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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1033) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Hauberechts demande à être exempté du service militaire en sa qualité d'enfant unique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Fumes demande que les travaux d'approfondissement du canal de Nieuport à Dunkerque commencent le plus tôt possible ou du moins qu'on exécute prochainement les travaux à faire dans le Furnes-Ambacht. »

M. Calmeyn. - Je demande que la Chambre veuille bien renvoyer cette requête à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi allouant un crédit de 500,000 francs pour les travaux dont il est question dans cette pétition.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Nicolas-Joseph-Louis Haan, maréchal des logis au 3ème régiment d'artillerie, prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Jean Brucher, cultivateur à Hechbous, né à Goeblange (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire.

- Renvoi au ministre de la justice.


« Des propriétaires, industriels, exploitants de minerais et commerçants à Courcelles prient la Chambre de donner une application temporaire aux nouveaux droits de douanes surlafonte et le fer, d'autoriser le gouvernement à augmenter ces droits dans certaines limites et de permettre la sortie de tous les minerais de fer moyennant certains droits de douanes.

« Même demande de propriétaires, industriels, exploitants de minerais de fer et commerçants de Falisolle et Châtelineau. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« La demoiselle Massaux, fille mineure d'un capitaine décédé, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Jumet demandent la création d'une troisième chambre près le tribunal de première instance de Charleroi. »

M. Wautelet. - Déjà deux pétitions sur cet objet ont été renvoyées à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire.

Je suis loin de me plaindre de ce renvoi. Au contraire j'y applaudis, parce que cette commission est particulièrement compétente pour examiner et apprécier les faits qui sont relatés dans la pétition dont s'agit. Mais je crains que cette affaire ne soit examinée qu'en même temps que la loi elle-même et qu'alors elle ne souffre des retards que ne comporte pas l'objet de la pétition.

Si la Chambre veut bien le permettre, je vais exposer en quelques mots quelle est la situation réelle. (Interruption.)

M. le président. - Vous opposez-vous au renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire ?

M. Wautelet. - Je ne m'y oppose pas, au contraire ; mais j'aurais voulu faire connaître par quelques chiffres quelle est la situation réelle, et combien il est urgent d'y remédier. Cependant, si la Chambre veut renvoyer la pétition à la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi d'organisation judiciaire avec prière de s'occuper à bref délai de cette affaire, et de nous faire un prompt rapport, je bornerai là mes observations.

- La pétition est renvoyée à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire.


« Le sieur Dugauquier demande l'érection d'un tribunal de commerce à Charleroi. »

- Même renvoi.


« Le sieur Coppée, ancien officier, combattant de septembre, demande une récompense nationale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des fabricants de sucre à Péruwelz déclarent adhérer à la pétition du conseil communal de cette ville tendante à obliger les concessionnaires du chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai à exécuter le tracé suivant le plan déposé par les sieurs Maertens et Dessigny, à l'appui de leur demande en concession. »

M. Allard. - La Chambre a ordonné le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, d'une enquête de l'administration communale de Péruwelz, ayant pour objet d'engager M. le ministre des travaux publics à forcer les concessionnaires du chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai à établir la station dans le centre de cette ville. Je demanderai si la commission des pétitions qui doit demain faire les prompts rapports ne pourrait comprendre dans ces rapports la pétition qui vient d'être analysée.

M. le président. - M. le président de la commission des pétitions me fait un signe affirmatif.

- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Hier, à la fin de la séance, on a proposé de mettre à l'ordre du jour, après la loi sur le tarif des douanes, le projet de loi relatif au traitement d'attente.

M. Rousselle. - A la fin de la séance d'hier, et lorsque la Chambre n'était plus en nombre, l'honorable M. Lelièvre, rapporteur de la loi sur les traitements d'attente, a proposé de fixer les délibérations sur cette loi au 31 mars, époque à laquelle l'honorable membre a pensé, et je partage son opinion, que la loi sur les douanes pourra être votée.

Je reprends la proposition de l'honorable M. Lelièvre, et je demande que la Chambre fixe au 31 de ce mois la discussion de la loi sur les traitements d'attente.

M. Coomans. - Nous ne pouvons ainsi fixer d'avance la discussion d'un projet de loi qui, du reste, n'est pas urgent. Cette discussion pourrait gêner d'autres débats qui se trouveraient engagés sur des points plus essentiels et plus urgents.

Je désire que nous nous livrions à ce débat dans un moment plus opportun. Voilà bien des années que la question est pendante, ce qui me permet de croire qu'il n'y a pas péril en la demeure.

M. Osy. - Je ne m'oppose nullement à ce que la discussion du projet de loi sur les toelagen soit fixée au 31 mars. Mais il doit être bien entendu que la Chambre ne s'en occupera que si nous avons terminé l'examen du projet de loi sur le tarif des douanes. Car il a été décidé qu'on s'occuperait de ce projet immédiatement après le budget des travaux publics.

Je demande encore que si la discussion ne peut venir au 31 mars, il soit entendu dès maintenant qu'elle ne viendra qu'après le projet de loi sur les établissements de bienfaisance.

M. Rodenbach. - J'appuie ce qu'a dit l'honorable M. Coomans. Il n'y a pas péril en la demeure, puisqu'il y a vingt et des années que cette affaire est pendante. On ne peut décider dès aujourd'hui qu'on s'occupera de ce projet dans un très court délai ; cette discussion pourrait entraver l'examen d'autres questions plus importantes.

La Chambre, d'ailleurs, a déjà examiné cette question.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je rappellerai aux honorables membres que la première proposition qui a été faite était de mettre cet objet à l'ordre du jour immédiatement après la loi apportant des modifications au tarif des douanes. On a proposé ensuite de décider que cette discussion n'aurait pas lieu avant le 31 mars. C'est donc une transaction déjà que la proposition de cette date du 31 mars.

Je me rallie, du reste, à cette date, bien entendu, en approuvant la modification éventuelle indiquée par l'honorable M. Osy et à laquelle se rallie également l'honorable M. Rousselle.

M. Dumortier. - Je ferai d'abord remarquer à l'assemblée que si je me suis opposé hier à la mise à l'ordre du jour de ce projet, c'est qu'on venait nous demander cette mise à l'ordre du jour à une fin de séance, alors que la Chambre n'aurait pas même été informée qu'un objet d'une aussi haute gravité ce serait trouvé à l'ordre du jour. Cela eût pu amener un examen à l'improviste, ce que je ne voulais à aucun prix.

L'honorable M. Rousselle modifie la proposition. Il demande que la discussion de ce projet de loi soit fixée au 31 mars. Hier aussi je demandais qu'on fixât un jour. Mais au lieu de la mettre au 31 mars, il me semble qu'il serait préférable de la fixer au 30 mars. C'est un lundi et le samedi suivant, 4 avril, la Chambre s'ajourne. Le vendredi est un jour consacré aux pétitions ; de sorte que si la discussion ne commençait que le mardi, nous n'aurions que trois jours pour examiner cette question.

Si vous fixez ce projet de loi au lundi 30 mars, vous aurez un temps suffisant pour l'examiner.

Je pense qu'on propose le 31 mars, parce que d'ordinaire l'honorable M. Lelièvre n'assiste pas à la séance du lundi. Mais cela importe peu parce que la discussion générale durera plusieurs jours et il pourra avoir son tour de parole dans une autre séance.

Il est entendu, messieurs, que je me rallie à la proposition de M. Osy en ce qui concerne la loi sur la charité.

M. de Brouckere. - Messieurs, il m'est parfaitement indifférent que la discussion soit fixée au 30 ou au 31 mars ; tout ce que je demande, c'est qu'on fixe l'époque où nous aborderons enfin cette question qui date de si longtemps et qui doit avoir une solution.

On vient toujours objecter qu'il n'y a pas péril en la demeure, précisément (page 1034) parce que la question date de longtemps, mais avec un pareil système on ne la résoudrait jamais ; je crois, au contraire, que c'est parce que la question est depuis longtemps soumise à la Chambre qu'il est temps d'en finir.

Je demande, messieurs, que la discussion soit fixée au 30 ou 31 mars, sauf la restriction formulée par M. Osy.

- La proposition de M. Rousselle, modifiée par MM. Osy et Dumortier, est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi relatif au régime commercial

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, plusieurs articles du projet de loi du 19 juin 1854 ont déjà été votés par la Chambre et sont compris dans la loi du 27 mai et dans celle du 19 juin 1856 relative au régime commercial. Pour faciliter la discussion de ce projet, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le tableau des articles qui restent à voter.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce tableau.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Chapitre I. Administration générale. - Chapitre IV. Chemins de fer, postes, télégraphes, régie, service d’exécution

Discussion générale

Conformément à une décision antérieure de la Chambre, la discussion est ouverte sur l'ensemble des chapitres Ier et IV.

M. de Renesse. - Messieurs, la discussion du chapitre IV, relatif au chemin de fer, me fournit l'occasion d'adresser une interpellation à l'honorable ministre des travaux publics, sur la concession d'une voie ferrée, réclamée depuis plusieurs années par une grande partie de la province de Limbourg : il s'agit d'un chemin de fer destiné à relier la ville et la province de Liège à celle de Limbourg, avec prolongement vers la Hollande. Cette affaire, si importante pour les provinces de Liège et de Limbourg, est actuellement arrivée à un degré de maturité assez avancée, pour que le département des travaux publics puisse prendre une décision et faire droit à de justes réclamations, déjà trop longtemps méconnues.

La ville de Liège, appelée par le gouvernement à se prononcer entre plusieurs projets de voies ferrées, par le Limbourg vers la Hollande, a formellement déclaré, à la très grande majorité de son conseil communal, après une longue instruction, vouloir appuyer de préférence le tracé de MM. de Bruyne, Houtain et Cie qui partirait de l'intérieur de la ville de Liège, se dirigeant par Herstal, Glons, Tongres et Bilsen,vers Bois-le-Duc.

Les études de ce chemin de fer sont complètes, elles ont été déposées au département des travaux publics, et la société, entièrement constituée, est prête à fournir son cautionnement ; elle s'est associée à une compagnie hollandaise pour relier d'un côté le railway liégeois-limbourgeois par un embranchement d’Eindhoven vers la ville de Dordrecht ; il se rattacherait en outre au chemin de fer d'Utrecht vers Amsterdam, et d'un autre côté se dirigerait de Bois-le-Duc par Arnhem et Groningue vers le nord de l'Allemagne.

Ce projet de voie ferrée, d'un si grand intérêt, a pareillement obtenu l'appui de la plus grande partie de la province de Limbourg et surtout de celle qui, jusqu'ici, n'est pas encore reliée au réseau du railway national ; cette partie du Limbourg n'a cessé, depuis de longues années, de faire des démarches pour obtenir un chemin de fer destiné à améliorer et à conserver ses anciennes relations commerciales tant avec la ville et la province de Liège qu'avec les autres parties du pays et notamment avec le duché de Limbourg et la Hollande, relations qui, actuellement, ont déjà éprouvé une certaine atteinte par l'ouverture de la voie ferrée de Maestricht à Hasselt.

Lorsque le gouvernement a successivement proposé des concessions de chemins de fer pour presque tous les arrondissements, même avec une garantie d'intérêt de 4 p. c, il me semble que l'on ne peut, avec quelque fondement, contester à la ville et à l'arrondissement de Tongres, de réclamer et d'insister auprès du gouvernement et des Chambres, pour qu'à leur tour, ils puissent aussi obtenir une voie ferrée, pour laquelle les demandeurs en concession ne postulent aucun sacrifice financier du trésor public, et sont prêts à l'exécuter à leurs risques et périls. Ce serait un véritable déni de justice de repousser actuellement la juste réclamation de cette partie du Limbourg, qui, notamment depuis 1839, a des droits incontestables a la bienveillance du gouvernement et des Chambres, et qui jusqu'ici est restée en dehors de presque tous les grands travaux exécutés depuis notre régénération politique.

J’ai donc l'honneur de demander à l'honorable ministre des travaux publics, de vouloir ordonner une prompte instruction de la demande en concession du chemin de fer liégeois-limbourgeois, afin que, pendant la session actuelle, la Chambre puisse encore être saisie d'un projet de loi accordant la concession à la société de Bruyne-Houtain et compagnie.

M. Vermeire. - Messieurs, l'exploitation du chemin de fer de l'Etat a été, depuis nombre d'années, l'objet de vives attaques dans les discussions auxquelles a donné lieu l'examen du budget des travaux publics.

Aussi, la Chambre, pour atténuer la vivacité de ces débats, a-t-elle cru devoir engager le gouvernement à nommer une commission qui serait chargée d'examiner toutes les questions qui se rattachent à l'organisation de cet important service.

Cette commission a tout examiné, sauf un point qui est, d'après moi, le point essentiel, et sur lequel je reviendrai bientôt, celui qui concerne le tarif du transport des marchandises. Son examen a porté principalement sur l'amélioration de la voie et sur l'organisation du service. Elle a adopté presque toutes les propositions du gouvernement et elle a conclu à une nouvelle dépense de plusieurs millions pour faire confectionner tous les matériaux dont ce vaste service éprouvait le besoin le plus urgent.

Aussi, plus on examinait, plus on était convaincu que tout n'était pas aussi mauvais, qu'on l’avait cru d'abord ; et que, comme résultat définitif, le chemin de fer avait procuré au trésor des ressources satisfaisantes.

Déjà, à d'autres époques, j'ai établi que les sommes dépensées pour la construction des chemins de fer avaient donné un intérêt de 3 à 4 p. c. au-delà des sommes dépensées pour l'exploitation. Cet intérêt s'élève à plus de 6 p. c. pour 1855, année durant laquelle tous les objets nécessaires à l'exploitation du chemin de fer avaient considérablement augmenté de valeur et que l'exploitation du chemin de fer de Dendre-et-Waes avait constitué l'Etat en perte.

En effet, d'après le dernier compte rendu publié par le gouvernement (n°252, session 1855-1856) :

Les sommes dépensées pour l'établissement de la voie proprement dite s'élevaient, au 1er janvier 1856, à 128,755,509 fr. 62 c.

La construction des bâtiments et des dépendances des stations à 16,329,355 fr. 81 c.

Les dépenses générales (personnel, frais de conduite et de bureau) à 5,192,924 fr. 72 c.

Le matériel des transports à 29,261,779 fr. 97 c.

Total général des dépenses de l«r établissement 179,539,570 fr. 12 c.

556 kilomètres de chemin ont été construits par l'Etat. Le coût d'un kilomètre est donc de 269,335 fr. 10 c.

