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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 avril 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1318) M. de Perceval procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.

Projet de loi sur l’enseignement moyen

Discussion des articles

Titre I. Dispositions générales

Article nouveau

M. le président. - Nous en sommes à l'article 8. Mais M. Thibaut a déposé une proposition sous la dénomination d'article nouveau. C'est à la chambre à décider quand elle s'en occupera.

Voici cet article :

« Le gouvernement est autorisé à subventionner ceux des établissements libres patronés par les communes qui sont actuellement en possession de subsides sur le trésor public. »

M. Delfosse. - Il ne faut pas interrompre la discussion de l'article 8.

M. le président. - On pourrait rattacher cette proposition à l'art. 28.

M. Thibaut. - Peu m'importe le moment où la chambre croira devoir s'occuper de ma proposition. Je crois effectivement qu'on peut la rattacher à l'article 28.

Article 8

M. le président. - Voici un nouvel amendement de M. Lelièvre :

« Je propose de rédiger l'article 8 en ces termes :

« L'instruction moyenne comprend l'enseignement religieux. Les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller cet enseignement dans les établissements soumis au régime de la présente loi. »

M. Lelièvre développera son amendement lorsque son tour de parole sera venu.

La parole est à M. de Liedekerke pour développer l'amendement qu'il a présenté hier avec M. Dumortier.

M. de Liedekerke. - Messieurs, ce n'est pas pour le stérile plaisir de faire entendre de vains discours, ni pour abuser des moments de la chambre, ni dans la pensée très dérisoire d'une tactique qui tendrait à prolonger la discussion que je prends la parole pour développer l'amendement que l'honorable M. Dumortier et moi nous avons déposé dans la séance d'hier; c'est uniquement pour répondre aux sentiments les plus intimes de ma conscience et à une conviction aussi profonde qu'énergique.

Il est certaines questions, il est des circonstances, il est des lois sur lesquelles les concessions sont possibles, où elles ne peuvent pas être taxées de faiblesse, ni d'un abandon de principes; où le seul désir qu'on puisse avoir, c'est d'arriver à une entente réciproque, à une mutuelle concession.

Mais il est aussi d'autres principes, il est d'autres lois où ces concessions ne seraient qu'un lâche abandon, où les lois qui naîtraient de la faiblesse des uns et de la suprématie impérieuse et dominante des autres, une fois qu'elles seraient tombées dans le domaine des faits, rencontreraient un antagonisme ardent, seraient soumises aux plus vives et aux plus incessantes attaques, et où ces lois deviendraient impuissantes par cela seul qu'elles contrarieraient les principes et les convictions de ceux sans le concours desquels il serait impossible de les exécuter.

M. le ministre de l'intérieur, dans une de nos dernières séances, je demande de faire cette très courte digression, disait, et il répétait hier la même pensée, qu'il avait présenté une loi de conciliation, et que c'était nous qui l'avions transformée en une loi de parti.

Messieurs, je trouve que ce reproche est peu fondé, qu'il est très injuste. Comment aurions-nous fait une loi de parti et pourquoi? Parce que nous aurions signalé les importantes conséquences que cette loi aura pour l'avenir! Parce que nous aurions fait ressortir les effets similaires que des lois pareilles ont eus dans d'autres pays? Lorsque l'honorable M. Dechamps, l'autre jour, vous a déroulé le tableau, non pas de ce qui a été fait sous le monopole universitaire, mais ce que M. Cousin, le grand apôtre de l'enseignement philosophique, de l'enseignement universitaire, ce que M. Cousin avait souhaité, ce que M. Cousin avait rêvé pour la France; lorsque l'honorable M. Dechamps vous a déroulé ce tableau et qu'il a place à côté de cela ce que vous obtenez par votre loi, tout ce que vous fondiez dans des proportions bien autrement puissantes que ce qu'avait réclamé M. Cousin ? Qu'avez-vous eu à répondre ? Comment avez-vous atténué la portée de cette comparaison? Vous êtes restés silencieux.

Vous avez parlé de conciliation et lorsque, appuyant l'amendement de l'honorable M. do Brouckere, nous vous demandions de restreindre le monopole de l'Etat, qu'avez-vous concédé? Rien. Et cependant l'honorable M. de Brouckere ne peut pas être affublé de ces ridicules désignations de clérical, de catholique, avec lesquelles vous voudriez nous rendre incapables de soutenir, de défendre aucune idée libérale et généreuse.

Lorsque nous vous avons demandé de laisser sous le régime de la loi sur l'enseignement primaire les écoles primaires supérieures, lorsque cette concession nous la demandions parce que M. le ministre de l'intérieur l'avait laissé entrevoir, qu'avez-vous accordé ? Rien.

Lorsque nous vous avons demandé de donner par la loi au gouvernement, la faculté rien que la faculté, d'établir des athénées ou des écoles moyennes, sans en faire une obligation, qu'avez-vous concédé? Rien encore.

Quand nous avons appuyé l'amendement de l'honorable M. de Luesemans, amendement si profondément conciliant, qu'avons-nous obtenu? Rien! rien.

Et on dit que c'est nous qui voulons une loi de parti et que c'est vous qui voulez la conciliation !

Oui, vous triompherez. Nous n'avons ici, pour vous rencontrer dans l'arène de la discussion, nous n'avons pour nous que nos principes, notre raison, notre intelligence; nous n'avons, après tout, que les inspirations réelles, sérieuses de la liberté; eh bien, ces inspirations ne nous feront pas défaut; elles nous animeront et nous soutiendront jusqu'à la dernière syllabe du dernier article de cette déplorable loi. Vous triompherez, je ne le conteste pas, mais votre triomphe sera un triomphe de parti. Ce sera une défaite pour les sympathies, pour les traditions sérieuses du pays, pour son esprit national, pour ses goûts, pour ses habitudes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce langage est conciliant, très conciliant !

M. de Liedekerke. - Je réponds au vôtre, qui ne l'était pas davantage, je combats vos accusations.

Je rentre dans la discussion.

M. Delfosse. - Vous n'auriez pas dù en sortir.

M. de Liedekerke. - On peut, je pense, s'arrêter aux objections faites dans le cours même de la discussion et qui se rattachent à l'article dont nous nous occupons.

Messieurs, il y a un fait qui jaillit de tous ces débats, c'est que l'enseignement religieux est, selon les uns utile, selon les autres nécessaire, selon d'autres indispensable. Soit que vous consultiez le langage de l'honorable M. Dolez, ou celui de l'honorable M. Delfosse, ou celui de l'honorable M. Orts, ou celui de l'honorable M. Devaux, partout vous trouvez que l'on est frappé de la nécessité ou tout au moins de l'utilité de l'enseignement de la religion. C'est donc là un fait acquis à la discussion.

Et en effet, messieurs, comment pourrait-on le contester? De quoi s'agit-il? Il s'agit de l'âge où l'enseignement de la religion est le plus nécessaire, celui où toutes les passions, tous les instincts commencent à se développer, où les intelligences s'ouvrent à toutes les impressions. Il s'agit de cette génération, de cette classe dans laquelle vous aurez à choisir et vos magistrats, et vos officiers, et vos administrateurs, de ceux qui exerceront un jour la souveraineté de l'intelligence et de la raison, qui forme , c'est évident, le grand caractère de nos gouvernements et de nos institutions modernes. Aussi, faut-il le reconnaître: cette pensée doit frapper tout le monde, c'est dans ces jeunes âmes, ces ardentes intelligences qu'il faut que les lumières de la foi et de la religion pénètrent avant tout. Aussi l'honorable M. Dolez s'écriait-il : « Nul plus que moi n'est convaincu que l'enseignement moyen ne peut être complet, qu'il ne peut être satisfaisant, exempt de dangers, s'il n'est pas essentiellement moral et religieux. »

L'honorable M. Devaux nous disait dernièrement qu'il y avait dans le pays 500,000 à 600,000 jeunes gens aptes à recevoir l'instruction moyenne, et que cependant il y en avait seulement 12,000 qui fréquentassent les écoles de ce degré; qu'il était dès lors bien extraordinaire que le clergé mît, que nous missions tant d'insistance pour que l'enseignement de la religion et de la morale fût donné par voie d'autorité dans les écoles, puisque la grande partie restante de cette génération était abandonnée à elle-même.

Je ne trouve l'argument ni parfaitement juste, ni bien solide.

Lorsque l'Etat fonde un collège, il attire à lui la responsabilité et les devoirs des familles. Or, évidemment l'on doit supposer que tous les jeunes gens qui ne vont pas au collège reçoivent l'enseignement de la morale et de la religion, sous la responsabilité des familles, par les moyens légitimes qu'elles peuvent se procurer; dès lors, l'Etat représentant la famille, dès l'instant où il fonde une institution d'enseignement moyen, il doit donner, sous ce rapport, les mêmes garanties, et laisser entrevoir les mêmes espérances que la famille peut offrir; voilà pourquoi il est essentiel que l'Etat donne d'une manière franche, ouverte, assurée, et autant qu'il dépend de lui, l'enseignement religieux.

Mais la grande objection qu'on fait est celle-ci :

« Si vous remplacez l'article de la loi du gouvernement par une disposition plus explicite, par une disposition qui renferme en elle une obligation ou un commandement, vous arrivez à un résultat inacceptable pour nous. Dès l'instant où vous inscrivez une obligation dans la loi, vous (page 1319) faites qu'elle commande ; lorsque la loi commande, elle doit être obéie, et dès qu'elle ne l'est pas, il en résulte une violation manifeste. »

Je crois que c'est bien là l'argument avec lequel on soutient la nécessité de maintenir dans la loi l'article primitif du projet.

Messieurs, je pense que c'est une erreur. Cet argument ne m'a pas touché. Quelque scrupuleuse attention que j'ai apportée à l'envisager, je n'ai pas pu me soumettre aux conséquences qu'on en faisait découler.

Abordons d'abord la valeur de l'argument dans l'ordre des faits.

Dans la loi de l'enseignement primaire (je la cite, non comme théorie, mais comme un précédent), vous avez agi d'une manière impérative, vous y avez inséré une disposition absolue; vous l'avez fait figurer non dans un seul article, mais dans plusieurs articles de la loi ; vous l'avez établie à tous les degrés de la loi; vous avez dit que l'enseignement religieux serait donné et surveillé par le clergé ; il y a donc ici quelque chose d'impératif, d'absolu; il y a là, en un mot, tout ce que vous ne voulez pas accepter dans la loi de l'enseignement moyen.

Cela est tellement vrai que, lorsqu'on discutait le paragraphe 2, de l'article 6, l'honorable M. Lebeau trouva qu'il y avait quelque chose de trop impératif dans cette disposition de la loi : « N'y a-t-il pas là quelque chose d'opposé à l'indépendance et à la liberté constitutionnelle du clergé? » disait cet honorable membre. « Comment parviendrez-vous à obtenir le concours du clergé, s'il ne veut pas le donner? - Oui, c'est vrai, disait M. Nothomb, la loi est absolue; nous ne le contestons pas, mais dans quelle hypothèse la loi est-elle impérative? Dans l'hypothèse du concours du clergé ; nous ne disposons pas dans l'hypothèse de son non-concours; nous nous mettons en face de celle où il l'accorde, et nous stipulons quels seront sa position, ses droits, le mode et la manière d'intervention.

Dernièrement, en France, on a discuté une grande loi sur l'instruction, où l'on a accordé au clergé une large et grande place.

Dans l'instruction primaire, on l'a rangé sur la même ligne que le maire; on a placé les écoles primaires sous la surveillance de ces deux autorités, de celle du maire et de celle du curé ; dans l'enseignement moyen, on a appelé un évêque et un autre prêtre dans le conseil académique ; dans le conseil supérieur plusieurs évêques. Avait-on la certitude que le clergé accepterait la loi et, s'il ne l'accepte pas, le gouvernement a-t-il le moindre moyen de le contraindre? Peut-il faire que le clergé arrive obligatoirement dans le conseil académique ou dans le conseil supérieur?

Qui donc, dans la discussion de la loi française, est venu dire : Vous allez commander au clergé d'intervenir dans le conseil académique, dans le conseil supérieur et dans les écoles primaires? Qu'en savez-vous? Le clergé n'obéira peut-être pas. Qui vous dit qu'il voudra du privilège que vous lui offrez? Et votre loi sera alors fatalement violée. Personne n'est venu produire cet argument et dire que la loi serait déchirée si le clergé s'abstenait. Il arrivera sans doute que des évêques n'accepteront pas la loi, qu'en résultera-t-il? C'est qu'elle sera caduque dans quelques-unes de ses parties, mais nul ne prétendra qu'elle sera violée.

En effet, messieurs, deux caractères distincts peuvent se rencontrer dans une même loi. Elles sont impératives d'une manière absolue dans certains cas, elles ne le sont dans d'autres que pour certaines hypothèses. Elles disposent d'une manière absolue de quelques personnes, de certaines choses; ainsi elles peuvent frapper d'une manière absolue les citoyens par la conscription et l'impôt, par exemple, ou prendre des dispositions pour certaines hypothèses, pour quelques éventualités. Si celles-ci se réalisent, la loi s'exécute; si, au contraire, elles n'arrivent pas, la loi est caduque dans cette partie, mais- elle est toujours là pour le cas où cette éventualité vient à se réaliser.

Dans l'article 117 de la Constitution que trouvez-vous? Que les traitements du clergé seront à la charge de l'Etat. Je suppose que le clergé n'accepte pas de traitement ou de pension, la Constitution sera-t-elle violée? Non, vous direz qu'elle n'a pas pu recevoir toute son exécution, que vous n'avez pu la lui donner dans son ensemble. En Hollande, une partie du clergé reçoit un traitement, l'autre n'en a jamais voulu; qui donc est venu prétendre que la loi fût étouffée parce qu'une partie du clergé acceptait un traitement tandis que l'autre le refusait?

En Irlande, dans les collèges de la Reine, on a appelé les évêques protestants et catholiques; quelques-uns ont accepté la position qu'on leur faisait, d'autres n'en ont pas voulu; ils ont professé des scrupules exagérés peut-être, mais enfin tout-puissants pour eux, et ils se sont abstenus ! La loi a-t-elle été violée pour cela? Non, elle est caduque dans certaines de ses dispositions, mais elle n'est pas violée.

Messieurs, l'on soutenait dernièrement qu'il était désirable de faire cesser l'état actuel des choses, de faire pénétrer l'esprit religieux, l'enseignement du clergé dans les écoles du gouvernement. Je partage complètement ce désir du gouvernement; je le loue de ce souhait ; nous sommes animés du même sentiment; mais ce que nous voulons, ce que nous demandons, c'est que la loi parle d'une manière nette et précise, que rien d'essentiel ne soit abandonné au libre arbitre, à la décision du ministère.

L'honorable M. Orts disait, dans la discussion générale : Je fais les lois en défiance de tous les ministères futurs et actuels.

Ce qu'il disait dernièrement, je le répète à mon tour ; sans hostilité, sans défiance injurieuse, soupçonneuse pour le ministère. Je soutiens que nous ne devons pas voir les hommes qui sont au pouvoir, que nous ne devons considérer ni la majorité, ni la minorité. Nous devons faire une loi, durable par elle-même, ayant en elle-même ses éléments d'existence, de force et de vérité.

Vous soutenez que vous ne repoussez pas la religion. L'honorable M. Delfosse nous le disait : un ministère, un pouvoir quelconque devrait être saisi d'un véritable vertige en Belgique, s'il voulait agir d'une manière hostile au clergé. Cela est possible. Cependant, dans le rapport de la section centrale, nous voyons le ministère ouvertement indiquer cette pensée qu'il ne rétracte pas de faire donner l'enseignement religieux par un laïque.

Eh bien, l'enseignement religieux donné par des laïques, la possibilité de le livrer à des laïques, en dehors du contrôle, de l'assentiment du clergé, est pour moi une chose inacceptable. J'y vois des périls sérieux, de véritables dangers. Il ne peut y avoir une chose plus détestable. Nous avons donc quelques raisons, en présence de cette éventualité admise par le ministère, et dans laquelle il persiste, de demander qu'on définisse dans la loi deux choses : l'une que l'enseignement de la religion et de la morale est obligatoire; l'autre que l'enseignement de la religion et de la morale doit être donné par l'autorité enseignante de l'Eglise, par le clergé.

Est-ce que je demande qu'en fait, dans la pratique, en toutes circonstances, l'enseignement de la religion doive être donné uniquement par le clergé? Mais non : cet enseignement pourra dans certains cas, mais avec l'assentiment du clergé, être confié à des laïques. Mais il faut que cet enseignement, pour être sérieux et vrai, soit donné avec l'approbation du clergé, qu'il puisse nous donner la garantie que la doctrine dogmatique de la religion est donnes convenablement et qu'elle répond parfaitement, identiquement à celui qu'il pourrait donner lui-même.

L'honorable M. Orts a parlé de la formule du ministère, de celle de l'honorable M. de Theux; il a établi une comparaison entre ces deux formules, disant que l'une était aussi acceptable pour lui que l'autre : « Je ne considère pas comme une formule différente de celle du projet, la formule qui se trouve inscrite dans le projet amendé sous le ministère de Theux.»

Où surgit donc la difficulté, le dissentiment? Dans ces simples mots : « L'enseignement de la religion sera suspendu. » Pourquoi l'honorable M. Orts dit-il qu'il repousse cette formule? Les raisons qu'il donnait étaient celles-ci : « Je ne veux pas de fracas, je ne veux pas de bruit, je ne veux pas d'éclat. Si le clergé croit devoir se retirer d'une école, qu'il se retire, mais que ce soit sans bruit. »

Nous ne voulons pas plus que lui le bruit, le fracas, l'éclat. Nous croyons que le clergé, pas plus que l'opinion publique, pas plus que l'Etat, n'aurait à y gagner. Mais ce que nous voulons, c'est de la sincérité, c'est de la franchise, c'est de la loyauté. Voilà pourquoi nous voulons que la position du clergé soit nettement formulée, sincèrement indiquée dans le projet de loi.

Que si, messieurs, pour quelques-uns d'entre vous, la différence est aussi minime que celle qu'indiquait l'honorable M. Orts, s'il ne s'agit que d'une formule dont on ne veut pas, à cause du fracas et du bruit, mais formule qui satisferait les consciences et les convictions, non seulement d'un grand nombre de membres de cette chambre, mais, soyez-en persuadés, d'une grande majorité des habitants du pays; s'il ne s'agit que d'une si faible dissidence, pourquoi y résisteriez-vous et pourquoi ne l'accepteriez-vous pas pour réaliser cette conciliation dont on parle tant?

Quelle serait, après tout, la situation? Vous auriez dit que l'enseignement de la morale et de la religion est non pas la base de la loi, mais sa sanction, car j'admets cette différence. Dans la loi sur l'enseignement primaire, l'enseignement de la morale et de la religion est la base même de la loi. Dans l'enseignement moyen, j'admets cette légère nuance, c'est que cet enseignement est la sanction de l'enseignement moyen, mais la sanction indispensable.

