegen. - Qu'est-ce que cela veut dire jusqu'à un certain point ? Nous ne pouvons pas rester dans le vague. Il faut avoir quelque chose de positif.

La sincérité, encore une fois, cela veut dire qu'il faut constater que tel individu qui a délivré le certificat y a réellement apposé sa signature, ou bien cela signifie-t-il que le certificat doit avoir une valeur quelconque ?

M. Devaux. - Il doit s'assurer que le certificat certifie une chose vraie.

M. Verhaegen. - Très-bien. Mais pour sortir du vague que présente l'article en discussion, je demande si un individu quelconque enseignant telle ou telle matière, donne un certificat et le signe ; je demande si cela suffit, alors que sa signature est légalisée, ou bien si le jury a le droit d'examiner la capacité, l'aptitude du certificateur ?

Je voudrais qu'on s'expliquât catégoriquement sur ce point. Comme on m'interrompt constamment, je voudrais que les honorables interrupteurs me répondissent par un oui ou un non.

M. Devaux. - Quand nous arriverons plus loin, nous trouverons un article qui porte que le jury est appelé à juger de la sincérité des certificats, comme il est juge de toutes les autres épreuves. Un professeur atteste qu'un élève a suivi un cours sur une matière, le jury est appelé à juger si c'est un véritable cours. S'il trouve que les certificats ne sont pas suffisants, le candidat est soumis à un examen sommaire qui est déterminé dans la loi.

M. Verhaegen. - Cela m'amène nécessairement à m'occuper de l'article 28 bis ; car nous ne pouvons déterminer un abus, et voir les abus plus tard.

On me dit que l'article 28 bis répond à ma demande. Il porte : « Si les certificats ne sont pas en règle ou ne paraissent pas présenter un caractère suffisant de sincérité, le jury ajourne l'examen, à moins que le récipiendaire ne se soumette à passer, devant le même jury, et du consentement de celui-ci, un examen sommaire, etc. » Vous conviendrez que ces mots « ne paraissent pas présenter un caractère suffisant de sincérité » sont extrêmement vagues. Le jury pourra donc apprécier si l'individu qui a fourni le certificat a bien le caractère voulu pour le fournir. C'est la première de toutes les questions.

M. de Theux, rapporteur. - Il est évident que le jury a ce droit.

M. Verhaegen. - Eh bien, c'est un privilège, un monopole inconciliable avec la liberté d'enseignement, avec l'article 7 de la loi qui porte que « toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades, sans distinction du lieu où elle a étudié, et de la manière dont elle a fait ses études. »

Le premier individu venu peut donner un cours. Aux termes de l'article 7, je puis m'adresser à lui. Constitutionnellement, vous ne pouvez contester la capacité de ce professeur. C'est cependant ce que vous faites en rendant le jury juge de la sincérité des certificats.

Vous voyez bien que vous êtes dans le faux. Le système des certificats est une idée fixe. Mais lorsqu'il s'agit d'organiser cette idée, l'on se trouve en défaut, il y a contradiction formelle.

Il faut en revenir à ce principe. De deux choses l'une : ou les matières sont nécessaires ou elles ne le sont pas. J'entendais parler tantôt de matières essentielles ou à peu près essentielle. Mais il n'y a pas ici de juste-milieu.

Une chose est nécessaire, ou elle ne l'est pas. Si on la considère comme nécessaire, exigez toutes garanties qu'elle a été étudiée, que l'étudiant a la capacité voulue. Si elle n'est pas nécessaire, supprimez-la.

M. de Theux, rapporteur. - J'approuve beaucoup l'honorable M. Verhaegen d'avoir demandé des explications très précises sur le sens de l'article. 28. Il importe de donner au sens de cet article le plus de précision possible.

Aux termes de l'article 28, le jury a deux facultés : la faculté d'examiner le fait matériel du certificat, si le certificat est véritable, si la signature est positive, et eu outre la faculté d'examiner la capacité d'enseignement de la personne qui a donné le certificat. Sans quoi, le certificat serait tout à fait ridicule. C'est une question de bonne foi. Mais il y a dans la loi une règle tracée au jury, c'est de ne pas faire acception de personnes, de ne pas rejeter les certificats de tel professeur parce qu'il appartient à telle autre opinion, de ne pas admettre les certificats de tel autre professeur parce qu'il appartient à telle autre opinion.

Il doit respecter le principe fondamental de la loi: la liberté d'enseignement. Je suis convaincu que le jury, tel qu'il est organisé par la loi, est au-dessus de ce soupçon de partialité. Mais s'il en était autrement, l'élève serait-il victime du mauvais vouloir du jury ? Nullement. IL demanderait à subir un examen devant le jury, et il le subirait. S'il avait réellement fait de bonnes études, il confondrait le jury, et si une fois un certificat d'un professeur avait été refusé mal à propos, et que l'élève eût fait preuve de capacité devant le jury, il est évident que les certificats ultérieurs seraient admis, parce que le jury aurait reconnu que le professeur est capable de bien donner le cours dont il certifie la fréquentation.

Je ne vois aucune objection sérieuse contre ce système.

Si l'on pousse la défiance à ce point, il n'est plus possible de rien organiser. Sans doute il n'est pas impossible que les jurys fassent acte de partialité. Mais avec la publicité, il est impossible que de tels faits se reproduisent.

Avec ce système, on ne pourrait avoir d'organisation judiciaire, car, là aussi, vous pouvez soupçonner la partialité.

Mais la loi a organisé avec beaucoup de soin toutes les garanties. Je ne pense pas qu'il soit possible d'aller plus loin.

M. Verhaegen. - Je ne sais si l'honorable comte de Theux m'a bien compris ; je n’ai pas dit que nous avions à redouter les abus que pouvait commettre le jury.

Le jury, dit-on, fera abstraction de toutes les opinions possibles, admettra tous les individus quels qu'ils soient, pourvu que les certificats, quels qu'ils soient, aient un caractère de sincérité.

Mais si un professeur, débutant dans la carrière, n'est pas connu du jury, celui-ci fera subir à ses élèves un examen sommaire, et il fera ainsi déserter son cours ; car ce dont se préoccupent le plus les étudiants, c'est de subir leurs examens ou de produire des certificats, qui les dispensent de ces examens.

Mais il y a quelque chose de plus : on parle souvent et avec raison de l'importance de la liberté d'enseignement, et à chaque pas que nous faisons, nous contrarions cette liberté.

Ainsi maintenant pour coordonner ces dispositions proposées par la section centrale, il faudrait que ceux qui se présentent avec des certificats justifiassent qu'ils ont suivi tel ou tel cours. Mais ceci n'est autorisé par aucune disposition de la loi, et c'est contraire à la liberté de l'enseignement et à l'article 7. La latitude que vous laissez au jury au sujet des certificats est contraire à a liberté du professeur, à la liberté d'enseignement.

M. Wasseige. - Messieurs, je reconnais en grande partie les inconvénients qui résultent du paragraphe 5 de l'article 28, en ce qui concerne l'appréciation des certificats par le jury. C'est pour cela que j'ai indiqué, dans une séance précédente, le projet de déposer un amendement qui, à certains égards, éviterait ces inconvénients. Je ne suis point partisan des certificats dans les matières du haut enseignement, mais puisqu'il est possible qu'ils soient admis comme ils l'ont déjà été pour les études moyennes, chose qu'on semble trop oublier, j'ai pensé qu'il y a des précautions à prendre pour donner plus de garanties quant à l'exécution du paragraphe 5 de l'article 28.

Je crois, quant à moi, qu'il faut que le jury apprécie les certificats, c'est-à-dire juge si les certificats présentent des garanties suffisantes pour qu'on puisse en inférer que les cours ont été convenablement suivis, ou que les études moyennes ont été convenablement faites ; mais je dénie, dans certains cas, au jury la possibilité d'apprécier sainement le certificat qui sera produit, et cela est surtout vrai pour les certificats déjà admis par la Chambre, c'est-à-dire pour les certificats remplaçant l'épreuve préparatoire à la sortie des écoles moyennes.

En effet, messieurs, les certificats relatifs aux études supérieures seront, en général, délivrés par des professeurs connus ; ils seront, en général, délivrés par les universités, car il est assez rare de voir les études universitaires faites en dehors des universités ; mais pour les certificats relatifs à l'enseignement moyen, il arrivera très fréquemment qu'on produira devait le jury des certificats délivrés, soit par le père de famille, soit par un professeur privé, par un répétiteur, en un mot par une personne inconnue.

