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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 avril 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1211) M. Crombez procédera l'appel nominal à 1 heure et quart.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des propriétaires et cultivateurs à Olmen demandent que l'on construise sur les deux rives du canal d'embranchement du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut un chemin pour l'exploitation de leurs propriétés ; que le pont fixe qu'on se propose d'établir sur le canal soit remplacé par un pont tournant, et qu'il leur soit fait restitution des contributions qu'ils ont payées pour les terrains cédés à l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Goetz, préposé des douanes à Virton, combattant de la révolution, demande une récompense nationale. »

- Même renvoi.


« Le sieur Albert-Damain-Bonaventure Deraed, coiffeur à Roulers, né à Bailleul (France), demande la naturalisation ordinaire, avec exception du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. le président procède au tirage des sections pour le mois d'avril.

Projet de loi réduisant les péages sur le canal de Charleroi

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Mercier) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, parmi les objets qui sont à l'ordre du jour se trouve le projet de loi relatif aux péages du canal de Charleroi. Nous ne sommes saisis du rapport de la section centrale que depuis très peu de jours.

Je déclare que le gouvernement n'a pu faire une étude suffisante de cette question envisagée à son point de vue actuel. Je demande que la Chambre décide seulement après les vacances de Pâques quelle sera la date de la mise à l'ordre du jour de la proposition de loi.

Il s'agit d'un intérêt très important. Les auteurs de la proposition ont eu onze mois pour faire leur rapport ; je pense qu'on voudra bien accorder au moins trois semaines au gouvernement pour répondre à ce rapport, dans lequel la question est envisagée sous une face nouvelle.

M. de Paul. - Je m'oppose de toutes mes forces à la motion de M. le ministre des finances. Nous ne pouvons consentir à l'ajournement jusqu'après les vacances de Pâques de la discussion du projet de loi relatif aux péages du canal de Charleroi. Ce serait le renvoi de l'affaire aux calendes grecques.

L'ordre du jour après les vacances de Pâques est déjà surchargé. Rien ne s'oppose à ce que la Chambre s'occupe de ce projet demain ou après-demain ; il y a urgence. Il s'agit, en effet, de réparer une injustice qui frappe depuis trop longtemps les consommateurs du Brabant, des Flandres et d'Anvers qui viennent s'approvisionner aux charbonnages du Centre. La question est parfaitement connue. Elle a été traitée depuis longtemps dans de nombreuses pétitions adressées à la Chambre ; la presse s'en occupe depuis plusieurs années, et l'opinion publique l'a depuis longtemps résolue.

M. le ministre des finances est d'autant moins recevable à prétendre qu'il ne l'a pas suffisamment étudiée, que déjà, l'an dernier, il a, sur la demande de la Chambre, fourni des explications en réponse à diverses pétitions qui soulevaient cette question ; depuis lors, il a fourni de nouvelles explications à la section centrale ; enfin les Annales des travaux publics contiennent une longue dissertation contre le projet de loi dont il s'agit. Le cabinet connaît donc parfaitement la question qui est, du reste, très simple ; la Chambre est en mesure de la discuter immédiatement, je demande qu'elle le fasse ; son refus pourrait passer pour un déni de justice.

M. Wautelet. - Je demande, comme M. le ministre des finances, l'ajournement de la discussion de cette question jusqu'après les vacances de Pâques ; non que je veuille retarder la solution à donner à l'affaire ; je demande, au contraire, que la question soit vidée le plus tôt possible.

Il est évident qu'il y a quelque chose à faire, non au point de vue de la proposition dont nous sommes saisis, mais au point de vue des péages du canal de Charleroi ; la ville de Charleroi est donc intéressée à ce que la question soit tranchée le plus tôt possible ; mais nous n'avons reçu le rapport de la section centrale qu'avant-hier ; quand il s'agit d'une question aussi grave, on doit avoir au moins 8 ou 10 jours pour examiner le rapport de la section centrale et pour puiser dans les documents les éléments nécessaires pour se former une conviction.

Je demande donc l'ajournement jusqu'après les vacances de Pâques.

M. Rodenbach. - J'appuie les observations présentées par l'honorable membre. Je n'en dirai pas davantage.

M. Lelièvre. - Il est impossible de refuser au gouvernement le délai qu'il sollicite. M. le ministre des finances déclare qu'il n'est pas en mesure d'aborder la discussion. En présence de cette déclaration, nous ne pouvons exiger qu'on entame le débat. D'ailleurs, la question est grave et mérite un examen approfondi.

Je pense donc qu'au lieu de perdre un temps précieux à une discussion inutile, nous devons acquiescer sans hésitation à la demande de M. le ministre des finances.

M. de Steenhault. - La Chambre ne paraît pas disposée à adopter la proposition de M. de Paul ; je demanderai qu'elle veuille décider dès aujourd'hui que la discussion de l'objet dont il s'agit viendra immédiatement après le vote de la loi sur la bienfaisance et les établissements de charité.

M. Lelièvre. - Je crois devoir m'opposer à la proposition qui vient d'être faite. La Chambre a fixé la discussion du projet de loi sur les traitements d'attente au plus tard après celle du projet sur la bienfaisance. Je réclame le bénéfice de cette disposition. C'est un droit acquis que je ne puis abandonner. La discussion dont il s'agit a été ajournée trop longtemps pour que je ne m'oppose pas à de nouveaux délais. Il est de la dignité de la Chambre de maintenir sa décision, sous peine de consacrer un véritable déni de justice. Ne perdons pas de vue que c'est à raison de circonstances exceptionnelles qu'où n'a pas entamé la discussion lundi dernier.

-La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je propose à la Chambre de décider dès à présent que nous nous séparerons samedi ou plus tôt si l'ordre du jour est épuisé, pour nous réunir le mardi 21 avril et nous occuper du projet de loi sur la charité.

- Cette proposition est adoptée.

M. Thiéfry. - Je demanderai si pendant les vacances de Piques le gouvernement nous fera remettre la statistique des couvents qui a été réclamée par l'honorable M. Orts. Il est indispensable que nous ayons ces documents pendant les vacances afin que nous puissions les apprécier avant l'ouverture de la discussion.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Notre collègue M. le ministre de la justice ayant fait cette promesse à la Chambre, je ne doute pas que pendant les vacances il puisse faire distribuer les documents réclamés.

M. Wasseige. - Le premier objet à l'ordre du jour est le désistement de la concession du chemin de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles ; mon honorable collègue M. Moncheur, qui est rapporteur, ayant dû s'absenter, m'a chargé de prier la Chambre d'ajourner le projet de loi et de le mettre à l'ordre du jour de demain.

- La Chambre décide que nonobstant l'absence du rapporteur le projet de loi sera maintenu à l'ordre du jour.

Projet de loi relatif au désistement de la concession des chemins de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Non, M. le président.

Je demande la parole.

Le but du gouvernement, en soumettant ce projet à vos délibérations, est de maintenir les choses dans l'état où elles sont aujourd'hui, sauf à changer le nom du concessionnaire.

Il semble inopportun, en cette circonstance, d'entrer dans le système adopté par la section centrale, d'accorder une faculté de disjonction que le gouvernement n'avait pas demandée. Après une promesse faite depuis si longtemps de doter d'un chemin de fer les localités que la concession concerne, il me semble équitable d'inscrire dans la loi nouvelle les mêmes droits que dans la précédente et de maintenir les choses dans leur état primitif. S'il y avait inquiétude réelle, fondée de voir cette concession ne pas avoir de résultat dans un délai rapproché, je comprendrais l'importance que la section centrale semble attacher à son amendement.

Mais heureusement il n'en est rien. A l'époque où j'ai saisi la Chambre du projet de loi, j'avais pour l'ensemble des offres ayant un caractère sérieux.

(page 1212) Il me semble qu'il n'y aurait donc pas convenance à introduire dès à présent dans la loi une faculté de division que le gouvernement ne demande pas.

Ainsi je crois devoir repousser l'amendement de la section centrale.

De plus, messieurs, la division même admise en principe ne pourrait pas subsister dans les termes où elle a été formulée par la section centrale. Car vous savez que les questions de chemin de fer sont assez graves, assez difficiles, qu'elles demandent un temps suffisant pour être mises à fruit, et il serait impossible, d'ici au 1er janvier prochain, époque fixée par la section centrale, d'arriver à constater qu'il y a impossibilité de concéder le tout. Ainsi si le principe de la division était admis, il faudrait reporter le terme à deux ou trois ans. Il me semble donc inutile d'enchaîner dès à présent l'avenir. Il vaut mieux s'en rapporter au gouvernement pour venir de nouveau, si par impossible, ce que je ne suppose pas, la loi actuelle ne portait pas fruit, demander à la législature la faculté qu'on veut lui accorder aujourd'hui.

Je pense donc que la Chambre fera sagement de rester au point de vue ou le gouvernement s'est placé en vous présentant le projet de loi et de le voter purement et simplement.

M. Osy. - Messieurs, dans la session dernière, la Chambre a pensé qu'il était temps de prendre une mesure générale pour les concessions de chemins de fer. Aussi, par la loi du 28 mai 1856, elle a statué que, lorsqu'on accorderait une concession, il faudrait que la société concessionnaire versât d'abord un cautionnement de 500,000 fr., et qu'avant d'obtenir la concession définitive, elle devrait verser 5 p. c. de la dépense que devrait entraîner la construction.

Mais cette mesure ne suffit pas ; car vous voyez aujourd'hui qu'après avoir donné, il y a trois ans, une concession pour un chemin de fer qui doit aller de Tamines à Landen, le terme expiré, on vient demander une prorogation de la concession, sans qu'on ait même mis la main à l'œuvre.

Je sais que la société du Luxembourg a considérablement d'embarras pour achever son entreprise, et, sous ce rapport, je veux bien encore, pour cette fois, lui accorder un dernier délai pour qu'elle fasse les travaux ou que le gouvernement puisse trouver une société qui se mette aux lieu et place de la société du Luxembourg pour la construction du chemin de fer de Tamines à Landen et de Nivelles à Groenendael.

Mais je crois que véritablement la marche que nous suivons est mauvaise. Il faut que lorsque nous discutons des lois, elles soient sérieuses et elles soient exécutées. Nous avons un antécédent. Il s'était formé une société pour la construction du chemin de fer, de Louvain à Charleroi. Cette société avait déposé un cautionnement, elle avait fait quelques travaux, mais elle n'a pas continué son entreprise ; elle l'a abandonnée. Alors, conformément au cahier des charges, le gouvernement a fait une seconde adjudication et l'on a confisqué le cautionnement de l'ancienne société et tous les travaux qu'elle avait faits. On a trouvé une nouvelle société qui a mené l'œuvre à fin et le chemin de fer de Charleroi à Louvain est fait.

Mais je crois qu'il ne suffit pas que lorsqu'une société a obtenu une concession et qu'elle n'a pu trouver les fonds nécessaires pour exécuter sou entreprise, on vienne proposer la prorogation de cette concession. Je crois que lorsque le terme indiqué pour la construction est écoulé et que le gouvernement a acquis la certitude que la société concessionnaire ne peut l'exécuter, il faut confisquer le cautionnement.

Je ne dis pas qu'il faille le confisquer au profit de l'Etat ; mais il faut le donner comme prime à la nouvelle société. C'est ce qui s'est fait pour la concession de Charleroi à Louvain.

C'est là, selon moi, la véritable marche à suivre ; le gouvernement ne devrait pas en dévier. Car enfin, quand vous accordez la concession d'un chemin de fer, vous le faites pour favoriser des localités du pays. Or ici toutes les localités entre Tamines et Landen attendent depuis trois ans la construction du chemin de fer qui doit leur profiter. Le chemin de fer de Tamines à Landen présente d'ailleurs cette particularité qu'il doit servir d'affluent au chemin de fer de l'Etat tant à Landen qu'à Tamines ; le gouvernement a donc aussi intérêt avoir exécuter cette ligne.

