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Congrès national de
Belgique
Séance du samedi 8 janvier
1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Rapports de la commission des
pétitions
3) Discussion des articles du projet de constitution. Du chef de l’Etat
(titre III, chapitre II, Section I), autorisation pour le roi et ses héritiers
de se marier (Devaux, de Theux, Destouvelles, de Quarré, Devaux, Raikem, Van Meenen, Barthélemy) et d’être chef d’un autre
Etat (Pirmez (+choix du chef de l’Etat (pour Louis-Philippe)), Devaux,
Jottrand, Van Meenen, Delwarde, de Theux, Trentesaux, Rogier, Surmont de Volsberghe,
Claus, Trentesaux, Van Snick)
4)
Projet de décret concernant les droits d’entrée sur les fers (Claus)
5) Proposition ayant pour objet la communication d'une dépêche relative au chef de
l'État (A. Rodenbach, de Robaulx, Helias d’Huddeghem, Van Snick, Delwarde, Ch. Le Hon, de Robaulx, Van Snick, Van Meenen, Ch. Le Hon, Fleussu, Rogier, d’Arschot, de Robaulx, d’Arschot, de Robaulx), question de l’Escaut (Osy,
d’Arschot, Ch. Le Hon, Osy, Destouvelles, Rogier, Brédart, Marlet, Le Grelle, Jottrand, Seron, de Robaulx, Pirson)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie,
1844, tome 2)
(page 51) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance
est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
Des
habitants de Papegnies demandent l'exemption de la
contribution personnelle.
M. Caymax demande des secours pour les pauvres de la commune
qu'il habite. (U. B., 10 janv. et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le président – J'ai reçu quelques pétitions
évidemment contraires aux décisions du congrès national ; je les ai anéanties. (Marques
générales d'assentiment.)(U. B., 10 janv.)
RAPPORTS DE
M. le président – La parole est à M. Wannaar pour un
rapport de pétitions. (C., 9 janv.)
M. Wannaar fait, au nom de la commission des
pétitions, un rapport sur les pétitions suivantes :
1° Du
sieur Collin, relative à des infractions aux arrêtés sur la recomposition des
régences.
- Renvoi au comité de l'intérieur.
2° Du sieur de Clercq, sur
l'introduction de poissons faite par les Hollandais,
- Renvoi au comité des finances et dépôt au bureau des
renseignements.
5° Du comte de Rangraff qui se
plaint de sa détention.
- Renvoi au comité de la justice.
4° De M. Levae,
qui se plaint de ce que des emplois et grades sont conférés à des personnes qui
en sont indignes, et de ce que les autorités se servent exclusivement de la langue
française dans leurs actes.
- Renvoi aux diverses
administrations générales. (P. V.)
M. Destriveaux fait, au nom
de la même commission, un rapport sur les pétitions ci-après :
1° Du sieur Wauters de Terweerde qui demande que sa requête tendante à être nommé
directeur de la poste à Gand soit prise en considération.
- Ordre du jour.
2°Du sieur Steenhoudt, qui se
plaint d'avoir été destitué de ses fonctions de garde champêtre.
- Renvoi au comité de l'intérieur.
5° Du sieur Guilmard, demandant le
rétablissement des foires dans les lieux où elles ont été supprimées par les
régences.
- Renvoi au comité de l'intérieur.
4° Du sieur Hoornaert, tendant à ce
qu'on établisse une déduction uniforme pour tous les sauniers quand ils
travaillent le sel brut d'Angleterre.
- Dépôt au bureau des renseignements.
5° De plusieurs distillateurs de
- Renvoi au comité de l'intérieur et
à l'administrateur général des finances. (P. V.)
La commission a reçu en outre communication d'une
pétition évidemment pseudonyme et conçue en des termes peu convenants
; cette pétition sera regardée comme non avenue. (P. V.)
Le congrès décide qu'il sera
désormais consacré une séance du soir, par semaine, au rapport des pétitions.
(U. B., 10 janv.)
DISCUSSION
DES ARTICLES DU PROJET DE CONSTITUTION. DU CHEF DE L’ETAT (TITRE III, CHAPITRE II, SECTION I)
M.
le président – L'ordre du jour est la discussion de la section 1ère du
chapitre II, titre III, du projet de constitution, intitulée : Du chef de l'État.
Articles 35 et 363
« Art. 35. Les pouvoirs constitutionnels du chef de l'État
sont héréditaires, dans la descendance directe, naturelle et légitime de..., de
mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des
femmes et de leur descendance. » (U. B., 10 janv. et A. C.)
- Cet article est adopté sans discussion. (P. V.)
L'art. 36
est nota bene (on rit) ; « cet article est
destiné à régler l'ordre de succéder en ligne collatérale ou à déclarer
la vacance, en cas que le chef de l'État n'ait pas de
descendance masculine ; » c'est une chose à régler plus tard. (U. B., 10 janv. et A. C.)
« Art. 37. Un enfant mâle du chef de
l'État, en se mariant sans le consentement des chambres, perd le droit de
succéder aux pouvoirs constitutionnels de celui-ci. » (A. C.)
M. Devaux – Il y a une
omission dans cet article. On dit : « Un enfant mâle du chef de l'État, en
se mariant sans le consentement des chambres, perd le droit de succéder,
etc., » et on ne dit rien du chef de l'État lui-même qui se marierait sans
ce consentement ; et ensuite on dit : l'enfant mâle. Ne faudrait-il pas
dire les héritiers ? (U. B., 10 janv.)
M. le président
– Rédigez votre amendement. (U. B., 10 janv.)
M. Devaux – Voici,
selon moi, comment il faudrait dire :
« Le chef de l'État et ses
héritiers, en se mariant sans le consentement des chambres, perdent leurs droits
aux pouvoirs que leur délègue la constitution. » (U. B., 10 janv. et
A.)
M.
de Robaulx – Il faudrait dire : et les héritiers habiles à succéder au trône. (U. B., 10 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt trouve qu'il serait trop
rigoureux d'étendre la disposition au chef de l'État lui-même. Ce serait,
dit-il, le forcer à descendre du trône, et souvent il ne le pourrait sans
causer une révolution. On pourrait se contenter d'exclure du trône les enfants
issus du mariage contracté par le chef
de
l'État sans le consentement des chambres. (U. B., 10 janv.)
M. Destouvelles fait
observer que la question a été vivement débattue dans la section centrale, et
qu'on a été d'avis de dire un enfant mâle, pour
comprendre dans la même catégorie tous ceux qui pourraient être appelés au
trône.
Comme M. de
Theux, il trouverait trop rigoureux de forcer un roi à descendre du trône, s'il
s'était marié sans l'assentiment des chambres. (U. B., 10 janv.)