Soumettre dans tous les cas à un examen les élèves qui présenteront de pareils certificats, ce serait les mettre dans une position d’infériorité et par conséquent nuire à la liberté d'enseignement. Ajourner l'élève jusqu'à ce qu'on ait pris des renseignements propres à faire apprécier le certificat, cela me paraît impossible.

J'avais pensé qu'il y aurait un juste milieu à prendre, et c'est ce juste milieu que j'ai eu l'honneur d'indiquer dans une séance précédente. J'aurais voulu que tout récipiendaire qui aurait à produire un certificat émanant, soit du père de famille, soit d'un professeur n'appartenant pas à un établissement organisé, eût été obligé de transmettre son certificat au ministère de l'intérieur, quinze jours avant l'examen afin que le ministère de l'intérieur pût prendre des renseignements sur la valeur et la sincérité de ce certificat et les communiquer au jury.

Ce serait le jury qui déciderait, mais il déciderait après une espèce d'enquête, après avoir eu sous les yeux tous les éclaircissements propres à indiquer ou que le certificat est sincère ou qu'il ne l'est pas. Je dirai même qu'à tous les points de vue, ce système offrirait plus de garanties, parce que la responsabilité dans un corps moral, il faut bien le dire, n'est pas aussi forte que la responsabilité d'un ministre dans un gouvernement constitutionnel. Enfin, messieurs, le gouvernement a d'excellents moyens de se renseigner, il a les gouverneurs, les commissaires d'arrondissements, les bourgmestres qui pourront connaître parfaitement les auteurs des certificats ; et il pourra très facilement s'assurer de la capacité et de la moralité de celui qui a délivré le certificat. Quant à moi, il m'est impossible de comprendre comment le jury pourrait (page 588) se prononcer à cet égard, sans l'espèce d'enquête que je viens d'indiquer.

Voilà, messieurs, les motifs qui m'engageront peut-être à présenter à l’article 28 un amendement qui me semble de nature à obvier en grande partie aux inconvénients signalés par l'honorable M. Verhaegen. J'attendrai cependant, pour le produire, les explications que je prie l'honorable rapporteur de la section centrale, de vouloir bien donner, soit maintenant, soit lors de la discussion de l'article 28.

M. Devaux - Avant de répondre à l'honorable M. Verhaegen, comme il m'a fait une interpellation à laquelle il demande une réponse catégorique, je lui demanderai une réponse catégorique à cette question ci : Si les certificats sont rejetés quel moyen l'honorable M. Verhaegen a-t-il d'améliorer l'état des études ?

M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai répondu d'avance, et depuis plusieurs jours déjà, à la question que mon honorable ami, M. Devaux, vient de m'adresser. Je demande des examens pour toutes les matières que l'on juge nécessaires, et je réponds constamment par le même dilemme que j'ai présenté dès le principe. Le moyen d'améliorer l'enseignement, c'est d'avoir des examens.

M. Devaux. - Ainsi, messieurs, vous l'entendez, le moyen de M. Verhaegen, c'est de ne rien changer à l'état actuel des choses.

M. Verhaegen. - Sauf à simplifier.

M. Devaux. - Vous dites : les examens, c'est l'état actuel des choses. Eh bien, je crois, moi, qu'il faut introduire dans les universités les travaux intellectuels à la place des travaux mécaniques, et si l'on ne donne pas d'autre moyen, s'il n'en est pas d'autre qui ait des chances de succès, je conjure la Chambre, dans l'intérêt des familles, dans l'intérêt des études, de sortir de l'état actuel des choses par la seule issue qui nous soit ouverte.

Quant à l'appréciation du certificat, le jury est un tribunal.

Le jeune homme a à faire devant ce tribunal la preuve qu'il a suivi un cours. Eh bien, le tribunal fera ce que font les autres tribunaux, ils jugeront si la preuve est suffisante. Maintenant, que fera un jeune professeur, un professeur qui débute ? Il se fera connaître du jury, il se fera connaître du bourgmestre, et le jury sera renseigné. Mais, dit-on, il y aura dans le jury des professeurs d'universités qui seront défavorablement disposés. Il me semble que c'est oublier qu'on a établi des garanties pour la composition des jurys : il y a trois jurys, dans l'un desquels les professeurs d'universités sont en minorité, et le jeune homme peut choisir celui-là. Si vous n'avez pas confiance dans le jury, il faut rejeter non seulement les certificats, mais aussi les examens ; car enfin si le jury est malveillant, il pourra repousser l'élève, tout comme vous supposez qu'il peut repousser le certificat. Il faut, avant tout, un tribunal qui soit juste, et quand vous avez ce tribunal vous pouvez lui faire juger les certificats comme vous lui faites juger la capacité des jeunes gens.

M. de Theux, rapporteur. - Ce que la section centrale propose n'est pas du tout une aggravation de la situation d'un élève qui a fait des études extra-universitaires ; c'est, au contraire, un allégement ; aujourd'hui, dans la loi actuelle, l'élève doit subir un examen sur toutes les matières ; la section centrale propose de limiter cet examen aux matières principales, et de se borner à des certificats pour les autres matières.

Il pourrait y avoir du doute sur la position du certificateur. Comme l'a dit l'honorable M. Devaux, s'il s'agit d'un professeur qui débute dans la carrière, qui a formé pour la première fois des élèves, qui est inconnu au jury, ce professeur se rendra personnellement auprès des membres du jury, pour leur faire connaître sa position, pour leur exhiber les diplômes dont il est porteur. C'est une justification très facile à faire. Si le jury conserve des doutes, il y aura une instruction supplémentaire qui se fera naturellement par M. le ministre de l'intérieur.

Messieurs, si vous n'admettez pas le système des certificats, il faut rester dans la vieille ornière dont la Chambre.paraissait cependant désireuse de sortir.

M. Dumortier. - Messieurs, disons-le avec netteté : ce ne sont pas tant les difficultés que peut présenter le système des certificats, que le principe des certificats lui-même que l'honorable M. Verhaegen vient combattre ; l'honorable membre veut que tous les cours continuent, comme aujourd'hui à aboutir à un examen.

Or, convient-il dans l'intérêt des études, dans l'intérêt de la jeunesse, de maintenir le système actuel ? Ou bien, y a-t-il lieu de le modifier ? Voilà toute la question des certificats.

Le système qui nous régit, je l'ai déjà dit plus d'une fois dans cette enceinte, est le système le plus monstrueux qui ait jamais existé ; et pourquoi ? Parce qu'on a greffé toutes les difficultés du système français sur toutes les difficultés du système allemand.

En France, l'examen est purement pratique ; ainsi, il n'existe pas d'examen sur la philosophie ; l'élève qui suit le cours de rhétorique reçoit en même temps des leçons de logique, et au sortir de la rhétorique, il reçoit le diplôme de bachelier ès lettres qui équivaut au grade de candidat en philosophie dans ce pays-ci ; il n'existe pas en France de cours de philosophie, obligatoire pour ceux qui se destinent au droit et à la médecine.

En Allemagne, les études ont été dirigées dans un sens complètement différent.

Que se passa-t-il, lorsque nous fîmes la loi de 1835 ? Ceux d'entre nous qui siégeaient à cette époque peuvent s'en souvenir, c'est principalement M. Ernst, professeur très distingué de l'université de Liège, qui fut l'auteur de cette loi.

L'honorable membre était très épris des idées germaniques ; il voulut donc introduire le système germanique en Belgique.

Autrefois, dans une faculté, il y avait quatre professeurs ; on doubla le nombre des professeurs ; on en nomma huit ; on adjoignit à chaque cours une foule de matières accessoires qu'on n'enseignait pas antérieurement et qu'on n'enseigne pas en France.

Il en est résulté un système d'instruction universitaire tellement complet.et, passez-moi le mot, tellement absurde, qu'il n'a pas son égal dans le monde ; il n'est aucun pays au monde où les élèves soient obligés de répondre sur une quantité aussi prodigieuse de matières, (Interruption.)

C'est possible en Chine, mais je ne parle pas de ce pays-là, je ne le connais pas.

Les choses en étaient arrivées à ce point que l'aspirant au grade de candidat en philosophie devait répondre par écrit et oralement sur quinze matières différentes. Je le demande, y a-t-il un homme capable de répondre à un pareil examen ? Y a-t-il un seul d'entre vous qui, la main sur la conscience, osât dire : Je puis répondre sur un semblable programme.

Je pose en fait que si des élèves s'étaient mis à la place des examinateurs, et les examinateurs à la place des élèves, aucun des professeurs n'aurait pu satisfaire à un examen aussi compliqué.

Voilà le régime que l'honorable M. Verhaegen veut maintenir ; voilà le régime que je repousse de toutes mes forces.

