Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 16 février 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 774) M. T’Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Dedecker. - Je demande la parole sur le procès-verbal; mais c'est uniquement pour exprimer le regret de n'avoir pu, par une circonstance indépendante de ma volonté, prendre part au vote qui u eu lieu hier. Comme j'avais assisté à la discussion, et qu'on a donné au vote qui l'a suivi un caractère politique, je tiens à ce qu'on ne puisse se méprendre sur les motifs de mon abstention. Je déclare donc que mon intention était de voter contre les motions d'ordre de MM. Lelièvre et Jullien.

- Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. T'Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Nys, Neveu et autres membres de la société de pharmacie du Limbourg, demandent l'organisation de l'enseignement pharmaceutique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Simons présente des observations sur les dépenses que l'on doit faire pour suivre l'enseignement universitaire. »

- Même renvoi.


« Des négociants en charbons et propriétaires de bateaux, à Bruxelles et à Molenbeek-Saint-Jean, demandent la réduction des péages sur le canal de Charleroy, »

- Même renvoi.


« Plusieurs membres de la garde civique de Tirlemont demandent que les célibataires et veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soient seuls astreints au service actif en temps de paix. »

- Même renvoi.


M. de Renesse demande un congé de cinq jours.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif au droit de débit sur les boissons distillées

Dépôt

Projet de loi relatif à la contribution personnelle

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport sur les lois du 20 mars et du 22 mai 1848, un projet de loi sur le droit de débit des boissons distillées et un projet de loi sur la contribution personnelle.

- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi, dont elle ordonne l'impression, la distribution et le renvoi aux sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction primaire

Article 78

M. le président. - La discussion continue sur le littera A de l'article 78.

M. Prévinaire, rapporteur. - La loi du 23 septembre 1842 prescrit une inspection civile, dont elle détermine l'organisation et les frais; elle autorise une inspection ecclésiastique; mais elle est silencieuse en ce qui concerne les frais de cette inspection, dont l'organisation est abandonnée à l'épiscopat.

En présence de cette distinction, la section centrale a eu à examiner s'il y avait lieu de maintenir les frais de l'inspection ecclésiastique au budget. Elle s'est demandé si cette inspection, entièrement indépendante de l'action du gouvernement, facultative, et organisée au gré de l'épiscopat, pouvait engager les ressources de l'Etat.

La section centrale a pensé que cela ne pouvait être ; que la loi n'avait donné au clergé qu'une faculté d'inspection ; qu'elle n'avait pas entendu transformer en fonctionnaires, rétribués par l'État, des inspecteurs ecclésiastiques ; que la législature ne pouvait consentir à subir les conséquences financières d'une organisation abandonnée à l'épiscopat ; que ce serait là abdiquer eu ce qui concerne cette dépense, le contrôle réservé à la législature.

Vous remarquerez en effet, messieurs, que si vous reconnaissiez aux inspecteurs ecclésiastiques le droit d'être rétribués par l'Etat, vous (page 775) renonceriez de fait au contrôle de cette dépense, puisque l'organisation de cette inspection est entièrement réservée par la loi à l'épiscopat.

Dès lors, la section centrale s'est prononcée pour le rejet d'une allocation pour l'inspectorat ecclésiastique.

La section centrale pense que le clergé étant rétribué par l'Etat, et l'inspection des écoles primaires étant un corollaire naturel, en quelque sorte nécessaire de la mission dévolue aux ministres du culte, l'organisation de l'inspection pouvait avoir lieu sans nouvelle dépense.

Si vous rejetiez la proposition de la section centrale, vous voteriez en réalité un article additionnel à la loi de 1842; vous iriez plus loin que n'ont été les législateurs de 1842. Reconnaître à l'inspectorat ecclésiastique le droit d'être rétribué, c'est lui reconnaître le droit d'engager d'une manière absolue les ressources de l'Etat, ou tout au moins d'organiser cet inspectorat dans les mêmes proportions que l'inspectorat civil et avec les mêmes conséquences financières. Un orateur, qui a parlé dans la séance d'hier, s'est chargé d'appuyer cette conséquence, en disant que les deux inspections devaient marcher parallèlement, que l'une ne pouvait être réduite qu'à la condition que l'autre le fût également. Messieurs, vous n'accepterez pas cette conséquence.

(page 782) M. Le Hon. - Je voterai en faveur du crédit demandé par le gouvernement pour l'exercice 1849. J'ai pourtant besoin d'expliquer à la chambre quelle est la portée de ce vote et quels sont les motifs qui le dicteront.

Je déclare adhérer aux considérations qui ont déterminé la proposition de réduction émanée de la section centrale. Mais je dois aux amis politiques que je compte dans le ministère, la justice que j'aurais pour mes anciens adversaires.

Il y a près d'un an et demi que le parti libéral est arrivé au pouvoir ; mais, dans mon opinion, il n'a pas eu, dans cet espace de temps, deux mois à consacrer à des lois organiques ; il a dû traiter et résoudre d'abord des questions financières que lui avait léguées l'administration précédente; le 24 février lui a apporté d'autres travaux et d'autres soins. Ce n'est pas moi qui le blâmerai de s'être préoccupé avant tout des intérêts de l'ordre public, de la sûreté intérieure, et de l'indépendance du pays. C'est ce qui m'a déterminé à voter hier contre les motions d'ordre qui donnaient, selon moi, à la demandé de révision des lois sur l'enseignement, un caractère fâcheux d'impatience et de précipitation.

Je me suis expliqué nettement, et je puis le dire, avec beaucoup de franchise, sur la loi de l'instruction primaire, dans la séance du 17 décembre 1847, dont peut-être vous avez gardé le souvenir. J'ai exprimé alors toute ma pensée devant l'auteur même de la loi, devant celui qui était venu vous déclarer dans quelle pensée politique il l'avait rédigée, et quel esprit de déférence avait présidé à son exécution.

Eh bien ! je crois, comme beaucoup d'honorables membres, que la mission d'un ministère libéral, issu de notre révolution pacifique de 1847, est, comme il le reconnaît lui-même, de réviser, en matière d'enseignement primaire, l'ouvrage de ses prédécesseurs.

Je ne crains pas de la déclarer ici, j'ai étudié avec soin la loi de 1842 et je la trouve un chef-d'œuvre de ruse et d'habileté législatives. Jamais je n'ai vu pousser aussi loin l'art d'envelopper les choses qu'on ne dit pas sous les formes élastiques de celles que l'on se borne à dire. Et, quant à l'exécution de cette loi, si vous me permettez une comparaison un peu vulgaire, elle m'a paru rassembler une série de tours de prestidigitation dans lesquels l'orateur vous a montré, seulement alors, les « muscades » qu'il avait tenues cachées sous les articles.

Peu de mots, messieurs, vous expliqueront ma pensée.

L'honorable M. Nothomb vous a dit, l'année dernière, qu'il n'existait, pour l'Etat, qu'un seul moyen efficace d'organiser l'enseignement primaire en Belgique, c'était de le faire accepter par le clergé : qu'il fallait, pour cela, souscrire aux conditions qu'il mettait à son concours; car dans l'état d'indépendance absolue que la Constitution belge avait fait au clergé, le pouvoir civil n'avait envers lui aucune action coercitive.

S'attachant alors à plier à cette idée les principes de la loi communale du 30 mars 1856, l'honorable ministre a combiné la loi de 1842 de telle façon, qu'en effet beaucoup de bons esprits, du libéralisme d'opinion le plus éclairé, peuvent la lire d'un bout à l'autre et penser, après l'avoir lue, qu'elle est dans son ensemble, véritablement libérale. Mais lorsque l'examinant avec plus d'attention, vous observez l'élasticité des articles et vous en mesurez la portée à l'application qu'ils ont reçue, vous reconnaissez que cette loi renferme tout, même ce qu'on n'y soupçonnait pas.

Ainsi, l'article premier porte que, dans chaque commune, il y aura une école communale ; ce qui suppose une école améliorée sur des bases nouvelles. Eh ben! pour maintenir ce qui existait déjà là où on le jugerait convenable, on a réservé aux communes par les articles 3 et 4, la faculté d'ériger en institutions communales les écoles établies.

On pose comme garantie l'intervention de la députation provinciale et sa révision annuelle de la dispense. Mais, messieurs, quelle efficacité pourrait avoir l'action de cette autorité, lorsque bourgmestre, échevins et inspecteurs se trouveraient d'accord ?

Voilà assurément ce qui paraît conçu dans un esprit libéral, et qui a cependant été, dans l’exécution, la source de bien des abus.

La loi communale avait attribué à l'administration des communes la direction des écoles fondées par elles. Ce principe est reproduit dans la loi de 1842, article 7. Le titre II, affecté à l'inspection et à la surveillance, (page 783) n’institue dans l’ordre hiérarchique que des inspecteurs civils par cantons et par provinces.

Vous ne voyez, dans toute la loi, qu'une direction civile et une inspection civile. Mais à l’occasion de l'enseignement moral et religieux, l’article 7 ouvre l’école aux délégués des chefs des cultes : eux et les ministres des cultes peuvent en tous temps inspecter l'école. Seulement, les évêques et les consistoires doivent faire connaître, à la fin de chaque année, le personnel et l'organisation de cette inspection ecclésiastique. Ces derniers mots sont les seuls qui donnent à supposer l'idée d'une inspection organisée de la part du clergé. La chambre de 1842 a dû comprendre, et si j'avais fait partie de la législature à cette époque, j'aurais compris, comme elle, que l'administration civile est informée chaque année, comme mesure de régularité administrative, des noms des délégués auxquels l'épiscopat confie plus spécialement la mission de surveiller l'enseignement moral et religieux.

Au lieu de cela, qu'avons-nous vu dans l'exécution des inspecteurs laïques nommés presque tous d'après les choix du clergé ; de telle sorte que l'inspection civile et l'inspection ecclésiastique ont eu, quant à leur personnel, la même origine, et ont agi sous la même influence. Je n'ai pas besoin de dire, que ce n'était pas celle du gouvernement. Il est résulté de là le système, sans doute fort peu prévu en 1842, d'une double inspection payée par le trésor public.

Comparez cette organisation avec l'esprit apparent et le texte de la loi, et vous voyez que ce qui ne semblait pas être dans les principes, se trouve en relief dans les conséquences, à savoir la prépondérance du clergé dans tout le système de l'enseignement primaire, au moyen du droit d'inspection étendu au-delà de son but exclusif et naturel, la morale et la religion.

Examinez également l'article 9, relatif au choix des livres destinés à l'enseignement : même latitude, même élasticité. Il réserve au clergé le choix des livres qui s'appliquent exclusivement à la morale et à la religion; mais vient ensuite le paragraphe 2 qui porte que les livres de lecture doivent être soumis à l'approbation commune du gouvernement et des chefs des cultes.

Eh bien ! là est le principe d'une extension abusive. J'en ai eu moi-même l'expérience dans une circonstance où j'avais à défendre les droits de l'autorité communale dans les conférences que j'ai eues avec un membre du haut clergé; j'ai voulu savoir de bonne foi, quelle était la limite de cet examen, de cette censure des livres en usage dans les établissements publics d'enseignement moyen comme dans les écoles primaires; il m'a répondu (et cet ecclésiastique était l'organe de l'ordinaire diocésain) que le droit de choisir ou d'approuver les livres ne pouvait être limité, parce qu'il était possible de fausser les idées morales et les principes religieux, dans les ouvrages de littérature, de philosophie, de science et d'histoire comme dans tous les autres écrits.

Il y a donc prétention avouée d'examiner et de censurer tous les livres, destinés aux écoles primaires; et l'exécution donnée à la loi ouvre à cette prétention dans le paragraphe 2 de l'article 9, une porte qui semblerait fermée par le premier.

Vous voyez donc que la loi de l'enseignement primaire a été rédigée dans un sens assez libéral en apparence, mais sous la réserve de la détourner de ce sens et de cet esprit dans le système et dans les actes de son application.