735 kilomètres ont été exploités.

Le compte d'exploitation pour 1855 s'élève à 13,317,929 fr. ou par kilomètre 18,120 fr.

Les intérêts afférents aux capitaux empruntés pour la construction du chemin de fer s'élèvent à fr. 7,390,396 fr. 22 c. (Voir le tableau joint au rapport de la section centrale du budget de 1856, présenté par l'honorable M. de Man d'Attenrode) ou par kilomètre 10,055 fr.

Ensemble 28,175 fr.

Le transport des marchandises a produit 14,028,579 fr. 54 c.. 462,773 fr. 99 c. part de Dendre-et-Waes.

Reste 13,565,805 55 :755 = 18,457 fr.

Produit des voyageurs et des bagages, 9,908,813 fr. 01 c., non compris la part de Dendre-et-Waes : 755 = 13,482 fr.

Ensemble 31,939 fr.

Excédant 3,764 fr. x 755 = 2,766,544 fr.

Somme égale 31,939 fr.

L'intérêt moyen servi par l'Etat sur les sommes dépensées étant de 4.11 p. c. le dividende s'élèverait à environ 6 p. c. ou 4 p. c. pour les intérêts et 2 p. c. comme bénéfice.

Ce produit aurait été plus important, s'il n'eût été atténué par la cherté des objets nécessaires à l'exploitation des chemins de fer et qui diffère du prix de ceux employés en 1854 de 7 p. c. (voir tableau p. XLI, document n°252, session 1855-1856), ce qui, sur la somme dépensée de 8,852,000 fr., fait une différence de 620,000 fr.

Le chemin de fer de Dendre-et-Waes est évalué dans le compte rendu déjà cité à une exploitation annuelle de 27 kilom. à 18,457 fr., soit 498,339 fr.

La part du gouvernement dans le produit de cette exploitation étant de 216,798 fr. 50 c., l'Etat est constitué en perte, de ce chef, de 271,540 fr. 50 c.

Ensemble 891,540 fr. 50 c.

De manière que, sans cette aggravation, indépendante de l'exploitation, le trésor eût obtenu une recette eu plus de près de 900,000 fr., ce qui aurait augmenté la rente dans une proportion assez forte.

En France, les tarifs sont généralement plus élevés qu'en Belgique ; ainsi, pour le transport des voyageurs, le prix est de 6, 8 et 10 c. par kilomètre pour les trois classes. En Belgique, il n'est que de 4, 6 et 8 c, différence en moins de 2 centimes pour chaque classe ou de plus du tiers sur le prix total. Et cependant, si on fait abstraction des grandes lignes françaises qui ont pour aboutissants d'importants centres de populations et d'affaires, telles que la ligne du Nord ; celle d'Orléans, de Paris à Lyon, du Bourbonnais, de Lyon à la Méditerranée (page 1035) et d'autres encore dont le produit kilométrique varie de 78,000 à 55,000 francs, le produit des lignes belges est supérieur à celui des lignes françaises, nonobstant que nos tarifs soient bien plus modérés.

Il est vrai que les recettes ont fléchi en 1856, mais cela tient à des causes générales et à des causes spéciales.

Je considère comme cause générale le ralentissement des affaires ; ralentissement qui, souvent, est la conséquence des crises financières lesquelles, elles-mêmes, proviennent des crises alimentaires qui, dans les dernières années, ont sévi dans l'Occident d'Europe. Ainsi, pour la Fronce le produit kilométrique moyen de toutes les lignes a été en 1855 et en 1856 (tableau non repris dans la présente version numérisée).

Il en a été de même, presque sur toutes les autres lignes.

D'après moi, les causes spéciales doivent être attribuées au développement des lignes, à la mise en exploitation de lignes nouvelles, lesquelles ne peuvent être considérées que comme des affluents dont l'importance est moindre que celle des lignes principales. C'est ainsi que la mise en exploitation de la ligne de Dendre-et-Waes est venue affecter, d'une manière sensible, le produit kilométrique du réseau et, même celui du bénéfice qui devait résulter de l'ensemble de l'exploitation. Mais, si par l'exploitation d'autres lignes, qui sans donner les résultats satisfaisants que je viens de constater, l'on vînt augmenter le bénéfice de l'exploitation en général, cette adjonction, tout en améliorant la situation dans son ensemble, ferait, cependant, descendre encore le produit kilométrique.

Donc, si cette base est la plus rationnelle, elle n'est point absolue et elle ne doit être prise en considération que pour autant qu'elle s'applique à l'ensemble dont le résultat définitif constitue le bénéfice ou la perte de l'opération.

L'industrie privée exploite aussi des chemins de fer en Belgique, pour lesquels le gouvernement a garanti un minimum d'intérêt. Cette garantie, disait-on, engageait peu le gouvernement. Les lignes traversant des contrées où le commerce et l'industrie ne demandaient que ces voies de communication pour se développer. Elle ne pouvait, assurait-on encore, être considérée que comme une garantie morale pour faciliter les travaux de construction.

Quel en a été, cependant, le résultat, pour les trois dernières années ? D'après le projet de budget de la dette publique pour 1858, l'on a payé :

Au chemin de fer de la Flandre occidentale :

En 1853, 79,175 fr. 54 c. pour 18,515 kilomètres exploités, soit 4,300 fr. par kilomètre ;

En 1854, 169,399 fr. 56 c. pour 41,713 kilomètres exploités, soit 4,100 fr. par kilomètre ;

En 1855, 251,311 fr. 58 c. pour 54,599 kilomètres exploités, soit 4,600 fr. par kilomètre ;

2° au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse

En 1854, 108,135 fr. 45 c. pour 14,187 kilomètres exploités, soit 7,600 fr. par kilomètre ;

En 1855, 167,338 fr. 99 c. pour 24,395 kilomètres exploités, soit 6,100 fr. par kilomètre ;

3° au chemin de fer de Manage à Wavre par Nivelles

En 1854, 10,958 fr. 82 c. pour 1,840 kilomètres exploités, soit 6,000 fr. par kilomètre ;

En 1855, 154,071 fr. 23 c. pour 28,923 kilomètres exploités, soit 5,300 fr. par kilomètre ;

4° au chemin de fer de Louvain à Wavre et de Charleroi à Wavre

En 1855, 86,301 fr. 37 c. pour 20,078 kilomètres exploités, soit 4,300 fr. par kilomètre ;

5° au chemin de fer de Lierre à Turnhout

En 1855, 93,199 fr. 34 c. pour 22,756 kilomètres exploités, soit 4,100 fr. par kilomètre ;

De manière que le trésor est intervenu

En 1853, 79,175 fr. 54 c. pour 18,515 kilomètres exploités, soit 4,300 fr. par kilomètre ;

En 1854, 228,295 fr. 58 c. pour 57,740 kilomètres exploités, soit 5,000 fr. par kilomètre ;

En 1855, 752,222 fr. 51 c. pour 150,743 kilomètres exploités, soit 5,000 fr. par kilomètre.

Or, comme l'exploitation d'un kilomètre exploité par l’Etat ne coûte que 18,000 fr., il y a une insuffisance constatée comparativement au chemin de fer de l'Etat de près de 37 p. c, en d'autres termes, tandis que les chemins de fer exploités par l’Etat rapportent au trésor, outre les frais d'exploitation payés et les intérêts des capitaux empruntés pour leur construction, une somme nette de 2,766,544 pour 1855, somme qui serait encore augmentée de près de 900,000 fr. dans les conditions ordinaires d'exploitation, comme je l'ai démontré ;

Les chemins de fer exploités par des compagnies privées coûtent au contraire, au trésor, 755,000 fr., somme qui est nécessaire pour parfaire le minimum d'intérêt garanti par l'Etat.

Est-ce à dire, messieurs, que tout est parfait dans l'organisation et l'exploitation du chemin de fer de l'Etat ?

Je ne le pense pas ; et, surtout, je crois que les tarifs actuels sont mauvais, en ce sens que, pour le transport des marchandises, ils favorisent, outre mesure, le groupement, et donnent le bénéfice qui en résulte à ceux qui se chargent de cette opération.

Ainsi, tandis que le mouvement diminue considérablement pour les expéditions de 500 kilogrammes et en dessous, les recettes restent, à peu près, les mêmes ; et, cependant les tarifs ont été augmentés, pour cette catégorie de marchandises, dans la proportion de 125 p. c. La comparaison suivante le démontre à toute évidence :

(tableau non inséré dans la présente version numérisée)

Ainsi quand le prix du transport est plus que doublé, les recettes ne s'améliorent que dans la proportion insignifiante de 15 p. c.

Les chiffres mis en évidence prouvent d'une manière péremptoire que cette partie du tarif doit être réformée au plus tôt ; car pour les années postérieures à celles pour lesquelles je viens d'établir la comparaison, les résultats sont encore plus désastreux.

Il résulte encore de ces faits que les espérances que l'on avait fondées sur les tarifs de 1855 ne se sont pas réalisées et que l'on a augmenté les prix des transports, dans une proportion démesurée, sans avantage pour le trésor.

Nos tarifs, pour le transport des marchandises, sont trop compliqués, et, pour la plupart des transports, trop élevés. Ils sont trop compliqués parce que l'on y fait entrer trop d'éléments qui en rendent l'application, sinon impossible, du moins fort difficile. Pour vous en convaincre, messieurs, je n'ai qu'à faire la décomposition d'un colis transporté par un chemin de fer concédé vers une station de l'Etat. Il y a :

1° Le prix de transport par kilomètre.

2° Les frais de chargement.

3° Les frais de déchargement.

4° Les frais d'inscription.

5° La rétribution pour emploi d'engins extraordinaires si le colis pèse au-delà de 750 kilogrammes.

Dans l'exemple que je cite tous les frais fixes sont répétés autant de fois que l’on change de chemins appartenant à d'autres compagnies.

Je le demande, un pareil état de choses est-il tolérable plus longtemps ? Je ne le pense pas. Mais si le gouvernement se charge de la réforme, je crains qu'il ne retombe dans des exagérations contraires et que, par des prix plus élevés, il ne vienne atténuer les transports sur les lignes de l’Etat et favoriser ceux des lignes concurrentes.

Je suis convaincu que, si l'on veut améliorer les recettes de nos chemins de fer, on doit simplifier le tarif d'une manière radicale.

Ainsi, pour atténuer la concurrence désastreuse, au point de vue du trésor, des lignes concédées, le tarif devrait être appliqué, quant aux distances, à vol d'oiseau.

1° Tous les frais fixes devraient être supprimés.

2° Un minimum, réduit à 50 centimes par colis et par expédition, devrait être perçu sur tous les articles indistinctement.

3° La classification des marchandises pourrait être maintenue ; toutefois, comme les frais d'exploitation diminuent à mesure que la distance à parcourir s'allonge, on ne devrait appliquer aux expéditions internationales que le tarif le plus bas.

4° L'administration garantirait la remise des marchandises dans un temps déterminé, généralement assez court, sous peine de perdre une partie du prix du transport.

5* Des remises pourraient être accordées pour des transports de convois complets à une distance de cinquante kilomètres au moins, pourvu que ceux-ci donnassent un certain bénéfice et ne vinssent point entraver les expéditions ordinaires. Il serait fait une mention spéciale de ces remises dans les comptes rendus annuels publics par l'administration.

Messieurs, je n'ai pas étudié d'une manière approfondie l'organisation transitoire des divers services, telle qu'elle est présentée pour le budget de 1857. Cette organisation, je me hâte de le dire, me paraît obvier aux inconvénients signalés autrefois ; en effet, elle donne aux chefs de direction une action immédiate sur les services d'exécution, et, surtout, sur les chefs de station dont je voudrais voir augmenter les attributions en même temps que la responsabilité ; car, d'après moi, ce sont eux qui, au point de vue d'une bonne exploitation, peuvent y contribuer le plus efficacement.

(page 1036) Des considérations que je viens de faire valoir devant vous, messieurs, résulte pour moi la conviction profonde, qu'il est de l'intérêt général du pays, que l'exploitation du chemin de fer de l'Etat soit conservée entre les mains du gouvernement ; que les résultats obtenus jusqu'ici sont satisfaisants ; qu'ils peuvent être améliorés sensiblement par l'introduction de sages et prudentes réformes, et que, abandonner l'exploitation du chemin de fer à l'intérêt privé, serait probablement étendre, outre mesure, la puissance de compagnies étrangères, puissance qui pourrait, à un moment donné, amener des résultats désastreux aux intérêts généraux du pays.

Car, n'oublions pas, messieurs, que si l'esprit d'association dans un but déterminé est bon, que si la liberté enfante des merveilles, le monopole, au contraire, entrave l'action individuelle, empêche toute initiative personnelle, arrête la marche du progrès et de la civilisation, et conduit à un abîme dans lequel vont s'engloutir toutes les forces vivaces qui constituent le bonheur et la prospérité des nations !

M. Moncheur. - Messieurs, je prends la parole dans cette discussion principalement pour réitérer au gouvernement le conseil que je lui ai déjà donné de constituer au chemin de fer un fonds spécial, qui serait administré par un syndicat particulier.

L'entreprise du chemin de fer de l'Etat doit, selon moi, être détachée des affaires ordinaires d'administration.

Les règles générales de la comptabilité de l'Etat ne peuvent être applicables à une entreprise commerciale comme est celle du chemin de fer.

La comptabilité et l'administration de la vaste entreprise du railway de l'Etat doivent être basées sur des règles qui se rapprochent autant que possible de celles qui sont généralement adoptées par les compagnies particulières.

Ainsi, le capital total du syndicat du chemin de fer serait composé d'abord des frais de premier établissement, ensuite de la valeur du matériel, et enfin d'un certain fonds devant servir de capital roulant.

Toutes les recettes et tous les produits accessoires du chemin de fer entreraient dans la caisse du syndicat, lequel payerait tous les frais d'entretien et d'exploitation.

Chaque année un bilan commercial serait dressé et soumis à la législature.

Le boni en serait versé au trésor public, ou bien le déficit en serait couvert au moyeu d'une allocation spéciale.

Un conseil de censeurs serait chargé de vérifier le bilan et, en général, toute la comptabilité du syndicat du chemin de fer.

Ce conseil de censeurs adresserait tous les ans aux Chambres un rapport sur ce bilan et cette comptabilité.

Messieurs, un des grands avantages que j'espérais de cette organisation, serait de voir notre railway national retiré enfin de l'ornière dans laquelle il se trouve au point de vue de son achèvement et des perfectionnements qu'il devrait recevoir.