Messieurs, on fait trop les lois de ce genre dans l'intérêt des universités ; ces lois, il faut les faire dans l'intérêt des familles, dans l'intérêt de la jeunesse, qui, certes, est bien digne de votre sollicitude. Il faut empêcher que cette jeunesse ne soit condamnée à une sorte d'abrutissement, lorsqu'on la force d'apprendre par cœur des cahiers sur quinze matières ! C'est un régime intolérable qui ne peut pas durer.

Déjà, en 1849, le ministère d'alors comprit l'impérieuse nécessité de modifier cet état de choses ; je lui ai rendu hommage à cette époque, parce que le but qu'il poursuivait était salutaire ; il a commencé à réduire cette exostose ; mais l'expérience a prouvé qu'il n'avait pas fait assez. Il faut donc rentrer dans le système vrai, normal.

D'après les idées qui ont prévalu précédemment, on a donné de l'étendue aux études ; on ne leur a donné aucune espèce de profondeur ; qu'elles regagnent maintenant en profondeur ce qu'elles perdront en superficie.

Les élèves qui, au sortir de la classe de rhétorique, vont à l'université, se destinent les uns au droit, d'autres à la médecine, d'autres aux sciences, d'autres aux lettres ; si chaque élève ne doit étudier que les matières relatives à la carrière qu'il veut embrasser, vous pouvez, être sûrs qu'il les étudiera avec avidité ; mais si vous voulez lui faire enseigner des matières accessoires, si vous voulez lui faire apprendre par cœur des cahiers, vous n'engendrerez pas chez lui l'amour de l'étude ; vous n'engendrerez que l'ennui, et après l'ennui le dégoût de l'étude.

Comme on le dit très bien à mes côtés, on abêtit les jeunes gens par un pareil système ; il faut que ce système disparaisse, c'est ce que propose la section centrale.

Je la remercie au nom du pays et de la jeunesse d'avoir cherché à porter remède à un aussi grand mal. Nous avons vu des jeunes gens ne pas pouvoir passer de pareils examens, bien qu'ils fussent d'un mérite transcendant ; pourquoi ? Parce qu'on voulait leur faire apprendre par cœur de misérables cahiers, comme on dit auprès de moi, abêtir leur intelligence.

On a vu des jeunes gens tomber malades aux pieds des examinateurs ; parce qu'alors on déclarait la guerre à la jeunesse. Or, c'est la jeunesse que nous devons sauver par la loi actuelle.

Si on pouvait me présenter un bon système pratique, certainement ce système aurait mon appui.

Si dans le programme les matières sont exubérantes, supprimez-les, supprimez tout ce qui n'est pas pratique, vous pouvez compter que vous aurez ma voix, pourvu que nous puissions gagner en profondeur ce que nous perdrons en étendue ; supprimez tout ce qui n'est pas indispensable, nous ne parviendrons à améliorer la situation que par ce moyen ; or, ce que nous voulons, c'est améliorer la situation de la jeunesse. Nous avons en cela déjà fait un grand pas.

Mais, dit-on, les certificats peuvent prêter à des abus. Un jeune professeur aura quarante élèves ; ces élèves viendront se présenter au jury avec des certificats, on les écartera, la liberté de l'enseignement sera atteinte.

C'est une hypothèse ; je ne comprends pas comment un jeune professeur, ayant 40 élèves, serait un inconnu.

D'ailleurs, celui dont on présentera le certificat aura quelque titre à invoquer. S'agit-il de la médecine, il aura un diplôme de docteur ; s'agit-il des lettres, il aura quelque brevet, quelque certificat ; s'agit-t-il de philosophie, un homme qui a étudié la théologie, on ne contestera pas qu'il puisse donner des leçons de philosophie ; s'agit-il du droit, un avocat famé, un juge qui aura soigné l'éducation de ses pupilles pourra aussi donner des certificats et vous y ajouterez foi. La difficulté n'existe pas.

Ce que propose la section centrale se pratique en diplomatie depuis quinze ans sans donner lieu à aucune difficulté.

(page 589) J'ai l'honneur de siéger dans ce jury depuis l'origine ; les arrêtés minutés par un honorable membre présent dans cette enceinte exigent que le candidat qui se présente justifie de ses études classiques au moyen d'un certificat délivré par une institution publique ou un instituteur quelconque.

Qu'est-il arrivé ?

Le jury apprécie la sincérité du certificat ; si c'est un diplôme il est admis immédiatement ; si le certificat émane d'un établissement du pays il est également admis ; si c'est d'un professeur on examine ce que vaut le professeur. J'ai vu des certificats donnés par M. Baron, personne ne les a contestés, on les a admis sans examen ; on a produit des certificats de personnes inconnues qui ne paraissaient pas une justification suffisante ; on a pris un livre latin et on a interrogé..C'est ainsi que les difficultés si monstrueuses que vous craignez sont résolues dans le jury diplomatique. Tout cela vous prouve l'inanité de l'opposition de l'honorable membre. Il voudrait conserver cette masse monstrueuse de matières dont notre système est encombré, il veut conserver les matières qui ont fatigué notre jeunesse et qui ne pouvaient avoir pour résultat que de l'abêtir.

Tout système qui apportera une amélioration à un si grand mal sera dans l'intérêt de la jeunesse, et je l'appuierai de grand cœur, parce que ce qui est dans l'intérêt de la jeunesse est, à mes yeux, dans l'intérêt de non pays.

M. Moncheur. - Messieurs, nous faisons une loi organique sur l'enseignement supérieur. Cette loi doit donc contenir toutes les garanties réclamées par la société et par les individus.

Or, je suis d'avis, comme deux préopinants, que le cinquième paragraphe de l'article 28bis n'offre pas toutes les garanties au point de vue de l'enseignement privé.

En effet, il porte que si le jury trouve que les certificats ne sont pas en règle ou paraissent ne pas offrir un caractère suffisant de sincérité, il ajourne l'examen ; de sorte que le jury dénué de toute espèce de renseignement tant sur la personne qui aura délivré le certificat que sur les circonstances dans lesquelles l'élève aura pu faire des études humanitaires, le jury livré à ses seules aspirations pourra rejeter le certificat et ajourner l'examen, sans même avoir entendu le signataire.

Or, je dis qu'avec une semblable disposition, on met en péril l'enseignement privé proprement dit, surtout, c'est-à-dire l'enseignement du père de famille.

L'honorable M. Devaux a dit que l'on pouvait considérer le jury comme un tribunal qui se prononcerait sur la validité des certificats ; mais, messieurs, quand les tribunaux jugent une affaire quelconque, c'est après avoir entendu les parties, c'est après avoir pris connaissance de toutes les circonstances de la cause, tandis que, dans le cas dont il s'agit, le jury se trouverait en présence uniquement d'un morceau de papier et devrait décider sans rien connaître, sans rien savoir, si les énonciations qu'il contient sont sincères ou mensongères.

M. Devaux a dit encore que puisqu'on reconnaissait au jury la capacité suffisante pour juger l'examen, on devait aussi le considérer comme compétent pour juger les certificats ; mais la différence est immense entre ces deux cas ; dans l'examen, le jury interroge le récipiendaire, il entend ses réponses et il est en parfaite position pour porter un jugement sur leur mérite ; mais dans le cas dont nous nous occupons, le jury ne possède pas le moindre élément d'appréciation, quant au point de fait sur lequel il doit se prononcer.

Il faudrait donc, selon moi, qu'une modification quelconque fût apportée à l'article 18, pour remédier à l'inconvénient qu'on a signalé à juste titre. IL faudrait par exemple, tout au moins, qu'il fût dit dans la loi que le jury ne pourra rejeter un certificat ni ajourner un examen qu'après avoir.entendu le signataire de ce certificat ou l'avoir dûment appelé. Ce n'est pas le moment de présenter ici un amendement à l'article 28 bis, mais j'ai voulu montrer dès à présent que les objections faites contre le paragraphe 5 de cet article sont loin d'être sans fondement.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, rien n'empêche qu'on dise qu'en cas de doute sur la sincérité du certificat, le certificateur ou le récipiendaire devra éclairer le jury avant qu'il prenne une décision ; le jury n'est pas obligé d'ajourner avant d'avoir entendu le récipiendaire ou le certificateur ; il peut indiquer un délai endéans lequel il recevra des explications qui pourront l'éclairer. Ce sont là des mesures d'exécution qui ne doivent pas entrer dans la loi.

M. Verhaegen. - Ce sera alors le certificateur qui viendra subir l'examen. Enfin, on reste dans le vague le plus complet, on cherche à' esquiver les arguments présentés, et la question reste au même point. Je n'en dirai pas davantage.

- La discussion est close.