Eh bien, c'est à ce point de vue, et surtout après les explications si claires présentées à la chambre dans sa séance du 17 décembre 1847, par l'auteur même de cette loi, que le ministère libéral me paraît appelé par le caractère réparateur de sa mission, à réviser la loi de l'enseignement primaire.

Et je ne puis qu'adhérer aux déclarations prudentes qu'il nous a faites dans la séance d'hier. Non, messieurs, l'enseignement, dans tous ses degrés, n'est pas chose facile à régler ou à réformer ; il faut y apporter de l'étude, de l'observation et de la maturité. J'approuve donc le ministère de ne rien précipiter en ce point. Je tiens à ce que l'harmonie générale qui règne en ce moment dans notre pays, alors que des commotions si profondes agitent l’Europe, ne soit pas troublée par des conflits d'opinions qu'aucun intérêt urgent n'oblige à soulever. A mon sens, la question d'opportunité est importante en cette matière.

Mais je n'en appelle pas moins l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le caractère de la loi, sur son origine, sur les abus qu'elle couvre et sur ce que nous savons aujourd'hui du but qu'on voulait atteindre.

Entre la révision d'une loi existante et certaine réforme de l'exécution qu'elle a reçue, je le reconnais, il y a une différence énorme. Et je crois que sur ce dernier point nous ne saurions trop appeler, dès à présent, l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les choix faits par ses prédécesseurs pour l'inspection provinciale et l'inspection cantonale. J'ai eu occasion de le dire dans une discussion mémorable : presque tous les candidats présentés par les députations permanentes au ministre, créateur et organisateur de la loi de 1842, avaient été écartés, et l'on avait reçu les inspecteurs laïques des mains mêmes du clergé!

Quand des précédents, tels que ceux que j'ai signalés, restent debout, comme des monuments de l'esprit qui a dirigé les administrations antérieures, c'est un devoir impérieux pour le ministère actuel de soumettre ces nominations à une révision sérieuse.

Je dois dire que ce qui a surtout livré l'instruction populaire à l'influence dominante de l'épiscopat, c'est l'absence d'une inspection laïque, agent véritable du pouvoir,

Tel est l'esprit dans lequel j'émettrai un vote favorable au crédit qui vous est demandé pour 1849, relativement aux frais de l'instruction 'ecclésiastique.

Je ne pense pas qu'il faille, par voie d'amendement au budget, compromettre tout le système d'exécution d'une loi existante, ni la situation tranquille des rapports actuels du pouvoir civil avec le clergé. Je blâme le système qu'on attaque ; je l'ai énergiquement dévoilé et combattu. Je le combattrais encore si, par exemple, dans les budgets ultérieurs, les mêmes chiffres apparaissaient sans justification nouvelle, sans que des modifications profondes eussent été apportées dans les faits d'application.

Messieurs, après cette explication des motifs du vote que j'émettrai je vous demande la permission de répondre en deux mots à ce que vous a dit, dans une précédente séance, l'honorable M. Dechamps, quand il faisait envisager le danger d'affaiblir l'enseignement moral et religieux dans un temps où l'ordre moral et la société elle-même sont exposés à tant de périls.

L'honorable M. de Haerne a pu déjà rassurer quelque peu M. Dechamps, lorsque, sans exprimer la moindre crainte sur les dispositions de la chambre à l'égard de l'enseignement moral et religieux, il s'est estimé heureux de voir l'enseignement laïc se développer dans notre pays, appréciant ce progrès comme un moyen d'imprimer un mouvement de concurrence et d'émulation salutaire à tout ce qui tient à l'enseignement du peuple.

Je suis parfaitement de l'avis de l’honorable M. De Haerne; mais alors qu'il me permette d'espérer que l'épiscopat, de son côté, a modifié les prétentions et les principes qu'il posait, il y a quelques années, dans cette convention regrettable qui a figuré dans la discussion relative à l'athénée de Tournay ; qu'il a renoncé à la résolution de se séparer complètement, c'est-à-dire de refuser l'instruction religieuse, de refuser le service divin, de refuser même le principal ecclésiastique à tout établissement d'instruction publique qui ne lui attribuerait pas, dans la nomination du personnel enseignant, une part d'autorité suffisante.

Car, moi aussi, invoquant les dangers de l'ordre social et faisant appel à l'union de toutes les forces capables de le défendre, je dirai aux honorables MM. Dechamps et de Haerne : Rappelez-vous que l'opinion libérale, qui rétablit la liberté sur ses véritable bases en 1847, a sauvé l'indépendance de notre patrie et celle du clergé lui-même après le 24 février. Lorsqu'un pareil résultat a justifié et consacré la longue persévérance des efforts du libéralisme belge, je serais heureux d'apprendre que notre haut clergé, éclairé par tant de graves enseignements, ait compris que dans la position indépendante et inviolable qui lui est faite par nos lois, dans le domaine spirituel, sa mission n'est pas d'ambitionner une part des prérogatives du pouvoir civil, ni de mettre à ce prix l'action de son concours; mais de donner avec un noble et généreux empressement, l'enseignement de la religion et de la morale dans tous les établissements où la jeunesse est réunie sous les yeux, sous la surveillance et la garantie de l'autorité publique.

Que bien loin de vouloir affaiblir cet enseignement dans nos écoles publiques, tout y convie le clergé dans notre pays : la loi, le gouvernement, l'administration de la province et celle de la commune.

Et qui nomme les professeurs des établissements communaux ? Les administrations communales, composées elles-mêmes de pères de famille, agissant au grand jour, sous le contrôle incessant du gouvernement, de l'autorité publique et de tous les organes de l'opinion, dans un pays où il serait impossible de faire, je ne dirai pas un choix immoral ou scandaleux, mais une nomination même peu convenable, sans qu'elle fût l'objet du blâme le plus sévère et des plus vives réclamations.

Que l’honorable M. Dechamps dont la voix est sans doute, auprès du clergé, plus persuasive que la mienne, veuille bien lui représenter combien il y aurait de prudence et de sagesse de la part des ministres de la religion à se renfermer dans les saints devoirs de leur mission spirituelle, alors que la puissance temporelle du chef de l'église, cette condition de l'indépendance et de la dignité du pontificat, est si audacieusement attaquée au centre même de la catholicité. C'est en se vouant, avec désintéressement et abnégation, au progrès des idées morales et du sentiment religieux, et en respectant le domaine assigné par nos institutions au pouvoir civil, que le clergé obtiendra les justes déférences de ce pouvoir et l'adhésion confiante et sympathique de toutes les opinions.

(page 775) M. de Theux. - L'honorable comte Le Hon vient de demander encore la révision de la loi sur l'instruction primaire.

M. Le Hon. - Permettez ! Je ne l'ai pas demandée ; le ministère y consent; j'ai expliqué pourquoi je votais le crédit demandé.

M. de Theux. - Selon moi, l'honorable membre a déclaré qu'il était utile, à une époque quelconque, de procéder à la révision de la loi.

C'est ce que je voulais dire. Jamais il n'est entré dans mes habitudes d'altérer les opinions de mes honorables collègues. S'il s'élève quelque doute sur mon exactitude, ce ne peut être que par suite de mon laconisme. Je dis donc que l'honorable membre est d'avis qu'à une époque convenable, il est à désirer que la loi sur l'instruction primaire soit révisée.

Mais il est convenu que cette loi est rédigée, au moins en apparence, dans un sens assez libéral, que les réclamations qui se sont élevées sont dirigées surtout contre l'application qu'y a donnée son auteur.

Je voulais également soutenir, dans la séance d'hier, que la loi sur l'instruction primaire est rédigée dans un sens vraiment libéral. J'aurais passé en revue les différents articles de cette loi, et j'en aurais expliqué le sens et la portée. Mais je m'abstiendrai d'entrer dans cette discussion, d'après la résolution prise hier par la chambre.

En ce qui concerne les honorables MM. Nothomb et Van de Weyer, j'ai eu l'occasion de déposer à la chambre un rapport contenant l'ensemble des actes posés par ces deux ministres. S'il y a eu, en dehors des actes officiels, des faits qui peuvent donner lieu à critique, je l'ignore. Je n'en ai jamais eu connaissance. Je me suis borné à rendre fidèlement compte à la chambre de tous les actes administratifs, tels qu'ils sont consignés dans les archives du département de l'intérieur.

Pour la faible part que j'ai eue à l'exécution de cette loi, je m'en rapporte entièrement à la loyauté de M. le ministre de l'intérieur sur les communications qu'il devra à la chambre dans son rapport triennal.

L'honorable membre a signalé une difficulté de rédaction de l'article 9, relatif aux livres. Maïs c'est surtout par l'application qu'on comprend bien la portée de cet article. Or, M. le ministre de l'intérieur vous a dit à la séance d'hier ce à quoi s'était bornée l'approbation des livres par l'autorité ecclésiastique. Je crois que dans ce qu'il a dit, il n'y a rien qui puisse blesser la susceptibilité d'aucun membre de la représentation nationale.

J'aborde la question qui nous occupe aujourd'hui plus spécialement. Y a-t-il lieu de continuer aux inspecteurs ecclésiastiques l'indemnité qui leur a été donnée jusqu'à présent? Je n'hésite pas à dire que oui. Le principe de toute notre administration, de toute notre législation, est la rémunération des services publics. Chaque fois que dans des circonstances spéciales, l'une ou l'autre personne a cru pouvoir accepter un service public et renoncer à tout traitement ou indemnité, il s'est élevé dans le sein de la chambre des réclamations.

Les motifs de ces réclamations étaient de deux natures. D'une part on croyait que le service public gratuit ou la renonciation à un traitement public constituait une espèce d'inégalité entre les fonctionnaires publics, tendait à établir une sorte de privilège en faveur de la fortune. D'autre part, on a cru que la renonciation à l'indemnité ou au traitement pouvait être aussi considérée comme une sorte de droit à s'assujettir moins que les fonctionnaires rétribués à tout ce que ces fonctions exigent de zèle et de travail pénible.

Voilà, messieurs, les deux considérations qui ont été émises dans cette enceinte en diverses occasions.

Dès lors, il est incontestable que le véritable principe de notre gouvernement est la rémunération des services publics.

Les services que rendent les inspecteurs ecclésiastiques peuvent être, en ce qui concerne l'enseignement, comparés aux services que rendent les aumôniers près des établissements publics, près de l'armée. Or, quoique le traitement ne soit pas, à l'égard de ces ecclésiastiques, inscrit dans le texte même de la Constitution, qui a surtout eu n vue les traitements de l'épiscopat et des desservants des paroisses, personne n'a pensé que les établissements publics dussent être desservis gratuitement.

Du moment que, dans la loi sur l'instruction primaire, on a reconnu des inspecteurs diocésains, des inspecteurs cantonaux, qui sont astreints à des frais de déplacement, à un travail plus ou moins considérable, il a été nécessairement entendu qu'une indemnité leur serait également: attribuée; et si ces indemnités n’ont pas été déterminées par la loi, c'est que la législature a voulu laisser à l'administration le temps d'apprécier ce qu'il conviendrait de faire.

Et c'est de cette manière que les choses se sont passées. Dès la discussion du budget de 1843, le ministre de l'intérieur a demandé un crédit pour les frais d'inspection ecclésiastique. La chambre ayant voté ce crédit, un arrêté royal, en date du 7 février 1833, en a disposé. Dès lors, on est à cet égard dans les mêmes termes que l'on est à l'égard des traitements, des indemnités fixées, pour toutes les fonctions purement civiles par des arrêtés royaux en conséquence des budgets.

Messieurs, qu'une inspection cantonale, qu'une inspection diocésaine soit dans l'esprit de la loi, cela n'est en aucune manière douteux. Car, indépendamment de la faculté qu'a le ministre du culte de la paroisse de visiter l'école, il y a des délégués spéciaux, des chefs des cultes pour assister aux conférences centrales.