Mais, je le répète, nous devons prendre en considération les embarras financiers et les malheurs qu'a éprouvés la société du Luxembourg, les procès qu'elle a eus, les sommes qui ont disparu et les autres circonstances que vous connaissez.

Aussi, je consens encore à cette prorogation ; mais j'espère que ce sera la dernière. Si le gouvernement ne trouve pas une société nouvelle qui se mette en lieu et place de celle du Luxembourg, il y aura lieu pour lui de confisquer le cautionnement actuellement déposé et de le donner en prime à la nouvelle société. Je voterai donc le projet de loi par considération pour la société du Luxembourg ; mais c'est déjà un grand sacrifice que je fais de mon opinion.

Mais il est un autre point lequel je ne puis faire aucune concession. Nous savons tous que, après le vote de la loi de 1851 relative aux grands travaux publies, le gouvernement a, en publiant la loi, pris un arrêté par lequel il décide que le chemin de fer du Luxembourg ira de Bruxelles à Namur par Wavre. L'arrêté de l'honorable M. Van Hoorebeke est du 30 avril 1852.

Nous y voyons que la ligne directe de Bruxelles à Namur ne pourra être livrée à la circulation que pour autant que les sections de Bruxelles à Wavre et de Wavre à Namur soient construites.

Voilà cinq ans que cet arrêté est pris, et il est encore une lettre-morte. La compagnie du Luxembourg n'a nullement rempli ces obligations qui lui incombent quant à la ville de Wavre. Il est impossible que les sociétés pèsent ainsi sur le gouvernement et arrêtent ses décisions.

Maintenant, messieurs, le gouvernement doit certainement désirer que ce qui a été promis à des localités, soit exécuté. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics quel est le cautionnement qui se trouve encore déposé dans la caisse de l'Etat pour le chemin de fer de Bruxelles à Namur, car enfin, comme garantie de l'exécution de l'embranchement de Wavre, il faut bien qu'il y ait un cautionnement. Je demande, en outre, quel est le cautionnement que le gouvernement a encore entre les mains pour la ligne de Namur à Arlon. Enfin, je demande si, au moyen de ces cautionnements, le gouvernement peut forcer la compagnie à faire l'embranchement de Wavre. Wavre devait avoir un chemin de fer venant de Manage, un chemin de fer venant de Louvain, et un chemin de fer venant de Bruxelles ; et aujourd'hui les habitants de Wavre sont obligés de se rendre à Ottignies, de manière que pour aller de Wavre à Bruxelles par le chemin de fer, il faut plus, de temps que pour faire la route en diligence... (Interruption.) Vous devez souvent attendre une heure à Ottignies.

Messieurs, le gouvernement a pris un engagement formel par l'arrêté qu'il a pris en exécution de la loi qui a garanti un minimum d'intérêt à la compagnie du Luxembourg ; il faut que cet engagement soit respecté.

Un honorable sénateur de l'arrondissement de Nivelles a interpellé M. le ministre des travaux publics et M. le ministre a reconnu lui-même que l'embranchement de Wavre devait se faire, mais il a ajouté que, l'exécution n'était pas possible.

Eh bien, quand le gouvernement trouve qu'une chose doit être faite, il doit trouver les moyens de la faire faire. Je demande que M. le ministre veuille bien s'expliquer sur les mesures qu'il compte prendre pour assurer l'exécution de l'arrêté de 1852.

M. Mascart. - Messieurs, le projet de loi que le gouvernement a soumis à nos délibérations maintient ce qui a été consacré par la loi du 24 juin 1853. La compagnie n'encourt pas la déchéance, mais elle reste obligée, pour obtenir la restitution de son cautionnement, de construire toutes les lignes reprises dans la loi de concession, une ligne de Tamines à Landen, un embranchement partant de Perwez et aboutissant à Tirlemont, en passant par Jodoigne, et enfin la ligne de Groenendael à Nivelles.

Les modifications proposées par la section centrale permettent an gouvernement, à dater du 53 décembre prochain de concéder des portions de ligne, et dans ce cas, dit l'article 4 nouveau, le cautionnement fourni sera remboursé jusqu'à concurrence des sommes qui auront été versées au même titre par les nouveaux concessionnaires et qui ne seront pas inférieures à 5 p. c. du devis des travaux compris dans la concession.

Si la Chambre adoptait ces dispositions di la section centrale, le gouvernement serait entraîné à concéder la ligne de Tamines ou de Jemeppe à Gembloux, ligne excellente ; mais le prolongement jusqu'à Landen et l'embranchement vers Tirlemont perdraient toute chance d'exécution, parce qu'on aurait concédé la seule partie dont l'exploitation doit être nécessairement avantageuse. Les provinces de Liège et de Limbourg, l'arrondissement de Waremme surtout, les villes de Jodoigne, de Tirlemont et de Diest seraient sacrifiées. Jamais on ne trouverait des capitaux pour exécuter une ligue partant de Landen et aboutissant à Gembloux, petite ville sans importance au point de vue de la population et des affaires.

Les lignes dont nous nous occupons forment un ensemble dont toutes les parties ne sont pas également bonnes, mais c'est là ce qui se présente toujours, pour peu que les lignes concédées aient un certain développement.

Ainsi, la compagnie du Luxembourg a construit la ligne directe de Bruxelles à Namur, mais elle a dû la prolonger jusqu'à Arlon, à travers les Ardennes. Jamais on n'aurait consenti à l'en dispenser, parce que ceux qui obtiennent des concessions dans un intérêt public ne peuvent pas prendre ce qui est bon et laisser ce qui leur est désavantageux. L'intérêt des populations doit primer l'intérêt des compagnies.

Il est vrai, ici, qu'on ne restituerait le cautionnement que dans la proportion de l'importance des lignes que l'on concéderait partiellement ; mais la garantie pour l'exécution du reste n'en serait pas moins diminuée, si elle ne disparaît pas, Elle résulte maintenant et du cautionnement entier, s'élevant à 500,000 francs, et surtout des bénéfices que doivent produire les meilleures parties des lignes concédées.

Il y a solidarité pour toutes les fractions ; cette solidarité, il faut la maintenir ; car si la ligne de Jemeppe ou de Tamines à Gembloux était concédée, on ne trouverait pas de concessionnaire pour exécuter celles de Gembloux à Landen et de Perwez à Tirlemont. C'est ce qu'il faut éviter dans l'intérêt de la nombreuse population des cantons de Perwez et de Jodoigne qui, aujourd'hui, n'a pas de chemin de fer et qui en sera privée longtemps encore si on modifie la loi de concession de 1853 dans le sens qui nous est proposé.

(page 1213) Pour ne pas perdre un demi-million, s'il n'est pas dérogé à la loi, la nouvelle compagnie fera les plus grands efforts pour construire la ligne entière et elle réussira. Si au contraire on lui restitue la moitié de son cautionnement pour l'exécution de fractions de ligne qui lui seront très avantageuses, elle se résignera facilement à perdre l'autre moitié. On cherchera à rattraper la plus grande part du cautionnement versé, tout en ne construisant que les lignes les plus productives. Ce seraient nos populations qui feraient les frais de ce nouveau système.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, si la compagnie concessionnaire a été mise en demeure d'exécuter la branche de Perwez vers Tirlemont, et, dans l'affirmative, si la compagnie qui se présente devra remplir la même obligation, et comme garantie, verser un cautionnement supplémentaire de 120,000 fr. ?

M. Snoy. - Messieurs, des lignes de chemins de fer importantes ont été concédées en 1854, en vertu d'une loi, entre Tamines et Landen et entre Groenendael et Nivelles.

L'établissement de la première de ces voies aurait pour résultat d'ouvrir une communication entre la France et l'Allemagne, d'établir des communications directes entre les chemins de la Sambre, du Luxembourg et de l'Etat.

Son exécution doterait d'un chemin de fer les cantons de Jodoigne et de Perwez, cantons si importants par leur population active et considérable et par leur agriculture.

Un cautionnement de 500,000 fr. a été versé pour servir de garantie à l'exécution des engagements pris envers ces contrées, privées de voies suffisantes de communication.

Le gouvernement demande à pouvoir dégager la compagnie du Luxembourg de la concession qui lui a été accordée, à la condition, toutefois, qu'une nouvelle compagnie se présente pour reprendre ses engagements.

La section centrale ne s'oppose pas à la proposition du gouvernement, et propose unanimement une disposition qui permettrait de disjoindre la ligne de Tamines à Landen de celle de Nivelles à Groenendael, et d'établir la même disjonction entre les sections de Tamines à Landen ; de sorte que la section de Tamines au chemin de Charleroi à Louvain, ou toute autre, serait susceptible d'une concession spéciale.

Le gouvernement serait même autorisé à procéder au fractionnement dès le 31 décembre prochain.

Quoique tout récemment appelé à l'honneur de siéger parmi vous, je me vois obligé de me prononcer contre la disjonction des sections de Tamines à Landen avec embranchement sur Tirlemont.

Un système de communication ne peut se réaliser que par l'effort combiné de plusieurs intérêts. Si ces intérêts ne font plus cause commune, si on les pousse à se séparer, l'ensemble d'une entreprise de ce genre n'a plus de chance d'exécution.

Mon but, en demandant la parole, est de demander que la Chambre se rallie à la proposition du gouvernement.

Je le demande dans l'intérêt de mes commettants, je demande que les cantons qui exploitent le charbon ne séparent pas leurs intérêts de ceux qui s'occupent de l'agriculture.

Je vous aurais aussi parlé des droits de la ville de Wavre. Mais l'honorable M. Osy a bien voulu les défendre avec tant de chaleur et de conviction, que je ne puis que me rallier complètement à ses paroles.

M. de Lexhy. - Messieurs, l'intérêt de la province de Liège et de mon arrondissement étant engagé dans cette question, je crois devoir prendre part au débat. Je le ferai très brièvement et je me propose de ne traiter qu'un seul point spécial : l'indivisibilité de la concession.

La compagnie du Luxembourg s'était engagée à exécuter un chemin de fer partant de Tamines et se dirigeant vers Landen, avec embranchement vers Tirlemont, d'autre part un chemin de fer de Nivelles à Groenendael. Toutes ces obligations subsistent et subsistent d'une manière solidaire, et si une concession nouvelle est accordée ces obligations passeront en entier à la société qui obtiendra la concession en sous-ordre. Si la substitution s'opère, la seconde compagnie prendra purement et simplement la place de la première ; elle lui succédera d'une manière complète, absolue, indivisible.

Lorsque le gouvernement a fait sa proposition, il ne s'agissait que de l'autoriser à faciliter cette substitution. Mais la section centrale a élargi le cercle dans lequel le gouvernement avait voulu se circonscrire ; elle a proposé d'accorder au gouvernement la faculté de concéder séparément les deux lignes et même de diviser chacune de ces deux lignes.

Sur quoi se fonde la section centrale pour préconiser ce système de division ? La section centrale est partie de l'idée que l'intérêt public exigeait qu'un grand développement soit donné aux voies ferrées, il serait injuste que telle ou telle section, offrant des chances de succès, fût entravée par une autre section qui en offre très peu.

Je dois combattre la proposition de la section centrale, et je suis heureux que M. le ministre des travaux publics ait déclaré tantôt qu'il ne se ralliait pas au projet de la section centrale. J'ai seulement un regret à exprimer, c'est que l'honorable ministre n'ait pas soutenu d'une manière un peu plus explicite le principe de l'indivisibilité ; je ne sais si cela entre dans sa manière de voir ; mais je crois qu'une déclaration de sa part sur ce point serait très utile et rassurerait beaucoup les populations de l'arrondissement de Nivelles.

Messieurs, le système de la section centrale est, selon moi, inadmissible ; il est contraire à la lettre et à l'esprit de la loi créatrice de la première concession ; vous ne pouvez pas, sans des motifs sérieux, vous départir des termes de la première concession ; vous ne pourriez le faire sans violer un intérêt quelconque.