L'article 8bis proposé par la section centrale est mis aux voix.

Plusieurs membres demandent l'appel nominal. Il est procédé à cette opération.

L'article 8 bis est mis aux voix et adopté par 60 voix contre 21 et 5 abstentions.

Ont voté pour : MM. de Bronckart, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, F. de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Smet, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumortier, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Licot de Nismes, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Tieghem, Vermeire, Wautelet, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez et Delehaye.

Ont voté contre : MM. de Lexhy, Delfosse, de Moor, de Paul, de Perceval, Goblet, Grosfils, Jouret, Loos, Orts, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom, Verhaegen, Allard, Anspach, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David et de Breyne.

Se sont abstenus : MM. Frère-Orban, Lesoinne, Rogier, Wasseige et de Baillet-Latour.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. Frère-Orban. - Dans l'ordre d'idées que j'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre, je proposais la suppression des examens tels qu'ils sont aujourd'hui organisés et je demandais, pour être admis à un examen professionnel, la preuve, par diplômes ou certificats, que les études exigées par la loi avaient été réellement faites. Je n'ai pu, par conséquent, voter contre la proposition qui vous est soumise par la section centrale.

Mais, d'un autre côté, le système de la section centrale me paraît présenter un très grand inconvénient ; il déflore l'enseignement supérieur ; toute la partie scientifique do l'enseignement est considérée comme absolument secondaire par la législature.

Dans mon système, au contraire, l'ensemble de l'enseignement conservait son véritable caractère et sa grandeur. Les formes des examens successifs auraient été réglées dans l'université, et rien n'aurait été plus facile que de prescrire, dans les établissements de l'Etat, toutes les mesures propres à assurer de bonnes et sérieuses études. On eût trouvé là, dans l'intérêt de la science, un moyen légitime d'émulation avec les établissements rivaux. Je cherchais, en outre, des garanties d'impartialité par la composition du jury chargé d'apprécier les certificats produits, tandis que dans le système de la section centrale, les juges des certificats seront, en partie, les collègues de ceux qui les auront donnés.

Dans de pareilles conditions, je crains les résultats de la mesure que l'on propose. Je ne veux pas que l'on puisse invoquer une pareille épreuve contre l'idée que j'ai défendue, et c'est pourquoi je me suis abstenu.

M. Lesoinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Rogier. - Je suis partisan de la simplification des examens.

Déjà par la loi de 1849, cette simplification a eu lieu.

J'étais disposé à dégrever les examens sans affaiblir les études. Mais j'aurais préféré le système mis en avant par la commission nommée par l'honorable M. Piercot. Dans cette situation j'ai dû m'abstenir.

M. Wasseige. - Je n'ai pas voté contre l'article parce que je suis partisan du système de certificats remplaçant les examens pour les études moyennes ; je n'ai pas voté pour parce que je ne veux pas de cours à certificats dans l'enseignement supérieur.

M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Article 9

« Art. 9 (projet du gouvernement). L'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire à l'étude du droit, comprend :

« L'histoire de la littérature française ;

« Des exercices philologiques et littéraires sur la langue latine ;

« L'histoire politique de la Grèce ;

« L'histoire politique du moyen âge ;

« L'histoire politique de la Belgique ;

« La logique, l'anthropologie et la philosophie morale ;

« Les antiquités romaines envisagées au point de vue des institutions politiques.

« L'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire au doctorat dans la même faculté, comprend les mêmes matières, à l'exception que l'histoire politique de l'antiquité est substituée à l'histoire politique de la Grèce.

« Cet examen comprend, en outre, des exercices philologiques sur la langue grecque. »

« Art. 9 (projet de la section centrale) Les matières d'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire à l'étude du droit, sont :

« Des exercices philologiques et littéraires sur la langue latine, et des explications d'auteurs latins à livre ouvert ;

« L'histoire politique de l'antiquité ;

« Les antiquités romaines envisagées au point de vue des institutions politiques ;

« La logique.

« Les matières à certificats sont:

« L'histoire de la littérature française ;

« L'histoire politique du moyen âge ;

(page 590) « L'histoire politique de la Belgique ;

« La psychologie et la philosophie morale.

« L'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire au doctorat dans la même faculté, comprend les mêmes matières et, en outre, des exercices philologiques et littéraires sur la langue grecque et l'histoire politique de la Grèce. »

M. Moreau. - Je désire présenter seulement une observation sur la rédaction de l'article 9.

Cet article range parmi les matières d'examen pour la candidature en philosophie et lettres préparatoire à l'étude du droit, histoire politique de l'antiquité.

Et le dernier paragraphe du même article porte que l'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire au doctorat dans la même faculté, comprend en outre l'histoire politique de la Grèce.

Or, il est évident que l'histoire politique de la Grèce fait essentiellement partie de l'histoire politique de l'antiquité ; il y a donc erreur dans la rédaction et je propose de supprimer du dernier paragraphe de l'article 9 les mots « et l'histoire politique de la Grèce ».

M. Dumortier. - Je présume qu'une erreur s'est glissée dans la répartition des matières. Ainsi dans les matières sur lesquelles l'examen oral doit être passé, je lis : « Histoire politique de l'antiquité », et dans les matières à certificats « histoire politique de la Belgique ». Il est évident que l'histoire politique de la Belgique est plus importante à connaître que l'histoire politique de l'antiquité. Il faut donc transposer les deux matières.

Quand la transposition sera faite, il ne sera plus nécessaire de supprimer à la fin de l'article les mots et l'histoire politique de la Grèce qui ne peuvent s'expliquer que par l'erreur que je viens de signaler.

(page 593) M. Dechamps. - J'appuie l'amendement de l'honorable M. Dumortier. Il me paraît qu'il est impossible de donner la préférence à l'histoire des Grecs et des Romains sur l'histoire politique de notre pays. Je dois croire que c'est par inadvertance que cet oubli a été commis par la section centrale, à moins qu'on ne m'en fasse connaître des motifs que je ne devine pas.

3e voudrais aussi demander une explication à l'honorable rapporteur de la section centrale sur un point qui me paraît assez essentiel. Ainsi la section centrale propose de conserver dans les matières de l'examen pour la candidature en philosophie et lettres préparatoire à l'étude du droit, la logique, et de considérer comme matières accessoires la psychologie et la philosophie morale, d'en faire des matières à certificats. Si les matières à examen sont les plus importantes et si les matières à certificats le sont moins, il me semble que c'est la logique qui devrait figurer parmi ces dernières et la psychologie parmi les premières. La logique, comme on l'enseigne, est une préparation à la philosophie.

La logique est à la philosophie ce qu'est la grammaire à la littérature, c'est un cours de gymnastique intellectuelle, pour former le jugement.

Je ne crois pas, messieurs, que le cours de logique, tel qu'en le donne, serve beaucoup à former le jugement ; je crois que ceux à qui Dieu a donné le jugement, raisonnent juste, et que ceux à qui il l'a refusé, raisonnent faux. Les formules de syllogismes servent peu à ce travail de l'intelligence.

Je crois, messieurs, que la philosophie véritable, c'est la psychologie et la morale et que le cours de logique n'est qu'un cours accessoire, à moins qu'on ne lui donne d'autres proportions et qu'on en fasse le cours de la méthode.

Il est encore une considération que je demande à pouvoir soumettre à la Chambre. A certain point de vue, je ne crois pas qu'il soit sans danger de laisser les élèves arriver au cours de médecine sans les obliger à passer par un cours de philosophie véritable. Il me paraît que les études médicales, lorsqu'elles ne sont pas précédées de l'étude de la psychologie et de la morale, mènent droit au naturalisme. Peut-être l'école matérialiste de Broussais et de Cabanis a-t-elle dû son existence à cette cause.

Je ne fais pas, messieurs, de proposition ; je demande seulement à m'éclairer, et je désirerais connaître les motifs qui ont engagé la section centrale à faire la proposition dont je viens de parler.

(page 590) M. Devaux. - Vous comprenez, messieurs, que cette division en matières d'examen et matières à certificats, n'est pas tellement absolue qu'il n'y ait certaine matière qui ne puisse se ranger indifféremment parmi les matières d'examen ou parmi les matières à certificats. Dans les matières d'examen pour la candidature, il faut mettre généralement celles qui conduisent aux connaissances sur lesquelles l'élève sera interrogé plus tard. Il s'agit ici d'un examen préparatoire à l'étude du droit, c'est pour cela qu'on y fait entrer les antiquités romaines et l'histoire politique de l'antiquité.

Cependant il y a dans les matières à certificats des branches tout aussi importantes, mais celles-là ont un rapport moins direct avec l'étude du droit romain.