Vous aurez établi dans votre loi que l'enseignement de la morale et de la religion est indispensable; vous aurez admis que cet enseignement doit être donné par le clergé. Quelle sera la position du clergé? Il réunira, comme je l'ai dit, deux caractères bien distincts quoique unis : l'un, c'est le caractère spirituel; c'est-à-dire que l'évêque, que le supérieur ecclésiastique, nommez-le comme vous voulez, investirait du droit de donner l'enseignement spirituel tel prêtre qu'il désignerait. Quant à vous, pouvoir civil, vous lui attacheriez le caractère d'un autorité civile; c'est-à-dire que vous le feriez entrer dans l'école avec une espèce d'exequatur. Vous le nommeriez professeur au point de vue civil, comme l'évêque le nomme au point de vue religieux.

Messieurs, je me permettrai d'appeler votre attention sur une dernière observation. Si, en cas de difficultés ou de dissentiments, vous omettez l'enseignement religieux dans l'école, l'Eglise peut se taire, elle peut ne rien dire, elle peut regretter que les lumières de la foi et de la religion ne pénètrent pas dans l'école elle-même. Mais ces regrets, elle peut les renfermer d'une manière silencieuse dans son sein. Elle n'est pas obligée de parler. Mais si vous faites donner en dehors de l'Eglise, malgré son autorité, l'enseignement religieux par des laïques, l'Eglise devra parler; elle ne pourra pas se soumettre à ce que son enseignement orthodoxe sorte de bouches profanes, à ce qu'il puisse être donné sans son contrôle et sans son approbation.

Messieurs, je lisais ce matin, dans une récente publication de Mgr l'évêque de Langres, un passage que je vais vous citer, et qui a une frappante analogie avec l'objet de notre délibération; le voici :

« …. Aussi l'assemblée législative, dans sa séance du 19 février, a-t-elle rejeté, sans hésitation et sans presque de partage, la proposition (page 1320) de faire donner dans les écoles l’instruction religieuse en dehors de tout dogme.

« Les législateurs, déférant au vœu de la France qui les a nommés, ont donc voulu très formellement que la religion intervînt dans l'éducation, notamment dans celle qui serait donnée au nom de l'Etat; qu'elle y intervînt avec ses enseignements complets et ses préceptes absolues. »

Cet extrait, messieurs, représente parfaitement l'ordre d'idées dans lequel se range notre amendement : je crois qu'il constitue une véritable disposition de conciliation. Si, comme je l'espère, comme vous le désirez, il est possible d'avoir le concours du clergé, ce sera en votant les conditions qu'il contient; elles ont un caractère sincère et loyal qui me semble devoir convenir à tous, qui sont acceptables par les deux grandes autorités, le pouvoir religieux et civil. Du reste, je n'ai ni droit ni autorité pour l'affirmer ; je ne fais qu'exprimer une simple espérance.

Messieurs, veuillez ne pas l'oublier, il y a, pour toutes les nations sérieusement organisées, et qui jouissent des bienfaits d'une véritable civilisation, doux grandes choses, la liberté et la religion.

La religion, messieurs, aime la liberté, elle y trouve un nouveau foyer de vie, une source féconde de grandeur. Mais la religion, après tout, peut, quoique avec regret, se passer de la liberté politique ; elle se soutient , elle se perpétue sous toutes les formes de gouvernement, car toutes ont intérêt à la respecter, il en est bien peu qui soient assez aveugles pour méconnaître son auguste caractère, ou pour la frapper.

Mais la liberté a besoin de la religion. Car la liberté, qui n'est que l'indépendance civile et politique au plus haut degré, présuppose la souveraineté vraie et constante sur soi-même, la souveraineté personnelle, en un mot, qui découlent des préceptes immortels de la loi religieuse.

Messieurs, c'est l'union de la liberté et de la religion qui a fait notre force et notre grandeur. Vous pouvez continuer cette union et la perpétuer ; ce sera, je crois, pour le salut commun de tous et dans l'intérêt même du pays. L'amendement que l'honorable M. Dumortier et moi nous vous avons présenté n'a pas d'autre but, c'est là toute sa pensée. Je le livre à la prudente attention, à l'examen impartial de la chambre.

(page 1331) M. de T'Serclaes. - Messieurs, à toutes les considérations, à tous les arguments produits par les adversaires du projet, pour que le gouvernement soit obligé par la loi à se concerter avec les autorités ecclésiastiques, dans le but de régler le mode et les conditions du concours des ministres du culte dans l'enseignement moyen, MM. les ministres et les défenseurs du projet n'ont fait jusqu'à présent que trois réponses qui peuvent se résumer ainsi ; ils nous ont dit :

1° On a vainement alarmé les consciences : l'enseignement aux frais de l'Etat sera moral et religieux, nous désirons, nous appelons l'action du clergé.

2° Vous ne voulez pas de l'enseignement laïque: vous proclamez l'incompétence, l'indignité de l'Etat en matière d'enseignement public.

3° Votre système conduit à la théocratie pure.

J'ai suivi la discussion avec beaucoup d'attention; il m'a été impossible de découvrir autre chose que ces trois assertions dans les discours de mes honorables contradicteurs. Permettez-moi, messieurs, de répondre quelques mots encore à ces trois objections; d'abord aux deux dernières ; je finirai par la première.

Nous ne voulons pas de l'enseignement de l'Etat, de l'enseignement laïque! Un pareil reproche est absurde ; comment! mes honorables amis, ces hommes qui ont conduit pendant plusieurs années les affaires du pays, MM. de Theux, Dechamps, Malou et tant d'autres en dehors de cette chambre, sont les ennemis de l'instruction donnée par l'Etat! Comme si tout ce qui s'est passé depuis vingt ans ne prouvait pas à l'évidence que, de ce côté de la chambre comme de l'autre, il y a unanimité sur ce point ; l'opinion qui est aujourd'hui en minorité a la même conviction que vous, elle a toujours soutenu qu'il est convenable et utile d'organiser sérieusement, et dans tous ses développements légitimes, l'instruction publique.

M. le président. - Il s'agit de l'article 8.

M. de T’Serclaes. - Sans doute. L'article 8 a défrayé en grande partie la discussion générale, cela devait être; s'ensuit-il qu'il faille l'adopter sans discussion?

On a allégué et soutenu, à propos de l'article 8, que les adversaires du projet répudiaient l'enseignement de l'Etat. C'est à cela que je réponds. L'instruction primaire aux frais de la commune, de la province, de l'Etat, l'enseignement supérieur, ont été organisés dans tous leurs détails et de la manière la plus complète, sur l'initiative ou avec la coopération sincère des catholiques.

Quant à l'enseignement moyen, l'honorable M. de Brouckere vous a prouvé dans son premier discours, qu'il n'était ni impolitique ni inconstitutionnel de repousser l'enseignement moyen donné aux frais de l'Etat. C'est une autorité dont je pourrais assurément me prévaloir.

Franchement, le doute est-il permis en présence des projets de lois présentés en 1834 et en 1846? Nous admettons un enseignement moyen organisé aux frais de l'Etat, mais un enseignement différent de celui que l'on propose. Notre système est parfaitement net, il se résume en deux mots : établissements modèles, garanties religieuses. Le vôtre est parfaitement net aussi; c'est l'enseignement national, l'indépendance absolue de l'Etat. Vous allez choisir, messieurs, sous votre responsabilité. (Interruption.)

« Savez-vous ce qu'est votre système, » nous dit M. le ministre des finances et, après lui, l'honorable M. Devaux, « c'est le système de la théocratie pure, vous en faites ici la théorie. » Cette grosse objection est extrêmement facile à réfuter. M. Rolin reconnaît qu'il y a deux pouvoirs; mon ami, M. Dedecker, explique les principes de la séparation de l'Eglise et de l'Etat d'une manière irréfragable: et parce que nous demandons que la loi impose au gouvernement l'obligation de concordats, de conventions particulières entre les deux pouvoirs, on nous jette à la tête le mot effrayant de théocratie, c'est-à-dire la domination de tous le pouvoirs publics par le clergé; en vérité, cela n'est pas sérieux.

Tout ce qu'on a dit et dans le pays et dans cette chambre, c'est que le clergé doit être appelé, non par voie administrative, mais à titre d'autorité ecclésiastique, à titre d'autorité spirituelle, d'autorité absolue en fait de religion et de morale à donner ou à surveiller l'enseignement religieux. Cette intervention du clergé à titre d'autorité, cette théorie qui est celle de l'Eglise de tous les siècles, sous tous les gouvernements possibles, on appelle cela la théorie de la théocratie!

L'enseignement de l'Etat, a dit l'honorable M. Devaux, c'est l'enseignement des majorités; les autres sont des enseignements de parti.

Il est impossible d'admettre une assertion semblable. L'enseignement de la religion et de la morale ne peut, dans aucun pays, être une affaire de majorités, une affaire de parti.

Si vous croyez, dit le même orateur, que les ministres des cultes sont seuls capables de donner l'enseignement religieux, il faut proscrire tout autre enseignement que celui du clergé. Non, messieurs, il ne faut pas proscrire tout autre enseignement que celui du clergé, mais il faut nécessairement se concerter avec le clergé pour l’enseignement de la religion. La négociation, le concert, l'entente préalable, tout cela est inévitable, nécessaire, indispensable, constitutionnel. C'est le seul moyen de sauver la liberté des cultes, de respecter la liberté des cultes. On l'a dit à satiété dans la discussion générale, si vous ne reconnaissez pas hautement et solennellement l'Eglise comme autorité enseignante, si vous ne stipulez pas avec elle dans la plénitude de sa liberté comme pouvoir spirituel, vous allez à l'encontre de la liberté des cultes, vous enfreignez la Constitution.

Il faut cependant bien, messieurs, que vous en preniez votre parti; parce que c'est là véritablement la doctrine catholique; l'Eglise romaine ne cessera jamais de proclamer que, seule en ce monde, elle a la mission d'enseigner la religion, que seule elle a le droit d'envoyer les ministres de cet enseignement, qu'il n'y a absolument que les personnes déléguées par elle qui soient capables de donner l'enseignement religieux. C'est là le fait, c'est là le culte, c'est là la liberté du culte catholique. La conséquence est facile à tirer, et cette conséquence n'a rien de blessant pour la dignité de l'Etat, on vous l'a prouvé.

Messieurs, ce n'est pas seulement avec l'Eglise catholique qu'il en est ainsi, mais si, après le culte véritable, on peut parler des autres, vous seriez obligés d'en agir de même, par exemple, avec le culte mahométan, car là aussi l'enseignement religieux ne peut être donné que par les ministres du culte. Traiter avec ces derniers, à titre d'autorité religieuse, serait-ce encore de la théocratie?

Vous dites, en troisième lieu, qu'on a vainement alarmé les consciences et que vous voulez l'enseignement moral et religieux. Mais, messieurs, quelles assurances, quelles garanties renferme le projet de loi? Il est incontestable que l'article 8 est susceptible de plusieurs interprétations. Rien n'est plus vague, plus élastique que la rédaction de cet article. Il ne précise rien; c'est une simple invitation.

Vous faites une loi pour l'avenir ; les hommes qui exécuteront la loi peuvent l'exécuter convenablement aujourd'hui, ils peuvent s'efforcer de satisfaire aux besoins religieux du pays, qu'en adviendra-t-il à l'avenir? Quelle assurance avons-nous que les successeurs des ministres actuels adopteront la même interprétation que ces derniers?

Et que l'on ne vienne pas dire qu'on ne peut donner à la loi un autre sens que celui que ses auteurs lui ont assigné. Nous avons dans notre pays un exemple frappant de ce que peut l'interprétation lorsque les termes de la loi ne sont pas catégoriques : l'article 84 paragraphe 2 de la loi communale a été, pendant un nombre d'années considérable, interprété dans un sens favorable aux établissements de la charité privée. Aujourd'hui le ministère lui attribue un sens tout différent, un sens contraire à celui que son auteur lui-même lui avait assigné. Pareille chose peut arriver pour l'article 8.

La répulsion que soulève le projet de loi actuel, dans une grande partie du pays, se rattache précisément à l'interprétation que M. le ministre de la justice donne à l'article 84 paragraphe 2 de la loi communale. Rien n'a fait plus de mal au cabinet que sa lutte contre la chanté privée, dans nos Flandres; nous redoutons au même titre la lutte de l'Etat contre les établissements d'instruction libres investis de la confiance des pères de famille.

Le contrôle, la surveillance des chambres législatives seront nuls et sans effet, si un ministère futur veut mal interpréter l'article 8, comme ils ont été nuls et sans effet en présence de l'interprétation de l'article 84 de la loi communale et des entreprises du gouvernement contre les établissements de charité.

L'honorable ministre de l'intérieur, dans une séance précédente, a déclaré que l'un des avantages principaux du projet de loi, c'est que l'éducation est séparée de l'instruction. C'est là une erreur de principes bien dangereuse. Que de fois il a été démontré que jamais on ne peut assigner à l'une et à l'autre une sphère séparée, que toujours l'éducation se confond avec l'instruction!

L'honorable M. Rogier a parlé des pensionnats, séparés des collèges ; il a dit que c'était une innovation essentielle et qui donnait des garanties sérieuses aux opinions religieuses. D'abord, messieurs, cette séparation entre le pensionnat et le collège n'est pas une chose nouvelle qui appartienne exclusivement au cabinet actuel; la même disposition est (page 1332) formellement inscrite dans le projet de loi sur l’enseignement moyen, de 1846.

Le pensionnat ne peut nullement satisfaire aux besoins de l'enseignement religieux, si le collège n'est pas religieux. Je citerai l'exemple d'un institut célèbre par ses succès dans l'enseignement, l'institut des jésuites.

Les jésuites, qui ont formé en grande partie la génération d'avant la révolution française, les jésuites n'avaient pas de pensionnats; les collèges des jésuites, avant 1789, étaient ce que sont aujourd'hui nos universités; des professeurs spéciaux y donnaient des leçons, des cours, mais les élèves logeaient soit chez les particuliers, soit dans de petites associations qu'on appelait « convicts ». L'instruction n'était pas cependant séparée de l'éducation ; bien loin de là : toute l'instruction était imprégnée de l'esprit religieux, la direction en était morale et exclusivement catholique, et l'on ne croyait pas que c'était de trop, pour sauvegarder la moralité des élèves, que de l'action combinée du collège, des convicts et des pères de famille. Si vous n'agissez pas ainsi, si dans l'instruction vous faites abstraction de l'éducation, vous formerez des élèves qui n'auront point de véritables principes religieux.

Dans la séance de mercredi, l'honorable M. Devaux a prétendu que l'enseignement religieux destiné aux adolescents n'était pas indispensable, et que le clergé lui-même en jugeait ainsi, puisqu'il ne donnait pas cet enseignement dans les églises.

L'honorable M. de Liedekerke vient d'écarter une partie de cette objection; il n'est pas difficile de la réfuter entièrement. L'enseignement religieux doit croître en même temps que l'intelligence se développe. Si l'on donne aux jeunes gens des notions très étendues sur l'antiquité, la littérature et les autres branches des connaissances humaines, il faut que l'enseignement religieux grandisse dans la même proportion, afin de servir de correctif à certaines erreurs, et de donner une direction saine aux connaissances acquises.

Les 600,000 adolescents de Belgique n'ont pas besoin d'étudier à fond les dogmes et l'histoire de l'Eglise, parce qu'ils ne sont pas exposés aux mêmes erreurs de l'esprit que les 10,000 élèves des collèges. Pour la majorité des fidèles, le clergé catholique s'attache plus au cœur qu'à l'intelligence, mais il cherche à satisfaire aussi aux besoins des classes élevées par des conférences, des prônes, des sermons, des missions, tous secours qui s'adressent aux jeunes gens comme aux adultes. Du reste, je suis amené dans l'ordre des idées de M. Devaux, à reconnaître que l'ignorance est le grand mal de ce temps, et qu'il serait bien désirable que le clergé pût étendre son enseignement à l'église.

On a parlé de l'université de Louvain comme ne donnant pas à ses élèves un enseignement spécial religieux ; c'est là une erreur. A l'université de Louvain, il y a un cours d'instruction religieuse très approfondi; ce cours est fort suivi, et il est approprié, par son étendue et ses développements, aux jeunes gens qui sont appelés à pénétrer toutes les branches de l'enseignement. Avant la fin du XVIIIème siècle, alors que l'enseignement n'était pas laïque, la religion continuait à être spécialement enseignée dans les universités.

Le clergé, a dit l'honorable M. Devaux, doit, par mission, par devoir, répondre à l'appel du gouvernement et il a cité l'apôtre S. Paul prêchant aux Romains, ainsi que les socialistes qui entreraient avec empressement par la porte que l'article 8 ouvre aux ministres du culte; mais l'honorable M. Devaux oublie que nous sommes dans un pays dont l'immense majorité est catholique.

Il ne s'agit pas de comparer les Belges de 1850 aux Romains du premier siècle. La plupart des pères de famille sont catholiques, ou désirent que leurs enfants le soient; ils se reposent sur vos soins pour l'éducation de leurs enfants, il est de votre devoir de donner à ces derniers une instruction sérieusement morale et religieuse, et vous ne pouvez le faire qu'avec l'intervention du clergé à titre d'autorité.

Dans la séance de samedi, M. le ministre de l'intérieur, répondant à l'honorable comte de Mérode, s'écriait :« Il y a des propositions bien autrement compromettantes dans l'enseignement du clergé que dans le nôtre. Si nous ne les citons pas, rendez grâce à notre magnanimité. » Cette exclamation lui est assurément échappée dans la chaleur de l'improvisation ; elle contrarie toutes les idées qui ont cours par le monde. Jusqu'à présent j'avais toujours entendu parler de la rigueur excessive de l'Eglise en matière de doctrine, d'index, d'anathèmes, de liens de fer dans lesquels on comprime l'essor des esprits. Il paraît que tout cela est changé; quant à moi, je persiste à penser qu'aucun membre du clergé ne peut absolument rien enseigner de contraire aux principes, aux doctrines de l'Eglise, sans se séparer de celle-ci.

L'Eglise est juge souverain des doctrines, et elle condamne avec une extrême vigilance et à l'instant même toutes les erreurs de quelque nature qu'elles puissent être.

Les principes, la doctrine de l'Eglise, sont ceux sur lesquels est fondée la société européenne.

Il est ridicule de présenter ici, a dit M. le ministre de l'intérieur, l'opinion catholique comme martyre; c'est complètement absurde.

Non, messieurs, l'opinion catholique ne se pose pas ici comme martyre, mais elle a les appréhensions les plus vives sur l’enseignement religieux qui va être donné à la jeunesse au nom de l'Etat; elle craint que l'enseignement de la religion et de la morale ne soit pour beaucoup de personnes, dans cette enceinte et au dehors, qu'un moyen d'attirer les élèves dans vos établissements. (Interruption.)

Les paroles ne prouvent rien, parce qu'il résulte de la différence même du langage des défenseurs du projet de loi, que ces paroles ne partent pas de cœurs convaincus de l'importance des intérêts engagés.

Quant aux doctrines qui ont présidé à la rédaction de l'article 8, elles ont été définies et combattues par mes honorables amis MM. Dedecker, de Theux, Dechamps, de Mérode et de Liedekerke ; ces honorables membres n'ont pas été réfutés.