Or, pour assister avec fruit aux conférences cantonales, il faut bien que l'inspecteur ecclésiastique cantonal ait visité les écoles du canton ; sans cela sa présence serait complètement inutile, complètement inefficace. Pour assister aux conférences centrales qui se tiennent à Bruxelles, il faut bien que les inspecteurs diocésains, comme les inspecteurs civils, aient visité également les écoles de leur ressort; sans quoi ces réunions centrales n'aboutiraient à rien, seraient infructueuses.

Ainsi, l'existence légale de l'inspection ecclésiastique expressément consacrée par l'article 7 de la loi de 1842, et son obligation ne peuvent pas être contestées; et de même les indemnités qui sont dues à ces inspecteurs ne peuvent pas non plus être contestées.

Messieurs, les motifs qui ont déterminé la chambre, en 18430, à accorder, cette indemnité, sont-ils venus à changer? En aucune manière. Ils subsistent dans toute leur force.

Ces inspections, messieurs, sont la véritable garantie de l'exécution des dispositions de la loi sur l'enseignement primaire en ce qui concerne l'enseignement religieux.

Or, messieurs, tout le monde est d'accord encore aujourd'hui que l'enseignement religieux dans l'école est d'une grande utilité. Plusieurs ont reconnu qu'elle était d'une nécessité absolue. On ne varie que sur le titre auquel cette intervention peut avoir lieu; mais au fond, l'utilité, je dirai même la nécessité en est presqu'unanimement reconnue.

Dès lors, les services continuant à être rendus, ils doivent continuer à être convenablement indemnisés.

Le retranchement de ces indemnités, quelques motifs que l'on puisse donner dans la discussion, ne pourrait pas être envisagé dans le pays à un autre point de vue que comme une marque de désapprobation ou de défiance à l'égard du clergé. Or, messieurs, chacun a rendu justice au zèle, au patriotisme du clergé dans la crise des Flandres, dans la crise alimentaire, dans la crise politique qui a éclaté depuis le mois de février et qui s'est étendue à presque tous les pays voisins. Dans toutes ces circonstances, le zèle, le dévouement, le patriotisme du clergé ont prêté aide, assistance à tous les pouvoirs publics, et je dirai spécialement aux populations souffrantes.

Messieurs, je vous ferai remarquer que dans tous les pays de l'Europe aujourd'hui, depuis quelques années, il s'est manifesté, par des actes officiels, une tendance au rapprochement entre l'autorité politique et l'autorité spirituelle. On pourrait signaler les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne même qui, dans sa constitution, vient de consacrer la liberté religieuse la plus illimitée, la liberté d'enseignement. J'oserai citer jusqu'à la Russie, jusqu'à la Turquie qui a admis les chrétiens, les catholiques à tous les emplois publics, et qui n'a pas hésité à envoyer un ambassadeur féliciter le souverain pontife à son avènement.

Ainsi, dans tous les Etats européens, on reconnaît l'utilité, la nécessité de l'existence du culte, et aussi du concours de la part du pouvoir politique.

Dès lors, messieurs, ce n'est pas en Belgique que l'on voudrait donner une espèce de marque de défiance ou de blâme au clergé, en lui retirant les indemnités pour l'inspection qu'il exerce dans les écoles primaires.

Je m'arrêterai à ce peu d'observations, persuadé que la chambre n'hésitera pas à allouer le subside réclamé par le gouvernement.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix!

M. Orts. - J'ai demandé la parole.

M. le président. - La parole est maintenant à M. de Mérode.

M. de Mérode. - Si la discussion continue, je parlerai ; mais j'aimerais mieux qu'on ne dît plus rien.

- La clôture est demandée par plus de dix membres.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'allocation n'est pas attaquée; cependant j'aurais voulu dire quelques mots pour la défendre; je me serais borné à reproduire, en faveur du crédit, ce que j'ai dit dans la discussion du mois de décembre 1842.

- Plusieurs membres. - On est d'accord.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Nous procéderons par litteras.


Pour le littera A, le chiffre du gouvernement est de 56,000 francs.

La section centrale propose de réduire ce crédit à 15,847 francs.

(page 776) Je mettrai d'abord aux voix le chiffre du gouvernement, qui est le chiffre le plus élevé.

M. Delfosse. - Si le crédit était rejeté, il faudrait cependant payer pour le temps écoulé. Il faudrait un crédit supplémentaire.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal!

- Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 86,000 fr.

80 membres sont présents.

55 adoptent.

25 rejettent.

En conséquence le chiffre est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Rodenbach, Rogier, Rolin. Rousselle, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Boedt, Boulez, Cans, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Pitteurs, de Royer, de Theux, de T’Serclaes, Devaux, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Mascart, Moncheur, Osy, Peers et Pirmez.

Ont voté le rejet : MM. Prévinaire, Reyntjens, Sinave, Tesch, Thiéfry, Ansiau, Bruneau, Cumont, Dautrebande, David, Debourdeaud'huy, Debroux, Delfosse, Deliége, de Perceval, Destriveaux, d'Hont, Jacques, Lelièvre, Lesoinne, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre et Verhaegen.


- La chambre passe au littera B. Service annuel ordinaire de l'instruction primaire communale ; subsides aux communes : fr. 666,658 40.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, dans une séance précédente, j'avais cherché à établir brièvement que la loi sur l'instruction primaire n'est pas exécutée, en ce qui concerne la participation de la province et la participation de l'Etat, et j'en avais conclu qu'il fallait réviser la loi. Un honorable député de Namur, rencontrant mes observations, a cherché à établir que la loi est bien exécutée, parce que, dans la province de Namur, on l'applique dans le même sens que l'applique aujourd'hui le gouvernement. Permettez-moi d'abord, messieurs, de vous rappeler que, dans l'origine, tout le monde a été d'accord sur la portée de la loi.

On n'est plus d'accord aujourd'hui sur l'esprit de la loi, parce que, malheureusement, dans notre pays, il faut bien le dire, les lois sont faites dans les bureaux, et, en général, par des gens qui n'ont pas la perspicacité nécessaire, qui ne savent pas calculer leur portée; parce que, contrairement à tous les autres pays, nous n'avons pas un conseil unique, un comité d'hommes spéciaux (appelez-le comme vous voudrez), capable de concevoir et de rédiger les lois.

Je pourrais vous citer pour preuve une loi importante, qui a été assez récemment votée, et dont il n'y a pas un seul chapitre qui soit littéralement exécutable...

- Des membres. - Quelle est cette loi ?

M. Ch. de Brouckere. - Je m'explique en ce moment sur la loi de l'instruction primaire.

Je dis donc que la loi, dans l'origine, a été exécutée comme je la comprends; qu'alors les communes bien avisées se sont adressées immédiatement aux provinces; les provinces, pour certaines communes, à l'Etat; et qu'elles ont reçu, dès la première année, des subsides considérables, des subsides qui vont à deux ou trois fais le sacrifice que les communes elles-mêmes s'imposent.

Lorsqu'on s'est aperçu que le crédit allait être débordé, on s'est ravisé, et l'on s'est aperçu qu'on serait mené très loin, qu'on aurait deux millions à payer ; l'on s'est effrayé des conséquences d'abord, on s'y est soustrait ensuite.

Et remarquez-le bien, messieurs, tous ceux qui parlent contre l'interprétation que nous donnons à la loi, font valoir les sacrifices, les résultats, mais ne s'occupent pas du tout du principe.

Eh bien, je ne demande pas l'application de la loi, mais je tiens à expliquer que la loi n'est pas susceptible d'une autre interprétation que celle que je lui donne, pour qu'on révise au plus tôt tout le titre III.

L'article 20 dit, en effet, que les frais de l'instruction primaire sont à la charge des communes, que les sommes nécessaires seront portées à leur budget. Le principe est positivement là : c'est une charge communale; mais l'article 23 dit jusqu'où va cette charge.

L'article 23, paragraphe premier, dit en termes exprès :

« A défaut de fondations, donations ou legs, qui assurent un local et un traitement à l'instituteur, le conseil communal y pourvoira, au moyen d'une allocation sur son budget. »

Donc, dès que la commune paye une somme qui dépasse deux centimes additionnels, l'intervention de la province est obligatoire; mais elle peut être facultative, alors même que la commune n'affecte pas deux centimes additionnels à l'instruction primaire.

Il n'y a pas moyen d'interpréter ce texte autrement, sans le tourmenter; c'est là sa signification naturelle.

Il en est de même du paragraphe suivant :

« L'intervention de la province, à l'aide de subsides, n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune, en faveur de l'instruction primaire, égale le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que cette allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet, au budget communal de 1842. »

Donc, encore une fois, dès que la commune, paie deux centimes additionnels, et la province deux centimes additionnels, l'Etat doit intervenir; il peut intervenir avant. L'intervention est facultative, quand la commune et la province ne consacrent pas deux centimes additionnels à l'instruction primaire; elle est obligatoire, dès que la charge dépasse le montant des centimes additionnels.

Messieurs, ne vous étonnez pas que l'on se soit si grossièrement mépris, lorsqu'on a rédigé la loi. On a bien, dans la loi du 12 juillet 1821, posé, comme ressource principale des communes, la perception de cinq centimes additionnels sur la contribution personnelle et sur la contribution foncière ; la loi ajoute que les communes pourront percevoir deux centimes de plus sur l'une ou l'autre contribution, mais seulement si elles en ont besoin ; ajoutons que leur suppression facultative constitue un avantage pour les communes.

Eh bien, si l'on a pu croire qu'avec 5 centimes, on donnait une ressource capable de suffire à tous les besoins des communes, on a pu croire qu'avec deux centimes additionnels, on pourrait suffire à tous les besoins de l'instruction.

Le ministère actuel n'est pas l'auteur de la loi de l'instruction primaire; je ne puis l'interpeller à cet égard; mais il vaudrait beaucoup mieux que les auteurs de la loi vinssent dire : « nous nous sommes trompés, » que de torturer le texte de la loi.

Maintenant, je ne demande pas l'exécution de la loi ; l'exécution, à mes yeux, est impossible; je ne consentirais pas d'ailleurs à voter les deux millions qu'il faudrait pour l'exécuter.

Mais que ceux qui ont torturé le texte et qui prétendent que le gouvernement n'est pas forcé d'intervenir, quand l'allocation de deux centimes additionnels est insuffisante ; qu'il ne doit subvenir qu'autant que les ressources communales sont insuffisantes ; que ceux-là veuillent bien faire une juste distribution du subside, en se pénétrant de ce que sont les ressources communales.

Que sont les ressources communales ? Oh ! dans la province de Namur, il y a des ressources ; dans la province de Brabant, les communes ont zéro ; elles n'ont pas de propriétés. Un grand nombre ont des dettes. Je comprends qu'on n'accorde aucun subside aux communes de la province de Namur qui ont de grandes propriétés,- et la députation permanente de cette province, dans sa manière de comprendre la loi, a fort bien fait de ne pas intervenir pour ces communes-là.

Mais le même principe ne peut pas être appliqué dans le Brabant et dans les provinces qui se trouvent à peu près dans la même position : le Limbourg, Liège, les deux Flandres. Ce n'est que dans le Hainaut, le Luxembourg et la province de Namur qu'il y a des communes riches. (Interruption.) Oui, riches! Il y a une raison pour laquelle des communes, quoique possédant beaucoup de propriétés, ne sont peut-être pas riches : c'est qu'elles laissent gaspiller leurs propriétés.

Il y a des communes où existent le droit de vaine pâture, le droit de fagot, et d'autres droits du même genre.

Je pourrais vous citer tout de suite une commune où l'on devient propriétaire le jour où l'on a un foyer dans la commune. J'ai habité à une demi-lieue de là. (Interruption.) Je ne parle pas du Luxembourg.

