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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 13 février 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 729) M. Troye procède à l'appel nominal à midi et demi.

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Troye présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Laurent présente des considérations en faveur de la réforme postale. »

-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme postale.


Par message du 12 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le budget des finances pour 1849.

- Pris pour notification.

Composition des bureaux de section

Les sections de février se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Dautrebande

Vice-président : M. de Renesse

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Vermeire


Deuxième section

Président : M. Cumont

Vice-président : M. de Pitteurs

Secrétaire : M. Coomans

Rapporteur de pétitions : M. Thibaut


Troisième section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Delehaye

Secrétaire : M. Mascart

Rapporteur de pétitions : M. Boedt


Quatrième section

Président : M. Destriveaux

Vice-président : M. Le Hon

Secrétaire : M. Lelièvre

Rapporteur de pétitions : M. Lesoinne


Cinquième section

Président : M. Tesch

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. A. Vandenpeereboom

Rapporteur de pétitions : M. Desoer


Sixième section

Président : M. Rousselle

Vice-président : M. Osy

Secrétaire : M. de Perceval

Rapporteur de pétitions : M. H. de Baillet

Proposition de loi visant à créer un fonds d’encouragement à l’agriculture

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proportion déposée hier par M. Sinave. Cette proposition, est ainsi conçue :

« A partir du 1er juillet 1849, il est décrété :

« 1° Un impôt de cinq pour cent sur le produit annuel des rentes de l'Etat;

« 2° Un impôt de cinq pour cent sur le produit annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle ;

« 3° Un impôt annuel de 15 p. c sur les droits de douanes;

« 4° Un impôt annuel de 2 p.c. du principal de la contribution des propriétés bâties et non bâties, augmentant progressivement de 2 p. c. par cent francs, à partir de cent francs jusqu'aux cotes les plus élevées.

« 2° Les rentes de l'Etat en propriété à des étrangers sont exempts de l'impôt.

« 3° Le propriétaires payant moins de cent francs de contribution foncière sont exempts de l'impôt, en observant les formalités prescrites par l'article 10.

« 4° Les revenus de ces impôts formeront un fonds spécial destiné à l'encouragement de l'agriculture.

« 5° Tout propriétaire qui s'obligera à cultiver à la bêche un terrain formant un ou plusieurs numéros de la matrice cadastrale et destiné exclusivement à la production des céréales, lins et autres produits à spécifier par arrêté royal, aura droit à une prime annuelle de 30 francs par hectare à partir de la récolte de 1850.

« Toute fraction de numéro du cadastre n'est pas admise.

« 6° Jouiront en outre d'une prime extraordinaire de 10 francs par hectare les propriétaires qui s'obligent à cultiver un terrain à la bêche et à y semer du froment ou du seigle avant l'hiver 1849.

« 7° Seront passibles annuellement et en sus de l'impôt fixé par l'article 1er § 4, de 20 p. c. du principal de la contribution foncière, tous les propriétaires qui, avant le 1er novembre 1851, n'auraient pas déclaré cultiver à la bêche, au moins 1/50 du total de leurs propriétés non bâties;

« 8° Les propriétaires mentionnés à l'art. 3 ne pourront profiter du bénéfice de la loi ;

« 9° Les dispositions des articles 5 et 6 ne sont point applicables :

« 1° Aux propriétés dans l'enceinte des villes;

« 2° Aux propriétés formant des enclos et situées dans des communes rurales et autres localités;

« 3° Aux propriétés livrées à la culture des plantes potagères et des jardinages.

« 4° Aux propriétés cultivées à la bêche au moment de la promulgation de la loi, ou à une époque antérieure.

« 10° Les demandes d'exemption de l'impôt d'après l'article 3 et celles d'obtention des primes fixées par les articles 5 et 6, doivent être déposées, annuellement et avant le premier novembre, à la maison communale et au bureau du receveur des contributions directes des communes où les terrains sont situés.

« Ces dernières doivent être accompagnées d'une déclaration indiquant :

« 1° Le numéro du cadastre de la partie de terre qu'on se propose de cultiver à la bêche.

« 2° Les fruits qu'on compte y semer.

«11° Des primes prélevées sur les mêmes fonds et dont le total ne peut excéder cent mille francs annuellement, seront accordées à tout navire national pour l'importation de guano, première qualité, destiné exclusivement à l'agriculture belge.

« Elles sont fixées comme suit pour l'année 1850 :

« 1° A vingt francs les mille kilogrammes pour les provenances directes sans rompre charge d'un lieu situé à l'occident du cap Horn et à l'orient du cap de Bonne-Espérance.

« 2° A dix francs les mille kilogrammes pour les provenances directes d'un lieu au sud de l'Equateur, à l'orient du cap Horn et à l'occident du cap de Bonne-Espérance.

« 12° Un arrêté royal réglera la forme des déclarations, la méthode et les conditions de la culture à la bêche, les formalités à observer relativement aux diverses primes, et la fixation des amendes, provisoirement jusqu'à la réunion prochaine des chambres.

« 13° Toutes les dispositions de la présente loi seront rendues exécutoires dans les formes prescrites en matière de contributions directes et enregistrement.

« 14° L'excédent de l'impôt, déduction faite des frais et des primes pourra recevoir une destination spéciale à déterminer par la loi. (Etablissement national de crédit). »

A quel jour M. Sinave désire-t-il développer sa proposition ?

M. Sinave. - Je demande un délai de 15 jours.

M. H. de Brouckere. - Je ne pense pas que l'intention de l'honorable membre, ni celle de la chambre soit de fixer les développements de la proposition à un jour déterminé ; car si ce jour-là nous avions une discussion entamée, nous ne pourrions intervertir l'ordre du jour pour commencer un autre objet. Je crois qu'il serait convenable de mettre la proposition à l'ordre du jour, sauf à fixer ultérieurement la séance dans laquelle on s'en occupera.

M. le président. - On pourrait la mettre à l'ordre du jour après le vote du budget de l'intérieur, sauf à fixer un autre ordre du jour, si M. Sinave n'est pas prêt.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Agriculture

Article 56

M. le président. - Nous sommes arrivés au littera nouveau H, de l'article 56. Ce littera se compose 1° des 43,000 fr., qui ont été distraits du crédit de 200,000 fr. pour animaux abattus ; 2° de 7,000 fr. qui ont été distraits d'un article précédent ; ce qui porte à 50,000 fr. le chiffre du littera affecté à l'enseignement agricole.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur demande une allocation de 50,000 francs pour organiser l'enseignement professionnel agricole. Cette demande d'allocation me semble avoir été introduite d'une manière peu régulière.

Il paraît que, lors de la présentation de son budget, M. le ministre de l'intérieur n'avait pas encore le projet d'organiser l'enseignement professionnel de l'agriculture; il n'avait rien demandé pour cet objet, et les sections n'ont pas eu à s'en occuper.

Ce n'est que plus tard, lorsque les sections avaient terminé leur travail et lorsque la section centrale était déjà réunie, que M. le ministre de l'intérieur est venu proposer de réduire de 43,000 fr. l'allocation portée au budget pour l'indemnité des bestiaux abattus. Cette allocation était de 200,000 fr. Par suite de l'observation de M. le ministre de l'intérieur, qui a été accueillie par la chambre lors du vote de l'article 52, elle a été réduite à 157,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur a proposé en même temps à la section centrale d'allouer les 43,000 fr. enlevés à l'article 52, pour organiser l'enseignement professionnel de l'agriculture.

Plus tard encore, lorsque la section centrale avait terminé son travail, lorsque la chambre avait déjà abordé l'examen du budget, M. le ministre de l'intérieur est venu faire une autre proposition. Il a dit à la chambre qu'il pourrait réduire de 7,000 fr. l'allocation de 75,000 francs, destinée au service vétérinaire; qu'il pouvait ainsi disposer, sans augmenter le budget, d'une somme de 7,000 fr. qui serait ajoutée à celle de 43,000 fr., pour l'enseignement professionnel de l'agriculture.

Les chiffres du budget paraissent d'une nature assez élastique, puisque M. le ministre peut leur faire subir toutes ces variations.

Je vous ferai remarquer, messieurs, que les réductions que M. le ministre de l'intérieur a opérées sur les articles 52 et 53 ne sont pas de véritables réductions. Les articles 52 et 53 comprennent des allocations éventuelles, dont la quotité dépend de faits sur lesquels le gouvernement n'a pas une action directe.

Vous avez réduit ces allocations. Mais cette réduction ne modifiera en rien les dépenses qui devront être faites.

Si vous aviez voté les chiffres primitifs, le résultat serait absolument le même. Le chiffre de la dépense dépendra de la quantité des bestiaux abattus, et des tournées que les artistes vétérinaires auront faites.

M. le ministre de l'intérieur a proposé ces réductions pour qu'il n'y eût pas, en apparence, d'augmentation aux propositions primitives du budget. Mais, en réalité, le chiffre de 50,000 fr. que l'on nous demande pour l'enseignement professionnel de l'agriculture, constitue une dépense nouvelle et non pas un transfert. Il y aurait transfert, si M. le ministre de l'intérieur pouvait garantir que les allocations portées aux article 52 et 53 ne seront pas dépassées. Mais il est impossible que M. le ministre de l'intérieur donne cette garantie. Je le répète, la dépense à faire pour les bestiaux abattus et pour le service vétérinaire tient à des faits qu'il ne dépend pas du gouvernement de modifier. C'est donc à tort que l'on présente l'allocation de 50,000 fr. comme un transfert. En réalité, c'est une dépense nouvelle.

Peu importe, du reste, transfert ou dépense nouvelle, la sollicitude que nous avons tous pour l'agriculture doit nous engager à voter le crédit, si nous avons la conviction qu'il sera employé d'une manière utile. Nous devons, sans hésiter, voter les 50,000 francs demandés par M. le ministre de l'intérieur, s'il nous est démontré que l'emploi qui sera fait de cette somme aura un résultat avantageux à l'agriculture. Mais c'est là une conviction que je n'ai pas, que je ne puis pas avoir, parce que M. le ministre de l'intérieur n'a donné à la chambre aucun élément d'appréciation.

Avant de demander ce crédit, M. le ministre de l'intérieur aurait dû faire connaître à la chambre les bases de l'organisation projetée. M. le ministre de l'intérieur demande 50,000 fr. pour organiser l'enseignement professionnel de l'agriculture ; pourquoi plutôt 50,000 que 100,000, que 200,000, que 25,000? On nous convie à voter en aveugles. On aurait dû, avant tout, dire en quoi consistera cet enseignement, où les établissements seront placés, combien il y aura de professeurs, quelles matières seront enseignées, quelles seront les conditions d'admission.

En votant les 50,000 francs sur les indications fort vagues contenues dans la lettre que M. le ministre de l'intérieur a adressée à la section centrale, nous nous exposerions, messieurs, à entraîner le pays dans des dépenses peut-être très considérables.

Vous savez comment les choses se passent : On commence par demander nés fonds pour créer des établissements; les établissements créés, les fonds se trouvent insuffisants; on vient alors demander des suppléments de crédits considérables. C'est ainsi que les choses se passent presque toujours. La chambre manquerait à son devoir si elle votait des fonds pour créer une institution, sans savoir en quoi cette institution consistera. L'honorable M. de Theux avait bien compris, en 1846, quel était le devoir du gouvernement ; l'honorable M. de Theux n'a pas commencé (page 731) par demander des fonds pour organiser l'enseignement agricole ; l'honorable M. de Theux a commencé par déposer un projet de loi. M. le ministre de l'intérieur commence par où il aurait fallu finir : avant de demander des fonds, il fallait déposer un projet de loi; il fallait mettre la chambre à même d'apprécier les bases de l'organisation de l'enseignement agricole.

Il est, d'ailleurs, messieurs, un article de la Constitution qui doit vous arrêter. L'article 17 porte que l'enseignement donné aux frais de l'Etat est réglé par la loi. M. le ministre de l'intérieur veut le régler lui-même ou le faire régler par un arrêté royal ; cette marche serait peu régulière; elle serait contraire à la Constitution.

Je le répète, messieurs, je suis disposé à voter pour l'agriculture toutes les allocations qui seront jugées utiles ; mais il faut que la chambre procède régulièrement ; il faut que le gouvernement mette la chambre à même de procéder régulièrement. Il faut que le gouvernement se soumette à la prescription de l'article 17 de la Constitution. Je demande que M. le ministre de l'intérieur, imitant son prédécesseur, commence par déposer un projet de loi, celui qui a été présenté par l'honorable M. de Theux étant considéré comme non avenu par suite de la dissolution des chambres. Que M. le ministre de l'intérieur déclare qu'il fait ce projet sien; s'il le croit susceptible de modifications, qu'il fasse connaître ces modifications ; ou bien qu'il dépose un nouveau projet. Nous examinerons ce projet avec toute la sollicitude que nous devons avoir pour l'agriculture; nous l'examinerons dans le plus bref délai possible, et s'il est voté, nous accorderons les sommes nécessaires pour le mettre à exécution.

Mais accorder des fonds aujourd'hui, alors que les bases de l'organisation ne sont pas connues, alors que la loi sur l'enseignement n'est pas votée, ce serait, comme je l'ai dit, s'exposer à entraîner le pays dans des dépenses peut-être trop considérables. Le projet présenté par l'honorable M. de Theux devait entraîner une dépense de 390,000 francs. La chambre ne peut pas entrer dans une voie dont on ne lui indique pas l'issue.

La section centrale, je lui en demande pardon, a eu tort de se contenter de la lettre très vague qui lui a été adressée par le département de l'intérieur. La section centrale dit dans son rapport « qu'elle espère que les bases de l'organisation de l'enseignement dont il s'agit seront convenablement étudiées et que l'on préviendra les mécomptes dont quelques mesures semblables ont été suivies. »

Il était bien plus sage d'attendre que les études eussent été faites, que les bases de l'organisation eussent été présentées à la chambre, avant de voter les fonds. C'est seulement ainsi qu'on aurait pu prévenir les mécomptes dont, comme la section centrale l'a dit avec raison, quelques mesures semblables ont été suivies.

M. Delehaye. - Messieurs, le sentiment que je professe pour l'agriculture ne peut être suspect pour personne; je n'ai jamais négligé aucune occasion pour montrer ma sympathie à l'égard de l'agriculture. Si le gouvernement veut venir, avec des subsides, en aide à cette grande branche de la richesse publique, il peut compter sur mon assentiment.

Mais la somme qu'on demande aujourd'hui, a-t-elle une portée bien utile? Je n'examinerai pas la question qui a été soulevée par mon honorable ami M. Delfosse, celle de savoir si pour organiser cet enseignement, il ne faudrait pas d'abord une loi; mais je me demande s'il peut résulter un grand avantage de l'organisation immédiate d'un enseignement agricole, organisé dans des fermes appartenant à des particuliers.

L'agriculture n'a pas dit son dernier mot chez nous ; il lui reste beaucoup à faire; dans la bonne voie où nous sommes entrés, nous obtiendrons des résultats très considérables. J'envisage ce que le gouvernement a fait, en organisant les comices agricoles, comme la meilleure mesure qu'on put prendre. De pareils comices, présidés par des hommes capables, intelligents et zélés, ne peuvent porter que d'heureux fruits.

Mais doit-il en être de même de l'organisation d'un enseignement agricole, au moins dans quelques parties du pays? Je n'hésite pas à dire que pour la portion de la Flandre que j'habite, l'enseignement agricole, tel qu'on l'entend, ne pourra pas produire des résultats très importants. Il est certain que dans la Flandre orientale, et je suis très persuadé qu'il en est de même dans la Flandre occidentale; il est certain qu'il n'y a pas de commune qui n'ait plusieurs cultivateurs , dont la culture ne présente des leçons en fait d'agriculture; partout on trouvera des fermiers plus instruits que ceux qui voudront s'ériger en professeurs, sans avoir acquis les connaissances pratiques.

Je parle de l'enseignement agricole appliqué à ma province. Je sais que ces professeurs connaîtront mieux la théorie, raisonneront mieux que nos cultivateurs ; mais je maintiens que ceux-ci en sauront plus que les premiers en fait de pratique. (Interruption.)

On me dit qu'il ne s'agit pas de professeurs. Je n'ai connaissance que d'un seul établissement qu'il s'agit d'organiser; ce n'est pas dans l'une des deux Flandres qu'il est question de le placer ; c'est dans le Limbourg. Eh bien, à cet établissement on veut adjoindre un professeur étranger. Cela peut être fort utile pour le Limbourg, mais c'est parfaitement inutile dans les deux Flandres.

Un professeur étranger qui viendrait dans les Flandres, ne connaissant ni la nature de notre sol, ni notre assolement, y serait très peu utile.

Qu'est-ce que la prudence, le désir d'économies nous commandent de faire? C'est de suspendre notre vote à l'égard de l'allocation demandée, jusqu'à ce qu'on nous ait dit ce qu'on se propose de faire.

Personne ne niera que l'Angleterre et l'Irlande sont très avancées en fait d'agriculture ; eh bien, des fils de fermiers de ce pays sont venus en Flandre, pour étudier sur les lieux la manière de cultiver le lin. Si dans les autres pays on a de la Belgique une opinion si favorable, je ne crois pas que dans certaines provinces nous soyons encore obligés de faire donner une pareille instruction.

Je reconnais, messieurs, que la partie de l'agriculture qui laisse à désirer, c'est l'élève du bétail. Eh bien, rien n'est plus propre à pousser à cette connaissance, que les comices, qui, composés d'hommes intelligents, zélés et en général favorisés de la fortune, feront tous les sacrifices, tous les essais pour imprimer à nos races bovines et autres, ces formes de beauté, d'élégance et de perfection que nous admirons tant en Angleterre.

Je désirerais, avant de voter sur ce chiffre, que le ministère nous dît où et de quelle manière il entend établir ces fermes-modèles, où l'on donnerait l'enseignement. Nous serions alors à même d'apprécier si les dépenses que l'on nous propose de faire sont bien de celles qui doivent avoir un résultat favorable.

Je désire que les explications puissent me permettre de donner un vote approbatif à l'allocation demandée; jusque-là je regrette de ne pouvoir adopter la proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je regretterais beaucoup que parmi les suppressions qu'un pourrait faire subir aux diverses allocations destinées à l'agriculture, figurât le littera destiné à encourager l'enseignement professionnel agricole. Je pense que c'est là une des dépenses les plus utiles qui figurent au budget.