M. le comte de Quarré – La question est extrêmement
importante. On ne peut improviser une pareille discussion ; je propose de
l'envoyer l'article à la commission, et d'ouvrir la discussion sur l'article
suivant. (U. B., 10 janv.)
(page 53) M.
Devaux propose un nouvel amendement qui concilie son premier
amendement avec les observations de M. de Theux ; il est ainsi conçu :
« Tout héritier du chef de l'État, né d'un mariage non
consenti par les chambres, perd ses droits à la succession au trône. » (C., 9 janv., P. V. et A.)
-
Cet amendement est appuyé et développé. (P. V.)
M.
Raikem présente la rédaction suivante :
« Aucun membre de la famille du chef
de l'État ne peut parvenir au trône qu'autant qu'il est né d'un mariage
contracté avec l'assentiment des chambres. » (P. V., et A.)
M. Van Meenen propose une rédaction conçue en ces termes :
« Les héritiers directs du chef
de l'État en se mariant sans le consentement des chambres, perdent le droit de
succéder aux pouvoirs constitutionnels de celui-ci. » (A.)
M. Barthélemy voudrait que
l'on demandât le consentement des chambres pour le mariage de l'héritier
présomptif de la couronne. (C., 9 janv.)
Sur la proposition de M.
de Gerlache, l'art. 57 est renvoyé à la section centrale
pour s'entendre sur une nouvelle rédaction. (P. V.)
« Art. 38. Le chef de l'État, en Belgique, ne peut être en
même temps chef d'un autre État sans l'assentiment des deux chambres.
« Aucune des deux chambres ne pourra délibérer sur
cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont
présents, et la résolution ne sera adoptée qu'autant qu'elle réunira au moins
les trois quarts des suffrages. » (A. C.)
M. Pirmez – Messieurs, lorsque vous
fixez, dans une constitution forte, les limites du pouvoir royal et placer les
lois au-dessus de ses atteintes, le choix du monarque paraît au premier abord
de peu d'importance, puisque dans la réalité ce n'est pas lui, mais la loi qui
règne, puisque l'empire de la force matérielle et brutale, rendu désormais
impossible, a fait place à la souveraineté de la raison et de la justice, et au
triomphe des droits naturels de l'homme.
Si les peuples pouvaient encore vivre isolés, sans rapports
entre eux, sans appui mutuel pour leur indépendance, sans le commerce et
l'industrie, les premiers besoins et les plus grands bienfaits de la civilisation
moderne, certainement alors la personne du chef de l'État, considérée seulement
dans ses relations avec les citoyens, relations réglées par un mandat clair et
précis, nous serait indifférente, quels que
fussent d'ailleurs ses titres, sa famille, ses mœurs et son caractère.
Mais, messieurs, parce que nous ne
sommes pas seuls sur la terre, nous ne pouvons régler notre situation
intérieure sans égard à son influence sur notre situation vis-à-vis des autres
peuples. Notre force numérique, hors de proportion avec celle de plusieurs
puissances, notre position géographique, nos institutions, qui, menaçant sans
cesse les rois absolus, nous en font autant d'ennemis, la circonscription
étroite de notre territoire qui ne laisse aucun essor au commerce, à l'industrie
aucune activité, tout nous engage à nous unir intimement avec un grand peuple
qui nous précéda dans la carrière de la civilisation et de la liberté, dont les
mœurs, les institutions, le langage sont presque les nôtres, et dont l'exemple
et la sympathie nous aidèrent puissamment à accomplir l'œuvre de notre
régénération politique.
Louis-Philippe, roi des Français
et des Belges, me paraît être le lien le plus fort dont on puisse unir les deux
peuples sans porter atteinte à leur nationalité respective. Me proposant de
voter pour ce prince lorsque vous élirez le roi, je viens dès aujourd'hui vous
exposer les motifs de mon vote (à la question ! à la question ! bruit), motifs
qui militent en même temps pour le rejet de l'art. 38 actuellement en
discussion, lequel préjugerait absolument la question dans un sens contraire,
s'il était adopté.
Messieurs ; en proclamant
Louis-Philippe roi des Belges, nous obtenons tous les avantages d'une fusion
complète avec
Les Nassau, impuissants pour nous
nuire par eux-mêmes, ne renonceront pas facilement à leurs prétendus droits sur
notre beau pays. Vous les verrez longtemps encore, comme les Tarquins chassés de Rome, mendier les secours des autres
fois, fomenter leur haine contre notre révolution, la calomnier sans cesse, et
faire naître dans toutes les occasions des prétextes de guerre. On ne craint
pas sans doute les vaines démonstrations de leurs sujets, pour qui la blouse de
nos soldats est la tête de Méduse, et qui, retranchés dans leurs marais,
derrière les baïonnettes des Suisses, tremblent encore en nous menaçant.
Cependant ils ressaisiraient leur proie, messieurs, si
Dans les dernières années, la
prospérité croissante de nos manufactures a rassemblé sur notre sol un nombre
considérable d'ouvriers, à qui la perte du débouché des colonies, de celui de
Messieurs, sans un débouché vers
Les motifs de
l'article 38 du projet de constitution, qui exclut du trône tout chef d'un
autre État, peuvent être le désir de voir la couronne royale sur la tête d'un
Belge, la crainte que nos intérêt religieux ne soient compromis par
un contact immédiat (page 55) avec
S'il fallait décerner la royauté
comme une récompense nationale, je conçois
qu'alors nous pourrions élever sur le pavois, ou l'un de ces courageux citoyens
qui bravèrent le despotisme au faîte de la puissance, ou le frère d'un illustre
martyr de la liberté, ou le Lafayette de
D'une question de vie et de mort
pour le pays on fait une question de vanité ou, si l'on veut, de sentiment. Il
nous faut un prince belge, dit-on, un prince né parmi nous. Ici, messieurs,
pardonnez-le-moi, je ne vois que des mots, je n'entends que des sons qui, dans ce moment même
d'exaltation du patriotisme, disent peu au cœur et encore moins à l'esprit. Car quel est donc ce prestige du lieu de la naissance, auquel nos intérêts les plus positifs seraient impitoyablement sacrifiés ? Si à des motifs frivoles on pouvait opposer des considérations de peu de
poids, je vous montrerais, messieurs, le trône belge du descendant de saint
Louis et de Henri IV entouré du respect et de l'amour des peuples ; je
montrerais dans Louis-Philippe un prince éclairé, modeste, ami des hommes, que
ses vertus ont élevé au trône malgré ses liens de parenté avec un roi parjure ;
enfin je montrerais dans les titres de roi des Français et des Belges une
heureuse association de deux noms héroïques, l'expression d'une sorte de
confraternité de gloire entre deux peuples dont les hauts faits, unis dans
l'histoire, seront livrés ensemble à l'admiration de la postérité. Mais,
messieurs, pour vous convaincre, il faut de plus solides raisons. Ce n'est pas
parce que Louis-Philippe pourrait citer deux hommes vertueux dans une longue
suite d'ancêtres que vous le jugeriez digne de régner sur les Belges. Vous ne
ferez pas plus de cas de ses vertus comme homme privé, ni des vertus publiques
qu'à son avènement il s'est empressé d'étaler aux yeux de
Or, lorsque, après avoir consulté
les mœurs, les habitudes, les besoins de
On dit que les libertés
religieuses seraient compromises par une union intime avec
Plusieurs pensent que sous Louis-Philippe, roi des Français
et des Belges, Bruxelles serait privée d'une cour ; messieurs, à défaut
d'autres obstacles, attendez-vous toujours à voir l'esprit étroit de localité
venir se jeter au travers de vos plus graves délibérations. La patrie est
perdue si Bruxelles n'a pas de cour ! Mais qui vous dit que Bruxelles n'aura pas
de cour ? Louis-Philippe, roi des Belges, ne se fera-t-il pas naturellement
représenter à Bruxelles par un de ses fils comme vice-roi ? Et rien
empêche-t-il que vous n'établissiez la vice-royauté par une disposition
expresse de la constitution ? Ceux qui font dépendre la prospérité de Bruxelles
des profusions des courtisans trouveront-ils moins de luxe et de splendeur dans
la cour du fils du roi des Français que dans la cour d'un roi belge dont la
fortune privée, quelle qu'on la suppose, ne pourra jamais être comparée à celle
des ducs d'Orléans.