Maintenant, voulez-vous ajouter aux matières d'examen l'histoire politique de la Belgique ?

Quant à moi, je crois qu'il vaut mieux la laisser comme elle est.

Remarquez, messieurs ; que l'histoire de la Belgique est une histoire très détaillée, c'est une histoire de provinces, dans laquelle l'examen, si l'on n'est pas sobre, peu aller très loin.

Quant à l'observation de M. Dechamps, je serais assez de son avis qu'il vaudrait mieux comprendre la psychologie dans les matières d'examen que la logique. La logique, en effet, n’est pas la partie la plus importante du cours de philosophie et elle présuppose en quelque sorte la psychologie.

Cependant sous l'ancien gouvernement c'était la logique seule qui faisait partie de cet examen.

Je le répète, messieurs, quant à l'histoire de la Belgique, si on veut l'ajouter, on le peut ; mais je crois que l'examen tel qu'il est proposé est suffisant, et il laissera l'esprit des étudiants assez libre pour qu'ils puissent suivre avec fruit les cours à certificats.

M. Moncheur. - Je ne puis approuver l'élimination qui a été faite, par la section centrale, du cours d'histoire de la littérature française hors des matières de l'examen pour la candidature en philosophie et lettres.

Il me semble, messieurs, que c'est là un cours qu'il serait très important de maintenir comme matière d'examen et non point comme matière à certificat, d'autant plus qu'à l'article 10 on ne le comprend même pas non plus dans l'examen pour le doctorat en philosophie et lettres. De sorte qu'on pourra parvenir au grade de docteur en philosophie et lettres sans avoir donné, pendant tout le cours des études universitaires, aucune espèce de preuve que l'on connaît la littérature française. Or, cela ne doit pas être. C'est parmi les docteurs en philosophie et lettres qu'on choisit les professeurs ; ce sont ces docteurs qui forment la pépinière toute naturelle du professorat tant pour l'enseignement moyen que pour l’enseignement supérieur.

Eh bien, n'est-il pas nécessaire de s'assurer, autrement que par un certificat, que la littérature française et son histoire sont connues de celui qui sera peut-être appelé un jour à l'enseignement en Belgique ? D'ailleurs, peut-on, sans connaître ces matières, être considéré comme ayant reçu une éducation complète ? Non, sans doute. Je demanderai donc à cet égard des explications à l'honorable rapporteur de la section centrale ou au gouvernement.

Peut-être pourrait-on placer l'histoire de la littérature française à l'article 10, comme matière d'examen du doctorat en philosophie et lettres, mais il me semble que cette matière devrait nécessairement faire partie de l'un des examens de cette faculté.

Quant à moi, je préférerais qu'elle fût placée à l'article 9, et je crois qu’on pourrait l'y substituer sans inconvénient à l'histoire politique de l'antiquité, car, si comme un orateur vient de le dire, ce dernier cours a surtout pour objet de préparer les élèves à l'étude du droit romain, je ferai remarquer qu'outre que ce cours serait suivi en tout cas, comme matière à certificat, ce qui aide le plus à l'intelligence des lois romaines, ce sont les antiquités romaines, et l'histoire du droit que l'on enseigne en même temps que les institutes.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a placé la logique parmi les matières d'examen parce que la logique est réellement la base de nos connaissances. C'est dans la logique qu'on apprend à apprécier les règles de certitude et de probabilité, et l’habitude d'apprécier le degré de certitude ou de probabilité des choses est extrêmement essentielle dans tout le cours de la vie. C'est dans ce but aussi que l'honorable M. Vander Donckt a demandé que la logique fût comprise dans l'examen de ceux qui se destinent aux études médicales. Quant à moi je ne ferai pas d'opposition à cette mesure.

On a demandé aussi qu'on insérât dans le programme d'examen la psychologie ; je n'y vois pas d'inconvénient, on pourrait ajouter la psychologie à la logique. (Interruption.) Eh bien, messieurs, si l'on trouve que c'est trop, alors, pour ma part, je donnerai la préférence à la logique.

L'honorable M. Moncheur pense qu'on devrait inscrire parmi les matières d'examen l'histoire de la littérature française. Je ne trouve pas que cela soit nécessaire. Ce n'est pas à dire que je n'attache pas d'importance à l'histoire de la littérature française, loin de là, j'y attache la plus grande importance. C'est une branche tout à fait indispensable ; mais ce cours a beaucoup d'attrait par lui-même et il est enseigné dès le collège ; il n'est nullement à craindre qu'il soit jamais déserté. C'est une étude qui est suivie avec plaisir, je dirai avec amour. Je ne pense donc pas qu'il soit nécessaire de faire porter l'examen sur cette branche ; je préfère le faire porter sur l'histoire politique de l'antiquité qui est une matière plus aride et que l'on serait plus porté à négliger si elle n'était pas comprise dans l'examen.

M. de La Coste. - Messieurs, lorsque nous sommes arrivés à la section centrale, nous avions tous, je pense, reçu de nos sections une mission très formelle, c'était de travailler à la réduction des matières, à la simplification des examens ; voilà pourquoi, malgré un certain genre d'impopularité auquel nous nous exposions, auquel je m'exposais à regret pour notre part, nous avons adopté le régime des certificats que la Chambre vient d'approuver.

Maintenant, l'écueil que nous devons redouter et qui détruirait entièrement la résolution de la Chambre, c'est que chaque membre, peut-être frappé de l'absence d'une matière à laquelle il attache une juste importance, ne vienne demander l'adjonction de la matière pour laquelle il a cette préférence ; alors le but de la Chambre serait manqué ; cherchons donc à éviter cet écueil.

Pourquoi avons-nous donné la préférence à la logique ? Aux observations très judicieuses de l'honorable rapporteur il faut ajouter que nous étions charmés, ainsi que nous l'avons dit dans la discussion générale, d'écarter de l'examen des questions sur lesquelles on est si divisés, qui, à cause de cela, ne sont ni ne peuvent jamais être traitées à fond dans un examen. Nous avons pris la logique comme ayant un caractère plus positif, et comme devant néanmoins amener probablement dans le jury un représentant considérable de la philosophie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je crois devoir ajouter quelques mots pour faire apprécier à la Chambre les motifs qui militent en faveur de la conservation des matières, telles qu'elles sont indiquées par la section centrale.

D'après une décision que nous venons de prendre, les aspirants au grade de candidat en philosophie et lettres, préparatoire aux études du droit, ne seront plus examinés sur toutes les matières. Il y a donc une division à faire. Comment l'opérer ? Faut-il s'attacher à l'ordre d'importance de chacune des matière ? On ne tomberait jamais d'accord pour régler cet ordre d'importance.

Toutes les matières, même les matières à certificats, considérées abstractivement, ont assurément leur utilité. Ainsi, je m'associe de cœur à ce que l'on a dit de la nécessité de faire étudier sérieusement l'histoire politique de la Belgique ; la littérature française est également une branche essentielle des études universitaires.

Mais ce dont nous devons nous préoccuper dans la division des matières, c'est de faire porter l'examen sur les matières qui sont plus directement en rapport avec la carrière à laquelle se destine le récipiendaire. Les élèves en philosophie, qui font dans l'intention de suivre les études du droit, doivent donc être interrogés de préférence sur le latin, sur l'histoire politique de l'antiquité, sur les antiquités romaines et sur la logique, et l'on peut sans grands inconvénients retrancher de l'examen les matières qui ont moins de rapport avec la carrière que ces élèves ont en vue, quelle qu'en soit, du reste, l'importance intrinsèque.

M. de Haerne. - Messieurs, je désire présenter une simple observation à la Chambre. Si l'on entend uniquement par logique l'art de raisonner, l'étude du syllogisme, l'ensemble des règles d'Aristote plus ou moins modifiées d'après les idées du siècle, je conçois que dans ce cas on place la logique parmi les matières de l'examen. Mais dans la plupart des cours de logique, il y a une partie beaucoup plus essentielle ; c'est la partie qui se rapporte à la certitude, à l'origine des idées, à la tradition, à la raison, au rationalisme ; il devrait être entendu que ces matières n'entrent pas dans la logique dont il s'agit ici.

(page 591) Sinon, nous retomberions dans l'inconvénient qui a été signalé d'une manière si remarquable par l'honorable M. Frère-Orban dans une séance précédente, à savoir que tout examen en cette matière a pour conséquence presque nécessaire de conduire au scepticisme ; en effet, d'un côté, on interroge dans un sens, et d'un autre côté on interroge dans un sens diamétralement opposé sur des sujets qui touchent à l'origine des idées, à la source des connaissances humaines. L'un des membres du jury nie l'autorité, un autre la prend pour un appui essentiel à la raison. Il en résulte dans l'esprit de la jeunesse un doute radical, un véritable scepticisme.