Alors, en effet, on se déciderait sans doute à proportionner le fonds spécial du chemin de fer à ses besoins réels, et la législature serait encouragée à le faire par la connaissance exacte, claire et précise qu'elle aurait des résultats de l'opération.

Aujourd'hui, à cause de l'état d'ignorance ou du moins d'incertitude où elle se trouve à cet égard, elle répugne à accorder les fonds nécessaires, et le gouvernement ose à peine les lui demander.

Entre-temps le railway national reste, sous plusieurs rapports, inachevé, et il n'est pas entretenu comme il devrait l'être.

Par exemple, il résulte des réponses du gouvernement que pas une seule section entière n'est pourvue de rails à éclisses boulonnées, tandis que l'emploi de ce mode de fixer les rails est reconnu comme une cause d'économie notable et d’une grande sécurité pour les voyageurs.

En revanche, messieurs, une grande quantité de rails qu'on peut appeler primitifs, ondulés et du poids de 17 kilogrammes, rails beaucoup trop faibles, compromettants pour la sûreté des voyageurs et le transport des marchandises, existent encore sur de longs parcours du railway. Que dirai-je, messieurs, de l'insuffisance des voies d'évitement ou de manœuvres aux abords des stations et surtout des stations elles-mêmes ? Il est fastidieux sans doute de venir ici, chaque année, répéter les mêmes plaintes, mais à qui la faute ? Ce n'est certes pas celle des administrés.

La capitale se plaint de l'aspect misérable de sa station du Nord, de l'insuffisance de celle des Bogards ; Anvers, Liège, Charleroi, Namur sont dans un fâcheux provisoire.

A la station de Namur, on a commencé l'an dernier à déblayer les glacis sur une largeur de dix mètres.

Il en reste encore à peu près trois fois autant à déblayer.

Comme cet ouvrage est urgent et qu'il sera, dans tous les cas possibles, un préalable nécessaire et indispensable à l'érection de la station définitive de Namur, je prie M. le ministre des travaux publics d'examiner s'il ne pourrait pas le terminer cette année. Je crois pouvoir affirmer que les compagnies du Nord et du Luxembourg ne demandent pas mieux que de contribuer tout de suite pour la part qui leur incomberait dans tout travail avant pour objet l'élargissement de la station commune.

Que le gouvernement mette donc les compagnies en demeure de se prononcer sur leur concours à donner à un projet déterminé et que le gouvernement soit bien décidé à exécuter, pour sa part, et je lui garantis qu'il aboutira sans peine à un résultat.

Le déblai du glacis jusque vis-à-vis de la rue de l'Escalier ne coûterait pas une somme considérable et faciliterait singulièrement la solution de la question d'une nouvelle issue de la ville, en cet endroit.

Messieurs, un projet de loi, demandant un crédit de 21 millions pour l'achèvement du chemin de fer de l'Etat, a été proposé l'an dernier à la Chambre.

Celle-ci en reste saisie, puisqu'il n'a pas été retiré.

On en a seulement détaché une partie qui a été adoptée et dont l'exécution marche même avec une énergie louable.

Je désirerais savoir si le gouvernement a l'intention de ramener ce projet à l'ordre du jour pendant cette session.

Je n'ignore pas que l'adoption de ce projet est pour ainsi dire connexe avec l'emprunt que le gouvernement est autorisé à faire et qu'il n'a pas encore fait.

Mais les circonstances politiques et financières me semblent être redevenues très favorables à cette opération.

Puisque j'ai la parole, j'aurai l'honneur d'adresser encore une réclamation à M. le ministre des travaux publics. Elle concerne un article spécial du tarif pour le transport des marchandises.

L'industrie de la chaux et, en même temps l'industrie agricole, se plaignent, avec raison selon moi, de ce que le transport de la chaux ait été placé dans la 2ème classe du tarif des marchandises, tandis qu'elle était antérieurement dans la 3ème classe. Ce fait cause à ces industries un préjudice. Il lèse des intérêts graves et nombreux, y compris ceux du chemin de fer lui-même qui est privé aujourd'hui de nombreux transports qui ont dû déserter cette voie à cause de l'élévation du tarif. Je prie M. le ministre de vouloir bien nous dire s'il ne croirait pas utile d'étudier de nouveau cette question qui est d'une importance réelle.

En terminant, je répéterai, messieurs, qu'il y a beaucoup à faire encore pour mettre le railway national sur le pied où il devrait être établi pour être digne du pays, et pour produire tous les avantages et tous les bénéfices qu'il peut donner.

J'espère que la discussion qui va s'ouvrir ne sera pas stérile pour arriver à ce but.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je ne voulais pas rentrer dans la discussion des détails du budget ; je comptais, au contraire, ne traiter que des questions organiques ; mais le discours que vient de prononcer l'honorable député de Termonde m'oblige de reprendre les questions de détails et de parler du comité consultatif.

Il me semblait superflu de rentrer dans ces questions ; je les ai traitées très longuement dans le rapport de la section centrale que j'ai déposé, il n'y a pas encore une année, sur le budget de l'exercice 1856. Je me suis convaincu d'ailleurs que toutes ces discussions de détail sont parfaitement inutiles et qu'on aboutit toujours à des augmentations de dépenses tout en s'efforçant de réaliser des économies. C'est à tel point que les ministres qui aiment les dépenses devraient désirer qu'on discutât leur budget tous les six mois au lieu de le faire chaque année.

Messieurs ; je vous avoue, que je ne croyais pas l'honorable M. Vermeire de nature à se livrer à des écarts d'imagination tels que ceux dans lesquels il s'est aventuré.

L'honorable membre a mis en scène le comité consultatif des chemins de fer, pour lui attribuer des opinions et une conduite, dont je conteste l'exactitude. D'après lui, le comité aurait tout examiné excepté le tarif.

M. Vermeire. - C'est vrai.

M. de Man d'Attenrode. - Et le comité aurait trouvé que tout était parfait au chemin de fer... (Interruption) et que le chemin de fer donnait une rémunération satisfaisante.

Je conviens, messieurs, que le comité consultatif des chemins de fer n'a pas examiné le tarif. Il ne l'a pas examiné pour une bonne raison, c'est que le gouvernement ne lui a pas présenté de projet complet, et ce n'était pas à lui d'en prendre l'initiative.

Mais il a examiné cependant un projet partiel destiné à introduire de notables améliorations. De plus il a insisté contre l'abus fort nuisible du groupement, et s'est prononcé, je pense, contre la complication des tarifs. Il n'y a pas de sa faute si le projet partiel n'a pas été soumis à la législative. D'ailleurs le conseil qui a précédé le comité a introduit des changements qui ont rendu le tarif rémunérateur.

De plus, une idée a paru prévaloir dans le comité, à propos des tarifs. En discutant avec soin la question des chemins de fer, c'était au moins mon opinion personnelle, j'ai acquis la conviction qu'il était imprudent de vouloir par trop immobiliser les tarifs de marchandises. Tout est imprévu dans le trafic commercial, et l'honorable. M. Vermeire doit le savoir mieux que moi.

En Angleterre, par exemple, dans les compagnies, les tarifs ne contiennent que des dispositions peu nombreuses. Un tarif doit offrir une certaine marge et doit dépendre plus ou moins des offres qui se présentent. Ainsi, qu'il s'agisse du transport de l'Allemagne en France d'une quantité considérable de tonnes de marchandises, du fer, par exemple, on viendra dire au directeur de la compagnie : Voulez-vous que nous usions de votre chemin de fer ? Voilà notre prix ; si vous ne l’acceptez pas, nous ferons passer nos marchandises par une autre direction.

(page 1037) Il arrive donc, qu'avec des tarifs offrant une certaine élasticité, on peut obtenir des transports de marchandises susceptibles de procurer un beau bénéfice ; avec le système des tarifs immobilisés, cela est impossible ; l'Etat belge a perdu ainsi des transports venant des Pays-Bas et allant en France.

Ce sont là les motifs, si mes souvenirs me servent bien, qui ont engagé le comité à ne pas insister beaucoup pour les tarifs.

Au dire de l'honorable M. Vermeire, le comité aurait constaté que tout n'était pas si mauvais à l'administration du chemin de fer de l'Etat.

Le comité a cherché à voir les choses avec calme et impartialité ; mais ce qui est positif, l'honorable M. Vermeire peut en être assuré, c'est que le comité n'a été satisfait ni de l'entretien de la voie, ni de l'agencement des stations, ni du système des machines, ni du mode d'entretien et de réparation du matériel, ni de la suffisance du matériel, ni du système de réception du combustible dans les stations, ni de la confection du coke, ni du système d'affluents, c'est-à-dire de correspondance avec les chemins allemands et anglais, entravé par des intermédiaires.

Le comité a été assez heureux pour obtenir des améliorations ; il en est beaucoup qu'il n'a pu faire réaliser, et c'est le plus grand nombre.

L'honorable M. Vermeire prétendra-t-il, par exemple, que le comité ait été satisfait du système d'organisation en vigueur ? Il est impossible qu'il le prétende, il sait les efforts qui ont été faits pour obtenir une organisation plus conforme aux intérêts publics, il sait fort bien que ces efforts ont amené sa chute, que le comité a péri pour avoir tenté de réformer des bureaux tout puissants. Cette entreprise était téméraire en effet. Nous avons succombé, mais ce n'est pas sans honneur, cela a été un grand enseignement pour quelques personnes et pour moi, j'en profiterai !

Je suis donc fondé à dire que l'honorable député de Termonde a puisé des idées peu justes des travaux du comité consultatif dans le recueil de ses procès-verbaux livrés à l'impression par le gouvernement.

L'honorable membre prétend que les chemins de fer de l'Etal produisent 4 p. c. d'intérêt et 2 p. c. de dividende.

Bien que j'aie toute confiance dans les notions financières de l'honorable député, je suis obligé de préférer la situation financière dressée par la Cour des comptes en 1856, et annexée au rapport de la section centrale qui a examiné le budget.

Que dit ce compte rendu accompagné de tableaux développés ? Il arrive à cette conclusion, que les intérêts et les dépenses d'exploitation et d'entretien, qu'en un mot, tous les frais autres que ceux de premier établissement faits dans la période du 1er mai 1834 au 31 décembre 1854, ont excédé de plus de 26 millions les recettes effectives réalisées dans la même période.

Que dès lors. le trésor, ne profitera directement de cette grande entreprise que lorsque les excédants de recette auront comblé le déficit.

Ainsi la Cour des comptes a déclaré que le chemin de fer ne donnerait pas un centime d'intérêt pour le présent à ses actionnaires, s'il en avait.

L'honorable M. Vermeire a-t-il examiné le compte rendu de la Cour ? On dirait que non, puisqu'il prétend que le chemin de fer donne 6 pour cent.

C'est bien le cas de dire que trop de zèle est toujours nuisible. J'ajouterai, quant à moi que la situation du chemin de fer ne s'est pas améliorée depuis l'année dernière.

J'en viens au discours que je me proposais de prononcer.

Messieurs, quand on songe aux études approfondies auxquelles on s'est livré sur les chemins de fer, quand on se rappelle les discours nombreux qui ont été prononcés depuis quinze ans dans cette enceinte, on ne peut se défendre d'un sentiment très pénible en constatant où en est aujourd'hui cette question.

Oui, très pénible, car c'est une question d'une haute importance. Elle intéresse les contribuables, le commerce, l'industrie et même l'indépendance nationale ; cela est facile à établir.

Mon but, en demandant la parole, a été de vous dire franchement comment j'apprécie la situation, et ce qui reste à faire pour sortir de l'impasse où nous nous trouvons. Ce mot dépeint exactement la situation.

En effet, nous reculons plus que nous n'avançons depuis une année.

Le nombre de ceux qui sont satisfaits de la situation présente est-il considérable dans celle enceinte ? Je dis que non.

Que l'on cause avec des collègues dans cette enceinte, la plupart articulent des griefs contre l'administration du chemin de fer ; il n'y a de satisfaits que l'honorable M. Vermeire et quelques rares collègues que je pourrais encore citer. Mais à ceux qui se déclarent si satisfaits, je demanderais volontiers s'ils seraient capables de débrouiller le chaos de l'administration du chemin de fer et de dire quelles sont ses véritables besoins.

Je leur en porte le défi.

Eh bien, malgré ces adhésions peu nombreuses, malgré cet état de l'opinion dans cette Chambre et dans le pays, on ne parvient pas à sortir de l'impasse où nous nous trouvons ; presque personne n'est satisfait et personne ne fait de proposition pour arriver à quelque chose de meilleur. Celle situation ne peut se prolonger.

Lors de l'examen du budget de 1856, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, une des choses qui ont le plus préoccupé la section centrale, c'est la situation du budget de 1856. Nous nous apercevions qu'à cause de l'époque de l'année où nous nous trouvions, ce budget passerait encore avec une situation provisoire, quant à l'organisation des services, nous avions eu la pensée de ne donner au gouvernement que des crédits provisoires pour quelques mois, afin de mettre le gouvernement en demeure de se prononcer et de présenter un projet d'organisation définitive. La session était trop avancée pour donner suite à ce projet.

Que fit alors la section centrale ? Elle fit toutes les réserves imaginables, pour que le budget de 1857 ne fût au moins pas présenté dans les mêmes conditions que celui de 1856. Le gouvernement ne fit pas difficulté de prendre des engagements ; la section centrale s'empressa de prendre acte ; elle déclara de plus qu'elle considérait le budget comme un moyen de service provisoire en attendant une organisation définitive.

En effet, l'honorable M. Dumon, ministre des travaux publics, déclara que cet objet serait réglé incessamment ; il parut tellement pressé d'exécuter cette promesse que, vers la fin de la discussion du budget, il demanda et obtint, sans mon adhésion, que la Chambre suspendît la prescription constitutionnelle de la spécialité des articles, c'est-à-dire qu'après avoir longuement discuté les besoins des divers services du chemin de fer, la Chambre fît de tout le budget un seul article où tous les services se trouvaient réunis, pour permettre au gouvernement d'introduire immédiatement l'organisation qu'il annonçait.

Ce vote de confiance, M. le ministre en a profilé pour se mettre à l'aise ; mais cela ne l'a pas déterminé à introduire une nouvelle organisation dans l'administration du chemin de fer d'après les principes recommandés par le comité. On a fait même le contraire. Des agents du service actif très capables ont été placés en service général, c'est-à-dire qu'on a augmenté le nombre des sinécures.

Mais voyons si ces engagements ont été au moins tenus pour l'exercice courant, l'exercice 1857 ?

Trois sections avaient demandé que le gouvernement voulût produire son projet d'organisation, demandé si instamment l'année précédente.