On veut nous effrayer de l'intervention étrangère. Messieurs,
il se forme une sainte alliance des peuples contre la tyrannie, car celle-là
seulement peut s'appeler sainte sans blasphème. De leur côté les rois se liguent
; au premier bruit de notre révolution, des masses énormes d'esclaves se sont
ébranlées dans l'Orient, prêtes à être déchaînées par leurs maîtres contre les
hommes libres dont ils ne peuvent, hélas ! juger la
cause, ni apprécier le bonheur. Quoi que nous fassions, nous ne déplairons pas
aux peuples nos alliés. Les peuples, étrangers aux calculs de la diplomatie, se
soucient peu de l'équilibre politique de l'Europe au, nom duquel ils étaient
autrefois vendus, échangés, légués comme des masses inertes. La balance
politique de l'Europe, système absurde et contre nature, a fait place
aujourd'hui à une autre balance, celle de la justice éternelle, qui compte pour
rien l'intérêt de quelques individus au prix du salut des peuples. Quoi que
nous fassions aussi, nous déplairons aux rois absolus, nos ennemis : car cet
équilibre de l'Europe, leur idée fixe, est déjà
rompu
par la séparation de
M.
Devaux – Je demande à faire une motion (page 57) d'ordre. Comme je vois que la discussion va s'ouvrir
sur le terrain où l'a portée l'orateur qui descend de la tribune, je viens
faire observer qu'il n'était pas du tout dans la question. Je l'avais cru
d'abord, mais bientôt je me suis aperçu qu'il n'y était pas. Son discours me
prouve en outre qu'il a fort mal lu le rapport qui nous a été distribué ce matin,
et que l'orateur a cru que l'art. 38 était le même que celui qui avait été
présenté primitivement. Dans le premier projet, le roi de
M. Jottrand et M. Van Meenen
appuient les observations de M. Devaux. (U. B., 10
janv.)
M. Delwarde soutient que M. Pirmez était dans la question, et que l'art. 38 étant adopté, le congrès ne pourrait plus choisir pour roi
Louis-Philippe Ier ; il propose de dire : sans l'assentiment du congrès et des deux
chambres. (U. B., 10 janv.)
Un membre demande d'ajouter au § 1er la disposition
suivante : « Néanmoins le congrès national peut déférer la couronne au
chef d'un autre État. » (A.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – Le congrès
pourra choisir le prince qu'il voudra ; mais lorsqu'il
sera sur le trône, il ne pourra accepter une autre couronne sans le consentement des chambres. (J. B., 10 janv.)
M. Trentesaux – Tout le monde est d'accord, si l'on convient que le
congrès n'est limité que par l'exclusion
des Nassau et qu'il puisse choisir, s'il veut, le roi des Français pour roi de
M.
Charles Rogier – Il faut que l'article soit clair
et précis, car il importe que, dans quelques années, l'on ne reproche pas au
pouvoir du chef de l'État une origine douteuse.
(U. B., 10 janv.)
M.
Surmont de Volsberghe – Il ne s'agit pas de
savoir maintenant si le roi de France pet être choisi pour roi de
M.
Claus – Je propose d'ajouter à l'art. 38 la disposition
suivante :
« Le présent article n'est point applicable au premier
choix du chef de l'État. » (P. V. et A.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII croit qu'il suffirait de
mentionner au procès-verbal que l'art. 38 ne concerne que le premier choix du congrès.
(C., 9 janv.) .
M. Raikem croit que
l'article n'a aucun rapport au choix du congrès, mais exclusivement au cas où le
chef serait déjà existant en Belgique. (C., 9 janv.)
M. Claus demande que son amendement soit discuté.
(C., 9 janv.)
-
Cet amendement est appuyé. (C., 9 janv.)
M. Claus le développe
et soutient que si l'article était adopté tel qu'il est, il y aurait doute sur
sa portée, et qu'on pourrait dire que le congrès serait lié. C'est pour faire
disparaître ce doute, dit-il, que je demande qu'on adopte mon amendement. (C., 9 janv.)
M. Raikem – La rédaction
de l'article ne parle que des deux chambres futures, comment veut-on
appliquer cela au congrès ? (C., 9 janv.)
M. Pirson pense qu'il
suffirait de mentionner la discussion au procès-verbal. (C., 9 janv.)
M. Van Meenen parle dans
le sens opposé à l'amendement de M. Claus qui est inutile, parce que l'article
suppose déjà l'existence du chef de l'État et de deux chambres. Il ne s'oppose
pas à la mention au procès-verbal. (C., 9 janv.)
M. Claus se
contentera aussi de la mention au procès-verbal et retirera son amendement si
cette insertion a lieu. (C., 9 janv.)
M. le baron Beyts croit qu'il
est nécessaire de faire la mention de l'incident, afin que si le congrès venait
à élire un roi qui portât déjà une autre couronne, il ne fallût pas faire
confirmer ce choix par les deux chambres futures. (C., 9 janv.)
M. Destouvelles réfute
l'opinion de M. Beyts par la considération qu'il va de soi que le congrès
souverain liera les deux chambres. (C., 9 janv.)
M. de Gerlache pour lever
tout doute, demande qu'on mette : le
chef de l'État ne
peut devenir, etc. (C., 9 janv.)