Comme l'a fait judicieusement remarquer M. le ministre des travaux publics, les populations dont le territoire doit être traversé par ce railway, ont une sorte de droit acquis à la construction de cette voie ferrée. Certainement ce droit acquis ne revêt pas le caractère complet d’un droit positif ; mais les populations ont dû concevoir de légitimes espérances ; elles ont compté sur ce chemin de fer, et le gouvernement ne doit pas prêter les mains à oc que des espérances aussi fondées leur soient enlevées.

Il y a aussi un argument très puissant, selon moi, contre l'opinion de la section centrale ; cet argument est celui-ci : Si le principe de la division est admis, voici la position dans laquelle on se trouverait : les lignes qui présentent beaucoup de chances de prospérité, celle de Nivelles à Groenendael, par exemple, étant concédées séparément, il en résulterait que la ligne de Tamines à Landen, qui est réputée mauvaise, serait laissée à la charge de la société du Luxembourg.

Au lieu de venir en aide à cette compagnie, qui a droit à nos sympathies à cause des conditions malheureuses dans lesquelles elle s'est trouvée placée, vous lui causeriez un grand préjudice. En effet vous permettriez au gouvernement de concéder à un tiers la partie lucrative, pour ne laisser à la compagnie du Luxembourg que les parties que personne n'aurait voulu reprendre. En vérité, ce serait là une position tellement mauvaise, tellement absurde, que je ne puis croire que l'on puisse vouloir l'appliquer à la compagnie du Luxembourg.

Qu'il me soit permis, maintenant, de me placer sur un terrain un peu plus large.

Je viens de prouver qu'il est de l'intérêt des populations de repousser les propositions de la section centrale, je vais prouver qu'il est également de l'intérêt immédiat de l'Etat de les combattre.

Je crois que si la disjonction était autorisée, je crois, dis-je, que l'exécution de la ligne de Tamines à Landen se ferait attendre longtemps, peut-être même qu'elle ne se réaliserait jamais. Veuillez cependant remarquer, messieurs, que cette ligne est destinée à amener une grande prospérité au railway de l'Etat, auquel elle sera reliée à Landen et à Tirlemont, de sorte que cette ligne ne s'exécutant pas, ce sera une grande perte pour le trésor public.

Je crois que la province de Liège a un immense intérêt à la création de cette ligne. Je sais que la plupart des administrations communales d'une partie de l'arrondissement de Nivelles, d'une partie de l'arrondissement de Waremme, ainsi que du Limbourg se sont émues des propositions de la section centrale, et que bientôt, mais tardivement, des pétitions vous arriveront sur cette question, vous demandant le rejet des propositions de la section centrale.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment ; je me réserve de répondre aux objections qui pourront être faites par les autres orateurs. Je me résume en émettant l'avis que l'intérêt général, comme celui de la compagnie du Luxembourg, exigent impérieusement que nous rejetions les propositions de la section centrale et que nous nous ralliions à celles du gouvernement.

M. Lelièvre. - J'appuie le projet tel qu'il a été arrêté par la section centrale et je pense qu'il ne peut s'élever aucun doute sur la nécessité de l'adopter.

Depuis longtemps les lignes de chemins de fer énoncées au projet ont été décrétées par la législature et il importe d'en assurer l'exécution aux nombreuses populations qui les réclament avec instance. On connaît du reste l'utilité immense des voies ferrées et au point de vue des intérêts généraux du pays, on ne saurait assez en favoriser l'établissement.

Le chemin de fer de Tamines à Landen, celui de Jemeppc à Diest procureront à d'importants charbonnages les communications dont ils sont aujourd'hui dépourvus, et une nouvelle ère de prospérité s'ouvrira pour de nombreuses industries aujourd'hui privées de débouchés convenables.

Nous n'hésitons pas à affirmer que les chemins de fer énoncés au projet sont du nombre de ceux qui réaliseront les avantages les plus considérables pour les parties du pays qui n'avaient pas été dotées jusqu'à présent de ces constructions admirables, éléments si puissants de la civilisation moderne.

Il est impossible de révoquer en doute la justice des propositions faites par le gouvernement.

La compagnie du Luxembourg, après avoir fait des sacrifices dont on doit lui tenir compte, mérite d'être traitée avec bienveillance et on ne saurait réclamer d'elle l'exécution de pénalités exorbitantes, alors que les intérêts du pays ne réclament pas même semblable rigueur.

Du reste on ne lui restituera le cautionnement versé que quand une autre compagnie, agréée par le gouvernement, aura elle-même fourni les garanties assurant l'exécution de l'entreprise ; à ce point de vue les intérêts de l'Etat sont convenablement sauvegardés.

Le rapport de la section centrale fait naître une autre question : il s'agit de savoir si le gouvernement aura la faculté de concéder séparément certaines fractions des lignes énoncées au projet. A mon avis l'affirmative doit prévaloir.

(page 1214) Sans doute l'on ne doit rien négliger pour assurer l'établissement immédiat de toute la ligne, mais si cette entreprise ne pouvait être réalisée, il convient au moins d'assurer l'exécution de toutes les parties qui pourraient être construites sans retard ultérieur. L'établissement de certaines sections peut avoir une grande utilité et il y aurait avantage évident à réaliser immédiatement ce progrès. Il ne serait pas juste du reste de paralyser l'exécution d'une voie viable, parce qu'une autre section ne présenterait pas les mêmes éléments de succès.

Du reste, la section centrale ne propose rien d'exorbitant. Elle demande que l'on confère au gouvernement une simple faculté dont naturellement le pouvoir excessif usera avec sagesse. Avant de concéder partiellement la ligne dont il s'agit, le ministère examinera naturellement jusqu'à quel point il est utile et opportun d'arrêter semblable mesure. Tout sous ce rapport est abandonné à son appréciation ; et, certes, je ne conçois pas, de la part de qui que ce soit, un intérêt sérieux à s'opposer à une faculté qui ne peut donner lieu à aucun inconvénient et dont l'exercice peut être justifié par de graves circonstances.

Je considère donc l'avis de la section centrale comme fondé sur des motifs sérieux de justice et d'équité et je m'associe entièrement au vœu omis par la section centrale, relativement au prolongement de la ligne de Diest à Jemeppe jusqu'à Fosses. Il s'agit de donner le mouvement et la vie à un canton qui, pour atteindre un haut degré de prospérité, n'attend que des communications qui ont renouvelé la face de tant de contrées.

J'appuie donc un projet qui recevra l'assentiment de tous les amis de la prospérité industrielle du pays.

M. Wasseige. -Messieurs, une loi du 24 juin 1853 avait autorisé le gouvernement à accorder la concession de plusieurs lignes de chemins de fer : une ligne de Groenendael à Nivelles, une autre ligne de Tamines à Landen, et enfin une troisième ligne de Jemeppe à Diest. Les deux premières lignes furent concédées à la compagnie du chemin de fer du Luxembourg.

La compagnie concessionnaire n'ayant pu exécuter les travaux qu'elle avait entrepris, le gouvernement vous demande que la déchéance de cette compagnie soit prononcée et qu'il soit autorisé à faire construire les deux lignes dont il s'agit par de nouvelles sociétés qui pourraient se présenter, en les substituant à la compagnie déchue.

Je ne viens pas discuter la question de savoir s'il y a lieu d'accorder à la compagnie du Luxembourg la remise de son cautionnement ; cette compagnie s'est trouvée dans des circonstances très malheureuses que nous avons tous appréciées, et nous sommes assez généralement d'accord qu'il serait convenable de ne pas se montrer trop rigoureux envers elle.

Messieurs, seul l'article 3 du projet de la section centrale a rencontré des adversaires sur certains bancs de la Chambre ; il s'agit d'après cet article d'autoriser le gouvernement à concéder séparément les lignes de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles, et même à concéder partiellement des fractions des lignes de Tamines à Landen et de Jemeppe à Diest.

Messieurs, il n'y a rien de commun entre ces lignes, si ce n'est la compagnie concessionnaire ; il n'y a rien de commun entre la ligne de Groenendael à Nivelles et celle de Tamines à Landen qui sont les deux lignes dont la concession avait été accordée à la compagnie du Luxembourg. Je ne vois donc pas qu'on puisse faire une objection sérieuse à ce que ces deux lignes soient concédées séparément, puisqu'il n'existe entre elles aucune corrélation ; il en est de même des deux autres ligues qui sont complètement indépendantes. Quel inconvénient peut-il y avoir à les concéder séparément ?

Aussi le gouvernement, par l'organe du ministre des travaux public, n'a pas dit qu’il y eût un inconvénient à adopter l'amendement de la section centrale, mais seulement qu'il y aurait convenance à chercher à faire exécuter la loi telle qu'elle a été votée d'abord.

La section centrale, par l'amendement qu'elle vous a proposé, n'a pas l'intention d'empêcher l'exécution de la loi. C'est là l'erreur dans laquelle ont versé les orateurs qui se sont prononcés contre la disjonction.

La section centrale, comme vous tous, comme le gouvernement, désire que la ligne entière puisse être exécutée, mais elle désire que si, après une nouvelle épreuve, les négociations échouent, le gouvernement soit autorisé à disjoindre, et il ne faut pas croire que cette épreuve soit entièrement nouvelle et que le gouvernement risque d'être pris au dépourvu par le terme trop rapproché du délai fixé.

.Depuis longtemps il est question de la déchéance de la compagnie du Luxembourg relativement à ces lignes, et je suis certain que le ministre, sinon officiellement, du moins officieusement, a entamé déjà bien des négociations. C'est que la question n'est pas neuve, mais qu'elle préoccupe le public depuis longtemps.

Je dis donc que si, après de longues négociations, il ne se trouve pas d’entrepreneur ou de concessionnaire pour la ligne entière, ce ne doit pas être une raison insurmontable pour empêcher les populations des parties pour lesquelles il pourrait s'en trouver, de jouir du bénéfice des communications nouvelles auxquelles elles ont droit.

Cela serait d'ailleurs favorable au public en général, sans nuire à personne, car le bien que l'on fait à une partie du pays rejaillit sur le pays entier.

Je dis donc que la section centrale désire aussi vivement que tous mes honorables adversaires que la loi s'exécute telle qu'elle a été votée. Son amendement ne fait aucunement obstacle à ce que cette exécution ait lieu.

Le gouvernement fera appel à tous les entrepreneurs, et ce n'est que s'il échoue dans cette tentative, et pour le cas où il lui soit démontré qu'il ne se présentera par de concessionnaire sérieux pour la ligne entière que la section centrale veut lui donner la faculté de disjonction, et remarquez, messieurs, que la section centrale n'impose pas d'obligation, elle veut que le gouvernement soit libre d'apprécier, et qu'alors qu'il aura acquis la conviction qu'il y a impossibilité de réaliser complètement le projet qui nous occupe, il puisse concéder, soit séparément l'une ou l'autre des lignes, soit même des fractions de lignes sans devoir recourir de nouveau à vous.

On a parlé de questions difficiles, et le gouvernement paraît désirer que dans tous les cas le délai fixé par la section centrale soit prolongé.

Je concevrais qu'il pût y avoir des difficultés s'il s'agissait de nouvelles études à faire, de nouvelles concessions à accorder ; mais il ne s'agit que de substituer un individu à un autre ; toutes les études ont été faites, la concession a été accordée, il n'y a rien de nouveau à faire ; il ne s'agit que d'une substitution.

On nous a dit qu'on proposait la violation de la loi, mais c'est une erreur manifeste. Alors même que la ligne ne serait pas d'abord concédée dans son intégralité, la loi n'en resterait pas moins intacte, elle ne serait nullement violée ; le gouvernement en concédant la section pour laquelle il trouverait amateur, aurait toujours l'obligation de concéder les autres parties à la première occasion favorable et garderait dans ses caisses, comme garanties pour l'exécution des parties non concédées, la portion du cautionnement afférente à ces parties.