Voici ce que M. le ministre a répondu à la section centrale. « Je ne suis pas en mesure de déposer le projet demandé. »

Ensuite il ajoutait : « La réorganisation de l'administration sera basée, autant que possible, sur les principes du projet qui m'a été soumis par le comité consultatif. »

Remarquez, messieurs, les mots : autant que possible ; c'est extrêmement large. Une déclaration comme celle-là ne signifie absolument rien. Avec cette réserve, on pourra faire tout ce qu’on voudra. M. le ministre a ajouté : « Avant de réglementer l'organisation d'après des principes fixes, immuables, je compte l'établir en fait, afin de mieux juger par l'expérience. » Ainsi, les expériences commencées il y a vingt ans vont continuer. Il n'y aura rien de fixe, d'immuable. Je vous le demande, messieurs, est-ce là tenir les engagements contractés devant celle Chambre ? Personne ne le croira.

Le procédé annoncé est d'ailleurs étrange. Ou veut introduire des réformes en fait sans un arrêté qui les fixe et qui les autorise.

On conçoit qu'en soumettant un règlement administratif à l'approbation royale, ou demande des dispositions transitoires pour le mettre à exécution ; car je comprends qu'on ne puisse exécuter tout d'un coup toutes les dispositions et que des dispositions transitoires sont nécessaires, personne n'a jamais contesté cela.

Ainsi, vous le voyez, messieurs, les expériences, le provisoire vont se continuer. Je déclare que je ne puis adhérer à ce système, et je ne pense pas que la majorité de cette Chambre y adhère davantage.

Apres cela, n'est-il pas étrange que dans le rapport de la section centrale où je me suis abstenu, il ait été déclaré que le budget devait être considéré comme normal ? Je me demande comment le budget peut être normal, quand il n'y a pas de principes fixes, déterminés par un arrêté royal, quand tout est abandonné à l'arbitraire de l'administration ; car un budget est l'application en chiffres, d'une organisation, d'un principe. Or, quand les principes ne sont pas arrêtés, il est impossible de considérer comme normal un budget qui n'est que l'application en chiffres de ces mêmes principes.

D'ailleurs, je ne puis envisager le budget comme normal, pour un autre motif encore. Aucune réduction de personnel n'a été opérée. Adopter les principes d'organisation du comité, et considérer comme normal un budget dont le personnel n'est pas réduit, cela est inconciliable ; car le comité consultatif s'était prononcé pour la réduction du personnel, il le croyait susceptible de réduction, il le croyait trop nombreux.

Mais on va plus loin, le gouvernement paraît s'estimer heureux d'avoir opéré tout ce remaniement de budget, tous ces virements de crédits sans augmentation. Il faut convenir que c'est un peu trop fort ; il était facile de ne pas augmenter en 1857 un budget qui a été augmenté en 1856 de quatre millions pour les services des chemins de fer et postes. Il serait étrange que dix mois après avoir augmenté le budget de 4 millions, il fallût encore des augmentations. Je ne puis donc considérer le budget comme un budget normal.

Maintenant, je suppose que le gouvernement admette les principes» de l'organisation discutée et proposée par le comité consultatif, et d'abord je vous ferai remarquer que cette organisation n'est qu'un règlement d'attributions, et que jamais le comité consultatif n'a été mis à même de discuter les cadres de l'administration, Les bureaux s'y sont toujours opposés indirectement.

(page 1038) Nous avons trouvé une barrière infranchissable qui ne nous a pas permis d'aller plus loin.

Je suppose que le gouvernement arrête et mette à exécution ce règlement d'attributions.

Je suppose même qu'il en fasse la base d'un budget normal, ce dont je doute très fortement, car cette application devrait amener une réduction de personnel.

Pensez-vous que je me considérerais comme satisfait par ce changement d'organisation ? Je suis obligé de dire que non, et voici pourquoi : c'est que dans cette supposition, le ministre des travaux publics continuerait à rester sans force, sans autorité réelle vis-à-vis des agents chargés de l'exploitation, comme le disait l'honorable M. Frère le 16 janvier de l'année dernière.

La mise à exécution du règlement d'attributions du comité consultatif avec la suppression du comité ne donnerait pas au ministre des moyens de contrôle qui lui sont indispensables.

En effet, c'était le comité qui devait exercer le contrôle ; ce contrôle avait semblé suffisant, puisque le comité était une émanation du gouvernement, puisqu'il dépendait du ministre.

Le comité ayant disparu, le contrôle a disparu aussi. Que faut-il maintenant pour que le chef du département ait un contrôle réel, pour qu'il puisse contrôler la direction du service des chemins de fer ? Il faut que le chef du département exerce son contrôle d'une manière indépendante de la direction, sans cela la direction se contrôle elle-même.

Il faut, en un mot, que la direction générale soit réduite à une direction d'exploitation, et que le service du contrôle et de la comptabilité des dépenses soit détaché de la direction générale, et forme un service spécial à la disposition du ministre : comme cela se pratique dans les compagnies.

Or, je doute que jamais le gouvernement puisse obtenir cette réforme.

Maintenant, je suppose que nous ayons un ministre assez puissant, assez énergique pour obtenir ce changement. Qu’arrivera-t-il ? Les cabinets ont une vie très courte. Qui vous dira que dans six semaines, que dans six mois, ce ministre sera encore aux affaires ? Il arrivera ce que nous avons vu dans le passé ; ce sera un homme très habile en jurisprudence ou en je ne sais quelle spécialité, mais qui ne le sera pas du tout en matière de travaux publics, qui deviendra ministre, et de nouvelles expériences recommenceront.

Il faut convenir, messieurs, que cela est peu fait pour faire aimer le système des chemins de fer exploités par l'Etat.

Au reste, je n'entends pas me déclarer complètement l'adversaire du chemin de fer exploité par l'Etat, mais je demande qu'on nous donne des garanties sérieuses.

Quand il y avait un comité, il me paraissait que ce comité pouvait nous en donner de suffisantes. Je m'étais complètement rallié à l'exploitation par l'Etat.

Je désirerais donc, messieurs, que la Chambre prît un parti définitif, et qu'elle le fît avec connaissance de cause.

Voici un moyen pour y parvenir.

C'est en 1835 que le gouvernement est venu demander pour la première fois la faculté pour l'administration d'exploiter des chemins de fer. Une violente opposition s'éleva dans cette enceinte et le gouvernement n'obtint cette autorisation qu'à titre provisoire. Cela est tellement vrai que l'honorable M. Rogier, qui parla en faveur du monopole des transports par l'Etat, ajouta : « Lorsque le gouvernement viendra proposer un projet de loi définitif sur le mode d'exploitation, ce sera le moment de discuter les avantages ou les inconvénients de tel en tel mode. »

C'est ainsi que, lorsque le gouvernement demanda pour l'administration la faculté d'exploiter, l’honorable M. Rogier, qui était favorable au système, demanda l'ajournement de toute discussion sur le mode d'exploitation, afin de réserver cette discussion pour le moment de la présentation d'un projet de loi.

Ainsi le gouvernement exploite son chemin de fer en vertu d'une loi provisoire, la loi annuelle dite des péages. Pendant les trois premières années, la Chambre fit une violente opposition. Au bout d'un certain temps, les distractions politiques furent cause qu'on ne s'occupa plus de ces questions, et, depuis lors, tous les ans cette loi dite des péages est votée sans opposition.

Je constate donc que le gouvernement exploite le chemin de fer à titre d'essai et provisoirement, afin de faire une expérience. Voilà vingt ans que cette expérience se fait. Il me semble qu'après vingt années, il y aurait lieu d'examiner d'une manière définitive la question de savoir s'il faut donner au gouvernement un mandat définitif pour l'exploitation du chemin de fer, ou s'il faut le lui retirer.

Il y aurait lieu d'examiner si cette expérience est heureuse, et, si elle est favorable, de donner la sanction de la loi à l'exploitation par le gouvernement.

Je voudrais donc, messieurs, que la Chambre nommât une commission afin d'examiner quels sont les résultats de l'expérience accomplie par l'administration depuis vingt ans, afin de savoir s'il y a lieu de lui conférer indéfiniment ces pouvoirs eu stipulant des garanties, ou si l'intérêt du pays demande la fusion des chemins de fer concédés avec ceux de l'Etat en leur donnant une existence sociale sous le patronage du gouvernement. (Interruption.)

Cela vous fait rire, M. Vermeire. Vous êtes partisan de l'exploitation du chemin de fer par l'Etat. Soit ! Moi, je le suis aussi, mais avec des garanties. Si l'honorable M. Vermeire est partisan de l'exploitation par l'Etat, il doit désirer que le mandat qui autorise le gouvernement à exploiter, et qui n'est qu'annuel, devienne définitif par la loi. Il devrait se rappeler ce qui s'est passé pour l'armée. L'armée était chaque année l'objet de discussions extrêmement longues, aussi longtemps qu'une loi n'eût pas arrêté les cadres, mais lorsque cette loi fut votée, les discussions cessèrent complètement.

Si nous avions une loi qui décrétât le mode d'exploitation du chemin de fer, et qui donnât un mandat indéfini au gouvernement, cette question viendrait à tomber. On se rallierait franchement à l'ordre de choses établi et l'honorable M. Vermeire n'aurait plus à craindre que l'exploitation passât aux mains d'une compagnie.

Si l'exploitation par l'Etat offre de si grands avantages, ces avantages seront constatés par la commission. J'insiste pour que la Chambre se rende compte par elle-même de la situation.

Si vous vous adressez au gouvernement, que voulez-vous qu'il réponde ? Il est cause et partie. Il demandera des renseignements à ses agents qui, nécessairement, n'envisageront pas la question avec impartialité.

Il n'y a pas longtemps, messieurs, à propos d'une discussion qui avait été soulevée ici, la question de savoir si le gouvernement pouvait ériger des écoles de filles malgré l'assentiment des communes, la Chambre a décidé, sur la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom, la nomination d'une commission. Ici il s'agit d'un intérêt matériel infiniment plus considérable. Pourquoi la Chambre ne voudrait-elle pas une bonne fois en finir de cette question et y voir clair ? Car pour prendre une détermination, il faut y voir par soi-même, y voir de ses propres yeux et ne pas se fier aux yeux de l'administration.

On a dit souvent dans cette enceinte et je partage cette opinion que les bureaux sont tout puissants dans ce pays. Cela est éminemment vrai, et pourquoi ? D'abord c'est que les chefs de département passent sans cesse, les cabinets sont sans stabilité. C'est ensuite parce que la Chambre n'ose jamais ou presque jamais du droit que lui confère la Constitution, de procéder à des enquêtes. La législature ne jouira de la plénitude de son pouvoir qu'en faisant quelquefois des enquêtes.

Si l'idée que je viens d'indiquer était appuyée par quelques honorables collègues, je n'hésiterais pas à la formuler en proposition. Si je reste seul à partager cette idée, j'attendrai.

M. Osy. - Nous devons tous convenir que l'établissement des chemins de fer a été un grand bienfait pour l'Europe entière, et surtout pour la Belgique. Aussi dès 1834, lorsque le gouvernement a proposé à la législature l'établissement d'un chemin de fer par l'Etat, je l'ai entièrement approuvé.

Mais il est venu un temps où j'ai été d'opinion que le gouvernement devait céder l'exploitation du chemin de fer, parce que j'étais persuadé que cette exploitation par l'Etat ne suffirait plus aux besoins du pays, que toutes les localités demanderaient des railways et qu'il faudrait créer des chemins de fer dans l'intérêt de ces diverses localités, mais au détriment des recettes du trésor. C'est ce qui est arrivé. Le gouvernement a très bien fait de donner des concessions à toutes les localités du pays ; mais ces concessions devaient naturellement ou diminuer les recettes de l'Etat, on ne pas permettre qu'elles arrivassent au chiffre qu'on avait le droit d'attendre.

Ainsi vous voyez que nous avons un temps d'arrêt dans l'accroissement du chiffre des recettes et je crois que celles-ci diminueront, parce que les concessions qu'on a données devront nuire au revenu du trésor.

Aussi y a-t-il plus de dix ans que, prévoyant les besoins du pays, les nouvelles concessions qui seraient demandées, j'ai émis l'opinion qu'il était temps que l'intervention du gouvernement finît et que le chemin de fer fût livré à l'industrie privée.

Lorsque en 1846 il fut question de la remise de nos chemins de fer a une compagnie, j'espérais que l'affaire aboutirait et que les chemins de fer auraient été livrés à l'industrie privée, entre les mains de laquelle ils auraient rendu les mêmes services au pays et n'auraient plus donné tous ces embarras au gouvernement, auquel on aurait réservé seulement la police, la surveillance de la fixation des tarifs.

Il y a quelques années, le gouvernement voyant que l'exploitation du chemin de fer laissait singulièrement à désirer, qu'elle ne pouvait continuer à marcher de la même manière, a jugé convenable de constituer un comité pour examiner les véritables besoins de cette entreprise.

Je crois que le gouvernement a parfaitement bien fait d'instituer ce comité, car il n'osait jamais dire ce dont il avait besoin pour pouvoir marcher.

Aussi, messieurs, le premier comité, après des travaux considérables, a rendu un grand service au pays en vous disant que la somme strictement nécessaire pour achever le chemin de fer s'élevait à 27 millions. Sans ce rapport du premier comité, je crois que jamais le gouvernement n'aurait eu l'énergie de déposer le projet de loi de l'année dernière, qui a pour objet d’allouer le crédit de 21 millions pour le chemin de fer.

Cependant, messieurs, ces 21 millions étaient loin de suffire à tous les besoins.

(page 1039) Ensuite, messieurs, j'ai vu avec plaisir l'institution du nouveau comité consultatif auprès du ministère des travaux publics, et je regrette vivement que par un vote, émis à l'occasion d'un chiffre, on ait empêché le maintien de ce comité. Il est certain, messieurs, que l'organisation qui est proposée aujourd'hui par le gouvernement est l'œuvre du comité consultatif.

J'espère que, quand M. le ministre aura examiné le travail du comité, il sera assez juste pour le reconnaître.

Mais, messieurs, ce n'est pas seulement au point de vue de l'organisation que ce comité aurait été très utile, c'est encore au point de vue du système à suivre. Nous pouvons dire que dans l'Europe entière il n'existe pas un système comme celui de la Belgique.

Eu France, on suit le système des concessions.

La Russie vient également d'adopter ce système en s'arrangeant avec les hommes les plus considérables de l'Europe pour établir des chemins, de fer qui coûteront un milliard de francs. En Angleterre, vous le savez, messieurs, c'est aussi le système des concessions qui est en vigueur.