Comment le peuple juge-t-il des doctrines?

Par les actes, par les fruits qu'elles produisent.

Quel est le langage de la plupart des journaux, de la presse, de livrer qui paraissent chaque jour? Laisse-t-on jamais passer une occasion de discréditer le clergé, de le rendre ridicule, de le taxer d'obscurantisme, de tendances rétrogrades?

Si l'on montre quelque intérêt au clergé, c'est lorsqu'il s'agit, comme, par exemple, dans la question des desservants , de lutter avec l'épiscopat.

Ainsi, l'honorable M. Frère, hier, a voulu protéger certaines opinions catholiques contre d'autres; il oublie que nous sommes soumis à l'autorité absolue de l'Eglise en tous les points fondamentaux.

La grande majorité des Belges est catholique, sincèrement catholique; elle veut le rester, elle veut que ses enfants le soient.

Voilà ce qui émeut les populations. Elles ont compris que votre enseignement ne sera pas franchement catholique. Vos doctrines ne sont pas catholiques, parce que tous ceux qui ne se soumettent pas au pape, aux évêques, aux pratiques, aux sacrements de l'Eglise, se séparent eux-mêmes de la communion catholique, ne sont plus catholiques, parce que les catholiques ne peuvent vouloir d'une religiosité vague, d'un déisme qui admet, comme l'honorable M. Frère, que les principes religieux et moraux ne sont point le partage exclusif de tel dogme, de tel culte.

Toutes les conquêtes que vous ferez sur le clergé seront des conquêtes au détriment de la religion catholique.

C'est là ce qui alarme les populations, les pères de famille catholiques, et surtout les populations des Flandres si attachées au culte de nos pères.

Vous dites, dans l'exposé des motifs, que le clergé est le seul concurrent sérieux des écoles du gouvernement et des communes, et que la loi ne peut mettre celles-ci à la merci de leur concurrent.

Et après cela, vous osez soutenir qu'il n'y a rien de sérieux dans nos appréhensions, que vos intentions ont été calomniées !

Messieurs, depuis plusieurs années, on a fait beaucoup pour faire revivre les anciens souvenirs de notre histoire; on a érigé une statue au glorieux champion de la religion, à Godefroid de Bouillon, et l'on oublie que ce peuple flamand et brabançon a la plus grande partie de sa gloire empruntée à l'histoire de la religion.

Et vous proposez un projet de loi où, sous je ne sais quel scrupule constitutionnel qui n'a arrêté aucun de vos prédécesseurs depuis 20 ans, qui ne vous a pas arrêtés vous-mêmes, vous ne déclarez pas l'enseignement de la religion et de la morale obligatoire!

Vous annoncez que la loi sur l'instruction primaire sera réformée sur les mêmes principes.

C'est vous, libéraux, qui avez affiché en tant de circonstances de l'hostilité contre le clergé, qui voulez ainsi former la jeunesse à votre image !

Nous entrons dans une ère nouvelle. Celui que tous les fidèles, tous les hommes sérieux proclament comme la clef de voûte de l'ordre social ébranlé, vient d'être replacé sur son trône par l'effort des quatre nations catholiques les plus puissantes de l'univers, aux acclamations du monde entier. Tous les hommes sérieux tournent leurs regards vers la foi, vers l'autorité religieuse, et vous refusez de faire une place obligatoire à l’enseignement de la religion dans la loi !

El les catholiques ne seraient pas émus.

Vous protestez aujourd'hui de vos bonnes intentions envers la religion, que vous ne connaissez pas, toutes vos paroles le prouvent. Mais les catholiques ne s'y sont point mépris : si vous n'écrivez pas autre chose dans la loi que ce qui est dans le projet, votre enseignement sera anticatholique, et vous voulez nous obliger à donner notre assentiment à un semblable projet de loi, à coopérer par nos subsides à son exécution. Vous vous étonnez que les consciences soient émues lorsqu'il s'agit de la foi !

Je vous adjure, vous tous représentants d'une nation véritablement catholique, de peser la gravité du vote que vous allez émettre.

Prenons garde que bientôt l'on nous condamne, comme déjà ont été condamnés Joseph II et Guillaume Ier.

(page 1320) M. Devaux. - Messieurs, je demande la parole pour donner une explication personnelle. Je ne serai pas long.

J'ai été accusé, et l'honorable M. de T'Serclaes vient de répéter ce reproche, d'avoir fait tort à l'université catholique, en disant qu'il n'existait pas de cours d'enseignement religieux dans cette université.

Messieurs, vous vous rappelez que j'ai soutenu que l'enseignement moyen n'avait pas une influence telle sur la jeunesse, qu'il déterminât à toujours ses principes et ses opinions.

J'ai dit que si ces principes, ces opinions pouvaient définitivement se former autre part que dans le monde, ce ne serait pas dans l'enseignement moyen, mais dans l'enseignement supérieur. J'ai ajouté qu'il était assez étrange que l'instruction supérieure fût, au contraire, la seule pour laquelle on ne réclamât pas d'enseignement religieux, et qu'à l'université de Louvain même il n'existe pas, à proprement parler, d'enseignement religieux pour les élèves des diverses facultés.

L'honorable M. de T'Serclaes m'interrompit alors en disant qu'à Louvain on faisait aller les jeunes gens à la messe ; j'ai répondu qu'il n'en était pas moins vrai qu'on pût passer trois ou quatre ans à l'université de Louvain sans entendre parler d'enseignement religieux. On me répond aujourd'hui qu'il existe un enseignement religieux à l'université de Louvain. Il faut s'entendre; oui, il existe un cours de religion dans la faculté de philosophie; la faculté de philosophie possède aussi un cours où l'on parle de Dieu et de religion ; mais il n'y a pas à l'université de Louvain, pas plus que dans les autres universités, d'enseignement religieux parallèle au reste de l'instruction...

M. de Man d'Attenrode. - C'est une erreur : lisez l'article 14 du règlement général de l'université de Louvain.

M. Devaux. - Voulez-vous me permettre d'aller jusqu'au bout, et vous serez convaincu de l'exactitude de ce que j'avance.

Je dis qu'il n'existe pas d'enseignement religieux parallèle au reste de l'instruction, c'est-à-dire que ni pour les élèves en droit, ni pour les élèves en médecine, il ne se fait un cours d'enseignement religieux. Il y a un cours qu'on appelle des vérités fondamentales de la religion dans la faculté de philosophie , et qui se donne une fois par semaine, le mercredi à neuf heures du matin ; on dit que tous les élèves, même ceux en droit et en médecine, y assistent régulièrement ; c'est une erreur; cela n'est pas possible : en effet, le mercredi, à 9 heures du matin, les élèves en droit sont retenus, les uns au cours de droit public, les autres au cours d'introduction au droit civil; à la même heure, les élèves en médecine sont retenus, les uns au cours de dissection, les autres au cours de clinique. Donc le cours d'enseignement religieux n'existe véritablement que pour les élèves en philosophie. Cela résulte du programme des cours de l'université de Louvain, tel qu'il est publié par le Moniteur.

On m'objecte aussi qu'il existe à Louvain, à certaines époques de l'année, des conférences religieuses. Ces conférences, je les ignore; j'ai souvent entretenu des élèves de l'université de Louvain, et ils ne m'en ont jamais parlé; elles sont même ignorées d'honorables membres de cette chambre, amis politiques de l'honorable M. de T'Serclaes, et que je dois croire très bien informés de ce qui se passe à l'université de Louvain.

J'ignore quelle est la portée de ces conférences, quels sont les jeunes gens astreints à les fréquenter, où elles se donnent. Il est possible qu'elles existent, mais ce que je sais bien, c'est que le programme des cours de l'université de Louvain, tel qu'il paraît chaque année dans le Moniteur, n'en dit rien. Il serait assez singulier qu'il eût passé sous silence une partie importante de l'enseignement religieux et qu'on pût lui reprocher une lacune du genre de celle qu'on reproche si amèrement au projet de loi du gouvernement.

M. Jullien. - Messieurs, la section centrale paraît avoir poussé jusqu'au fanatisme son respect pour la formule de l'article 8 du projet ; elle considère cette formule comme sacramentelle. Aussi a-t-elle pris à tâche de ne pas souffrir qu'on y introduise la plus légère modification; elle n'a pas même voulu tenir compte du désir manifesté par deux membres du cabinet de voir proposer un changement qui pût rallier toutes les opinions.

Que disait, en effet, M. le ministre de l'intérieur dans une séance antérieure? Mais il nous tenait ce langage : « Nous désirerions que la religion fût dans le programme, et si on peut l'y introduire sans blesser aucun principe constitutionnel de la loi, nous y consentons bien volontiers! il s'agit seulement de s'entendre sur les conséquences de cette inscription. »

Que nous disait de son côté l'honorable ministre des travaux publics? « Qu'il fallait donner une satisfaction morale aux pères de famille en posant l'enseignement religieux en tête du programme, la base de tout enseignement. »

Ainsi donc le cabinet annonçait le désir sincère d'accepter une formule qui n'altérerait en rien les principes constitutifs du projet de loi.

Eh bien, la section centrale n'a pas eu le moindre égard à ces intentions du gouvernement, elle a proscrit toute espèce d'amendement et notamment le mien, bien qu'il répondît à la pensée du projet de loi lui-même.

Pourquoi, messieurs, a-t-on repoussé mon amendement? Est-ce parce qu'il porterait atteinte à l'économie de la loi ? En aucune manière, car la section centrale reconnaît elle-même qu'au fond il est identique à la disposition du projet de loi.

Savez-vous pourquoi on l'a rejeté? Mais parce que, selon la section centrale, il reproduit en termes impératifs le principe de l'enseignement religieux. On se fonde en outre sur ce que le projet de loi va au moins aussi loin que mon amendement.

Messieurs, c'est réellement à ne pas y croire. Comment peut-on soutenir que ce projet de loi va aussi loin que mon amendement, alors que le texte de l'article 8 est rédigé de manière à éluder la consécration du principe de l'instruction religieuse, tandis que le premier paragraphe de mon amendement consacre positivement le principe de cet enseignement.

Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics nous le disait avec vérité : il faut écrire dans une loi ce que chacun de nous a dans sa conscience. Pourquoi donc ne pas poser d'une manière claire et nette le principe de l'enseignement religieux, en tête de l'article 8? Pour moi, je demande l'inscription de ce principe dans la loi, dans l'intérêt de la loi elle-même. Je la demande, pour fermer la bouche à certains détracteurs de la loi. Ne vous rappelez-vous pas que l'honorable M. Dechamps, dans une séance précédente, invoquait la contexture de l'article 8, précisément pour attaquer les intentions du gouvernement :

« Vous prévoyez, disait M. Dechamps, que le gouvernement ou le clergé manquera à ses devoirs; cela ne devrait jamais être supposé; et dans cette prévision vous voulez manquer aux vôtres. Vous ne voulez pas inscrire le principe de l'enseignement religieux d'une manière franche et formelle, parce que vous n'avez pas de confiance dans le clergé, vous voulez l'ambiguïté, » et l'honorable M. Dechamps, dans la nouvelle édition qu'il nous donnait hier de son premier discours, ajoutait que l'article 8 n'offrait que des garanties équivoques que des garanties ambiguës.

Eh bien, il faut répondre à l'honorable M. Dechamps par une inscription franche et complète du principe de l'enseignement religieux dans le programme des études.

La section centrale a vu un mauvais côté dans mon amendement, ou plutôt, pour me servir de son expression, un désavantage, en ce qu'il prévoit le refus de concours des ministres des cultes.

Messieurs, mon amendement ne règle absolument rien pour le cas de refus de concours du clergé. En effet, il se borne à déclarer que l'enseignement religieux sera obligatoire quand les ministres du culte prêteront leur concours, mais il ne renferme aucune prescription pour le cas où ce concours ferait défaut ; par cela même qu'il est muet sur ce point, il laisse au gouvernement la faculté d'aviser, sous sa responsabilité, aux mesures propres à remplacer le concours des ministres des cultes, si ceux-ci ne répondaient pas à l'appel qui leur serait adressé. Vous voyez donc qu'en réalité, mon amendement ne règle rien pour le cas de refus de concours.

Tout à l'heure l'honorable M. Lelièvre a déposé un amendement dans lequel il propose de formuler le premier paragraphe de l'article 8 de la manière suivante : « L'enseignement moyen comprend l'enseignement religieux. »

Je crois devoir vous signaler la différence importante qui peut exister entre l'amendement de M. Lelièvre et le mien. Si vous inscrivez dans l'article 8 d'une manière pure et simple et absolue que l'enseignement moyen comprend l’enseignement religieux, le gouvernement ne serait-il pas ainsi soumis à l'obligation de faire donner dans tous les cas l'enseignement religieux alors même qu'il y aurait refus de concours de la part du clergé?

(page 1321) Ne prendrait-il pas l’engagement de faire donner cet enseignement, à l'instar de l'enseignement obligatoire de toutes les autres matières comprises dans le programme scientifique de l'école? Remarquez, messieurs, que mon amendement n'a pas cette portée, puisque, comme j'ai eu l'honneur de vous le faire observer lorsque je l'ai développé, il laisse au gouvernement la faculté, que du reste celui-ci revendique, de pouvoir suspendre, dans l'établissement même, l’enseignement religieux, pour le cas où il y aurait refus de concours.

Je pense donc qu'à ce point de vue mon amendement est préférable à celui de l'honorable M. Lelièvre, qui, au premier aperçu, pourrait paraître le plus simple, le plus acceptable.

Je crois devoir le maintenir (je l'ai déjà dit) dans l'intérêt de la loi elle-même. Je persiste à soutenir qu'il faut inscrire dans le programme des études le principe de l'enseignement religieux, afin d'imprimer à la loi elle-même un caractère de sincérité devant laquelle les adversaires de la loi soient forcés de s'incliner.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question de l'enseignement religieux, dans les établissements soumis au régime de la loi a, vous le savez, préoccupé très vivement le gouvernement. Nous avons examiné, mes collègues et moi, avec la plus grande sincérité, avec une entière bonne foi, avec un esprit impartial, dégagé de toute prévention, quelle était la formule qui pouvait le mieux répondre à toutes les exigences.

Après avoir essayé de beaucoup de formules, comme la plupart d'entre vous l'ont fait, j'en suis convaincu, nous avons été amenés à reconnaître unanimement, car nous sommes tous identiquement du même avis sur ce point, comme sur tous les autres, que la formule consignée dans l'article 8 du projet est la seule qui fût complètement satisfaisante. Elle donne aux pères de famille la garantie que tous les efforts seront tentés pour obtenir un enseignement religieux, donné par les personnes plus particulièrement aptes, pour quelques-uns mêmes les seules aptes à donner un pareil enseignement. C'est ce que nous voulons.

Cette formule donne au clergé ou, pour parler plus constitutionnellement, aux ministres de tous les cultes, toute garantie d'une complète indépendance, d'une absolue liberté. Or, c'est celle-là surtout que nous devons donner aux ministres des cultes. Ni le gouvernement, ni le législateur ne peuvent, en Belgique, élever la prétention d'exercer la moindre contrainte à l'égard des ministres des cultes. Nous disons donc :

« Les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller l'enseignement religieux. »

C'est exprimer, par conséquent, qu'il y aura un enseignement religieux. Il faudrait y mettre beaucoup de mauvaise volonté pour soutenir, en face de ce texte, qu'on ne veut pas d'enseignement religieux.

C'est déclarer qu'il y aura un enseignement religieux, et en même temps qu'il sera donné, autant que possible, si le concours est obtenu, par les ministres des cultes. C'est ce que la formule explique d'une manière très claire, très évidente.

Les ministres des cultes ne trouveront-ils dans la formule, telle qu'elle est exprimée dans l'article 8, que des garanties insuffisantes? En ont-ils plus dans la loi sur l'instruction primaire ? Je soutiens que non.

Il y a dans la loi sur l'instruction primaire un certain nombre de dispositions qui nomment les ministres des cultes, qui indiquent une inspection de l'enseignement religieux, qui règlent certains points relativement aux livres. Cela est parfaitement vrai, mais que sont toutes ces énonciations de la loi sur l'instruction primaire? Des énonciations tout à fait stériles, des droits sans sanction, il n'y a pas de sanction, il y en avait une dans le système primitif du projet de loi sur l'instruction primaire. Mais il a fallu la rétracter, l'abandonner.

Cette sanction, c'était la déclaration que l'école serait fermée, si les ministres des cultes ne donnaient pas leur concours. C'est ainsi que la loi avait été primitivement conçue, c'est ainsi qu'elle avait été apportée à la chambre, c'est ainsi qu'elle avait été défendue d'abord par le gouvernement. Mais, sur les explications qui ont été provoquées dans la chambre, par les membres de l'opposition, il a fallu abandonner ce système, et déclarer que l'école subsisterait sans le concours du clergé. De cette manière, tout ce qui avait été inscrit dans la loi est devenu complètement insignifiant ; car la seule sanction du projet de loi, c'était la fermeture de l'école.

Ainsi qu'est-il resté au clergé? Le droit d'abstention. Que lui reste-t-il dans le système du projet de loi sur l'enseignement mo\en, en présence de l'article 8? Exactement la même chose, le droit d'abstention. Il est libre d'examiner si les établissements dont on lui ouvre les portes remplissent toutes les conditions désirables. S'il pense que l'établissement ne renferme pas, à son point de vue, les conditions qu'il est en droit d'exiger, il s'abstiendra. C'est son droit.

Ce sera le devoir du gouvernement, si les critiques adressées par les ministres des cultes ont le moindre fondement, d'accueillir avec bienveillance des observations legitimes; il y fera droit, s'il reconnaît qu'elles sont justifiées.

Je soutiens donc que l'article 8 du projet donne à tout le monde, à toutes les opinions, à tous les scrupules des satisfactions complètes.

Je pourrais invoquer, pour prouver que l'article 8 répond à toutes les susceptibilités dignes d'être écoutées, l'impuissance où les honorables adversaires du projet de loi se sont trouves de présenter une autre formule satisfaisante. Il n'y en a pas parmi celles qui sont soumises actuellement à vos délibérations.

Je vais, pour le prouver, m'expliquer sur les amendements.

L'amendement de l'honorable M. Jullien est conforme à celui proposé par les honorables MM. de Liedekerke et Dumortier, quant au premier paragraphe. Ils sont la reproduction l'un de l'autre. L'honorable M. Jullien maintient le dernier paragraphe de son amendement portant : « lequel néanmoins ne sera obligatoire que pour autant que leur concours soit accordé. » Les honorables MM. de Liedekerke et Dumortier suppriment ce dernier paragraphe, preuve qu'ils n'attachent à ce point aucune importance ; et, en effet, il n'y a pas lieu de s'y arrêter. MM. de Liedekerke et Dumortier ajoutent un mot, un seul mot, à la rédaction proposée par le gouvernement. Ils s'expriment ainsi : « Les ministres des cultes seront appelés à donner, à surveiller et à inspecter cet enseignement. »

- Un membre. - L'amendement porte : « sont appelés ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - « Sont appelés »? Je n'ai pas le texte sous les yeux; je cite d'après la lecture qui a été faite de l'amendement. Est-ce avec une intention qui n'est pas expliquée, que l'on a substitué le mot « sont » au mot « seront »?