On a parlé aussi de violation de droits acquis, nous n'en enlevons aucun ; mais faut-il pour un droit acquis à une chance de posséder un chemin de fer, alors que cette chance ne peut se réaliser pour le moment, faut-il, dis-je, priver du bénéfice d'un droit non moins acquis des localités qui peuvent en profiter immédiatement ?

Ce serait, à mon avis, une injustice flagrante que la Chambre ne voudra pas sanctionner, et j'espère qu'elle se ralliera à l'amendement présenté par la section centrale.

Cette dernière considération me paraît très puissante, et je vous prie, de vouloir bien la peser.

Les droits acquis, nous ne les nions pas ; nous ne voulons pas que la loi se borne à concéder une partie de la ligne, mais nous voulons que si d'ici au 31 décembre, et cet intervalle me paraît suffisant, puisque la question n'est pas neuve, le gouvernement ne trouve pas de concessionnaire sérieux pour la ligne entière et ne reconnaît la possibilité de donner satisfaction, quant à présent, qu'aux droits acquis d'une partie des populations que les lignes doivent desservir, il puisse le faire. Il n'en résultera aucune lésion pour les droits acquis des parties disjointes ; le gouvernement continuera les négociations, si une occasion favorable se présente pour les parties non concédées, il conservera une garantie dans ses caisses, puisque la partie du cautionnement destinée à assurer la construction de cette partie de la ligne restera à sa disposition.

Si une partie paraît avantageuse et qu'une autre partie paraisse ne pas l'être autant quant à présent, pourquoi les lier à tout jamais l'une à l'autre ? Quel sort faites-vous à celle qui paraît présenter plus de difficulté ou moins d'avantage on commençant par exécuter l'autre ?

Peut-être qu'un premier tronçon fait vous donnera des probabilités plus grandes pour l'exécution du reste par suite du développement que vous aurez donné au commerce et à l'industrie par l'exécution de ce premier tronçon.

Je désire, messieurs, avoir fait passer dans vos esprits la conviction dont je suis animé moi-même, et j'espère que la Chambre ne voudra pas priver du bénéfice de la loi ceux qui ont le plus de chance de voir leurs vœux et leur légitime espérance se réaliser bientôt.

M. de Theux. - Je viens combattre l'opinion des députés de Namur et de la section centrale. L'honorable M. Wasseige vient de vous dire qu'il n'y a aucune communauté entre les trois lignes que la grande société du Luxembourg s'est engagée à exécuter ; il existe au contraire, entre ces lignes une communauté indissoluble, établie par la loi que nous avons votée. C'est une communauté acceptée par la grande société du Luxembourg, et qui a la force conventionnelle.

Il y a droit acquis pour les localités que les honorables membres veulent exclure du bénéfice de la loi.

Il n'est pas possible de revenir là-dessus. Il y a droit acquis au cautionnement de 500 mille fr. pour les trois lignes, et pour chacune des trois lignes.

La Chambre ne pourrait, sans manquer aux droits acquis par chacune de ces lignes, à défaut de la compagnie de Luxembourg, ou d'un autre concessionnaire qui la remplace, de les exécuter, se dispenser d'offrir comme prime de l'adjudication publique, le cautionnement de 500 mille fr. qui est acquis de par la loi, acceptée conventionnellement par la société du Luxembourg.

Pour proposer la disjonction, il faudrait que le gouvernement eût essayé de trouver un concessionnaire, et à défaut d'en trouver, eût tenté l'adjudication publique avec la prime du cautionnement de 500 mille francs. Après avoir épuisé ces moyens, on pourrait aviser et présenter un projet de loi que la Chambre aurait à examiner.

(page 1215) Nous voulons nous réserver d'examiner cette question dans l'avenir comme nous l'avons examinée dans le passé. Je ne comprends pas que l'honorable membre prétende qu'il n'y a pas communauté entre les diverses lignes ; il pourrait peut-être le dire pour la section de Groenendael à Nivelles, mais les sections de Tamines à Fleurus et Fleurus à Landen et de Mont-Saint-Jean à Tirlemont forment un seul ensemble et ces deux lignes ont une très grande importance.

La ligne par exemple de Tamines à Landen, se reliant au chemin de fer de Landen à Hasselt, a toute l'importance d'une ligne internationale, d'autant plus que la ligne vers Hasselt est une ligne d'avenir et sera prolongée vers la Hollande.

La ligne de Mont-St-André vers Tirlemont est aussi très importante : elle traverse un territoire très riche et se reliera à la section de Tirlemont à Diest.

Vous voyez que ce sont des objets d'une grande importance qu'on ne peut traiter à la légère.

Il n'y a, d'ailleurs, rien de plus mauvais que de morceler les lignes de chemins de fer. C'est un système détestable au point de vue de l'intérêt des populations qui sont mal desservies par ces petits tronçons et des concessions qu'on peut accorder ; car les concessions s'entrechoquent dans leurs intérêts qui s'excluent les uns les autres. Cela tourne au préjudice des concessions et des populations.

Il y a donc un grand intérêt à maintenir les lignes d'ensemble.

Je n'en dirai pas davantage.

Ces courtes observations me paraissent avoir rétabli les faits dans toute leur vérité, dans tout leur jour.

Le gouvernement ne peut venir avec des propositions de disjonction qu'après avoir épuisé les moyens d'adjudication, avec la prime de 500,000 francs, qui lui serait acquise pour l'exécution de la concession, et s'il ne trouvait pas d'autre concessionnaire. J'espère qu'il en trouvera.

A ce point de vue, j'appuie la proposition du gouvernement, et je repousse les amendements de la section centrale.

M. de La Coste. - Je pense avec l'honorable préopinant qu'il faut maintenir, aussi longtemps que la loi que nous allons voter restera en vigueur et jusqu'à propositions nouvelles, la solidarité des lignes qui y sont spécifiées.

En adoptant ce projet de loi on traitera la société du Luxembourg avec beaucoup d'indulgence, indulgence à laquelle je m'associe très volontiers, parce qu'il s'agit d'intérêts d'une grande importance.

Mais si l'on voulait diviser les lignes, il me semble qu'auparavant, il faudrait déclarer la société du chemin de fer du Luxembourg déchue, et alors, elle aurait à subir toutes les conséquences de cette déchéance, au lieu qu'il ne s'agit ici que de transférer ses obligations à d'autres. C'est donc une conséquence du principe même de la loi, de ne pas diviser les obligations qui incombent à la compagnie du chemin de fer du Luxembourg ; cette observation a du reste déjà été faite.

La section centrale propose qu'après le 31 décembre prochain ou puisse concéder séparément des fractions des lignes de Tamines à Landen et de Jemeppe à Diest. Après le 31 décembre prochain ! Mais on a laissé quatre ans à la compagnie du chemin de fer du Luxembourg pour délibérer si elle mettrait la main à l'exécution de ces lignes, et l'on ne donnerait que jusqu'au 31 décembre prochain pour la concession dont il s'agit ici.

En vérité, les honorables membres qui ont fait cette proposition se montrent bien pressés de jouir des fractions des lignes qu'ils affectionnent.

Je pense, pour moi, que non seulement il ne faut pas séparer les lignes rétrocédées par la compagnie du chemin de fer du Luxembourg, mais qu’il faudrait fusionner les lignes davantage.

En effet, celles de Jemeppe à Diest par Tirlemont et de Tamines à Landen ont une section commune : la section de Gembloux à Perwez. Dans la vérité c'est une seule ligne avec différents embranchements. Il n'est pas étonnant que la ligne de Jemeppe à Diest par Tirlemont n'ait pas été concédée ; car réellement elle n'est pas concessible isolément.

Je prie l'honorable ministre de vouloir bien autant que possible amener une fusion complète entre les deux lignes. C'est le seul moyen d'avoir un service de Jemeppe à Diest par Tirlemont. Non seulement, comme je viens de le dire, les deux lignes ont une section commune de Gembloux à Perwez, mais l'embranchement que la compagnie du Luxembourg doit exécuter vers Tirlemont fait un double emploi avec la section de l'autre ligne vers Tirlemont, et une fois cette section enlevée à la ligue de Jemeppe à Diest, il ne resterait rien à celle-ci d'exécutable. La fusion au contraire serait un moyen de relier la ville de Diest au chemin de fer de l'Etat.

Je ne me prononce pas sur le meilleur moyen d'atteindre ce but. Il y a trois ou quatre directions en rivalité, et je me garderai bien de prendre parti eu ire ces diverses directions.

Mais une chose incontestable c'est que jamais cette communication de la ville de Diest avec le chemin de fer de l'Etat ne s'établira que comme conséquence d'une autre ligne.

Ainsi, si l'on avait admis, l'année dernière, la concession d'un chemin de fer d'Anvers vers Hasselt par Aerschot et Diest, la ville de Diest était dès lors reliée au chemin de fer de l'Etat, sans qu'il en coûtât un denier au gouvernement, et il se présentait une société solide.

Le gouvernement a cru, néanmoins, devoir rejeter ces offres par les motifs qu'il nous a plusieurs fois exposés. Par là, il a privé la ville de Diest de la certitude d'être reliée au chemin de fer de l'Etat.

Maintenant, il est de l'équité du gouvernement de mettre cette ville à même d'obtenir ce résultat d'une autre manière, et la fusion dont je viens de parler pourrait en offrir l'occasion.

C'est sous réserve de ces observations que j'appuie la proposition du gouvernement, et que je rejette les amendements de la section centrale.

M. Wautelet. - J'avais demandé la parole pour défendre le système de disjonction proposé par la section centrale, parce que, dans la section centrale, j'en ai été partisan et que j'en ai fait même la proposition.

L'honorable M. Wasseige, mon collègue dans la section centrale, vient de répondre aux objections élevées contre cette disjonction d'une manière si complète et si explicite que je n'ai presque rien à y ajouter.

Cependant, je présenterai une seule observation en réponse à ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics, que le terme accordé pour trouver de nouveaux concessionnaires était trop court, attendu que les affaires de chemins de fer présentaient toujours de grandes difficultés et exigeaient, par suite, des délais considérables. Lorsque la section centrale s'est occupée de cette affaire, elle se trouvait en présence d'un projet de loi qui, par sa forme et par l'objet qu'il traitait, devait faire croire qu'une compagnie nouvelle, sérieuse était prête à reprendre les obligations de la société du chemin de fer du Luxembourg.

En effet, quel était ce projet de loi ? C'était une demande d'autorisation d'accorder à une autre société la concession du chemin de fer qui appartenait à la société du Luxembourg. Nous devions donc supposer qu'il ne s'agissait ici que de donner au gouvernement le pouvoir de compléter une négociation déjà avancée ; et, réellement, à cette époque on nous disait qu'une société sérieuse avait fait des offres et était prête à se mettre en lieu et place de la société du Luxembourg.

C'est par ces considérations et par suite des circonstances particulières qui ont pesé sur la compagnie du Luxembourg que la section centrale a été disposée à adopter le principe de la loi proposée par le gouvernement et de l'autoriser à restituer un cautionnement qui, d'après la convention, devait être confisqué, parce que les délais étaient échus.

Ainsi, à ce point de vue, la section centrale devait croire que le projet qu'elle proposait donnait à l'honorable ministre le temps nécessaire pour mener à bonne fin la négociation dans laquelle il était engagé.

Cependant, malgré les assurances qu'on donnait à la section centrale qu'une compagnie existait pour reprendre immédiatement cette concession, la section centrale s'est dit : Si cette compagnie n'existait pas ou si la négociation venait à échouer, que faudrait-il faire ? Faudrait-il pour cela priver à toujours de cette voie de communication les diverses localités que l'un ou l'autre de ces chemins de fer doit desservir.