A la rigueur, j'aurais pu continuer d'accorder des encouragements à l'enseignement agricole sans en faire mention au budget; je l'ai fait pour que la chambre fût avertie, que parmi les encouragements donnés à l'agriculture figuraient certains subsides à l'enseignement agricole si souvent recommandé. Je croyais avoir atteint un but louable, en trouvant le moyen, sans augmenter l'allocation générale de l'agriculture, de détacher cependant une somme assez forte en faveur de l'enseignement agricole.

L'honorable M. Delfosse pense que les diminutions opérées sur les articles 52 et 53 (indemnités pour bestiaux abattus et service vétérinaire) ne constituent pas une économie véritable. Eh bien, je puis déclarer que cette économie est réelle ; qu'elle est le résultat de mesures administratives prises dans le but de diminuer les dépenses résultant autrefois de l'abattage de chevaux et du service vétérinaire. J'ai la conviction que ces chiffres ne subiront pas une augmentation nouvelle, attendu, je le répète, que les réductions opérées sont dues à des mesures administratives qui ont eu pour but de réduite considérablement les dépenses occasionnées par l'un et l'autre de ces services.

J'ai déjà signalé les demandes qui ont eu lieu dans ces dernières années. Il est très probable qu'elles seront maintenues pour les années suivantes.

L'honorable M. Delfosse cependant, passerait sur ce transfert, s'il n'était pas retenu par des scrupules de légalité. Il pense que l'enseignement agricole doit être, comme tout enseignement donné aux frais de l'Etat, organisé par une loi. Mon intention n'est pas de laisser pour toujours dans la sphère administrative l'enseignement agricole.

Le moment viendra où nous aurons à discuter le régime définitif qui peut convenir à l'enseignement professionnel, à l'enseignement agricole. Mais en attendant qu'une loi soit votée, rien ne s'oppose à ce que le gouvernement dans la sphère administrative, introduise toutes les améliorations qui sont susceptibles de l'être immédiatement et sans une loi spéciale.

Ainsi, les encouragements administratifs à donner à l'enseignement agricole sont de deux sortes. Je me propose d'imputer sur cette allocation les subsides à certains établissements moyens qui ont demandé à s'adjoindre des cours agricoles. Je suis en arrangement avec plusieurs localités appartenant surtout aux contrées agricoles, pour les aider, par des subsides, à adjoindre à leurs collèges des sections agricoles. Voulez-vous que ces conventions avec les villes viennent à cesser ? Ce serait très regrettable.

Voilà le premier genre d’encouragement.

En second lieu, il y a des encouragement à donner à des propriétaires qui voudraient établir chez eux des écoles pratiques destinées surtout aux fils de fermiers, de cultivateurs. Il ne s'agit pas là d'instituer nous-mêmes des écoles pratiques; il s'agit d'accorder des subsides à des propriétaires qui s'en chargeraient.

Je dirai que, contrairement à l'opinion de l'honorable M. Delehaye l'établissement de ces écoles pratiques a été jugé utile et a été conseillé dans la Flandre orientale.

Dans la grande discussion dont nous venons de sortir, l'enseignement agricole a été réclamé comme une amélioration importante pour l'une et l'autre Flandre. On a demandé que je citasse des localités. Je pourrais en citer un grand nombre. Mais il y a une sorte de loyauté parlementaire qui m'empêche de lier ainsi, jusqu'à un certain point, les représentants de ces localités. Je citerai cependant Gand où je me propose de subsidier une école d'horticulture.

Ici, c'est un propriétaire qui veut établir une école de mécanique agricole. Ailleurs, ce sont des propriétaires qui consentent à joindre à leurs propriétés rurales une école pratique d'agriculture; non (page 732) pas une école établie sur une grande échelle, mais une école où l'on instruirait dix ou douze jeunes gens. On leur donnerait l'enseignement pratique avec ce qu'il faut de théorie pour devenir de bons directeurs d'établissements ruraux.

Il y a des localités forestières, qui ont demandé à adjoindre à leurs collèges des cours forestiers. J'accorderai des subsides pour encourager cette extension donnée à l'enseignement.

J'espère, qu'avec cinquante mille francs, nous pourrons suffire à tous les besoins, à toutes ces promesses de concours.

Si le chiffre était rejeté comme allocation spéciale, je demanderais qu'il fût maintenu comme encouragement général à l'agriculture; qu'on ne privât pas l'agriculture de ces cinquante mille francs que je suis parvenu à économiser sur le chiffre des bestiaux abattus et du service vétérinaire. Il ne faudrait pas que l'agriculture souffrît de ce transfert que j'avais voulu opérer pour l'enseignement professionnel.

Plus tard, il faudra (je le reconnais avec l'honorable M. Delfosse), que l'enseignement à tous les degrés soit réglé par la loi. Je n'entends pas soustraire l'enseignement agricole à la sanction législative. Ce qui est proposé, ce sont des essais tentés par voie administrative; quand ils auront produit des résultats, nous pourrons les consacrer par la loi. Je crois très sage de procéder ainsi : la loi ne doit que consacrer les faits accomplis, et qui ont reçu la sanction de l'expérience. Mais faire législativement de l'enseignement agricole à priori, ce serait s'exposer à beaucoup de désappointements, de déboires pour les administres et, à beaucoup de dépenses pour l'Etat.

Après avoir exposé dans quelles limites, à quelles conditions le subside de 50 mille fr., sera dépensé, j'espère que la chambre voudra bien ne pas arrêter par un veto auquel je ne pouvais m'attendre, les négociations commencées avec un assez grand nombre de propriétaires.

Déjà sur le chapitre de l'instruction, il est consacré certaines sommes à l'enseignement agricole. Jamais on n'a reproché au ministre de l'intérieur d'avoir encouragé l'instruction agricole, en l'absence d'une loi. J'ai régularisé des faits accomplis. Puis, j'ai étendu les faits existants à d'autres établissements.

J'ai compris l'enseignement agricole dans les matières d'enseignement des écoles normales de l'Etat. Je n'ai pas cru devoir demander une loi pour étendre l'enseignement agricole à l'instruction primaire. La chambre a beaucoup de travaux, et il me semblerait difficile qu'elle abordât, dans le courant de cette session, la discussion d'une loi sur l'enseignement agricole. Si donc il fallait attendre ce la loi, ce serait un an ou deux de perdus.

Lorsque dans tout le pays, il y a un élan vers le progrès agricole, que le gouvernement est sollicité de toutes parts pour aider ce progrès, je demande que la chambre me permette de continuer, ne fût-ce qu'à titre d'essai, ce qui a été si heureusement commencé.

M. Delehaye. - M. le ministre de l'intérieur vient de donner à sa proposition une portée tout autre que celle qu'elle avait d'abord.

Que doit-on organiser à Gand? Un enseignement horticole. Je conçois qu'il y ait, à Gand, plutôt qu'ailleurs, un établissement de ce genre. Qu'enseignera-t-on dans cet établissement ? Ce ne sera pas l'agriculture ; ce sera l'horticulture. Que se propose-t-on d'y faire? On se propose d'y créer ce qui manque dans tout le pays, de bons jardiniers. Ceux qui ont été dans le cas d'avoir besoin de bons jardiniers, savent combien il est difficile d'en trouver un qui sache bien son métier. En formant de bons jardiniers, on rendra un grand service à l'horticulture. Je remercie le gouvernement d'en avoir conçu l'idée.

Mais les comices, tels qu'ils sont organisés, constituent un enseignement agricole très utile. C'est un enseignement mutuel, permanent. L'organisation des comices a pour but un enseignement agricole, qui n'est pas seulement théorique, mais pour lequel la théorie se joindra à la pratique. Une institution de cette nature doit avoir d'excellents résultats.

Je n'ai pas voulu provoquer, de la part du gouvernement, une explication sur les localités dans lesquelles il se propose d'organiser l'enseignement agricole. Mais j'ai appris que, dans une certaine province, on voulait attacher à une exploitation, un professeur étranger. Je crains que cela n'entraîne le gouvernement dans des dépenses excédant la somme mise à sa disposition. Je ne dis pas que ce ne soit pas bon ; mais avant de voter le subside, j'aurais voulu avoir des renseignements sur l'emploi qui en sera fait.

Il y a une autre partie défectueuse dans l'enseignement agricole, c'est l'arboriculture. Je voudrais que tous les instituteurs communaux eussent des connaissances en arboriculture, qu'ils sussent élever et greffer des arbres. C'est précisément ce qui leur manque.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a précisément une convention avec un propriétaire, dans le but d'y pourvoir.

M. Delehaye. - Puisqu'il en est ainsi, je voterai le subside.

Mais si le crédit avait eu pour objet la création d'établissements sur une grande échelle dans les Flandres, je n'aurais pu y donner mon assentiment, avant de connaître le mode d'après lequel se donnerait l'enseignement.

M. le président. - M. Jullien propose par amendement de libeller ainsi le paragraphe en discussion : « Subsides et encouragements peur renseignement professionnel de l'agriculture : 50,000 fr. »

M. Jullien. - Il résulte des explications données par M. le ministre de l'intérieur, que son département n'entend pas organiser, d'autorité et sans la participation des chambres, l'enseignement professionnel de l'agriculture. Il en résulte que M. le ministre de l'intérieur n'a pour le moment que l'intention d'accorder, à titre d'essai, des subsides à des écoles-pratiques d'agriculture.

Je pense, messieurs, que nous sommes tous convaincus de l'utilité de semblables subsides ; je ne m'attacherai donc pas à la justifier.

C'est pour dissiper les scrupules de légalité qui ont paru arrêter l'honorable M. Delfosse, que j'ai cru devoir vous proposer un amendement qui tend à changer le libellé du littera H de l'article 56. Ce libellé mettrait à la disposition du gouvernement une somme de 50,000 fr. à titre d'encouragements et de subsides seulement pour l'enseignement professionnel de l'agriculture. De cette manière la question de constitutionnalité restera sauve.

Puisque j'ai la parole, je me permettrai de renouveler à M. le ministre de l'intérieur la prière que je lui ai faite dans une de nos dernières séances de vouloir nous dire si le Luxembourg obtiendra dans la répartition des subsides dont nous nous occupons, une part proportionnée à l'importance de ses besoins agricoles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas d'inconvénient à la rédaction proposée par l'honorable M. Jullien, en ce qu'elle ne fait que préciser l'idée que j'ai exprimée.

Je dois cependant faire remarquer à l'honorable M. Jullien que cette modification introduite dans le littera, ne se produira pas dans le texte même de la loi. Mais je considère cette mention comme un lien moral.

Tout à l'heure j'ai dit pourquoi je m'abstenais d'indiquer les localités avec lesquelles j'étais entré en arrangement pour l'établissement de divers cours agricoles, horticoles, forestiers, de mécanique agricole, etc. Je crois que la chambre doit me savoir gré de ne pas faire une sorte d'appel aux représentants de ces différentes localités. Je désire que le vote que vous allez émettre soit parfaitement libre et désintéressé. L'honorable M. Jullien n'ignore pas d'ailleurs qu'on est en négociation avec une localité du Luxembourg pour y établir des cours forestiers. La question a été traitée administrativement. Elle est soumise en ce moment à une commission chargée de la révision du code forestier.

M. de Theux. - Mon intention était également de demander s'il ne s'agissait que de simples subsides, et s'il ne s'agissait pas de conventions qui auraient pu lier la chambre et le gouvernement pour l'avenir.

S'il ne s'agit que de subsides à distribuer annuellement, ils sont toujours révocables par suite des modifications que subit le budget, et il n'y a pas d'inconvénient à accorder la somme qui est demandée.

Mais s'il s'agissait de conventions à faire avec des propriétaires qui s'engageraient à faire telle ou telle expérimentation, alors la question changerait complètement de face. Dans cette seconde hypothèse, j'aurais voulu que les projets de convention fussent soumis à la section centrale et que les membres pussent en avoir connaissance : mais il n'aurait pas été nécessaire pour cela d'indiquer les personnes avec lesquelles il s'agissait de traiter.

Du moment qu'il ne s'agit que de subsides qui sont des sommes essentiellement temporaires, je n'ai plus d'objection à faire ; d'autant plus que lorsqu'on réglera par une loi l'enseignement agricole, il s'agira d'examiner s'il convient de continuer ces subsides.

M. d'Elhoungne. - Je pense avec l'honorable préopinant que s'il s'agissait d'établir un enseignement agricole dirigé et payé par l'Etat, il faudrait, aux termes de la constitution, un projet de loi pour régler cet enseignement. Mais comme il ne s'agit que d'accorder au gouvernement un crédit qui lui permettra de subsidier l'enseignement agricole privé, c'est-à-dire les établissements privés où l'agriculture sera enseignée, je pense, avec cet honorable membre, qu'il ne peut plus exister aucun scrupule de légalité.

Toutefois, je ne partage pas, messieurs, la crainte exprimée par l'honorable M. de Theux, en ce qui concerne les conventions à faire entre le gouvernement et les personnes qui se chargeront de créer des établissements d'enseignement agricole. Car, si mes souvenirs sont exacts, un projet pour les conventions de cette nature a été arrêté par le gouvernement et imprimé, il y a quelque temps, au Moniteur; ce projet de convention est donc parfaitement connu; il est facile, dès à présent, de l'apprécier.

Ce qui m'a engagé à demander la parole, ce sont les allégations de mon honorable ami M. Delehaye.

Dans le premier discours qu'il a prononcé, mon honorable ami a déclaré que l'enseignement agricole était parfaitement inutile dans les Flandres et particulièrement dans la Flandre orientale, où la pratique de l'agriculture est arrivée à un tel degré de perfection qu'il n'y a pas de garçon de ferme, selon lui, qui ne puisse servir de professeur, bien loin d'avoir à recevoir des leçons.

Messieurs, le second discours de mon honorable ami est déjà la meilleure réfutation du premier. En effet, il a dû reconnaître que l'enseignement avait beaucoup à faire en Flandre, non seulement pour l'horticulture, mais encore pour l'arboriculture et pour la culture des plantes fourragères (Interruption.)... maraîchères ? Eh bien, j'ajouterai, moi, la culture des plantes fourragères, qui est, dans les Flandres, dans un état bien constaté d'imperfection. J'ajouterai encore l'élève du bétail qui n'a pas atteint, dans les Flandres, le degré de perfection que l'état de la culture commande et semblerait faire supposer. J'ajouterai enfin la mécanique agricole, qui, dans ses parties même les plus simples, est à peu près ignorée dans les Flandres.

(page 733) Mon honorable ami s'est donc trompé. L'enseignement de l'agriculture est réclamé par tous les hommes pratiques, par tous les hommes éclairés, dans les deux Flandres comme dans les autres parties du pays. Ce sera un véritable bienfait pour nos provinces; rien ne contribuera mieux dans l'avenir à améliorer leur triste position.

Mon honorable ami d'ailleurs a fait remarquer qu'il admettrait le subside demandé par le gouvernement, pour autant qu'il doit s'appliquera l'institut d'horticulture dont le gouvernement se propose d'encourager l'érection à Gand.

Or, il est évident que si l'argument qu'il a fait valoir contre l'enseignement agricole est fondé, à plus forte raison devrait-il l'être à l'égard de l'enseignement horticole. Car je ne pense pas qu'il y ait de ville où l'on cultive avec plus de perfection les plantes d'agrément, les plantes rares, qu'à Gand.

L'argument de mon honorable ami, quand on le réduit à sa plus simple expression, revient à ceci : c'est que dans les pays où l'on sait lire, on n'a plus besoin d'écoles. [Interruption.)

Vous ne voulez pas d'enseignement agricole dans les provinces où l'agriculture est arrivée à un haut degré de perfection : N'est-ce pas comme si vous disiez qu'il ne faut plus d'enseignement primaire là où l'on sait lire?

Je ne partage pas davantage, messieurs, les préventions de mon honorable ami contre les fermes-écoles que le gouvernement encourage de ses subsides. Je pense que ces écoles toutes pratiques, réduites d'ailleurs aux proportions les plus modestes, et qui sont calquées sur les établissements analogues qui fonctionnent en Allemagne avec succès, rendront de très grands services. Elles n'engageront pas non plus le gouvernement dans de grandes dépenses, comme mon honorable ami le suppose erronément ; sous ce rapport, elles n'auront pas les inconvénients qu'aurait l'enseignement agricole dirigé exclusivement par l'Etat. Car, si je ne me trompe, les conditions que M. le ministre de l'intérieur a posées, sont toutes extrêmement modérées, empreintes d'un véritable esprit d'économie.

Enfin, messieurs, je ne partage pas l'aversion de mon honorable ami pour les professeurs étrangers. Je crois que si le gouvernement rencontre un établissement d'enseignement agricole ou d'enseignement horticole dont le propriétaire fait venir à grands frais des professeurs étrangers, afin de compléter ainsi par l'expérience des autres pays les connaissances qui se sont déjà développées chez nous, ce doit être un motif de plus d'accorder un subside. Le gouvernement doit plutôt encourager l'établissement où l'on réunit des professeurs étrangers chèrement payés, que celui où l'on n'aurait que des professeurs très imparfaitement formés en Belgique à la théorie et à la pratique les plus avancées de l'agriculture.

M. Delfosse. - Messieurs, l'amendement présenté par l'honorable M. Jullien et les explications qui viennent d'être données, me permettent de voter le chiffre de 30,000 francs.

J'avais d'abord cru et la rédaction du gouvernement m'autorisait à croire qu'il s'agissait de créer, pour compte et aux frais de l'Etat, des établissements d'instruction agricole. Cette création aurait pu nous entraîner dans des dépenses trop considérables, en faveur desquelles on n'aurait pas manqué d'invoquer plus tard les faits accomplis.

J'étais, en outre, arrêté par l'art. 17 de la Constitution. Mais puisqu'il ne s'agit que de subsides à accorder à des établissements privés, toutes mes objections disparaissent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vois avec plaisir que mes explications satisfont l'honorable M. Delfosse et l'honorable M. Delehaye. Mais je dois répondre un mot à 1 honorable M. de Theux.