Quel système avons-nous ? Nous en avons six : chemins de fer appartenant à l'Etat ; chemins de fer appartenant à des sociétés et exploités par le gouvernement, moyennant trois quarts de la recette brute pour l'un, Jurbise, moitié de la recette brute pour l'autre, Dendre-et-Waes : chemins de fer concédés sans garantie d'intérêt ; chemins de fer, bien plus nombreux, concédés avec garantie d'intérêt, ce qui nous coûte déjà 750.000 fr.

Mais quand la ligne du Luxembourg sera ouverte, nous payerons de ce chef 900,000 fr. de plus, ce qui fera 1,650,000 fr., et quand tous les chemins de fer concédés avec garantie d'intérêt seront livrés à la circulation, le trésor aura à payer deux millions. Eh bien, messieurs, ces deux millions vous devez les retrancher de nos recettes.

Je viens, messieurs, de vous citer quatre systèmes ; mais ce n'est pas tout, le progrès marche ! L'année dernière on nous a proposé un chemin de fer pour lequel nous payerions une annuité.

Vous vous rappelez, messieurs, l'opposition que ce projet a rencontrée. Mais nous venons de faire un progrès nouveau. Hier soir on nous a distribué un projet qui a pour objet le rachat par l'Etat d'un chemin de fer concédé. Je n'entrerai pas maintenant dans la discussion de ce projet ; je me borne à dire qu'on nous propose de racheter le chemin de fer de Manage à Mons et de payer de ce chef 670,000 fr. pendant 84 ans.

De cette manière les actionnaires seraient certains d'obtenir 5 p. c. de leur capital et dans la discussion nous verrons ce que le gouvernement retirera de cette opération.

J'engage beaucoup mes honorables collègues à examiner ce projet avec une très grande attention, car, réellement, d'après les explications qu'on nous donne, je crois que l'opération est conçue uniquement dans l'intérêt des porteurs d'actions et d'obligations.

Qui vous dit, messieurs, que nous en resterons là ? Pour moi, je pense que l'esprit inventif de tous les grands spéculateurs trouveraient encore le moyen d'exercer de l'influence sur le gouvernement et de nous conduire à des pertes plus considérables.

Quant à présent on ne se borne pas à concéder des chemins de fer, mais quand on a accordé des concessions, vous devez les racheter.

M. Allard. - C'est une excellente affaire.

M. Osy. - Je ne veux pas la discuter aujourd'hui, mais quand le moment sera venu, je serai charmé d'entendre l'honorable M. Allard nous expliquer les avantages de cette opération.

Véritablement, messieurs, je ne sais pas où nous allons. Vous avez concédé, il y a quelques années, le chemin de fer de Namur à Liège, mais la spéculation a trouvé le moyen de profiter de ce chemin de fer pour raccourcir la route de Paris vers l'Allemagne ; on a concédé alors le chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes et le chemin de fer d'Erquelinnes à Haumont, et aujourd'hui tous les voyageurs qui vont de Paris en Allemagne ou vice-versa ne prennent plus la route de l'Etat que de Charleroi à Namur et de Liège à la frontière.

Mais, messieurs, ce n'est pas tout ; on demande maintenant à raccourcir la route de Liège à Aix-la-Chapelle.

En effet, ce raccourcissement, qui sera peut-être approuvé par le gouvernement, offrira à Liège l'avantage de faire transporter les voyageurs et ces marchandises plus vite et à meilleur marché. Si je suis bien informé le gouvernement a fait examiner cette question et le rapport qu'il doit avoir reçu n'est pas défavorable, sauf qu'il demande qu'on ne parle pas directement de Liège, mais qu'on parte de la deuxième ou de la troisième section au-delà de cette ville pour se diriger ainsi directement sur Aix-la-Chapelle.

Voilà encore une combinaison avantageuse à notre industrie et je désire qu'elle se réalise parce que la prospérité du pays me préoccupe avant tout ; mais je regrette que, dès 1846, nous n'ayons pas abandonné le chemin de fer de l'Etat à une compagnie particulière ; alors nous aurons pu, sans nuire au trésor, établir tous les chemins de fer que nous aurions jugés de nature à être utiles aux diverses localités.

Je dis donc qu'à voir la manière dont nous marchons, le gouvernement ne se refusera pas à raccourcir les distances. En effet, si le gouvernement veut être juste, il doit le faire.

Pour aller d'ici en France, vous n'aviez qu'une seule route, la route de Bruxelles, Mons et Quiévrain à Paris. Qu'a fait le gouvernement ? IL a concédé la route de Charleroi à Erquelinnes, celle de Mons à Haumont.

Voilà donc des routes qui raccourcissent les distances de Pairs par la Belgique et vers l'Allemagne, mais toujours au détriment du trésor belge. En effet, ces raccourcissements, si je suis bien informé, coûtent au moins à l'Etat 900,000 francs, parce qu'aujourd'hui les voyageurs et les marchandises de l'Allemagne vers la France ne passent plus que par quelques stations du chemin de fer de l'Etat.

Vous aurez dans peu de temps un nouveau raccourcissement ; nous irons à Namur, non pas seulement de la station du Luxembourg, mais encore de celle du Nord. Qu'en résultera-t-il ? C'est que tous les voyageurs venant de la Hollande et du Nord, soit pour Namur, soit pour la France, prendront leurs billets à la station du Nord, les uns pour aller à Namur, les autres pour aller à Ottignies, d'Ottignies à Erquelinnes et de là en France sans prendre la route de Mons.

Ainsi toutes ces concessions sont très avantageuses à l'industrie et tournent au détriment de l'Etat.

Aussi, je regrette que le gouvernement n'ait pas en 1846 trouvé le moyen de vendre le chemin de fer. Je crains fort que l'idée que j'ai émise eu 1846 ne grandisse, à savoir que vous serez forcés de vendre votre chemin de fer quand il ne vaudra plus rien ou du moins quand il aura moins de valeur qu'il n'en avait dans le moment qu'il fallait choisir pour en faire la cession.

Messieurs, nos voisins ne sont pas restés inactifs. En Hollande, l'Etat n'exploite pas lui-même ; il donne des concessions à toutes les localités et il s'en trouve bien.

La Hollande a commencé par établir un chemin de fer entre Amsterdam et Rotterdam, comme nous avons commencé à-en établir un entre Bruxelles et Anvers ; mais les besoins de la Hollande demandaient davantage ; on y a fait un chemin de fer d'Amsterdam à Arnhem en Gueldre ; voilà donc une ligne directe vers le nord de l'Allemagne, ligne par laquelle la Hollande fait concurrence à la Belgique.

Mais la Hollande ne s'arrête pas : elle vient de concéder un chemin de fer de Flessingue à Venloo : la Hollande obtiendra par là un énorme avantage pour son transit.

Je disais tout à l'heure que le gouvernement belge a été si favorable à nos relations avec la France, qu'on a établi six routes vers ce pays ; je demande dès lors s'il est juste que le gouvernement se refuse à nous faire la route d'Anvers à Hasselt, qui raccourcira de 40 kilomètres la distance d'Anvers vers l'Allemagne, Tout le monde a eu sa part du gâteau, et vous ne pouvez pas exclure de cet avantage la seule ligne commerçante que vous ayez.

J'ai été favorable à toutes les localités ; je puis donc bien parler en faveur de la ligne d'Anvers à Hasselt.

Je disais tout à l'heure que le chemin de fer de Flessingue à Venloo ferait même une rude concurrence à la Belgique, eh bien, après avoir tant avantagé nos relations avec la France, pouvez-vous refuser à Anvers une seconde route vers l'Allemagne ?

Vous pourriez avec cette route, qui abrège la distance de 40 kil., vous pourriez au moins lutter avec la Hollande, pour tout ce qu'elle fait dans le but d'activer les affaires.

Si nous restons stationnaires, nous serons débordés par nos voisins qui ont adopté le système des concessions, bien plus favorable que votre système six fois bâtards, dirai-je.

Permettez-moi de vous exposer à l'appui de la nouvelle ligne d'Anvers vers l'Allemagne quelques raisons qui ne sont pas seulement puisées dans l'intérêt commercial. Je suis charmé de voir M. le ministre de la guerre à son banc, j'espère que ce que je vais dire l'engager à à se mettre de mon bord.

Vous savez, messieurs, que le gouvernement veut établir à Anvers le grand centre de défense du pays ; il veut le faire dans la prévision d'événements politiques qui pourront survenir tôt ou tard ; eh bien, si ces événements venaient à s'accomplir, la première chose qu'on ferait, ce serait de détruire la ligne entre Liège et Verviers ; vous n'auriez donc plus de communication par le chemin de fer de ce côté. Au point de vue militaire, ne serait-il pas avantageux à la Belgique d'avoir une route qui allât directement par la Campine, sans devoir faire un détour de manière que les alliés qui pourraient venir d'Allemagne ne devraient pas aller par le chemin de fer de Verviers à Liège ! Mais on aurait un chemin de fer direct de Maestricht à Anvers ; de sorte que, militairement parlant, c'est une chose très avantageuse. Je prie M. le ministre d'examiner cette question, et s'il partage mon opinion, d'en parler à son collègue le ministre des travaux publics qui deviendrait plus favorable à la demande de la ville d'Anvers, qui ne s'est pas bornée à lui adresser des mémoires, mais lui a envoyé des députations.

Il doit se hâter de déférer à cette demande, pour être juste envers la province d'Anvers, pour lui donner une compensation des avantages accordés aux transports venant de France.

Qui vous dit que les marchandises qui vont du Havre à Cologne par Erquelinnes et Liège ne pourront pas lutter avec les transports d'Anvers vers Cologne ? Non seulement nous avons la concurrence de la Hollande, mais la concurrence du Havre, par suite des facilités que nous accordons en Belgique.

J'ai à regretter le système qu'on a adopté pour la construction de nos chemins de fer. J'approuve toutes les concessions qui ont été accordées, sauf que j'aurais voulu qu'on suivît un système comme en France, en Angleterre et en Hollande ; vous auriez pu doter toutes les parties du (page 1040) pays des mêmes avantages, tandis que, pour une partie du pays, vous avez donné six routes, alors que la seule ville commerçante du pays n'en a qu'une qui fait un détour de 40 kilomètres et occasionne de grands retards à nos transports.

Ce n'est pas maintenant que je veux entretenir la Chambre des retards qu'éprouvent nos expéditions sur les chemins de fer. Si vous aviez un deuxième débouché vers l'Allemagne, vous vous affranchiriez du détour et des retards, le chemin serait mieux exploité, il recevrait plus de marchandises.

Si vous ne faites pas cette ligne d'Anvers vers Hasselt, la Hollande vous fera une telle concurrence qu'elle vous enlèvera tous les transports que vous craignez de voir passer sur cette ligne d'Anvers à Hasselt.

J'engage le gouvernement à examiner cette question, non seulement dans l'intérêt mesquin du trésor, mais dans l'intérêt du commerce en général et du commerce de la ville d'Anvers en particulier. Vous avez fait tant de sacrifices pour le reste du pays, qu'il est juste que vous fassiez quelque chose en faveur de la ville d'Anvers.

L'honorable M. de Man, comme moi, croit qu'il aurait été avantageux d'avoir un comité consultatif, non seulement pour l'exploitation, mais pour toutes les demandes de concession, car au ministère des travaux publics, tout va véritablement à la débandade.

Les fonctionnaires ne sont pas consultés sur les chemins de fer dont on demande la concession. Pour la route concédée de Saint-Ghislain a Ath vers Gand, je demanderai si on a consulté le comité des travaux publics ; l'a-t-on consulté pour le chemin de fer qu'on vient de proposer ?

Si vous aviez un comité consultatif, vous pourriez, avant de présenter vos projets à la Chambre, les soumettre à ce comité qui serait une espèce de conseil d'Etat. Cela ne coûterait pas cher. Vous pourriez avoir au département des travaux publics un comité consultatif, comme il en existe un au département des finances pour la dette publique ; vous trouverez facilement dans les deux Chambres et dans le pays des personnes assez zélées pour examiner, comme conseil d'Etat ou consultatif, les projets dont le gouvernement devrait saisir la Chambre.

J'espère que le gouvernement réformera le système suivi jusqu'à présent afin de donner plus d'ensemble à la marche de l'administration ; car, je le répète, tout va à la débandade, nous faisons de la mauvaise besogne, il en résulte une perte pour le trésor sans avantage pour les localités. J'engage le ministre à examiner la proposition de M. de Man ; je n'entends pas faire de proposition, cela nous mènerait trop loin, mais il y a du bon dans l'idée émise et j'engage M. le ministre à l'examiner et à voir ce qu'il y aurait à faire.

M. Thibaut. - Au commencement de la séance, l'honorable M.de Renesse a adressé une interpellation à M. le ministre des travaux publics en faveur de la ville de Tongres et de l'arrondissement qu'il représente. J'adresserai aussi à M. le ministre une interpellation sur un objet qui intéresse plus particulièrement l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte. Nous avons tous deux les mêmes plaintes à faire.

En jetant les yeux sur une carte de notre pays, on voit qu'il est sillonné à peu près en tous sens par des chemins de fer ; ces voies nouvelles portent la prospérité et entretiennent l'activité et la vie sur tous les points qu'elles touchent : mais malheureusement elles empêchent en même temps le progrès de l'industrie et du commerce dans les lieux qui n'en sont pas pourvus, et mettent ces localités dans une position très difficile, sinon désastreuse.

Tongres se plaint de n'avoir pas de chemin de fer, Dînant se plaint également de ce qu'aucune ligue ferrée ne touche son territoire.

A Dinant, plusieurs projets ont été annoncés ; on parle d'une société nouvelle qui demande la concession de la ligne de Namur à la frontière de France par Dinant ; on parle d'une autre ligne de Huy à la même frontière, et passant aussi par Dinant ; en outre, la compagnie du chemin de fer de Namur à Liège a pris, dans son acte de concession, l'obligation, sous certaines conditions, de poursuivre sa ligne dans la vallée de la Meuse jusqu'à la frontière de France, et d'un autre côté elle s'est réservé un droit de préférence.

Je prie M. le ministre de vouloir bien nous donner des renseignements sur tous ces points ; qu'il veuille bien nous dire si des demandeurs sérieux ont fait des démarches auprès du gouvernement pour obtenir l'une ou l'autre des concessions dont je viens de parler ; si le gouvernement est disposé à mettre la compagnie de Namur à Liège en demeure d'étendre sa ligne le long de la Meuse jusqu'à la France, pour le cas où d'autres offriraient de prendre cet engagement.