Je ne crois pas qu'il puisse entrer dans les intentions de la Chambre que, parce qu'une loi a été votée qui établissait une espèce de solidarité entre deux chemins de fer, cette solidarité doive exister toujours et quand même. Je ne le crois pas, et je persiste à penser que si aucune société ne se présente pour reprendre l'ensemble de la concession, il faut, après un délai déterminé, arriver à pouvoir concéder séparément l’un ou l'autre de ces chemins de fer, et par le même principe, que si l'un ou l'autre de ces chemins de fer ne peut être exécuté en entier, après un certain délai encore, on puisse concéder chaque division de cette ligne.

S'il en était autrement, il arriverait que des localités qui se sont maintenant trouvées liées à un projet de chemin de fer inexécutable, et qui pourraient, par une autre concession moins compliquée, trouver le moyen de se relier aux autres lignes de chemins de fer du pays, seraient privées à tout jamais de ce moyen de communication. Eh bien, je déclare qu'à mon avis, c'est là un système qu'on ne peut pas admettre.

On a dit, messieurs, que cette solidarité existait, qu'il y avait une solidarité légale en faveur des localités qui se trouvaient rattachées à ces deux lignes. Aussi longtemps que la loi est maintenue, évidemment cette solidarité existe. Mais ce qu'a fait une loi, alors qu'on supposait que l'ensemble du projet pouvait recevoir son exécution, une autre loi peut venir le défaire, lorsqu'on reconnaît que cette exécution n'est pas possible ; une autre loi peut venir détruire la solidarité qu'une loi antérieure avait établie. Il me semble qu'il n'y a que ce moyen qui puisse rendre à chaque localité la jouissance et la possession des avantages, que lui donne sa position naturelle.

Veuillez bien remarquer, meneurs, que ce que propose la section centrale, ce n'est pas une prescription, mais que c'est seulement une faculté donnée au ministre. Libre encore à l'honorable ministre des travaux publics de suivre la négociation pour faire aboutir le projet entier, et de n'user de la faculté qu'on veut lui donner qu'après avoir épuisé tous les moyens pour obtenir ce résultat.

Tout le monde désire et nous désirons les premiers qu'il puisse y arriver. Mais ce que nous demandons, c'est qu'après un délai déterminé, on puisse au moins concéder les lignes isolement ou même des parties de lignes qui doivent desservir des localités que vous priveriez indéfiniment, sans cela, de ce moyen de communication.

Un membre. - Et les 500,000 francs ?

(page 1216) M. Wautelet. - La question des 500,000 francs a été posée au sein de la section centrale ; et l'honorable M. Osy y a traité cette question comme il l'a traitée ici il n'y a qu'un instant, Il a dit qu'en principe, on devait admettre la confiscation des cautionnements, non au profit du trésor, mais pour favoriser l'exécution future des lignes pour lesquelles ces cautionnements avaient été versés. Plusieurs membres ont déclaré que la confiscation, quelle que soit la destination des sommes à en provenir, ne pouvait leur convenir. Il n'y a eu aucune résolution de prise sur ce point ; mais eu égard aux faits qui se sont passés relativement à la société du Luxembourg, faits qui ont été extrêmement onéreux pour cette société, en présence de la bonne volonté qu'elle montre et des efforts qu'elle fait pour mener à bonne fin l'exécution des travaux dont elle est chargée, la section centrale a pensé qu'il fallait agir avec bienveillance vis-à-vis d'elle et donner à cette société toutes les facilités possibles pour pouvoir retirer le cautionnement qu'elle a déposé.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je dois prier la Chambre de me permettre de ne pas répondre immédiatement à l'interpellation de l'honorable M. Osy relativement à l'exécution de l'embranchement de Profondsart à Wavre. Il est impossible qu'il n'y ait pas après-demain une discussion sur ce point, puisqu'un rapport doit vous être fait sur une pétition relative à cet objet.

Le débat qui serait engagé en ce moment ferait donc double emploi, et pour épargner les instants de la Chambre, j'espère qu’elle voudra bien me permettre de remettre à ce jour les explications que j'ai à lui donner.

J'aborderai donc les faits de la loi à discuter, et le seul point sur lequel il y ait contestation, c'est celui de la division de la ligne ou de son maintien en une seule concession.

Auparavant, cependant, je dois répondre à l'honorable baron Osy au sujet des principes qu'il a posés relativement à la déchéance des concessions et à l'usage à faire du cautionnement que les sociétés ont déposé.

Je suis parfaitement d'accord avec lui que le cautionnement appartient de droit à l'Etat, si la compagnie concessionnaire n'a pas rempli toutes ses obligations et que, de plus, il semble convenable que l'Etat emploie de préférence ce cautionnement comme prime pour trouver de nouveaux concessionnaires. C'est le principe posé dans tous les cahiers des charges.

Je trouve, en effet, dans chaque cahier des charges, un article relatif à la déchéance, dans lequel il est dit que le gouvernement, après avoir mis la compagnie en demeure d'exécuter ses obligations, procédera dans un délai déterminé à l'adjudication publique des travaux, des matériaux, des terrains expropriés, de tous les droits et objets immeubles et mobiliers qui peuvent appartenir à la compagnie en défaut, le cautionnement appartenant alors à l'Etat qui en dispose comme de conseil.

Ainsi, si le projet de loi que je vous propose n'était pas admis par vous, le gouvernement ne pourrait pas se dispenser de saisir les 500,000 francs, et probablement ce cautionnement devrait servir ultérieurement comme prime à une nouvelle concussion.

Dans les circonstances actuelles, le gouvernement croit pouvoir vous proposer d'user d'indulgence envers une compagnie qui a subi de grandes pertes et qui fait des efforts louables pour mener à bien une entreprise qui sera très utile au pays ; il pense pouvoir agir ainsi en présence d'offres faites par des tiers pour se mettre en son lieu et place.

Il n'y aurait donc pas déchéance, mais une substitution.

Le mot de substitution vous dit assez, messieurs, pourquoi je ne me rallie pas aux propositions de la section centrale : si nous nous écartions du système d'une substitution pure et simple, vous verriez surgir un grand nombre de ligues de chemin de fer différentes, et nous serions de nouveau dans la position difficile où nous nous sommes trouvés l'année dernière, lorsqu'il s'est agi de discuter un ensemble de chemins de fer ; tout le monde voudrait avoir des lignes pour telles ou telles localités. Voilà pourquoi le gouvernement a demandé la substitution pure et simple.

Messieurs, les arguments pour et contre la division ont été présentés avec tant de détails qu'il serait oiseux de revenir sur cette question. Il y a, messieurs, pour les populations une espèce de droit acquis et comme on ne peut pas, en un seul jour, constituer des sociétés pour les différentes lignes, il y aurait, pendant un temps très long, de vives inquiétudes dans les localités que ces lignes doivent traverser. Ce serait pour le gouvernement, prendre une responsabilité que je ne suis nullement désireux d'assumer.

Enfin, messieurs, la faculté de diviser enlèverait aux populations intéressées la garantie du cautionnement ; pourquoi ?

Parce que le cautionnement ne signifie plus rien s'il est partagé. Supposez, en effet, qu'on défalque du cautionnement général les cautionnements de deux petites lignes seulement, eh bien, ce qui restera entre les mains du gouvernement sera complètement illusoire. Un cautionnement de 500,000 fr. est quelque chose : mais les diverses parties de ce cautionnement, qui s'appliqueraient à des lignes différentes, ne seraient presque rien.

L'honorable M. Wautelet vous a dit, messieurs, une chose très juste : à l'époque où le projet de loi a été présenté, le gouvernement avait devant lui un demandeur et un demandeur qui persiste, plus un cautionnement de 500,000 fr. garanti par des maisons belges respectables ; voilà ce que nous avons pour l'ensemble de la concession ; de l'autre côté, nous avons une offre pour la plus petite partie.

Je crois, messieurs, que nous ne devons pas hésiter et que la discussion ne doit pas se prolonger ; la Chambre est éclairée sur les motifs qui ont déterminé le gouvernement à prendre la position qu'il a prise et qu'il maintient.

- La clôture est demandée.

M. Osy (contre la clôture). - Messieurs, j'ai fait une interpellation au gouvernement ; je demande à répondre quelques mots à M. le ministre des travaux publics.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. Osy. - Je dois, avant tout, rectifier une erreur commise par l'honorable M. Wasseige. La loi du 24 juin 1853 n'a pas accordé la concession à la compagnie du Luxembourg, elle l'a accordée à un Anglais qui l'a ensuite cédée à cette compagnie moyennant un pot-de-vin de 15,000 liv. st. Ce n'est qu'à la suite de cette cession qu'eu intervenu l'arrêté du 10 février 1854 qui a définitivement accordé la concession à la compagnie du Luxembourg.

Vous voyez, messieurs, que cette malheureuse société a été extrêmement mal traitée dans cette affaire, et c'est précisément pour cela que j'approuve le gouvernement d'avoir, pour cette fois-ci, usé d'indulgence en présentant le projet de loi, en ne confisquant pas le cautionnement, et en donnant à la compagnie du Luxembourg du temps pour trouver quelqu'un qui se mette en son lieu et place.

Je ne pourrai pas, messieurs, voter l'article 5 proposé par la section centrale ; il faut que l'affaire reste tout entier, car voici ce qui pourrait arriver ai elle était divisée : on trouverait peut-être qu'il y a avantage à construire la ligne de Nivelles à Groenendael, ou celle de Tamines à Landen, on trouverait un concessionnaire pour l'une ou l'autre de ces Ignés, et le gouvernement, d'après l'article 3, serait obligé d'accorder la concession. Que deviendraient, dans ce cas, les localités que les différentes lignes doivent traverser ?

Il faut, messieurs, laisser l'affaire dans son entier et proroger purement et simplement, pour quatre ans, la concession qui a été accordée en 1854. C'est la compagnie du Luxembourg qui est la première intéressée, soit à faire la route elle-même, soit à trouver un concessionnaire qui se mette en son lieu et place.

L'honorable ministre des travaux publics a dit qu'il fera après-demain un rapport sur la question de l'embranchement de Wavre ; je lui demanderai de bien vouloir nous donner alors les explications que j'ai demandées sur les cautionnements qui sont encore affectés à la route de Bruxelles à Namur et à la roule de Namur à Arlon. Nous verrons par là si le gouvernement a en mains les moyens de forcer la compagnie à remplir ses engagements.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je suis en mesure de fournir immédiatement à l'honorable M. Osy les renseignements qu'il a demandés.

Le cautionnement de la compagnie du Luxembourg, à l'époque où elle était en déchéance, en 1855, s'élevait en tout à 400,000 francs. Il a été stipulé par la convention qui a suivi la loi votée en 1855 que de ces 400,000 francs 300,000 seraient successivement restitués à la compagnie par sommes de 100,000 francs, chaque fois qu'elle justifierait d'avoir fait des travaux ou des acquisitions de terrains pour une somme triple. Toutes ces sommes étaient applicables à la ligne de Namur à Arlon.

Le gouvernement a déclaré dans la même convention qu'il conserverait les 100,000 francs restant comme cautionnement pour le parfait achèvement de tous les travaux et particulièrement pour les travaux d'office qui pourraient devoir être exécutés aux risques et périls de la compagnie. L'Etat n'a plus aujourd'hui que ces 100,000 francs à sa disposition.

La ligne de Bruxelles à Namur était terminée à la même époque et il ne restait plus dans les caisses de l'Etat aucune fraction du cautionnement.

M. Wasseige. - Messieurs, à entendre les adversaires de l'article 3 du projet de la section centrale, il paraîtrait qu'elle vient vous proposer d'abroger la loi de concession et de faire une loi nouvelle. J'ai déjà répondu qu'il n'était nullement entré dans ses intentions de faire à la Chambre une semblable proposition.

La section centrale maintient la loi de concession, telle qu'elle est ; seulement elle propose à la Chambre d'accorder au gouvernement la faculté de faire exécuter séparément certaines parties des ligues s'il ne trouve pas à les faire exécuter simultanément.

Il n'est donc nullement question d'abroger la loi de concession et d'en faire une nouvelle ; la loi reste entière ; c'est une faculté, ni plus ni moins, que la section centrale veut donner au gouvernement, il n'en usera que s'il le juge à propos.