L'honorable député de Hasselt demande si des conventions ont été faites avec les propriétaires, et si ces conventions doivent lier l'Etat au-delà du budget annuel. Je dois répondre affirmativement à cette question. Il est impossible que de pareilles conventions n'aient que la durée d'une année. Les propriétaires avec lesquels le gouvernement entre en arrangement doivent faire des dépenses; ils doivent approprier des bâtiments pour le logement d'un certain nombre de jeunes gens ; s'ils n'ont pas la certitude de voir le subside se continuer pendant plusieurs années, ils ne se soumettront pas à ces dépenses. J'ai, messieurs, publié à cet égard, par la voie du Moniteur, une formule renfermant des projets d'arrangement avec les propriétaires, et un des articles, l'article premier, prévoit un engagement pendant un espace de plusieurs années.

Il le faut bien, messieurs; je ne pourrais rien faire, s'il m'était interdit ici d'engager le gouvernement pour plus d'une année; aucun propriétaire ne voudrait faire les dépenses de premier établissement ; mais la chambre peut être assurée que les conventions sont faites de la part du gouvernement, avec la plus grande réserve, que le gouvernement n'engage le trésor que dans des limites très étroites pour chaque établissement; la preuve, messieurs, c'est que nous ne demandons que 50,000 fr. pour les neuf provinces : en ne supposant qu'une école par province, ce serait 5 à 6 mille francs par école, et plusieurs écoles n'exigeront pas même une pareille dépense.

Voilà, messieurs, la réponse que j'avais à faire à l'honorable M. de Theux.

M. Delfosse. - La loi de comptabilité indique pour quelle durée le gouvernement peut contracter des engagements; si le gouvernement se renferme dans les limites de la loi de comptabilité et s'il ne dépasse pas annuellement la somme de 50,000 fr., il n'y aura pas d'objection à faire.

M. de Theux. - D'après les explications de M. le ministre de l'intérieur, il est clair, messieurs, que son intention est de s'engager pour un certain nombre d'années. Je dois faire observer que ces engagements seraient dans tous les cas subordonnés à l'allocation des fonds par les chambres. Nous avons un exemple à cet égard dans ce qui s'est passé hier pour la garance. D'après une décision prise par la chambre, le gouvernement n'avait accordé des primes pour la culture de la garance que sur un rapport spécial suivi d'un vote spécial; néanmoins, on a soutenu hier non seulement qu'îl n'y avait pas un engagement formel, mais qu'il n'y avait pas même d'engagement moral. (Interruption.)

J'ai soutenu qu'il y avait un engagement moral (nouvelle interruption.) Il s'agit ici d'un objet tout à fait différent.

Il me paraît incontestable, messieurs, que le gouvernement ne peut, quant à l'enseignement agricole, s'engager pour plus d'une année que sauf allocation des fonds par la législature. J'ai pris des renseignements à cet égard auprès de M. le rapporteur et il m'a dit que c'est bien dans ce sens que la section centrale alloue le subside. Il a même ajouté qu'il a rédigé la partie de son rapport qui concerne cet objet en termes très restrictifs, précisément parce qu'il ne voulait pas que ce rapport pût engager la chambre lorsqu'elle aurait voté le crédit.

J'ai cru, messieurs, devoir présenter ces observations pour que la position fût nettement dessinée. Si le gouvernement veut que la chambre soit liée, je pense qu'il doit demander un crédit pour plusieurs années.

M. David. - Messieurs, la mécanique agricole a fait fort peu de progrès en Belgique jusqu'à présent; l'honorablet M. d'Elhoungne vient de nous dire que dans les Flandres même les ustensiles aratoires laissaient beaucoup à désirer. Un excellent moyen pour précipiter le progrès de celle partie de l'industrie agricole, serait à mon avis que le gouvernement fît exposer dans tous les concours locaux des comices et sociétés agricoles, les ustensiles aratoires perfectionnés pour lesquels nous allouons des fonds. Ainsi, dans la même année, toutes les localités de la Belgique seraient pour ainsi dire mises à même d'examiner et de copier les nouvelles inventions que le gouvernement aurait achetées à l'étranger ou qui auraient été faites dans le pays. M. le ministre m'a promis tantôt d'employer ce moyen ; je demanderai qu'il veuille en prendre l'engagement, au nom du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cette question s'écarte un peu de celle qui nous occupe. Mais je me fais un plaisir de répondre à l'honorable M. David que son idée me paraît bonne et d'une exécution facile. Elle consiste à créer un musée pour ainsi dire ambulant, afin de mettre à la portée des agriculteurs, qui ne peuvent pas tous se rendre à Bruxelles, les instruments aratoires perfectionnés. Il serait d'autant plus facile d'exécuter cette idée, que l'administration du chemin de fer pourrait transporter sans frais les instruments dans les diverses localités.

Je ne puis pas accepter, messieurs, les restrictions apportées par l'honorable M. de Theux au vote du crédit demandé pour encourager l'enseignement agricole. Ce crédit a le caractère de toutes les allocations du budget. Il y aura entre le gouvernement et les propriétaires qui se chargeront d'établir des écoles pratiques, un engagement de plusieurs années; la chose ne peut se faire autrement. Sans doute la chambre est omnipotente ; elle peut, par un vote, l'année prochaine, détruire l'effet des engagements pris par le gouvernement ; cela est évident; on aurait beau insérer le contraire dans les conventions ; les chambres restent parfaitement maîtresses de ne pas voter la dépense.

Seulement, il résultera de ces conventions un lien moral que les chambres respecteront, si le gouvernement a tenu une bonne conduite administrative. S'il avait été commis des abus graves, je crois que la chambre aurait le droit de refuser tout ou partie de l'allocation, pour avertir le gouvernement et le faire rentrer dans la bonne voie; mais, je le répète, ce subside a le caractère de toutes les allocations portées au budget, c'est un engagement moral. Nous promettons des primes pour l'amélioration de la race chevaline, pour l'amélioration de la race bovine ; les provinces font des règlements, comptant sur les primes du gouvernement, bien que ces primes soient simplement budgétaires. Si ces primes étaient supprimées l'année suivante, on pourrait dire que le gouvernement manque à ses engagements envers les provinces; mais les provinces comme les particuliers, ne contractent avec le gouvernement que sous la foi du bon sens et de la justice des chambres et sous la réserve de leur vote approbatif.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à l'honorable M. de Theux. Je déclare que mon intention est d'engager le gouvernement pour plusieurs années, parce que, sans cela, il serait impossible de trouver des propriétaires qui voulussent faire des frais de premier établissement, et appeler des professeurs de l'étranger. A cet égard, je dirai qu'il faut, au besoin, pouvoir appeler à soi la science ou de l'Allemagne ou de la France, ou de tout autre pays, lorsqu'on peut l'y trouver et qu'elle manque chez nous dans telle ou telle spécialité. Nous avons, au surplus, formé des jeunes gens qui pourront être appelés dans ces nouveaux établissements.

Un jeune Belge distingué qui a perfectionné ses études en France, a été chargé par moi de se mettre en rapport avec tous les propriétaires qui se proposent de faire des conventions avec l'Etat. C'est à la suite de son rapport que je pourrai prendre une détermination définitive avec un certain nombre de propriétaires.

- Le chiffre de 50,000 fr. du litt. H, tel que M. Jullien propose de le libeller, est mis aux voix et adopté.

MpV. - Nous revenons à l'article 56 qui est devenu (page 734) l'article 55. D'après les votes provisoires qui ont eu lieu sur les divers litteras, la somme totale est de 288,300 fr.

- Ce chiffre est adopté.

M. Prévinaire, rapporteur. - Mais la section centrale avait proposé de transformer les divers litteras de cet article en articles distincts.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai combattu hier cette proposition.

M. le président. - Hier, il s'est agi du point de savoir si les litteras de cet article seraient transformés en articles; la chambre s'est occupée de cela au début de la discussion.

M. Delfosse. - Il y avait deux propositions : celle de la section centrale, qui consistait à faire de chaque littera un article séparé; puis ma proposition, qui consistait à faire voter séparément sur chaque littéral. Répondant à une observation de M. le ministre de l'intérieur, j'ai fait remarquer que ma proposition était distincte de celle de la section centrale; qu'on pouvait procéder comme je le demandais, sans se rallier à la proposition de la section centrale. L'honorable M. Orts a demandé alors à M. le ministre de l'intérieur si, dans le cas où un littera serait rejeté, le gouvernement se croirait lié par le vote, en ce sens qu'il ne ferait plus de dépenses relatives au littera rejeté par la chambre. M. le ministre de l'intérieur ayant donné une réponse satisfaisante à l'honorable M. Orts, cet honorable membre de la section centrale n'a plus insisté pour que chaque littera devînt un article séparé ; mais les autres membres de la section centrale ne se sont pas prononcés, et je ne pense pas qu'il y ait eu un vote spécial sur cette question.

M. H. de Brouckere. - Ce que l'honorable H. Delfosse vient de dire, est de la plus parfaite exactitude, mais il oublie d'ajouter qu'après cette discussion, M. le président l'a résumée et a dit : « il est donc convenu qu'on discutera littera par littera, et qu'ensuite il y aura un vote sur l'article, » et la chambre, par son silence, a adhéré. Voilà comment les choses se sont passées.

Au reste, je ne vois aucune difficulté à ce qu'on mette aux voix la question de savoir si l'article 56 sera subdivisé ou non, parce que je suis bien persuadé que la chambre fera ce qu'elle a fait toutes les années précédentes, sans qu'il en soit résulté d'inconvénient ; c'est-à-dire qu'elle réunira tous les litteras en un seul article, avec l'engagement moral qui a été pris par M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la section centrale proposait de transformer les divers litteras en autant d'articles distincts; cela n'a pas été discuté, je dois le dire; mais si l'on discutait la question, la chambre reconnaîtrait qu'il y aurait de graves inconvénients à transformer ces litteras en autant d'articles. Si l'on veut aborder cette discussion, je suis prêta la soutenir; mais je crois qu'après les explications données, on peut considérer comme définitif le vote qui a eu lieu.

- La chambre consultée décide qu'avec les explications de M. le ministre de l'intérieur, elle maintient l'article 56, tel qu'il est libellé au budget.

Article 57

« Art. 57 (devenu l'art. 56). Courses de chevaux : fr. 20,000. »

La section centrale propose le rejet de ce chiffre.

M. de Liedekerke. - Messieurs, je demande à la chambre la permission de lui présenter quelques courtes observations sur l'article en discussion; je ne prolongerai pas beaucoup le débat qui a déjà été très long.

Il y a une espèce de préjugé contre les courses, préjugé qui fait croire qu'il s'agit d'une espèce de prime accordée au plaisir, à l'amour-propre et à la vanité de quelques propriétaires. C'est cependant une opinion erronée. Pour prendre part aux courses, il faut des dépenses considérables, même de grands capitaux dont on ne retrouve facilement ni les intérêts ni le remboursement.

Les courses des chevaux sont le dernier mot du perfectionnement de l'élève du cheval ; c'est pour ainsi dire le complément, le couronnement du système des haras.

Les meilleurs coureurs qui ont paru à l'hippodrome ont toujours été les plus célèbres reproducteurs. Ceci soit dit en passant, pour relever un peu la cause des chevaux pur-sang, quelque peu maltraités par un de mes honorables collègues de la province de Namur.

Messieurs, vous pouvez remarquer qu'en France, en Angleterre, m Allemagne, en Italie, en Espagne, partout enfin où l'on a adopté les chevaux pur-sang, on a introduit aussi les courses. Les courses sont contemporaines des chevaux pur-sang.

Ceci doit donc prouver qu'elles ont quelque valeur, quelque intérêt, qu'elles sont la récompense de l'éducation de la race chevaline ; elles sont un stimulant à l'amour-propre de ceux qui se consacrent au travail très laborieux et très dispendieux de l'éducation des chevaux.

La section centrale dit :

« Les considérations qui sont invoquées en faveur des courses de chevaux n'empruntent d'ailleurs leur importance que du point de vue où l'on se place quant au système d'éducation chevaline. »

C'est évidemment reconnaître que les courses se lient à l'éducation chevaline. Si c'est précisément dans les pays où l'élève du cheval se fait avec le plus grand succès que les courses out acquis le plus d'importance, il n'est pas douteux qu'il faille les conserver dans notre pays.

Quant à savoir à quel point de vue s'est placée la section centrale, qu'elle veuille bien l'expliquer. Alors nous verrons s'il y a moyen de le combattre. Je crois qu'il y a moyen de le combattre et d'une manière victorieuse. Je ne crois pas devoir entrer, pour le moment, dans cette discussion, puisque la section centrale n'a pas indiqué le point de vue auquel elle s'est placée.

Je fais appel à l'équité, à la bonne foi de la chambre. On a parlé de la garance et d'engagements moraux. Je crois qu'en ce qui concerne les courses, il y a engagement moral, tout aussi sérieux, tout au si réel.

Les courses ont été instituées par arrêté royal du 22 août 1839. Il est évident que, sur la bonne foi de cet arrêté, plusieurs personnes notables du pays ont fait venir des cheveux et des juments de l'étranger, ont fait des dépenses considérables dans la conviction que le crédit pour les courses serait un crédit continu, puisque les chevaux ne meurent pas comme des mouches et que leur existence se prolonge bien au-delà d’une année.

Il n'y a que la société d'encouragement et la ville de Bruxelles, qui accordent des primes pour les chevaux étrangers. Elles font très bien : on amène des chevaux étrangers, cela établit une espèce de concurrence. C'est un excellent stimulant pour les éleveurs.

Je ferai remarquer à la chambre que les 50,000 fr. alloués pour les courses, somme qui est réduite d'un tiers, puisqu'on propose, le chiffre de 20,000 fr., font faire dans le pays une dépense de 500,000 fr. au moins.

Si je n'avais craint de prolonger cette discussion déjà fort longue, j'aurais apporté une série de lettres indiquant les dépenses faites dans les différentes courses, lesquelles montent à 300,000 fr. Vous supprimez cette dépense; car ce n'est pas avec le concours minime des sociétés d'encouragement, que les courses se soutiendront. Vous aurez supprimé une industrie qui dépense 300,000 fr., et qui peut grandir d'année en année, puisque d'autres personnes peuvent prendre part à ce plaisir.

Il y aurait injustice à supprimer brusquement les courses. Si la chambre était résolue à le faire, elle ne pourrait le faire cette année. Il faudrait donner un certain temps aux éleveurs de chevaux ; car ils ont pour les différentes années des chevaux qui doivent entrer en lice. Il faudrait attendre 2 ou 3 ans.

Si vous supprimez le crédit, vous supprimez le haras. C'est une véritable injustice, je ne crois pas que la chambre veuille la suppression du haras, qui existe depuis plusieurs années et qui a produit de bons élèves. Ce serait un préjudice très grave que vous feriez aux éleveurs. Ce serait une véritable expropriation prononcée par la chambre.

J'ajouterai que parmi les chevaux qui ont couru sur l'hippodrome, il y en a qu'on a achetés comme étalons, qui ont concouru à la reproduction, et qui ont fait des élèves excellents.

Je ne prolongerai pas davantage cette discussion.

M. de Denterghem. - J'adhère entièrement aux observations de l'honorable préopinant. Je crois qu'il y a contre les courses une prévention que rien ne justifie. Parce certaines classes opulentes s'occupent spécialement des courses, pu a cru que c'était simplement pour elles une jouissance, et l'on a dit : puisqu'elles ont la jouissance, qu'elles la paient. C'est une très grande erreur. On a pris l'effet pour la cause. Ainsi que l'a dit l'honorable M. de Liedekerke, les courses ont été instituées dans le but de favoriser l'élève du cheval, de développer les améliorations que l'on pourrait introduire en Belgique.

On a obtenu un autre résultat : les courses amènent tous les ans en Belgique une somme considérable de numéraire.

Il y a très peu de jours, vous avez voté une somme considérable pour les fêtes qui se donnent à Bruxelles. Pourquoi n'aiderait-on pas, par un subside, les villes de Gand, de Mons, de Spa, où il y a des courses chaque année ?

On croit que les courses ne sont pas directement utiles à l'agriculture. C'est encore une très grande erreur. Si vous voulez que le fermier songe à élever des chevaux de bonne race, nécessairement il lui faut un stimulant. Privé de stimulant par la suppression des courses, il négligera même de faire de bons élèves comme chevaux de trait.

Vous avez l'expérience aujourd'hui des produits que la Belgique peut donner comme produit direct de l'agriculture. Quant à l'amélioration des races d'animaux, serait-ce trop présumer que de croire que la Belgique peut aspirer au rang le plus élevé qu'aucune nation ait jamais atteint? Vous avez vu apparaître sur l’hippodrome des chevaux de races très renommées, avec lesquels des chevaux élevés dans le pays ont concouru avec avantage.

Les sommes que donne le gouvernement tous les ans sortent-elles du pays? Non; elles restent dans le pays; elles se répartissent dans une foule d’industries. Sur 200,000 francs dépensés par le gouvernement, 156,600 fr. sont restés dans le pays, où ils out été distribués entre les propriétaires de chevaux nés et élevés en Belgique.

Pour vous prouver que les courses aident puissamment à l'élève de races perfectionnées de chevaux, vous n'avez qu'à voir la statistique officielle publiée récemment dans le Moniteur. Vous y verrez que c'est où il y a des courses qu'il y a des éleveurs, s'adonnant à l'élève du cheval, qui ont obtenu les plus grands résultats. Ainsi il y a des courses à Mons; eh bien, il y a deux éleveurs spécialement adonnés à l'élève du cheval; ce sont Mme la comtesse Duval de Beaulieu et M. Duroy de Blicquy.

On a approuvé, cette année, dans le Hainaut, 549 étalons. Dans le Brabant, ou l'on a les courses de Bruxelles et le haras, mais où malheureusement personne ne s'adonne essentiellement à l'élève du cheval, il y a eu 141 étalons approuvés. Dans la Flandre orientale il y a des courses (page 735) une fois par an, mais il n'y a pas d'éleveur qui s'adonne à l'élève des chevaux de luxe. Eh bien ! tout de suite le nombre des chevaux approuvés diminue considérablement et tombe à 75.

Je ne puis vous citer une statistique pour ce qui concerne la province de Liège, car, cette province ne s'est ralliée que depuis cette année au système généralement appliqué dans les autres parties du royaume, mais je suis fondé à dire, et je serai au besoin à même de le prouver; que là aussi on a obtenu de grands résultats, parce qu'on y trouve la société verviétoise et M. le comte Cornelissen, qui s'occupent spécialement de l'élève du cheval de course, et qui, par l'influence qu'ils exercent, ont amené de grands résultats.