Enfin, et pour le cas où aucun concessionnaire ne se présenterait pour exécuter un chemin de fer vers Dinant, je demanderai à l'honorable ministre s'il n'entrerait pas dans ses intentions de chercher une combinaison quelconque qui assurât la construction de cette voie.

L'honorable M. Osy disait tout à l'heure qu'il était favorable en principe à toute concession de chemin de fer, qu'il désirait que chacun prît part au gâteau. Ni Tongres, ni Dinant n'ont obtenu cette part. IL est juste, cependant, qu'on ne les laisse pas indéfiniment dans une condition exceptionnelle. Il faut que ces villes sortent de l'état d'isolement où elles se trouvent.

M. Ansiau. - Dans une séance précédente, et dès le début de la discussion du budget des travaux publics, messieurs, l'honorable M. Mascart s'est hâté d'adresser à M. le ministre une interpellation relativement au projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw.

Je rends très volontiers hommage à mon honorable collègue ; on est toujours sûr de le rencontrer lorsqu'il peut être question des intérêts de son arrondissement ; son zèle, en semblable occurrence, ne fait jamais défaut à ses commettants.

Mais, messieurs, si mon honorable ami manifeste autant d'intérêt à propos d'un projet que je suis porté à croire inadmissible, quelles que soient les modifications qu'on lui fasse subir, il nous sera bien permis, à notre tour, je l'espère, de nous enquérir auprès du gouvernement de l'exécution d'un chemin de fer décrété et auquel des populations considérables tiennent d'autant plus, que jusqu'ici elles souffrent du véritable déni de justice consistant dans la privation de toute voie de communication de ce genre.

Je veux parler de la ligne de chemin de fer partant de la station de Braine-le-Comte et aboutissant au railway de Dendre-et-Waes en passant par Enghien avec prolongement jusqu'à Courtrai.

La loi votée à la fin de notre dernière session semble rester jusqu'ici, pour ces localités, à l'état complet de lettre morte. On ne s'imaginerait pas, à voir les lieux, que l'on ait décrété un chemin de fer dans la direction ci-dessus décrite. Ni ouvriers, ni ingénieurs n'ont encore été aperçus que je sache, dans ces localités que l'on croirait déshéritées de la sollicitude gouvernementale.

Je prierai donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous fournir quelques explications sur ce chemin de fer décrété et sur l'exécution duquel les localités intéressées ont besoin de recevoir quelques assurances positives.

M. de La Coste. - Je serais, je dois le dire, fort éloigné de tout projet qui tendrait à aliéner le chemin de fer de l'Etat en faveur d'une puissante société étrangère. Je reconnais cependant que l'état actuel des choses n'est pas sans difficulté, sans embarras et mérite une sérieuse attention.

Un gouvernement est fait, je crois, pour gouverner, et non pour exploiter. S'il se charge d'une exploitation, qu'arrivera-t-il ? L'administration qui exploite se surveillera, ou voudra se surveiller elle-même ; or, comme cela n'est guère possible, la surveillance se place dans la Chambre, et de là il résulte une position fort difficile et pour la Chambre et pour l'administration.

Vous voyez comment dans cette Chambre cette surveillance s'exerce souvent par des observations sévères contre l'administration. Eh bien, ces observations qui se renouvellent, qui tendent à mettre pour ainsi dire, chaque année, l'existence même de l'administration en question, tout cela, je dois l'avouer, en rendant un juste hommage au zèle des honorables membres qui veulent bien prendre sur eux cette tâche, tout cela doit finir à la longue par jeter dans l'administration une sorte de découragement.

C'est une nécessité, résultant de l'organisation actuelle du chemin de fer, une nécessité qui, s'il n'y était pas satisfait, laisserait un vide réel ; mais elle n'en a pas moins ce côté fâcheux.

Autre embarras : tandis qu'une grande association financière trouve en elle-même, à point nommé, les fonds nécessaires à l'outillage, au perfectionnement, à l'extension de sou chemin de fer, à tout ce qui peut en un mot intéresser son présent et son avenir, le gouvernement est toujours obligé de s'adresser aux Chambres pour obtenir des fonds, et celles-ci hésitent, parce qu'à la suite des millions qu'on leur demande elles aperçoivent immédiatement les sacrifices à demander aux contribuables.

Si le gouvernement pouvait se décharger de cette administration, sans courir le danger que je signalais en commençant, au lieu de devoir demander des millions aux Chambres, il pourrait compter sur de nouvelles ressources.

Il pourrait, par exemple, comme on l'a proposé en section centrale, créer une grande association tout à fait nationale, dont il ferait lui-même partie, et dans laquelle son apport serait le chemin de fer avec tout ce qui en dépend.

Mais comme les actionnaires ne devraient d'abord fournir que le capital nécessaire pour se procurer tout ce qui manque à la régularité du service, le gouvernement pourrait faire successivement rembourser par la société une partie du capital qu'il a employé au chemin de fer. Il trouverait là des ressources considérables que, sans cela, il faudra peut-être bientôt demander à l'emprunt.

Je crois donc, pour me servir d'une expression vulgaire, qu'il y a quelque chose à faire, ou du moins qu'il y a à examiner.

Je viens maintenant à un autre point que j'ai déjà annoncé ; mais, avant d'y arriver, je demande à rappeler quelques faits le plus brièvement possible.

Messieurs, la loi de 1834 sur les chemins de fer part d'une idée que sans flatterie je puis appeler grandiose : c'étaient deux grandes lignes qui traversaient le pays de l'est à l'ouest et du nord au sud, et qui se croisaient à Malines.

Mais à mesure que l'expérience a mieux fait connaître les conditions des chemins de fer, ce qu'on ne pouvait pas apercevoir du premier coup et que nous pouvions d'autant moins apercevoir que nous avons devancé le continent européen dans l'établissement des chemins de fer, à mesure que la réflexion et l'expérience ont mieux fait connaître les conditions vitales des chemins de fer, on a d'abord reconnu que ce (page 1041) système plaçait la capitale dans une situation défavorable, que le véritable centre des chemins de fer devait être la capitale, d'où ils devaient rayonner dans toutes les directions.

Après cela, messieurs, est venu un ingénieur savant, habile calculateur, observateur soigneux, qui peut-être a quelquefois plié un peu les chiffres à son système, mais qui a fait valoir, qui a établi, qui a démontré une idée qui se démontre tous les jours davantage.

Il a prouvé que la distance était un des points auxquels il fallait le plus porter attention dans la direction des chemins de fer. Il a prouvé que les relations étaient d'autant plus multipliées, que le mouvement des voyageurs d'abord, et ensuite celui des marchandises, augmentait à mesure du raccourcissement des distances.

Alors, messieurs, la Chambre a adopté un nouveau système. Elle l'a consacré, non seulement par des discours, mais par des actes. Elle a pris Bruxelles, la capitale du royaume, pour centre du système des chemins de fer. Elle a fait rayonner le chemin de fer directement vers Gand, directement vers Namur et vers le Luxembourg.

Dans ce nouveau système, messieurs, il reste une seule lacune, une seule anomalie ; du moins, la plus remarquable de toutes, c'est la ligne de l'est qui la présente. La ligne de l'est, au lieu de partir directement de la capitale, comme toutes les grandes lignes, fait d'abord quatre lieues en avant, qui sont inutiles, pour faire ensuite cinq lieues eu arrière.

Messieurs, ce qu'il y a de remarquable, c'est que lorsque la Chambre s'est décidée pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand, les conditions étaient beaucoup plus défavorables. Car le tronçon de Malines à Gand, qui indique réellement le mouvement dans cette direction, ne donnait encore, en 1854, que 5 p. c. du capital engagé, quoique ce capital fût proportionnellement moins considérable que dans la direction de Louvain. Il ne donnait que 16,000 à 17,000 francs de produit net par kilomètre ; au lieu que le tronçon de Malines à Louvain donnait également, en 1854, 15 p. c. du capital engagé et un produit net de plus de 36,000 francs par kilomètre.

Je me sers des calculs d'un de nos anciens collègues, sur lesquels il peut y avoir à débattre, mais qui donnent une idée suffisante des faits.

Vous voyez donc que la différence était très grande, qu'il était beaucoup plus hardi de faire le chemin de fer direct de Gand que d'entreprendre celui de Bruxelles vers Louvain, puisque en dédoublant les produits de cette dernière ligue, vous avez encore pour chaque direction un produit net supérieur à celui que donnait la ligne vers Gand sans compter l'accroissement produit par le raccourcissement.

Messieurs, il faut le dire à l'honneur du ministre actuel, tous ces faits ont été appréciés par lui et il vous a proposé, le 12 février 1856, la construction d'une ligne de chemin de fer directe de Bruxelles à Louvain, dont l'exploitation se ferait par le gouvernement ; à cette ligne devait encore se joindre la concession d'un chemin de fer de Louvain au camp de Beverloo par Diest avec prolongement éventuel jusqu'à la frontière néerlandaise et embranchement sur Herenthals ; cette ville de Diest, messieurs, qui est tellement favorisée qu'il paraît qu'il y a une loi occulte dans notre code des chemins de fer qui défend, comme le remarquait tout à l'heure l'honorable M. Osy, qu'un railway puisse jamais passer par là et par Hasselt, en se dirigeant d'Anvers vers la frontière d'Allemagne.

Messieurs, ces deux articles du projet de loi ont été ajournés. Voici, à propos de cet ajournement, ce qui s'est passé.

L'honorable M. Orts a proposé l'ajournement pour que la Chambre restât saisie. L'honorable ministre s'est rallié à cette proposition. L'honorable M. Rogier a demandé, au lieu de cet ajournement, que le gouvernement retirât les deux propositions pour présenter un nouveau projet de loi à l'ouverture de la session. M. le ministre a répondu : « La Chambre est saisie de l'amendement de l'honorable M. Orts. Ainsi l'ajournement ne préjugera rien. » Voilà en quels termes la question est restée.

Cette décision de la Chambre, ainsi motivée, s'applique aux deux propositions dont je viens de parler. Je me permettrai maintenant de demander à M. le ministre où en est l'instruction de cette double affaire.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - Les habitants de l'arrondissement et de la ville d'Alost avaient vu avec bonheur ouvrir la ligue du chemin de fer de Dendre-et-Waes qui devait leur procurer tous les avantages attachés à une voie ferrée pour ses communications rapides et directes avec la capitale et les Flandres dont ils avaient été privés depuis la création du chemin de fer d'Ostende vers l'Allemagne, en les faisant sortir de l'impasse qu'ils subissaient forcément ; mais leur attente a été, en partie, trompée.

Le gouvernement, en n'établissant que trois départs directs par jour d'Alost pour Bruxelles, gêne le commerce en ne favorisant pas davantage la circulation.

Il en est de même, messieurs, pour le transport des charbons qui ne peut s'effectuer par le chemin de fer à cause du tarif qui est trop élevé pour soutenir la concurrence avec la voie navigable ; les négociants s'en plaignent et demandent que le tarif soit baissé, ou bien qu'on leur accorde une remise pour le transport des charbons par le chemin de fer qui peut se faire en toute saison, tandis que par la voie navigable, il est interrompu en hiver, d'où il peut résulter de graves perturbations pour l'industrie. Il y a donc un intérêt réel pour le trésor public de prendre l'une ou l'autre mesure ; il faut que le chemin de fer de Dendre-et-Waes donne le revenu qu'on est en droit d'en attendre.

Il ne suffit pas, messieurs, de créer des voies nouvelles, si vous ne les faites pas produire. Si je suis bien informé, le transport des charbons peut se faire sans frais nouveaux pour le gouvernement par les convois ordinaires des marchandises qui peuvent servir à cet effet.

J'espère que M. le ministre des travaux publics, qui connaît la situation, avisera au moyen d'augmenter les convois, ainsi que d'abaisser le tarif pour le transport des charbons, ou d'accorder une remise pour que les négociants puissent faire usage de la voie ferrée, ce qui sera en même temps productif pour le trésor public.

M. Vermeire. - Je ne sais si je dois me féliciter ou si je dois regretter d'avoir fait rompre à l'honorable M. de Man le silence dans lequel il voulait se renfermer à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics. Tout en restant dans le doute à cet égard, je dois dire que j'ai été fort étonné d'entendre l'honorable membre taxer d'écarts d'imagination les observations que j'ai produites dans cette discussion. Il n'y a rien d'imaginaire dans les faits que j'ai produits ; tous ont été pris dans les documents officiels mis à la disposition des membres de la Chambre, documents qui sont renseignés dans mes observations et qui seront insérés aux Annales parlementaires.

L'honorable M. de Man trouve que dans le chemin de fer tout est abandonné à l'arbitraire ; il pense qu'il est impossible de débrouiller le chaos du budget du chemin de fer ; il voudrait la nomination d'une commission pour tout réglementer, et un moment après il nous dit que rien ne peut être immobile dans cette administration ; que la société ou le gouvernement qui exploite doit avoir ses coudées franches afin d’être à même d'introduire les améliorations qu'il croit nécessaires. Je ne comprends pas comment ces deux propositions peuvent se concilier.

Messieurs, j'ai dit que le comité qui avait été chargé de tout examiner, avait porté ses investigations sur presque tous les points, sauf sur un seul qui, d'après moi, est le point essentiel ; c'est celui qui concerne ta tarification des marchandises. Que me répond, à cet égard, l'honorable membre ? Que n'ayant pas été saisi de l'examen de cette question par le gouvernement, la commission ne pouvait porter ses investigations sur cet objet.

Je crois, messieurs, que la commission qui a été instituée, avait mission d'examiner toutes les questions qui se rapportent à l'exploitation du chemin de fer, et que si elle ne s'est pas livrée à l'examen du tarif qui règle les péages du transport des marchandises, c'est que probablement elle s'est trouvée arrêtée devant des difficultés assez grandes.

C'est donc pour jeter quelque jour sur ces difficultés que, dans mon discours, j'ai indiqué plusieurs points de l'application desquels doit, d'après moi, résulter une grande amélioration dans les recettes de l’Etat et, en même temps, une augmentation plus considérable du trafic.

Maintenant, messieurs, que nous connaissons le travail de la commission d'enquête, livrons-nous, à notre tour, à l'appréciation de son travail.

Eh bien, quelles sont les conclusions auxquelles arrive l'honorable membre ? Celles de nommer une autre commission qui commencera à tout examiner de nouveau.

Je pense, messieurs, que cette nouvelle commission n'aurait pas plus de succès que l'ancienne, dont les membres ont travaillé avec beaucoup d'activité, avec beaucoup de courage et d'assiduité, je veux bien le reconnaître.