M. Dumortier. - Non, c'est sans intention; mais nous croyons que c'est plus explicite.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est qu'une substitution de mots dans la pensée des auteurs de l'amendement. Mais il est évident que le mot « seront » doit être maintenu.

Messieurs, je répète que la justification de la formule proposée par le gouvernement, c'est l'impuissance où l'on est d'en présenter une qui soit plus satisfaisante.

Je viens d'énoncer tout à l'heure ce qu'il y a dans les divers amendements. Le premier paragraphe de l'amendement de MM. Dumortier et de Liedekerke n'est certainement une garantie pour personne. Ce n'est pas parce qu'on dit : L'enseignement religieux fait partie du programme des études, qu'on a donné une garantie quelconque; et d'ailleurs, l'article 8 présente absolument la même idée. Et pour ma part, je ne critique cette rédaction des amendements qu'au point de vue que je nommerais volontiers de correction.

Je ne comprendrais pas qu'un législateur, écrivant non seulement l'article 8, mais écrivant dans la même loi le programme des études, déclarât dans l'article 8 que l'enseignement religieux fait partie du programme; qu'on l'inscrive au programme, et tout sera dit. Il n'est pas le moins du monde nécessaire que le législateur déclare que l'enseignement religieux sera inséré au programme, puisqu'il fait le programme et qu'il peut y insérer tout ce qu'il croit utile. Sous la réserve des explications données plusieurs fois dans la discussion générale, on inscrirait l'enseignement religieux au programme que, pour ma part, je n'y ferais pas la moindre difficulté.

L'honorable M. Jullien a fait une objection; il a dit : J'inscris l'enseignement religieux dans le premier paragraphe de l'article 8, parce que si je l'inscrivais au programme, le programme, en vertu de l'article 27, pouvant être modifié par le gouvernement, il en résulterait que l'article relatif à l'enseignement religieux pourrait également être modifié par le gouvernement. Mais cette objection s'applique au premier paragraphe de l'article 8.

Car si l'enseignement religieux fait partie du programme, et si le gouvernement a, par la loi, le pouvoir de modifier le programme, il aura le droit de modifier l'enseignement religieux qui fait partie du programme d'après l'article 8, comme s'il était inscrit au programme, objet de l'article 23.

Sous ce rapport donc, je crois qu'il vaudrait mieux énoncer l'enseignement religieux au programme , que d'adopter la rédaction de MM. Jullien, de Liedekerke et Dumortier. Mais si l'on veut donner des satisfactions, calmer des scrupules que rien ne justifie, il serait plus simple encore de dire avec l'honorable M. Lelièvre : l'enseignement moyen comprend l'enseignement religieux. C'est toujours l'expression de la même pensée que ce qui se trouve à l'article 8. Mais enfin, pour éviter tout débat, écrivez : l'instruction moyenne comprend l'enseignement religieux; je n'y vois pas, je le répète, de difficulté. Si cela doit donner satisfaction à une partie de l'assemblée, si cela doit faire disparaître d'injustes préventions, nous admettrons les mots proposés pour exprimer notre pensée.

Maintenant les ministres des cultes seront invités à donner, à surveiller et à inspecter cet enseignement. Si le clergé donne l'enseignement, il fera plus que de le surveiller. C'est donc pour le cas où il ne donnerait pas cet enseignement, qu'il le surveillerait ou l'inspecterait. Il faut dès lors dire : « donner ou surveiller », et non « donner et surveiller ». C'est ce que porte l'article 8. Maintenant surveiller et inspecter, c'est la même chose. (Interruption.) Ne faisons pas de pléonasme, ou si l'on veut beaucoup de mots pour exprimer la même idée, dites que le clergé sera invité à donner, à examiner, à contrôler, à surveiller, à inspecter... à la bonne heure. Mais comme tous ces mots présenteront ici absolument le même sens, un seul mot aura la même force que dix ; il en est de même des mots « appelés » ou « invités ». Que l'on prenne l'un ou l'autre; le nôtre vaut mieux; « surveiller » ou « inspecter »; encore une fois que l'on prenne l'un ou l'autre; ce sera exactement la même idée qui aura été reproduite. C'est ce que prouve manifestement la discussion.

Il résulte clairement, je pense, de ce que je viens d'énoncer que l'on peut se rallier à l'amendement de M. Lelièvre qui présente dans son premier paragraphe une autre expression de la pensée du gouvernement.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier (contre la clôture). - Je suis un des auteurs de (page 1322) l’amendement sur lequel porte surtout la discussion. J'espère que la chambre ne voudra pas clore sans me permettre de dire quelques mots.

M. Dedecker. - Je crois qu'il est impossible de clore en ce moment la discussion sur l'article 8.

L'honorable ministre des finances croit avoir trouvé la solution de toutes les difficultés; il suppose s'être expliqué de manière à obtenir l'assentiment de tous.

Je dois déclarer que, pour moi, les explications de M. le ministre n'ont rien expliqué. La question reste absolument dans les mêmes termes. Je tiens à prouver que, sinon d'intention, au moins de fait, les propositions du gouvernement sont inconstitutionnelles.

M. Jullien. - Messieurs, je déclare que je pourrais me rallier à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, si cet honorable membre l'explique en ce sens que le gouvernement conservera la faculté de ne pas donner l'enseignement religieux dans ses établissements lorsqu'il y aura refus de concours de la part des ministres du culte.

M. Lelièvre. - Messieurs, cela appartient à l'exécution. Je n'ai pas à m'occuper de l'exécution; du reste mon amendement est clair et positif et je m'y réfère.

M. Deliége. - Messieurs, je suis autorisé à déclarer que la majorité de la section centrale se rallie à l'amendement de M. Lelièvre dans le sens des explications données par M. Jullien.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le ministère s'est expliqué sur la portée de l'amendement de M. Lelièvre. Je m'en suis expliqué dans mon premier discours, dans mon deuxième discours et, je pense, dans mon troisième et dans mon quatrième discours. Mes honorables amis le ministre des travaux publics, et encore tout à l'heure le ministre des finances, s'en sont expliqués de la même manière que moi. Nous avons dit que nous désirerions voir l'enseignement religieux figurer, si c'était possible, dans tous les articles de la loi, que le seul scrupule qui nous arrêtait c'était la conséquence de cette inscription, que s'il était entendu que la seule inscription de l'enseignement religieux dans le programme n'entraînait pas pour le gouvernement l'obligation absolue et de le donner, nous l'accepterions avec grand plaisir.

Si nous avons hésité, c'est par respect pour la liberté constitutionnelle parce que nous ne voulions pas que le gouvernement fût tenu dans tous les cas, contre le gré même des pères de famille, contre le clergé lui-même, fût tenu de donner l'enseignement religieux. Voilà pourquoi nous ne l'avons pas inscrit au programme.

Maintenant voici comment l'article 8 sera exécuté : Nous l'avons dit vingt fois, le gouvernement invitera le clergé, appellera le clergé, attendu qu'il n'a pas d'ordres à lui donner, il appellera le clergé à donner l'enseignement religieux; il assurera au clergé les moyens de donner cet enseignement d'une manière honorable et efficace et il y joindra nécessairement des subsides pour le payer de ses soins.

Supposons maintenant que le clergé refuse son concours; qu'arrivera-t-il? Le gouvernement avisera. Voilà, messieurs, dans quelle réserve je dois me renfermer.

Si le clergé accepte l'invitation du gouvernement, il va de soi que l'objet pour lequel il sera invité fait partie essentielle de l'enseignement...

- Plusieurs membres. - Obligatoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il devient obligatoire pour l'établissement (Interruption.) Arrêtons-nous, messieurs, aux grands principes. Les explications que je donne doivent être suffisantes ; je vous prie de bien en apprécier la portée, de l'examiner de sang-froid, et je ne pense pas que les plus exigeants d'entre vous puissent aller au-delà de l'article 8 tel qu'il est rédigé maintenant.

M. de Theux. - Messieurs, je comprends très bien ce que les explications de M. le ministre peuvent avoir de bon en elles-mêmes; mais il reste une grande difficulté qui a été signalée dans sa discussion générale, qui a été signalée par tous mes honorables amis, c'est que tout ce qu'ont dit le cabinet, l'honorable M. Julien et l'honorable M. Deliége, n'empêche pas qu'il demeurera facultatif de faire donner l'enseignement religieux par des laïques. Or c'est ce que nous ne voulons point consacrer par la loi, et pour ce motif nous nous rallierons à l'amendement de l'honorable M. de Liedekerke.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il ne faut pas demander des choses contradictoires. Vous voulez que l'enseignement religieux soit obligatoire dans les établissements et vous voulez qu'il soit obligatoirement donné par le clergé. Voilà les deux choses que vous réclamez en même temps. Eh bien, messieurs, pour nous, nous ne connaissons pas de moyen d'exécuter votre volonté; vous ne nous avez pas indiqué jusqu'à présent comment nous pourrions contraindre le clergé à donner l'enseignement religieux dans les établissements. Vous ne nous avez pas offert ce moyen et vous ne sauriez pas le trouver.

Si vous inscrivez l'enseignement religieux dans le programme, il sera obligatoire, c'est-à-dire que gouvernement devra le faire donner, et comme dans la pensée de nos adversaires le gouvernement ne pourra le faire donner que par le clergé, ce qui serait impossible si celui-ci refusait son concours, il est clair que les deux termes de la prétention que je combats sont absolument inconciliables.

Ils ajoutent, à la vérité : Mais si le clergé ne vient point, vous ferez donner l'enseignement religieux à l'église. Or, il n'y a pas d'enseignement religieux à l'église.... (Interruption.) Cela est positif. Est-ce qu'il y a un enseignement religieux spécial pour les adultes, à l'église ? Après la première communion il n'y a plus d'enseignement religieux. Est-ce que nous avons davantage le moyen de contraindre les ministres des cultes a donner à l'église cet enseignement qu'ils ne voudraient pas donner dans nos établissements? (Interruption.) Voyons où nous arrivons. Vous voudriez une déclaration dans la loi, que dans le cas de refus du concours du clergé, je suppose, les élèves seront conduits à l'église pour y recevoir cet enseignement que l'on ne donne pas. (Interruption.)

Mais enfin, messieurs, faisons des choses sérieuses; il est évident qu'on ne donne pas cet enseignement spécial que vous voulez qu'on aille chercher à l'église. Vous n'avez pas plus le moyen de l'obtenir à l'église que dans l'établissement. Il faut le concours volontaire du clergé dans tous les cas; il faut qu'il y ait concert. Ce concert vous ne pouvez pas l'écrire dans la loi ; je ne pense pas qu'aucun d'entre vous soit muni des pouvoirs de l'épiscopat pour stipuler les conditions auxquelles le concours du clergé sera accordé. Dans un pays voisin, des hommes aussi bien placés que vous l'ont vainement essayé. N'avez-vous pas vu l'honorable évêque de Langres et M. de Montalembert que l'on pouvait croire investis de toute la confiance du clergé, ne les avez-vous pas vus stipuler en son nom et être désavoués? (Interruption.)

Soixante-deux évêques n'ont pas admis la loi. Vous ne vous croyez pas, sans doute, autorisés à garantir le concours du clergé sans concert préalable.

Si on ne réussit pas à obtenir le concours du clergé, eh bien, selon le vœu des pères de famille, selon les besoins des localités, selon les habitudes locales, cet enseignement sera donne autant qu'on pourra le faire en pareille circonstance. S'il est donné dans l'établissement par des laïques, que pourra-t-il être? Est-ce que des laïques pourront entrer dans les développements sur le dogme? Evidemment non? Que verrons-nous donc? Nous verrons ce qui se passe dans les mêmes établissements que nous allons régir, ce qui se passe à Mons, à Tournay, à Gand. (Interruption). Allez-vous condamner tout cela?

Allez-vous déclarer que ce qui s'est passé depuis vingt ans, par la volonté des pères de famille, est coupable au premier chef? On a fait, on fera ce qu'il est humainement possible de faire, on enseignera le catéchisme aux petits enfants dans les classes inférieures; on leur fera lire les livres approuvés par les chefs des cultes. Trouvez-vous là quelque chose à critiquer?

Voilà les intentions du gouvernement, elles ont été cent fois expliquées; nous les redirions cent fois de nouveau que nous ne réussirions pas à changer une conviction sur l'objet en discussion.

M. Dedecker. - Messieurs, je suis tout à fait de l'avis qui vient d'être exprimé par M. le ministre des finances; on aura beau discuter des jours et des jours, on se trouvera toujours séparés par la même distance que le premier jour ; et pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas seulement de telle ou telle formule, il s'agit de savoir quels sont les principes, qui ont présidé à la rédaction de l'article 8, quels seront par conséquent les principes qui dirigeront l'exécution de cet article sur ces principes, je ne conçois pas de transaction. (Interruption.)

Y a-t-il un principe constitutionnel qui proclame la liberté des cultes? (Oui!) Est-ce un principe essentiel au culte catholique que l'enseignement doctrinal ne peut se faire que par ceux qui ont mission de la donner? (Oui!) Devez-vous respecter ce principe de la Constitution? Oui, me répond-on encore ; eh bien, je vous le demande : Respectez-vous ce principe de la liberté des cultes, lorsque vous dites que, dans tel ou tel cas donné, cet enseignement pourra être donné par des laïques n'ayant aucune mission pour cela ?

Ces principes, vous avez peur de les reconnaître, toujours à cause des conséquences que l'on pourrait y attacher.

Pour moi, je crois l'avoir prouvé dans la discussion générale, et je regrette de ne pouvoir encore m'étendre là-dessus aujourd'hui, je crois qu'on peut pousser ces principes jusque dans leurs dernières conséquences, sans sacrifier soit l'autorité, soit la dignité de l'Etat ou de l'église.

L'enseignement religieux une fois déclaré obligatoire, il ne peut plus être suspendu par le fait de l'une ou de l'autre des deux autorités. Il le serait par le fait de l'Etat, si, dans quelque cas que ce fût, il pouvait le faire donner par des laïques sans le clergé, contre le clergé même. Il le serait par le fait du clergé, si, par le refus de son concours, il pouvait le suspendre complètement.

Cette dernière conséquence n'est pas à redouter, parce que, si les deux autorités ne s'entendenl pas, les élèves iront à l'église chercher l'enseignement religieux qu'on ne peut point forcer le clergé à donner dans l'établissement même.

Mais on dit qu'il n'y a pas pour les élèves un enseignement religieux spécial à l'église; c'est vrai; mais vous avez deux catégories d'élèves dans les établissements; pour les tout jeunes gens, vous aurez le catéchisme de la paroisse; et je trouve que le catéchisme peut être donné aussi bien dans l'église par un membre du clergé que par un laïque dans l'établissement ; et au moins vous restez parfaitement conséquents avec le principe constitutionnel. Pour les élèves des classes supérieures, vous aurez le prône de la paroisse.

Il faut espérer que cela sera l'exception. Pour être efficace, il convient, avant tout, que l'enseignement religieux se donne dans l'établissement; nous sommes d'accord. Ainsi ce qui nous divise, ce sont des principes constitutionnels : Vous ne voulez pas appliquer sérieusement les principes de la liberté des cultes et la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Cela est évident. Je voterai toutes vos formules, si vous voulez reconnaître que les principes que je mets en avant sont les seuls vrais, les seuls constitutionnels. (Interruption.)

(page 1325) Puisque M. le ministre des travaux publics m'interpelle, je me permettrai de lui demander si, à son avis, dans quelque cas que ce soit, un laïque peut donner l'enseignement doctrinal sans mission et sans surveillance de l'autorité religieuse.

M. Dumortier. - Messieurs, quand le gouvernement vient faire un pas vers nous, en déclarant par l'organe de M. le ministre des finances que si nous voulions inscrire l'inspection religieuse dans la loi, il ne s'y opposerait pas, je crois que nous devons lui en savoir gré. Pour mon compte, je déclare que je suis, autant que faire se peut, satisfait des propositions d'accommodement qui se font en ce moment. Je ne dis pas que c'est là tout ce que je pourrais désirer; c'est autre chose; mais, pour mon compte, je déclare que ces propositions me satisfont puisqu'elles sont l'acceptation du point principal de notre amendement. J'irai même plus loin : je dirai avec sincérité qu'aucun des projets qui ont été présentés jusqu'ici ne m'a paru offrir des garanties aussi grandes que celles qui nous sont proposées.

Il y a ici deux questions : d'abord la question du programme, puis celle des garanties à donner au clergé pour le concours qu'on lui demande. Or, que voulons-nous? Nous voulons que l'enseignement religieux soit inscrit dans le programme; eh bien, l'enseignement religieux sera inscrit dans le programme.

Le projet de loi qui avait été présenté par l'honorable M. de Theux lui-même accordait-il au clergé le droit d'inspection? Non, elle ne le lui accordait pas; le gouvernement s'y rallie aujourd'hui; il faut lui savoir gré, grand gré de la concession qu'il fait. (Interruption.)

Il faut être sincère; je ne fais pas ici de question de parti, je me place au point de vue de l'intérêt du pays tout entier; je tiens d'autant plus à ce que nous puissions avoir dans la loi de bonnes garanties religieuses, que j'apprends à l'instant même une nouvelle très frappante : c'est que l'homme qui a le plus écrit contre le clergé vient d'être élu à Paris. Eh bien, c'est précisément contre de pareilles éventualités qu'il faut prévenir le peuple, en lui assurant le bienfait d'une bonne instruction religieuse.

Eh bien, le gouvernement a fait un pas vers nous dans cette voie, et il faut lui en savoir gré.

Voyons l'application des deux points que renferme la discussion. Le premier point, c'est celui de savoir si l'enseignement religieux fera partie ou non du programme; il en fera partie. Mais voici l'objection : les laïques peuvent-ils donner l'enseignement doctrinal? Non, ils ne peuvent pas donner l'enseignement doctrinal; cela est impossible, la doctrine religieuse est du ressort, exclusivement du ressort du clergé. Mais à côté de cet enseignement de la doctrine, vient se placer l'enseignement textuel du catéchisme. Si le clergé ne va pas dans les établissements du gouvernement, il est évident que dans l'intérêt de la jeunesse on doit demander l'enseignement du catéchisme. Pour mon compte, j'aime mieux voir enseigner le catéchisme que de voir par l'abstention du clergé l'enseignement religieux suspendu dans les collèges de l'Etat. Je voudrais que, dans tous les établissements d'instruction, on donnât au moins l'enseignement du catéchisme.

Il m'est pénible de voir que la plus grande partie des enfants en Belgique ne reçoivent pas même l'enseignement du catéchisme. C'est le moins qu'on puisse faire. Remarquez, comme le disait tout à l'heure l'honorable ministre des finances, c'est ce qu'on enseigne dans les athénées de Gand, de Tournay et de Mons, et il n'est jamais venu à ma connaissance qu'on se soit plaint de ce qu'on enseignait le catéchisme dans ces établissements. Il y aurait eu plus de motifs de se plaindre si on ne l'eût pas enseigné.