Je pense qu'en présence de ces faits, on ne voudra pas priver l'agriculture de l'avantage dont elle jouit aujourd'hui. Je crois que ce ne serait pas exagérer que de dire que les personnes qui s'adonnent plus spécialement à l'élève de la race chevaline la plus perfectionnée, sont celles qui sont en tête du progrès. Eh bien ! Si vous entravez le développement de la tête, il est impossible que le reste du corps ne s'en ressente pas.

Messieurs, vous avez entendu hier l'honorable général Chazal venir vous déclarer qu'on avait obtenu de très beaux et de très bons produits en Belgique; que ces produits se trouvaient aujourd'hui au service de plusieurs de nos régiments de cavalerie. Je puis aussi vous citer l'opinion d'un grand nombre de propriétaires qui se servent de chevaux belges pour l'attelage de leurs carrosses et qui s'en servent avec beaucoup davantage.

Voilà des produits dont la Belgique sera certainement privée, si l'on décourage les établissements et les personnes qui s'adonnent spécialement à l'élève du cheval de race perfectionnée.

M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, l'honorable préopinant vous a dit : Les courses sont utiles à l'éducation de la race chevaline. C'est parfaitement exact et c'est ce qui a été reconnu par la section centrale.

La section centrale, dans son rapport, vous dit :

« S'il est vrai que les courses de cheveux peuvent être considérées, jusqu'à un certain point, comme le corollaire du haras, en ce qui concerne les produits de pur-sang issus des étalons de cette espèce qui s'y trouvent, il faut cependant reconnaître que les intérêts de l'agriculture ont été la cause déterminante de la création du haras et que, sous ce rapport, les courses de chevaux, telles qu'elles ont été organisées, n'ont pas profité à l'agriculture. »

C'est donc toujours exclusivement au point de vue de l'agriculture que la section centrale s'est placée.

Il n'entre pas dans les intentions du rapporteur de revenir sur la discussion que nous avons eue hier, bien qu'il y soit en quelque sorte forcément amené; car toutes les questions relatives à la race chevaline sont de nouveau soulevées.

Quelle est la race chevaline dont l'éducation convient à la Belgique ? Voilà toute la question.

Les promoteurs des courses vous diront que le système qui a été suivi jusqu'ici est le bon système. La section centrale, en présence des faits qu'elle a rapportés, s'est abstenue de se prononcer formellement. Mais elle a demandé, et c'est une circonstance sur laquelle j'appelle l'attention de la chambre, que les hommes exclusivement pratiques fussent dorénavant appelés à émettre leur opinion sur l'organisation qu'il convient de donner au haras.

M. le ministre de l'intérieur vous a dit que le haras continuerait à fonctionner comme il avait fonctionné jusqu'ici. Eh bien ! je n'hésite pas à le dire, quoique la section centrale ne se soit pas prononcée d'une manière aussi formelle, en continuant ce système, on marcherait en sens inverse de ce que demande l'agriculture, c'est-à-dire le producteur agricole.

On nous a répondu : la production du cheval fin est aussi un produit agricole. Oui, c'est vrai. Mais il ne faut pas, messieurs, qu'un pays veuille tout produire. Il faut qu'un pays se rende compte de ses conditions de production, et je dis que l'élève du cheval fin n'est pas favorable dans notre pays, parce qu'il exige de trop grands frais de nourriture. Dans les contrées qui renferment de grandes plaines où il n'y a pas de surveillance à exercer, où l'on peut complètement abandonner les chevaux dans de vastes pâturages, on fait, en élevant le cheval fin, une opération industrielle convenable. Mais élever ici des chevaux qui ne peuvent rendre des services à l'agriculture qu'après un long laps de temps, c'est faire une mauvaise opération. C'est, du reste, ce que l'agriculture s'est chargée de répondre à M. le ministre. Les documents statistiques vous le prouvent à l'évidence; ils vous apprennent qu'il y a eu, l'année dernière, 24 p. c. de saillies de moins qu'il y a cinq ans.

Remarquez que de la manière dont est administré votre haras, le cheval qui n'est pas né coûte 80 fr. Ce n'est pas ainsi qu'un pays, pas plus qu'un particulier, doit administrer ses affaires. Un pays doit suivre les bons errements ; il ne doit pas se laisser égarer ; et je dis que ce serait se laisser égarer que de vouloir persister à produire en Belgique une marchandise que nous ne pouvons pas produire au même prix que les pays étrangers.

La question des courses se rattache, dit-on, à l'élève du cheval ; on en fait un corollaire nécessaire.

Messieurs, nous ne le nions pas. Peut-être que si l'on avait proposé l'article Courses et le crédit de 20,000 fr. à un chapitre du budget, autre que celui de l'agriculture, nous eussions adhéré à cette dépense. Il y a beaucoup de considérations qui militent en faveur d'une semblable dépense.

Tout n'est pas perte dans cette dépense. Les courses ont toujours présenté un grand intérêt eu Belgique, et le trésor récupère d'une manière assez large, mais que nous apprécions peut-être difficilement, la dépense qu’il fait par l'augmentation de circulation sur le chemin de fer. D'ailleurs il y a des besoins de civilisation qu'il faut savoir satisfaire.

Ce ne sont donc pas les courses que la section centrale a entendu blâmer. Ce qu'elle a entendu blâmer, c'est la prétention de donner, au moyen des courses telles qu'elles ont été organisées jusqu'ici, un encouragement à l'agriculture. La section centrale prétend que ce n'est pas là un encouragement à l'agriculture, que celle-ci s'est chargée depuis longtemps de faire connaître ce qu'elle veut en fait d'éducation chevaline et qu'elle ne veut pas du cheval fin.

Voilà, messieurs, ce que l'agriculture vous répond par les chiffres de la statistique, puisque, comme je vous l'ai dit, le cheval pur-sang n'a produit que 24 saillies, alors que le cheval de gros trait en a produit 91. Ce sont là des faits qui sont irréfutables.

Messieurs, nous insistons sur cette considération: c'est qu'on commettrait une grave erreur en voulant faire produire à la Belgique des chevaux fins. Soyez du reste persuadés que tôt ou tard on abandonnera ces essais, parce qu'on finit toujours par abandonner la mauvaise voie, lorsqu’on y est entré. Nos éleveurs renonceront à l'élève du cheval fin, lorsqu'ils verront qu'ils ne peuvent y parvenir d'une manière aussi profitable que dans les autres pays. C'est du reste ce qui s'est fait pour d'autres produits.

On parle de l'armée. Mais ce n'est pas depuis l'année dernière qu'il existe dans le pays des chevaux convenables à la remonte de la cavalerie. Il y a longtemps que l'on pouvait faire des achats à l'intérieur. Du reste il n'entre pas dans mes intentions d'examiner d'une manière approfondie ce qui a empêché que l'on adoptât plus tôt le système que l'honorable ministre de la guerre a sagement et patriotiquement adopté; mais je dois déclarer que ce n'est pas au système de l'éducation chevaline que nous le devons ; les moyens en existent depuis longtemps.

Je sais pertinemment que tous les agriculteurs, tous les hommes pratiques sont revenus du système qui a prévalu dans l'organisation des haras. Tous abandonnent la voie dans laquelle on était entré, tous demandent que le gouvernement emploie d'autres moyens. Ce n'est pas comme organe de la section centrale que je m'explique ici, parce que la section centrale s'est abstenue d'influencer en quoi que ce fut la solution de cette question; mais puisque j'ai la parole, je tiens à exprimer mon opinion à cet égard.

Beaucoup d'agriculteurs de mérite considèrent les expositions et les concours comme d'excellentes mesures. Ils acceptent volontiers les moyens de croisement qu'offrent les reproducteurs du haras ; l'amélioration de la voirie vicinale qui permet la modification de nos races de chevaux. Mais ils repoussent le système trop exclusif suivi jusqu'ici ; on s'est occupé exclusivement des reproducteurs , il fallait aussi s'occuper des reproductrices ; ce sont ces deux bases d'amélioration qui doivent surtout être prises en considération par le gouvernement.

M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable membre s'est fait une idée erronée de la manière dont se font actuellement les courses; au moins dans les Flandres depuis que les courses ont été instituées, et qu'il me soit permis de dire à l'assemblée que ces courses coûtent assez cher à la ville de Gand, elles ont rendus les plus grands services à l'agriculture. Mais ce ne sont pas seulement des courses de chevaux de pur-sang; tous les chevaux y concourent. Il n'y a peut-être pas une ferme importante dans les Flandres qui n'envoie des chevaux aux courses de Gand. Ces chevaux ne doivent pas seulement courir; ils doivent aussi essayer leurs forces pour le trait. Il y a plus, messieurs, il a été constaté et officiellement constaté que la plupart des chevaux qui ont été signalés à Gand, ont en quelque sorte établi la réputation de leur maître. Ainsi je pourrais vous citer beaucoup de fermiers dont les noms sont devenus en quelque sorte des noms marchands, par suite de l'exhibition de leurs chevaux aux courses de Gand. Ces cultivateurs obtiennent de leurs chevaux des prix plus élevés que les autres.

Ces considérations ont pu échapper à la section centrale, parce qu'elle a fixé son attention sur des courses autres que celles qui se font chez nous. Ce qui attire le plus de monde aux courses de Gand, ce sont les chevaux des Flandres. Il ne suffit pas qu'un cheval sache bien courir, et, quant à moi, j'aime beaucoup mieux les chevaux de trait, les chevaux de labour.

Je prie aussi la chambre de ne pas perdre de vue que pour cette année il y a des engagements pris, et que dès lors il est impossible d'adopter la proposition de la section centrale. Cela ne serait d'ailleurs nullement d'accord avec la sollicitude qu'on manifeste de toutes parts pour l'agriculture.

Une localité n'a certainement pas un très grand intérêt à avoir des courses de chevaux, mais ces courses ont le grand avantage de faire connaître les produits du pays. C'est ce qui arrive chez nous; car je pourrais citer de nos fermiers qui sont connus en France et en Angleterre pour les produits qu'ils ont obtenus.

D'après ces observations, messieurs, je repousse la proposition de la section centrale et j'adopterai celle du gouvernement.

M. Delfosse. - Messieurs, lorsqu'on opère, dans un but d'économie toutes sortes de réformes administratives, lorsqu'on a proposé de diminuer le nombre des membres des députations permanentes dont les attributions sont cependant si importantes, lorsqu'on propose de supprimer le conseil des mines, lorsqu'on met une foule de fonctionnaires (page 736) au traitement d'attente, lorsqu'on aggrave les dispositions de la loi des pensions, lorsqu'on frappe tous les employés, même ceux qui n'ont qu'un mince traitement, d'une retenue permanente de 1 p. c., je ne conçois pas qu'on veuille maintenir une allocation de 20,000 francs pour les course de chevaux. Certes, la suppression de cette dépense est une des économies qu'il fallait réaliser en première ligne. Ces courses de chevaux n'ont guère d'autre utilité que d'attirer soit à Bruxelles, soit à Gand, soit à Spa, soit ailleurs, quelques amateurs de chevaux, gens pour la plupart riches et parfaitement en état de supporter la dépense qui résulte de ces courses.

En admettant que les courses de chevaux aient un côté réellement utile, toujours est-il que cette utilité n'a pas une importance assez grande pour qu'elle l'emporte sur le besoin d'économie qui se fait si vivement sentir. Le gouvernement ne nous a-t-il pas dit que des institutions qu'il propose de supprimer, ont un côté utile? Lorsque le gouvernement entre dans cette voie, lorsqu'il fait cet aveu, il est impossible que nous maintenions les courses de chevaux.

On nous a dit qu'il y aurait une espèce de déni de justice à supprimer immédiatement l'allocation de 20,000 fr. portée au budget pour les courses de chevaux ; pourquoi? Parce qu'il y a des particuliers qui ont fait des dépenses dans la prévision de ces courses. Rassurez-vous, messieurs; il n'y aura pas le moindre déni de justice ; il n'y a pas eu, que je sache, de convention, il n'y a pas eu de contrat. Les particuliers dont on parle, doivent subir, comme tous les citoyens, les variations de la législation. Les lois de douanes font créer certains établissements ; quand on veut modifier les lois, et vous l'avez fait bien souvent, on ne s'arrête pas, parce que ces modifications seraient de nature à froisser quelques intérêts particuliers. Il y a toujours des intérêts particuliers froissés par les changements apportés à la législation. Les personnes dont les intérêts pourront être froissés par suite de la suppression des courses, sont d'ailleurs, comme je le disais tantôt, des gens riches qui auraient mauvaise grâce à se plaindre d'une mesure réclamée par les circonstances.

L'honorable M. Delehaye a parlé des chevaux de labour de la Flandre orientale, qui prennent part aux courses de Gand ; vous pouvez être convaincus, messieurs, que les chevaux de la Flandre orientale ne laboureront pas moins bien, parce qu'il n'y aurait plus de courses à Gand. Je le répète, messieurs, le maintien, dans les circonstances actuelles du chiffre de 20,000 fr. serait un acte injustifiable. (Aux voix ! aux voix !)

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'on voulait aller aux voix pour adopter le chiffre, je ne demanderais pas la parole; mais je pense qu'il est nécessaire de donner quelques explications.

D'abord, au point de vue de l'économie, je dirai à l'honorable M. Delfosse, que le chiffre a subi tout d'un coup une réduction de près d'un tiers, sur l'année précédente ; de 29,200 francs, le chiffre est réduit à 20,000.

Je prends tout de suite la question par son côté le plus ardu. Il ne faut pas, dit-on, que l'Etat encourage les courses, parce que c'est un plaisir des riches, parce que ceux qui s'occupent des courses, sont en état d'en supporter les frais.

Eh bien, messieurs, à ne prendre les courses que comme destinées aux classes riches, je dirai qu'il faut que le budget soit juste pour toutes les classes de citoyens; les classes riches concourent à la formation de nos budgets dans des proportions assez considérables pour qu'au besoin elles puissent y prendre directement une légère part.

Nous faisons et nous ferons encore beaucoup de dépenses pour les classes inférieures ; mais il y aurait injustice à repousser du budget une somme de 20,000 fr., par cela seul qu'elle serait destinée aux plaisirs des classes riches. Il n'est pas exact, d'ailleurs, qu'elle soit destinée seulement aux classes riches ; il suffit d'assister aux courses pour constater qu'elles plaisent infiniment au peuple ; il y a toujours une foule considérable à ce spectacle. Aussi, au seul point de vue de l'agrément populaire, je crois qu'on peut défendre l'allocation.

Maintenant, au point de vue de l'utilité, tant d'arguments ont déjà été produits en faveur des courses, que je crois inutile d'y insister beaucoup.

Je ferai observer qu'il ne s'agit pas de récompenser dans nos courses les chevaux étrangers; que les chevaux étrangers y sont en grande minorité; la plupart des prix sont remportés par des chevaux indigènes; les neuf prix qui ont été distribués en 1848 ont été obtenus par des chevaux indigènes. En 1847, sur 13 prix, 12 ont été obtenus par des chevaux nés et élevés en Belgique.

Si l'allocation disparaissait, il faudrait au moins laisser subsister au budget une certaine somme pour faire face aux engagements pris par le gouvernement à l'égard de certains propriétaires. Ainsi, aux environs de Bruxelles, un champ des courses a été loué suivant bail qui ne prendra fin qu'en 1852.

M. Delfosse. - Vous demanderez un crédit supplémentaire.

MiR. - Soit. Restent les engagements contractés vis-à-vis des éleveurs. Un arrêté royal du 19 août 1839 a promis des prix a ceux qui s'occuperaient d'élever des chevaux pour les courses. Depuis lors, plusieurs éleveurs ont fait des dépenses, ont agi sous la foi de cette promesse. Serait-il juste de les priver entièrement des effets de cet engagement contracté au nom de l'Etat.

Je croyais avoir fait assez, en réduisant à 20,000 francs le subside de 29,200 francs accordé les années antérieures. Si l'on trouve que nous allons encore trop loin en affectant 20,000 fr. à cette destination, nous verrons si, pour 1850, on peut encore réduire l'allocation. Mais je dois dire, qu'à moins d'ôter à cette allocation toute espèce d'utilité, il faut la maintenir à un chiffre assez élevé.

L'honorable rapporteur a dit qu'au fond il n'était pas contraire à l'allocation, mais qu'il la trouvait mal placée au titre de l'agriculture. Si ce n'est qu'une question locale dans le budget, peu m'importe que le chiffre figure au-dessous ou au-dessus de l'agriculture. Cependant je dois dire que les courses ont un rapport très direct avec l'agriculture. Les courses répandent le goût, l'ambition de l'élève du cheval. C'est un goût qu'il ne peut qu'être utile de propager. En définitive, c'est l'agriculture qui est chargée d'élever les chevaux. Pour obtenir un bon cheval de course, il faut souvent en élever un grand nombre; les chevaux élevés pour les courses, qui ne réussissent pas, servent à d'autres usages.

Je regrette que l'honorable rapporteur, tout en critiquant le système suivi par le gouvernement, en ce qui concerne le dépôt d'étalons de Tervueren, ne veuille pas nous expliquer d'une manière précise le système qu'il entend substituer à celui du gouvernement. Il ne voudrait pas, si je le comprends bien, qu'on s'occupât d'élever en Belgique des chevaux fins ; il voudrait que l'agriculture se bornât à élever des chevaux destinés à l'agriculture. Je crois que l'honorable rapporteur est dans l'erreur. Je pense que l'agriculture doit s'occuper de toute espèce de produits, de produits raffinés comme de produits plus communs; il faut encourager le perfectionnement dans les produits de l'agriculture comme dans tous les produits humains ; c'est là le véritable progrès.

Le dépôt d'étalons de Tervueren est destiné à encourager la reproduction des chevaux fins ; les courses ont également ce résultat. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut conserver le dépôt d'étalons de Tervueren, ainsi que les courses qui en sont une annexe nécessaire.

- La clôture de la discussion est prononcée.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre de 20,000 fr., demandé pour les courses de chevaux.

- Plus de 5 membres demandent l’appel nominal.