Je répète encore, messieurs, qu'en présence de résultats aussi favorables que ceux que j'ai constatés, résultats qui sont consignés dans les documents officiels et qui n'ont été révoqués eu doute que de la manière la plus vague, nous pouvons nous en rapporter au gouvernement.

En effet, messieurs, ces résultats sont bien plus favorables que ceux des chemins de fer appartenant aux compagnies, soit dans notre pays, soit dans les pays étrangers, et, sauf quelques exceptions que j'ai signalées, on peut les regarder comme très satisfaisants.

Maintenant, messieurs, je crois que l'honorable membre lui-même n'a pas trop de confiance dans la proposition qu'il a annoncée et qui aurait pour but de faire nommer une nouvelle commission ; car il se réserve de ne déposer cette proposition que pour autant qu'il fût assuré de ne pas rester seul pour la défendre.

Eh bien, moi je viens engager l'honorable membre à formuler sa proposition afin qu'il y ait un vote de la Chambre et que la majorité puisse se prononcer sur les résultats que j'ai constatés, et dont je maintiens l'exactitude jusqu'à ce qu'on l'ait renversée par des chiffrés, par des faits incontestables.

M. Loos. - Messieurs, il est un point de l'argumentation de l'honorable M. Vermeire que je dois combattre. En disant que le comité des chemins de fer ne s'est jamais occupé des tarifs, on oublie que dès son entrée en fonctions il s'est occupé des tarifs d'une manière si efficace, que son travail a valu au trésor une augmentation de revenus de deux millions par an. Il me semble qu'après avoir obtenu ce résultat il pouvait s'occuper de l'organisation du chemin de fer, pour revenir plus tard aux tarifs.

Messieurs, j'ai toujours été partisan de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat, il me semblait qu'il fallait conserver à cette grande entreprise son caractère national et les avantages qui en découlent ; mais en voyant ce qui s'est passé jusqu'ici et ce qui se passe encore (page 1042) après vingt années d'existence du régime gouvernemental, je dois déclarer que je reviens de ma première opinion.

Que voyons-nous au chemin de fer ? Des voies inachevées, des stations inachevées, un matériel incomplet ; tous les perfectionnements introduits partout dans les chemins de fer étrangers et même dans les chemins de fer concédés chez nous, n'existant pas encore d'une manière complète au chemin de fer de l'Etat.

Je dis, messieurs, que cela prouve évidemment contre l'exploitation du chemin de fer par l'Etat.

On ne dira pas que nous n'avons pas eu à la tête du département des travaux publics des hommes possédant la capacité voulue ; nous avons vu passer à ce département les hommes les plus importants, les plus capables du pays. Malgré cela, il faut bien le constater, après vingt années d'exploitation par l'Etat ce chemin de fer est encore tout à fait incomplet et nous discutons son organisation.

Comment, messieurs, avons-nous pu faire un pas en avant dans cette exploitation ? Qu'on le reconnaisse bien, c'est à l'intervention du comité consultatif que l'on doit le peu de perfectionnements introduits pendant ces dernières années ; c'est à cette intervention que vous devez l'introduction des éclisses. Elles n'existaient sur aucune voie. Le comité consultatif est venu démontrer ce qu'elles présentaient de sécurité pour le public et d'économie pour l'exploitation.

Malheureusement, cette amélioration en est restée jusqu'ici à des essais ; elle n'existe encore d'une manière complète sur aucune voie.

Le matériel d'exploitation était absolument insuffisant ; c'est encore au comité consultatif que vous devez la construction d'un grand nombre de locomotives.

Tout le monde reconnaissait que le matériel était insuffisant, mais aucun ministre n'osait venir demander les fonds nécessaires pour le compléter, parce que toutes les fois qu'on sollicitait des crédits pour le chemin de fer, c'étaient des récriminations interminables.

On cherchait à éviter ces récriminations et on arrivait le plus tard possible ou l'on n'arrivait pas du tout avec les demandes de fonds.

Il manquait des voitures, il manquait des waggons ; de toutes les parties du pays les réclamations s'élevaient sur l'insuffisance du matériel de transport. Le comité consultatif a exposé cette situation défectueuse et a engagé le ministre à y remédier, et les crédits ont été votés.

Les voies de circulation étaient dans un état tel que des ingénieurs anglais, ayant inspecté certaines voies de notre pays, déclaraient qu'en Angleterre le gouvernement n'autoriserait pas la circulation sur de pareilles routes. Il s'agissait de la ligue d’Ostende. Le comité consultatif a exigé que cet état de choses vînt à cesser. Il a demandé des rails plus forts comme ceux qu'employaient toutes les compagnies à l'étranger comme eu Belgique, que le gouvernement imposait même aux demandeurs eu concession, et qu'il était seul à ne pas employer.

Sans doute, messieurs, le comité consultatif n'a pas pu tout faire. A ce comité, qui n'était que temporaire, devait, d'après l'organisation qu'il avait proposée lui-même, succéder un comité permanent. Je crois, pour ma part, que c'est la seule condition possible dans laquelle le gouvernement puisse exploiter le chemin de fer d'une manière convenable.

Je le répète, messieurs, ce n'est certes pas la capacité des ministres qui peut avoir fait défaut, mais il faut le dire, il existe un obstacle que je ne chercherai pas à définir autrement que ne l'a défini l’honorable M. de La Coste, car je trouve sa définition tout à fait exacte. Toujours est-il que depuis vingt ans le chemin de fer est entouré de liens qui l'ont empêché de marcher.

Je crois qu'il faut l'attribuer au court espace de temps pendant lequel les ministres restent à la tête de leur département, pour ma part, je reconnais volontiers que les ministres qui se sont succédé au département ces travaux publics, s'ils s'étaient trouvés à la tête de compagnies de chemins de fer, auraient été pour ces compagnies un élément de succès ; mais placés dans les concilions où se trouvent les ministres, en présence du contrôle des Chambres, en présence de toutes les difficultés qu'ils éprouvent à faire admettre les crédits dont ils ont besoin, en présence du contrôle encore très difficile de la Cour des comptes, je crois que l'exploitation doit être nécessairement défectueuse et malheureuse.

Messieurs, quel est le remède à cette situation ? J'ai dit que, partisan de l'exploitation par l'Etat, j'ai été ébranlé dans mes convictions ; je crois qu'on peut exploiter mieux et qu'on doit exploiter mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.

Dans le rapport qui nous a été présenté par la section centrale, j'ai vu apparaître une idée qui me semble bonne et qui permettrait de conserver au chemin de fer son caractère national : c’est de former une grande société dans laquelle le gouvernement ferait l’apport des chemins de fer existant aujourd'hui et dont le capital serait complété par les actionnaires pris dans le pays, Avec cet apport immense des chemins de fer de l'Etat, évidemment l’entreprise conserverait son caractère national ; le gouvernement aurait la plus haute influence sur toutes les mesures que pourrait prendre la compagnie ;, il s'assurerait toujours qu'un intérêt étranger ne viendra pas dominer les intérêts du pays.

On pourrait compléter cette société par l'apport des chemins de fer concèdes existant déjà ; je ne veux pas cependant créer un monopole absolu, je voudrais que les compagnies pussent continuer de subsister, elles ne se fusionneraient avec la grande compagnie qu'autant qu'elles auraient intérêt à se fusionner.

Je ne voudrais pas non plus qu'après l'établissement de cette grande compagnie, on ne concédât plus de chemins de fer ; je crois que les chemins de fer n'ont pas encore dit leur dernier mot ; je crois qu'on en créera d'autres ; on a déjà signalé des lacunes qu'il serait très utile de remplir. Je ne voudrais donc pas, je le répète, que la compagnie à former jouît d'un monopole exclusif.

Evidemment, il y a quelque chose à faire. Je ne sais si j'ai bien compris l'honorable M. de Man ; la proposition qu'il a annoncée a-t-elle principalement pour but de faire examiner s'il faut continuer les errements qui ont prévalu jusqu'à présent, ou bien s'il faut rechercher les moyens d'en sortir, soit par la création de cette compagnie, soit par d'autres mesures.

Je continue à être l'adversaire de la cession du chemin de fer de l'Etat à une compagnie étrangère ; mais je deviens partisan d'une compagnie nationale qui exploiterait le chemin de fer et qui ne rencontrerait pas dans sa marche les obstacles qui ont entravé les progrès de notre railway.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, après le discours que l'honorable M. Loos vient de prononcer, ma tâche est facile et sera très courte. En effet, ce discours répond en très grande partie aux objections que m'a faites l'honorable M. Vermeire.

Il m'importe cependant de lui répondre sur un autre point.

L'honorable député de Termonde a prétendu qu'il y avait contradiction que de vouloir donner beaucoup de latitude à l'administration du chemin de fer, quant au partage des articles du budget cl quant aux tarifs, et de vouloir établir des commissions, des comités pour la contrôler.

Je ne vois aucune contradiction dans ce système, j'ai constaté qu'une entreprise industrielle ne s'accommode pas, pour prospérer, des précautions, des entraves qui entourent les services publics. Cela est incontestable pour un industriel. Mais il faut un remède à cette liberté d'action ; ce remède, je le trouve dans un contrôle journalier exercé par un comité. Il n'y a pas là de contradiction.

D'ailleurs, la motion que j'ai indiquée comme désirable, ne consiste pas dans un comité de surveillance, elle consiste à éclairer la Chambre sur le parti qu'elle a à prendre, quant aux chemins de l'Etat, en nommant une commission.

Je dis qu'il faut prendre un parti, parce qu'il sérail insensé de continuer à abandonner à l'instabilité ministérielle et à l'insouciance de la bureaucratie, l'administration d'un capital déplus de deux cents millions. Je ne m'oppose pas à ce que l’Etat continue à exploiter, mais il me faut des garanties.

Si ces garanties sont impossibles, je demande la fusion des chemins de l'Etat et de ceux des compagnies. L’Etat y exercera une haute influence par l'apport de son grand capital, il veillera à ce que cette entreprise reste nationale et rende les services que le pays est en droit d'en attendre.

Je termine en déclarant que, puisque l'honorable M. Vermeire le désire, je suis prêt à formuler et à déposer une proposition ; je ne reculerai pas devant ce devoir, il peut y compter.

M. le président. - Voici la proposition de M. de Man :

« Je demande qu'il plaise à la Chambre de nommer une commission chargée de constater les résultats de l'expérience accomplie par l'administration, en obtenant provisoirement, depuis 1835, l'exploitation des chemins de fer, afin de savoir s'il y a lieu de lui conférer indéfiniment ce pouvoir en stipulant des garanties, ou bien si l'intérêt du pays demande la fusion des chemins de fer concédés avec ceux de l’Etat, en leur donnant une existence sociale, sous le patronage du gouvernement, et de présenter des conclusions à la Chambre.

« Cette commission n'aurait doit à aucun jeton de présence. »

M. Frère-Orban. - Messieurs, je désire adresser une question à M. le ministre des travaux publics, relativement à l'application des tarifs du chemin de fer.

Si je suis bien informé, l'administration, depuis quelque temps, a introduit, sans publicité d'ailleurs, un système de tarifs différentiels ou, si l'on veut, de contrats particuliers aveu certains industriels et certains négociants qui peuvent fournir des transports d'une certaine importance au chemin de fer de l'Etat. Je désire d'autant plus recevoir des explications sur ce point que l'honorable M. de Man vient de conseiller au gouvernement d'adopter, non pas des tarifs fixes, mais des tarifs qu’il a nommés élastiques, des tarifs tout à fait mobiles, permettant au gouvernement de régler à peu près comme il l'entendrait le prix des transports sur les chemins de fer de l'Etat.

Messieurs, c'est là une idée extrêmement dangereuse et qui ne pourrait être consacrée qu'au détriment du pays.

Le principe que l'on préconise est contraire à toutes les conditions que vous avez imposées jusqu'à présent aux compagnies concessionnaires et aux conditions qui sont imposées dans les pays étrangers où de semblables concessions sont données. La règle fondamentale en ces matières c'est d'établir un tarif uniforme, fixe, applicable à tout le monde. Et pourquoi cette règle est-elle imposée ? C'est que toute exploitation de chemin de fer, qu'elle soit dans les mains de l'Etat ou dans les mains d’une compagnie particulière, constitue un véritable monopole (page 1043) et qu'à l'aide des tarifs il est possible d'enrichir les uns au détriment des autres.

Ainsi, les tarifs différentiels dont on parle ou les contrats particuliers avec certaines maisons, à quoi se réduisent-ils en réalité ? A stipuler que le particulier qui fera effectuer un transport d'une certaine importance jouira d'une réduction de prix. C'est un prix de faveur.

M. de Mérode-Westerloo. - Cela se fait partout.

M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Mérode-Westerloo se trompe : cela est condamné partout. (Interruption.)

Le chemin de fer du Nord le fait, me dit-on ? C'est une chose condamnable qu'il fait et pour laquelle il est condamné. Le contrat avec tarif différentiel n'a que ce résultat : supposez deux industriels placés dans des conditions identiques, l'un petit, l'autre grand. Le grand ayant des transports considérables à faire effectuer et obtenant des conditions de faveurs, ruinera son concurrent. Deux usines porte à porte font des transports ; à l'une il y a 10 waggons à transporter : prix de faveur ; faut-il en transporter cinq à l'usine voisine, prix excessif.

C'est un système qui n'est pas admissible ; il serait intolérable. Je sais que l'on voudrait bien nommer cela l'exploitation commerciale des compagnies ; mais ce n'est que l'exploitation du public par les compagnies ; ce n'est qu'en violation des contrats qu'elle peut avoir lieu. En vain les compagnies ont-elles voulu obtenir l'autorisation de faire de.pareils marchés ; l'administration française l'a toujours refusée.

Quand les compagnies font-elles des contrats de ce genre ? En violant leurs contrats, d'une manière occulte, détournée.

A la suite d'un grand nombre d'arrêts des cours de France qui ont condamné cette pratique des compagnies, il a été déclaré en principe qu'il ne pouvait y avoir qu'une seule règle pour tout le monde, que l'égalité devant les tarifs des chemins de fer devait être absolue et à tout prix maintenue.

Ou suppose que dans les pays où l'exploitation des chemins de fer est aux mains de compagnies au lieu d'être, comme chez nous, aux mains de l’Etat, le public est très satisfait, qu'il est enchanté d'être bien et dûment exploité par les compagnies concessionnaires.