Je dis, messieurs, que les ressources des communes sont les cinq centimes additionnels que leur donne la loi du 12 juillet 1821. Après cela, il n'y a plus de ressources, il n'y a plus que des charges. Or, il faut peser les charges. Eh bien, lorsqu'une commune, pour faire face à ses charges, s'impose un octroi qui par tête équivaut au double de l'octroi le plus élevé de toutes les autres communes du royaume, lorsque, à population égale, à richesse égale, ce qui est facile à établir, elle paye le double; lorsque, aux centimes ordinaires, elle ajoute 18 autres centimes additionnels, on ne peut pas opposer à cette commune qu'elle a des ressources suffisantes, et lui dire : vous avez une académie, un théâtre; rayez quelqu'une de vos dépenses facultatives, et vous pourrez pourvoir à vos dépenses obligatoires. Si cette commune dépense plus que les autres pour les charges obligatoires, vous devez la faire participer dans les subsides que vous donnez pour l'instruction publique.

Non seulement on ne se contente pas de ne pas exécuter l'article 23, mais on n'exécute pas non plus l'article 25. Cet article porte :

« Une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire aura pour destination spéciale :

« 1° D'encourager l’établissement de salles d'asile, principalement dans les cités populeuses et dans les districts manufacturiers;

« 2° De favoriser les écoles du soir et du dimanche pour les adultes;

« 3° De propager les écoles connues sous le nom d'ateliers de charité et d'apprentissage.

« Le gouvernement s'assurera du concours des provinces et des communes pour obtenir les résultats que ces subsides ont pour objet. »

Eh bien, je dis encore une fois que si l'on veut être équitable, il faut repartir le subside de telle manière que les communes, qui font le plus de sacrifices pour les écoles d'adultes, ne soient pas accueillies par une fin de non-recevoir.

Je puis le dire, vous l'avez d'ailleurs déjà compris, je fais allusion à la commune de Bruxelles. Elle paye, pour ses écoles de pauvres, 73,332 fr. annuellement ; elle alloue, en outre, aux écoles agréées pour l'admission des pauvres, six mille francs. Elle fait encore cette année un sacrifice de 35 mille francs pour bâtir une nouvelle école, et, aux termes de l'article 24, le subside de l'Etat est aussi destiné à la construction, à la (page 777) réparation, à l'ameublement de l'école. Eh bien, malgré des sacrifices si énormes, on s'est obstinément refusé à allouer à Bruxelles une part quelconque dans le subside de l'Etat.

On est venu lui opposer qu'elle avait un théâtre. Je suis fâché de devoir le dire, c'est là l'objection. On devrait cependant comprendre qu'il y a des dépenses facultatives qui, pour certaines communes, sont absolument nécessaires. Si la loi avait imposé des écoles de dessin et de peinture à toutes les communes, elle aurait été absurde. Direz-vous, parce que quelques grandes villes : Anvers, Gand, Bruxelles, ont des écoles de dessin et de peinture, qu'elles font des dépenses de luxe? Il en est ainsi d'autres dépenses que font les grandes villes, parce qu'elles y sont assujetties par leur position.

On a argumenté de l'intérêt personnel des grandes villes à expliquer les articles 23 et 25 de la loi comme je le fais. Peut-on penser que les conseils communaux de Gand et de Bruxelles, composés de ce qu'il y a de plus éclairé dans ces populeuses cités, aillent torturer une loi pour avoir une petite part dans le subside que donne l'Etat? Croyez-vous que les communes fassent de l'opposition à plaisir au gouvernement? Non; il faut qu'elles y soient poussées, car elles ont tout à gagner à une bonne entente avec l'autorité supérieure. S'il en est qui élèvent des prétentions, c'est qu'elles ont examiné consciencieusement la loi, et qu'elles pensent qu'il est impossible de lui donner une autre interprétation.

J'attendrai les explications du gouvernement sur la répartition du subside.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement pense qu'il donne à l'article 23 de la loi sur l'enseignement primaire l'interprétation qu'il doit recevoir au point de vue des principes et au point de vue financier.

Au point de vue des principes, quel est le système dominant dans la loi d'instruction primaire? C'est que la commune doit l'instruction à ses habitants, qu'elle la doit gratuitement aux enfants pauvres, qu'elle doit porter à son budget les sommes nécessaires aux frais de l'enseignement, pour le traitement de l'instituteur, la construction et l'entretien de l'école, 'achat de meubles et délivres, un logement de l'instituteur ou une indemnité équivalente.

Voilà des dépenses mises directement à charge de la commune par la loi sur l'instruction primaire. La loi permet l'intervention de la province et de l'Etat dans certains cas. La province et l'Etat sont appelés à donner des subsides à la commune. Pour en venir là, il faut, avant tout, que la commune prouve qu'elle a consacré à l'instruction primaire au moins 2 centimes de ses contributions directes. Est-ce à dire que, quand elle a prouvé cela, elle a droit à un subside? La loi ne dit pas cela. J'admets que l'article présente quelque obscurité; mais voyons quelles seraient les conséquences de l'interprétation de l'honorable membre.

M. Ch. de Brouckere. - Je ne parle pas des conséquences.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Par les conséquences de la loi interprétée comme vous le faites, vous verrez que l'application ne serait pas possible,

M. Ch. de Brouckere. - J'ai concédé cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La loi ne dit pas autre chose en principe que ce que nous lui faisons dire dans l'application. Si le droit à un subside commençait pour une commune du moment où elle applique 2 cent, à l'instruction primaire, l'article 22 consacrerait une injustice énorme. Que dit, en effet, l'article 23 en son paragraphe final?

« L'intervention de la province, à l'aide de subsides, n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune, en faveur de l'instruction primaire, égale le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que celle allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet, au budget communal de 1842.

Or, dans les budgets de 1842, beaucoup de communes, notamment dans la province de Luxembourg, qui s'est toujours exécutée de la manière la plus libérale, avaient porté bien au-delà de deux centimes. Avec la portée que vous donnez à loi, vous auriez une inégalité révoltante. Les communes qui, avant 1842, se seraient imposé des charges au-delà de 2 centimes, continueraient à les supporter; tandis que les communes qui auraient été moins libérales seraient récompensées par le législateur, sans être tenues de dépenser au-delà de 2 centimes pour l'instruction primaire. Je dis que, dans les conséquences de l'article, je trouve la justification de l'application.

La loi n'est pas injuste ; interprétée comme je le fais, elle est raisonnable.

L'honorable M. de Brouckere vient de faire l'énumération de toutes les écoles fondées par l'administration communale de Bruxelles. J'en félicite l'administration communale de Bruxelles. Je suis convaincu que l'instruction primaire, comme toutes les branches de l'administration publique, se développeront sous la sage et ferme administration de l'honorable représentant. Mais voyez où son système nous conduirait. Il peut convenir à la ville de Bruxelles de construire vingt écoles primaires. Comme du moment qu'elle a consacré le montant des 2 cent additionnels aux dépenses de l'instruction primaire, c'est, d'après elle, au gouvernement qu'il appartient de pourvoir à ces dépenses, il n'y a pas de raison pour

Qu'elle s'arrête. Elle construira école sur école, sauf à imposer la dépense à l'Etat.

M. Ch. de Brouckere. - Vous pouvez nous arrêter.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ce que je fais.

Lorsqu'une commune vient dire à la province ou à l'Etat (car il faut passer par la province avant d'arriver à l'État) : « J'ai dépensé l'équivalent de deux centimes additionnels aux contributions directes ; l'obligation commence pour vous de me subsidier ; » l'Etat et la province répondent : « Examinons, voyons votre budget. Est-ce que votre budget n'offre pas d'autres ressources applicables aux dépenses de l'instruction primaire ?» Que fait alors la députation ? Que fait le gouvernement? Ils examinent si parmi les dépenses facultatives qui figurent au budget de la commune, il n'y en a pas qu'on pourrait supprimer pour les dépenses obligatoires. Or, les dépenses de l'instruction primaire sont obligatoires pour les communes. On a donc le droit, lorsqu'il n'y a pas d'excédant, de retrancher les dépenses facultatives, pour en reporter le montant sur les crédits destinés aux dépenses obligatoires. C'est ce que fait l'administration supérieure. Elle peut se tromper, opérer des retranchements peu favorables ou agréables aux communes. Je conviens que si l'on retranchait, à Bruxelles, l'allocation destinée aux théâtres pour la reporter sur l'allocation de l'instruction primaire, Bruxelles trouverait cela très mauvais. Mais, en principe, l’allocation pour les théâtres n'est pas obligatoire, tandis que l'allocation pour l'instruction primaire est obligatoire. On serait donc en droit de supprimer une partie du subside accordé aux théâtres (dépense facultative) pour la reporter sur le crédit de l'instruction primaire (dépense obligatoire).

Il n'est pas possible de donner à l'article 23 une autre interprétation.

D'ailleurs, la règle suivie par le gouvernement pour accorder les subsides concernant l'instruction primaire, est celle qu'on suit également chaque fois qu'il s'agit d'accorder un subside à une commune.

La première question est de savoir quels sont ses besoins, quels sont ses ressources, a Avez-vous, lui demande-t-on, épuisé toutes vos ressources? Etes-vous réduite à ce point qu'il faille absolument vous venir en aide? Les subsides ne peuvent s'accorder à titre de droit; c'est une faculté pour le gouvernement; l'obligation ne commence pour l'Etat et pour la province que quand il est bien constaté que la commune n'offre pas de ressources suffisantes. Le système contraire établirait la plu» monstrueuse inégalité entre les communes du royaume.

Il importait de ne pas laisser sans réfutation l'opinion exprimée dans cette enceinte ; il importait que les communes ne fussent pas encouragées ici dans la résistance qu'elles opposent aux allocations qu'elles doivent à l'instruction primaire. Il est commode pour les communes d'imposer au gouvernement toutes les dépenses au-delà des deux centimes additionnels ; mais il n'est pas possible au gouvernement d'accepter un pareil rôle. Il en résulterait pour lui une augmentation de dépense qui serait sans doute hors de toute proportion. Le montant des deux centimes additionnels aux contributions directes est de 500 et quelques mille francs. Il faudrait donc que l'Etat et la province allouassent le surplus; or, la dépense totale s'élève à 4 millions.

Autre inconvénient : si les communes ne sont tenues qu'aux deux centimes additionnels, il faudra que toutes les communes qui ont maintenu à leur budget les dépenses de 1842, les restreignent au montant des deux centimes additionnels, elles en feront disparaître toute somme supérieure aux deux centimes.

Autre conséquence : si l'Etat et la province doivent venir en aide aux communes au-delà des deux centimes additionnels, les bureaux de bienfaisance, qui concourent aux dépenses de l'instruction primaire, retrancheront leurs subsides. Puisque l'Etat est là pour payer le surplus, pourquoi les bureaux de bienfaisance continueraient-ils de payer pour l'éducation des enfants pauvres? Dans la plupart des communes, les enfants qui n'appartiennent pas précisément à la classe indigente, sont admis à l'école moyennant une certaine rétribution. Du moment que la commune n'est pas tenue au-delà des deux centimes, elle dira aux enfants: fréquentez l'école gratuitement, l'Etat est là pour payer la dépense.

L'interprétation de l'article 23 conduit à des conséquences tellement absurdes qu'il est impossible de les accepter.

Lorsque je combats la doctrine de l'honorable M. Ch. de Brouckere, on doit comprendre que ce n'est pas du tout par indifférence pour l'instruction primaire. Je désire que la dotation soit aussi large que possible et c'est pour cela que je demande que la commune y contribue pour une forte part. Ce n'est pas que je veuille diminuer les obligations morales de l'Etat pour l'instruction primaire, mais l'enseignement primaire est avant tout une dette communale; elle a aussi, il est vrai, un caractère national. Nous voulons remplir les obligations de l'Etat de la manière la plus libérale, la plus généreuse ; mais ce n'est qu'à la condition que les communes fassent leur devoir et s'exécutent!

Quant à la difficulté avec la capitale, je ferai connaître à l'honorable M. de Brouckere qu'elle sera levée. Ceci soit dit comme simple renseignement administratif.