Si la logique est réduite aux limites que je viens d'indiquer, elle peut être placée parmi les matières de l'examen ; dans le cas contraire, elle doit faire l'objet d'un cours à certificat.

M. Dumortier. - Messieurs, je dirai deux mots pour justifier mon amendement.

La section centrale propose de mettre dans l'examen l'histoire politique de l'antiquité et les antiquités romaines ; j'ai eu l'honneur de proposer de remplacer l'histoire politique de l'antiquité par l'histoire politique de la Belgique.

Je demanderai quelle utilité présente pour les études du droit la connaissance de l'histoire politique de l'antiquité ; je n'en vois aucune, en dehors de Rome. Or, la question romaine se trouve précisément dans le cours des antiquités romaines.

L'élève en droit a-t-il intérêt à connaître l'histoire politique des Mèdes, des Perses, des Egyptiens, etc. ? Non sans doute, mais il a intérêt à connaître l'histoire politique de notre pays, c'est-à-dire l'histoire de nos anciennes communes, de nos anciens états généraux ; l'histoire de ces belles et anciennes institutions qui sont la gloire et la force du principe libéral dans ce pays.

Si nous voulons former notre jeunesse au sentiment patriotique, il faut d'abord qu'elle soit bien imbue de la connaissance de nos anciennes institutions de liberté, il faut qu'elle comprenne que chez nous la liberté est vieille et très vieille.

Je maintiens en conséquence l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, personne dans la Chambre ne doutera, je pense, de l'importance que la section centrale attache à la connaissance de l'histoire politique de la Belgique ; nous avons discuté avec soin la question de savoir s'il convenait d'attribuer cette matière à l'examen, et la majorité s'est prononcée pour la négative ; pourquoi ? Parce que l'histoire de la Belgique s'apprend d'abord à l'école primaire et puis au collège, et parce qu'enfin on enseigne l'histoire politique du pays à l'université.

L'histoire politique de la Belgique a tant d'attrait, que personne certainement ne négligera de fréquenter ce cours, non seulement avec assiduité, mais je dirai avec intelligence et avec le désir de bien connaître cette histoire.

Les professeurs des universités sont trop animés du sentiment patriotique pour ne pas comprendre et faire apprécier tout l'intérêt qui s'attache à l'histoire politique de la Belgique. D'ailleurs, quand on vit sous un régime représentatif, personne ne peut négliger cette étude.

Mais si vous faites passer l'examen sur l'histoire politique de la Belgique, il est évident que c'est une matière très vaste sur laquelle on peut poser une infinité de questions qui peuvent plus ou moins embarrasser les récipiendaires, et qui absorbera une partie considérable de temps de l'examen, de manière que les autres matières que la section centrale a voulu y comprendre, parce qu'elles présentaient moins d'attrait et même une certaine utilité, seront négligées dans l'examen et peut-être dans les études si elles ne font pas partie de l'examen obligatoire. C'est là ce qui nous a déterminés à la ranger dans cette catégorie.

Quant à l'importance de la matière, nous sommes d'accord ; mais nous pouvons être certains qu'aucun jeune homme sorti de l'université n'ignore l'histoire politique de la Belgique ; il n'est donc pas nécessaire de la comprendre dans l'examen. Si nous voulons avoir un examen simplifié et constatant les connaissances de l'élève, il faut laisser porter l'examen sur les autres matières et ranger parmi les matières a certificat celles qui présentent un attrait particulier.

M. Orts. - L'honorable M. Dumortier a fait des réflexions très justes sur l'histoire politique de la Belgique et l'histoire politique de l'antiquité.

L'honorable M. Devaux, paraissant le combattre, a fait des réflexions non moins justes. Tout le monde serait d'accord cependant, avec un très léger changement de rédaction. L'histoire politique ancienne que l'on veut est l'histoire romaine.

On ne veut qu'elle : elle seule est utile aux études ultérieures, aux études de droit.

Au point de vue de l'étude du droit, l'étude de l'histoire politique romaine est intimement liée à celle des antiquités qui est nécessaire. Si l'une de ces matières est matière à examen, l'autre ne saurait être matière à certificat.

L'une et l'autre doivent être ou matière à examen ou matière à certificat. En pratique, ou ces cours sont confondus, ou ils sont donnés par le même professeur. Il y a solidarité. Quelque chose, ce me semble, pourrait être supprimé parmi les matières de l'examen qui nous occupe, c'est l'histoire politique du moyen âge.

Sans doute cet enseignement peut être d'un haut intérêt ailleurs qu'à l'examen de la candidature en philosophie et lettres. Je comprends l'utilité du cours d'histoire de la civilisation que donnait M. Guizot ; c'était un cours d'histoire politique du moyen âge ; mais il est impossible de donner ce cours d'une manière complète dans nos universités, en lui consacrant le temps que le programme assigne ; supprimons-le, puisqu'il est fatalement incomplet.

L'histoire politique de la Belgique pourrait remplacer, jusqu'à un certain point, et suffisamment, le cours d'histoire politique du moyen âge. Le professeur d'histoire politique belge sera amené à expliquer toutes les généralités de la science appliquées à la spécialité ; la féodalité, l'origine du régime communal, le système des Etats, etc. ; les exemples qu'il prendrait dans la Belgique seront meilleurs que ceux qu'il pourrait demander à l'Allemagne, à la France, à l'Italie, à l'Angleterre. L'histoire politique du moyen âge est inutile à l'université, puisqu'elle est forcément mutilée. En pratique, elle se borne à très peu de données, elle se borne à deux ou trois époques qui fournissent quatre ou cinq questions à l'examen. L'histoire politique de la Belgique est plus nécessaire au candidat en droit qu'au candidat en philosophie et lettres, car c'est l'introduction historique véritable du cours de droit publie, de droit constitutionnel. Loin de la supprimer, je voudrais que l'histoire politique moderne et l'histoire politique belge fussent substituées l'une à l'autre dans la place qu'elles occupent au programme. L'une irait à la faculté de droit, l'autre la remplacerait en philosophie.

MpD. - Je mets aux voix l'amendement de M. Dumortier, qui propose de comprendre dans l'examen l'histoire politique de la Belgique, et dans les matières à certificats l'histoire politique de l'antiquité.

M. Dumortier. - La Chambre ne paraissant pas disposée à accueillir mon amendement, je le retire.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Moreau, qui propose la suppression des mots : « l'histoire politique de la Grèce », qui terminent le dernier paragraphe de l'article.

M. Moreau. - C'est par erreur qu'on les y a insérés.

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

L'article 9 de la section centrale, ainsi modifié, est également mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10 (projet de la section centrale). Les matières d'examen pour le doctorat en philosophie et lettres sont:

« La littérature latine ;

« La littérature grecque ;

« L'histoire de la littérature ancienne ;

« Les antiquités grecques ;

« La métaphysique générale et spéciale ;

« L'histoire de la philosophie ancienne et moderne.

« Le récipiendaire est interrogé d'une manière approfondie, à son choix, soit sur la métaphysique générale et spéciale, soit sur la littérature latine et la littérature grecque. »

- Adopté.

Article 11

« Art. 11 (projet de la section centrale). Les matières d'examen pour la candidature en sciences naturelles sont :

« Les éléments de chimie inorganique et organique ;

« La physique expérimentale, les éléments de botanique et la physiologie des plantes.

« Les matières à certificats sont:

« La zoologie et la minéralogie ;

« La logique.

« Les matières d'examen pour la candidature en sciences physiques et mathématiques sont :

« La haute algèbre ;

« La géométrie analytique complète ;

« La géométrie descriptive ;

« Le calcul différentiel et le calcul intégral jusqu'aux quadratures inclusivement ;

« La physique expérimentale.

« Matières à certificats:

« La statique élémentaire ;

« Les éléments de chimie inorganique et la minéralogie ;

« La logique. »

M. Devaux. - Je demanderai, comme l'a fait M. Dechamps, la substitution de la psychologie à la logique. On supprime l'épreuve préparatoire à la candidature en sciences ; à cette épreuve, l'élève était examiné sur la psychologie, la logique et la philosophie morale ; on le dispense non seulement de l'examen sur les trois branches, mais même de la fréquentation de deux des trois cours, on n'exige que le certificat de fréquentation du cours de logique. Je crois qu'ici il y a plus de motifs que tout à l'heure pour substituer à la logique la psychologie.