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'article 57, qui est rejeté par 43 voix contre 34.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau, Cans, David, de Bocarmé, H. de Brouckere, Dechamps, de Denterghem, Delehaye, de Liedekerke, de Renesse, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, Faignart, Lebeau, Le Hon, Loos, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Thiéfry, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Van Grootven, Veydt, Delescluze, Desoer et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Sinave, Tesch, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Allard, Boedt, Bruneau, Christiaens, Coomans, Cumont, Dautrebande, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége, de Luesemans, de Perceval, Destriveaux, d'Hont, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange et Le Bailly de Tilleghem.

Article 58

« Art. 58. Récompenses à allouer aux agents de la force publique qui se distinguent par leur zèle à constater les délits de chasse : fr. 3,000. »

La section centrale propose le rejet de ce chiffre.

M. Lelièvre. - Je viens appuyer le rejet de l'allocation dont nous nous occupons, et aux motifs déduits par la section centrale j'ajoute la considération suivante :

Les primes que l'on alloue aux dépositaires de la force publique, en matière de chasse, intéressent à la condamnation des fonctionnaires qui doivent toujours rester impartiaux. Il est à craindre, comme du reste l'expérience le démontre, que placés entre leur intérêt et leur conscience, ils ne soient portés à affirmer plus facilement en justice les faits dont la vérification doit leur procurer un bénéfice.

Un fonctionnaire, un témoin ne doivent pas avoir le moindre intérêt au résultat de la poursuite. On n'ajoute foi à leur langage que parce qu'on le suppose désintéressé. C'est là une des garanties essentielles à la bonne administration de la justice.

La loi a tellement compris cette vérité, que l'article 322 n°6 du code d'instruction criminelle ne permet pas de recevoir les dépositions des dénonciateurs dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la loi.

C'est surtout en matière de chasse, où de si vives passions sont en jeu, que je considère une rémunération pécuniaire comme éminemment dangereuse. Je rejette donc une allocation qui est de nature à produire des injustices, des parjures et à porter une atteinte sérieuse à la morale publique.

M. de Bocarmé. - Je pense, messieurs, que la modique somme de trois mille francs pour l'allocation à accorder aux agents de la force publique, comme encouragement à la répression des délits de chasse, doit être conservée. Ces agents, à cette occasion, exposent souvent leurs jours et, malheureusement, il n'y a guère d'années où de déplorables accidents n'en donnent la preuve.

En ce qui concerne l'intérêt du trésor, ces primes sont avantageuses (page 737) en ce sens que, contribuant à faire obstacle à la destruction du gibier, les demandes de permis de chasse doivent en être d'autant plus nombreuses.

Quant au zèle des employés, sans doute il est prescrit par leur devoir, comme l'a observé l'honorable rapporteur de la section centrale; mais des primes peuvent, doivent même le surexciter : ce moyen, d'ailleurs, est admis par différentes législations dont les agents sont d'autant plus exposés qu'ils témoignent de plus de bravoure ; je citerai la douane, etc.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur ces primes allouées aux agents qui remplissent leur devoir avec un dévouement particulier. Ce qui a été adopté pour l'arrestation des réfractaires devrait également être adopté pour les délits de chasse.

Au point de vue fiscal, il n'est pas indifférent que les délits de chasse soient poursuivis avec une certaine sévérité.

Ainsi, dans ces dernières années, les permis de port d'armes, dont le nombre doit en quelque sorte augmenter, à mesure que la répression sera plus sévère et la surveillance des agents plus grande, ont rapporté des sommes considérables.

En 1847, il a été délivré 7,333 ports d'armes qui ont rapporté 21,993 francs.

En 1848, il y en a eu 7,717 qui ont produit 231,810 fr.

Si la suppression de toute prime doit ralentir le zèle des agents, il s'ensuivra que le nombre de port d'armes diminuera.

En France ces primes existent, non en vertu d'un arrêté royal, mais en vertu de la loi. L'article 10 de la loi française porte : « Des ordonnances royales détermineront les gratifications à accorder aux gardes, aux gendarmes, rédacteurs des procès-verbaux ayant pour objet de constater les délits. »

L'article 4 porte que ces gratifications seront imputées sur les produits des amendes.

Ces primes ont été accordées par toutes les sections sans observation. Dans le sein de la section centrale, il y a eu partage des voix (3 voix ont alloué ; 3 ont rejeté). Je demande que la chambre reste conséquente avec l'opinion des sections et qu'elle adopte le chiffre dont les bons résultats, an point de vue financier, ne sont pas contestables.

M. Lelièvre. - S'il ne s'agissait que d'un intérêt financier, je ne combattrais pas l'allocation, mais c'est un intérêt de moralité qui me porte à la rejeter. Les dépositaires de la force publique, à qui l'on accorde des primes, sont précisément les témoins dont la déposition sert de base au jugement de condamnation. Eh bien, lorsque vous leur assurez des primes, est-il possible de prétendre que ces fonctionnaires se trouvent encore dans une position impartiale qui permette de croire qu'ils ne sont pas influencés par l'appât du gain? Pour moi, je ne le crois pas, et, en faveur de cette opinion, je ne crains pas d'invoquer mon expérience personnelle. Des témoins intéressés à la condamnation peuvent-ils mériter la confiance de la justice?

La considération que les lois françaises ont adopté le système qu'on cherche à faire prévaloir, ne vous frappera pas.

Des précédents de cette nature ne peuvent prévaloir sur les principes de la morale publique, et, si on les a méconnus en France, certes ce n'est pas un motif pour les violer dans cette enceinte.

M. le ministre de l'intérieur ne peut davantage invoquer le vote que vous avez récemment émis concernant les primes pour arrestation des réfractaires.

Cette mesure ne présentait pas les mêmes inconvénients, parce que le cas de désertion est un fait constant qui n'a pas besoin, pour être établi, du témoignage des agents de la force publique, qui procèdent à l'arrestation, tandis que le fait de chasse, dont la vérification présente souvent tant d'incertitude, repose entièrement sur la déposition sermentelle des agents, à qui l'on propose de décerner les primes.

Maintenons, messieurs, les principes de notre législation qui repoussent le témoignage de dénonciateurs salariés; ne plaçons pas un fonctionnaire entre son intérêt et sa conscience, ne l'exposons pas à profaner la religion du serment, et que la justice ne courre pas le danger d'être induite en erreur.

M. de Theux. - Si le principe posé par l'honorable membre est vrai, si le système suivi présentait des inconvénients dans la pratique, certainement il faudrait supprimer cette allocation. Mais l'expérience a prouvé que la disposition dont il s'agit n'a pas présenté d'inconvénient dans la pratique.

D'autre part nous trouvons une analogie parfaite avec ces primes dans ce qui concerne la douane. Les agents de la douane participent aux prises. Cependant ils ne sont pas exclus du témoignage devant les tribunaux.

Veuillez remarquer, messieurs, que la chambre a déjà condamné le système de la section centrale en ce qui concerne l'arrestation des miliciens réfractaires. Mais en ce qui concerne la chasse, il y a un motif tout spécial pour maintenir la prime. Les agents de la force publique attachent beaucoup moins de prix à la répression de ce délit qu'à la répression d'autres délits. D'autre part, ils sont exposés à des accidents personnels, ils risquent souvent leur vie, ils s'exposent à beaucoup d'inimitiés.

Il est donc assez naturel qu'on leur ait accordé une prime pour l'arrestation des braconniers, et comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, l'expérience prouve que les permis de chasse sont demandés en beaucoup plus grand nombre depuis l'institution de cette prime.

M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, la section centrale vous a proposé la suppression de ce crédit, comme elle vous avait proposé de supprimer un autre crédit destiné à l'allocation de primes pour les agents de la force publique.

La section centrale s'est placée à un point de vue général. Elle s'est prononcée pour l'abolition dans nos lois de toutes ces récompenses qu'elles considère comme une prime à l'immoralité.

Il faut nécessairement que j'explique cette expression.

Ou a voulu établir une analogie complète entre le rôle que jouent les agents de la force publique dans la répression du braconnage et le rôle des agents de la douane. Il y a là, messieurs, une immense distinction à établir.

Comment l'agent de la force publique obtient-il des titres à la prime? Comment détermine-t-on la valeur de son zèle? C'est par le nombre de procès-verbaux qu'il dresse? L'agent de la douane, au contraire, l'établit par un fait qui résulte de la prise même. L'agent de la douane constate donc par un fait matériel ce que l'agent de la force publique, lorsqu'il s'agit du braconnage, ne constate que par un témoignage inscrit dans un procès-verbal.

En attribuant une prime à un fait qui n:est constaté que par un témoignage, ne placez-vous pas l'agent de la force publique dans une position qui l'expose à subir une influence immorale, alors que vous lui donnez la possibilité de se créer un titre à l'obtention de la prime, par le fait seul d'un procès-verbal dressé bien ou mal?

Un des honorables préopinants, M. Lelièvre, a parfaitement établi tout à l'heure quelle était l'influence que cette prime pouvait exercer sur les agents de la force publique. Il n'est que trop vrai que les agents chargés de la répression du braconnage, subissent, la plupart du temps, une influence tout à fait étrangère à celle qu'ils devraient subir. Au lieu de s'adresser aux véritables braconniers, ils s'adressent souvent à celui qui ne l'est pas; au lieu de s'adresser à celui qui met des lacets, qui dresse des pièges pour détruire le gibier, et avec qui ils pourraient courir quelque danger, ils s'en prennent au chasseur ostensible, souvent pour plaire à un autre habitant de la commune qui e:t aussi chasseur. Ils s'en prennent au chasseur libre qui souvent n'a, aux yeux de la loi, qu'un tort en quelque sorte secondaire, celui de chasser sur le bien d'autrui. Il y a une grande distinction à faire entre le chasseur armé d'un fusil, porteur d'un port d'armes et qui, par mégarde, s'égare sur le terrain d'autrui, et le braconnier qui se sert de moyens prohibés pour détruire le gibier. Or, c'est précisément contre ces chasseurs qui souvent n'ont eu que le tort de s'égarer, que les agents de la force publique dressent des procès-verbaux.

La section centrale a donc voulu défendre les chasseurs contre les exagérations que pourrait amener la prime accordée aux agents de la force publique, dans l'exercice de leurs fonctions.

D'un autre côté, elle s'est déclarée hostile à toute espèce d'encouragement que l'on voudrait décerner à un fonctionnaire pour l'exécution d'un devoir auquel son mandai l'oblige. Elle pense qu'il suffit qu'un fonctionnaire soit rétribué, pour qu'on puisse exiger de sa part l'accomplissement ponctuel de tous ses devoirs.

Ces primes sont d'anciens moyens d'encouragement, qu'on a cru devoir employer. Mais, à mesure que la morale publique fera des progrès, on devra abandonner un système aussi vicieux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, d'après les dernières paroles de l'honorable rapporteur de la section centrale, il s'agit de savoir si la chambre veut se déjuger. Elle a adopté le principe de la récompense aux agents de la force publique pour la répression de certains délits. Aujourd'hui ii s'agit d'un autre ordre de délit. L'honorable rapporteur veut que la chambre se prononce sur le principe mis en avant par la section centrale, à savoir que chaque fonctionnaire doit trouver dans l'accomplissement de son devoir une récompense suffisante; qu'il ne faut pas stimuler l'activité des fonctionnaires, récompenser l'accomplissement d'un devoir rempli avec zèle, que tous les fonctionnaires sont égaux vis-à-vis du gouvernement, qu'aucun ne doit être distingué. Je crois que ce système n'est pas admissible. La chambre l'a repoussé en ce qui concerne l'arrestation des réfractaires.

Messieurs, je crains qu'en voulant supprimer une dépense de 3,000 fr., on ne fasse subir au trésor une perte plus forte que l'économie qui vient d'être votée. On vient de supprimer l'allocation pour les courses de chevaux; si vous relâchez les moyens de surveillance et de répression, quant aux délits de chasse, vous vous exposez à diminuer peut-être de plus de 20,000 fr. les recettes du trésor.

Quant à la question d'immoralité, j'invoque la loi française. On ne peut pas admettre que le législateur français ait voulu consacrer un principe d'immoralité en décrétant une prime pour encourager la répression du braconnage.

On dit que les agents de la force publique s'abstiennent de poursuivre certains délits pour ne s'adresser qu'aux chasseurs inoffensifs qui n'inspirent aucune espèce de frayeur. Je fais observer que la prime augmente en raison des difficultés que présente la répression du délit.

J'insiste, messieurs, pour le maintien de la prime, à cause de la ressource que les port d'armes procurent au trésor; ensuite parce qu'il y a une loi sur la chasse et qu'il faut l'exécuter. Je n'ai pas, messieurs, l'avantage d'être chasseur, mais je crois que les chasseurs considèrent comme d'un excellent effet ces primes accordées aux agents de la force publique. Beaucoup de particuliers accordent des primes à leurs gardes, qui sont appelés ensuite à déposer comme témoins, et je ne pense pas (page 738) que l'on considère ces primes, accordées par des particuliers à leurs gardes, comme une excitation à l'immoralité.

M. Moncheur. - Messieurs, je viens dire quelques mots pour motiver mon vote. Je crois, quant à moi, que la moralité des classes inférieures de la société est extrêmement intéressée à ce qu'on prenne toutes les mesures possibles pour empêcher l'habitude détestable du braconnage de se propager dans ces mêmes classes, et je pense que si la proposition de la section centrale était adoptée , elle agirait en sens directement inverse des intentions de cette section.

En effet, messieurs, l'honorable rapporteur vous a dit que les gardes ne recherchent que les chasseurs innocents qui ne sont point réellement braconniers, dit-il, mais qui se bornent à chasser sur le terrain d'autrui parce que cette recherche leur est facile, et qu'ils s'abstiennent de poursuivre les véritables braconniers, qui sont décidés à tout, et qui vont, la nuit, tendre des pièges ou braconner dans les bois ou ailleurs.

Eh bien, messieurs, il est évident qu'il en sera surtout ainsi, si vous ne donnez pas une récompense quelconque aux gardes qui se livrent à cette recherche difficile et périlleuse, où leur vie est en danger et où ils la perdent même quelquefois. Dernièrement encore, il y a eu un exemple d'un pareil malheur dans la province de Namur. Si donc vous ne donnez pas une récompense à ces gardes courageux qui vont exposer leur vie, il est évident que les agents de la force publique ne se livreront plus qu'à la recherche de ces chasseurs innocents que la section centrale voudrait voir plutôt épargner, c'est-à-dire à ceux qui, étant munis de ports d'armes, sont trouvés en plein jour chassant sur le terrain d'autrui, quelquefois même par erreur. Je crois qu'il faut, autant que possible, récompenser les gardes en raison des peines qu'ils se donnent et des dangers auxquels ils s'exposent.

Messieurs, les gardes ne sont pas des gens pris au hasard; ce ne sont pas les premiers venus, si je puis m'exprimer ainsi ; ils sont assermentés, et on s'est assuré de leur moralité avant de les admettre au serment. Lors donc que dans leurs procès-verbaux ils ont constaté des faits, il faut admettre en général, à priori, qu'ils ont été fidèles à leur serment.

Dans la pratique, messieurs, voyons-nous que de graves inconvénients résultent de la mesure qui nous occupe? Mon honorable collègue de Namur dit qu'il en a été témoin ; quant à moi, j'ai vu aussi ces choses-là de près, je déclare même que j'ai fait partie d'une société particulière ayant pour objet de donner des primes aux gardes qui aidaient le plus efficacement à réprimer le braconnage. Eh bien, messieurs, je puis dire que jamais aucune espèce d'abus de ce genre n'est venu à ma connaissance.

Mon honorable collègue de Namur demande si le garde est encore dans un état parfait d'impartialité, lorsqu'il se présente devant un tribunal pour donner son témoignage sur un fait qu'il a constaté et du chef duquel il peut avoir une prime.

Mais, messieurs, ne peut-on pas aussi demander si le garde est encore dans un état de parfaite impartialité, par cela seul qu'il a fait son procès-verbal, et qu'd est dès lors intéressé à ce que le fait sur lequel porte ce procès-verbal soit déclaré constant par le tribunal. Son amour-propre, son honneur même est, pour ainsi dire, engagé dans le procès; il n'est donc pas dans l'état d'impartialité parfaite où serait un témoin appelé de plano, et n'ayant posé aucun acte dans l'affaire. C'est au tribunal à peser les dépositions.

Je dis donc, messieurs, que dans un intérêt de moralité, il y a nécessité d'obvier autant possible à l'habitude du braconnage, habitude qui perd ceux qui la contractent et qui les mène souvent aux plus grands crimes. Je crois, en conséquence, qu'il y a lieu de maintenir au budget les primes pour ceux des gardes qui se distinguent dans la constatation des délits de chasse.

M. Thibaut. - Messieurs , l'honorable M. Lelièvre semble s'être constitué, dans cette discussion, le défenseur des braconniers.

Pour moi, messieurs, je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre et considérer comme immorales, les primes promises aux agents de la force publique qui se distinguent par leur zèle à constater les délits de chasse, ni infliger ainsi un blâme aux sociétés particulières qui se sont formées dans le but éminemment utile de réprimer le braconnage.

Il existe une société de ce genre dans la province à laquelle l'honorable membre appartient ainsi que moi ; eh bien! je ne sache pas que l'on ait jamais accusé un garde-chasse d'avoir dressé un faux procès-verbal, dans l'intention de se faire accorder une prime.

C'est la preuve que le système de primes, en stimulant le zèle, n'a pas l'inconvénient qu'on lui reproche.

L'honorable rapporteur de la section centrale a été plus loin. Il a, en quelque sorte, excusé un fait très blâmable, le fait de personnes qui se livrent à la chasse sur la propriété du voisin sans autorisation. Je pense que lorsque de tels faits sont constatés, les personnes qui en subissent les conséquences n'ont aucune plainte fondée à élever.

Messieurs, je ferai remarquer que le gouvernement perçoit un impôt assez élevé sur la chasse. Il est donc juste qu'il prenne tous les moyens de garantir aux chasseurs les plaisirs de l'exercice exclusif d'un droit qu'ils payent assez cher.

M. Lelièvre (pour un fait personnel). Non, messieurs, ce n'est pas moi qui défends le braconnage; ce que je défends, c'est la vérité, c'est la justice. Qu'on réprime les délits de chasse lorsqu'ils sont constatés, rien de mieux; mais il faut que ces délits existent. Eh bien, je crains des parjures, je crains qu'on ne donne un appât par des primes; je crains que la vérité ne soit trahie par l'espoir d'un lucre. Les graves intérêts de la morale publique, voilà ce qui me touche en ce moment! Vous n'hésiterez pas, messieurs; votre suffrage est acquis à mon système.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre de 3,000 fr.