M. Devaux croit qu'il
y aurait inconvénient à changer la rédaction, car cela pourrait exclure à
toujours et sans exception l'avènement d'un prince déjà roi ailleurs, et qui
par la suite des temps pourrait être appelé au trône de
M. Van Snick demande
qu'on mette dans l'article : après la première élection. (C., 9 janv.)
(page 58) M. Jottrand – Ce serait l'objet
d'un article transitoire si l'on trouve qu'il y a lieu de l'admettre. (C.,
9 janv.)
- La proposition de M. Claus reste
sans suite ultérieure, et l'assemblée décide qu'il sera fait mention au
procès-verbal que lors de la discussion des articles transitoires il y sera
inséré une disposition établissant que l'art. 38 n'est point applicable au
congrès lors du choix à faire par lui, du chef de l'État. (P. V.)
M. de Tiecken de Terhove
demande l'impression et la distribution de ce procès-verbal. (U. B., 10
janv.)
- Cette demande n'est pas appuyée. (U. B., 10
janv.)
On passe au 2e paragraphe de l'art. 38 :
« Aucune des deux chambres ne pourra délibérer sur cet
objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont
présents, et la résolution ne sera adoptée qu'autant qu'elle réunira au
moins les trois quarts des suffrages. » (U. B., 10 janv. et A. C.)
M. Trentesaux demande
qu'on substitue les mots : les deux tiers des suffrages, aux mots : les
trois quarts des suffrages. (C., 9 janv.)
-
Cet amendement est adopté. (P. V.)
M.
Van Snick – Je demande que cet objet ne puisse être
discuté que les chambres réunies, pour éviter une disparate fâcheuse, si une
chambre décidait oui, et que l'autre décidât non. (U. B., 10
janv.)
- M.
de Gerlache, premier vice-président, remplace M. le baron Surlet de Chokier au fauteuil.
M. le président prie M. Van Snick de rédiger son amendement.
(U. B., 10 janv.)
M. Van Snick rédige son
amendement ; il monte à la tribune. (U. B., 10 janv.)
Un membre – Il faut
savoir d'abord si votre amendement est appuyé. (U. B., 10 janv.)
M. Van Snick déclare
qu'il n'est pas satisfait de la rédaction de son amendement, et demande
quelques instants pour en trouver une nouvelle. (U. B., 10 janv.)
M. le président –
En attendant, je propose au congrès d'entendre une communication de M. le
chef du comité des finances. (U. B., 10 janv.)
M. Charles de Brouckere, administrateur
général des finances, présente un projet de décret relatif aux droits d'entrée sur les fers.
M. le président – Le projet
et l'exposé des motifs seront imprimés et distribués. (U. B., 10
janv. et P. V.)
Une
voix – Il faut décréter l'urgence. (U. B., 10 janv.)
M. le président consulte l’assemblée,
qui décrète l'urgence. (P. V.)
Un membre – Je demande
le renvoi à une commission. (U. B., 10 janv.)
- Ce renvoi est ordonné ; chaque section nommera un de ses
membres pour faire partie de la commission. (P. V.)
M. Claus – L'objet de
la communication qui vient de nous être faite est de la plus haute importance.
Pour en bien juger, il est essentiel de prendre des renseignements sur les
lieux ; il faut connaître l'opinion de ceux que le décret intéresse plus
particulièrement ; il faut pouvoir leur en communiquer le projet. Pour tout
cela un seul exemplaire est insuffisant ; je demande que l'impression en soit
faite en nombre double, et qu'il en soit distribué deux exemplaires à chaque
membre. (U. B., 10 janv.)
- Cette
proposition est mise aux voix et adoptée. (U. B., 10 janv.)
(M. le président cède le
fauteuil à M. le baron Surlet de Chokier.)
M. Alexandre Rodenbach
– Je prie M. le président de lire la proposition que j'ai déposée sur le
bureau. (U. B., 10 janv.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, en donne
lecture ; elle est ainsi conçue :
« J'ai l'honneur de proposer au congrès de prier le comité
diplomatique de vouloir bien nous communiquer la dépêche qu'il a reçue cette
nuit, et qui est relative au chef de l'État.» (U. B., 10 janv.)
M.
le président – Vous venez d'entendre la proposition de M. Rodenbach ;
cette proposition est-elle appuyée ? (Oui ! oui !) (U. B., 10 janv.)
M. Alexandre Rodenbach
– Messieurs, le bruit court dans le public qu'une dépêche est arrivée
cette nuit au comité diplomatique. On dit qu'elle est relative au choix du
souverain. Dans les circonstances où nous nous trouvons, il est essentiel de
connaître tout ce qui est relatif à la question du souverain ; je demande donc
que la communication (page 59)
nous soit donnée de cette dépêche. (U. B., 10 janv.)
M. le président – Comment
sait-on qu'une dépêche est arrivée
? (U. B., 10 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Un des membres du
congrès m'en a dit le contenu. (U. B., 10 janv.)
M. le président – Dites-nous
alors ce qu'elle contient. (Bruit.) (U. B., 10 janv.)
M. Charles Rogier, membre du
gouvernement provisoire – Ces dépêches ont été lues à
la section centrale. (U. B., 10 janv.)
M. de Robaulx – Pourquoi
cette préférence pour la section centrale, et pourquoi ne pas les communiquer
directement au congrès ? (U. B., 10 janv.)
M. le président – Puisqu'il
faut s'expliquer là-dessus, je vais dire ce qui s'est passé. Cette nuit,
deux dépêches assez insignifiantes sont arrivées au comité diplomatique. On les a communiquées ce
matin à la section centrale, d'une manière officieuse, simplement pour lui demander
conseil, afin de savoir s'il conviendrait d'en donner connaissance aujourd'hui
au congrès et de renouveler la discussion d'une question qui a été renvoyée à
mardi prochain. La section à l'unanimité a décidé que, pour ne pas renouveler
la discussion, on n'en donnerait pas connaissance. Maintenant, si le congrès
veut les connaître, il le peut. (U. B., 10 janv.)
M.
Helias d’Huddeghem – Messieurs, il est
incontestable que la nation attend avec impatience le terme de nos
délibérations. Parmi toutes les questions que nous sommes appelés à résoudre,
aucune ne l'intéresse aussi vivement que celle du chef de l'État. La nation ne
l'ignore pas, l'intrigue se remue, elle étend au loin ses ramifications ; elle
cherche à agiter cette assemblée. Si des factions désirent prolonger nos
délibérations pour avoir le temps d'atteindre leur but, j'augure trop bien de
l'immense majorité de cette assemblée, pour croire qu'elle ne partage pas le
sentiment de la nation, et ne veuille décider le plus promptement possible
cette question importante. Cependant d'interminables délais, des incidents
continuels viennent entraver notre marche ; dans la dernière séance encore, une
conclusion, fruit de la plus mûre délibération de la section centrale, a été
renvoyée à mardi prochain pour être discutée encore ! Je désire que l'on ne
renvoie plus ainsi à une époque éloignée ce qui peut être adopté à l'instant
même ; que la majorité qui ne veut pas de ces délais se prononce et ne se
laisse plus traîner à la remorque par la minorité. Par là nous remplirons le vœu de nos commettants, nous mettrons un terme à la longue
crise où se trouve la nation, et nous préviendrons une catastrophe que nos
inconcevables délais rendront bientôt inévitable. (J. F., 10 janv.)