D'abord il est des universités où l'élève qui n'a pas suivi le cours de psychologie ne comprendrait pas le cours de logique, et pour le dire en passant, messieurs, la logique aujourd'hui ne peut nullement se réduire aux règles du syllogisme.

On ne peut pas ainsi rétrécir la science. Il ne faut pas croire non plus que dans un cours de logique on enseigne l’art pratique de raisonner.

(page 592) Un esprit faux n'y apprend pas à raisonner juste. La psychologie est le fondement de la science philosophique.

L'élève qui se borne à un seul cours de philosophie doit, ce me semble, choisir celui-là. En 1835, lorsqu'on a exigé pour la première fois que les élèves en sciences suivissent un enseignement philosophique, l'intention était de faire quelque contrepoids à des études se rapportant toutes à la nature physique.

On a voulu contrebalancer les tendances trop exclusives que ces études impriment à l'esprit lorsqu'elles sont isolées. Sous ce rapport la mesure a été d'un bon effet, et je crois que c'est une nouvelle raison pour substituer ici la psychologie à la logique.

M. Dumortier. - Messieurs, dans les matières d'examen pour la candidature en sciences naturelles, je remarque que dans la combinaison on a donné beaucoup à la chimie et à la physique et très peu à l'histoire naturelle.

En effet, on demande que l'examen porte sur les éléments de chimie inorganique et organique, la physique expérimentale, les éléments de botanique et la physiologie des plantes, c'est-à-dire sur les parties théoriques ; mais les parties pratiques telles que la zoologie, la minéralogie et la botanique, je ne les vois figurer nulle part.

Nous aurons à faire des médecins, ils auront passé l'examen de la candidature en sciences naturelles, tous les jours ils prescriront les plantes et ils n'en connaîtront pas la nature, mais ils connaîtront la physiologie des plantes et la physique expérimentale.

Je demande où l'on prétend mettre la botanique.

- Un membre. - Elle y est.

M. Dumortier. - J'y vois les éléments de la botanique, mais pour la botanique elle n'y est pas.

Les éléments de la botanique et la botanique sont deux choses différentes. Les éléments de la botanique consistent dans la connaissance de ce que c'est que la corolle, le pistil d'une fleur, etc., la botanique consiste dans la connaissance de la nature des plantes.

Je ne vois pas de motif pour conserver dans les matières d'examen la physiologie des plantes qui est sujette à beaucoup de contestations. Je voudrais que le cours de botanique fût l'objet de l'examen, ce cours qui se fait dans tous les établissements me paraît avoir été oublié autrefois, c'était un des cours principaux.

Je propose de mettre la botanique au lieu de la physiologie des plantes. Le paragraphe 3 serait ainsi rédigé :

« La physique expérimentale et la botanique. »

La botanique comprend nécessairement les éléments.

- L'amendement de M. Devaux (remplacement du mot logique par le mot psychologie) et l'amendement de M. Dumortier (remplacement des mots éléments de botanique et physiologie des plantes par le mot botanique) sont successivement adoptés.

L'article 11 du projet de la section centrale ainsi modifié est adopté.

Article 12

« Art. 12. L'examen pour le doctorat en sciences naturelles comprend :

« 1° Un examen approfondi sur la chimie organique, si le récipiendaire se destine aux sciences physiologiques, et sur la chimie inorganique, s'il se destine aux sciences géologiques ;

« 2° Un examen approfondi sur l'une des trois catégories suivantes, à son choix :

« L'anatomie et la physiologie comparées ;

« L'anatomie et la physiologie végétales ; la géographie des plantes et les familles naturelles ;

« La minéralogie et la géologie ;

« 3° L'astronomie physique.

« Les récipiendaires subissent un examen ordinaire sur les deux catégories du n° 2, qui ne font point l'objet de l'examen approfondi.

Le diplôme mentionne les matières qui ont fait l'objet de l'examen approfondi. Le récipiendaire peut, s'il le désire, subir un examen approfondi sur les deux branches de la chimie ; il en est fait mention dans le diplôme. »

- Adopté.

Article 13

« Art. 13. L'examen pour le grade de docteur en sciences physiques et mathématiques comprend :

« 1° Un examen approfondi sur l'analyse et la mécanique analytique ;

« 2° Un examen approfondi sur l'une des matières suivantes, au choix du récipiendaire :

« La physique mathématique ;

« La mécanique céleste ;

« L'astronomie ;

« Le calcul des probabilités.

« Les récipiendaires, subissent un examen ordinaire sur les matières du n°2, qui ne font point l'objet de l'examen approfondi.

« Le diplôme mentionne les matières qui ont fait l'objet de l'examen approfondi. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14 (projet du gouvernement). Les examens en médecine et en chirurgie comprennent :

« 1° Celui de candidat :

« L'anatomie humaine (générale et descriptive) ;

« Les démonstrations anatomiques ;

« La physiologie humaine et la physiologie comparée dans ses rapports avec la première ;

« Les éléments d'anatomie comparée ;

« La pharmacologie, y compris les éléments de pharmacie ;

« 2° Le premier examen pour le doctorat :

« La pathologie générale :

« La thérapeutique générale, y compris la pharmaco-dynamique ;

« La pathologie el la thérapeutique spéciales des maladies internes ;

« L'anatomie pathologique ;

« 3° Le deuxième examen du doctorat :

« La pathologie chirurgicale ;

« La théorie des accouchements ;

« L'hygiène publique et privée el la médecine légale ;

« 4° Le troisième examen du doctorat :

« La clinique interne, la clinique externe, la pratique des accouchements et des opérations chirurgicales. »

« Art. 14 (projet de la section centrale) Les matières d'examen en médecine et en chirurgie sont :

« 1° Pour celui de candidat:

« L'anatomie humaine (générale et descriptive) ;

« Les démonstrations anatomiques ;

« La physiologie humaine.

« Les matières à certificats sont :

« Les éléments d'anatomie comparée ; »

« La pharmacologie, y compris les éléments de pharmacie.

« 2° Pour le premier examen du doctorat :

« La pathologie générale ;

« La pathologie et la thérapeutique spéciales des maladies internes.

« Les matières à certificats sont :

« La thérapeutique générale, y compris la pharmaco-dynamique ;

« L'anatomie pathologique.

« 3° Pour le deuxième examen du doctorat :

« La pathologie chirurgicale ;

« La théorie des accouchements.

« Les matières à certificats sont:

« L'hygiène publique et privée, et la médecine légale.

« 4° Pour le troisième examen du doctorat :

« La clinique interne, la clinique externe, la pratique des accouchements et des opérations chirurgicales. » ?

(page 605) >M. Vander Donckt. - On semble être d'accord presque unanime dans la Chambre pour simplifier les matières du programme d'examen pour le droit, et pour toutes les autres branches des sciences à l'exception de la médecine.

Vous aurez remarqué que la section centrale n'a pour ainsi dire modifié en aucune manière les matières à examen pour la candidature et le doctorat en médecine. On a donné pour motif qu'il fallait des hommes très instruits, et qui eussent des connaissances en quelque sorte générales, universelles. Or les inconvénients qu'on a reprochés et plus spécialement à l'examen de docteur en droit, c'est l'encombrement et la multiplicité des matières. Ce qu'on a reproché à satiété, c'est d'avoir surchargé la mémoire du récipiendaire d'une infinité de sciences accessoires ; qui embarrassent et offusquent son intelligence et qui font des étudiants des mécaniques à copier les cahiers et à étudier de mémoire les matières d'examen.

Tout ce qu'on a constaté pour le droit est également applicable et vrai pour la médecine. Croit-on que ceux qui se destinent à la médecine aient des capacités plus grandes que ceux qui étudient le droit ? Nous sommes tous d'accord qu'en présence du programme, tel qu'il est formulé pour le doctorat en médecine, il n'est pas donné à un homme d'étudier, de posséder à fond toutes les connaissances qu'il comprend. Vous avez trois doctorats pour la médecine : le doctorat en médecine, le doctorat en chirurgie, le doctorat en accouchements.

Permettez-moi de le dire, comme le disait déjà Hippocrate de son temps dans un de ses aphorismes : ars longa, vita brevis. Le commentaire de cet aphorisme, c'est que la vie de l'homme suffit à peine pour approfondir une seule de ces trois sciences, et l'on veut aujourd'hui que le docteur en médecine soit universel.

On a simplifié quelques matières. On a placé quelques matières sous la rubrique des matières à certificats. Mais la section centrale a eu la main malheureuse dans ce qu'elle a élagué, et c'est précisément pour les objets les plus importants, les plus nécessaires au docteur en médecine qu'on se contente de certificats.

D'un autre côté, on a maintenu au programme l'ensemble de toutes les matières des trois doctorats ; matières qu'il est impossible d'approfondir cumulativement.