- Plus de cinq membres demandent l'appel nominal.

77 membres ont répondu à l'appel nominal.

23 membres ont répondu oui.

54 ont répondu non.

En conséquence, le chiffre n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Moncheur, Osy, Rogier, Schumacher, Thibaut, Van den Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Veydt, Allard, Anspach, de Baillet (H.), de Bocarmé, de Liedekerke, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse Desoer, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Faignart, Julliot et Lebeau.

Ont répondu non : MM. Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alp.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Vermeire, Vilain XIIII, Ansiau, Boedt, Bruneau, Cans, Coomans, Cumont, David, Debourdeaud'huy, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, Deliège, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Perceval, de Royer, Destriveaux, d’Hont, Dumortier, Jacques, Jouret, Jullien, Lange, Le Bailly de Tilleghem et Verhaegen.

Chapitre XIV. Ecole de médecine vétérinaire

Articles 59 à 62

« Art. 59. Ecole de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat. Traitements du personnel administratif et enseignant et des gens de service : fr. 55,800. »

- Adopté.


« Art. 60. Matériel de l'école vétérinaire. : fr. 68,700. »

- Adopté.


« Art. 61. Jury d'examen pour la médecine vétérinaire : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 62. Subside à la société royale d'horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XV. Industrie

Discussion générale

La chambre passe à la discussion sur l'ensemble du chapitre XV Industrie.

M. Peers. - Au chapitre XV viennent se grouper bien des questions palpitantes du plus vif intérêt pour les Flandres, en présence de tant d'opinions diverses qui sont venues ces jours derniers dans cette enceinte, exprimer toutes d'ailleurs, sans exceptions, la vive sympathie qu'elles éprouvent pour voir diminuer, en quelque sorte, instantanément les maux dont quelque parties de ces belles provinces sont les trop malheureuses victimes ; je suis encore à me demander si le gouvernement, pour sauver ces districts d'une crise qui a pris le caractère de permanence, ne devrait pas s'empresser à demander à la législature au moins le double de la somme qu'elle propose d'adopter pour subsidier l'industrie linière, et surtout les branches qui ont une intime connexité avec elle; il est incontestable que le chiffre inséré dans le projet du budget de l'intérieur, est trop peu élevé, si le gouvernement veut réorganiser sur d'autres bases, cette industrie qui, pour le moment, ne peut être ravivée qu'en adoptant les systèmes reconnus comme les plus avantageux et les plus en harmonie avec une sévère économie de temps et les moyens de fabrication les moins dispendieux, et principalement ceux qui, par leur introduction récente, doivent avec le moins de commotions possibles venir remplacer dans un délai, peut-être, très court, l'industrie linière. Donner une extension mal dirigée à l'industrie souffrante, par suite de moyens insuffisants, alors que nos voisins d'outre-mer cherchent par tous les moyens qui sont si puissamment en leur pouvoir, à faire sortir de cet état provisoire, les différents systèmes aujourd'hui adoptés, ne serait-ce pas, messieurs, agir très imprudemment? Car personne de vous ne doit l'ignorer; dans un an, dans six mois peut-être, nous verrons arriver de l'Angleterre des toiles fabriquées à la mécanique, aussi belles et à bien meilleur marché, que celles qui aujourd'hui sont tissées à la main; cette question entièrement résolue, messieurs, et je la regarde comme imminente, la position des tisserands flamands engagés dans une fausse route sans pouvoir venir à leur secours par de puissants et nombreux moyens, deviendrait pire que jamais en présence de pareilles éventualités; et en présence d'un provisoire qui certes est tuant, que reste-t-il à faire? Messieurs, l'encouragement du développement de l'industrie linière d'après les procédés les plus perfectionnés, mais dans des limites sages et rationnelles, telles qu'à l'apparition de ce nouveau progrès qui nous menace, notre industrie linière développée dans des proportions anormales, ne devienne pas la cause d'un nouveau cataclysme; étendez la fabrication à la main de tous ces tissus, dont M. le ministre de l'intérieur vous a donné la nomenclature, tissus qui ont l'immense avantage de ne pouvoir se confectionner à l'aide de la mécanique et qui toujours seront d'un débit facile, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, à cause de leur usage général et de la main-d'œuvre qui, en Belgique, est le moins élevée de presque tout le continent.

Si vous voulez en agir ainsi, et je crois que c'est la voie la plus prudente qu'il y ait à suivre; que le gouvernement vous demande une somme bien (page 739) plus forte que celle qu'il vous propose d'adopter, et personne de nous dans cette enceinte, j'ose en accepter l'augure, ne refusera son généreux concours pour tirer nos malheureux frères de l'état de prostration, dans lequel une industrie qui leur a valu une confiance peut-être trop aveugle, les a plongés.

Alors du moins, dans les grands centres de population, le gouvernement sera à même de pouvoir à l'aide d'avances, de prêts, d'encouragements, d'envois, de métiers, d'ouvriers mêmes et d'établissement d'ateliers modèles, contribuer puissamment à faire vivre non seulement les habitants des campagnes, mais encore celles de quelques villes, où la perte de l'industrie linière et ses nombreuses ramifications n'a pas été moins funeste; alors, messieurs, je ne désespérerai plus que le gouvernement entré dans cette voie, ne finisse par songer sérieusement à tirer la seconde ville des Flandres de sa position précaire et anormale, dans laquelle elle se débat si péniblement depuis la décadence de cette industrie, à laquelle elle prenait, tant directement qu'indirectement, une part si active.

Une bien minime part dans les subsides à imputer sur le chapitre XV et que je vous propose de majorer de 150,000 fr., en appliquant 50,000 fr. au n°64 et 100,000 au n°65, permettra bientôt aux nombreux ouvriers d'une des deux capitales de nos Flandres, aujourd'hui désœuvrés, par l'absence et le manque de tout travail, de continuer, je n'en doute nullement, dans la mesure de leurs moyens, à la prospérité de la Belgique par le maniement de ces outils nouveaux. Et messieurs, les preuves les plus évidentes et les plus irréfragables sont là. Une industrie nouvelle (le tissage de la soie), inconnue jusqu'ici dans cette ville, s'élève à l'aide d'un capital peu élevé ; elle s'y étend et y prospère au-delà de toute attente, et les résultats aujourd'hui sont si beaux que ses tissus ont acquis une réputation qui ne le cède plus aux beaux tissus de Lyon.

Qu'il me soit donc permis d'espérer, messieurs, que le gouvernement n'épargnera aucune peine, aucun sacrifice pour donner du développement et de l'extension à ces industries et à celles qui lui sont similaires et praticables dans les villes; et bientôt il pourra se glorifier d'avoir contribué à effacer du dictionnaire de la Belgique le mot de paupérisme.

M. Dechamps. - Mon intention était d'appuyer par quelques considérations le vœu émis par la section centrale de voir l'industrie, le commerce et l'agriculture concentrés dans un seul département spécial. L'honorable rapporteur ayant demandé la parole pour traiter la même question, je crois qu'il convient que je la lui cède.

M. Prévinaire, rapporteur. - Ainsi qu'on vient de le dire, je me proposais de reprendre, à ce chapitre, la proposition qui fait l'objet du préambule du rapport de la section centrale. La chambre paraissait fatiguée de la longue discussion à propos des Flandres; c'est ce qui m'a fait différer ma proposition.

Cette mémorable discussion est encore présente à vos souvenirs. Elle fournit au rapporteur un argument de plus en faveur du vœu exprimé par la section centrale.

Vous avez vu deux opinions bien tranchées se traduire dans cette enceinte. Les deux systèmes ont été défendus avec un égal talent ; ils avaient en vue une organisation commerciale complètement différente.

Je n'hésite pas à dire, au nom de la section centrale, que cette divergence d'opinions lui offre un argument de plus en faveur de la concentration des affaires d'industrie et de commerce. Vous avez pu remarquer l'influence que, dans l'organisation actuelle, les intérêts politiques exercent sur la position générale du gouvernement. La section centrale pense que les questions matérielles doivent, autant que possible, être distinctes des intérêts politique; qu'il importe qu'un système soit adopté; qu'on marche prudemment et sagement vers un but déterminé; que, sous ce rapport, il importe de concentrer dans un seul ministère toutes les affaires de commerce et d’industrie.

Il serait agréable à la section centrale que M. le ministre de l'intérieur s'expliquât sur le vœu qu'elle a exprimé.

M. De Pouhon. - A la fin de la discussion générale j'ai eu l'honneur de vous dire, messieurs, que j'avais quelques doutes, des objections à présenter sur l'idée d'une société d'exportation. Je vous demande la permission de vous les exposer.

J'éprouve le besoin de vous dire tout d'abord, messieurs, que personne n'est plus pénétré que moi de la nécessité de développer notre commerce extérieur, et par lui, les débouchés de nos produits industriels. Je considère l'étude des moyens d'atteindre ce résultat comme étant, au point de vue des intérêts matériels, la plus digne de fixer les préoccupations du gouvernement et de la représentation nationale.

Tous les hommes qui ont vécu dans le commerce et l'industrie sont pénétrés de cette vérité; l'honorable M. Schumacher vous l'a dit eu meilleurs termes que je ne pourrais le faire.

Si cet honorable collègue est un des plus chaleureux partisans d'une société d'exportation, c'est qu'il la considère comme pouvant suppléer à l'insuffisance des moyens et de l'énergie du commerce privé.

Je ne contesterai pas que la création d'une société d'exportation n'eût pour effet immédiat d'imprimer une certaine impulsion aux affaires, mais ce mouvement, en quelque sorte galvanique, ne se soutiendrait probablement pas longtemps. Les opérations auxquelles l’établissement se livrerait sont des affaires de longue haleine, la limite du capital social en assignerait bientôt une à leur renouvellement.

L'honorable M. d'Elhoungne nous l'a dit dernièrement ; les entreprises commerciales doivent être dirigées par l'intelligence, l'économie et l'activité de l'intérêt privé. C'est là une vérité que vous ne pouvez méconnaître sans exposer les capitaux de l'Etat à une perte, sans compromettre le but que vous voulez atteindre. L'éloquent orateur, après avoir posé ce grand principe, me parait être tombé dans une contradiction en réclamant une société d'exportation. Mille exemples qui se sont passés sous nos yeux ne vous disent-ils pas que rien ne garantit moins la puissance des efforts individuels que l'association des capitaux? Le capitaliste ne se fait pas actionnaire pour travailler, pour diriger et surveiller ; généralement, c'est pour être dispensé de tous soins.

Il croit au succès d'une entreprise, il a confiance dans les hommes qui la gèrent et il y place son argent, sauf à apprendre annuellement s'il a fructifié ou subi une perte.

Si l'esprit d'association existait encore pour les affaires industrielles, je me garderais bien de vous dire des choses qui seraient de nature à l’affaiblir ; mais il n'est que trop vrai que le côté faible des sociétés anonymes, c'est, en général, l'absence de tout ce dont l'honorable M. d'Elhoungne croit voir une garantie dans une société d'exportation. La société anonyme! c'est l'affaire de tous et de personne; l'intérêt du gérant et de l'agent prime celui de l'actionnaire.

Si la société anonyme présente tant d'inconvénients pour des exploitations industrielles fixes, comment pourriez-vous la juger utilement applicable à des opérations de commerce divisées sur différents points à la fois, qui réclament une grande spontanéité de résolution, les connaissances les plus variées, une attention soutenue, une vigilance incessante sur les agents et sur les faits?

Vous pourrez attendre beaucoup d'effets d'un grand mobile, l'intérêt, l'ambition, un grand sentiment du devoir. J'admets que vous trouviez pour placer au sommet de votre vaste entreprise l'homme le plus capable, animé du plus grand zèle. Il aura les conceptions les plus heureuses, il donnera les ordres les mieux entendus, il veillera à leur exécution avec une grande constance; mais espérez-vous qu'il sera obéi avec intelligence, avec honnêteté par tous ses nombreux agents disséminés, à l'intérieur pour l'achat de produits, à l'étranger pour la vente, les échanges, les recouvrements, l'achat des retours! Ne vous y attendez pas, messieurs.

La chose la plus difficile, pour des entreprises lointaines surtout, c'est de trouver des agents qui réunissent, à l'aptitude, les titres à une grande confiance. Si c'est une difficulté pour l'armateur ou le négociant qui prépare son expédition de longue main, combien n'est telle pas plus grande pour une société qui veut explorer différents pays à la fois?

Un grand écueil pour une société d'exportation, c'est l'impatience de produire des résultats ; elle est excitée par l'opinion publique, par des intérêts exigeants, par son propre désir de réaliser les espérances qu'elle aurait fait concevoir. Elle serait invinciblement poussée à précipiter des opérations qui commanderaient, au contraire, beaucoup de mesure.

Je vous signalerai un autre danger.

La société d'exportation étant établie au moyen de l'intervention puissante du gouvernement, au moindre malaise, au moindre ralentissement de la vente, les diverses industries dirigeront leur vue sur la société de commerce, et c'est par leur pression sur le gouvernement, qu'elles se feront donner des commandes.

Et comment la société pourra-t-elle débattre le prix des produits, quand le fabricant saura qu'elle est en quelque sorte forcée de lui acheter sans concurrence ?

Et si la société exporte en compte, en participation avec le fabricant, celui-ci lui fera payer sa part plus cher qu'il ne vendrait à d'autres acheteurs.

Voilà donc la société entraînée malgré elle à faire entrer une trop grande quantité de marchandises d'une seule espèce dans des chargements qui présenteront encore, par le fait, l'inconvénient de ne pas être assez variés. Et si elle venait à exporter, ce que l'intérêt de ses expéditions rendrait nécessaire, des produits étrangers pour compléter l'assortiment de pacotilles, à combien de récriminations ne s'exposerait-elle point?

La plus grande utilité d'une société d'exportation serait dans l'établissement de comptoirs belges sur les principaux marchés transatlantiques; mais vous reconnaîtrez tantôt, j'espère, que ce résultat pourrait être plus sûrement atteint par la spéculation privée.

Si l’impuissance d'une société d'exportation ne devait pas résulter de sa constitution propre, elle vous serait démontrée par l'expérience de plusieurs établissements qui se sont formés en Belgique depuis une douzaine d'années.

L'honorable comte de Theux vous a dit dernièrement que la société Nationale et la société de Commerce de Bruxelles n'avaient été autorisées, que sur l'engagement ou la promesse des fondateurs, de contribuer à l'écoulement des produits manufacturés. En effet, ces sociétés entreprirent des affaires d'exportation, mais elles ne tardèrent pas à renoncer à cette branche d'opérations, et elles agirent sagement.

La société de Commerce d'Anvers et la banque de l'industrie aussi érigée à Anvers, pour suivre les affaires d'exportation n'ont eu qu'une existence éphémère.

Je vous parlerai, messieurs, d'un établissement fameux qui a souvent donné lieu dans cette enceinte à l'expression de regrets exagérés. Si les événements qui ont fait cesser les rapports de l'industrie avec la société de commerce des Pays-Bas, avaient été retardés d'une année, nos fabricants n'auraient pas manqué de faire entendre des plaintes et des récriminations tout aussi énergiques que l'ont été leurs doléances après la révolution.

Le Prince qui régnait sur nos provinces avant la révolution montrait une vive sollicitude pour le développement de nos industries. Je n'examinerai pas si la protection qu'il accordait aux intérêts matériels du pays avait pour but de lui faire supporter plus patiemment le froissement de ses intérêts (page 740) moraux. Ses bienfaits étaient constants, et je ne veux pas ou scruter le mobile.

De grands encouragements furent accordes à nos industries. La société de commerce fut établie. Obéissant à la volonté du Roi, cet établissement fit des envois de nos produits sur tous les points du globe où il y avait des consommateurs. Ces essais furent presque partout malheureux, et, au total, une cause de ruine pour la société. Aussi, dût-elle s'arrêter dans cette voie. En août 1830, elle décida qu'elle cesserait ces exportations pour restreindre ses affaires exclusivement à Java.

Ces expéditions vers tous les pays avaient imprimé un grand essor aux fabriques de coton et aux constructions navales.

Mais la résolution prise par la société de commerce de se renfermer dans le commerce avec les Indes orientales, avait marqué le point d'arrêt de cette grande prospérité et des énormes bénéfices de ces industries.

Je me rappelle qu'au printemps de 1830, les fabricants de Gand revenant de La Haye, où ils s'étaient rendus à une adjudication de fournitures, se plaignaient qu'on leur eût fait subir une réduction de 15 p. c. sur les prix de l'adjudication précédente , qui avait déjà établi un rabais de 10 p. c.

Voilà donc une industrie qui trouvait encore son compte dans des commandes à une réduction de 25 p. c. sur les prix antérieurs. Les armateurs avaient amorti leur capital en trois affrètements.

On comprendra que l'établissement qui payait si généreusement, ne put se présenter avec avantage sur les marchés lointains, en concurrence des spéculateurs anglais, français, allemands et américains qui avaient fait leurs achats dans des conditions bien plus favorables. Aussi, les pertes furent-elles désastreuses ; le Roi dut, pendant plusieurs années, payer les intérêts qu'il avait garantis aux actionnaires. Heureusement pour lui qu'il avait la direction souveraine des colonies ; il fit vendre à la société de commerce les produits de Java : café, épices, étain, etc., à des prix qui laissaient des bénéfices énormes, bénéfices qui la mirent à même de récupérer ses pertes et de libérer la garantie du Roi.

Je ferai valoir une autre objection qui ne manquera pas de fixer votre sérieuse attention.

Plusieurs honorables membres, qui se montrent partisans de la société d'exportation, ne la veulent toutefois que temporairement. J'imagine qu'ils ne font cette restriction que parce qu'ils considèrent la société comme un moyen d'ouvrir des voies dans lesquelles se lanceront les spéculations de l'intérêt privé. En y réfléchissant bien, messieurs, vous reconnaîtrez que le système conduit naturellement à un résultat opposé.

La nécessité est souvent la mère des bonnes inspirations et de l'esprit d'entreprise. Ce véhicule qui porterait le fabricant à chercher au loin le débouché de ses produits, s'affaiblirait en raison de la vente plus facile qu'il trouverait à faire à la société.