M. Moncheur. - Après ce que M. le ministre de l'intérieur vient de dire, il me restera peu d'observations à faire; car j'avais à présenter à peu près les mêmes arguments. Je laisserai donc là la question de principe que je crois suffisamment éclaircie. Je dois cependant faire observer à l'honorable M. Ch. de Brouckere que lorsque j'ai dit, dans une (page 778) précédente séance, que l'interprétation qu'il donnait à l'article 23 de la loi de l 1842, était erronée en principe, que l'article 20 s'opposait à cette interprétation ; que dans la province de Namur, on avait toujours entendu l'article 20 combiné avec l'article 23, comme le gouvernement l'entend, que c'était ainsi, selon moi, que l'application devrait en avoir lieu partout, je n'ai pas ajouté, comme l'honorable préopinant me l'a fait dire, que puisque l'article était bien exécuté dans une province, il l'était bien en général ailleurs; car je n'ai pas l'habitude de raisonner du moins au plus, le raisonnement inverse étant le seul qui puisse être fait.

Quant aux deux centimes additionnels à charge des communes, je ne sais, messieurs, si leur produit est suffisant ; je crois même qu'à cet égard on pourrait modifier la loi, si tant est qu'on arrive à la réviser, comme cela paraît bien probable, d'après ce qui s'est passé à la chambre.

Je crois qu'on pourra élever ce taux. Mais aussi longtemps que la loi existe, il est clair que lorsqu'une commune présente un excédant, elle est tenue, d'après l'article 20, outre les deux centimes, à en employer au moins une partie pour subvenir aux frais de l'instruction, avant que l'Etat et la province ne soient obligés d'intervenir.

Relativement à l'exécution de l'article 5, c'est-à-dire à l'instruction donnée aux enfants pauvres, j'aurai quelques explications à demander à M. le ministre de l'intérieur sur les moyens qu'il croit pouvoir prendre, à l'effet d'établir une certaine régularité et une certaine uniformité dans l'exécution de cet article.

Cet article 5 porte, vous le savez, que l'instruction des pauvres doit être gratuite.

Pour pourvoira l'application de ce principe, il y avait, de la part de la loi, deux choses à faire : elle devait d'abord dire quelle était l'autorité qui devait faire la liste des enfants pauvres, et ensuite quelles étaient les règles au moyen desquelles on devait déterminer ce qu'il fallait entendre pour enfants pauvres.

La loi a rempli l'une de ces conditions, mais elle a négligé la seconde.

Quant à la première, elle dit que c'est la commune qui dresse la liste des enfants pauvres qui doivent recevoir gratuitement l'instruction. Mais c'est un arrêté royal qui a décidé ce qu'on devait entendre par enfants pauvres. Cet arrêté est du 26 mai 1845 et il porte :

« Les enfants pauvres sont :

« l° Ceux issus de personnes secourues par les bureaux de bienfaisance;

« 2° Ceux des ouvriers qui n'ont d'autres ressources que le produit de leur travail journalier. »

Eh bien ! messieurs, la règle posée par ce second paragraphe est trop large et a donné lieu à une grande injustice ; en effet, elle a eu pour résultat de faire peser, dans certaines localités, presque toutes les charges de l'instruction sur l'Etat et la province, tandis que, dans d'autres localités où l'on a égard à la loi et non à l'arrêté ces charges pèsent pour une somme beaucoup plus forte sur la population.

Je dis que l'arrêté du 26 mai 1843 va évidemment au-delà de l'esprit et de la lettre de la loi même.

En effet, celle-ci dit que les enfants pauvres recevront l'instruction gratuitement, et l'arrêté dit que les enfants des ouvriers qui n'ont d'autres ressources que le produit de leur travail journalier, recevront l'instruction gratuite. Or, il est évident que ce sont là deux propositions différentes ; car il y a un grand nombre d'ouvriers qui sont loin d'être pauvres et pour qui une rétribution de 50 centimes à payer au bout du mois, n'est pas une charge sensible. Or, c'est là la rétribution ordinaire : 50 centimes pour la première section et 70 centimes pour la seconde, si je ne me trompe.

Un maçon qui gagne 1 fr. 50 c, 2 fr., 2 fr. 50 c. par jour, un menuisier, n'importe quel autre ouvrier, peut parfaitement épargner 50 centimes par mois pour payer l'instituteur; ses enfants ne sont pas pauvres.

Eh bien, messieurs, dans certaines localités, sans faire attention à cet article de l'arrêté du 26 mai 1843, mais en raisonnant dans l'esprit et d'après la lettre de l'article 5 de la loi, on se demande : dans quelle position se trouve tel et tel individu, qu'il soit ouvrier ou qu'il ne le soit pas? Est-il pauvre ou n'est-il pas pauvre? Et je crois que l'on fait bien d'en agir ainsi.

Je crois que le conseil communal, qui doit faire la liste des enfants indigents, est parfaitement placé pour pouvoir se poser cette question et la résoudre. Je crois que ceux qui interprètent et appliquent ainsi la loi, font bien, parce que l'arrêté de 1843 a été trop loin.

Il résulte de là, messieurs, une grande inégalité dans les charges que supportent les parents pour l'instruction primaire dans les différentes provinces.

Ainsi, par exemple, dans la province de Luxembourg dont on a parlé, le produit de la rétribution des élèves solvables s'élève à 72,819 fr.; et dans la province de Namur, il se monte à 69,514 fr.; et cela pour une population de 186,000 âmes dans le Luxembourg, et de 263,000 âmes dans la province de Namur; tandis que, dans le Brabant qui compte 692,000 âmes, c'est-à-dire trois fois autant de population, le produit de la rétribution des élèves solvables n'est que de 53,000 fr.

M. Ch. de Brouckere. - Nous n'admettons pas d'élèves payants dans nos écoles.

M. Moncheur. - Ce n'est pas là l'exécution de la loi. La loi dit que les pauvres recevront l'instruction gratuite; c'est évidemment dans les mêmes écoles où l'on admet également des élèves solvables.

M. Orts. - Les enfants riches vont à l'école primaire supérieure.

M. Moncheur. - Vous parlez de ce qui a lieu dans la capitale, mais les choses se passent autrement dans les autres parties de la province.

Je citerai d'ailleurs d'autres provinces :

Dans la province de la Flandre occidentale, le produit des rétributions des élèves payants n'est que de 60,000 fr. Eh bien, il devrait être trois fois au moins aussi considérable que le produit de la rétribution des élèves solvables dans la province de Namur et dans la province de Luxembourg, puisque la province de la Flandre occidentale est trois fois plus populeuse.

Je ne puis croire, messieurs, que si l'on appliquait dans le Brabant, dans la Flandre, le même principe que dans le Luxembourg et dans la province de Namur, on n'arriverait pas à d'autres résultats.

L'honorable bourgmestre de Bruxelles nous dit : à Bruxelles, l'instruction est gratuite pour tous.

M. Ch. de Brouckere. - Parce que nous n'admettons que de pauvres dans les écoles de la ville.

M. Moncheur. - Mais il faut voir autre chose que la capitale.

Voici, messieurs, ce qui se passe dans beaucoup de communes rurales, là où l'on a admis l'interprétation préconisée par l'honorable préopinant à l'article 23 ; là où l'on a dit que lorsqu'une commune contribue pour une somme égale aux deux centimes additionnels, elle fait assez, et que la province et l'Etat doivent intervenir pour le surplus. On admet autant d'élèves non-payants qu'il y a d'enfants, parce qu'on les admet impunément. Ces communes se disent : que m'importe, à moi, qu'il y ait 50, 80 ou 100 élèves non-payants; ce n'est pas moi qui paie; ce n'est pas non plus le bureau de bienfaisance ; nous faisons nos 2 p. c. ; que la province et l'Etat fassent le reste.

Eh bien, messieurs, voilà ce qui se pratique. Vous sentez que, dans les localités où cette interprétation n'existe pas, on est la dupe; car on y fait peser la charge de 50 c. par mois, sur les parents qui sont assez aisés pour la supporter. A la vérité cette charge n'est pas fort lourde, et il est juste que les parents qui ne sont pas pauvres la supportent; mais dans les communes où il y a une autre interprétation, toute la charge retombe, sur la province et sur l'Etat, et alors il y a gratuité complète pour tout le monde dans ces communes ; cela n'est pas juste.

On a dit, messieurs, que dans le Brabant les communes sont pauvres. Cela est possible; dans la province de Namur il y a également un grand nombre de communes qui sont pauvres; mais on ne me fera jamais croire que, dans le Brabant, il n'y a pas assez de parents suffisamment aisés pour payer en rétribution, du chef de leurs enfants qui fréquentent les écoles, au moins le triple de ce que paient les parents dans les provinces de Luxembourg et de Namur. Les communes peuvent être pauvres, comme communes; mais il est évident que les habitants du Brabant sont au moins aussi riches que les habitants des provinces de Luxembourg et de Namur. Eh bien, tous les parents du Brabant ne payent ensemble pour l'instruction primaire, que 53,000 francs, tandis que les parents du Luxembourg, province qui est des trois quarts moins populeuse que le Brabant, paient 72,000 fr. et dans la province de Namur, qui est d'un grand tiers moins considérable que le Brabant, les parents paient 69,000 francs. Il résulte de là, messieurs, que pour le Brabant l'Etat a dû donner un subside de 214,000 fr. tandis qu'il n'a donné, pour la province de Namur, que 77,000 fr.

Messieurs, je bornerai là mes observations, parce que je suppose qu'au nombre des améliorations que M. le ministre de l'intérieur cherchera à apporter à la loi, il placera quelques mesures au moyen desquelles on arrivera à plus d'égalité, à plus d'uniformité, à plus de justice distributive dans la répartition des frais que doivent payer les parents pour l'instruction de leurs enfants.

- La discussion est close.

M. le président. - Le chiffre proposé primitivement par le gouvernement, était de 666,658 fr. 40 c; mais le gouvernement a proposé à la section centrale une augmentation de 92,072 fr. 95 c, ce qui porte le chiffre total du litt. B à 758,731 fr. 33 c. Mais, d'un autre côté, une somme de 2,000 fr. a été transférée à l'article 67. Le chiffre serait donc en définitive de 756,731 fr. 33. Je vais mettre aux voix ce chiffre.

- Le chiffre de 756.731 fr. 33 c. est adopté.


« Litt. C. Matériel. Construction, réparation et ameublement de maisons d'école : fr. 75,000. »

M. Van Hoorebeke. - Je m'étais fait inscrire pour parler sur l'article relatif aux subsides pour l'instruction primaire. J'obéis à la chambre qui vient de prononcer la clôture. Il m'eût été facile cependant de démontrer que, dans son application, l'article 23 que le gouvernement invoque, a donné lieu à de graves abus.

Ainsi, jusqu'en 1847, lorsque la Flandre orientale allouait une somme de 92,400 fr., l'Etat lui accordait un subside de 19,050, en même temps qu'il accordait 120,000 fr. au Hainaut et 72,000 au Luxembourg.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point, le gouvernement ayant reconnu lui-même la nécessité de réviser la loi dans certaines parties. Au reste, j'aurais pu signaler à l'attention de la chambre quelques faits et quelques chiffres qui en auraient dit plus long à cet égard, que tous les raisonnements dans lesquels est entré l'honorable M. Moncheur.

Je désire présenter une observation sur le littera C, qui se rapporte aux constructions, réparations et ameublements de maisons d'école, et demander à M. le ministre s'il pense que le crédit pourra suffire aux (page 779) besoins de la situation. Pour moi, il est évident que le plus grand obstacle à la complète organisation de l'instruction primaire en Belgique, est dans la situation matérielle des écoles. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre connaissance des faits.

Il y avait, en 1831, dans toute la Belgique, 1,695 bâtiments communaux consacrés à l'instruction primaire. De ce nombre, 1,111 réunissaient le logement.