M.
Van Snick – On a semblé vouloir insinuer
que le congrès ne devait pas avoir communication des dépêches qui arrivent au
comité diplomatique. Si, dans les circonstances ordinaires, cela est vrai, dans
la position où nous nous trouvons, nous devons être instruits, jour par jour,
de ce qui se passe. (U. B., 10 janv.)
M. Delwarde –
Nous devons délibérer mardi sur la proposition de
M. Rodenbach : la communication faite à la section centrale pourrait nous
éclairer sur ce qu'il y a à faire ; je demande que la dépêche soit aussi
communiquée au congrès. (U. B., 10 janv.)
M.
Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – J'ai, en qualité de membre du comité diplomatique, pris connaissance
des deux lettres arrivées hier, et j'ai la conscience que le comité a fait ce
qu'il devait. Il en a donné connaissance à la section centrale, saisie de la
question. La section a pu être à même de juger s'il était convenable de les communiquer
au congrès. Vous devez apprécier les motifs du
comité qui l'ont engagé à ne pas faire la communication de ces lettres au
congrès avant mardi, afin qu'on ne puisse
pas l'accuser d'avoir voulu d'avance influencer sa décision. (U. B., 10 janv.)
M. de Robaulx – Dans un moment où une grande inquiétude règne dans tous les esprits, il est urgent pour nous, qui devons accomplir le grand œuvre dans l'intérêt de la nation, de connaître tout ce qui est
relatif au choix du souverain. Aussi ne suis-je pas de l’avis de M. Le Hon, et
ne pensé-je pas que le comité diplomatique dût s'arrêter à la section centrale.
Plus tard on pourrait dire que c'est la section centrale qui a empêché la
communication au congrès et la rendre seule responsable de la non-communication. (U. B.,
10 janv.)
M. Van Snick – On ne s'est décidé à renvoyer à mardi
que parce que d'ici là il pourrait arriver des dépêches, et aujourd'hui on veut
nous les cacher ! (U. B., 10 janv.)
M.
Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – On ne veut pas vous les cacher. (U. B., 10 janv.)
M.
Van Meenen – En se contentant de communiquer la dépêche à la section centrale, le comité diplomatique,
malgré ce qu'a pu dire M. Le Hon, a introduit un
fâcheux précédent. La (page 60) section
centrale a épuisé tous ses pouvoirs sur la proposition de M. Rodenbach ; que
dis-je ? il n'existe plus de section centrale quant à
cette proposition. Il n'y avait donc aucune raison de lui communiquer la
dépêche : au reste, dans ce moment, le bruit de cette communication est répandu
dans le public ; je pense que la réserve que l'on pourrait garder à cet égard
serait plus préjudiciable que la communication elle-même. (U. B., 10
janv.)
M. le président – Je l'ai déjà
dit, la communication n'a été faite à la section centrale, qui à la vérité
n'est plus rien, que d'une manière officieuse. En ma qualité de président de la
section, je n'ai pas demandé le secret, mais tous les membres m'ont offert
spontanément de le garder. Il paraît que quelqu'un a violé sa promesse, ce qui
prouve que dans une autre circonstance il serait inutile de le demander. (U.
B., 10 janv.)
M.
Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Je ne crains pas d'être mis en contradiction avec ce que j'ai
dit hier. Lorsque hier vous avez renvoyé la discussion à mardi, vous avez eu en
vue les dépêches qui pourraient arriver jusque-là, de la conférence de Londres
; eh bien ! je ne sais pas si on vous l'a dit, il
n'est rien arrivé de la conférence de Londres... (L'orateur est interrompu
par un tumulte spontané, tandis que M. le président parle à un membre monté au
bureau.) (U. B., 10 janv.)
M. Charles Le Hon, membre du
comité diplomatique – J'exerce un
droit quand je parle ; je vous serai obligé, M. le président, de me maintenir
la parole. (U. B., 10 janv.)
M.
le président – Pardon, monsieur, j'étais occupé à autre chose ;
parlez. (U. B., 10 janv.)
M. Charles Le Hon, membre du comité
diplomatique – Je disais,
et, nonobstant messieurs les interrupteurs, je le maintiens, qu'il n'est rien
arrivé de Londres. C'est M. Blargnies qui fit observer, hier, que mardi il
pourrait être arrivé de Londres une réponse à la note du 3 janvier, émanée du
comité diplomatique. C'est cette considération qui décida le congrès à renvoyer
la discussion à mardi. Eh bien ! il n'est rien arrivé
de Londres. Mais, dit-on, c'est de Paris. (U. B., 10 janv.)
M. Alexandre Rodenbach
– Nous ne le savons pas. (U. B., 10 janv.)
M. Charles Le Hon, membre du comité
diplomatique – Oui,
messieurs, c'est de Paris. Mais sont-ce des dépêches officielles ? Non, ce sont
des lettres confidentielles, des réponses contenant des détails extra-officiels sur des conversations tenues
à Paris. Quoique ces lettres ne fussent pas dans la ligne diplomatique, le
comité diplomatique a voulu les faire connaître à des hommes prudents, à des
membres du congrès, pour leur demander conseil. Qu'on ne dise pas que c'est un
précédent dangereux, que le comité diplomatique a voulu se décharger de toute
responsabilité sur la section centrale. Non, messieurs, on n'a pas voulu se
décharger d'une responsabilité quelconque, parce qu'il ne pouvait y avoir de
responsabilité quand il s'agissait de lettres plus qu'extra-officielles,
et de nature à ne pas vous être communiquées. N'importe, a dit le comité, il
faut les faire connaître, et comme il pourrait paraître indiscret de les
communiquer au congrès lui-même, contentons-nous d'en donner connaissance à
quelques membres, pour nous éclairer de leurs lumières. C'est par respect des
convenances, c'est, j'ose le dire, par respect pour l'assemblée elle-même, que
nous n'avons pas voulu nous exposer à faire cette communication. Messieurs, il
me semble qu'on est bien fort quand on se conduit de la sorte, et qu'on ne doit
guère craindre, ni de s'être mis en contradiction avec soi-même, ni d'avoir
établi de précédents fâcheux.