On fait appel à l'exemple de l'Angleterre et de la France. On ne sait pas qu'en Angleterre l'exploitation des compagnies, souvent ruineuse d'abord pour les actionnaires, ce qui n'est jamais un bien pour le pays, a été très préjudiciable au public ; et les choses sont arrivées à ce point que, malgré les contrats de concessions perpétuelles données en ce pays, le parlement a été obligé d'intervenir, et faisant en quelque sorte violence aux conditions des contrats qui ont été passés, a dû imposer un frein aux compagnies concessionnaires.

En France les plaintes sont très vives ; il y a peu de temps toute une contrée s'est soulevée contre l'exploitation des compagnies ; la Normandie a réclamé ; un grand nombre de particulier ont fait entendre des plaintes et ont dû finir par recourir aux tribunaux.

Entendons-nous des plaintes de ce genre dans notre pays contre l'exploitation par l'Etat ? Nous avons des compagnies concessionnaires ; je ne sais pas si c'est de cette exploitation que le pays s'applaudit le plus. Je ne sais pas si pour les avantages du commerce, pour ses facilités, on aime mieux traiter avec des compagnies concessionnaires qu'avec l'Etat.

Je suis convaincu que c'est le chemin de fer de l'Etat qui est préféré ; c'est le chemin de fer de l'Etat qui exploite de la manière la plus convenable au point de vue des intérêts généraux du pays. Il a une même règle pour tous, il n'a de préférence pour personne ; il opère tous les transports dans les mêmes conditions, sauf ce que je viens de dire et dont je me plains, et ou n'y persévérera pas, j'en suis convaincu. Le chemin de fer est populaire dans le pays, parce qu’il sert admirablement les intérêts généraux du pays. Il y a des vices dans l'administration, je le sais ; il y a, sous ce rapport, des critiques à faire, je le reconnais ; je crois qu'on peut y introduire des réformes assez considérables et très utiles ; mais il y a loin de là à l'exagération dont on persévère à entretenir la Chambre depuis 15 ans.

A entendre l'honorable M. Osy et quelques autres membres qui jusqu'ici n'avaient pas été de son avis, il n'y a plus qu'à aliéner le cheminer de fer de l'Etat. M. Osy en avait émis l'idée en 1846, et il s'applaudit qu'en 1857, cette idée ait fait quelque progrès. Mais si l'honorable M. Osy n'avait pas une aussi grande admiration pour sa propre idée, il aurait renoncé à nous en donner une nouvelle édition. Si, comme il le demandait, on avait aliéné le chemin de fer de l'Etat en 1846, on aurait fait une spéculation désastreuse, car on l'aurait vendu sur le pied de son produit et non de la somme qu'il avait coûtée.

M. Osy. - Au prix coûtant.

M. Frère-Orban. - Quoi ! vous auriez trouvé des actionnaires qui auraient consenti à donner 1,000 francs pour un objet qui, d'après le produit, n'aurait valu que 600 francs ? Ce n'est pas pour rendre service à l'Etat qu'on veut reprendre le chemin de fer, c'est seulement par spéculation, c'est pour que les concessionnaires fassent un profit.

L'honorable M. Osy a donc conseillé, en 1846, une opération désastreuse à l'Etat ; l'opération qu'il conseille aujourd'hui serait également déplorable.

Mais, ce chemin de fer contre lequel on élève tant de critiques, qu'a-t-il fait, pendant qu'on l'injuriait, qu'on le calomniait ? Il a donné une augmentation d'un million, de 1,200,000 fr., de 1,500,000 fr. en plus par année. Voilà sa réponse.

Lorsqu'il produisait dix millions, on lui adressait les mêmes critiques qu'aujourd'hui. Il a eu beau produire davantage, s'améliorer, finir par couvrir les intérêts et une partie de l'amortissement, n'importe ! De quoi ne l'accuse-t-on pas ce chemin de fer ? Il est mal exploité, il est dans un état déplorable, la voie est mauvaise, il manque du matériel nécessaire ! Voilà ce que nous avons entendu répéter à satiété. Je dis que ceux qui parlent ainsi n'ont pas suffisamment réfléchi, qu'ils n'ont pas vu les choses sous leur véritable jour.

On dit que l'exploitation est mauvaise. Je ne parle pas des détails, des réformes possibles, des économies à introduire. Je parle de l'exploitation dans ses résultats, dans son ensemble. Je ne suis pas optimiste. Je ne prétends pas que tout soit parfait, que tout soit pour le mieux dans le meilleur des chemins de fer possibles. Mais quand un chemin de fer est mal exploité, il doit y avoir beaucoup d'accidents. Quand la voie est mauvaise, les convois trébuchent. Est-ce que nous voyons pareille chose ? Notre chemin de fer est peut-être celui qui a le moins d'accidents.

Le chemin de fer est mal outillé ! Il a, dit-on, un matériel insuffisant. Mais est-ce qu'il y a un seul voyageur que l'on n'ait pas transporté Quels sont ceux qu'on a refusés ? Quelles sont les marchandises qu'on n'a pas transportées ?

M. Loos. - Il y en a souvent.

M. Frère-Orban. - Je le nie résolument, très résolument. Oui, il y a eu de marchandises qu'on n'a pas transportées, mars à des époques exceptionnelles. Lorsque les canaux se ferment, lorsque des personnes qui toute l'année profitent des voies plus économiques, viennent avec des marchandises en plus grande quantité, exigeant que le transport s'opère, sur-le-champ, sans le moindre retard, on refuse peut-être ou du moins on les fait attendre.

Mais dans l'état ordinaire, le service se fait convenablement. Si l'on refusait souvent des marchandises il y aurait une insurrection dans le pays, tout le monde réclamerait. Par ma propre expérience, j'ai vu en certain cas le manque de matériel. J'en ai personnellement souffert. Mais dans les circonstances exceptionnelles, c'est inévitable. Qu'où me cite une seule administration de chemin de fer où pendant les quinze jours de l'année pendant lesquels les voies navigables sont fermées et les routes impraticables, le service ne soit pas en souffrance.

Une administration qui voudrait avoir un service organisé en vue de ces quinze jours se ruinerait infailliblement. Nous avons vu le service en souffrance alors dans toutes les compagnies françaises ; nous avons vu d'ailleurs, plus d'une fois, des compagnies condamnées du chef de retard dans l'expédition des marchandises.

D'un autre côté peu de réclamations s'élèvent du chef d'avaries, ce qui n'est pas encore un signe d'une exploitation vicieuse. Mais, dit-on, il y a pour le chemin de fer une combinaison ingénieuse dont on parle dans le rapport. On ferait une société dont le gouvernement serait actionnaire. Il ferait apport du chemin de fer, du matériel et les actionnaires seraient priés de fournir les fonds nécessaires pour compléter les stations et la double voie et pour l'extension du matériel.

Voilà l'idée. Il n'y manque qu'une chose : il faut ajouter que les membres de la Chambre seront actionnaires. Les membres de la Chambre seraient actionnaires (interruption) ; ce pourrait même être une condition d'éligibilité, lis seraient actionnaires dans cette belle entreprise, et ils s'entendraient sur le sort de l'entreprise, et ils décideraient de ce qui conviendrait le mieux.... aux actionnaires.

Mais quels avantages en retirerait le pays ? On dirait vraiment que si nous nous transformions en spéculateurs relativement au chemin du fer de l'Etat, tout serait pour le mieux, et que pour nous occuper ici d'une manière désintéressée, sans y avoir un avantage direct, d'un objet d'intérêt public, nous sommes devenus incapables d'apprécier ce qu'il exige. Nous répandrons des bienfaits sur le pays, si l'on prend une demi-douzaine d'entre nous pour en faire un conseil d'administration avec intérêt dans l'exploitation.

Mais, je ne vois pas que la Chambre soit incompétente pour examiner toutes les questions qui se rattachent au chemin de fer, qu'elle ne puisse les discuter de la manière la plus complète, la plus impartiale, la plus approfondie. Il est vrai que l'on regrette d'avoir à discuter !

On produit souvent des critiques peu fondées ; ou fait des objections qui n'ont pas de valeur. Mais il n'y a pas grand mal à cela. On parle tous les ans du chemin de 1er ; ce n'est pas non plus ce qui peut troubler le pays. Quel mal résulte-t-il de ces diverses critiques qui se font entendre ? Celles qui sont bonnes finissent pas être accueillies ; celles qui sont mauvaises sont rejetées. C'est le sort de toutes les affaires qui sont soumises à nos délibérations. Il semble que ce soit un mal de discuter, que ce soit un mal d'examiner.

Ou se félicite de ce que pour certaines autres parties du service public, on en soit arrivé à ce point de n'avoir plus à s'en occuper, de n’avoir rien à dire, de voter silencieusement tout ce qu'on demande. Mais nous sommes institués précisément pour discuter, pour examiner, pour scruter tous les services publics.

Mais, dit-on, l'exploitation des chemins de fer n'est pas une affaire qui rentre dans les attributions essentielles du gouvernement, c'est du domaine des compagnies privées.

Messieurs, je conviens que le gouvernement peut exister sans être chargé de l'exploitation des chemins de fer. Mais je n'admets pas pourtant (page 1044) que ce genre d'opérations soit nécessairement du domaine des compagnies, précisément parce que cela constitue un monopole.

Que faites-vous lorsque vous instituez une compagnie ? Mais vous lui déléguez des pouvoirs qui appartiennent naturellement à l'Etat. C'est l'Etat seul qui peut créer ces exploitations, qui peut en déterminer le régime.

Des compagnies ne pourraient pas se former, sans votre assentiment, sans votre concours, pour créer de pareilles exploitations, tant il est vrai que celles-ci ne sont pas dans le domaine privé. C'est une question à examiner de savoir si ce mode vaut mieux, s'il présente plus d'avantages, s'il y a plus d'utilité à faire exploiter de cette façon que de le faire directement par l'Etat. Mais l'Etat n'est pas destitué ici de son droit, précisément parce qu'il s'agit d'un monopole, et en définitive il n'est pas plus incapable de faire une opération de ce genre que, dans d'autres pays, il n'est incapable d'exploiter le monopole du tabac. Il fait alors une opération qui est beaucoup plus difficile, qui est plus compliquée, qui exige autant de soins que celle de l'administration d'un chemin de fer.

M. de Mérode-Westerloo. - C'est plus simple ?

M. Frère-Orban. - Vous le croyez ? Mais si vous en étiez chargé, vous vous apercevriez bientôt qu'elle présente beaucoup de difficultés, qu'il s'agit des détails d'un grand et vaste commerce, et qui exige, en outre, les soins de la fabrication, les soins d'une véritable industrie. Ces deux choses sont parfaitement dans les mains de l'Etat et à des conditions qui ne sont pas trop défavorables aux pays qui ont introduit chez eux ce genre de monopole.

Il n'est pas impossible, messieurs, que dans un temps donné, certains monopoles aux mains de l'Etat remplacent une grande partie des impôts.

Ainsi le temps viendra où les chemins de fer aliénés temporairement retourneront dans les mains du l'Etat, et où ils deviendront pour lui une source abondante de revenus.

Il viendra un temps où le chemin de fer, après avoir éteint le capital qu'il a coûté, pourra être exploité avec grand profit pour l'Etat ; il restera une bonne recette à faire, et il n'y aura pas de gouvernement assez inepte pour concéder à des compagnies le plus clair des bénéfices de pareilles exploitations.

Le chemin de fer a coûté, il est vrai, une somme considérable, il a été un temps où il n'a pas couvert les intérêts des capitaux engagés. Mais il est déjà arrivé à ce point de n'être plus onéreux, je ne dirai pas pour le pays, il n'a jamais été onéreux pour le pays, il lui a toujours été extrêmement avantageux, mais où il n'est plus onéreux pour le trésor. Aujourd'hui le chemin de fer couvre ses intérêts et donne une fraction d'amortissement ; avant peu cette fraction sera notable et le capital s'éteindra rapidement.

M. Loos. - Je n'ai pas dénié aux hommes qui se sont succédé au département des travaux publics ni à la Chambre l'intelligence nécessaire pour administrer l'exploitation du chemin de fer. J'ai reconnu au contraire que le pays a possédé au département des travaux publics les hommes les plus capables de bien diriger cette administration, je n'ai fait que constater des faits que vous pouvez tous vérifier.

Un seul de ces faits a été contredit par l'honorable M. Frère. Il a prétendu que le matériel des chemins de fer n'avait jamais été insuffisant pour transporter toutes les marchandises qu'on avait présentées. Eh bien, je m'en rapporte volontiers aux documents qui reposent au département des travaux publics pour prouver à l'honorable M. Frère la vérité de mes assertions, et je dirai même des faits qui ont été constatés au département des travaux publics sous l'administration de l'honorable M. Frère.

J'ai vu à Anvers séjourner pendant quinze jours dans la station deux ou trois cargaisons de marchandises ; et le département des travaux publics n'a pas ignoré cette circonstance ; on a constaté qu'il y avait insuffisance de matériel.

L'honorable M. Frère dit : Oui, mais ces faits se sont produits dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les communications par eau et par terre étaient interrompues. Mais je demanderai si, dans ces circonstances surtout, un chemin de fer ne doit pas suppléer à l'insuffisance des autres moyens de transport. Comment ! vous prétendrez que votre matériel n'est pas insuffisant lorsque, pendant deux ou trois mois de l'année, il ne peut servir les intérêts du commerce ?

Mais je ne m'attache pas même à ces circonstances exceptionnelles et je dis que dans des circonstances normales, alors que les autres communications ne sont pas interrompues, s'il y a insuffisance de matériel et comme je viens de le dire, je m'en rapporte volontiers aux documents qui existent au département des travaux publics pour prouver la vérité de ce que j'avance.

L'honorable M. Frère n'a pas contredit mes observations. J'ai prétendu qu'après vingt années d'existence, nos voies de chemins de fer étaient inachevées. J'ai prétendu que nos stations étaient inachevées, j'ai prétendu enfin que tout ce qui constitue l'ensemble d'une exploitation était inachevé. J'en ai conclu qu'il devait exister un vice dans cette exploitation et pour le prouver, j'ai dit ce qu'avait fait un élément étranger, quand vous avez introduit dans l'administration un comité consultatif ; je vous ai dit ce qu'avait fait ce comité consultatif, et l'on ne m'a pas contredit.

Je l'ai déjà dit, messieurs, je veux aussi conserver au chemin de fer son caractère national ; je désire qu'il rende les services qu'a énumérés l'honorable M. Frère ; mais cela ne me paraît pas impossible avec la constitution d'une société telle que celle dont l'idée a été indiquée dans le rapport de la section centrale.

- La séance est levée à 4 heures et demie.