En 1844, le nombre des bâtiments communaux consacrés à l'instruction primaire, s'est élevé à 1765 dont 1,158 avec logement.

En 1845, le nombre des bâtiments a été estimé à 1,840 dont 1,208 avec logement.

Pour qu'il fût satisfait à tous les besoins, il faudrait encore construire ou acquérir 1,091 bâtiments comprenant logement et salles d'école, ce qui exigerait une dépense qui a été évaluée à 6,297,000 fr.

Pour annexer aux écoles qui n'en ont pas encore, un logement d'instituteur, il faudrait dépenser une somme de 2,204,000 fr. Un sacrifice de huit millions cinq cent mille francs serait donc nécessaire pour que la Belgique se trouvât pourvue de salles d'écoles en nombre suffisant et dans un état convenable.

Il est évident, messieurs, que dans les circonstances actuelles, le gouvernement ne peut pas demander à l'impôt un sacrifice semblable; mais si on se reporte à l'exposé triennal qui a été présenté par l'honorable comte de Theux, il se serait agi, à cette époque, d'une combinaison financière qui aurait eu pour objet de demander cette somme à l'emprunt, sauf à en prélever l'intérêt et l'amortissement sur le crédit qui est porté annuellement au budget pour la dépense dont il s'agit.

Je voudrais savoir ce que cette combinaison est devenue, et, dans tous les cas, je demanderai au gouvernement si le chiffre très faible de 75,000 fr. peut suffire aux besoins de 1849.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement a constaté depuis longtemps l'insuffisance des locaux destinés au service des maisons d'école ; il reste encore beaucoup de chose à faire, tant peur les constructions nouvelles que pour l'ameublement. C'était pour pourvoir à ce besoin que, dans le projet de loi présenté le 23 février dernier, une allocation très considérable a été proposée dans le but de construire et d'ameubler un certain nombre d'écoles.

La combinaison à laquelle l'honorable député d'Eecloo vient de faire allusion, se résume tout simplement en un emprunt. Eh bien, nous croyons que le moment ne serait pas bien choisi pour procéder à la négociation d'un emprunt, avec affectation spéciale du produit à des constructions d'écoles.

Sans doute la somme de 75,000 francs, en présence des besoins constatés, est de beaucoup insuffisante; je ferai seulement observer que, comme elle figure à titre de littera, ce n'est pas précisément la dernière limite à la dépense à faire. La somme de 75,000 francs est comprise dans l'article 78, et il pourrait arriver qu'on affectât à la construction ou à l'ameublement d'écoles, une somme supérieure à celle de 75,000 francs, qui n'est qu’une simple indication. Mais pour la construction d'écoles nouvelles sur une large échelle, il est évident que les ressources du budget ne suffisent pas. Dès que les circonstances seront meilleures, il faudra que le budget de l'Etat vienne plus largement en aide aux besoins des communes.

- Le chiffre de 75,000 fr. est mis aux voix et adopté.


« Litt. D. Encouragements (subsides pour les bibliothèques de conférences trimestrielles des instituteurs dans les neuf provinces) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; caisses de prévoyance; souscription à des livres classiques pour les bibliothèques des écoles primaires supérieures et d'autres institutions dépendant de l'Etat ; encouragements aux recueils périodiques concernant l'instruction primaire; subsides pour la publication d'ouvrages élémentaires destinés à répandre l'enseignement professionnel et agricole, etc., etc. : fr. 68,000. »

- Adopté.

« Litt. E. Subsides à des établissements spéciaux (salles d'asile et écoles d'adultes) : fr. 25,000. »

- Adopté.

L'ensemble de l'art. 78 est mis aux voix et adopté au chiffre de 980,731 francs 33 centimes.

Article 79

« Art. 79. Subsides pour donner l'enseignement aux sourds-muets et aux aveugles : fr. 16,000. »

- Adopté.

Article 80

« Art. 80. Ecoles normales, primaires et supérieures. Traitement du personnel : fr. 60,000. »

(page 783) M. Le Hon. - Messieurs, à la session de 1847, il nous a été révélé des témoignages nombreux et grands de la condescendance du ministère de cette époque aux vœux et aux exigences du clergé sur plusieurs points de l'instruction primaire, notamment en ce qui concerne les cours normaux annexés à des écoles primaires supérieures.

Messieurs, vous vous rappellerez que l'épiscopat s'était opposé fortement à l’établissement de ces cours institués par la loi elle-même ; que d'après la correspondance du ministre de l'intérieur, les évêques auraient déclaré que si M. le ministre persistait à vouloir adjoindre des cours normaux aux écoles primaires supérieures, le clergé retirerait son concours dans l'enseignement moral et religieux.

M. le ministre Nothomb, déférant alors à cette protestation, avait suspendu l'organisation de ces cours. Je désire savoir si M. le ministre de (page 784) l'intérieur actuel s'est affranchi de la résolution prise par son prédécesseur, et s'il se propose d'exécuter la loi en ce qui concerne les cours normaux.

En second lieu, on a signalé des faits nombreux, desquels il résultait que les choix des directeurs des écoles primaires supérieures avaient été dictés en grande partie par le clergé. L'un de ces choix avait sacrifié un instituteur d'une conduite irréprochable, qui avait acquis des titres à la bienveillance du gouvernement et à la confiance des pères de famille par 30 ans de services honorables dans la ville de Renaix.

Vous vous rappelez la vive émotion que produisit dans le pays la révélation de cette injustice, qui offrait, sans la qualifier avec trop de sévérité, quelque chose de scandaleux. Je demande à M. le ministre de l'intérieur, s'il est parvenu à réparer cette iniquité vraiment cruelle, ou bien s'il a ouvert quelque négociation à cet effet. Il n'est pas dans mon intention de réclamer d'un ministère libéral des réparations précipitées ; mais je désire que des amis politiques, dont je connais la loyauté, et qui ont fait preuve de courage, n'hésitent pas à prouver par des faits, que des principes de haute équité sont arrivés avec eux à la direction des flaires de l'enseignement public ; et je regarderais comme un gage éclatant de ces principes la réintégration dans la ville de Renaix, et l'installation dans son école primaire supérieure, du directeur très éclairé, qu'ont suivi dans son exil l'estime et les regrets de la population dont on l'avait séparé. J'appelle donc la sollicitude bienveillante de M. le ministre de l'intérieur sur la position et les titres de M. Willequet.

(page 779) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne pense pas que l'honorable préopinant ait besoin de mes déclarations pour être assuré de mes principes. Depuis très longtemps je les ai pratiqués dans cette chambre; et je pense qu'il doit les connaître s'il a suivi ma carrière parlementaire avec quelque attention.

Il est difficile de descendre ici dans des débats personnels. A titre de renseignement, non comme gage des principes qui président à la direction de l'enseignement public, je dirai que l'affaire dont vient de vous entretenir l'honorable représentant de Tournay, est en voie de complet aplanissement, et que le fonctionnaire déplacé pourra, s'il le veut, retourner à son poste.

Quant à l'établissement des cours normaux près des écoles supérieures, nous les avions réclamés dès 1843 ; nous nous sommes empressés d'en organiser. Ainsi, à Bruges, à Virton les cours normaux sont organisés; à Bruxelles le règlement vient d'être arrêté ; il en est de même pour Gand ; à Namur on vient seulement d'entrer en possession d'un emplacement qui manquait jusqu'ici.

A Liège, on n'en a pas établi, par la raison qu'il n'y a pas jusqu'à présent d'école primaire supérieure dans cette ville. A Tournay, le gouvernement presse de tous ses efforts l'organisation des cours normaux ; il n'est pas, sous ce rapport, en retard. Voilà les faits que j'avais mentionnés dans la discussion avant-hier et que je rappelle à titre de renseignement. Je suppose qu'ils sont de nature à satisfaire l'honorable comte Le Hon.

Au moyen de ces cours normaux annexés aux écoles supérieures, et de la population croissante dans les deux écoles normales de l'Etat, le nombre des élèves des écoles laïques parviendra à égaler celui des élèves reçus dans les écoles des évêques.

Il y a eu longtemps une grande inégalité entre la population des sept écoles ecclésiastiques et celle des deux écoles de l'Etat. Evidemment cette inégalité résultait du nombre des écoles ; mais aujourd'hui nous approchons de l'égalité.

M. de Mérode. - Messieurs, dans une discussion ancienne où l'on a traité de l'instruction primaire, il a été question déjà des cours normaux annexés aux écoles primaires supérieures. Je retrouve ici sous la main un extrait de l'ouvrage sur l'éducation morale de la jeunesse, par M. Thomas Barrau, couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, et dans lequel on lit ces mots : « Une impérieuse nécessité exige que les élèves instituteurs soient réunis ensemble. Les isoler, ce serait les perdre, et, comme nous le verrons plus tard, tout externat normal doit être proscrit. »

Ne vaudrait-il pas mieux, si les élèves-maîtres, placés dans les diverses écoles normales, étaient insuffisants, en augmenter le nombre dans ces mêmes écoles, que de les éparpiller encore dans des établissements nouveau ? Puisqu'on parle si souvent d'économies, on épargnerait ainsi la multiplication des frais.

Si M. Thomas Barrau a raison, on aurait donc tort d'organiser ces cours et l'on ferait bien de ne pas se presser d'en fonder de nouveaux.

M. Van Hoorebeke. - J'ai demandé la parole pour faire une simple observation. M. le ministre de l'intérieur vient d'annoncer que la population des écoles normales allait croissant.

Je trouve que c'est un malheur. Pour que les cours soient donnés avec fruit, il ne faut pas que le nombre des élèves dépasse 60. C'est une chose reconnue. En France et en Suisse, les écoles normales n'ont guère que 40 élèves. La loi prussienne en fixe le nombre à 70. L'école de Lierre en compte 90. On conçoit les motifs de cette disposition. Quand l'influence du directeur doit s'étendre à un trop grand nombre d'élèves, son action moralisante diminue ; l'école perd le caractère d'une famille pour prendre celui du pensionnat.

Je ne dis pas que la discipline en souffre, mais il est évident que le directeur ne peut plus se livrer avec toute la sollicitude qu'ils réclament à l'étude si délicate des sentiments intimes de l'homme.

Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour répondre à une observation de l’honorable M. Dechamps. Il a prétendu que les écoles d'Allemagne n'étaient pas supérieures à celles de la Belgique. Je ne suis pas de cet avis. Je crois qu'elles sont infiniment supérieures aux écoles de la Belgique. En Allemagne comme en Suisse, les écoles ont un caractère agricole très prononcé. Le travailleur reçoit, pendant certaines heures de la journée, une culture intellectuelle, appropriée à la position qu'il devra occuper plus tard.

Eh bien, je crois que c'est dans cette voie qu'il faudrait également pousser le gouvernement. Il a déjà cherché à établir l'enseignement professionnel, l'enseignement agricole des classes laborieuses. Mais cet enseignement est au-dessus des instituteurs communaux, tels qu'ils sont. Il faut que les cours normaux servent au recrutement des instituteurs communaux. Si ce système ne se combine pas avec un enseignement agricole bien développé, il ne pourra produire tous les effets qu'on a droit d'en attendre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je connaissais parfaitement l'opinion de l'écrivain qu'a cité l'honorable M. de Mérode. Elle a été souvent mise en avant. Mais il y a quelque chose de plus fort que l'opinion de M. Barrau, c'est la loi qui laisse au gouvernement la faculté d'adjoindre aux écoles primaires des cours normaux. Cette faculté, les auteurs de la loi n'en avaient pas usé ; mais si l'adjonction des cours normaux près des écoles supérieures était inutile ou dangereuse, il est probable que les auteurs de la loi de 1842 n'en auraient pas déposé le germe dans la loi. Il est vrai que ce fut à l'instigation de l'opposition d'alors.

Les cours normaux sont moins destinés aux jeunes gens des écoles rurales, qu'aux jeunes gens des villes qui veulent embrasser la carrière de l'instruction primaire.