Maintenant, si le congrès veut qu'on lui communique les
lettres, il en est le maître ; j'approuverai tout ce qu'il fera à cet égard.
(U. B., 10 janv.)
M.
Jottrand, M. Alexandre Rodenbach
et
M. Van Meenen demandent la parole. (U. B., 10 janv.)
M. le président – Il y a
encore dix orateurs inscrits avant vous. (On rit.) (U. B., 10
janv.)
M. Fleussu – J'ai
l'honneur d'être membre de la section centrale, et je réponds ici, au nom de
tous ses membres, que pas un de nous n'a trahi le secret que nous avions promis
de garder. Ce qui m'étonne, c'est que l'on ait semblé insinuer que c'est
quelque membre de la section qui' a fait connaître la dépêche, tandis que c'est
un membre du comité diplomatique lui-même qui a révélé qu'une communication
avait été faite à la section centrale. Quoi ! le
comité diplomatique vient nous communiquer la dépêche, nous promettons de
garder le secret, et c'est lorsqu'on demande communication au comité
diplomatique (car M. Rodenbach a demandé que le comité fît la communication, et
non la section centrale), c'est alors, dis-je, qu'un membre du comité
diplomatique vient annoncer que communication a été faite à la section centrale
! L'arrivée de la dépêche est connue du public, c'est le secret de toute la
ville ; mais ce que le public ne savait pas, ce
qui (page 61) n'était pas
le secret de toute la ville, c'est que la dépêche eût été communiquée à la
section centrale. Je le répète, je suis étonné que ce soit un membre du gouvernement
qui ai fait connaître cette circonstance ; j'ai répondu par là à ce qu'a du dit
M. le président, et je l'affirme de nouveau, ce n'est aucun des membres de la
section centrale qui a trahi le secret. Maintenant, si le congrès décide que la
dépêche lui sera communiquée, je fa m'oppose à ce que la communication soit
faite au nom de la section centrale. (U. B., 10 janv.)
M. Jottrand – Messieurs,
il est une chose qui bien certaine... (U. B., 10 janv.)
M. le président – M. Jottrand,
vous n'avez pas la parole. (On rit. - M. Jottrand se rassied.)
(U. B., 10 janv.)
M.
Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire –
Messieurs, s'il est une chose incontestable, c'est que le comité diplomatique
n'a jamais eu de secret pour personne ; on lui a même a fait un reproche tout
contraire dans les cabinets étrangers. Qu'est-il donc arrivé qui puisse tant
étonner M. Fleussu ? Cette nuit, une dépêche est arrivée, elle contenait deux
lettres à M. le président du comité diplomatique ; on s'est demandé s'il
fallait les communiquer. Messieurs, notre position est assez embarrassante ; il
est, dans l'assemblée, certaines personnes d'une extrême susceptibilité, qui
semblent voir dans toutes les démarches du comité une tactique pour favoriser
des prétentions supposées, bien gratuitement, à quelques membres du
gouvernement. Or, nous savions que ces dépêches pouvaient influer sur les
décisions du congrès, et rendre inutile la démarche que l'on se proposait de
faire à Paris et à Londres. Dans cette position nous avons eu recours à la
section centrale. Quelle est votre opinion sur ces lettres ? lui
a-t-on demandé. Pensez-vous qu'elles doivent être communiquées au congrès ? Je
ne pense pas que le secret ait été demandé ; s'il l'avait été, ce serait sans
l'assentiment du gouvernement. Maintenant je ne sais pas si M. Fleussu peut se
porter fort pour tous ses collègues, mais il est certain que quelqu'un en a
parlé. Lorsque M. Rodenbach a fait sa proposition, j'ai dit que la
communication avait été faite à la section centrale, parce que personnellement
je ne voulais pas en faire un secret, et que je savais que telle n'était pas
non plus l'intention du gouvernement. Puisque la proposition est faite,
j'insiste le premier pour que la dépêche soit communiquée. (U. B.. 10 janv.)
M. le président consulte
l'assemblée, qui décide que les
lettres seront lues. (U. B., 10 janv.)
M.
le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique, monte à la
tribune. (Plusieurs députés quittent leur place et entourent la tribune ; un profond
silence s'établit.) – Messieurs, la communication qui va
vous être faite sort des règles ordinaires. Je désire que l'assemblée se
contente de la simple lecture que je vais lui donner des deux pièces que je
tiens et qu'elle n'en exige pas l'impression. (Marques d'assentiment.) (C., 9 janv.)
M. de Robaulx – Je m'oppose
à la lecture, si elle est faite de manière à ce que nous ne puissions
pas en garder le souvenir. (U. B., 10 janv.)
De
toutes parts – Non ! non ! lisez ! lisez ! (U. B., 10
janv.)
M.
de Robaulx – Je demanderai la parole après la lecture, s'il y a
lieu. (U. B., 10 janv.)
M. le président – Cela vaudra
beaucoup mieux. (U. B., 10 janv.)
M.
le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Le 3 de
ce mois, M. Rodenbach a fait, ainsi que vous vous le rappelez, une proposition
relative au choix du chef de l'État, qui a été renvoyée en sections et discutée
sur-le-champ.
Plusieurs sections ont fait mention du choix que l'on
pourrait faire du prince Othon de Bavière. Le comité diplomatique crut dès lors
devoir charger M. Gendebien , notre envoyé à Paris, de
pressentir le ministère français sur ce choix. Un courrier lui fut expédié
à cet effet.
M. Gendebien nous a répondu la lettre (Note de bas de page : Les journaux
ont seulement donné un résumé de cette lettre ; nous la publions
intégralement.) que je vais avoir l'honneur de vous lire :
« A M. le comte de
Celles, vice-président
du comité
diplomatique.
« Paris, le 5 janvier 1831, à neuf heures du soir.
« Monsieur le comte,
» Votre courrier, parti hier, est arrivé ce soir à
quatre heures ; je me suis empressé d'entrer en conférence avec Son Excellence
le ministre secrétaire d'État au département des affaires étrangères, comte Sébastiani.
« Sur votre première question, il m'a
fait l'honneur de me dire que
« Il m'a donné l'assurance
que le choix, par le congrès, du prince Othon, second fils du roi de Bavière,
serait agréé par le gouvernement de S. M. le roi Philippe Ier.
« Il a ajouté qu'il était
persuadé que l'alliance du roi futur de
« Quant aux limites territoriales, qui sont l'objet de votre seconde question, Son Excellence m'a répondu à peu près en
ces termes :
« Le langage du ministère français est d'autant plus rassurant pour nos chers compatriotes, qu'il serait au besoin
soutenu par
« Je désire, monsieur le comte, avoir répondu à l'attente du comité, et
vous prie d'agréer l'assurance de ma haute considération.
« A. GENDEBIEN. »
Telle est la lettre de M.