Je ne comprends pas que le gouvernement puisse être en désaccord sur ce point avec la section centrale. Car enfin, si le gouvernement a un concessionnaire sérieux qui demande toute la ligne, il lui concédera toute la ligne, rien de mieux. Nous désirons vivement aussi qui toute la ligne soit construite. Si donc il se présente un concessionnaire pour le tout, le gouvernement contractera avec lui, et tout sera au mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Mais pour le cas où le gouvernement ne trouverait pas de (page 1217) concessionnaires sérieux pour toute la ligne, nous demandons purement et simplement qu'il puisse concéder des sections distinctes, et il va sans dire, que dans ce cas, il concédera toutes celles de ces parcelles pour lesquelles il se présentera des concessionnaires sérieux, il n'y aura donc pour lui aucun embarras.

L'honorable ministre des travaux publics a parlé de la section de Tamines à Fosse. Eh bien, messieurs, cette section se trouve dans une tout autre position ; cet embranchement n'est pas concédé, mais la construction en serait excessivement utile : il donnerait un débouché très important à une partie de la province de Namur qui s'en trouve privée.

Mais le gouvernement n'a pas besoin d'une loi, pour pouvoir accorder cet embranchement, puisqu'il n'a pas sept kilomètres, et si le gouvernement juge utile de le concéder, il peut le faire sans l'intervention de la législature ; et puisque l'occasion s'en présente, j'insiste vivement, pour que M. le ministre des travaux publics veuille examiner très sérieusement cette question, qui, j'en suis convaincu, lui paraîtra digne d'une solution favorable.

En résumé qu'arriverait-il si l'article 3 du projet de la section centrale n'était pas admis ? Vous allez proroger purement et simplement la loi ; si la ligne entière ne vaut rien et que vous ne trouviez pas de concessionnaires sérieux, la déchéance complète finira par être prononcée, mais seulement dans quatre ans ; alors seulement le gouvernement mû par un sentiment de justice, viendra vous proposer une loi nouvelle, pour donner une satisfaction légitime aux intérêts lésés, et vous demander la concession, comme lignes séparées, des parties réellement utiles et productives et dont les populations ne peuvent pas être éternellement privées parce que dans le principe elles ont eu le malheur d’être accolées à d'autres parties moins nécessaires ; dans ce cas, messieurs, vous donnerez au gouvernement le droit d'accorder ces concessions, parce que vous êtes trop justes, trop équitables, pour priver une partie du pays des avantages que vous aurez accordés à d'autres parties ; eh bien, c'est précisément cela que je vous demande de faire dès à présent sans attendre ce long retard. Je demande que justice soit rendue dès maintenant à des populations qui, par suite de circonstances malheureuses, sont privées depuis si longtemps déjà des avantages auxquelles elles ont droit. Ce que vous leur accorderez certainement dans quatre ans, je vous supplie instamment de le faire tout de suite.

Cette demande n'est que juste et ne nuit à personne ; personne n'a intérêt à parcourir sans fruit une nouvelle période de quatre années, pour se retrouver alors exactement au point de départ.

La discussion générale est close.^

Projet de loi modifiant la loi sur la comptabilité de l’État

Rapport de la section centrale

M. Malou. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente des finances sur deux projets de loi présentés récemment par MM. les ministres de la guerre et des finances et qui ont pour objet : l'un, la régularisation de quelques articles de 1s comptabilité des corps, en d'autres termes, de ce qu'on a souvent appelé la masse noire ; l'autre, une addition à faire à l'article 10 de la loi sur la comptabilité.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la renonciation des concessions ferroviaires de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accepter éventuellement la renonciation de la société anonyme dite Grande Compagnie du Luxembourg, à la concession des chemins de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles, qui lui a été accordée par arrêté royal du 10 février 1854, et à lui restituer le cautionnement de cinq cent mille francs déposé dans les caisses de l'Etat. »

Cette acceptation et la restitution du cautionnement ne pourront avoir lieu qu'après le versement par une nouvelle compagnie d'un cautionnement équivalent, et la justification de l'accomplissement de la seconde condition, déterminée par l'article 3 du cahier des charges.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable M. Mascart m'a demandé tout à l'heure quelle serait la position de la compagnie qui serait substituée à celle du Grand Luxembourg, quant à la ligne vers Tirlemont. Je dois déclarer que notre intention est d'imposer à la nouvelle compagnie exactement le même cahier de charges qu'à la compagnie ancienne, de sorte que toutes les obligations dont était tenue la compagnie du Luxembourg, devront être acceptées par la nouvelle compagnie.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Dans le cas d'une substitution, par le gouvernement, d'une nouvelle société à la Compagnie du Luxembourg, les divers délais prévus par la convention et le cahier des charges pourront être prorogés ; toutefois, le délai d'achèvement des travaux ne pourra dépasser le terme de quatre années à dater de la concession définitive. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. A défaut d'une substitution faite conformément aux deux articles qui précèdent, le gouvernement pourra concéder séparément les chemins de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles.

« Il pourra aussi, après le 31 décembre prochain, concéder des fractions des lignes de Tamines à Landen et de Jemeppe à Diest. »

Le gouvernement ne s'est pas rallié à cet amendement.

M. Lelièvre. - Nous sommes d'accord en principe avec nos contradicteurs. Nous convenons qu'il ne faut rien négliger pour concéder les lignes en question dans leur intégralité. A mon avis, tous les moyens possibles doivent être épuisés avant qu'il y ait lieu à une concession partielle, mais s'il était démontré que les lignes entières ne peuvent être concédées, nous demandons que, pour cette hypothèse seulement, on accorde au gouvernement une faculté qui aurait des avantages incontestables pour de nombreuses populations.

L'honorable M. de Theux nous dit que, dans le cas que nous prévoyons, le gouvernement devra recourir à la législature ; mais pourquoi ne pas autoriser immédiatement une mesure que nous pouvons apprécier dès maintenant et décréter sans inconvénient ? Pourquoi hésiter à accorder au gouvernement une faculté dont l'utilité ne saurait être méconnue ?

N'est-il pas préférable d'établir certaines sections des lignes dont il s'agit, et par conséquent de réaliser un progrès marqué que de n'aboutir en rien ?

Je préfère, sans doute, que les chemins de fer en question soient construits en entier, mais si cette hypothèse ne pouvait se réaliser, je maintiens qu'il est juste de ne pas ravir des voies utiles à de nombreuses populations qui ont des droits acquis depuis longtemps et qu'on ne peut sacrifier à des considérations que l'équité repousse.

Je considère l'amendement de la section centrale comme rationnel. La Chambre le sanctionnera, parce qu'il ne porte atteinte à aucun intérêt légitime.

M. de Theux. - Nos contradicteurs désirent l'exécution de l'ensemble des lignes concédées en vertu de la loi ; je m'étonne qu'ils ne comprennent pas qu'en accordant au gouvernement la faculté anticipative de concéder des tronçons ils engagent, les demandeurs qui seraient disposés à construire l'ensemble à changer de position et à insister auprès du gouvernement pour obtenir des lignes séparées.

C'est aller à rencontre de leurs propres désirs ; le ministre ne pourrait d'ailleurs procéder ainsi que du consentement de la compagnie du Luxembourg ; or, celle-ci ne manquerait pas d'exiger la mise en adjudication de la concession entière, dans l'espoir de trouver un adjudicataire sans perdre son cautionnement.

M. de Lexhy. - L'honorable M. de Theux vient précisément de présenter l'argument que je me proposais d'opposer à mon honorable ami M. Lelièvre. Cet honorable membre pense que la faculté de disjonction, loin de présenter des inconvénients, engendrerait, au contraire, d'excellents résultats.

J'ai déjà réfuté, dans mon premier discours, cette opinion qui forme la base du système de la section centrale. D'ailleurs, le gouvernement refuse d'accepter cette faculté de diviser la concession primitive en concessions partielles, il ne veut pas accepter la grave responsabilité qui lui incomberait de ce chef et je ne puis que l'approuver dans sa résolution.

Celle faculté de disjonction que l'on voudrait établir aurait un très grave inconvénient que j'ai déjà signalé et sur lequel je ne puis assez insister.

Il est évident qu'aux yeux des populations qui.doivent être dotées de la ligne de Tamines à Landen, la proposition de la section centrale équivaudrait à un décret de mort pour cette ligne, qui doit apporter la prospérité au milieu d'elles. S'il en est ainsi, vous ne pouvez pas laisser ces populations dans l'inquiétude, vous ne pouvez pas les laisser sous le coup de la crainte de voir s'évanouir un espoir qu'elles nourrissent et qui est un véritable droit acquis, à savoir la création de la ligue de Tamines à Landen.

Un des honorables préopinants a développé dans la discussion générale une idée très lumineuse et qui aura dû faire impression sur les esprits ; la voici en résumé :

Les 500,000 francs de cautionnement sont acquis à l'ensemble des lignes. Ils forment la garantie générale exigée de la compagnie du Luxembourg en faveur des localités qui doivent être reliées entre elles par ces railways.

Or, le projet de loi qui nous est soumis ne peut avoir d'autre but que de substituer une nouvelle société à l'ancienne compagnie du Luxembourg. C'est là le but unique du projet de loi. Eh bien, en permettant de concéder séparément les ligues dont il s'agit, vous allez à rencontre du projet de loi, qui a voulu respecter les engagements pris par la compagnie au Luxembourg vis-à-vis de l'ensemble des lignes. Ce serait diviser des engagements qui forment un tout indivisible et solidaire. Ce serait donc faire autre chose que substituer une compagnie à une autre, ce serait changer la nature et l'étendue des obligations contractées par la société du Luxembourg, et vous comprenez que ce serait faire une chose qu'il n'est plus en notre pouvoir de faire. Je n insisterai pas, davantage, parce que j'ai la conviction que la Chambre n'est pas disposée à adopter le système de la section centrale.

M. le président. - Je mets aux voix l'article 3 proposé par la section centrale.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat.

71 membres répondent à l'appel.

(page 1218) 8 répondent oui.

63 répondent non.

En conséquence, l'article 3 n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Lelièvre, Van Cromphaut, Wasseige, Wautelet, Brixhe, Coppieters 't Wallant, de Naeyer et de Paul.

On répondu non : MM. de T’Serclaes, Dubus, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Rousselle, Sinave, Snoy, Tack, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Anspach, Calmeyn, Coomans, Crombez, Dautrebande, de Brouckere, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, De Lexhy, Delfosse, Della Faille, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Theux et Delehaye.

Article 4

M. le président. - Par suite du vote que la Chambre vient d'émettre, l'article 4, proposé par la section centrale, tombe. Il ne reste plus qu'à voter sur l'ensemble du projet.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal ;

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 72 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. de T'Serclaes, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Rousselle, Sinave, Snoy, Tack, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Wasseige, Wautelet, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters ‘t Wallant, Crombez, Dautrebande, de Brouckere, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, De Lexhy, Delfosse, Della Faille, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Theux et Delehaye.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose quelques modifications au projet, le gouvernement se rallie-t-il à ces propositions ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Non, M. le président. Je demande la parole.

Messieurs, le projet de loi présenté par le gouvernement a pour objet d'ouvrir au département des travaux publics un crédit de fr. 300,000 destiné à solder des créances résultant de réclamations reconnues fondées, de jugements définitifs ou de transactions approuvées.

Cette somme de 300,000 francs comprend deux parts : l'une, principale, de 250,000 francs environ, doit servir à payer des créances exigibles, des créances passées à l'état de faits accomplis, soit en vertu de jugements, soit en vertu de transactions approuvées.

L'autre part, de 50,000 fr., a été demandée comme réserve, en vue d'affaires encore pendantes devant les tribunaux, mais dont la solution par décision judiciaire ou par transaction amiable est regardée comme très prochaine.

La section centrale propose de retrancher du crédit cette somme en réserve.