Quant à la doctrine religieuse, encore une fois, les laïques ne peuvent pas l'enseigner si le clergé ne donne pas son concours pour l'enseignement religieux dans l'intérieur de l'établissement. Le gouvernement devra faire suivre aux élèves les exercices religieux le dimanche, de manière que les élèves, en assistant à la messe, entendent le prône, comme cela se pratique pour toutes les religions, pour les juifs comme pour les protestants.

Voilà comment il remplira le vœu de la loi dans la question du programme, et je ne pense pas qu'on puisse demander autre chose si le clergé ne se mettait pas d'accord avec le gouvernement pour donner l'enseignement religieux dans ses établissements.

J'arrive au deuxième point, aux garanties; pour que le clergé prenne une part quelconque à l'enseignement donné dans les établissements de l'Etat, il faut qu'il ait des garanties pour couvrir sa responsabilité vis-à-vis des pères de famille, il faut qu'il ait dans l'établissement une position convenable, il faut qu'il soit sûr que l'enseignement religieux ne sera pas contrarié par des autorités subalternes, par le bureau d'administration, etc.; qu'il ne soit pas détruit par l'instruction des professeurs qui, en enseignant l'histoire ou autrement, peuvent très bien dénaturer les faits religieux. Par quel moyen a-t-on donne sous ce rapport satisfaction au clergé en matière d'instruction primaire? Par l'inspection. C'est là le but de l'amendement que nous avons présenté, mon honorable ami, M. de Liedekerke et moi. Le gouvernement l'accorde. Acceptons cette concession. Je désirerais que le gouvernement acceptât la formule de notre premier paragraphe qui me paraît préférable, ou celle qui a été présentée par M. Jullien, c'est à peu près la même chose; je désirerais que le gouvernement fîit encore cette petite concession. Mais je n'insiste pas dans les circonstances actuelles, je trouve l'amendement acceptable avec l'adjonction de l'inspection à laquelle le gouvernement vient de se rallier.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Le gouvernement voit avec bonheur et reconnaissance des hommes dont les sentiments religieux ne peuvent être suspects à personne, qui se sont toujours signalés par leur ardeur à défendre les principes de la liberté, rendre enfin justice aux intentions conciliatrices du gouvernement. Mais cette satisfaction n'est pas la seule que le gouvernement ambitionne ; et pour mon compte, j'espère qu'une explication donnée avec franchise, et écoutée avec bienveillance, nous ralliera même l'honorable M. Dedecker.

Quel est, au nom du ciel! le point qui nous divise?

Voudriez-vous qu'on insérât dans la loi que l'enseignement religieux sera obligatoire, et qu'il sera obligatoirement donné par le clergé? M. le ministre des finances vous a démontré l'impossibilité de poser ce principe dans la loi, sans qu'à l'instant même on y soit infidèle. Vous faites un signe de dénégation. Mais la preuve de ce que je dis se trouve dans tous les projets de lois qui ont été formulés jusqu'à ce jour. Après que vous aurez déclaré que l'enseignement religieux sera obligatoire et qu'il sera obligatoirement donné par le clergé, que ferez-vous si le clergé refuse son concours? Vous déclarerez que l'enseignement religieux est suspendu ; mais que devient dès lors votre enseignement religieux obligatoire? Comment conciliez-vous ces deux propositions contraires que l'enseignement religieux sera nécessairement donné dans tous les cas, et que, dans un cas donné, il ne le sera pas? Il faut choisir : vous ne pouvez pas satisfaire tout à la fois à la première prescription de la loi et à la seconde.

Je veux maintenant répondre un mot à l'honorable M. Dedecker. Le seul point qui ait éveillé la susceptibilité de cet honorable membre, c'est la crainte qu'il ne soit dans l'intention du gouvernement de faire donner, dans les établissements de l'Etat, un enseignement doctrinal de la religion par des laïques. Or, je le demande, est-il possible de rien trouver de pareil dans la loi?

M. Dedecker. - Ce sont les déclarations.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Ce sont les déclarations, dites-vous, mais il est impossible au contraire de faire des déclarations plus claires, plus satisfaisantes, que celles qui sont émanées de mes honorables collègues. N'ont-ils pas dit que tout enseignement de doctrines, de dogme sera exclusivement réservé aux ministres du culte? Si le clergé refuse son concours, imputerez-vous à crime au gouvernement de faire apprendre par cœur le catéchisme, et les livres approuvés par l'autorité ecclésiastique sans explication, sans commentaire? L'enseignement sera incomplet, nous sommes les premiers à le reconnaître ; nous le déplorerons. Mais encore une fois, que voulez-vous que le gouvernement y fasse? Vaudrait-il mieux que les enfants n'entendissent parler ni de Dieu, ni de religion? Ou voulez-vous, contrairement à ce qui a été dit de tout temps, que l'établissement se ferme? Expliquez-vous.

- Plusieurs voix. - La clôture! la clôture!

M. de Haerne. - Messieurs, j'étais inscrit, mon tour de parole était arrivé, on a demandé la clôture; plusieurs membres ont demandé la parole sur la clôture, et la discussion s'est transformée en une discussion du fond. On m'a ainsi enlevé mon tour de parole. J'aurais voulu m'expliquer sur le fond de la question ; d'autres membres, inscrits après moi, l'auraient désiré aussi; des membres qui n'étaient pas inscrits ont pu s'expliquer à propos de la clôture ; il serait injuste de clore maintenant, sans nous permettre de nous expliquer sur une question aussi importante que celle dont il s'agit.

M. de Mérode. - Je ne réclame pas la parole pour moi. Mais je veux faire observer que la parole avait été accordée à M. de Haerne quand on a demandé la clôture; il était en possession de la parole, on doit la lui continuer.

- Plusieurs voix. - Non! La clôture !

M. de Liedekerke. - Je demande la parole contre la clôture. Je désire dire bien peu de mots. L'honorable M. Dumortier vient de parler sur l'amendement que nous avons présenté en commun; les explications qu'il a données ne sont pas conformes à celles que j'aurais voulu présenter; il y a peut-être une nuance de dissentiment entre lui et moi. Ayant présenté l'amendement ensemble, il est de toute justice que je puisse expliquer mon opinion, mon sentiment; je me bornerai à préciser deux ou trois questions qui sont l'image fidèle de ma pensée.

M. de Theux. - Il est impossible de refuser la parole à l'honorable comte de Liedekerke. Il a présenté un amendement avec l'honorable M. Dumortier, qui vient de se séparer de lui; il reste donc responsable de l'amendement; il a le droit de s'expliquer; il pourrait même demander la parole pour un fait personnel.

M. Dumortier. - L'honorable préopinant dit que je me sépare de l'honorable M. de Liedekerke ; je ne me sépare de personne; mais quand le gouvernement accepte nos principes, je ne crois pas qu'une question de rédaction du premier paragraphe doive nous arrêter. Du reste, je crois que la différence qui pourrait exister entre l'honorable M. de Liedekerke et moi serait extrêmement minime ; car on accorde les principes que nous demandons.

Je crois, du reste, qu'on ne peut que gagner à la bonne harmonie, en laissant continuer la discussion et surtout en accordant la parole à l'honorable M. de Liedekerke.

(page 1324) - La clôture est mise aux voix et prononcée.

L'amendement de M. le Bailly de Tilleghem est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l'amendement de M. de Liedekerke auquel se rallie M. Osy, et sur l'amendement de M. Lelièvre, auquel se rallient le gouvernement, la section centrale et M. Jullien.

Je mettrai d'abord aux voix l'amendement de M. de Liedekerke. (Non! Non !) Puisqu'il y a de l'opposition, la chambre devra décider la question de priorité entre les deux amendements.

M. de Haerne. - Nous devons nécessairement voter, d'abord sur l'amendement de l'honorable M. de Liedekerke. C'était chose décidée ; M. le président allait mettre l'amendement aux voix. Ensuite, il est indispensable de voter avant tout sur l'amendement qui s'éloigne le plus du projet. D'après tout ce qui s'est passé, et d'après le texte des amendements, il est incontestable que l'amendement de M. de Liedekerke s'éloigne plus du texte de la loi que l'amendement de M. Lelièvre. Il faut donc commencer par l'amendement de l'honorable M. de Liedekerke.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'amendement de l'honorable M. de Liedekerke disait autre chose que l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, je comprendrais qu'on donnât la préférence au premier, ceux du moins que veulent autre chose.

Mais, à nos yeux, les deux amendements disent la même chose. Or, l'amendement de l'honorable M. Lelièvre paraît devoir réunir un plus grand nombre de voix ; il me semble qu'il conviendrait de voter d'abord sur cet amendement ; c'est le moyen d'en finir. Autrement ceux qui préfèrent l'amendement de M. Lelièvre seraient amenés à voter l'amendement de M. de Liedekerke qu'ils accepteront à défaut de l'autre.

M. Dumortier. - Permettez-moi de faire remarquer qu'il y a une différence réelle entre les deux amendements. Le premier paragraphe est à peu de chose près le même dans les deux amendements. Cependant l’amendement de M. de Liedekerke est plus explicite. Mais dans le deuxième paragraphe il y a une différence réelle, considérable consistant dans les mots « et inspecter ». Je ne puis voter l'amendement de M. Lelièvre, lorsque j'en ai présenté un, et que le gouvernement s'y est rallié. Je demande donc que mon amendement soit mis aux voix.

M. Dedecker. - Il m'est à peu près indifférent par quel amendement l'on commence. La formule des deux amendements est à peu près la même ; ce sont les explications qui ont été données sur les deux amendements qui les différencient l'un de l'autre.

On ne pourrait plus même indiquer d'une manière certaine la portée dé l'amendement de MM. de Liedekerke et Dumortier. C'est tellement vrai que l'honorable M. Dumortier ne pourrait plus dire qu'il est d'accord avec l'honorable M. de Liedekerke.

M. Dumortier. - Pardon, je crois être d'accord avec lui.

M. Dedecker. - C'est impossible.

Si l'on veut commencer par l'amendement de M. Lelièvre, je ne m'y oppose pas. Mais je demande la division. Qu'on vote séparément sur les deux paragraphes.

M. Mercier. - Je demande qu'on ajoute le mot « inspecter » à l'amendement de M. Lelièvre.

M. Delfosse. - On ne peut changer un amendement après que la clôture est prononcée. Je demande qu'il soit mis aux voix, tel que l'honorable M. Lelièvre l'a présenté.

M. Dumortier. - C'est cependant contraire au règlement!

- La Chambre décide qu'elle donne la priorité à l'amendement de M. Lelièvre.

M. Vilain XIIII. - Je demande la division, pour savoir si l'enseignement religieux sera obligatoire.

M. le président. - Voici le premier paragraphe : « L'instruction moyenne comprend l'enseignement religieux. »

- Ce paragraphe est adopté.

M. le président. - Vient le second paragraphe : « Les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller cet enseignement dans les établissements soumis au régime de la présente loi. »

M. Dumortier. - Je demande la parole sur la position de la question.

La seconde partie de l'amendement de M. Lelièvre est la reproduction textuelle, sans aucune modification, du projet primitif du gouvernement. Au contraire, le second paragraphe que mon honorable collègue et ami M. de Liedekerke et moi avons proposé, est un amendement à ce texte, puisque les mots : « et inspecter » y sont ajoutés. Or, aux termes du règlement, la proposition formant amendement doit avoir la priorité.

M. Delfosse. - Il est certain que l'honorable M. Lelièvre a substitué une rédaction à lui à celle de l'article 8 du gouvernement.

Il y avait dans la rédaction de M. Lelièvre deux paragraphes. On aurait mis l'ensemble aux voix, si quelques membres n'avaient réclamé la division.

La division ayant été réclamée, elle était de droit, et l'on a voté d'abord sur le premier paragraphe. Que reste-t-il maintenant à faire? Il reste à voter sur le second paragraphe.

Remarquez bien que le second paragraphe de l'amendement de M. Lelièvre n'est pas tout à fait l'article 8 du projet du gouvernement; il y a un changement de rédaction.

Je demande que l'on exécute la résolution qui a été prise par la chambre et que l'on vote sur le second paragraphe de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, puis sur l'ensemble.

M. le président. - Ceux qui ne voudront pas de ce second paragraphe, voteront contre.

M. Dumortier. - Qu'on ne nous dise plus alors qu'on fait une loi de conciliation.

M. le président. - Je dois exécuter la décision de la chambre qui a donné la priorité à l'amendement de M. Lelièvre.

M. Dumortier. - Veuillez me permettre de faire une observation.

L'amendement de l'honorable M. Lelièvre contient deux paragraphes tout à fait distincts. Le premier paragraphe adopté écarte le premier paragraphe de notre amendement; si le second est adopté, il écartera également la dernière partie de notre amendement. Il en résultera que le vote du projet primitif écartera un amendement. Cette manière de procéder est contraire au règlement qui porte que tout amendement doit être voté avant la proposition principale.

Il ne faut pas ici de subtilité. Nous demandons qu'on mette d'abord aux voix notre amendement qui consiste à ajouter au texte du projet le mot « inspecter ». Il va plus loin que le projet; il doit donc avoir la priorité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un seul mot. L'honorable M. Dumortier insiste sous prétexte qu'il y a une différence entre les deux amendements, parce que l'un porte les mots « surveiller et inspecter » et que l'autre contient seulement le mot « surveiller ». Il ajoute que c'est là une différence essentielle ; on attache donc aux mots des pensées différentes ?

Nous avons dit qu'ils présentent absolument la même idée. Inspecter et surveiller, c'est un pléonasme. Voilà ce que j'ai répété à satiété dans la discussion. Il n'y a donc pas la moindre difficulté à voter l'un ou l'autre amendement.

M. le président. - Je mets aux voix la seconde partie de l'amendement de M. Lelièvre. L'appel nominal a été demandé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande qu'on vote par assis et levé sur la seconde partie de l'amendement et qu'on vote ensuite par appel nominal sur l'ensemble.

M. le président. - Cinq membres demandent-ils encore l'appel nominal sur le second paragraphe?

- Plus de cinq membres se lèvent.

M. le président. - Plus de cinq membres demandent l'appel nominal, je dois y faire procéder.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est perdre du temps. On ne l'avait pas demandé.

M. le président. - L'appel nominal a été demandé par plus de cinq membres et dans ce cas le règlement exige qu'il y soit procédé.

M. le président. - Alors je demande l'appel nominal sur l'ensemble de l'article.

M. le président. - C'est ce que vous pourrez demander plus tard M. le ministre, si quatre membres se joignent à vous ; mais pour le moment il ne s'agit que du deuxième paragraphe de l'amendement de M. Lelièvre, sur lequel cinq membres demandent l'appel nominal, conformément au règlement de la chambre que je dois faire respecter avant tout, et auquel force restera.

-Voici le résultat de l'appel nominal :

95 membres y répondent;

69 votent l'adoption ;

24 votent le rejet.

En conséquence, le deuxième paragraphe de l'amendement de M. Lelièvre est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dequesne, de Renesse, de Rover, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Dumont (Guillaume), Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Lange. Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier Rolin, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Allard, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Christiaens, Cools, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Desoer, de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, Faignart, le Bailly de Tilleghem, Moncheur, Osy, Rodenbach, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Clep, Coomans, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester et de Mérode.

M. le président. - Il s'agit maintenant de voter sur l'ensemble de l'article.

M. Dumortier. - Nous avons proposé un amendement; qu'est-ce qu'on entend en faire? Tout à l'heure je l'ai présenté comme un amendement de conciliation et la chambre m'a approuvé ; est-ce que, par (page 1325) hasard, toutes les paroles que j'ai prononcées et auxquelles vous avez applaudi, est-ce que ces paroles tombent?

Il faut convenir qu'alors je me trouve singulièrement mystifié. (Interruption.)

J'ai insisté sur l’importance qu'il y a à introduire dans l'article la condition de l'inspection; eh bien, en définitive l'inspection disparaît.

M. Vilain XIIII. - M. le président, quand vous avez mis aux voix la première partie de l'amendement de M. Lelièvre, vous n'avez pas fait la contre-épreuve; certainement elle n'était pas nécessaire, attendu qu'une majorité très considérable avait adopté la disposition ; mais je tiens à constater que j'aurais émis un vote négatif, et je demande que ma déclaration soit insérée au procès-verbal, un concert préalable n'ayant pas été conclu avec le clergé. Je suis contraire à l'enseignement obligatoire de la religion dans les établissements de l'Etat : selon moi, la seule manière de résoudre constitutionnellement la question, c'était l'article primitif du projet du gouvernement.

M. le président. - M. Dumortier insiste-t-il pour que je mette-aux voix l'amendement qu'il a présenté avec M. de Liedekerke ? On a accordé la priorité à l'amendement de M. Lelièvre, mais cela ne veut pas dire qu'on ne voterait pas sur celui de M. de Liedekerke. M. Dumortier demande-t-il que cet amendement soit mis aux voix ?

M. Dumortier. - Certainement, M. le président. Lorsque M. le ministre des finances est venu dire : « Voulez-vous inscrire l'inspection religieuse dans la loi? Nous ne nous y opposons pas, » je croyais, en mon âme et conscience, que le gouvernement s'y ralliait; je n'ai pas pu interpréter autrement les paroles du gouvernement. Je demande que l'amendement de M. de Liedekerke soit mis aux voix. L'article devait contenir le mot « et inspecter », et il ne s'y trouve pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous répétons pour l'honorable M. Dumortier lui seul, s'il le veut, qu'à nos yeux, surveiller et inspecter sont absolument synonymes, que l'une ou l'autre expression doit entraîner le même résultat. Libre maintenant de voir un abime entre les deux mots, mais pour nous les deux mots sont absolument semblables, ils emportent l'un et l'autre, pour les membres du clergé, le droit d'organiser leur surveillance comme ils organisent leur inspection. C'est absolument la même chose. Ainsi l'honorable M. Dumortier n'a aucun motif de retirer les paroles qu'il a prononcées.

M. Delfosse. - Il faut avant tout voter sur l'ensemble de l'amendement de M. Lelièvre. Après cela on pourra, si la chambre le juge convenable, faire droit à la réclamation de M. Dumortier.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'amendement de M. Lelièvre.

93 membres sont présents.

72 adoptent.

6 rejettent.

15 s'abstiennent.

En conséquence l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dequesne, de Renesse, de Royer, Desoer, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Faignart, Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Allard, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Rodenbach, Vermeire, Vilain XIIII, de Liedekerke, de Man d'Attenrode et de Meester.

Se sont abstenus : MM. de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, le Bailly de Tilleghem, Moncheur, Osy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Van Renynghe, Coomans, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne et de Mérode.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Theux. - Messieurs, d'une part, je n'ai pas voulu voter contre, parce que l'article consacre l'enseignement religieux ; d'autre part, je n'ai pas voulu voter pour, parce qu'il consacre aussi la faculté de faire donner cet enseignement par des laïques, même en opposition avec le clergé, si le gouvernement le juge convenable. C'est contre ce principe que je proteste.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'article ne dit rien de cela.

MM. de T'Serclaes, Coomans, Dechamps, Dedecker, de Denterghem et le Bailly de Tilleghem déclarent s'être abstenus par les mêmes motifs que M. de Theux.