Gendebien, dit M. le comte d'Arschot ; la seconde pièce (Note de bas de page : Nous donnons également une copie textuelle de
cette lettre qui n'a été publiée qu'en résumé) à communiquer est celle-ci :
« A M. le comte de Celles, vice-président du comité diplomatique.
« Paris, le 6
janvier, onze heures du soir.
« Monsieur le comte,
« M. Gendebien, se trouvant accablé d'un mal de tête
très violent, me charge de répondre à la lettre que vous lui avez adressée par
le courrier extraordinaire parti de Bruxelles hier à trois heures, et arrivé
ici, aujourd'hui, à quatre heures du soir.
« La dépêche officielle que vous transmettez à M.
Gendebien a été ce soir même mise par moi sous les yeux de M. le ministre des
affaires étrangères qui, à son tour, a dû vers dix heures la communiquer au
roi. Le langage noble et ferme qu'y tient le comité diplomatique (Note de bas de page : note
verbale en réponse au protocole du 20 décembre), la dignité avec laquelle
nos droits y sont défendus, ont fait une vive impression sur M. Sébastiani, et l'on ne peut douter que le roi ne l'apprécie
de son côté. Le gouvernement français comprendra facilement que notre indépendance
ne serait qu'illusoire et passagère, si
« La mauvaise foi du roi Guillaume cause ici un profond
mécontentement et un vif sentiment d'irritation. On ne supporte (quand
je dis on, j'entends le ministère) que fort impatiemment que par son
insigne mauvaise foi et ses provocations continuelles il médite de rallumer une
guerre qu'on veut éviter à tout prix. S'il n'avait pas enfin consenti à la libre
navigation de l'Escaut, me disait tout à l'heure M. Sébastiani,
nous aurions bien su l'y contraindre d'accord avec l'Angleterre, et dix
frégates que nous aurions envoyées, s'il l'avait fallu, auraient bientôt rendu
le fleuve libre.
« La résolution prise par le congrès de s'occuper
immédiatement du choix de notre chef futur a été accueillie ici avec un
véritable sentiment de plaisir, et si les suffrages se réunissent sur le jeune
prince Othon de Bavière, il sera immédiatement reconnu comme roi ou grand-duc,
par la (page 63) France, ainsi que la régence qu'on lui adjoindra. M. Sébastiani
m'a dit que ce matin l'ambassadeur de Prusse lui avait donné l'assurance que sa
cour se prononcerait aussi sur-le-champ en sa faveur. »
« Quant au projet de demander
pour le prince Othon la troisième des filles du roi de France, M. Sébastiani ne prévoit pas d'obstacle à son accomplissement.
Le roi porte à notre Belgique un intérêt trop vrai et trop profond pour qu'il
se refuse à lui donner pour reine une de ses
filles, qui serait pour notre pays un gage de stabilité et de paix. »
« Durant mon entretien avec le ministre, j'ai» cru devoir chercher à connaître quelles seraient les dispositions du
gouvernement français relativement à notre commerce, et si nous pourrions espérer de conclure bientôt un traité avantageux qui faciliterait l'introduction en France de nos charbons, de nos fers,
de nos draps et de nos autres produits. Les assurances les plus positives m'ont
de nouveau été données par M. Sébastiani, que
« Notre politique bien entendue
n'est-elle pas, a-t-il ajouté, que
« J'étais en train de
questionner ; on était en épanchements, je continuai : « Vous n'ignorez pas,
monsieur le comte, lui dis-je, quel mouvement éclate dans plusieurs de nos
provinces en faveur de
« Voilà, monsieur le comte, un résumé assez fidèle de ma
conversation avec M. le ministre des affaires étrangères. J'ai cru devoir vous
la rapporter un peu au long, parce qu'elle peut servir à faire connaître la
pensée du cabinet français sur nos affaires.
« Il n'est peut-être pas inutile de vous dire ici
qu'aujourd'hui même l'ambassadeur de Russie à Paris a reçu de son gouvernement
ses lettres de créance auprès du roi Philippe, et qu'il lui sera présenté
demain en audience solennelle. Les dispositions de
« M. de Mortemart part dans
quelques jours en qualité d'ambassadeur extraordinaire auprès de la cour de
Saint-Pétersbourg ; vous savez qu'il a déjà rempli cette mission sous Charles
X, en la même qualité.
« Je ne terminerai pas cette longue lettre, monsieur le
comte, sans vous répéter de nouveau que nous pouvons compter sur l'appui et le
vif intérêt de
« Agréez, monsieur le comte, l'expression de mon respect
et de mes sentiments les plus distingués.
« FIRMIN ROGIER. »
(page 64) - M. le comte d'Arschot se prépare
à descendre de la tribune. (C.,
9 janv.)
M. de Robaulx – Je demande une seconde lecture de ces pièces. (Non ! non !
Réclamations générales.) Que nous puissions au moins avoir accès auprès de
ces lettres. (Non ! non ! Tumulte.) Comme une lecture fugitive ne me
suffit pas, je demande, si on ne veut pas d'impression, qu'au moins nous
puissions avoir accès auprès de ces lettres, et en prendre connaissance. (U. B., 10 janv.)
M. le président – Que chacun rentre en place. (On
se presse autour de la tribune.) (J. B.,
10 janv.)
M.
le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Si M. de Robaulx veut venir ce soir au comité diplomatique, il les lira
lui-même. (U. B., 10 janv.)
M.
de Robaulx – A la bonne heure. (U. B., 10 janv.)
M.
le baron Osy – Une des lettres qui viennent
d'être lues porte que, si le roi de Hollande n'avait consenti à l'ouverture de l'Escaut,
on aurait bien su l'y forcer. Je demande que le comité diplomatique nous dise
si le roi de Hollande y a en effet consenti, et qu'on nous mette sous les yeux
les pièces qui le prouvent. Un des membres du comité nous dit il y a quelques
jours que l'Escaut serait ouvert le 20 : qu'on nous dise sur quoi repose cet
espoir. (U. B., 10 janv.)
M.
le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Je n'en sais pas plus que ce qu'en dit la lettre. (U. B., 10 janv.)
M. le baron Osy – La lettre de M. Gendebien porte que, si le roi de Hollande n'avait
consenti à l'ouverture de l'Escaut, on aurait bien su l'y forcer. On croit donc
qu'il y a consenti, et cependant rien n'est moins vrai. (U. B., 10 janv.)
M. Van Meenen
– C'est M. Nothomb qui, dans un discours prononcé je ne sais plus sur quel sujet, assura que le
roi de Hollande se proposait de rouvrir l'Escaut le 20 janvier. (U. B., 10
janv.)