Pourquoi propose-t-elle cette réduction ?

Parce qu'elle veut un contrôle sévère sur les affaires litigieuses, afin d'empêcher les agents du gouvernement de se montrer trop difficiles ou trop exigeants, quand ils ont à traiter avec des particuliers.

Parce qu'elle désire que les affaires ne traînent pas en longueur et que l'Etat ne paye pas d'intérêts plus longtemps qu'il ne faut.

Parce qu'enfin, dans l'application précédente d'un crédit analogue à celui-ci, il y a eu substitution de créances, ce que la section centrale n'approuve pas.

J'avoue, messieurs, que ces raisons ne me paraissent pas bien solides.

La section centrale n'ignore pas que toute affaire litigieuse, donnant ouverture à une créance à charge de l'Etat, est soumise au contrôle et au visa préalable de la cour des comptes, qui ne manque pas de signaler dans le cahier d'observations, qu'elle adresse annuellement à la Chambre, les observations que l'examen des affaires litigieuses peut lui suggérer.

De plus, les sommes payées pour créances de l'espèce figurent dans le compte général des finances, lequel est communiqué annuellement aux Chambres, conformément à l'article 43 de la loi sur la comptabilité.

Ainsi les moyens ne manquent pas à la Chambre pour contrôler les actes du gouvernement, aussi complètement qu'on peut le désirer.

La section centrale pense que les affaires ne se terminent pas assez vite, et que l'Etat paye des intérêts en trop.

Mais c'est précisément en vue de cet objet que le gouvernement demande qu'on mette à sa disposition une somme de 50,000 fr. afin de payer immédiatement le montant des condamnations qui peuvent être prononcées contre lui, pendant l'absence des Chambres ; afin de se soustraire ainsi à l'obligation de payer des intérêts pendant un temps plus ou moins long ; afin de ne pas devoir présenter des projets de loi spéciaux pour chaque créance, quelque minime qu'elle puisse être ; afin de saisir les occasions favorables qui peuvent se présenter pour transiger. Et l'on sait que l'appât d'une somme à toucher de suite est fort souvent une cause déterminante de transaction.

La section centrale trouve mauvais qu'on ait employé les fonds mis à la disposition du gouvernement à payer des créances qui n'avaient pas été annoncées.

Voici ce qui est arrivé.

Le gouvernement avait demandé, comme il le fait aujourd'hui, des fonds pour payer des créances exigibles ou sur le point de devenir exigibles, et dont le détail était fourni.

Il s'est trouvé que la solution de certaines affaires que l'on supposait devoir se terminer immédiatement, a été entravée par des causes inattendues, tandis que d'autres, au contraire, que l'on supposait devoir durer longtemps, ont pu être terminées de suite par transaction. Qu'a fait le gouvernement ?

Il a appliqué à ces dernières affaires les fonds primitivement destinés aux autres et qui étaient forcément sans emploi. Où est le mal ? N'est-ce pas ainsi qu'il fallait agir pour éviter des pertes d'intérêts ? N'est-ce pas ainsi qu'il faudra agir encore, si, par une cause quelconque, une partie des fonds du crédit actuel de 300,000 fr. reste disponible ?

Cependant c'est là ce que la section centrale trouve mauvais et c'est, pour empêcher cela qu'elle propose de changer le projet de loi du gouvernement.

Ce qui prouve que l'administration n'a pas fait un mauvais usage de crédits précédemment mis à sa disposition pour cet objet, c'est que la section centrale s'est livré à un examen très approfondi, et, on peut le dire, très minutieux des nombreux dossiers qui lui ont été remis. Et cependant vous pourrez remarquer par son volumineux rapport de trente-quatre pages, qu'elle n'a découvert contre l'administration aucun grief sérieux.

Messieurs, l'affaire qui nous occupe en ce moment est trop simple et elle a, à mes yeux, trop peu d'importance pour que j'entre dans un débat approfondi du rapport de la section centrale ; je crois que le temps de la Chambre est trop précieux pour l'employer de la sorte.

Je persiste à maintenir le projet de loi tel que le gouvernement l'a présenté. Je pense que les amendements de la section centrale sont plus nuisibles qu'utiles. Je pense qu'il serait puéril de refuser au ministre un crédit de 50,000 francs pour l'objet déterminé au projet de loi, alors que pour d'autres besoins moins précisés le ministre dispose de crédits infiniment plus considérables.

Toutefois, messieurs, je le répète, je ne veux pas prolonger le débat, et je m'en rapporte absolument à la décision que, dans sa sagesse, la Chambre jugera à propos de prendre.

M. Lelièvre. - Messieurs, je dois m'associer au regret exprimé par plusieurs sections relativement à la direction de plusieurs affaires énoncées au projet. Les intérêts et les frais accessoires qui incombent à l'Etat dépassent souvent le principal des sommes dues, et réellement on s'engage dans des procès dispendieux pour des objets de peu d'importance.

D'un autre côté les intérêts de l'Etat sont sérieusement négligés. C'est ainsi que relativement aux acquisitions de terrains pour le service du chemin de fer de Bruxelles à la frontière de France, au lieu de remplir les formalités prescrites en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, on a laissé accumuler pendant dix-sept ans des intérêts au préjudice du trésor public.

J'appelle l'attention de M. le ministre sur les mesures propres à sauvegarder les intérêts de l'Etat. Il devrait instituer au département des travaux publics une commission du contentieux, qui examinerait préalablement les affaires et ne les déférerait aux tribunaux que lorsqu'elles ont certaine importance. A mon avis, il faut conclure des transactions, le plus possible et ne s'engager dans la voie judiciaire qu'après avoir épuisé les voies amiables.

Il est vraiment pénible de voir combien on grève l'Etat de frais de toute nature.

Le gouvernement devrait entrer dans la voie que suit toujours un bon père de famille. Celui-ci n'entame jamais des débats judiciaires, sans avoir réfléchi aux conséquences du procès et sans avoir examiné si le bénéfice espéré ne sera pas absorbé par les frais et dépenses.

Je considère la marche suivie au département des travaux publics en matière de contestations judiciaires comme vicieuse ; quant à moi, je ne puis donner mon assentiment à un semblable ordre de choses et je dois nécessairement m'abstenir sur le projet de loi soumis à nos délibérations.

M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, j'avoue que j'ai été extrêmement surpris du discours que l'honorable ministre des travaux publics a prononcé tout à l'heure.

S'il avait eu à se défendre des irrégularités nombreuses qui ont été (page 1219) signalées par la section centrale dans son rapport à la Chambre, on comprendrait jusqu'à un certain point l'espèce d'attaque qu'il a dirigée contre ce rapport, mais M. le ministre n'a pas même besoin d'un bill d'indemnité, les faits reprochables, les délais inimaginables apportés à d'instruction des affaires sont antérieurs à son administration.

Pour les honorables membres de la Chambre qui n'ont pas en le temps de jeter les yeux sur le rapport de la section centrale, je crois devoir en lire la partie finale. L'examen que la section centrale avait fait de tous les dossiers, d'après la demande des sections, l'ayant amenée proposer le chiffre de 255,000 francs, elle termine donc ainsi :

« Maintenant y a-t-il lieu, comme le gouvernement le propose, d'élever le crédit jusqu'à la somme de trois cent mille francs, afin de liquider, aussitôt qu'elles seront entièrement terminées, les autres affaires indiquées dans la note transcrite au préambule de ce rapport ?

« Sur ce point les sections ont émis des avis différents, ainsi qu'on l'a vu plus haut.

« La section centrale penche pour la négative, par le motif que le règlement des affaires litigieuses appelle un contrôle plus spécial et plus sévère de la part de la Chambre. Elle doit pouvoir apprécier les transactions qui se font, et voir si les agents du gouvernement s'inspirent toujours d'un esprit d'équité et non quelquefois d'un esprit difficultueux, dans leurs avis sur les réclamations dis particuliers ; s'ils mettent toujours, dans l'instruction des affaires, la célérité et le soin convenables ; et, il nous en coûts de le dire, nous n'avons pas, sous ce rapport, tous nos apaisements quant à plusieurs des affaires qui ont été soumises à notre examen.

« Il importe donc que tous sachant que non seulement le regard des chefs des départements ministériels, mais encore l'œil de la Chambre, est fixé sur leurs actes ; et comme nous avons acquis la certitude que, dans l'emploi du crédit de 231,000 francs, ouvert par la loi du 17 mai 1854, aussi pour des créances arriérées, le département des travaux publics ne s'est pas circonscrit dans la spécialité des votes de la législature et s'est cru autorisé à faire servir, à la liquidation d'autres créances que celles sur lesquelles l'attention de la Chambre avait été appelée, l'excédant des prévisions sur les dépenses effectives, la section centrale a pensé que c'était là une raison de plus pour insister sur la nécessité d'un examen spécial et préalable au vote des crédits pour la liquidation des créances appartenant à l'arriéré. »

Maintenant, messieurs, tous les précédents de la Chambre sont contraires à la doctrine qu'est venu défendre l'honorable ministre. Jamais on n'a donné de blancs seings pour liquider des créances arriérées ; on a toujours voté les crédits de cette catégorie, sur la spécification des objets mêmes de dépense ; et M. le ministre des travaux publics, contrairement à ce qui se pratique habituellement, voudrait une somme en blanc pour liquider, d'après sa propre appréciation, les créances qui pourront encore se présenter.

Voilà la question réduite à ses plus simples termes.

L'honorable ministre dit : Mais il y a le contrôle de la cour des comptes. Sans doute, qu'il y a le contrôle de la cour des comptes. Mais la cour des comptes ne contrôlera que pour savoir si la dépense qu'on présente en liquidation n'excède pas le chiffre du crédit. Elle ne pourra pas contrôler la nature de la dépense, si l'objet de cette dépense n'est pas spécifié dans la loi. Le ministre sera le seul juge de l'imputation, sur le crédit alloué.

M. Osy. - Je vous avoue franchement que, lorsque j'ai vu le projet de loi en discussion, j'ai été étonné de voir l'arriéré considérable qu'il y avait au département des travaux publics. Vous voyez, dans ce nombre considérable de créances soumises à la Chambre, des créances pour intérêts, des sommes énormes dues aux avocats.

Comment ! quand il y a, je ne dirai pas négligence, mais oubli à ce point, vous venez demander un blanc-seing de 45,000 fr. Pourquoi ? Nous n'en savons rien. Quand le gouvernement aura besoin de ces 45 mille francs, il présentera un projet de loi qui sera examiné par la Chambre en sections, en section centrale et en séance publique. L'honorable ministre des travaux publics veut épargner cet examen à la Chambre. Mais c'est contraire à tous les précédents, et l'expérience nous prouve qu'il faut examiner de près les dépenses de l'Etat.

Je vois dans le projet de loi un crédit de 75 mille fr. pour solde d'un bâtiment acheté à Malines. Cette somme devait être payée en 1845. Mais l'obligation a été renouvelée et pendant 12 ans, l'on a payé l'intérêt de cette somme. Il me semble qu'il était de l'honneur du gouvernement de ne pas faire ce renouvellement et de payer à l'échéance.

Messieurs, comme preuve du laisser-aller qui se fait remarquer au ministère des travaux publics, je vous citerai seulement le dernier article du projet de loi. Nous y lisons : affaire Schaeken et comp., pour les travaux, un projet de transaction est intervenu entre l'avocat de l'administration et les entrepreneurs, il sera soumis sous peu à l'approbation du ministre.

Ainsi les employés du ministère vous demandent un crédit de 46,000 fr. pour une transaction que le ministre lui-même n'a pas vue.

M. Rousselle, rapporteur. - Nous avons vu l'approbation de cette transaction en section centrale.

M. Osy. - Après le 15 janvier, date de la présentation du projet de loi. Mais les fonctionnaires du département des travaux publics nous disent que la transaction sera soumise sous peu au ministre, de manière qu'on nous demande le crédit avant que le ministre ait vu la transaction.