Il serait difficile à un jeune homme de Gand de se transporter à Lierre pour suivre les cours de l'école normale. Il faut que l'enseignement (page 780) primaire des grandes villes recrute, en quelque sorte, en lui-même son corps enseignant.

On demande un internat. Il n'est pas incompatible avec l'école primaire supérieure. Rien ne s'oppose à ce qu'on établisse près de cette école un internat de dix à douze élèves; car je ne pense pas que le nombre des élèves de cette catégorie doive être plus considérable.

L'honorable député d'Eecloo vient de faire ressortir certains inconvénients d'un trop grand nombre d'élèves. Il dit que les écoles normales de l'Allemagne ne renferment pas autant d'élèves que les nôtres. Ce raisonnement conduirait à faire accorder au gouvernement un crédit pour établir une troisième école normale ; car si une école normale ne doit pas avoir plus de quarante à cinquante élèves, il est certain que les deux écoles de l'Etat sont insuffisantes. Si l'on veut égaler ou dépasser le nombre des élèves des écoles normales du clergé, il faut, ou que les écoles reçoivent plus d'élèves encore qu'elles n'en ont, ou que l'on crée une troisième école normale.

J'ajouterai que, par extension du système de la loi, nous avons créé un enseignement normal pour les filles. J'ai cru qu'il était du devoir du gouvernement de donner à un certain nombre de jeunes filles les moyens de parcourir la carrière de l'enseignement primaire.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Dechamps. - Messieurs, mon intention n'est pas d'insister pour entrer dans la discussion relative aux cours normaux, qui n'ont à mes yeux qu'une importance restreinte. Mais un devoir d'amitié m'oblige, en l'absence de M. Nothomb, à rectifier une assertion du discours de M. le comte Le Hon. M. Le Hon a affirmé que M. Nothomb avait obéi à l'opinion exprimée par les évêques, opinion contraire à l'établissement des cours normaux, et partagée, soit dit en passant, par les principaux écrivains pédagogiques de l'Allemagne et de la France.

Or, le 9 juin, le 13 juillet et le 3 août 1843, M. Nothomb soumettait à la sanction royale des arrêtés décrétant en principe l'adjonction de cours normaux à des écoles supérieures. Dès le 25 mars 1843, M. Nothomb avait arrêté, dans une lettre rendue publique, le plan d'organisation des cours normaux.

On peut se plaindre des lenteurs apportées à cette organisation ; c'est une question d'appréciation; mais il est de fait que M. Nothomb n'a pas partagé l'opinion des évêques.

M. le président. - Ceci n'a plus trait à la clôture.

- La discussion est close.

L'article 80 est mis aux voix et adopté.

Article 81

« Art. 81. Matériel et autres dépenses des écoles normales de l'Etat. Ecoles normales adoptées ; écoles primaires supérieures et cours normaux annexés aux écoles primaires supérieures : fr. 140,000.

(page 784) M. Le Hon. - Il s'agit encore d'écoles normales dans cet article. Il me fournit l'occasion de répondre un mot à l'honorable M. Dechamps, (Interruption.)

Je suis dans mon sujet; car il s'agit, je le répète, d(écoles normales. Je n'ai d'ailleurs que deux mots à dire : Le fait que j'ai posé aujourd'hui, je l'ai cité dans la chambre de 1847, en présence de l'honorable M. Nothomb lui-même, quand il siégeait sur nos bancs, et lorsqu'il avait le premier provoqué la discussion sur ses actes relatifs à l'instruction primaire.

L'honorable M. Nothomb n'a pas répondu, ou du moins n'a pas détruit les preuves que j'ai produites alors.

(page 780) - L'article 81 est mis aux voix et adopté.

Chapitre XIX. Lettres et sciences

Articles 82 et 83

« Art. 82. Encouragements, souscriptions, achats. Publication des Chroniques belges inédites. Publication des documents rapportés d'Espagne. Exécution et publication de la carte géologique

« Charges ordinaires : fr. 50,000.

« Charges extraordinaires : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 83. Bureau de paléographie annexé à la commission royale d'histoire. Personnel : fr. 5,000. »

- Adopté.

Article 84

« Art. 84. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique : fr. 40,000. »

M. Osy. - Messieurs, au début de cette discussion, l'honorable M. de Royer a attiré l'attention du gouvernement sur les cumuls.

Il est vrai, qu'en 1838, le gouvernement a proposé à cet égard un projet de loi. Malheureusement, il est toujours resté dans les cartons. Les différents projets dont la chambre était saisie, étant non avenus par suite de la dissolution de la chambre, je demanderai au gouvernement de bien vouloir nous présenter un autre projet sur le cumul. Aujourd'hui que nous travaillons à mettre un terme aux abus, il est plus nécessaire que jamais de nous saisir de ce projet.

Il y a peu de jours, un honorable membre du sénat a appelé l'attention de cette assemblée sur les cumuls ; il a fait connaître qu'un fonctionnaire, qui avait un traitement primitif de 11,600 fr., recevait définitivement en traitements et en indemnités, une somme annuelle de 21,900 fr., qu'il touchait sur quatre budgets différents, les budgets de la guerre, de l'intérieur, de la justice et de la marine.

En ce qui concerne le chapitre XIX, en ce moment en discussion , nous trouvons qu'un fonctionnaire qui, d'après le budget, a un traitement de 8,400 francs, touche définitivement, avec son loyer, que j'estime à 3,000 francs, une somme de 19,700 francs.

Par le projet qui nous avait été présenté en 1838, il avait été positivement stipulé qu'un fonctionnaire ne pouvait avoir plusieurs traitements. Or , je vois que le fonctionnaire dont je parle, a cinq traitements différente, outre des frais de voyage et des indemnités.

On me dira que c'est un fonctionnaire qui rend de grands services partout où il se trouve. Je partage cette opinion. Mais je dirai que s'il peut remplir autant de places, ses fonctions principales sont beaucoup trop payées, puisqu'elles lui laissent autant de temps disponible.

Je ne proposerai pas d'amendement, parce que je ne veux pas soulever une question personnelle; mais je demanderai que si le gouvernement trouve convenable que ce fonctionnaire remplisse autant de places, il ne continue pas à lui payer des traitements qui s'élèvent à une pareille somme.

Lorsque, messieurs, nous avons dû faire, en présence de notre situation financière, des réformes aussi considérables ; lorsqu'on a été jusqu'à réduire des traitements de moitié, jusqu'à priver des fonctionnaires de leurs places, je crois que des abus tels que ceux que je signale, doivent cesser. J'engage donc le gouvernement à y mettre un terme et à nous présenter un projet de loi sur le cumul.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, des renseignements ont été recueillis dans les différents ministères, sur les abus signalés en ce qui concerne les cumuls. Je dois informer l'honorable membre que ces cumuls ne sont pas aussi nombreux qu'il le croit, et l'on continuera à les restreindre autant que possible.

En ce qui concerne l'allusion qu'il a faite à un fonctionnaire recevant plusieurs traitements, qui, réunis, s'élèveraient à une somme de 19 à 20 mille francs, je n'ai pas fait l'addition des traitements et des indemnités qu'il peut recevoir. Mais je crois qu'il y a à distinguer entre les fonctionnaires; que le nombre des savants n'est pas si grand, que l'on ne puisse pas au besoin en traiter un ou deux d'une manière exceptionnelle.

Partout, messieurs, les savants, les hommes de science occupent des positions exceptionnelles, réunissent plusieurs fonctions, plusieurs attributions en raison même de l'étendue de leurs connaissances. Nous avons vu récemment qu'en France, la plupart des hommes de la science réunissaient un très grand nombre de fonctions, précisément à cause de leurs capacités scientifiques.

Je suis convaincu, messieurs, que s'il y avait excès, l'honorable fonctionnaire auquel on fait allusion, serait le premier à ramener les divers traitements qu'il touche sur l'Etat, dans une limite raisonnable. Mais, je le répète, je crois que les hommes de science ne sont pas tellement communs, qu'il faille les traiter avec parcimonie.

M. de Mérode. - Messieurs, quand un homme distingué s'engage dans le commerce, il peut faire une brillante fortune, sans que personne en soit jaloux, et même on lui facilite souvent ses bénéfices par des primes fort onéreuses au trésor public.

Mais si cet homme se livre aux hautes sciences et honore son pays par la réputation qu'il acquiert parmi les savants, faut-il compter de trop près avec lui et lui contester les avantages qu'il obtient par un travail assidu? D'ailleurs, l'un de ceux auxquels on a fait allusion, est obligé en quelque sorte d'accueillir honorablement chez lui beaucoup de visiteurs étrangers, recommandables par leur propre savoir ; et le pays, qu'il représente ainsi vis-à-vis d'eux, doit-il lui ôter les moyens de remplir convenablement cette tâche d'hospitalité? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je désire qu'on ne s'attaque point aux existences des hommes qui se font remarquer par leurs connaissances spéciales bien connues, et que nous ne possédons pas en trop grand nombre.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je ne viens nullement m'élever contre la motion faite par l'honorable M. Osy.

Mais il a particulièrement signalé deux fonctionnaires à l'attention de la chambre.

Relativement à l'un, l'honorable comte de Mérode et, avant lui, M. le ministre de l'intérieur ont donné quelques explications.

Quant à l'autre fonctionnaire, il appartient au département de la guerre, et j'ai la conviction que, lorsque le budget de la guerre sera discuté, le chef de ce département pourra donner à la chambre des explications qui seront de nature à satisfaire, au moins jusqu'à un certain point, l'honorable membre.

M. Osy. - Je répondrai à l’honorable comte de Mérode qu'il est vrai que, lorsqu'on est dans le commerce, on peut faire fortune, mais qu'aussi l'on peut s'y ruiner. Vous voyez très souvent faire de mauvaises affaires dans le commerce et l'industrie.

Messieurs, qu'avons-nous décidé dernièrement? Nous avons décidé que les fonctionnaires les plus élevés ne pouvaient toucher un traitement supérieur à celui des ministres. L'honorable M. de Brouckere me dit qu'un des fonctionnaires auxquels j'ai fait allusion, appartient au département de la guerre, et que ce n'est pas le moment d'en parler. Mais je trouve que ce fonctionnaire touche un traitement sur le chapitre dont nous nous occupons, et avec les indemnités qu'on lui accorde, il reçoit un traitement supérieur à celui de ministre, puisqu'il s'élève à 21,900 francs.

M. Dedecker. - Messieurs, je demande à ajouter une seule observation à celles qui ont été présentées par M. le ministre de l'intérieur et par M. le comte de Mérode.

(page 781) Je ne suis, pas plus que l'honorable baron Osy, ami des cumuls; comme lui je voudrais voir disparaître les quelques abus qui existent, mais qui, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, sont beaucoup plus rares qu'on ne le croit. Cependant je ne puis pas ici m'associer aux observations de l'honorable député d'Anvers. Il est évident, messieurs, qu'en Belgique les lettres et les sciences ne créent pas à nos savants, à nos littérateurs, des positions aussi honorables, aussi élevées que celles dont les savants et les littérateurs jouissent dans les autres pays. Si donc nous voyons quelques savants se faire, par leur mérite, par leur haute réputation, une position exceptionnelle en Belgique, ne leur envions pas cette position.

Il y a d'ailleurs une observation qu'il ne faut pas perdre de vue; c'est qu'en Belgique on ne peut pas tirer parti de son talent ou de sa science, à cause de notre législation sur la propriété intellectuelle. Dans tous les pays voisins, les hommes de lettres, les hommes de science peuvent, par leurs publications, se faire de magnifiques revenus, à cause des droits d'auteur qui leur sont garantis par les lois ; tandis qu'en Belgique, sous l'empire de la contrefaçon, il est impossible qu'un homme de lettres, un savant puisse, par sa plume, se faire une position honorable et respectée.

- Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 85 à 97

« Art. 85. Observatoire royal. Personnel : fr. 14,840. »

- Adopté.