M. Dumortier. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter contre le principe qui consacre l’enseignement religieux, enseignement auquel j'attache le plus grand prix; mais je n'ai pas voulu voter pour, parce que cet article ne met pas les actes en harmonie avec les paroles. J'avais cru, à la suite des déclarations qu'on nous avait faites, que les actes se seraient trouvés en harmonie avec les paroles, et c'est cette persuasion qui m'avait dicté mon discours...

M. Dedecker. - Vous avez été dupe.

M. Dumortier. - C'est vrai.

L'article que nous avions présenté, l'honorable M. Liedekerke et moi, offrait cette énorme différence, à savoir qu'il déclarait que le clergé serait appelé à donner et à inspecter l'enseignement religieux, ce qui constituait une double garantie, tandis que le projet dit : « à donner ou à surveiller » ; ce qui est bien différent; en matière d'instruction, le surveillant et l'inspecteur sont loin d'être sur la même ligne : l'un est au-dessous du professeur, et l'autre au-dessus.

Au reste, je déclare que je représenterai mon amendement au second vote.

M. Moncheur. - Je n'ai pas voté contre l'article parce qu'il constate l'obligation de donner l'enseignement religieux dans l'enseignement moyen ; parce qu'il reconnaît, en principe, que l'enseignement religieux appartient aux ministres des cultes, et enfin parce que j'espère encore que la loi, quelque défectueuse qu'elle sera sans doute, ne le sera pourtant point assez pour empêcher le concours du clergé à l'enseignement moyen donné aux frais de l'Etat. Je n'ai pas pu voter pour l'article en présence de la déclaration faite par M. le ministre de l'intérieur à la section centrale et qui n'a pas été retirée dans la discussion, à savoir que, dans le cas de non-concours du clergé, le gouvernement se réserverait de faire donner l'enseignement religieux par des laïques.

M. Osy. - Je n'ai pas voulu voter contre, parce que je conviens qu'il y a une amélioration dans la proposition de l'honorable M. Lelièvre; mais je n'ai pas voulu voter pour, parce qu'elle ne nous donne pas l'inspection que nous désirons avoir. On aurait dûu mettre aux voix en premier lieu la proposition de l'honorable M. de Liedekerke, puisqu'elle s'écartait le plus du projet du gouvernement. Cette proposition portait que le clergé serait appelé à donner, à surveiller et à inspecter l'enseignement religieux, tandis que le ministre des finances a toujours raisonné comme s'il y avait le mot « ou ».

M. Thibaut. - Messieurs, je n'ai pas voté contre l'ensemble de l'article, parce que j'admets le premier paragraphe. Je n'ai pas voté pour, parce que les explications données par le gouvernement sur le second paragraphe ne me permettent pas de l'adopter. En effet, tous les discours de MM. les ministres se résument dans ces mots: « En cas de non-concours du clergé, le gouvernement avisera » ; ce qui renferme la possibilité de faire enseigner la religion par des laïques qui n'auraient pas cette mission, et en dehors de toute surveillance de l'autorité ecclésiastique.

M. Vanden Branden de Reeth.- Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Thibaut.

M. Van Renynghe. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Moncheur.

M. de Haerne. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Lelièvre donne une certaine satisfaction aux réclamations que nous avions élevées, en établissant l'obligation de l'enseignement religieux dans les collèges; d'autre part, l'amendement laisse subsister une grande lacune que je regarde comme très dangereuse, en consacrant la faculté de faire donner l'enseignement dogmatique de la religion sans mission spéciale, sans mission de l'autorité religieuse, seule compétente en cette matière. Le prêtre même ne peut enseigner le dogme sans mission, sans juridiction.... (Interruption.)

Ce danger, je le trouve dans le vague de l'article et dans les explications qui ont été données dans tout le cours de la discussion et dans les pièces officielles émanées du gouvernement et de la section centrale. Je dis que je ne puis admettre la possibilité d'un tel enseignement; cela est contraire à la liberté des cultes, à la liberté de conscience des pères de famille.

M. de Mérode. - Messieurs, je me suis abstenu, parce qu'il ne vaut pas la peine de voter pour ou contre des apparences.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je demande la permission de donner quelques explications sur certains motifs d'abstention que vous venez d'entendre.

La plupart des honorables membres qui se sont abstenus ont déclaré qu'ils n'avaient pu voter en faveur de la disposition adoptée par la chambre, parce qu'elle consacrait pour le gouvernement le droit de faire donner l'enseignement dogmatique de la religion dans ses établissements.

Je suis fort étonné d'une pareille déclaration, en présence des explications qui ont été répétées à satiété dans cette discussion. Nous ayons formellement énoncé tour à tour, que, selon les besoins des localités, selon le vœu des pères de famille, car les pères de famille doivent être consultés avant tout sur ce sujet délicat, il serait pourvu autant que possible, dans les limites qu'indiquent la prudence et la raison, aux exigences de l'enseignement religieux.

Quand le gouvernement annonce qu'il entend consulter et suivre en cette matière le vœu des pères de famille, il se place sur le terrain constitutionnel; il proclame son respect pour la liberté des cultes qui implique la liberté de conscience. Tout doit céder ici devant le vœu du père de famille. Je ne reconnais à personne, dans les questions religieuses, le droit de mettre sa volonté au-dessus de la volonté du père de famille.

Voilà la garantie la plus sûre, la plus vraie, la plus puissante, contre (page 1326) les craintes chimériques que l'on essaye de faire entendre. Il est évident qu'en l'absence des ministres des cultes, on se bornera à ce qui se pratique aujourd'hui dans tous ou presque tous les établissements d'enseignement moyen, régis par les communes et qui vont être dirigés par le gouvernement, c'est-à-dire qu'on fait répéter le catéchisme aux petits enfants, qu'on leur fait lire ou apprendre par cœur des livres approuvés par les chefs des cultes. Et c'est là ce qui vous autoriserait à affirmer que le gouvernement veut se réserver de faire prêcher un enseignement dogmatique, et qui sait? d'instituer une religion civile, une religion de l'Etat, dont le ministre de l'intérieur serait le souverain pontife !

Je vous déclare que, quoique vous fassiez, vous ne réussirez pas à égarer l'opinion publique; vous ne réussirez pas à nous attribuer des intentions que nous répudions; et dussiez-vous cent fois répéter vos accusations, cent fois nous vous répondrons du fond de notre conscience : Cela n'est pas vrai !

M. de Liedekerke. - Vous ne serez pas toujours ministres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quand nous ne serons plus ministres, nous seront remplacés par des hommes sensés qui seraient d'ailleurs impuissants à faire ce qui serait condamné par la volonté des pères de famille.

M. de Liedekerke. - Vous passerez et la loi restera! (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voilà ce que j'avais à répondre, aux motifs d'abstention de quelques membres de cette chambre.

Voyons les raisons données par quelques autres.

L'honorable M. Dumortier a accepté l'interruption de M. Dedecker, qui lui criait : Vous avez été dupe!

J'en ai du regret, et je dois protester contre cette parole. L'honorable M. Dumortier n'a pas pu être dupe, ou il l'aurait été bien volontairement. Nul n'a pu se tromper sur nos intentions; mais surtout nul n'a été trompé par nos explications. Quel est le dissentiment qui s'est élevé entre nous et les auteurs de l'amendement signé par MM. de Liedekerke et Dumortier? Cela est puéril, en vérité. Ces honorables membres substituaient dans la formule du gouvernement la particule « et » à la particule « ou »; ils ajoutaient le mot « inspecter » au mot « surveiller ». Voilà tout! Telle était la grave question qui nous divisait. Or, sur l'un et l'autre point, je me suis expliqué très clairement, très catégoriquement. J'en appelle aux notes de MM. les sténographes.

Interrompu par M. Osy, qui insistait sur la particule et, j'ai répondu qu'il fallait dire, donner « ou », et non donner « et » surveiller. Pourquoi? Parce qu'il est tout simple que si les ministres des cultes donnent l'enseignement, ils font plus que de le surveiller; ce n'est que pour le cas où ils ne le donneront pas, qu'ils seront appelés à le surveiller.

L'honorable M. Dumortier n'a jamais pu se tromper à cet égard; il n'a pas été dupe, et c'est après nos explications qu'il a rendu justice aux intentions du gouvernement. Quant au mot « inspecter », je n'ai pas cessé de répéter que c'était un pléonasme que de l'insérer dans la disposition après le mot « surveiller », puisqu'il est impossible de concevoir la surveillance sans inspection. Les deux mots présentent ici la même idée. On pourrait choisir l'un ou l'autre, mais il aurait été ridicule de les employer tous les deux. Ici encore l'honorable M. Dumortier a été parfaitement averti, et il connaissait toute notre pensée, lorsqu'il a rendu hommage aux intentions qui ont dicté l'article 8 du projet.

La loi sur l'enseignement primaire, que l'on invoque, que l'on accepte, se sert, comme l'article 8, du mot « surveiller ». Voici ce qu'elle porte : « La « surveillance des écoles, quant à l'intervention et à l'administration, sera exercée par l'autorité communale...

« Quant à l'enseignement de la religion et de la morale, la surveillance sera exercée par les délégués des chefs des cultes. »

Or, que statue l'article 8 que vous venez d'adopter? Que les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller l'enseignement religieux dans les collèges. Si le mot « surveiller » calme les scrupules dans l'enseignement primaire, il doit les calmer dans l'enseignement moyen.

- Plusieurs voix. - Aux voix! aux voix! L'ordre du jour! Assez.

M. le président. - Il faut regretter qu'on ait pris la voie de répondre aux motifs d'abstention; mais on l'a fait, il est juste que j'accorde la parole pour répliquer.

M. de Haerne. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je regrette qu'à propos des explications que nous avons cru devoir donner à l'appui de nos votes d'abstention, M. le ministre des finances ait cru devoir rentrer dans la discussion, mais puisqu'il y est rentré nous avons le droit de lui répondre.

Messieurs, l'article que vous venez d'adopter consacre l'obligation de l'enseignement de la religion; il ne consacre pas la nécessité de l'intervention du clergé. M. le ministre vient de nous dire : Si le clergé s'abstient, nous nous bornerons à faire lire des livres approuvés par le clergé; mais alors vous n'enseignez rien ou plutôt vous enseignez à lire, mais vous n'enseignez pas la religion. Et cependant d'après l'article que vous venez d'adopter, vous devez donner l'enseignement religieux dans les établissements d'instruction.

Si vous enseignez par vous-mêmes la religion, vous blessez le principe, parce que vous n'avez pas de mission pour cela ; si vous ne l'enseignez pas, vous ne remplissez pas le vœu de la loi ; si vous vous contentez de faire lire, vous ne satisfaites pas plus à la loi ; car alors vous ne donnez pas un enseignement religieux, comme serait celui qui se donne à l'église, et que nous voudrions en cas d'abstention du clergé.

Je m'en tiens à la déclaration légale de l'article que vous venez d'adopter, c'est là-dessus que je me suis fondé quand j'ai dit que je ne voulais pas consacrer un droit pareil pour le gouvernement, le droit d'enseigner au besoin la religion sans restriction légale aucune.

Quant aux intentions des ministres, je n'hésite pas à déclarer à la face de la chambre et du pays que je suis convaincu qu'ils feront tout ce qu'ils pourront pour exécuter loyalement la loi, comme ils l'ont annoncé. Mais il s'agit ici de principes ; et les principes ne passent pas, comme tous les ministres passent.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, ce n'est pas ma faute si M. le ministre des finances est venue donner une explication sur celle que j'ai donnée moi-même, mais je ne puis laisser sans réponse les observations qu'il a faites sur mes motifs d'abstention. L'honorable M. Dedecker m'avait interrompu pour me dire: Vous avez été dupe. J'ai répondu, je le dis avec douleur: C'est vrai! L'honorable ministre des finances a dit que, dans les explications qu'il a données pendant la discussion, il a repoussé le mot « inspecter » ; j'en appelle à vos souvenirs à tous: est-il vrai, oui ou non, qu'il résultait des paroles de M. le ministre, que je voyais un rapprochement de l'amendement que j'ai présenté et que c'est dans cette pensée que j'ai prononcé mon discours? Car il avait prononcé la déclaration textuelle suivante : Voulez-vous inscrire l'inspection religieuse dans la loi, nous ne nous y opposons pas. La main sur la conscience, ne devais-je pas voir dans ces paroles que le gouvernement se ralliait à notre proposition? C'est ainsi que j'ai interprété les paroles de M. le ministre des finances; elles ne pouvaient avoir d'autre interprétation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais nous sommes d'accord : surveiller ou inspecter c'est la même chose!

M. Dumortier. - M. le ministre des finances dit: Si les ministres du culte donnent l'instruction religieuse, ils ne la surveillent pas. Ainsi l'une des positions est obstative de l'autre. Puis il ajoute que ce serait un pléonasme de dire donnent et surveillent; c'est, selon moi, un pléonasme utile, car on peut faire l'un et l'autre; mais, selon vous, s'ils donnent l'enseignement religieux, ils ne la surveillent pas, vous ne voulez que l'un ou l'autre, donc vous ne voulez plus même d'inspection si le clergé donne l'instruction. C'est tout l'opposé de ce que vous disiez quand vous alliez même jusqu'à parler du traitement des inspecteurs.

M. le président. - Tout le monde est d'accord que l'amendement de M. de Liedekerke est venu à tomber par suite de l'adoption de celui de M. Lelièvre. Nous passons à l'article 9.

Articles 9 et 10

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous demandons l'ajournement de la discussion sur les articles 9 et 10. Il y a quelques renseignements administratifs à prendre relativement à l'exécution du règlement. Quant à l'article 10, nous demandons que la discussion en soit reportée à l'article 38; c'est celui qui concerne les diplômes à accorder aux élèves sortis des écoles normales. Nous croyons que, sur ce point encore, nous pourrons modifier la loi dans un sens conciliateur.

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est adoptée ; en conséquence la chambre passe à l'article 11, ainsi conçu :

Titre II. Des établissements dirigés par le gouvernement

Chapitre premier. Dispositions communes aux établissements des deux degrés
Article 11

« Art. 11. La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement, qui en nomme tout le personnel.

« Il y exerce la surveillance par l'intermédiaire des inspecteurs et d'ua bureau local d'administration. »

M. le président. - M. H. de Baillet a la parole pour développer l'amendement suivant qu'il a présenté à cet article :

« Art. 11. La direction supérieure des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement, qui nomme tout le personnel sur une liste de deux candidats présentés par le conseil communal.

« Dans le cas où le gouvernement ne juge pas les candidats présentés propres aux fonctions vacantes, il demande au conseil communal une autre liste plus convenable, et à défaut de la présentation de celle-ci endéans les vingt jours, le gouvernement nomme, sur une liste, également de deux candidats, formée d'office par la députation permanente du conseil provincial.

« Il y exerce... » (Comme au projet.)

M. H. de Baillet. - Quoique la section centrale rejette l'amendement que j'ai proposé, je ne crois pas devoir y renoncer.

Je propose d'ajouter, au premier paragraphe, au mot de « direction » celui de « supérieure », afin de mieux faire comprendre que cette direction n'est pas exclusive de l'intervention de la commune.

Mon amendement attribue au gouvernement la nomination du personnel sur une liste de deux candidats proposés par le conseil communal ou sur une liste formée d'olfice par la députation provinciale, dans le cas que le gouvernement ne jugerait pas celle du conseil communal convenable.

Je ne puis admettre, avec la section centrale, qu'il convient d'appliquer à l’enseignement moyen le même mode absolu de nomination par le gouvernement que celui qui est adopté pour l'enseignement supérieur, car les universités sont entièrement aux frais de l'Etat, et lui appartiennent exclusivement, tandis que les établissements d'enseignement moyen sont d'une nature mixte, étant entretenus aux frais du (page 1327) gouvernement et de la commune, c'est pourquoi il me semble équitable que l'un et l'autre aient à y voir.

Je ne puis pas admettre non plus que le droit de présentation de candidats par la commune conférerait à celle-ci la direction complète et entière des établissements et ne laisserait au gouvernement que la surveillance. Je fournis seulement à la commune le moyen de tenir écartés les professeurs qui n'auraient pas sa confiance, mais la commune ne pourrait jamais forcer la main au gouvernement, puisque si elle restait en défaut de présenter des candidats convenables, celle-ci nommerait sur une liste de la députation provinciale qui interviendrait comme arbitre et évidemment d'une manière conciliatrice.

Mon amendement peut être contraire au principe de centralisation qu'enferme le projet de loi ; mais c'est contre la centralisation et l'absorption de la commune que je réclame.

Le mode que je propose n'est d'ailleurs pas inusité en administration, il est adopté par la loi communale pour certaines nominations.

Les inconvénients pratiques, signalés comme devant nécessairement résulter de l'adoption de mon amendement, me paraissent singulièrement exagérés : en effet, je ne vois pas que cette adoption aurait nécessairement pour résultat de laisser isolés et sans lien commun les grands établissements d'enseignement moyen, de continuer pour les professeurs une position précaire et sans garantie, et de rendre des améliorations impossibles.

Nos cours de justice, dont les conseillers sont nommés par le gouvernement sur des listes de candidats, répondent à ces arguments.

Je pense qu'accorder aux conseils communaux une action efficace dans la nomination des professeurs est agir dans l'intérêt des établissements et assurer aux professeurs, dans les personnes des conseillers, des patrons nombreux et influents, qui seraient toujours prêts à les soutenir et à les défendre contre les menées de la malveillance dont ils pourraient être l'objet, car chacun aime à défendre une œuvre à laquelle il a contribué.

Une preuve de ce que je suppose ici, c'est que les athénées de plusieurs villes se sont soutenus et ont même prospéré, malgré que le clergé leur ait retiré son concours.

Une dernière observation, c'est que l'amendement qui pourrait éventuellement être admis en ce qui concerne l'obtention du diplôme de professeur agrégé, ne ressortirait pas d'effet pour les athénées et les écoles moyennes. Naturellement le gouvernement ne placera dans ces établissements que des professeurs sortis de sa pépinière, si on lui laisse un droit absolu de nomination.

Je persiste à croire mon amendement bon. Je le soumets à vos votes.

M. Loos. - Quand le projet de loi que nous discutons a été examiné en sections, j'ai reconnu qu'il présentait, sous le rapport de la participation des communes, dans la direction des établissements d'enseignement moyen, les mêmes vices que présentait le projet de loi de 1846; et je me suis empressé de proposer dans ma section un amendement qui a été reproduit en section centrale. Il avait pour but de faire participer l'administration communale à la nomination des professeurs des athénées.

Je conviens que la section centrale a fait une concession en ce sens : elle a reconnu la nécessité de faire participer les communes à la nomination des professeurs. Elle a admis un amendement, aux termes duquel le bureau d'administration (qui sera une émanation de la commune) sera admis à donner son avis sur la nomination du personnel de l'athénée.

J'en suis à me demander si cette concession faite à la commune est suffisante, et, franchement, je ne le crois pas.