Messieurs, je crois que es serait agir contre tous les antécédents et contre les règles d'une bonne comptabilité que d'accorder au gouvernement un crédit global de 45,000 fr. pour liquider des dettes.

J'espère donc que la Chambre se ralliera à la proposition de la section centrale et qu'elle n'allouera que la somme de 255,000 fr., sauf au gouvernement, s'il a à liquider encore d'autres créances, s nous présenter un autre projet de loi.

Quant à l'achat d'une propriété à Malines, j'espère que M. le ministre voudra bien donner des ordres à ses subordonnés pour que des négligences pareilles ne se commettent plus.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je dois un mot de réponse aux différents orateurs qui ont parlé dans cette discussion.

Je prie l'honorable M. Lelièvre de remarquer que lorsque le gouvernement appelle les particuliers en justice, ce n'est pas pour le plaisir de leur faire des procès, mais uniquement parce qu'ils refusent de reconnaître les droits de l'Etat ou parce qu'ils refusent de céder à un prix équitable des terrains dont l'administration ne peut se passer. Le système d'abonnement avec les avocats du ministère des travaux publics, introduit par mon honorable prédécesseur, est la meilleure garantie qu’on puisse avoir que des affaires ne sont pas entamées alors qu'il n'y a pas équité ou chance de succès. L'administration des travaux publics me paraît donc devoir être à l'abri de toute espèce de reproche.

L'honorable M. Lelièvre voudra bien remarquer que les questions d'expropriation, qui entrent pour une bonne part dans le projet en discussion, sont tellement difficiles, que les prétentions des propriétaires sont tellement élevées qu'il est souvent difficile de transiger et qu'il faut bien arriver à l'expropriation par voie judiciaire. De plus, dans un grand nombre de cas, il y a impossibilité de se passer de l'intervention de la justice parce qu'il y a des mineurs ou des incapables dans les familles, et ce cas se présente assez fréquemment.

Messieurs, cette obligation de traiter les affaires devant la justice explique suffisamment l'élévation du chiffre des intérêts d'un certain nombre de créances.

Les incidents qui peuvent naître dans un procès sont tellement nombreux qu'il n'est pas étonnant que, pour certaines affaires, les jugements aient subi certains retards.

L'intérêt court et augmente la somme. D'un autre côté, les frais sont presque toujours mis à charge de l'Etat, quand il s'agit d'expropriation.

Je dois aussi un mot de réponse à une observation de l'honorable M. Osy, qui, réellement, n'a pas de fondement.

L'honorable membre vous dit que dans l'affaire Schaeken, des fonds ont été demandés avant que la transaction eût été soumise au ministre.

Messieurs, il va sans dire que si l'avocat a transigé, il avait l'autorisation du ministre. Le projet vous a été présenté après l'ordre donné de transiger, et l'approbation en principe de la transaction. J'ai autorisé l'avocat à transiger, et pendant qu'il transigeait, j'ai demandé l'argent pour payer le prix de la transaction. Il me semble que lorsque le ministre s'est engagé, vis-à-vis d'une partie, à négocier sur une base, il peut demander les fonds pour que sa parole soit suivie d'effet.

Enfin, je dois encore toucher quelques, mots de ce qu'a dit l'honorable M. Rousselle. Si l'honorable membre croit qu'il n'est pas possible qu'un ministre transige sans l'intervention de la Chambre, il est dans une erreur complète, attendu que tous les jours les ministres transigent au moyen des fonds du budget. Ainsi un ministre pourrait transiger pour les affaires courantes et il ne pourrait transiger pour les affaires arriérées ?

Les fonds sont mis à la disposition du gouvernement pour en disposer sous sa responsabilité particulière et pour un objet déterminé, et c'est ce qui se fait tous les jours.

L'honorable M. Osy trouve qu'il y a beaucoup d'affaires arriérées au département des travaux publics. Mais dans l'exposé des motifs, pour le crédit de 21 millions, le gouvernement a lui-même avoué qu'il y avait un arriéré de 700,000 fr. en affaires litigieuses.

De jour en jour ces affaires deviennent liquides, et le gouvernement demande les fonds pour faire face aux obligations qui lui incombent. Lors de la présentation du projet de loi, il y avait de ces créances liquides pour environ 250,000 fr. Depuis lors de nouvelles créances sont devenues liquides. Est-il exorbitant qu'outre ces 250,000 fr. sur 700,000 fr. qui restent à liquider, je demande une provision de 50,000 fr. ?

Cependant vous ne paraissez pas disposés à me l'accorder, je n'insiste pas. J'ai cru bien faire en vous la demandant. Vous me la refusez ; je ne puis que décliner la responsabilité.

M. Rousselle, rapporteur. - L'honorable ministre, paraît-il, n'insiste pas ; il ne combat pas la proposition de la section centrale. Sans cela, je serais obligé, eu acquit de mon devoir de rapporteur, de reprendre affaire par affaire pour montrer quelques irrégularités qu'on ne peut imputer à l'honorable ministre ; au contraire, je dois dire, en son honneur que, au mois de juillet 1856, il a fait écrire à tous les avocats, à tous les chefs de service, a donné des ordres partout pour (page 1220) rassembler les créances arriérées, et connaitre exactement notre situation sous ce rapport.

Mais je ne comprends pas comment, après un fait si louable, l'honorable ministre (erratum, page 1230) veuille excuser les irrégularités qui se sont soumises avant lui, et préconise un système qui en autoriserait probablement de nouvelles ou au moins les ferait échapper au contrôle de la Chambre.

L'honorable ministre oublie que la Chambre, quand elle vote sur des crédits supplémentaires ou extraordinaires, doit toujours examiner quel est l'usage que l'on fait de ces crédits. Ce n'est pas ici un budget de prévisions, ce sont des dépenses faites ; la Chambre doit examiner comment ces créances sont nées et pourquoi l'on a tardé si longtemps à les liquider ; sans cela elle n'aurait plus de contrôle sur la marche des départements ministériels.

Au sens de M. le ministre, il pourrait faire liquider une créance sans un vote préalable de la Chambre.

Or, je soutiens que cela ne peut être ; d'ailleurs, il importe que tous les agents des départements ministériels sachent bien que la Chambre n'approuve pas les irrégularités et surtout la lenteur qu'on apporte à liquider les créances. Et pour cela il faut que tout l'arriéré à régulariser passe sous son contrôle.

M. Osy. - M. le ministre des travaux publics vient de dire qu'il abandonnait son chiffre, mais qu'il laissait la responsabilité à la Chambre. La Chambre n'a ici aucune responsabilité à assumer, la Chambre examine les affaires quand elles sont terminées, et s'il y a des négligences, des oublis, ils retombent exclusivement sur le gouvernement ; c'est à lui de demander en temps et lieu les crédits dont il a besoin.

M. de Naeyer remplace M. Delehaye au fauteuil.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - L'article premier du projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit spécial de trois cent mille francs (fr. 300,000), destiné à solder des créances arriérées résultant de réclamations reconnues fondées, de jugements définitifs ou de transactions approuvées par décisions ministérielles, intervenues à l'occasion de la construction du chemin de fer de l'Etat. »

-La section centrale propose de remplacer cet article par la disposition suivante :

« Il est ouvert au département des travaux publics un crédit spécial de deux cent cinquante-cinq mille francs fr. (255,000), destiné à solder des créances résultant de réclamations reconnues fondées, de jugements définitifs ou de transactions approuvées par décisions ministérielles, intervenues à l'occasion de la construction du chemin de fer de l'Etat, et dont le détail se trouve au tableau annexé à la présente loi. »

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, si le chiffre de la section centrale était adopté il me paraîtrait impossible d'admettre les derniers mots de l'article : « et dont le détail se trouve au tableau annexé à la présente loi » ; les calculs d'intérêts n'ont pas été faits avec une telle exactitude, qu'on puisse répondre qu'il n'y ait pas la moindre erreur de détail.

Si ces mots étaient maintenus, le gouvernement se trouverait lié par chacun des chiffres du tableau ; cela n'est pas possible ; le gouvernement est moralement lié envers la Chambre, il est évident qu'il ne peut pas employer les fonds à d'autres objets que ceux qui se trouvent compris au tableau, mais il ne faut pas qu'à un centime près il soit tenu de se renfermer dans les limites de chaque chiffre particulier de ce tableau.

Je propose donc la suppression des mots que j'ai indiqués en commençant.

M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, si on adoptait la proposition de M. le ministre, le gouvernement pourrait employer les 255,000 fr. à la liquidation de telles créances qu'il jugerait convenable, et il pourrait laisser en arrière celles qui ont été admises par la section centrale.

Les chiffres de tableau sont établis d'après les calculs faits au département des travaux publics et d'après le tableau qui était joint au projet de loi ; mais la section centrale y a ajouté l'intérêt éventuel jusqu'au 1er mai pour les créances qui comportent intérêt ; puis elle a encore ajouté une somme pour faire droit à d'autres réclamations relatives aux créances admises en principe et qui seraient trouvées justes par M. le ministre sous le contrôle de la cour des comptes. Je pense donc que le chiffre de 255,000 francs répond à toutes les éventualités.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable rapporteur semble me prêter ici un défaut de franchise qui n'est pas dans mes habitudes. Je demande des fonds pour des créances déterminées, c'est à ces créances que les fonds doivent être consacrés.

Du reste, messieurs, on peut dire : « destiné à solder les créances mentionnées dans l'exposé des motifs. » Je ne désire pas échapper aux créances, je désire seulement échapper aux chiffres de détail.

M. Rousselle, rapporteur. - Les mots : « créances mentionnées dans l'exposé des motifs » ne suffisent pas ; il y a d'autres créances dont le dossier n'a été présenté que plus tard.

Je proposerai de mettre dans la loi la nomenclature des créances et de supprimer tous les chiffres.

M. le président. - Alors on pourrait dire :

« Les créances dont le tableau est annexé à la présente loi. »

- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera rattaché au chapitre IV du budget des travaux publics pour l'exercice 1857, et sera couvert au moyen de bons du trésor dont l'émission est autorisée par la loi du budget des voies et moyens, en date du 30 décembre 1856. »

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, ce projet de loi est extrait d'un autre projet, de celui qui concernait le crédit de 21 millions et qui se rapportait presque entièrement aux travaux de construction du chemin de fer. Il me semble qu'il serait préjudiciable, au point de vue de la comptabilité, de confondre avec le budget, le crédit actuel qui fait face à des dépenses d'exploitation proprement dites.

Je demande donc que la Chambre veuille conserver au projet de loi le caractère qu'il a dans la pensée du gouvernement, et supprimer dès lors les mots : « sera rattaché au chapitre IV du budget des travaux publics pour l'exercice 1857 ».

Il y a dans cette marche un autre avantage : c'est que l'exercice 1857 sera clos au mois d'octobre 1858, taudis que le crédit spécial restera ouvert un peu plus longtemps ; le délai sera utile, s'il survenait une difficulté pour le payement de l'une ou de l'autre créance.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 2, modifie comme le propose M. le ministre des travaux publics, est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Le projet de loi ayant été amendé, la Chambre en fixe le vote définitif à la séance de demain.

Projet de loi modifiant le cens d’éligibilité au sénat

Motion d'ordre

M. Thiéfry (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a à l'ordre du jour un projet de loi assez important, c'est celui qui est relatif au cens d'éligibilité pour le Sénat. Je crois qu'il peut donner lieu à une discussion assez longue et que nous ferions bien d'ajourner cet objet jusqu'après les vacances de Pâques. Les propositions de la section centrale ne sont pas d'accord avec le projet de loi qui a été adopté par le Sénat.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je ne m'oppose pas à la motion de l'honorable M. Thiéfry, d'autant plus que M. le ministre de l'intérieur, retenu au Sénat ; ne peut pas venir émettre son opinion.

-La Chambre consultée retire provisoirement de l'ordre du jour le projet de loi relatif au cens d'éligibilité pour le Sénat.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.