« Art. 86. Observatoire royal. Matériel et acquisitions : fr. 7,160.

- Adopté.


« Art. 87. Bibliothèque royale. Personnel : fr. 26,680. »

- Adopté.


« Art. 88. Bibliothèque royale. Matériel et acquisitions : fr. 33,320. »

- Adopté.


« Art. 89. Musée royal d'histoire naturelle. Personnel : fr. 9,600. »

- Adopté.


« Art. 90. Musée royal d'histoire naturelle. Matériel et acquisitions : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 91. Subside à l'association des Bollandistes pour la publication des Acta sanctorum (charges extraordinaires) : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 92. Archives du royaume. Personnel : fr. 21,780. »

- Adopté.


« Art. 93. Archives du royaume. Matériel : fr. 2,600. »

- Adopté.


« Art. 94. Frais de publication des Inventaires des archives : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Archives de l'Etat dans les provinces. Personnel : fr. 7,450. »

- Adopté.


« Art. 96. Archives de l'Etat dans les provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives tombés dans des mains privées; frais de copies de documents concernant l'histoire nationale : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'État : fr. 3,000. »

-Adopté.

Article 92

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il s'est glissé une erreur matérielle dans l'article 92 : Le chiffre de cet article devait être de 25,750 fr. Nous sommes tombés d'accord avec la section centrale voici ce que dit le rapport :

« D'après les renseignements fournis par M. le ministre, ce serait à une erreur qu'il faudrait attribuer la réduction d'une somme de 2,000 francs sur le crédit de 1848. En conséquence, M. le ministre a demandé de rétablir l'ancien chiffre de 23,750 fr., ce qui donnerait un excédant de 615 fr. à affecter à d'utiles travaux extraordinaires de classement. »

Je prierai la chambre de bien vouloir revenir sur le vote de l'article 92 et de fixer le chiffre à 23,750 fr.

M. Prévinaire, rapporteur. - L'erreur signalée par M. le ministre est évidente. Le chiffre doit être de 23,750 fr.

- La chambre décide qu'elle reviendra sur le vote de l'article 92.

Elle fixe ensuite le chiffre de cet article à 23,750 fr.

Chapitre XX. Beaux-arts

Article 98

« Art. 98. Encouragements, souscriptions, achats. - Concours de composition musicale. - Pensions des lauréats. - Académies et écoles des beaux-arts, autres que l'Académie d'Anvers. - Concours de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure. - Pensions des lauréats.

« Charges ordinaires : fr. 104,500.

« Charges extraordinaires : fr. 12,000. »

M. Van Grootven. - Je réclame un instant votre attention, messieurs, sur quelques considérations que je crois devoir vous soumettre à l'occasion de la discussion de cet article du budget de l'intérieur.

Depuis plusieurs années, le conseil communal de Gand est en instance auprès du gouvernement afin d'obtenir un subside, qui lui avait été promis, lorsqu'il érigea son conservatoire, subside qui ne lui a pas encore été accordé jusqu'à ce jour.

Nous voyons, aux articles 100 et 101 du chapitre des beaux-arts, que le conservatoire de Liège jouit depuis longtemps d'un subside annuel de 19,000 francs. Bruxelles obtient 43,000 francs. Loin de ma pensée, messieurs, de porter envie aux villes à qui le gouvernement accorde ces subsides si importants, et sans lesquels leurs établissements n'existeraient peut-être pas. Au contraire, messieurs, j'approuve ces dépenses, comme un encouragement utile, comme un secours nécessaire, avantageux, et produisant d'excellents effets.

Mais ce que je ne comprends pas, messieurs, c'est que ces mêmes faveurs ne puissent être accordées à la ville de Gand, et dans une proportion même inférieure, alors que son conservatoire est au moins de l'importance de celui de Liège. Il est évident que les villes ne peuvent seules faire les sacrifices considérables que réclament ces établissements. Nous sommes tous d'accord, messieurs, sur l'utilité et l'avantage de ces institutions. Le gouvernement doit leur accorder des subsides, pour couvrir, dans une faible proportion, il est vrai, les frais énormes qu'ils occasionnent.

Ces établissements, d'une utilité générale et non contestée, font honneur aux grandes villes qui les ont érigés et qui les maintiennent au prix de grands sacrifices ; et au pays sur qui rejaillit la gloire des artistes qui s'y sont formés en grand nombre.

Vous n'ignorez pas, messieurs, que la ville de Gand n'a pas discontinué, depuis plusieurs années, de faire de grands sacrifices pour le maintien et la prospérité de son conservatoire. Indépendamment des locaux qu'elle fournit et d'autres frais importants encore, elle accorde annuellement un subside d'environ 22,000 fr.

Les succès brillants que plusieurs de ses élèves ont obtenus prouvent que son conservatoire est bien organisé et à la hauteur de sa mission. Un corps de professeurs distingués, dirige avec succès l'instruction des nombreux élèves de la ville et de la province , qui, eux aussi, messieurs, sont admis à la fréquentation des cours.

Si le gouvernement accorde enfin à la ville de Gand un subside qu'elle est en droit d'attendre d'une bonne justice distributive, tout promet à notre conservatoire un avenir assuré et honorable.

M. le ministre de l'intérieur se souvient que le premier prix au grand concours de composition, fut remporté l'année passée par un élève du conservatoire de Gand, le jeune Gevaert, compositeur distingué, dont la modestie rehausse encore le talent, et qui fera un jour honneur à son pays. Dans un concours récent à Bruxelles, ce fut encore un élève de Gand qui remporta le premier prix.

Ces succès brillants que j'ai eu l'honneur de vous rappeler, messieurs, vous prouvent que l'établissement pour lequel je sollicite un subside, beaucoup moins élevé que ceux accordés à Liège et à Bruxelles, mérite à tous égards de l'obtenir.

J'espère donc, messieurs, que le gouvernement accordera au conservatoire de la ville de Gand, sur les fonds affectés par la législature aux beaux-arts pour l'exercice de 1849, un secours qui lui permette de conserver sa position honorable et digne de la ville qui le créa.

Les subsides que le gouvernement accorde à ces établissements, d'une utilité si justement appréciée, produisent des résultats très favorables pour la société. Depuis la création du conservatoire de Gand, un très grand nombre d'élèves sont parvenus à se placer et à se faire une position qui, pour ne pas être brillante pour tous, n'en est pas moins lucrative et honorable. Ces résultats si heureux ont été obtenus dans les mêmes proportions dans les autres grandes villes et vous prouvent, messieurs, que les conservatoires bien dirigés, et celui de Gand est de ce nombre, agissent favorablement sur le placement et l'avenir de ceux qui les fréquentent avec zèle et qui y obtiennent des succès.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur saisira avec bonheur, avec empressement, l'occasion qui lui est offerte, de rendre enfin justice à une si légitime réclamation, trop longtemps méconnue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne demanderais pas mieux que de pouvoir satisfaire au vœu exprimé par l'honorable préopinant; mais dans les limites du budget, il m'est impossible d'accorder un subside à un établissement nouveau. Déjà nous nous sommes renfermés dans les bornes les plus étroites, et si ce n'eût été la nécessité d'introduire des économies dans le budget, j'aurais été amené à proposer des augmentations au chapitre des beaux-arts.

Les artistes ont subi les conséquences de la crise plus fortement peut-être que d'autres classes de travailleurs; je ne demande pas pour eux une augmentation de crédit dans le budget de 1849 ; mais si je puis, à l'occasion de la demande d'un crédit supplémentaire, proposer à la chambre de mettre à la disposition du gouvernement une nouvelle allocation, destinée à donner du travail à des artistes de mérite que les circonstances ont atteints, je saisirai cette occasion avec empressement. Nous secondons avec raison les travaux matériels ; la chambre, sans doute, ne ferait pas de difficulté pour adopter une demande de crédit qui aurait pour but de venir en aide au travail intellectuel et artistique.

En ce qui concerne le conservatoire de musique de Gand, je me réserve d'examiner la question pour le budget de 1850. Je dirai seulement, en passant, que je persiste dans les bonnes intentions que le ministère n'a cessé de montrer pour la ville de Gand. L'Académie de dessin ainsi que l'athénée, ont reçu, par mes soins, des subsides qui leur avaient (page 782) manqué jusque-là. Reste maintenant le conservatoire de musique; faut-il qu’il ait un subside, comme les conservatoires de Liège et de Bruxelles? C'est une autre question. Toutes les villes qui ont des conservatoires de musique ne viendront-elles pas, au même titre, réclamer des subsides? Je ne me refuse pas, cependant, à examiner avec bienveillance le vœu qui vient d'être exprimé par l'honorable député de Gand.

M. Van Grootven. - Je me déclare satisfait des explications de M., le ministre de l'intérieur, et j'espère que dans le budget de 1850, il proposera une allocation pour le conservatoire de Gand.

- Les deux chiffres portés à l'article 98 sont mis aux voix et adoptés.

Articles 99 à 110

« Art. 99. Académie royale d'Anvers : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 100. Conservatoire royal de musique de Bruxelles : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 101. Conservatoire royal de musique de Liège : fr. 19,000. »

- Adopté.


« Art. 102. Musée royal de peinture et de sculpture. Personnel : fr. 4,100. »

- Adopté.


« Art. 103. Musée royal de peinture et de sculpture. Matériel et acquisitions : fr. 14,900. »

- Adopté.


« Art. 104. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 3,800. »

- Adopté.


« Art. 105. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions : fr. 7,200. »

- Adopté.


« Art. 106. Entretien du monument de la place des Martyrs, des jardins et des arbustes. Salaire des gardiens : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 107. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces. Médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000. »

- Adopté;


« Art. 108. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 109. Commission royale des monuments. Personnel : fr. 1,400/ »

- Adopté.


« Art. 110. Commission royale des monuments. Matériel et frais de déplacement : fr. 4,600. »

- Adopté.

Chapitre XXI. Service de santé

Articles 111 à 113

« Art. 111. Frais des commissions médicales provinciales , police sanitaire et service des épidémies : fr. 39,500. »

- Adopté.


« Art. 112. Encouragements à la vaccine. Service sanitaire des ports de mer et des côtes. Subsides aux élèves sages-femmes. Subsides aux communes en cas d'épidémies; impressions et dépenses imprévues : fr. 23,300. »

- Adopté.


« Art. 113. Académie royale de médecine : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre XXII. Eaux de Spa

Article 114

« Art. 114. Subsides pour les établissements publics de la commune de Spa : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre XXIII. Traitements de disponibilité

Article 115

« Art. 115. Traitements temporaires de disponibilité. Charges extraordinaires : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XXIV. Dépenses imprévues

Article 116

« Article 116. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 9,900. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

La chambre décide qu'elle procédera demain au vote définitif du budget de l'intérieur.

M. Lebeau. - Mais cela ne suffira pas pour la séance de demain.

M. le président. - Nous avons d'abord la proposition de M. Sinave.

M. Sinave. - Je n'ai pas encore tous les renseignements nécessaires.

M. le président. - Nous avons ensuite le budget de la guerre.

M. Delehaye. - Il est impossible de mettre à l'ordre du jour de demain le budget de la guerre. Personne ne serait préparé, nous pouvons mettre à l'ordre du jour, après le second vote du budget de l'intérieur, des rapports de pétitions.

M. Dumortier. - Je pense qu'il est à désirer que la séance de demain soit complète; mais nous ne pouvons pas, après le budget de l'intérieur, entamer un projet de loi devant donner lieu à une longue discussion que nous devrions suspendre. La chambre est dans l'habitude de ne pas siéger pendant les jours de carnaval ; il convient, je pense, de mettre le budget de la guerre à l'ordre du jour pour la rentrée.

M. le président. - Maintenons l'ordre du jour tel qu'il est, et quand nous aurons terminé le budget de l'intérieur, nous verrons ce que nous pouvons faire.

- La séance est levée à 4 heures et demie.

Séance suivante