L'existence de la société d'exportation serait, elle-même, un sujet de découragement pour les entreprises particulières. Celles-ci redouteraient plus que de raison, la concurrence d'un établissement qui, à leurs yeux, pourrait moins bien conduire ses opérations et d'autant mieux supporter des pertes, que le gouvernement les aurait garanties.

Si vous jugez ces objections fondées, messieurs, vous serez amenés à admettre un autre moyen d'accomplir vos intentions louables en faveur du commerce et de l'industrie. Il y a, d'ailleurs, une bonne raison pour aviser à un autre système ; c'est que l'érection d'une société d'exportation ne serait réalisable qu'au prix de sacrifices que vous ne consentirez pas à faire. Vous ne trouverez pas d'actionnaires en leur offrant la garantie de l'Etat pour les intérêts, même pendant un grand nombre d'années, et vous n'avez probablement pas l’intention de garantir le capital. Je ne base pas cette opinion sur les circonstances actuelles, je l'établis même dans l'hypothèse d'un état de choses normal. J'ai eu l'honneur de vous le dire, messieurs, la société anonyme pour des entreprises industrielles, ne se relèvera pas de sitôt dans notre pays. Vous ne vous faites sans doute pas illusion à cet égard, et je me suis demandé si c'est bien avec l'intention sincère de le réaliser que l'on agite le projet d'une société d'exportation, ou si l'on ne paraît caresser cette idée que pour flatter des désirs, sauf à se prévaloir des circonstances pour en ajourner l'accomplissement. Moi qui prends les choses au sérieux, surtout quand elles intéressent grandement le pays, je me permets de vous entretenir de ce projet, non pour l'approuver, mais pour vous solliciter, messieurs, de réaliser l'intention qui l'a dicté. Les circonstances difficiles au milieu desquelles nous vivons, loin d'être un motif d'ajournement, sont, à mes yeux, une raison puissante de presser l'adoption et l'exécution de mesures tendant à chercher dans des contrées lointaines et en paix, des consommateurs qui s'amoindrissent en Europe pour nos produits industriels.

Il y a 15 ans que la Belgique, à peine admise au rang des nations indépendantes, manquant encore de la sanction de plusieurs puissances, exposée à une reprise d'hostilités avec la Hollande, obligée de maintenir une armée considérable avec un budget de la guerre d'un chiffre double de celui actuel, la Belgique, dans cette situation, et donnant l'exemple de l'impulsion au continent de l'Europe, décrétait la construction d'un réseau de chemins de fer qui devait entraîner une dépense de 200 millions. La nation ne s'est pas appauvrie par là, au contraire, elle a gagné an richesses, en bien-être, en consistance , en considération. Elle se concilia les sympathies des peuples chez lesquels notre révolution avait suscité des sentiments malveillants.

A quelques années de distance - 18 ans dans la vie d'une nation sont bien peu - montrons-nous dignes de ceux qui nous ont devancés dans cette enceinte. Je ne demande pas d'aussi grandes choses, mais de bonnes choses, des mesures qui témoignent de voire confiance dans l'avenir, qui distraient dus préoccupations politiques, qui excitent le courage et l'énergie dans le pays et préparent sa prospérité future.

Le gouvernement et la législature pourraient obtenir des résultats précieux, prodigieux peut-être, sans avoir besoin de s'élever à la hauteur de nos premières législatures. En ajoutant, pendant dix ans, à votre budget des dépenses, un pour cent de leur montant, consacré à l'extension de votre commerce extérieur, vous augmenteriez considérablement la richesse nationale et les ressources du trésor public. Le commerce est le grand moyen des industries et si vous consultez l'histoire de la Belgique au moyen-âge, vous verrez, messieurs, que les fabriques des Flandres et du Brabant n'ont jamais été aussi prospères qu'aux époques où le commerce de Bruges et d'Anvers était le plus étendu.

La Belgique est entourée de nations qui éprouvent aussi généralement le besoin de débouchés et de se défendre contre la concurrence extérieure. Il est nécessaire d'ouvrir de nouvelles voies pour parer à l'insuffisance de celles existantes. Il faut les chercher dans les pays qui n'ont point de fabriques ; il est certain que partout où il y a des consommateurs, il y a des acheteurs. C'est à qui leur présentera la marchandise qui conviendra le mieux à leurs besoins. La qualité et le prix n'importent pas seulement ; les préjugés ont aussi une grande valeur. Dans les pays qui ont l'habitude de consommer des produits anglais, par exemple, on n'accueillera pas avec la même faveur des produits belges similaires et aux mêmes prix, parce que la supériorité industrielle des Anglais est admise comme fait partout hors d'Europe. Je me permettrai de vous rapporter à ce sujet, messieurs, ce que j'ai eu l'honneur d'entendre dire par l'évêque de San-Salvador, qui est venu à Bruxelles, il y a quelques années. Il avait été président de l'Etat de Guatemala, et paraissait avoir l'intelligence nécessaire pour être ministre d'un Etat européen. Il disait que la Belgique n'était connue dans l'Amérique centrale, que par des personnes qui avaient reçu une instruction exceptionnelle ; que celles-là mêmes qui connaissaient l'existence de la Belgique se la figuraient comme un petit pays tributaire à l'égal du leur, de l'Angleterre pour ses consommations de produits industriels. Ce prélat était surpris de nos merveilles industrielles et d'apprendre que nous vendions aux Anglais des étoffes de laine et de coton destinées à la Chine et à d'autres pays.

Vous le voyez, messieurs, c'est une œuvre de patience et de persévérance que de créer des débouchés dans les contrées lointaines. Vous obtiendrez moins ce résultat par une société d'exportation, qu'en excitant et en encourageant les intérêts privés à le conquérir.

Les spéculations dirigées sur des ports de mer sont très chanceuses. La marchandise rencontre-elle un marché trop garni? elle se vend à vil prix; il faut bien vendre, car les droits de douanes ont souvent dû être acquittés, et la marchandise se détériorerait faute de soins et par l'action du climat; on désire aussi faire les retours du produit par le même navire. Le marché est-il favorable? les négociants qui traitent l'article se liguent entre eux pour acheter au-dessous de la valeur.

Dans tous les cas, il faut passer par les mains de maisons de commerce qui s'établissent au loin pour faire une fortune rapide, et qui souvent trouvent que les moyens honnêtes les conduiraient trop lentement à leur but.

Les maisons solides de ces places de commerce sont le plus souvent des maisons anglaises qui ont intérêt à décourager les opérations isolées des négociants d'une autre nation.

Je connais tous ces dangers par l'expérience que j'en ai faite. Il y a 27 ans déjà que le désir naturel aux jeunes gens de tenter des chemins non battus, m'avaient porté à expédier de Verviers des marchandises pour les principaux marchés du globe. Après, pendant dix années, j'ai été à même de suivre de semblables spéculations entreprises par d'autres maisons. C'est ce qui semble m'autoriser à émettre une opinion.

Il est essentiel de favoriser l'établissement de comptoirs belges dans les principales places de commerce des pays avec lesquels on voudrait nouer des rapports commerciaux. Cette nécessité est reconnue par les partisans de la société d'exportation. Nous ne différons que sur le choix des moyens d'y satisfaire.

Je voudrais de plus et surtout, déterminer les fabricants de noire pays à choisir parmi leurs contremaîtres et leurs ouvriers, des jeunes gens dont la moralité et la conduite leur seraient connues ; qui, doués d'intelligence, d'énergie, d'une bonne instruction primaire, se rendraient dans les contrées lointaines avec une partie peu importante de marchandises pour en chercher la vente.

Ces jeunes missionnaires commerciaux seraient chargés de pénétrer dans l'intérieur des pays qu'ils auraient à explorer, d'atteindre !e consommateur, de lui faire essayer la marchandise, de captiver les préjugés, de créer une bonne réputation aux produits belges.

Pour compléter ce système, il ne suffirait pas d'envoyer à la recherche de nouveaux débouches ; il faut encourager et faciliter le développement de ceux que plusieurs de nos industriels ont su se créer. Des fabricants de draps de Verviers et de Dison soutiennent avec honneur et profit la concurrence étrangère aux Etats-Unis d'Amérique; cette voie est aussi ouverte aux autres produits de l'industrie.

La civilisation retourne aux rives du Bosphore pour de là s'étendre dans tout l'Orient ; elle emmène avec elle les besoins de l'Europe; ces besoins ont pénétré à la Porte, au sérail, et se saisissent des habitants riches de Constantinople. Un négociant belge, à la suite de deux ou trois séjours dans cette capitale où il a su former des relations convenables, reçoit de fréquentes commandes d'objets de luxe en meubles, ornements, selleries, etc., indépendamment des produits de nos principales industries dont plusieurs ont des rapports anciens avec les échelles du Levant.

(page 741) Mais ces débouchés sont soumis à un grand désavantage, en regard de la concurrence étrangère. Cette défaveur consiste dans la rareté des moyens d'expédition. Souvent pour les Etats-Unis, on doit expédier la marchandise au Havre ou sur un port d'Angleterre pour de là être mise à bord d'un paquebot.

Pour les expéditions aux échelles du Levant, les occasions sont plus rares encore ; il faut attendre un navire frété « en cueillette », à Anvers, ou se servir de l'intermédiaire d'un port étranger, souvent du port de Trieste.

On comprend tout le dommage qui résulte des retards et des frais extraordinaires que ces voies détournées occasionnent.

L'établissement de services de navigations régulières, à dates fixes, serait l'encouragement le plus efficace pour le développement des débouchés qui nous sont déjà ouverts. Ces moyens de transport attireraient le transit, des éléments d'affaires au commerce, des éléments de transport à nos chemins de fer et des recettes à la douane.

Je propose d'ajouter aux moyens qui sont déjà à la disposition du gouvernement , une allocation d'un million au budget, avec autorisation d'engager cette somme à concurrence de 500 mille francs pour dix ans. Ce qui resterait du crédit d'une année serait ajouté à celui de l'année suivante.

Ces crédits serviraient à subventionner des entreprises de navigation régulière, l'établissement de comptoirs, les tentatives des négociants et des fabricants qui enverraient des agents dans les contrées lointaines.

Le gouvernement et les chambres nommeraient les membres d'un comité spécial chargé de recevoir les propositions qui seraient faites par des particuliers ou des associations pour la création de services de navigation, de comptoirs; pour l'envoi de pacotilles par voyageurs, pour tous projets d'entreprises commerciales. Le comité examinerait les propositions, les discuterait avec les intéressés, les modifierait, il en prononcerait définitivement l'admission ou le rejet.

Les combinaisons les plus variées peuvent se produire de la part des personnes ou des associations qui répondraient à l'appel du gouvernement. Les uns demanderont le partage par l'étal des frais généraux des comptoirs ou des agents ; d'autres une garantie des intérêts des capitaux engagés, ou une garantie des perles à concurrence d'une part stipulée, ou une prime sur les produits vendus par les agents particuliers ou les comptoirs. C'est pourquoi le gouvernement ou le comité spécial devrait être autorisé à prendre des engagements pour plusieurs années.

Ce système, messieurs, n'est que le développement de l'idée qui me paraît avoir inspiré le gouvernement dans quelques mesures qu'il a prises et qui sont parvenus à ma connaissance. Peut-être qu'en y appliquant une attention soutenue et des moyens suffisants, qu'en lui imprimant surtout l'esprit de suite et un principe de durée, le système serait de nature à éveiller les intérêts privés, à stimuler l'esprit des entreprises lointaines et que le zèle, échauffé par le patriotisme, provoquerait des associations dans nos villes manufacturières et entre les producteurs d'industries diverses. Un fabricant de draps de Verviers pourrait s'entendre avec un fabricant de coton de Gand, ou un marchand de toiles de lin des Flandres, pour envoyer sur un point quelconque deux ou trois jeunes gens avec des fabricats à vendre.

Notre métropole commerciale revendiquerait probablement l'honneur et les devoirs qui lui reviendraient dans la réalisation d'un plan aussi éminemment national, et qui tendrait, du reste, à accroître le mouvement des affaires de la place ; des maisons d'Anvers pourraient, soit isolément, soit par association, se charger de la création de comptoirs ; des capitalistes y prendraient des parts d'intérêt.

S'il est un moyen de déterminer les négociants d'Anvers à affecter des capitaux à des spéculations lointaines, ce n'est certainement pas par une société d'exportation; ils les confieront plutôt, et avec raison, à des entreprises qu'ils dirigeront eux-mêmes ou dont ils inspireront et surveilleront la conduite.

La publication de la loi qui consacrerait le mode d'encouragement que je propose, attirerait peut-être bientôt des propositions d'une compagnie américaine pour l'établissement d'un service régulier de navigation à vapeur entre Anvers et l'un des ports de l'Union. Personne ne consistera les avantages immenses qui résulteraient de relations actives et suivies avec le Nouveau-Monde et ils ne seraient pas trop chèrement acquis au prix d'un subside annuel et éventuel assez considérable.

Si je propose la formation d'un comité qui déciderait l'emploi de la dotation nationale du commerce et de l'industrie, ce n'est pas que je ne considère le gouvernement comme aussi apte à apprécier les propositions qui lui seraient soumises, mais ce serait un nouveau rouage compliqué qui surchargerait outre mesure, le fardeau ministériel et qui ne permettrait pas de donner une solution assez prompte aux projets qui se feraient jour.

J'ai encore un autre motif pour proposer un comité spécial. C'est que je lui croirais plus de liberté pour prendre des décisions. Il arriverait bien des cas où le gouvernement hésiterait par suite de considérations étrangères aux intérêts mêmes sur lesquels il aurait à prononcer. Un ministère rejette parfois des choses utiles parce que leur adoption blesserait des influences parlementaires.

Je vous ai exposé mes vues sur les moyens d'étendre les débouchés de nos produits industriels. Leur adoption me paraîtrait devoir assurer mieux qu'une société d'exportation, des résultats durables et moins onéreux pour l'Etat.

Si ce mode était condamné, je me rallierais à tout autre qui aurait des chances d'adoption et qui, étant réalisable, me semblerait propre à inspirer le courage et l'énergie au commerce national.

- La chambre passe au vote sur les articles.

Article 63

« Art. 63. Traitement de l'inspecteur pour les affaires de l'industrie et des membres du comité consultatif pour les mêmes affaires : fr. 7,600.

- Adopté.

Article 64

« Art. 64. Encouragements à l'industrie : fr. 33,000. »

M. le président. - MM. Peers, Toussaint, Le Bailly de Tilleghem, Sinave et Rodenbach proposent par amendement d'ajouter au libellé les mots : « Achats de modèles, etc.), et de porter le chiffre de cet article à 83,000 fr.

M. Delfosse. - Je désirerais savoir si le gouvernement se rallie à l'amendement.

- Plusieurs membres. - Il faudrait que l'amendement fût développé.

M. Peers. - Je l'ai développé dans mon discours.

M. Van Grootven. - L'honorable M. Peers demande une augmentation. Il me semble qu'elle est assez forte pour qu'il se donne la peine de développer sa proposition.

M. Orts. - Je désirerais savoir à quel libellé de l'article 64 s'appliquera l'augmentation de 50,000 fr. Voici comment l'article est conçu, et vous allez voir que ma demande est parfaitement naturelle : « Achat de modèles et de métiers perfectionnés ; frais d'inspection des établissements dangereux ou insalubres. »

Est-ce pour inspecter ces établissements insalubres qu'on veut une augmentation de 50,000 fr. ?

« Frais d'expertise de machines pour lesquelles on réclame l'exemption des droits d'entrée ; voyages et missions; publications utiles ; prix ou récompenses des ouvrages ou mémoires sur des questions de technologie ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; frais d'organisation des caisses de prévoyance, etc. »

Est-ce pour l'etcetera que vous voulez les 50,000 fr.?

M. Toussaint. - Messieurs, l'article est conçu tel que l'honorable M. Orts a eu la bonté de le lire, mais tel qu'il existe dans le projet du gouvernement. C'est un article complexe qui laisse au gouvernement une très grande latitude. Les ministères précédents n'ont pas abusé de cette latitude et les honorables membres qui siègent au banc des ministres n'en abuseront, j'en suis persuadé, pas plus que leurs prédécesseurs.

Je répondrai maintenant à la demande d'explication qui nous est faite.

Il a été, dans la discussion générale, assez insisté sur l'état de la Flandre, pour que chacun de nous soit convaincu qu'il y a immensément à faire, pour retirer ces provinces de l'état déplorable dans lequel elles se trouvent. Il y a tellement à faire pour les soulager, qu'on a été, pour y parvenir, jusqu'à concevoir des projets qui paraîtront extraordinaires à plusieurs d'entre nous.

Une chose sur laquelle nous sommes tous restés d'accord, c'est qu'il y a surtout à développer le travail dans ces contrées. Les bras ne manquent pas en Flandre, et quoi qu'on en ait dit, le courage n'y manque pas non plus que la modération dans les besoins. Si l'on parvenait à y porter le travail à la hauteur où il est dans certains pays voisins, j'affirme qu'aucun d'eux ne pourrait lutter avec succès contre elles.

Eh bien ! notre intention, eu proposant une augmentation de 50,000 fr.. est que le gouvernement puisse encore, plus qu'il ne l'a fait, s'attacher à introduire dans la Flandre rurale des métiers nouveaux, des industries nouvelles, et qu'il puisse plus efficacement poursuivre la voie où il est entré au profit de cette partie du pays.

La prospérité de ces provinces doit, messieurs, vous paraître doublement intéressante, si vous songez qu'en définitive les deux Flandres doivent être maintenues comme un de vos principaux débouchés. Tous ceux qui se sont occupés des questions industrielles, savent que notre principal débouché est à l'intérieur. Or, travailler à relever la production dans une partie du pays, c'est en même temps travailler à relever la production des autres parties du pays; parce que, comme l'ont dit les économistes, et je ne suis pas toujours d'un avis contraire au leur, la production provoque la production, le commerce et l'industrie vivent d'échange.