M.
le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – J'ai aussi entendu cette assertion de M. Nothomb, mais on peut parler à
la tribune et comme membre du congrès, et comme membre du comité diplomatique ;
je pense que dans cette circonstance M. Nothomb parlait comme membre du
congrès. (U. B., 10 janv.)
M.
Van Meenen – Tous les membres du comité
diplomatique parlèrent ce jour-là successivement. (U. B., 10 janv.)
M.
de Robaulx – Il doit y avoir une pièce, puisqu'on a répondu, à ceux qui demandaient si l'Escaut
serait ouvert de suite, qu'il le serait le 20. (J.
B., 10 janv.)
M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Je n'ai pas parlé en qualité de membre du comité diplomatique
; j'ai commencé par faire ma profession de foi au congrès, ensuite j'ai émis
quelques observations personnelles. J'ignore complètement si le roi de Hollande
a consenti à la levée du blocus. Si le ministre de France pense qu'il y a
consenti, c'est peut-être une erreur de sa part. Je déclare n'avoir vu aucun
document sur cet objet. Si on a parlé du 20, c'est d'après un dire, une
nouvelle. (J. B., 10 janv.)
M. le baron Osy – J'ai cru que M.
Nothomb avait parlé comme membre du comité diplomatique, en annonçant
l'ouverture de l'Escaut. On ne nous annonce jamais que des choses vagues. C'est
ainsi qu'on nous a annoncé d'abord que notre indépendance était reconnue sans
parler du protocole du 20 décembre. (C., 9 janv.)
M.
Destouvelles – Je crois, comme M. Le Hon, que ce n'est que par
erreur que M. Sébastiani aurait assuré que le roi de
Hollande a consenti à la libre navigation de l'Escaut. Mais puisqu'on s'est
servi de ces mots : « que dans le cas où il n'y aurait pas consenti, on aurait
bien su l'y forcer », il faut apprendre à M. Sébastiani
que l'Escaut n'est pas libre, pour le mettre à même de prendre les mesures
qu'il croit propres à y contraindre le roi de Hollande. (U. B., 10 janv.)
M.
Charles Rogier – Le comte Sébastiani
aura employé cette formule dans la conversation... (On se parle.) L'important
est que le congrès sache que si, le roi de Hollande ne levait pas le blocus, on
l'y forcerait. (J. n.. 10 janv.)
M. Brédart – Ce qu'il y a
de plus positif, c'est que les cinq puissances ont consenti un armistice dans
le but de faire cesser l'effusion du sang, qu'une des conditions en était la
libre navigation de l'Escaut, que
Plusieurs
voix – Oui ! oui ! oui ! (J. B., 10 janv.)
M. Brédart s'animant davantage – Nos
volontaires sont courageux, nous nous appuyons sur la nation française tout
entière. Je demande que l'armistice soit rompu. (Bruit sourd.) (J. B., 10
janv.)
M.
Marlet demande aussi
qu'on rompe l'armistice, parce que
M. Brédart – Le point capital est de nous emparer de la
rive gauche de l'Escaut, c'est là qu'est la liberté de l'Escaut. (J. B., 10
janv.)
M.
le comte d’Arschot rappelle l'orateur à la question. (J. F., 10 janv.)
M. Le Grelle – Lord Ponsonby a dit à M. Ellerman que l'Escaut serait ouvert le 20 janvier.
Attendons jusqu'à cette époque. (C., 9 janv.)
M.
Jottrand – A la bonne heure! Mais qu'après le 20 janvier on attaque
M. Seron fait
observer qu'il n'y a pas lieu à reprendre la guerre, puisque, par le fait, les
hostilités étaient reprises. Il faut, pour forcer le roi Guillaume à nous
rendre Anvers, s'emparer de
M. de Robaulx – On s'est aperçu depuis longtemps que
l'armistice n'est qu'une fiction pour arrêter nos succès. Il faut un terme aux
tergiversations; sans l'armistice nous aurions fait nous-mêmes les conditions.
Les journaux hollandais disent positivement que
M. le comte Duval de
Beaulieu – Je ne crois pas que dans une assemblée comme celle-ci, on décide de la
paix et de la guerre. Je voudrais que sans entrer en détail on décidât qu'un
délai sera fixé. (J. B., 10 janv.)
Des
voix – La
clôture ! la clôture ! (J. F., 10 janv.)
- La clôture est
prononcée. (C., 9 janv.)
M. le président prie MM. les rapporteurs des sections
de se trouver, à sept heures du soir, en section centrale, pour entendre les renseignements
que M. le ministre des finances donnera sur le budget. (J. F., 10 janv.)
M.
de Robaulx demande qu'on déclare l'urgence de la proposition de M. Pirson pour la
guerre. (C., 9 janv.)
M. Henri de Brouckere – La proposition de M. Pirson a déjà
été déclarée non urgente et renvoyée aux sections ; il n'y a pas de nouveau
motif pour changer cette décision. (J. B., 10 janv.)
M. Van Snick – Nous croyions alors que l'Escaut
serait ouvert le 20, aujourd'hui tout devient incertain. (J. B., 10 janv.)
M. Pirson – Comme
c'est ma proposition, je dirai que je ne tiens pas à ce qu'elle soit discutée
de suite. Je désirerais qu'elle le fût après la discussion sur le chef de
l'État et avant le 20 du mois. (J. B., 10 janv.)
M. Destouvelles –
Songez à la
responsabilité que nous assumons sur nos têtes en improvisant une déclaration
de guerre. (J. B., 10 janv.)
M.
Surmont de Volsberghe – Je ne vois pas qu'il y ait urgence; la
question de la guerre est majeure pour Anvers. Du reste, nous commençons à
acquérir à Londres et à Paris la certitude que le roi de Hollande sera forcé
d'exécuter l'armistice. (J. B., 10 janv.)
M.
Helias d’Huddeghem – Je demande qu'on fixe à demain la discussion de la
proposition de M. Constantin Rodenbach, sur le choix du chef de l'État. (U. B.,
10 janv.)
Plusieurs membres – Non! non! c'est fixé à mardi. (J. F.,
10 janv.)
M.
le président – Vous savez que le congrès a décidé qu'elle ne serait discutée que mardi. Beaucoup
de membres, comptant sur la fixité des idées du congrès, se sont absentés pour
demain ; vous ne voudriez pas qu'ils pussent nous accuser de leur avoir voulu
jouer un mauvais tour. (U. B., 10 janv.)
- La
proposition de M. Helias d'Huddeghem est rejetée. (U. B., 10 janv.)
M.
de Robaulx – En discutant la rupture de l'armistice, nous intimons un ultimatum à
- La
proposition de M. de Robaulx est mise aux voix et rejetée à la presque
unanimité. (J. B., 10 janv.)
Le
congrès décide qu'il y aura séance, demain dimanche, à une heure. (U. B., 10
janv.)
Le séance est levée à cinq heures. (P. V.)