Les villes qui ont des athénées ont eu à lutter contre diverses influences, à certaines époques, contre l'influence du gouvernement, qui voulait absorber l'action de la commune, et contre l'influence du clergé, qui tendait au même but. Elles ont conservé intacts les établissements confiés à leurs soins.

Aujourd'hui, arrive un projet de loi qui, en définitive, enlève aux communes qui ont conservé leurs établissements les mêmes droits que réclamaient naguère le gouvernement pour leur accorder un subside et le clergé pour leur donner son concours.

Serait-il juste, aujourd'hui qu'on est amené à organiser l'enseignement, parce que, dans diverses communes, il n'y avait plus une concurrence suffisante pour donner aux pères de famille un libre choix entre deux genres d'enseignements, de substituer complètement l'action de l'Etat à l'action de la commune?

On me dit que ce système présente de très grands avantages. Je veux bien le reconnaître. Je crois qu'en mettant entre les mains du gouvernement la nomination de tous les professeurs de l'athénée on pourra arriver à un résultat favorable. Mais si je mets dans la balance les avantages de l'influence de la commune, je puis dire que cette influence sera salutaire, qu'elle contribuera à la prospérité de l'établissement.

En effet, qu'arrivera-t-il? Le gouvernement nommera le personnel des athénées; d'un autre côté, les athénées seront appelés à prendre part au concours. Si l'athénée d'une ville qui s'était maintenu au premier rang parmi les établissements du pays, dans l'ordre que leur assigne le concours, n'occupe plus cette position, à quelle influence s'en prendra-t-on ? Sera-ce à l'infériorité intellectuelle des élèves? Non. Ce sera à l'incapacité des professeurs; on accusera le gouvernement de partialité; on dira que le gouvernement favorise telle ville au détriment des autres. Dès lors, il y aura découragement dans la commission administrative et découragement parmi les élèves de l'établissement.

Les administrations communales sont jalouses de leur établissement. Elles lui portent un très vif intérêt. Cet intérêt cesse du moment que leur action n'est plus appelée, n'est plus utile.

D'un autre côté, messieurs, le droit exclusif du gouvernement à la nomination du personnel peut être nuisible à un établissement. Je suis convaincu que le gouvernement actuel n'aura en vue qu'une seule chose; les progrès de l'enseignement, et qu'il mettra la plus grande impartialité dans la nomination des professeurs. Mais je n'aurais pas la même confiance dans un ministère d'une autre opinion. Cette confiance, beaucoup de communes ne l'ont pas eue à une autre époque, quand il s'est agi d'obtenir des subsides en faveur de leurs établissements. Différentes communes ont refusé d'accepter un subside, d'autres n'ont pas voulu en demander.

Est venue une autre époque où une autre nuance d'opinion est arrivée au pouvoir. Certaines villes ont cru que le moment était venu, pour leur athénée, d'obtenir un subside à l'égal d'autres établissements. Mais alors aussi sont venues des prétentions de la part du gouvernement ; il a voulu que la nomination des professeurs lui fût attribuée, et plusieurs villes ont refusé d'accepter ces conditions.

Pourquoi, messieurs, ces communes ont-elles répudié les subsides du gouvernement, pourquoi ont-elles voulu conserver leur indépendance? Parce qu'elles ont craint que, dans la nomination des professeurs à faire par le gouvernement, il n'y eût de la partialité, de l'esprit de parti.

Je conviens volontiers que l'obligation pour le gouvernement, inscrite dans la loi, de prendre l'avis du bureau administratif, est une garantie d'une certaine importance. Toutefois, messieurs, nous avons vu, à d'autres époques, que des garanties semblables n'ont pas été suffisantes, et il serait à craindre que l'obligation de consulter les bureaux administratifs n'eût pas, en définitive, l'importance qu'on lui attribue.

J'ai dit, messieurs, que j'avais reconnu que la faculté pour le gouvernement de nommer tout le personnel enseignant, présentait certains avantages. On a fait valoir la considération importante que voici; on a dit : Il se peut qu'un professeur, placé à la tête d'une classe, ne soit plus à même, soit à cause de son âge, soit par suite d'autres circonstances, d'occuper convenablement cette position. Le gouvernement pourra le placer dans un autre établissement, lui faire donner un autre cours qu'il puisse donner plus convenablement. C'est ce qu'il ne pourra plus faire, si la commune présente des candidats.

On a dit encore : Si les communes étaient autorisées à présenter des candidats, il n'y aurait pas la même émulation parmi les professeurs. Ils croiront qu'il ne lui est plus possible d'obtenir d'autre position que celle où ils se trouvent, qu'il n'y aura pas assez d'avancement, et beaucoup d'hommes distingués qui voudraient se destiner aux fonctions de professeur, reculeront devant la partialité des communes, devant l'esprit de coterie locale qui dicte quelquefois leurs choix.

Je pense, messieurs, qu'il y a moyen de remédier à ces inconvénients, en donnant au gouvernement la faculté de déplacer les professeurs, alors que l'intérêt de l'enseignement l'exigera, et de nommer, même en dehors des candidats proposés, lorsque l'intérêt de l'enseignement on d'autres motifs graves demanderont une semblable mesure.

Il m'a donc paru que si l'amendement présenté par mon honorable ami M. de Baillet ne pouvait être admis par la chambre, si l'on ne voulait pas introduire ici l'intervention de la députation permanente, qui n'existe nulle part dans la loi, pour la nomination des professeurs, on pourrait admettre l'amendement que voici :

« La direction supérieure des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement. Il y exerce la surveillance par l'intermédiaire des inspecteurs et d'un bureau local d'administration.

« Le gouvernement nomme tout le personnel des athénées et des écoles moyennes, à savoir : pour les écoles moyennes directement et pour les athénées sur une liste double de candidats à présenter par le bureau local formant le conseil d'administration.

« Le gouvernement pourra toutefois, dans l'intérêt de l'enseignement, ou pour des motifs graves, faire des nominations en dehors de la liste de candidats du bureau d'administration ; il pourra, par des considérations de même nature et le bureau d'administration entendu, déplacer d'un établissement à un autre les professeurs des athénées royaux, sans que ces mutations doivent donner lieu à présentation de candidats de la part du bureau d'administration. »

Ainsi, messieurs, d'une part je réclame en faveur des prérogatives communales une intervention dans la nomination des professeurs; mais je ne veux pas, d'une autre part, que l'exercice de cette prérogative puisse nuire à l'enseignement. J'autorise donc le gouvernement, dans le cas où l'intérêt de l'enseignement pourrait le réclamer, à nommer en dehors de la liste des candidats présentés. Je l'autorise aussi à faire les déplacements que les besoins pourraient réclamer. Mais je réclame en faveur des prérogatives de la communs l'initiative d'une présentation de candidats.

Messieurs, qu'arrive-t-il aujourd'hui? Une place de professeur vient à vaquer dans un établissement communal. Le collège, et généralement, une commission permanente du conseil, qui sont appelés à diriger l'enseignement, s'appliquent à rechercher les professeurs qui présentent le plus de mérite. Ils s'entourent de tous les renseignements possibles; ils ne s'arrêtent pas même à cette considération qu'un candidat se trouve déjà employé dans un autre établissement communal. On lui offre des avantages, on fait des sacrifices pour obtenir l'homme qui a plus de (page 1328) mérite. Enfin, les administrations communales attachent une grande importance à avoir dans leurs établissements l'enseignement le plus perfectionné, à pouvoir lutter avec les établissements rivaux. On a donc là la garantie que les administrations communales chercheront à rencontrer les professeurs qui présentent le plus de garantie d'un bon enseignement.

D'un autre côté, il y a un article de la loi qui circonscrit nécessairement les pouvoirs de la commune.

La loi que nous sommes occupés à discuter oblige les administrations communales, oblige même le gouvernement à ne prendre les professeurs que parmi les candidats qui ont fait preuve de connaissances devant un jury; ces administrations ne peuvent donc se fourvoyer; elles seront certaines au moins que les candidats qu'elles présenteront au gouvernement auront les connaissances nécessaires pour remplir convenablement leurs fonctions. Il n'y a donc, sous ce rapport encore, rien à craindre de l'initiative de la commune. Elle fera bien pour elle; elle fera mieux peut-être que le gouvernement, et certainement elle ne sera jamais animée que du désir de s'attirer la confiance des pères de famille en perfectionnant l'enseignement dans l'établissement destiné à donner l'instruction aux enfants de la commune.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le système de la présentation de candidats pour la nomination des professeurs dans les établissements de l'Etat a été examiné par la section centrale et il n'a pas été accueilli.

La section centrale a présenté un amendement auquel le gouvernement se rallie, et cet amendement a pour but de donner, dans une juste mesure, satisfaction à l'influence locale en faveur de laquelle les propositions qui nous occupent sont présentées. D'après l'amendement de la section centrale, le gouvernement devra consulter le bureau d'administration sur les nominations à faire dans l'établissement auquel le bureau est attaché. Nous pensons que cela suffit pour répondre à toutes les exigences de l'influence communale.

Le gouvernement, avant de faire aucune nomination dans les établissements qu'il dirige sous sa responsabilité, devra consulter le bureau d'administration.

On voudrait aller plus loin, on voudrait que le gouvernement ne pût faire de nominations que sur une présentation de candidats faite par le bureau. Ce système a un premier vice qui me dispenserait d'en signaler d'autres, c'est qu'il est matériellement impraticable; avec ce système, il est impossible au gouvernement d'opérer entre plusieurs collèges un déplacement quelconque. La promotion d'un seul professeur peut entraîner le déplacement de 5 ou 6 autres. C'est même là l'avantage du système de la loi, c'est d'offrir une perspective d'avancement aux membres du corps enseignant. Ainsi, un professeur de seconde passant en rhétorique, ouvre une chaire de seconde, à un professeur de troisième, et ainsi de suite de classe en classe; ainsi, l'avancement d'un professeur peut entraîner 7 ou 8 changements dans divers établissements. Si le gouvernement ne pouvait nommer que sur une présentation de candidats par le bureau d'administration, il faudrait que tous les bureaux répandus dans les diverses provinces s'entendissent pour présenter à point nommé les candidats qui doivent successivement remplir les places qui se trouveraient vacantes à la suite d'une seule promotion. Ceci pourrait, à la rigueur, à la longue, peut-être après une année de travaux administratifs, cela pourrait peut-être arriver, mais le contraire arrivera beaucoup plus sûrement, de sorte que l'action du gouvernement se trouverait paralysée.

Je dis donc que l'amendement présente un système impraticable. Mieux vaudrait laisser la nomination directe au bureau d'administration. L'honorable auteur de l'amendement a si bien compris qu'il est impraticable, qu'il propose lui-même de donner au gouvernement le moyen de s'y soustraire, car, si j'ai bien saisi l'amendement, le gouvernement pourrait, malgré la présentation de candidats, passer outre et nommer en dehors des candidats présentés, dans le cas de déplacement, ce qui serait le cas ordinaire. Chaque vacature nécessitera donc, en règle générale, des déplacements. Je suppose qu'à Anvers, par exemple, un professeur de cinquième vienne à décéder; il pourra se faire qu'il convienne de donner cette place au professeur de sixième de Bruxelles; est-ce que dans ce cas on exige la présentation de candidats? Je ne le pense pas, d'après la concession faite dans l'amendement. Dans ce cas, le gouvernement pourra opérer le déplacement sans consulter le bureau d'administration.

M. Loos. - C'est une place vacante.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais une place vacante entraîne un déplacement.

Messieurs, je pense que ces raisons pratiques suffiront pour combattre l'amendement de l'honorable représentant d'Anvers.

Il y a encore un autre vice dans l'amendement de mon honorable ami. Il fait une distinction entre les athénées et les écoles moyennes : pour les athénées, le gouvernement devrait nommer, sur présentation de candidats, mais pour les écoles moyennes il pourrait nommer directement. Pourquoi cette distinction ? Pourquoi, quant aux écoles moyennes, refusez-vous aux communes le droit de présenter des candidats?

Je ne vois pas la raison de ce privilège en faveur de certaines villes. Il faut que tous les établissements soient sur la même ligne ; il faut supposer que les villes où se trouvent les écoles moyennes ont la même intelligence que les chefs-lieux des provinces.

Mais ici encore le système est bien autrement impraticable, parce que nous aurions affaire à 50 établissements et qu'une promotion pourrait donner lieu à un plus grand nombre de déplacements.

Dans aucun système, et notamment dans le dernier projet déposé par l'honorable M. de Theux, on n'a introduit une pareille anomalie : le gouvernement nommait directement les professeurs et le directeur; il n'était pas même soumis à l'avis du bureau de l'administration. Aujourd'hui ce bureau émane de la commune ; on prendra l'avis du bureau avant de nommer un professeur; on a donc la certitude qu'on n'imposera pas à la commune un professeur qui ne pourrait pas lui convenir. Il faudrait un cas tout exceptionnel, pour que le gouvernement nommât un professeur contre l'avis de bureau d'administration.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment ; je crois que la proposition de la section centrale doit rassurer entièrement les partisans d'une plus grande influence communale dans la nomination des professeurs, je m'y rallie et j'espère que la chambre n'ira pas au-delà.

M. Fontainas. - Messieurs, l'amendement que je présente, d'accord avec l'honorable M. Delehaye, ne nécessite pas de longs commentaires.

Répondant à l'honorable M. Dechamps, M. le ministre des finances a dit avec une grande autorité de talent et de raison, que l'enseignement public doit beaucoup au dévouement et au patriotisme éclairé de la commune. Cette vérité, messieurs, il ne faut pas la perdre de vue, et ce serait la méconnaître étrangement, ce serait faire acte d'ingratitude que de ne pas accorder à la commune une plus grande part d'influence morale et d'autorité.

Aujourd'hui les communes ont le droit de nomination et de révocation; il s'agit de leur enlever ce droit.

La loi proposée impose évidemment des charges qui doivent avoir pour compensation une part sérieuse d'autorité.

Le but de mon amendement est de respecter les droits de tous, et d'éviter de blesser de justes susceptibilités. Que l'on soit conciliant et nous nous mettrons facilement d'accord. Je veux une transaction, mais je la veux sage et raisonnable.

M. le président. - Voici l'amendement proposé par MM. Fontainas et Delehaye :

« La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement.

« II nomme les professeurs sur une liste double de candidats présentée par le conseil communal, le bureau d'administration entendu.

« Le gouvernement pourra exiger une nouvelle liste double de candidats.

« Il exerce dans les athénées et dans les écoles moyennes, la surveillance par l'intermédiaire des inspecteurs et d'un bureau local d'administration. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, pour bien juger des amendements qui vous sont proposés, il importe de bien rechercher ce qu'on a voulu, lorsqu'on a réclamé pendant 20 ans une loi sur l'enseignement moyen. Est-ce que ces réclamations avaient pour but de faire déclarer par la loi quel serait le programme de l'enseignement moyen? Non, car l'établissement des concours avait pour résultat de rendre le programme de l'enseignement moyen uniforme.

Etait-ce pour donner au gouvernement le droit d'inspecter les établissements communaux? Non encore, car le gouvernement, allouant des subsides, devait en surveiller l'emploi et il se réservait par conséquent le droit d'inspection.

Etait-ce pour déclarer par une loi que le gouvernement subsidierait les établissements d'enseignement moyen? Pas davantage : jamais la question des subsides n'a été mise en doute comme question de principe.

Pourquoi donc réclamait-on à grands cris une loi sur l'enseignement moyen, surtout sur les bancs de la gauche? Que vouliez-vous? Est-ce que vous vouliez qu'il y eût des établissements communaux d'instruction? Mais ils existent. (Interruption.)

- Un membre. - Ils succombaient.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sache pas que l'athénée communal de Bruxelles ait succombé; je ne sache pas que l'athénée communal d'Anvers ait succombé; je ne sache pas que le collège communal de Liège ait succombé; je ne sache pas, enfin, qu'aucun collège de chef-lieu de province ait succombé; ils sont en pleine prospérité, ils défient la concurrence. Voilà leur position.

Que vouliez-vous? Dites-le-moi! C'était un certain nombre d'établissements dirigés par l'Etat, recevant une impulsion puissante, suscitant l'émulation dans l'intérêt de la science et des études. Vous vouliez, en un mot, je présume, autre chose que ce qui existe aujourd'hui.

Nous avons réalisé ou du moins nous croyons avoir réalisé votre pensée, telle que nous l'avons comprise après vingt ans de débats, et le jour où un projet vous est soumis, vous semblez hésiter. Vous demandez, en réalité, que l'on maintienne l'état de choses actuel. Et pourquoi? C'est parce que, de l'autre côté de la chambre, et dans un tout autre intérêt, on a agité le drapeau des franchises communales, et qu'on se laisse tromper par une tactique qui n'aurait dû égarer personne.

M. Loos. - Je n'en ai jamais été la dupe.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'en suis convaincu ; mais il ne faut pas que, par le fait, on arrive au résultat désiré par les adversaires du projet de loi. Ainsi donc, parce qu'on a levé, dans un but que chacun de nous (page 1329) connaît, le drapeau des franchises communales, qui n'a rien à faire ici, on croit ne pas pouvoir se dispenser de demander que le choix du gouvernement, pour le personnel de ses établissements, soit limité aux candidats présentés par la commune.

Il vaudrait mieux, en vérité, que le gouvernement présentât des candidats à la commune !

M. Rousselle. - Voulez-vous cela?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oh! oui, sans doute, il serait beau de voir des membres du parlement conseiller et le gouvernement accepter ce rote de présenter des candidats à la commune, pour le choix du personnel des établissements qui, de nom, seraient dirigés par l'Etat ! L'Etat aurait la responsabilité et il n'aurait pas d'action ! Il serait le bailleur de fonds de la commune! Quel bien en pourrait-il résulter pour l'enseignement ?

La loi ainsi faite serait un non-sens ; mieux vaut rester sous le régime actuel, parce que, sans loi, au moyen des subsides le pouvoir exécutif stipulera les conditions qu'il croira convenables, il prendra l'administration entière sans aucune espèce d'intervention de l'autorité communale ; il étendra son action bien plus qu'il ne le pourra faire avec la loi, car la loi est une restriction aux prérogatives dont jouit le gouvernement.

Aujourd'hui, quelle est, je vous prie, la limite des droits du gouvernement? Il n'y en a pas; c'est une question de budget. Par la loi on limite son action ; le gouvernement pourra créer 10 athénées et 50 écoles.

S'il n'a pas le droit de nommer les professeurs des établissements qu'ii fonde, que signifient les dispositions que nous venons de voter et qui statuent que ces établissements sont dirigés par l'Etat? C'est une contradiction évidente. Quelle différence y aura-t-il entre ces établissements et les établissements communaux? En réalité, aucune. Il n'y aura que des établissements dirigés par la commune.

Qu'objecte maintenant l’honorable M. Fontainas? Prenez garde, dit-il, la commune contribue aune partie de la dépense; elle fournit des immeubles, le mobilier; pour ces charges, il lui faut une compensation. Mais l'Etat ne fournit-il rien? Ne contribue-t-il pas aux dépenses dans une forte proposition, pour les deux tiers? Et si la nomination ne lui appartient point, quelle sera sa part d'action dans ces institutions?