Je ne pense pas que le gouvernement se trouvera gêné, parce que nous mettrons à sa disposition 50,000 francs de plus qu'il ne demande. Il n'est pas obligé de faire emploi de toute la somme. Il est gouvernement responsable pour quelque chose. Il ne fera que ce qui sera reconnu utile à faire; la somme dont il croira ne pas pouvoir faire usage, il la laissera inemployée. Pour ma part, je lui accorde, à cet égard, mon entière confiance; mais, en présence des immenses besoins et des grands instincts d'amélioration qui se montrent dans la Flandre rurale, je dois insister avec mes collègues pour que des fonds suffisants pour y satisfaire soient mis à la disposition du cabinet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lorsque le gouvernement a préparé le budget, il l'a fait en vue des besoins reconnus pour l'année 1849. Il a dû s'arrêter à certaines limites, et il s'est appliqué à introduire toutes les économies qui pouvaient être admises au budget de l'Etat sans nuire à aucun service public.

En dehors du budget des crédits extraordinaires ont été votés pour venir en aide aux classes laborieuses. Le dernier crédit a été de (page 742) deux millions. J'ai déjà en occasion, à plusieurs reprises, de faire connaître à la chambre que les imputations sur ce crédit, avaient été ménagées de telle sorte, qu'une somme de 300,000 fr. restait encore disponible.

Si des besoins nouveaux requièrent des crédits spéciaux en dehors du budget, des demandes seront faites à la chambre, mais en dehors du budget. Il y a certains inconvénients à accroître dans le budget des allocations qui, par cela même qu'elles figurent au budget, prennent un caractère définitif et permanent. L'allocation de 150,000 fr. qui se trouve au budget spécialement pour l'industrie linière, y figure depuis un certain nombre d'années. Cependant la première fois que cette allocation a été introduite dans le budget par l'initiative de la chambre, il paraissait qu'elle ne devait y figurer que provisoirement, que transitoirement. Aujourd'hui elle est devenue en quelque sorte une dépense permanente.

Le gouvernement a cru devoir se renfermer dans de sages réserves. Il pense que les crédits qu'il a demandés suffiront aux besoins ordinaires. Si des besoins extraordinaires se révèlent, des crédits extraordinaires seront demandés. Pour le moment, nous regardons les chiffres du budget comme bien établis et comme devant suffire pour les besoins normaux de 1849.

J'ajoute encore un mot en faveur de l'intérêt que les auteurs de la proposition ont en vue. Il paraît que l'augmentation de crédit demandée est destinée à l'acquisition de métiers nouveaux ; eh bien, le subside de 150,000 francs pour l'industrie linière renferme aussi la mention de la distribution de métiers; de manière que l'on pourrait, sur ces 150,000 francs, imputer les frais d'acquisition de certains métiers, si le chiffre de 33,000 francs ne suffisait pas.

- La clôture est demandée.

M. Toussaint (contre la clôture). - Messieurs, sur le chiffre de 50,000 francs, je n'insisterai pas...

M. le président. - C'est le fond.

- La clôture est prononcée.

L'amendement de MM. Toussaint, Rodenbach et autres membres, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 33,000 francs est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 65

« Art. 65. Subsides en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses ; distribution de métiers, etc. (charges extraordinaires) : fr. 150,000. »

M. le président. - Il y a un amendement de MM. Toussaint, de Haerne, Rodenbach, Peers, le Bailly de Tilleghem et Sinave, qui a pour objet de porter le chiffre à 250,000 francs.

La parole est à M. Cumont.

- Un membre. - Il faut d'abord que l'amendement soit développé.

M. de Haerne. - Je ne tiens pas à parler avant l'honorable M. Cumont, mais je suis un des signataires de la proposition et je désire qu'elle soit développée. Si l'un des honorables membres qui ont signé la proposition avec moi, veut se charger de présenter les développements, je renoncerai volontiers à la parole, mais je pense que l'honorable M. Cumont ne s'opposera pas à ce que la chambre entende d'abord l'un des signataires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il me semble, messieurs, que lorsque le gouvernement déclare que l'allocation qu'il a réclamée lui paraît suffisante pour les besoins normaux de 1849, on ne peut pas vouloir lui imposer une augmentation de crédit. J'espère que la déclaration que je fais ne sera pas mal interprétée. Il est bien entendu que si des besoins nouveaux se révèlent, des crédits spéciaux seront demandés.

M. Rodenbach. - Messieurs, d'après la déclaration que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, je renonce, en ce qui me concerne, à l'amendement. Je suis convaincu que lorsque les besoins de l'industrie linière l'exigeront. M. le ministre, ainsi que le cabinet tout entier, s'empressera de proposer de nouvelles allocations pour les Flandres.

M. Toussaint. - Je renonce également à l'amendement, mais je prends acte de la déclaration du gouvernement, quant à la somme qu'il a disponible et quant au crédit qu'il s'engage à demander, si le besoin s'en fait sentir.

M. Sinave. - Messieurs, je me rallie à l'opinion exprimée par les honorables préopinants. Cependant je ferai une remarque, c'est qu'il ne faut pas attendre de nouveaux besoins, des besoins plus étendus ou plus urgents, en ce qui concerne les encouragements à donner à l'industrie linière, tant à la nouvelle qu'à l'ancienne; ces besoins existent, et j'en trouve la preuve dans les demandes qui ont été adressées depuis quelque temps au gouvernement de la part des autorités communales. Les autorités locales de la Flandre occidentale ont applaudi aux efforts faits par le gouvernement pour établir des ateliers modèles et pour propager les instruments perfectionnés; mais elles demandent que les ateliers reçoivent de l'extension ; elles demandent aussi qu'on y annexe d'autres branches très utiles qui s'accorderaient parfaitement avec les opérations qui se font déjà dans les ateliers. Plusieurs communes privées de cet avantage, demandent aussi que le gouvernement veuille bien y ériger un atelier. On demande également qu'il soit pris des mesures de surveillance à l'égard des tisserands qui recevraient des métiers nouveaux, afin qu'ils n'en abusent pas et qu'ils soient dirigés dans une bonne voie. Je dis, messieurs, que ce sont là des besoins qui existent et qu'il ne faut pas en attendre de nouveaux. J'appelle sur ce point l'attention toute spéciale de M. le ministre de l'intérieur.

L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit (et je prends acte de ces paroles) qu'il avait disponible une somme de 300,000 fr. qu'il pourrait consacrer à cet objet. Eh bien, messieurs, j'ai toute confiance que M. |e ministre de l'intérieur entrera de plus en plus dans cette voie (Interruption).

J'ai la conviction que le chiffre proposé est insuffisant, même dans le moment actuel, si on veut satisfaire à toutes les demandes fondées qui sont adressées au gouvernement. J'espère que le gouvernement fera droit à ces demandes, et je le prie de considérer que les besoins auxquels il a fait allusion, existent déjà aujourd'hui et ne sont que trop réels, vu surtout l'état de gêne où se trouvent nos communes,

M. le président. - L'amendement étant retiré, il ne s'agit plus que de mettre aux voix le chiffre du gouvernement, qui est de 130,000 fr.

M. Cumont. - Je demande la parole pour présenter quelques observations.

D'abord, messieurs, pour moi, il est évident que toutes les mesurée prises jusqu'à présent pour venir au secours de l'industrie linière n'ont pas répondu à ce qu'on s'en était promis. Certainement je ne mets pas en doute les bonnes intentions du gouvernement; mais il est évident que tout ce qu'on a fait jusqu'à présent n'a pas fait cesser la misère des Flandres; vous en serez d'accord avec moi. Il faut donc chercher un autre moyen. Cet autre moyen serait la transformation de notre fabrication. Nos fabricants sont des paysans qui font 5 ou 6 pièces de toile dans le courant d'une année ; autrefois ils les vendaient à des marchands qui servaient d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, et qui avaient leurs relations en France et en Espagne. Ces négociants n'étaient pas armateurs, et nos relations avec la France et l'Espagne nous ayant été enlevées par des mesures douanières, nous avons perdu nécessairement le seul débouché que nous avions. Il faut donc chercher des débouchés ailleurs.

Eh bien, pour trouver des débouchés ailleurs, il faut un agent puissant, qui soit à même d'accorder de longs crédits et d'établir des relations; en u» mot, il faut une société d'exportation qui puisse servir d'intermédiaire entre le fabricant et le consommateur dans les pays où nous n'avons pas de relations et où nos marchands de toiles ne sont pas placés dans des conditions à pouvoir faire ce commerce. Ce ne sera que quand vous aurez une société de commerce bien constituée, qui viendra dire aux fabricants : « Voilà un type de toile, faites-la, et lorsque vous l'aurez faite, je l'exporterai ; » ce ne sera qu'alors que vous parviendrez à changer votre mode de fabrication, qui n'est pas approprié aux besoins de l'étranger; et pour arriver à ce résultat, il n'y a qu'une société d'exportation. Car nos fabricants ne changeront pas leurs produits, n'ayant pas le moyen de les placer.

Je prie le gouvernement de prendre en considération la véritable situation de notre industrie ; je le prie d'aviser au moyen de créer cette société d'exportation dans un bref délai, puisque, par l'existence de cette société seule, on peut parvenir à la transformation de nos fabricats et à leur placement certain.

Un rapport de notre consul à la Havane, que j'ai lu hier au Moniteur, nous annonce que nous ne sommes plus que pour un vingtième dans l'importation des toiles sur ce marché, tandis qu'autrefois, nous pourvoyions à la totalité de sa consommation; puis il ajoute : « des toiles de Courtray en fil à la main donnent un produit bien supérieur dans les numéros élevés à celui que donne le fil fait à la mécanique qu'on employé en Angleterre. » Les toiles de Flandre, pour ce motif, sont recherchées et préférées.

Pourquoi n'y a-t-on pas exporté? Parce qu'il n'y a pas d'agents entre le fabricant et le consommateur. Une société de commerce peut seule combler cette lacune.

Maintenant, si l'on pouvait entrer dans la discussion des conditions plus ou moins avantageuses de la création de cette société d'exportation, je serais en mesure de développer plusieurs considérations pour repousser les arguments que l'honorable M. de Pouhon a fait valoir tout à l'heure. Mais là n'est pas la question pour le moment. Je me borne à répéter que le principe du mal git dans le défaut de vente, parce que nous n'avons pas d'agents entre le fabricant et le consommateur. En dehors de la mesure que j'indique, toutes celles que vous prendrez, n'aboutiront qu'à vous faire faire des dépenses sans résultat, ainsi que cela a eu lieu depuis dix ans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable M. Cumont pense que le salut des Flandres consiste uniquement dans la création d'une société de commerce. Je ne puis être de cet avis. Je crois avoir démontré qu'il y avait du bien à faire aux Flandres en dehors d'une société d'exportation, et la chambre, par son vote, a approuvé la voie dans laquelle le gouvernement est entré. Déjà beaucoup a été fait, et l'on pourra encore faire beaucoup, tant pour la vente à l'intérieur que pour l'exportation, même eu l'absence d'une société de commerce. Je pense que l'honorable préopinant est trop absolu, trop exclusif dans le remède qu'il indique.

M. de Haerne. - Messieurs, je suis de l'avis de M. le ministre de l'intérieur, il y a beaucoup à faire en dehors d'une société d'exportation. Je crois qu'il y a un bien immense à réaliser par le développement des ateliers-modèles et surtout par la propagation de l'usage de la navette volante.

Je ne crains pas de dire que si tous les perfectionnements relatifs à l'ancienne et à la nouvelle industrie linière, relatifs au lissage, au filage, au (page 745) classement du lin et au numérotage du fil, en un mot à l'organisation de l'industrie, si ces perfectionnements, qui sont partiellement introduits dans les ateliers, venaient à se généraliser dans les Flandres ; je ne crains pas de dire que nous serions à même de combattre avantageusement les obstacles que nous rencontrons pour l'exportation de nos toiles dans les pays voisins et particulièrement en France.

Je crois que l'emploi général de ces moyens de perfectionnement augmenterait d'abord les salaires et produirait ensuite une baisse notable par l'effet de la concurrence, baisse que je ne craindrais pas de porter à 15 ou 20 p. c. Remarquez que l'usage seul de la navette volante diminue en moyenne le travail du tisserand d'un tiers au moins.

J'ajouterai que le tissu est généralement plus parfait. Le numérotage donne aussi plus de qualité au fil ; preuve, c'est que les Allemands qui numérotent leur fil à la main, l'exportent dans tous les pays et notamment en Irlande où ils en placent pour plus d'un million par an.

Notre fil à la main est moins cher que le fil mécanique dans une foule de numéros. A Thielt, le n°65 à la main présente un avantage de 29 p. c. sur le même numéro en fil mécanique. Voir le rapport annuel de la régence de Thielt pour 1848. D'après l'exposé de la situation de la Flandre orientale pour 1848, la trame à la main est à meilleur compte et fait une toile meilleure que la trame mécanique.

D'où provient-il que le fil à la main se vend difficilement? De ce qu'il n'est pas numéroté, de ce qu'il n'y a pas d'organisation. En classant le fil et en accélérant le tissage, on pourrait réduire le prix de la toile de manière à pénétrer sur le marché français et à élargir aussi le marché intérieur.

C'est pour arriver à ce but, que de concert avec d'honorables collègues, j'avais proposé une augmentation de crédit dans le budget de 1849, proposition à laquelle j'ai renoncé, pour ce qui me concerne, par suite de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur, qu'il propagerait de plus en plus les améliorations dont j'ai parlé. Jusqu'ici ce qu'on a fait est peu sensible, vu la masse des tisserands et des fileuses. Ainsi, pour ce qui regarde le tissage de la toile filée à la main, on peut compter 30,000 tisserands, dont il n'y en a pas plus de 1,500 qui emploient la navette volante, tandis que presque tous ceux qui font la toile en fil mécanique ont recours à ce perfectionnement. 1,500 sur 30,000, c'est 5 p. c. ; cela ne peut pas faire sensation, cela ne peut pas faire fléchir les prix des toiles. Ce qui prouve qu'en généralisant cette méthode de tissage, on ferait un grand pas, c'est que je connais des tisserands, faisant la toile filée à la main, qui gagnent encore aujourd'hui 1 fr. 80 c. par jour, grâce à l'emploi des procédés perfectionnés.

J'estime qu'il faudrait, pour généraliser l'emploi de ces moyens de perfectionnement, faire une dépense d'un million et demi. Le gouvernement ne peut pas aller jusque là, je l'admets, mais il doit stimuler par les subsides les particuliers à entrer dans cette voie. Il devrait le faire d'autant plus que nos tisserands et la plupart de nos petits fabricants sont ruinés.

Encore un mot : on a parlé d'une société de commerce ; on vient d'en faire la critique. Selon moi, tout dépend des bases sur lesquelles cette société serait établie. Mon vote est subordonné à ces conditions. On a parlé en même temps de comptoirs à établir. Ces deux choses qu'on a trop confondues, me semblent pouvoir être séparées. Je demanderai au gouvernement s'il ne pourrait pas commencer par l'établissement de comptoirs auxquels j'attache une grande importance; on s'occuperait plus tard de la société de commerce.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement avait proposé au budget de l'année dernière une somme de 100,000 francs pour l'établissement de comptoirs; la chambre n'a pas adopté ce crédit. Dans la discussion, j'ai prouvé que le gouvernement attache une grande importance à cette institution ; une somme a été consacrée à l'établissement d'un premier comptoir ; nous ne renonçons pas à l'idée de les étendre quand les circonstances seront favorables.

- La discussion est close.

Le chiffre de 150,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 66 à 68

« Art. 66. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l'industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1847$, n° 6, sur les fonds provenant des droits de brevets ; frais de bureau : fr. 12,700. »

- Adopté.


« Art. 67. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 14,948. »

- Adopté.


« Art. 68. Musée de l’industrie. Matériel et frais divers : fr. 13,052. »

- Adopté.

Motion d'ordre

M. Schumacher. - Avant que la chambre passe au chapitre Instruction publique, je prie M. le ministre de s'expliquer sur la proposition que j'ai faite de réunir dans les mêmes mains la direction du commerce et de l'industrie. M. le ministre nous a renvoyés au chapitre industrie pour s'expliquer sur ce point.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Schumacher a exprimé le vœu de voir le commerce et l'industrie réunis dans une même direction. J'ai dit que cette question toute d'administration avait été examinée et qu'il n'a pas paru qu'il y eût une urgence telle qu'il fallût y pourvoir immédiatement. L'industrie est convenablement administrée, suivant moi, au département de l'intérieur. Le fonctionnaire placé à la tête de cette division est très habile, très laborieux. Sous ce rapport, cette branche de l'administration publique me paraît à l'abri de toute critique.

Y a-t-il lieu de faire revenir à l'intérieur la direction du commerce qui s'en est allée avec M. Dechamps aux affaires étrangères? C'est un point d'administration intérieure qui reste à décider.

Il est très bon que chaque député suggère ses vues au gouvernement, alors même qu'elles concernent des détails d'administration intérieure. Mais de telles propositions ne peuvent être insérées comme articles au budget. Ce serait, semble-t-il, un empiétement involontaire sur le domaine du gouvernement, à qui il appartient particulièrement de régler les attributions de chaque ministère. Je sais que les observations de l'honorable M. Schumacher lui sont dictées par les meilleures intentions. J'admets que l'état actuel des choses peut être amélioré ; mais quant à prendre l'engagement d'opérer au budget le transfert qu'il demande, c'est ce que je ne puis faire.

L'honorable M. Schumacher a exprimé le vœu de voir créer par le gouvernement un conseil supérieur d'industrie et de commerce. Le gouvernement n'est pas en cette matière dépourvu de toute lumière. Il est entouré de toutes les chambres de commerce qui forment comme un grand conseil répandu par tout le pays. Faut-il, à l'exemple de ce qui se fait pour l'agriculture, former un conseil supérieur de commerce et d'industrie composé d'hommes de science, d'hommes spéciaux? Il y aurait des avantages à ce système, à la condition que l'initiative de l'administration restât entièrement libre, et que son action ne fût pas entravée dans ses rapports avec le parlement.

M. Schumacher. - Je me réserve de faire une proposition formelle.

Ordre des travaux de la chambre

M. Dumortier. - Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne soit pas présent. Je dois cependant faire une observation. C'est le 1er mars qu'expire la loi qui autorise le gouvernement à fixer les péages sur le chemin de fer. Nous voici au 13 février. Je demande que le gouvernement présente un projet de loi, dans le plus bref délai possible, pour que la chambre puisse l'examiner mûrement. Il ne faut pas que l'on présente la loi la veille du jour où elle doit être votée.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.