Savez-vous, messieurs, quelle est la conséquence de ce système de cumuler ainsi les matières du programme et de surcharger la mémoire des élèves par un trop grand nombre de matières diverses. Vous aurez des hommes superficiels qui connaîtront ex omnibus aliquid et in tote nihil, c'est-à-dire qu'ils auront effleuré les matières et n'auront rien approfondi.

Tout ce qui a été dit et avec beaucoup de raison pour les examens en droit, est applicable et vrai pour les examens en médecine.

La simple raison vous donnera la mesure de l'excès dans lequel on est tombé pour les matières en médecine. Vous avez d'abord la médecine, mais dans la pratique voyez-vous jamais un docteur en médecine, quelque peu en renom, exercer avec un égal succès la chirurgie et les accouchements ? Evidemment non ; il s'occupe spécialement des maladies internes et tout le temps qui lui reste suffit à peine pour continuer ses études et suivre les progrès de l'art. Le docteur en chirurgie, lui, doit avoir des qualités tout autres que le docteur en médecine ; il lui faut surtout la dextérité de la main, beaucoup de calme et de sang-froid. Il n'est pas donné à tout le monde de réunir les qualités que doit posséder un docteur en médecine et celles qui conviennent à un docteur en chirurgie.

Aussi celui qui s'adonne spécialement à la chirurgie, et ce peut être un homme distingué, s'occupe moins de la médecine proprement dite. Il en est de même de celui qui se livre aux accouchements ; en général, dans les grands centres de population, il s'occupe moins des deux autres branches, et dans les localités moins importantes, ce sont des femmes qui font les accouchements ordinaires. Cependant on exige pour cette partie un examen très compliqué, puisqu'il porte non seulement sur la théorie, mais encore sur la pratique. Je comprends que pour la médecine, on exige un examen approfondi sur la thérapeutique, sur la pharmacologie, l'hygiène et autres branches accessoires ; qu'on y joigne encore la théorie de la chirurgie, je le veux bien ; mais y comprendre la pratique de la chirurgie, la médecine opératoire, c'est évidemment un excès.

Ce que je propose, messieurs, n'est pas nouveau ; dans le royaume des Pays-Bas, les trois examens étaient distincts et facultatifs, on pouvait obtenir un diplôme de docteur en médecine ou un diplôme de docteur en chirurgie. Eh bien, puisque la Chambre est animée du désir de simplifier les examens, elle devrait rendre ces examens facultatifs, celui qui est relatif à la médecine et celui qui est relatif à la chirurgie et celui qui concerne les accouchements. Qu'on permette de cumuler, c'est fort bien, mais pourquoi forcer un docteur en médecine à approfondir les deux autres branches ? Veuillez remarquer une chose, messieurs ; je serai peut-être ici le seul qui prendrai la parole sur cette question spéciale ; mais la loi sera discutée dans une autre enceinte et là elle rencontrera deux hommes éminents dans l'art de guérir et qui appartiennent au corps professoral ; j'ai lieu de croire que si la Chambre ne fait pas droit à ma réclamation, la loi nous reviendra amendée et améliorée par le Sénat.

(page 592) M. de Theux, rapporteur. - L'honorable M. Vander Donckt croit que la section centrale n'a pas été juste en ce qui concerne les étudiants en médecine, qu'elle a trop exigé d'eux.

Messieurs, la section centrale a aussi admis les matières à certificats pour toutes les études médicales ; mais veuillez remarquer que pour être reçu docteur en médecine, il faut subir quatre examens et que les matières sont convenablement divisées.

L'honorable membre voudrait des doctorats spéciaux pour les diverses branches de l'art de guérir. Cela est possible dans les grands centres de population, mais dans les petites villes el dans les campagnes, il est très important que le docteur en médecine soit aussi docteur en chirurgie et en accouchements. C'est véritablement une nécessité.

Que les étudiants en médecine consacrent un peu plus de temps à leurs études, ils n'y perdront rien ; leur clientèle sera d'autant plus forte, ils pourront rendre d'autant plus de services dans les localités où ils s'établiront.

Je crois, messieurs, qu'on peut, sans inconvénient, adopter le système de la section centrale.

(page 605) >M. Vander Donckt. - L'honorable rapporteur de la section centrale n'a nullement rencontré les objections sérieuses que j'ai présentées. J'ai dit qu'il n'est pas donné à tout le monde de réunir les qualités diverses que doit posséder un docteur en médecine, en chirurgie et en accouchements. Si quelques hommes d'élite possèdent toutes ces qualités intellectuelles et physiques, en règle générale il n'en est pas ainsi.

Maintenant, messieurs, on a compris dans les matières à certificats la médecine légale ; eh bien, c'est là une grave erreur ; la médecine légale est indispensable pour les docteurs en médecine qui exercent dans (page 606) les grandes villes et surtout, dans toutes les villes où il y a des tribunaux et des cours d'assises. Il est évident qu'il manquera dans l'avenir, avec ce système, des médecins légistes auprès des cours d'assises et des tribunaux correctionnels. Je crois qu'au lieu d'un doctoral en accouchements, mieux vaudrait instituer un doctorat en médecine légale, il y a réellement une lacune sous ce rapport, et je serais très désireux de savoir ce qu'en pense l'honorable ministre de la justice.

Remarquez bien, messieurs, que la médecine légale faisait autrefois partie de l'examen pour la candidature en droit ; là on l'a effacée, et il n'y a plus pour cette branche que les docteurs en médecine. Or, en ce qui les concerne, on a relègue la médecine légale parmi les matières à certificats. Eh bien, je dis que c'est une des branches les plus nécessaires pour les docteurs en médecine.

(page 592) M. Lelièvre. - Je n'admets pas l'assimilation faite par l'honorable M. Vander Donckt, de la médecine à la science du droit. L'on conçoit qu'on doive se montrer plus rigoureux en ce qui concerne la médecine, la chirurgie, etc., que relativement au droit. En effet, les avocats exercent leur profession au grand jour, ils subissent journellement des examens devant le public qui est à même d'apprécier leur capacité. Un avocat sans talent est à l’instant même jugé.

Le médecin au contraire procède à huis clos ; rarement on peut contrôler ses actes. Il est donc évident qu'il doit présenter des garanties plus sérieuses pour l'exercice d'une profession qui intéresse la santé publique et qui, sous ce rapport encore, exige des connaissances étendues que la loi doit requérir par les motifs les plus graves. Sous ce rapport, les observations de l'honorable M. Vander Donckt ne me paraissent pas exactes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je n'ai pas, naturellement, les connaissances que l'honorable M. Vander Donckt peut invoquer dans cette matière.

Je sais qu'il y avait autrefois des examens distincts pour la médecine, la chirurgie et les accouchements ; mais depuis on a jugé convenable de ne faire que des docteurs en médecine complets, si je puis m'exprimer ainsi, réunissant les connaissances nécessaires sur toutes (page 593) les matières médicales. Cela n'empêche pas que ; plus tard ; chacun suive sa vocation propre, et s'applique à la spécialité pour laquelle il se sent le plus d'aptitude, le plus de goût. Il me semble juste, à voir les progrès de la science moderne, qu'on exige qu'un docteur en médecine connaisse en même temps la chirurgie et les accouchements.

D'ailleurs, cette division se comprendrait dans les villes ; mais dans les communes rurales, il faut bien des hommes de l'art versés dans toutes les branches de la science médicale.

M. F. de Mérode. - Messieurs, je suis fort embarrassé de voter sur cette question. L'honorable M. Vander Donckt a exposé des arguments en faveur de son opinion et on n'y a pas répondu d'une manière satisfaisante. M. le ministre de l'intérieur dit qu'on a jugé à propos de réunir tout ce qui concerne les études médicales ; mais il n'en résulte pas, pour moi, que ce soit ce qu'il y a de mieux ; car celui qui étudie trois choses a beaucoup moins de temps à consacrer à chacune d'elles que s'il n'en étudiait qu'une seule, et on arrivera peut-être par ce système à avoir des médecins, des chirurgiens et des accoucheurs moins instruits que ceux que l'on aurait si chacun s'appliquait à une seule de ces branches.

Je ne décide pas cette question ; mais je désirerais la voir élucider par la discussion.

- Plusieurs membres. - A demain !

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker) (pour une motion d’ordre). - Je demanderai que la Chambre veuille bien mettre à l'ordre du jour de lundi le projet de loi sur les denrées alimentaires, pour le cas où la loi sur le jury d'examen ne serait pas terminée cette semaine.

Plusieurs membres. - Mardi !

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.

La séance est levée à quatre heures et demie.