Qu'est-ce qu'on a proposé pour concilier de légitimes exigences avec le droit incontestable du gouvernement? On a proposé la création d'un bureau d'administration émanant de la commune. Il y aura donc une représentation de la commune près des établissements de l'Etat. C'est une émanation de la commune qui surveillera non seulement l'administration intérieure, mais le personnel de l'établissement qui pourra le réprimander, le suspendre même. La commune n'admettrait probablement pas auprès de ses propres établissements, même subsidiés par l'Etat, un bureau de ce genre nommé par le gouvernement. Et le gouvernement, par égard pour ces susceptibilités communales, crée un tel bureau près des établissements de l'Etat!

Eh bien, on ajoute encore que ce bureau, émané de la commune, donnera son avis sur la nomination du personnel! N'est-ce donc rien? Sera-ce sans motif grave, pensez-vous, que le gouvernement se mettra en hostilité avec le bureau d'administration? Est-ce qu'il s'écartera de son avis sans motif impérieux ? Est-ce que le pouvoir d'abstention, de retraite du bureau et l'éventualité de conflit possible avec le conseil communal d'une grande ville, n'est pas une chose assez grave pour qu'on ne soit pas trop prompt à l'affronter?

M. Dumortier. - Ce n'est pas le conseil communal !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On sait bien que ce n'est pas le conseil communal, mais ce bureau sera l'émanation du conseil communal, les membres du bureau seront les candidats du conseil communal; si le bureau d'administration donne un avis défavorable relativement à l'établissement, si cet avis est raisonnable, il sera approuvé par le conseil; de là conflit probable si l'avis était facilement écarté par le gouvernement; il y a pas de gouvernement qui puisse affronter sans de très graves motifs des conflits de cette espèce, surtout dans les grandes villes.

Voyons l'amendement de l'honorable M. Fontainas; il est le même que celui de M. de Baillet, seulement le conseil provincial n'est pas appelé à intervenir, au fond c'est la même chose.

Mon collègue, M. le ministre de l'intérieur, vient de vous démontrer au point de vue pratique, qu'il est impossible d'exécuter une pareille disposition Maintenant qu'est-ce que l'amendement de l'honorable M. Loos? C'est en définitive une entrave, une source de conflits, qui ne donne pas plus de garanties que l'avis du bureau. L'amendement contient des marques de défiance vis-à-vis du gouvernement, pour n'aboutir à aucun résultat. D'abord on n'entend pas l'appliquer aux écoles moyennes. L'amendement est donc restreint aux dix athénées ; pour ces athénées, que demande-t-on on dernière analyse? Que le bureau présente une liste de candidats ; mais si l'intérêt de l'établissement l'exige, le gouvernement, qui sera seul juge, pourra choisir en dehors de cette liste. A quoi bon un droit que l'on peut rendre aussi facilement illusoire? Qu'est-ce autre chose, comme je le disais tout à l'heure, que le droit pour le bureau de donner son avis? Si l'amendement ne peut avoir que ce résultat, pourquoi insérer dans la loi une disposition inutile, mais qui justifierait des réclamations, des conflits? Le gouvernement pourra s'écarter de la liste des candidats dans l'intérêt de l'enseignement ou pour des motifs graves? Chaque fois qu'on s'écarterait des présentations de candidats faites par le bureau, pour des motifs graves, on considérera l'acte comme une injure, on soutiendra qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de la liste de présentation et le gouvernement devra venir se justifier pour des actes qu'il a posés dans l'intérêt d'un établissement dont il a la responsabilité.

Je suis persuadé qu'après y avoir réfléchi, on n'insistera pas sur les amendements qui ont été présentés.

M. Delehaye. - Nous avons présenté un amendement, dont l'honorable M. Fontainas a donné lecture. Nous demanderons à pouvoir le modifier, quant à la rédaction. Mais, quant au fond, nous le maintenons tel qu'il est proposé. Je viens combattre les observations de M. le ministre des finances qui ne m'ont nullement ébranlé.

La disposition que nous vous soumettons n'est pas nouvelle : elle existait du temps du roi Guillaume ; on ne prétendra pas que le gouvernement hollandais n'était pas aussi soucieux de ses droits sur l'instruction que peut l'être le gouvernement actuel. Cependant, par un arrêté de 1827, il avait accordé au bureau la faculté de présenter deux candidats; et si le gouvernement n'était pas satisfait de la présentation, il avait le droit d'en exiger une seconde.

C'est exactement ce qui est dans l'amendement, avec cette différence toutefois qu'au lieu du bureau c'est le conseil communal lui-même qui présentera les candidats.

Jusqu'à présent la nomination des professeurs a appartenu aux communes qui ont des établissements d'enseignement moyen. Comme l'a fait observer M. le ministre des finances, il est vrai de dire que ces établissements, loin de tomber, sont dans un état de prospérité remarquable. Il y en a quelques-uns qu'on peut citer comme des établissements modèles.

Le pouvoir communal, qui avait la nomination des professeurs avait assurément le plus grand intérêt, plus grand que celui que pourrait avoir le gouvernement, à ce que le corps enseignant fût parfait, instruit, digne de toute la confiance des pères de famille. Mais voyez à quels dangers vous exposeriez vos établissements en laissant la nomination au gouvernement. Comme on vous l'a déjà dit, le gouvernement est changeant de sa nature; le ministère d'aujourd'hui n'est pas le ministère du lendemain, et comme malheureusement on a donné au projet de loi un caractère politique, il serait possible que la politique présidât au choix du personnel.

Supposez une grande ville où il y ait deux institutions : l'une dirigée par une corporation quelconque, l'autre dirigée par le conseil communal ; qui vous dit que le gouvernement n'aura pas la faculté d'enlever à cette institution quelques-unes des personnes qui font sa réputation, et d'éloigner ainsi les élèves qui s'y trouvent? Ne pourrait-il pas ainsi détruire toute concurrence et assurer le triomphe à celui des deux établissements qu'il voudrait favoriser? Il est donc certain que, dans l'intérêt de la commune, il faut lui laisser la nomination des professeurs.

Mais, dit M. le ministre des finances, pourquoi avez-vous réclamé la loi? Si vous ne laissez pas au gouvernement le droit de nomination des professeurs, que lui restera-t-il? Mais il lui restera la direction de l'établissement, la formation du programme et tout ce qui concerne les études en général. Mais n'est-ce donc rien ? Ne serait-ce pas investir le gouvernement d'une autorité assez étendue?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il l'a déjà.

M. Delehaye. - Oui, dans quelques localités ; mais pas partout.

Je le répète, ne serait-il pas possible, dans le système du projet, avec toutes les apparences de l'impartialité, de faire tort à un établissement par la composition du corps enseignant?

Ainsi l'athénée de Gand doit sa réputation à son personnel. Ne serait-il pas facile de lui enlever ceux qui constituent sa supériorité, et de les remplacer par d'autres qui ne jouiraient pas d'une semblable réputation?

Mais, me répond-on, cela peut avoir lieu également aujourd'hui ; un bon professeur peut quitter l'établissement. Cela est vrai. Mais le conseil communal, appelé à combler le vide laissé par le départ de ces hommes de mérite qui assurent le succès de son établissement d'instruction, pourra les remplacer par des hommes d'un mérite équivalent également capables d'assurer le succès; il ne se verra pas imposer des professeurs qui discréditeront l'établissement.

J'ai confiance dans le ministère actuel ; je suis persuadé qu'il ne cherchera pas à favoriser une localité aux dépens d'une autre. Mais en sera-t-il ainsi avec les ministères qui sont appelés à lui succéder?

Et puis, messieurs, n'y a-t-il pas d'autres inconvénients? Je suppose un homme extrêmement marquant dans l'enseignement ; le gouvernement l'attache à un collège; les autres n'auront-ils pas le droit de se plaindre? Il n'en est plus ainsi quand les professeurs sont nommés sur la présentation du conseil communal. C'est la représentation la plus fidèle de la commune; c'est à elle que nous accordons une influence dans le choix des professeurs.

Je me résume donc : jusqu'à présent les conseils communaux, en général, ont répondu de la manière la plus complète à l'attente du pays. Ils sont tout au moins aussi intéressés que peut l'être le gouvernement à avoir un corps enseignant tout à fait capable de répandre l'instruction. Vous ne pouvez, ce me semble, par une loi à laquelle (bien à tort, je le reconnais) on a donné un caractère politique, donner le droit de nomination au gouvernement, sans ajouter quelques garanties.

Je persiste dans la proposition qui a été faite.

(page 1330) M. de Mérode. - Messieurs, si le pouvoir communal n'a pas d'autorité dans la nomination des professeurs des athénées, l'enseignement sera tout à fait traité comme l'administration des finances, qui envoie d'un lieu à un autre les receveurs des contributions et accises ou de l'enregistrement. Pour cet objet, messieurs, il ne s'agit que d'une besogne matérielle; mais pour l'éducation, il s'agit des enfants des familles de chaque localité, qui se trouveront à la merci de tous les changements qu'il plaira à la bureaucratie scientifique centrale d'ordonner.

On traitera les collèges comme les régiments où le ministre de la guerre fait permuter les officiers selon les besoins du service général et pas du tout dans l'intérêt des soldats qu'ils sont destinés à commander.

Mais quand il s'agit, non pas de soldats à exercer, mais d'enfants à élever, le même régime est-il applicable? Quelle confiance pourront avoir les familles dans un collège dont les maîtres seront inconnus même à l'autorité locale, et qui seront expédiés de tous les coins du royaume selon les convenances du gouvernement. Vraiment, messieurs, transformer un gouvernement dont les ministres changent si souvent de portefeuille, en dispensateurs de toutes les fonctions professorales, c'est traiter la jeunesse d'une manière qu'on ne peut comprendre quand on a pour elle quelque sollicitude.

Ahl messieurs, quelle singulière paternité que celle d'un pouvoir déjà surchargé de tant de besognes diverses, et qui embrassera une responsabilité surhumaine!

Je ne puis concevoir qu'il y ait en Belgique un seul homme qui ose prendre la responsabilité d'une paternité pareille.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le discours de l'honorable M. de Mérode est la condamnation la plus complète de la loi d'instruction primaire, pour laquelle cependant, je crois, il professe une très grande estime. La loi d'instruction primaire abandonne au gouvernement la faculté de nommer tout le personnel des écoles primaires supérieures, directement, sans prendre en aucune manière l'avis de la commune.

Les propositions qui vous sont faites auraient pour effet de dénaturer le caractère de la loi. Nous faisons une loi qui a pour but de régler l'enseignement donné aux frais de l'Etat par l'Etat. Les amendements qui sont présentés changeraient la loi en une loi d'instruction publique donnée aux frais de l'Etat par les communes. Ce n'est pas là ce que la Constitution a voulu.

On suppose que les conseils communaux des villes ont pour eux l'infaillibilité, que le gouvernement ne peut faire que de mauvais choix. On nous l'a dit tout à l'heure avec beaucoup de naïveté : les conseils communaux feront toujours d'excellents choix ; on n'a pas la même garantie de la part de l'Etat.

En outre, dit-on, le gouvernement est composé d'hommes qui peuvent changer.

Mais est-ce que les conseils communaux sont toujours composés des mêmes éléments? Est-ce que l'opinion ne peut pas exercer son empire sur la composition des conseils communaux comme sur la composition des ministères?

Je dirai à mon tour aux honorables membres qui veulent bien faire acte de confiance dans le ministère actuel, qui veulent bien dire que si le ministère était toujours composé des mêmes hommes, ils leur confieraient volontiers la nomination des professeurs, je dirai aussi à ceux qui occupent des fonctions élevées dans les administrations communales : Si vous étiez toujours bourgmestres, je vous confierais volontiers la nomination des professeurs; mais les destins sont changeants pour les bourgmestres comme pour les ministres, il faut donc faire la loi indépendamment des personnes qui président aujourd'hui à l'administration du pays ou à l'administration de la commune. Nous faisons une loi de principe, abstraction faite des personnes qui doivent les exécuter.

On ne veut pas, messieurs, que le gouvernement ait en mains les moyens de déplacer, de faire passer les professeurs d'un collège dans un autre. C'est là, au contraire, une disposition extrêmement utile, désirée surtout par MM. les professeurs eux-mêmes. On a peu parlé jusqu'à présent des professeurs ; et cependant ils doivent se produire, être comptés pour quelque chose dans la loi d'enseignement.

Il faut, messieurs, que cette loi fasse une carrière au corps professoral. Il faut qu'elle émancipe le professeur des liens de la commune. Le professeur s'élève à la hauteur d'un fonctionnaire public; il n'est plus un simple employé municipal.

La loi actuelle, messieurs, n'aurait pas de but, si elle devait enlever à l’Etat la part d'intervention directe qui lui revient dans la nomination des professeurs. Loin d'avoir rien organisé, elle désorganiserait, loin d’avoir donné quelque chose à l'Etat, ce qu'il a elle lui enlèverait. Car aujourd'hui l'Etat est en possession de la nomination directe des professeurs dans toutes les écoles primaires supérieures, dans les écoles industrielles, dans plusieurs athénées. Ce serait donc une loi de spoliation contre l'Etat que nous viendrions vous proposer!

Messieurs, si le gouvernement est chargé de diriger l'instruction publique dans un certain nombre d'établissements, s'il a la responsabilité de cet enseignement, il faut que ceux qui sont chargés de le donner soient avant tout des hommes de sa confiance.

Je pense que le gouvernement sera au moins aussi intelligent, et dans tous les cas, sera bien mieux placé que les administrateurs communaux pour connaître, dans tout le pays, quels sont les hommes qui peuvent être préposés à l'enseignement avec le plus d'utilité pour l'enseignement lui-même. Un conseil communal n'est pas placé d'une manière aussi favorable que le gouvernement pour connaître, dans tout le pays, les capacités, les aptitudes et les intelligences.

L'amendement qu'on nous a proposé, dans de bonnes intentions, je le reconnais, serait une source de conflits non seulement entre les communes et le gouvernement, mais entre les communes entre elles.

Une commune saura que dans une autre ville se trouve un professeur sur lequel repose la prospérité d'un établissement. Elle cherchera à attirer ce professeur en lui offrant certains avantages; elle le présentera comme candidat à la nomination du gouvernement, et le gouvernement devra passer par la volonté de la commune sous peine de soulever un conflit.

Le gouvernement doit surveiller l’enseignement moyen partout ; il doit une égale sollicitude à l'enseignement moyen répandu dans tout le royaume. Les communes, au contraire, agissent, au point de vue purement local, au point de vue égoïste; elles ne se feront pas le moindre scrupule de désorganiser un établissement d'enseignement voisin, en appelant à elles le personnel de cet établissement; et comme elles auront le droit de présentation, il faudra que le gouvernement, sous peine d'élever un conflit, travaille à désorganiser lui-même les établissements de l'Etat.

Cela n'est pas possible. Il ne faut pas que les communes puissent faire la loi au gouvernement, sinon, répétons-le, cette loi serait l'organisation d'un enseignement donné par les communes, avec les ressources et sous la responsabilité de l'Etat.

Nous repoussons donc de la manière la plus absolue le système qui consisterait à ne nommer les professeurs que sur présentation de candidats. Nous avons fait une large concession qui déjà sera une entrave pour l'action administrative.

M. Delehaye. - Laquelle?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - N'êtes-vous donc pas au courant de nos débats? Nous l'avons dit à plusieurs reprises; je vais encore le répéter pour vous,et pour vous seul probablement. Nous avons fait cette grande concession qu'avant de faire une nomination le gouvernement prendra l'avis du bureau d'administration. Qu'est-ce que cela? C'est remettre indirectement les candidatures entre les mains de la commune, car il faudrait des circonstances toutes spéciales pour que le gouvernement s'écartât de l'avis du bureau d'administration et imposât à la commune un professeur dont elle ne voudrait point.

Ainsi, messieurs, je dis que nous faisons/au point de vue communal, tout ce qu'il est possible de faire. Je crains même que nous n'allions trop loin sous ce rapport, que nous ne paralysions l'action du gouvernement en laissant à la commune cette part très grande, c'est-à-dire l'avis à donner sur les nominations.

Dans votre système, comment se fait-il que vous admettiez la nomination des bourgmestres par le Roi sans présentation? Comment, le Roi nomme les bourgmestres et les échevins sans présentation, et il ne pourra pas nommer un professeur sans présentation !

On vient de vous dire que cette loi ne laisse rien à la commune que les charges. Il serait plus vrai de dire que la loi laisse presque tout à la commune, sauf les charges ; aujourd'hui beaucoup de communes supportent les deux tiers ou la moitié des frais de l'établissement ; à l'avenir elle ne payera plus que le tiers, le trésor public payera les deux tiers. Voilà la transformation qui va s'opérer. Ne dites donc pas que nous ne laissons à la commune que les charges, mais reconnaissez, au contraire, que nous allons dégrever les communes de charges considérables pour les reporter au budget de l'Etat.

En outre, nous garantissons aux communes une part d'influence dont elles ne jouissent aujourd'hui que par tolérance, car je soutiens que, pour plusieurs communes, le gouvernement aurait pu agir comme il a agi à l'égard de la ville de Hasselt; il aurait pu n'accorder ses subsides qu'à la condition que tout le personnel serait nommé par lui. (Interruption). On l'a fait à Hasselt; pourquoi ne l'aurait-on pas fait ailleurs? On était en droit de le faire. C'est ainsi qu'on a successivement soumis tous les établissements à l'inspection, au programme, aux concours.

Ainsi donc la loi va garantir aux communes des avantages dont elles ne jouissent aujourd'hui qu'à titre précaire, qu'il dépend du gouvernement de faire cesser du jour au lendemain.

Je crois que ceux qui reprochent à la loi de ne pas faire assez pour les communes, ressemblent beaucoup à ceux qui reprochaient à la loi de ne pas faire assez pour l'enseignement religieux, pour le clergé. La loi fait à la commune comme elle fait au clergé la part légitime qui leur revient. Je ne sais pas, du reste, de quelle manière les amendements proposés seront acceptés sur certains bancs. Nous verrons la suite des débats. Quant à nous, nous ne pouvons en aucune manière les accepter.

(page 1331) M. Delfosse. - Messieurs, les amendements que viennent de présenter les honorables MM. Fontainas et Loos ont une grande importance; ils peuvent avoir une grande portée. Je demande l'impression de ces amendements et la continuation de la discussion à demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi frappant de déchéance et déclarant acquis au trésor les titres de certains emprunts, non présentés à l’échange ou au paiement

Dépôt

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui frappe de déchéance et déclare acquis au trésor de l'Etat le montant des obligations, récépissés et coupons d'intérêt prorata des emprunts décrétés par les lois du 26 février et du 6 mai 1848, qui n'auront pas été présentés à l'échange ou au payement dans les délais voulus.

Ce projet de loi est très important et très urgent; il convient que la chambre l'examine et puisse le voter sans le moindre retard.

Je dépose également un projet de loi qui ouvre divers crédits supplémentaires aux budgets de la dette publique, des finances et des non-valeurs et remboursements.

On pourrait renvoyer ces deux projets à la section centrale qui a examiné le budget des finances.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.